Journal d’un défaitiste
Titre : Journal d’un défaitiste. Titre original : Notes from a Defaitist. Textes et dessins : Joe Sacco. Traduction : Sidonie Van den Dries. Lettrage additionel : Jean-Marc Troubet. L’éditeur remercie Bernard Van den Dries et Gijs Stuyling de Lange pour leur précieuse collaboration ISBN : 2-87827-074-6 Dépôt légal : troisième trimestre 2004. © 2003 Joe Sacco. Tous droits réservés. © 2004 Rackham pour l’édition française. Rackham 5, rue Hoche 93100 Montreuil info@editions-rackham.com www.editions-rackham.com Achévé d’imprimer en juillet 2004 sur les presses de Grafiche Milani à Segrate (Italie).
JOURNAL D’UN DÉFAITISTE JOE SACCO
RACKHAM
J
e les entends ricaner. Ceux qui veulent ma peau. Ils disent que c’est un reconditionnement éhonté de mon œuvre, déjà si souvent reconditionnée. Ils ont tout vu dans War Junkie, ou dans Plein feu sur un génie nommé Joe Sacco. Et ils vous diront que ça ne vaut pas un travail plus explicitement politique, comme Palestine ou Gorazde. Ou bien que mon œuvre politique est une escroquerie, et que ce recueil est encore plus ignoble. Je les entends envoyer leurs mails et se connecter à leurs forums. Ils aiguisent leurs couteaux virtuels. Ils pensent que je suis fini, que je ressasse sans fin les mêmes thèmes éculés. Comme je vous le dis. Ils n’aiment pas l’idée que je croule sous l’argent et que je peux me payer les plus belles filles. C’est vrai, Mesdames et Messieurs : après des années de lutte, dont certaines sont rapportées dans ces pages, après des années passées à ôter les miettes de pain du bec des pigeons, je suis enfin arrivé au port. Ma carrière connaît un succès fracassant ! J’en suis le premier surpris. J’ignorais que l’on pouvait être aussi riche. Un jour, en ouvrant la porte, je me suis retrouvé nez à nez avec un chauffeur de fourgon de la Brink’s. « Où on met tout ça ? », m’a-t-il demandé. Je l’ai embrassé sur les deux joues. J’ai divorcé vite fait de la femme qui me collait aux basques depuis des années et j’ai engagé un soigneur. Je fais dix ans de moins. Tout baigne. Finalement, je ne sais pas trop pourquoi ce livre s’appelle Journal d’un défaitiste. Le titre a dû émerger d’un brainstorming. Ces décisions insignifiantes ne m’appartiennent plus. Je me contente de lire mes relevés de droits d’auteur. Ce n’est même pas moi qui écris cette introduction. Je suis en fait un assistant sympathique qui signe du nom de Joe Sacco. Et j’espère qu’il m’appellera la prochaine fois qu’il aura besoin de compagnie à Paris. C’est là qu’il est en ce moment. Il soigne sa crise de la quarantaine dans les clubs français. Je vous en prie, achetez le Journal d’un défaitiste. Ce livre retrace les débuts d’un vieux monsieur. Il y a des moments poignants, c’est l’occasion de quelques bonnes rigolades. On y trouve aussi un peu de sexe, un peu de rock’n’roll. Un peu d’autobiographie et un peu de satire. Un peu de guerre et un peu de politique. Disons que ça étoffera la colonne crédit de son compte en banque et ça, c’est bon pour moi. J’ai l’intention d’exploiter les faiblesses qu’il peut enfin se permettre, et le taper de quelques centaines de milles. Il est là pour ça. Avant qu’il n’ait tout claqué dans ces implants capillaires hors de prix dont il n’arrête pas de parler.
INTRODUCTION
Joe Sacco Oct. 2002
Première partie
GÉNIE DE LA BANDE DESSINÉE
là, je suis dans mon appart, au sud-est de portland… j’écoute ma cassette des doors…
vous m’accompagnez ?… allez… j’insiste !!
dans quelques secondes, je me rue sur la glace pour admirer mes cheveux longs… m’oui… ça vient…
y’en a que ça va emmerder…
tant pis… faudra qu’ils s’y fassent …
hmmm… cinq heures… c’est l’heure où j’ai faim…
voyons voyons …
je suis un génie de la BD!
j’essaie de suivre un régime diététique comprenant les trois groupes essentiels d’aliments… pain, margarine et soupe de tomates campbell’s…
oi
on gagne du temps et ça fait moins de vaisselle si on prend son repas quand il est encore sur le gaz...
sl
ur
qu
?
p
z’avez déjà mangé ?
