Peter Kuper - Journal d'Oaxaca

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Traduit de l’anglais (États-Unis) par Corinne Julve

Journal de Oaxaca Écrits et dessins sont Copyright © 2008, 2009, 2010, 2011 Peter Kuper. All rights reserved. No part of this book may be reproduced (except small portions for review purposes) without written permission from the author. www.peterkuper.com  Copyright © 2011, Rackham pour l’édition française Maquette de Peter Kuper assisté par Edwin Vazquez et Matthieu Rougé

Toutes les illustrations, les textes et les photos sont de Peter Kuper, à l’exception des photos aux pages : – 18 et 19 © James Zimmerman – 32 et 33 © Antonio Turok et Peter Kuper – 106 et 107 © John Zimmerman – 100 et 114 © Holly Kuper – 151 © Emily Kuper Des extraits de ce livre ont été publiés dans : The Virginia Quarterly Review, World War 3 Illustrated, The Fifth Estate, Reforma, DART, Rethinking Schools, SP, Literal et Internazionale.



À la mémoire de Thorny Robinson, Bill Wolf, Brad Will et à toutes les personnes qui ont perdu la vie durant la grèves des enseignants.

Remerciements particuliers à toutes celles et ceux qui ont fait que ce livre puisse prendre forme : Martín Solares pour son introduction éclairée et Junot Díaz pour ses encouragements, Peggy Roalf pour la relecture de mes essais, et Mark Heflin pour m’avoir fourni une seconde paire d’yeux, Francisco, Eduardo, Daniela et Diego de Sexto Piso, et Ramsey, Craig et Andrea de PM Press, Elaine de TWP, Henry Wangeman, Emily Russel et Scott Cunningham pour les conseils éditoriaux, John Thomas pour sa sagesse juridique. Merci aussi à Kevin Pyle, Chris Ware, Marc Lambert, Paula Searing, Sergio Troncoso, Catherine Mato et comme toujours, à Betty et Emily pour tout ce qu’elles m’apportent. Je voudrais aussi remercier une longue liste de personnes que nous avons rencontrées durant nos années aux Mexique et qui ont rendu notre séjour inoubliable ; Fernanda, Mercedes, Marietta, Antonio, Sergio et Judith, Laura et Beto, Fuente Ovejuna, Renaldo, Andrea, Miguel Angel, Angelina, Pedro Alto et Lili, la famille Olguin, Miriam et Luis, Ena et Daniela, John et Adele, Rosa et Zak, Roxana, Alex, Alfredo et Lordes, Anna Maria et Alejandro, Patricia Mendoza, Demián Flores, Steve Lafler et Sarina, Lauren, Paul et Barbara, Mark, Georgina, Barry Head, Lee et Feliza, Pam et Joel, Cath Kumar, Jane, Amado, Benito et Susanne, Harry et Liz, Andy et Blanca, Fernando, Bernardo et Laura, Juan et Marisa, Oscar, Arthur Miller et Lordes, Liz, Eduardo et Maestra Lucy. Pour ne citer qu’eux.

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« Les gens ne font pas des voyages, ce sont les voyages qui font les gens ». John Steinbeck, Voyage avec Charlie

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Notre agent à Oaxaca Quand on lui demandait où se trouvait son laboratoire, Albert Einstein désignait le stylo qu’il gardait dans sa poche. À l’instar du physicien, le dessinateur Peter Kuper trimbale de par le monde son laboratoire portable qui lui permet d’examiner la complexité des pays qu’il visite. Après avoir publié un livre sur ses voyages en Afrique et en Asie du Sud-Est (Comic Trips), cet artiste new-yorkais, connu pour ses critiques à l’encontre de l’administration Bush, a décidé de s’installer au Mexique, peu après l’élection présidentielle de 2006. L’illustrateur en charge de Spy vs. Spy dans le magazine Mad, depuis 1997, n’a pourtant pas choisi d’aller vivre dans l’un des États les plus beaux, mais aussi le plus pauvre, du Mexique pour y disséquer l’actualité, mais parce qu’il considérait le lieu idéal pour y travailler en paix. C’est ainsi que, las de couvrir la politique américaine depuis des années, il s’est retrouvé à l’épicentre des émeutes d’Oaxaca. En dehors de deux autobiographies aussi amusantes qu’insolites (Stripped et Stop Forgetting to Remember), Kuper a publié plusieurs adaptations graphiques de romans comme La Jungle d’Upton Sinclair et La Métamorphose de Franz Kafka. Dans son Journal d’Oaxaca, il excelle à condenser en une page les multiples aspects de la ville : poésie, magie, beauté, mystère, frayeur, de même que les différents

