ANDREA BRUNO
AB/BDN
BOUILLON DE NEANT
LA FÊTE RECOMMENCE. LES AVIONS DE L’OTAN PASSENT AU DESSUS DE NOS TÊTES AVEC UNE ÉTONNANTE RÉGULARITÉ ET LÂCHENT DES BOMBES À TOUT VA. On n’arrive vraiment pas à savoir de quel côté ils sont. D’ici peu, il ne restera pas même un arbre debout.
Tonio et moi, nous sommes pris d’un fou rire.
Dis, Rosso, tu la connais celle du curé bien monté ?
Si seulement nous avions hésité un seul jour de plus, va savoir où nous serions maintenant. Probablement dans une fosse commune, la poitrine ouverte ou quelque chose comme ça. Alors que nous sommes là, vivants parmi les morts, à regarder le feu d’artifice.
Tonio, le croque-mort commence à sentir mauvais.
Et alors ? Cherche une fosse et jette-le dedans. J’ai cru en voir quelques unes dans les environs. Ha, ha...
J’ai rencontré Tonio il y a trois jours. Quand il m’a proposé de déserter, il ne m’a fallu qu’un instant pour me décider. Pendant ces trois jours, nous ne nous sommes jamais séparés. J’ai fini pour m’habituer à son odeur pestilentielle et à ses blasphèmes incompréhensibles.
Mais son sens de l’humour, j’arrive toujours pas à le supporter.
Allez, pour l’Italie !
En avant, les fiottes ! En avant !
Écoute, Loturco. Nous nous tirons, Rosso et moi. Qu’est-ce que tu en dis, de venir avec nous ?
Tonio, je te dis que ce connard va nous dénoncer. Descendons-le et on en parle plus.
Vous débloquez, les gars ! vous Avez vu ce qu’ils font aux déserteurs ?
Non, non, s’il vous plaît. Je ne vous balancerai pas. Je le jure ! Alors, tu viens avec nous et tu nous casses pas les couilles !
Écoute, je ne resterai pas un seul instant de plus dans ce bordel. Tu leur diras que les curés nous ont eu.
Regarde là-bas. Trois des nôtres qui se font la belle.
Nous avons réussi à nous faufiler entre les lignes. Puis, nous avons couru pendant toute la journée et la nuit suivante.
Ils ont eu Loturco !
Rien à foutre, allons-y !
à travers les champs, les bois, les vallées...
Sans jamais nous retourner.
Tonio avait raison. Le cimetière s’est révélé un refuge sûr. Maintenant, les bombardements se sont arrêtés et les curés commencent à ratisser.
Comment entrerons-nous en ville ? Nous partons demain à l’aube.
Je connais des siciliens qui peuvent nous faire entrer. Des gars bien. Ils ont commencé avec le marché noir et maintenant ils contrôlent tout en ville.
Je fais pas confiance aux siciliens.
Qu’est-ce que tu racontes, Rosso. Tu ne dois pas leur faire confiance...
...tu dois me faire confiance à moi.
Et vous la connaissez celle du curé bien monté ?
Écoutez...
Salvatore ! Salvatore ! Venez, vite !
Avez-vous remarqué ce petit cimetière dans la vallée ? J’ai l’impression d’y voir quelqu’un. Quelqu’un de vivant, je veux dire.
Éminence...
Demain, vous formerez un peloton et vous irez jeter un coup d’oeil. Ha, ha, ha !
Oui, Éminence.