!
… mm mm bon é h c
! n i i u O
alors, ça vous dit ?
vous une grospréféreriez je parie être chez que stan se tranche de vache stan, hein? mange un steak ce morte… bien juteuse. soir…
un jour… en première ou deuxième année de fac, en oregon… j’ai dit à stan qu’il était un mauvais étudiant… merde, tu crois ?
t’as sûrement raison…
je pouvais dire ce genre de truc à stan… il respectait mes grands principes…
je dois vous dire un truc…
ouais
Monde Rée l
m’en parlez pas…
mes grands principes… phi béta kappa…
je sais ce qui se passe dans ces tours…
c’est quoi cette merde, là, derrière les barbelés…
une fois que t’es opérationnel et docile, ils te laissent entrer…
stan s’est retrouvé dans une grosse agence de pub à new york… puis pdg d’une petite boîte…
et putain, t’es tellement satisfait de la cravate qui t’étrangle et de l’écran qui te fait loucher…
moi ? j’ai ramé ! vous voulez des détails sur mon nadir ?
c’est quasi sexuel !
évidemment… ma souffrance vous distrait.
j’ai pas laissé tomber… j’avais pas l’étoffe d’un carnassier et tous ces cons en costume-trois-pièces-air-conditionné qui bâillaient sur mon cv le sentaient… je postulais désespérément pour une place de conseiller crédit… bien, ditesmoi…
qu’estce qui vous intéresse au juste dans le prospect ?
j’aurais dû savoir que la partie était perdue… lui rire au nez, le massacrer en hurlant… mieux, lui faire avaler sa plante verte… je serais sorti de taule à l’heure qu’il est…
pareil pour moi…
c’est l’époque où ils te les je ne m’inquiéassurent tant tais pas pour que tu te contentes mes dents… de sourire et d’opiner, le cul sur ta chaise jusqu’à la retraite…
ouaip !
j’ai tout lâché pour devenir un génie de la bd…
mes principes ont pris la relève… le vapeur «joe sacco» vogue sur la mer du réel… qu’importent les torpilles… fini l’alimen-taire…
j’ai une molaire du haut sensible au froid…
j’emmerde le marché ! mais je ne suis plus assuré… t’vois fette dent, bordel…
regarde le travail que j’ai fait sur la peste noire. j’y ai mis toutes mes tripes.
m’faudrait un dentifte…
tu préfères mater vanna white* qui retourne des cartes plutôt que de lire cette planche ? c’est ton problème…
je suis pas ta vanna white… je ne retourne pas de cartes…
Allô !
j’ai pas de nichons non plus… je suis un putain de génie de la bd.
* : Ndt : Vanna White : présentatrice dU JeU «LA ROUE DE LA fortune», dans les années 80 aux États-Unis.
QU’EST-CE QUE TU �VEUX!?
hein… ça va stan… quoi de neuf ?
des storyboards pour un de tes clients ? urgent? moi ?
euh… oui… j’ai le temps de faire des storyboards…
hmmmm… bon… le prix me paraît correct…
un brunch ? oui… c’est la boîte qui paye ?
à plus…
vous m’avez entendu lui dire «le prix me paraît correct»…
s yDe tor s s rd oa r ! b poutan S
s Desboard r u y r o sto p ! tan S
quelle classe !
et avec ce que ça va me rapporter, des semaines sans compter… un putain de steak, mec !
et stan aura peutêtre d’autres story-boards à me refiler.
faut que je descende m’acheter un steak !!
faut bien que quelqu’un les fasse… autant que ce soit moi !
non ! je suis pas un vendu…
je suis pas un martyr, c’est tout…
l’art c’est l’art, le steak c’est le steak…
même si je j’en referai, dois torcher des bd. quelques story-boards…
des story boards…
rien que pour moi ! eh, je suis un vrai...
génie du story-board !!
ou quand j’aurai du temps libre…
miam… regardez ce morceau bien saignant… allez ! goûtezmoi ça! p.s. : stan a rappelé le soir pour annuler la commande de story-boards… joe sacco digérait son steak… il restera donc… un authentique génie de la bd!!
