Titre original : Kosmista kauhua Traduit du finnois par Kirsi Kinnunen Lettrage : Matthieu Rougé ISBN : 9782878271904 Dépôt légal : Troisième trimestre 2015 © 2014, Aapo Rapi © 2015, Rackham pour l’édition française contact@editions-rackham.com www.editions-rackham.com
Achevé d’imprimer en juillet 2015 sur les presses de Graficart à Resana (Italie)
J’ai encore passé une nuit cauchemardesque. Tu veux dire une journée ?
Peu importe, tant que c’est fini.
Je pensais y mettre les idées et les histoires qu’on se raconte le soir.
Je voulais te montrer un truc…
Hé, hé, excellent…
Le plus dur est de commencer, je trouve.
Mais il suffit de se lancer et le reste suivra, voilà tout ! faut un début à tout.
À mon avis, le plus beau début possible, c’est…
Cliché ou pas cliché, il y a tout ce qu’il nous faut : “ une nuit… sombre… orageuse… ”
“ par une nuit sombre et orageuse… ”
Non, non, ça doit se baser sur des faits réels et nos anecdotes à nous !
Rhââ ! Plus cliché tu meurs ! Ça va pas du tout. J’avais dans l’idée d’y écrire nos propres histoires !
Et cette nuit n’est même pas…
Bravo, bravo‌
Je vous présente…
Ah, ah, ah ! Excellent !
Tiens, joue-nous quelque chose d’orageux !
Allez, mon fidèle Igor !
“ Al dante ”, hé, hé…
Dis, ça fait pas trop flonflon ?
Non, non, continue à jouer, c’est parfait.
Bon sang, pourquoi Charlot a eu autant de succès dans les années 80 ?
Qu’on vienne me recommander ses films, je n’en reviens pas.
Quoique… écouter plus d’un morceau de ce genre, ce serait comme regarder un film de Charlot en entier.
Ben, rien que des affiches, y’en avait partout… Son style collait avec l’époque sans doute.
Il doit être super drôle si tout le monde l’aime… Non mais quelle connerie…
Ne le prends pas mal. Des notes lourdes… une nuit… sombre… orageuse…
Un dessin animé en noir et blanc de Charlo, une fleur rouge à la boutonnière, une petite touche personnelle et chaleureuse…
Un pauvre mec qui flotte dans son froc, c’est pas drôle, bon sang…
Qu’est-ce que je voulais dire…
C’est sans doute un groupe de citoyens inquiets.
Il faut leur ouvrir, je suppose.
Ah, ah, ah, une touche chaleureuse !
Un frimeur qui voulait marquer le coup, voilà tout !
Qu’est-ce qu’il nous emmerde avec sa démarche de canard !
çui-là, C’est un furieux, !
Puis ces messieurs dames se dirigent tout droit vers les tables, sans même me saluer.
Que nenni ! C’est des “ Oh, quel endroit lugubre ! ” et des “ Chéri, cet homme taciturne me fait peur ! ” et encore des “ Appelezmoi le patron ! ”
On est tous les deux capables de jouer le rôle de l’autre
Peut-être que c’est une bande de bobos perdus.
Alors que moi, j’exige un certain niveau de savoirvivre.
Puis commencent les cris hystériques.
“ On s’attendait à un peu mieux qu’une cafète de station-service, gna-gna-gna. ”
Après un dîner et tout l’tintouin, je leur présente les chambres au cas où…
On pourrait espérer qu’ils éructent un minimum de remerciement.
Ah, j’avoue que le fastfood est mon péché mignon…
Écoute, si on échangeait les rôles ! Ce soir, Igor, c’est moi. Sérieux ?
Oui ?
Je voudrais parler au patron.
oui, Bien sûr… un instant, je vous prie.
Alors ?
Rien de grave… Un gratte-papier fouinard avec des formulaires sous le bras…
Ne le prends pa s mal mais tu de vrais te cacher juste le temps de…
C’est rempli de bouteilles vides là-dedans !
niveaux allocation c’est déclaré pour un seul habitant ici.
Grmpf !
Pff.
Il y en a des pleines aussi, magne-toi !
Oui ?
Pardonnezmoi, en fait le patron, c’est moi. J’avais oublié.
Et les au- Oh, je tres habi- vis seul depuis tants ? une éternité, vous savez.
Je dois malgré tout vérifier certains renseignements et effectuer l’inspection générale obligatoire…
Bien sûr. Entrez, je vous en prie.
Voyons voir…
Quelle sorte de vie menez-vous, au fait ?
La société ne peut fermer les yeux sur un cas comme le vôtre.
… de vin.
Hum, D’accord… Je vois… aïe, Aïe, aïe…
Plaît-il ?
Le jour, c’est plutôt mort par ici.
Vos routines journalières, par exemple.
C’est une réponse trop vague.
nous allons dresser un bilan complet de votre situation.
Euh, c’est quoi ?!
Hu hu !
Les esprits me parlent, je leur réponds.
Ça n’est pas du tout…
Parfois, je me cache pour boire une tasse de chocolat chaud…
Ne vous en faites pas, c’est une simple formalité… Bien que votre cas requière certainement des compléments d’information…
J’estime que vous avez perdu le sens des réalités et que votre marginalisation se traduit par une identification à certains personnages fictifs…
Vous buvez ?
Je ne bois jamais…
Les enfants de la nuit – ô comme leur musique est belle…
Je vois ! Vous refusez de coopérer ! Très bien ! Vous allez donc me rédiger un rapport sur votre vie sur papier libre ! Vous nous le transmettrez…
… aux heures de bureau !