LE JOURNAL D’UN FOU GIUSEPPE PALUMBO
R RACKHAM
Titre : Le journal d’un fou Titre original : Diario di un pazzo Textes et dessins : Giuseppe Palumbo Traduction : Latino Imparato L’éditeur remercie Stéphane Bonardo pour sa précieuse collaboration ISBN : 2-87827-059-2 © 2001, 2002 Giuseppe Palumbo Librement inspiré de la nouvelle “ Kuangren riji” de Lu Xun Tout droit réservé © 2002 Rackham pour l’édition française Dépôt légal : premier trimestre 2002
Éditions Rackham 5 rue Hoche 93100 Montreuil (France) E-mail : info@editions-rackham.com
Le journal d’un fou
Cette nuit la lumière de la lune resplendit.
Cela faisait plus de trente ans que je ne la voyais pas et aujourd’hui, à sa vue, je me retrouve d’un moral bien meilleur que d’habitude. Je commence à comprendre que depuis plus de trente ans j’ai vécu dans l’obscurité.Mais, mainte
Mis, mainteant, j dosfaietrès atenon. Sn, puquo l hinde afaille Chao m’auraiil regaé duxfoisujourd’hui ?
J’ai de bonnes raisons d’avoir peur.
Ce matin, quand je suis sorti avec circonspection de chez moi, Monsieur Chao m’a regardé bizarrement, comme s’il avait peur de moi, comme s’il voulait me tuer. Il y avait d’autres gens qui parlaient de moi en chuchotant. Les plus effrontés me regardaient en ricanant ; cela m’a fait trembler de la tête aux pieds, car j’ai compris qu’ils avaient terminé leurs préparatifs.
Un petit groupe d’enfants parlaient de moi de la même façon. Je me suis demandé quel genre de rancœur ils pouvaient bien éprouver à mon égard. Je n’ai pas pu m’empêcher de hurler…
Hurler‌
Chaque chose doit ĂŞtre examinĂŠe avec soin, si on veut la comprendre.
Hier, une femme giflait son fi ls tout en lui disant :
« Petit démon, je devrais te mordre et t’arracher la chair pour apaiser ma colère ! «
Cependant elle continuait à me regarder fixement.
Un de nos métayers a raconté à mon frère aîné qu’un homme de son village, que tout le monde considérait comme un sale type, avait été battu à mort.
Puis, on lui avait arraché le cœur et le foie pour les manger et devenir plus courageux.
Quand j’ai essayé d’interrompre ce récit, tous les deux m’ont regardé fixement dans les yeux. Aujourd’hui seulement je me rends compte qu’ils avaient le même regard que celui des gens croisés dehors.
Ils mangent des êtres humains : donc ils pourraient me manger moi aussi.
Chaque chose doit être examinée avec soin, si on veut la comprendre. Je crois me souvenir que jadis les gens mangeaient souvent d’autres êtres humains… J’ai fait des recherches dans mon livre d’histoire. Je l’ai lu jusque tard dans la nuit, jusqu’à voir apparaître des mots dans les espaces blancs entre les lignes. Le livre était plein de ces mots : « Ils mangent des hommes «.
Ce matin, le vieux Chen m’a servi à déjeuner : des légumes et du poisson cuits à la vapeur. Peu après avoir commencé à manger, je n’arrivais plus à comprendre si ces bouchées visqueuses que j’avalais étaient bien du poisson ou de la chair humaine. J’ai tout vomi.
Le vieux Chen n’a rien dit, mais il est sorti… Je n’ai pas bougé : j’attendais de voir ce qu’ils allaient me faire ; sûr qu’ils ne m’auraient pas laissé partir.
Mon frère aîné est arrivé, lentement, accompagné par un homme âgé. Je savais que cet homme était en réalité le bourreau déguisé.