Deuxième partie
HUIT PERSONNAGES
m. arnold homecastle était un employé modeste et tranquille de la comptabilité, au quatrième.
personne n’avait suspecté qu’il fut marxiste. «jusqu’ici, l’histoire des sociétés se résume à la lutte des classes, wilfred »
son travail était irréprochable. «la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. sa chute est aussi inéluctable que la vic-toire du prolétariat.»
mais arnold homecastle était trop consciencieux pour que ses opinions politiques in-terfèrent avec son travail.
jusqu’à cette nuit-là…
MON DIEU ! L’HEURE A SONNÉ DE LA LUTTE DES CLASSES !
LA FERME! À CÔTÉ Il est temps pour moi d’agir, wilfred. ou je me ferai à jamais horreur d’être resté en touche alors que la révolution était à portée de main !
arnold décida donc de dépasser son quota de boissons.
le jour suivant, il consomma plus que sa part des breuvages gratuits que l’entreprise mettait à sa disposition.
thé, café, cidre, chocolat chaud, bouillon de poule…
«l’anéantissement total de la bourgeoisie doit précéder la dictature du prolétariat.»
chaque jour, arnold homecastle augmentait sa consommation de boissons. c’est le dixième cet aprèsmidi. ils vont devoir acheter une nouvelle caisse de cidre.
hélas, la prise répétée de liquide eut un effet néfaste sur son système digestif.
le soir, il sortait sa règle à calcul. à ce rythme, les réserves financières de l’oppresseur capitaliste baissent de 8O $ par mois, soit de 960 $ par an.
et un jour, alors qu’il contemplait son 27e verre de cidre de l’après-midi…
tu souris, wilfred, mais marx nous dit : «la contestation viendra d’abord du travailleur individuel»…
les reins d’arnold homecastle lâchèrent...
enencore… un…
bon sang homecastle, c’est la troisième fois ce matin ! vous ne trouverez sans doute pas de statue d’arnold homecastle. Son nom ne sera pas davantage mentionné, dans un seul souffle, avec ceux de lénine et trotski.
en fait, on est même surpris de le rencontrer dans une bd.
pour mieux comprendre le sexe opposé, oliver limpdingle épluchait les pages des journaux féminins. hmmm… d’après ce sondage, 85% des femmes célibataires attendent des hommes qu’ils les traitent avec plus de res pect.
ne pas oublier de surligner ça en jaune.
ne et u ante nn éto y end!! happ par conséquent, les rares à accepter un rendezvous d’oliver ne réitéraient pas l’expérience. bon, c’est votre annonce disait vopas ce soir tre intérêt pour l’art. pour ma part, je suis qu’on va déchirer mon noufou de wyeth’s veau diaphhelga. ragme.
en dépit de ses nombreux échecs, oliver savait que la fille de ses rêves l’attendait quelque part. je ne cherche pas une beauté éblouissante… juste quelqu’un de gentil et de tendre qui m’aimera comme je suis…
pas de grosses bien sûr!
du lait?
beefbruno le costaud fait son entrée, avec un petit conseil amical… faut travailler ton image, mec. comment tu veux te faire une minette je crois que sinon ? je cherche quelque chose d’un peu plus profond qu’euh… une minette !
d’abord : avoir l’air décontracté…
quand t’as l’air décontract, tu te sens décontract…
et ça, les filles le sentent…
elles te sautent dans le pantalon. on prend ce qu’on trouve, mon vieux ! woof woof !
mais qu’est-ce que je ferais d’une femme qui me désire sexuellement à cause de mes habits ?
la seule tête qui t’intéresse, c’est celle que les filles vont faire en te voyant rouler à mach 2 sur l’autoroute !
pas seulement tes habits, mec…
woof woof!
…ta voiture neuve aussi !
mais ça va me coûter les yeux de la tête !
on peut donc considérer que la malgré ses habits élé première et la deuxième guerre gants et sa voiture flambant neuve, oliver mondiale ne sont en fait qu’une seule guerre avec une brève interdemeurait – pour l’essentiel – oliver. ruption. j’irai jusqu’à dire que la genèse du conflit est dans la guerre franco-prussienne, voire – je vais m’expliquer – qu’elle remonte aux révolutions européennes de 1848… mais commandons d’abord. je suis affamé!
et là, alors que notre histoire menaçait de sombrer dans un pathos insatisfaisant, une chose merveilleuse est arrivée… une chose incroyable, miraculeuse… le genre de chose qui n’arrive que dans les romans de gare et les films grand public d’hollywood.
elle est arrivée à beefbruno le costaud. mais elle n’est pas arrivée à oliSon épouse de 87 ans s’est éteinte au cours ver limpdingle… de leur nuit de noce, lui laissant trois hmm… ils disent luxueux appartements, 12 millions de dollars ici que les femmes et une île de taille moyenne dans le pacifique. préfèrent la c’est ça… elle a tendresse à gargouillé et bon, l’amour «plop», elle a tour- vous arrivez bestial. né de l’œil. avant que le champagne tiédisse ?
quelqu’un peut-il résilier son abonnement ?
zachary mindbiscuit lisait les journaux chaque matin et, chaque matin, son exaspération grandissait… t’as lu ça, moppy ? une centrale nucléaire aux portes de la ville !
parfois, zachary mindbiscuit éclatait en sanglots à la seule pensée d’une catastrophe possible. le nucléaire sans danger, ça n’existe pas ! ces imbéciles se trompent et nous trompent… et les enfants ! ont-ils pensé aux enfants ?
et zachary mindbiscuit fit une déclaration publique… tant que durera la construction de l’usine nucléaire, mon petit chat moppy sera privé de repas !
c’est de la folie ! de la folie !
alors, un jour… moppy, il faut empêcher cette folie ! toi et moi, on va faire quelque chose ! on va secouer les gens pour les sortir de leur torpeur suicidaire !
ainsi commença une grève de la faim qui déshonora la ville… …m. mindbiscuit a annoncé que son chat regarde, moppy ne serait plus moppy, on passe à nourri tant que la télé! le maire n’arrêterait pas le chantier de la centrale…
jour 1
mia
ou
difficile ? j’ai failli pleurer ce matin. ça me fend le cœur de voir ce petit moppy attendre patiemment devant le frigo que le maire ordonne l’arrêt des travaux ! nous prenons l’appel suivant. bonjour. ici k-rap, on vous écoute.
le flash du matin ? un vol new york première classe ? ah bon ?
…le petit moppy. à cet instant, il agonise peut-être sur le sol de la cuisine !
jour 2
ou
mia
ça doit être une terrible épreuve pour vous ! au troisième jour de grève de la faim de moppy, le maire se refuse à tout commentaire sur la poursuite des travaux de la centrale nucléaire. où qu’y va, le réacteur
t’as prévu une dédicace à midi ? mais il déjeune déjà avec le type des auto-collants ?
désolé je n’ai que neuf vies à offrir à mes amis antinucléaires
absolument, ted. je me suis réveillé tout tremblant… et euh, j’arrive pas a me débarrasser de cette migraine… j’arrête pas de penser à mon petit moppy…
jour 7
tout le monde doit vous le dire… mais quel exemple ! je veux dire, affamer un animal au nom de ses principes !
je fais juste ma part, c’est tout. on doit faire des sacrifices pour changer le monde…
v-vous devez être quelqu’un de solide !
… ce n’est pas facile pour autant.
… mais il insiste pour que l’histoire de moppy soit davantage qu’une série télé.
bien ! mon client va signer…
jour 9
se
us
to
le
râ
jour 11
et maintenant, une case de silence pour le petit moppy…
zachary mindbiscuit vit aujourd’hui dans son manoir : quelques hectares de terre dominant la ville et sa centrale nucléaire…
grâce à dieu, je suis loin de cette bombe à retardement !
mais il est toujours décidé à changer le monde… c’est ça ! si nous ne rappelons pas nos troupes d’amérique centrale avant minuit…
…mon petit winky sera immolé par le feu !
bienvenue à bord, johnny !
et me voilà ! assis sur mon fauteuil pivotant, à mon propre bureau, dans mon box à moi…
j’étais sûr qu’ils allaient flasher sur mon cv…
je savais que ce serait l’année de johnny sentence…
oh pardon… vous travaillez dans ce box ?
on va vous mettre sur le compte bedsted.
oui, c’est mon premier jour, on a été présen...
putain, c’est extra…
soupir
ah. j’ai rendez-vous ici à deux heures avec mon ami des comptes à vue. ça vous gêne pas ?
bon, je me mets au boulot, histoire de leur montrer quelle pointure ils ont embauchée !
non, je ne vois pas pourquoi. au fait je me présente…
, ma sa oilà v te chienne lo p e de q ue ! ! ri lu b
on vous dérange pas, mon brave ?
salut ! johnny sentence ! enchanté !
vite enfonce-moi ces quarante cm de gode dans ma bonde !
non ! ah ah ah ! du tout !
pas avant de lèvres sentir tes de mandrin sur mon pitante ! chair pal
l-là ! ! je viens
oh chéri e
!
je-j ! eens i i i v vje suis concentré sur ce bon vieux compte bedsted ! bon sang ! ça fait des plombes qu’ils y sont ! il est presque l’heure…
ton poing! tout entier!
il était temps, espèces de frimeurs…
je vais enfin pouvoir travailler !
j’ai à peine regardé le compte bedsted!
la ! sors- ! et la sors- -moi beurre berts! les ro
ça va être joli !
us pl rd ta
johnny ?
vous ĂŞtes encore sur le compte bedsted ?
mon dieu !
il est couvert de
sperme !
c-c’est oi ! pas m
pourquoi ce tapage ?
ma parole ! mais c’est vrai !
ce jeune homme a éjaculé sur le compte bedsted !
et c’est son premier jour !
hein ?
bou �! hou
je vaisxe vous er… pliqu
u bou�! ho
…
et
d’habitude on attend qu’un cadre soit vraiment impliqué avant de le laisser se branler sur la courbe des profits…
mais pour notre nouvel employé enthousiaste, je crois qu’on peut faire une exception…
oui r ieu ns o m pple! i h w big ouf ! moi qui me croyais cuit !
suivez-nous, mon petit…
vas-y johnny!
au bureau, edwin smallcabbage n’était pas un fonceur ambitieux, et ses supérieurs n’avaient pas l’œil rivé sur lui. merci… ce sera tout… euh… edward
on avait déménagé son bureau au sous-sol pendant les travaux, et oublié de le remonter à la fin. bonjour, william
désolé m. smallcabbage, je ne vous entends pas à cause de la chaudière.
un jour, edwin partagea un ascenseur avec les membres du conseil d’administration.
edwin, m. stompspit.
edwin ne manquait à personne, et nul n’avait remarqué son absence de trois semaines pour cause de grippe (si : william lui avait envoyé des fleurs).
plus tard il confia à william : «je ne sais pas ce qui m’a pris de les suivre à leur réunion.»
de fait, il les suivit, participant ainsi à sa première téléconférence transatlantique et transpacifique. je suggère qu’on achète des yens en francs, à échanger contre des marks.
qu’est-ce qu’on fait de l’argent métal ?
après quoi, le président emmena le conseil déjeuner à son club, puis faire un squash.
vendez.
que ditesvous… euh… mon vieux ?
inflation globale, stagflation.
tà tou it! fa
edwin devint un familier des réunions du conseil. qui est pour ?
il découvrit que tout un monde de privilèges réservés aux membres du conseil s’ouvrait à lui. je veux une voiture, ici, dans dix minutes, mme smidlint
les cocktails en compagnie des tout-puissants surtout l’électrisaient. d’accord, on oublie nos intérêts maritimes, mais on veut une option sur les 50 000 barils de brut.
oui m. … euh…
...ainsi que les mouvements cruciaux de personnel. appelons ça retraite anticipée, hein, stompspit !
o-oui… euh… o-oui monsieur.
à la place de son ancien directeur, edwin nomma william, le préposé à la chaudière. désormais, tu pourras pelleter ton charbon ici, william.
edwin se trouva une suite directoriale, qu’il meubla en chippendale, avec antiquités et trophées de chasse.
de plus en plus souvent, edwin s’envolait pour londres ou paris… premier voyage en concorde, william ?
puis vinrent les chevaux de course...
mme smidlint, faites-moi livrer encore une douzaine de défenses d’ivoire.
… où il fit d’importants achats d’œuvres d’art pour le compte de la société. adjugé ! deux millions de livres.
un ou deux châteaux dans les alpes…
mais un jour, un groupe d’hommes à lunettes noires fit irruption dans son bureau.
et, où qu’il allât, les femmes.
ils disaient venir de la holding et posèrent toutes sortes de questions. on voudrait voir tous les actes.
william, je crois qu’il est temps de redescendre.
qui est allé où…
… qui a dépensé combien…
...et quand.
après quelques semaines, quand il devint évident que l’enquête tournait court, la holding vira tout le management, le président et le conseil d’administration. ont-ils trouvé les coupables, m. small-cabbage ?
apparemment non, william.
alors tout redevint comme avant, et edwin conserva quelques petits trésors pour se rappeler son incursion chez les cols blancs.
as-tu vu mon perfo-rateur trois-trous, william ?
regardez donc sous la pile des van gogh, m. smallcabbage.