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visages qu’emprunte l’insurrection. Collages et croquis de papillons monarques, cactus, fourmis et scorpions alternent avec des reproductions de graffitis exigeant la démission du gouverneur, ou d’esquisses saisies sur le vif d’altercations entre manifestants et forces de l’ordre. Son immense sensibilité lui permet de livrer un témoignage à des années lumières des portraits manichéens que brossent bien souvent ses compatriotes de tout ce qui se passe de l’autre côté du Rio Bravo. Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un artiste capable d’observer avec autant d’acuité sa terre adoptive, chaque page surprend. Le Journal d’Oaxaca ne se contente pas d’évoquer stratégies de combats improvisés et tromperies, il détaille les vastes mystères que l’on peut découvrir dans cette ville au cours d’une journée : ruines antiques, chiens au regard menaçant, sans oublier les rangées de policiers anti-émeute prêts à casser du manifestant. Kuper nous livre sa vision personnelle, sans concession, de ses impressions du conflit d’Oaxaca. Sur l’une des dernières pages, alors qu’il se rapproche de son chat, le sourire de celui-ci semble symboliser l’horreur endurée par les habitants de cette ville prise en otage par ses propres dirigeants plusieurs mois durant. Avec peu de mots, Kuper ne signe pas là un roman graphique mais un album qui souligne la diversité de ses ressources et pose en filigrane la question : que reste-t-il du conflit d’Oaxaca ? La réponse se trouve dans l’étrange puzzle que cet artiste talentueux reconstitue à l’aide de crayons de couleurs, de pinceaux, d’encre de Chine, de photographies, fragments de symboles en prime, par-delà la vérité officielle. Dans Spy vs. Spy, Kuper a peaufiné de multiples stratégies de combats. Coincés dans un trait minimaliste habile, les espions n’en finissent plus de se piéger. Chaque page est l’objet d’un nouveau défi, digne d’une partie d’échecs de haut niveau ; les deux ennemis se tournent autour, large sourire aux lèvres, couteau caché dans le dos. L’intrigue aux rebondissements infinis de la bande dessinée mondialement connue aurait comblé de joie Jorge Luis Borges, auteur du Jardin des sentiers qui bifurquent.

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Dans une histoire, un espion dynamite son ennemi qui le piège dans celle d’après, alors que dans la suivante tous deux se retrouvent victimes de leurs propres excès. Si les artistes sont des espions en puissance, et leurs créations des reportages cryptés, alors nous pouvons affirmer que sur chaque page du journal de Kuper deux éléments centraux forment l’ossature d’une grande enquête : la réalité multiple qu’il nous donne à voir, non pour brouiller les pistes mais pour faire partager les mystères auxquels il aura été confronté, d’une part. D’autre part, un message codé que le lecteur doit déchiffrer avant que la bombe n’explose.

Martín Solares

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M’être trouvé au bon endroit au « mauvais » moment, voilà comment est né le Journal d’Oaxaca. Quand j’ai emménagé dans cette ville avec ma femme et ma fille, je ne cherchais pas les ennuis, j’essayais au  contraire de m’échapper. M’échapper des États-Unis de George W. Bush et de son administration, m’échapper de  mon emploi du temps aliénant, m’échapper de la société de consommation et du flot incessant d’informations  déprimantes. Respirer. Interrompre le train-train. M’échapper. Non que nous soyons partis dans la précipitation ni pour ce motif uniquement. Ce voyage se tramait en fait depuis presque quarante ans. Mon père, professeur d’université, avait pris un   premier congé sabbatique en 1969 et transplanté sa famille en Israël quand j’avais dix ans. Ma vision du monde, jusque-là plutôt limitée, en fut bouleversée - non que je m’améliorai en géographie, mais je pris conscience qu’il existait une vie au-delà des frontières des États-Unis. Depuis la naissance de notre fille en 1996, ma femme et moi réfléchissions donc à l’opportunité de lui offrir une expérience similaire. Le jour où nous avons atterri au Mexique, le 3 juillet 2006, les médias ne parlaient que de fraude   électorale à la présidentielle, qui avait eu lieu la veille,  et les enseignants occupaient massivement Oaxaca. Nous dûmes contourner plusieurs de leurs barricades pour     atteindre notre domicile depuis l’aéroport.

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N’empêche, je passais ces premiers mois à savourer notre escapade. Nous avions emménagé dans une très   belle maison à San Felipe del Agua, pas très loin du centre, mais je m’y sentais totalement à l’abri de    l’agitation. Quand je ne consacrais pas mon temps à fignoler mon  roman graphique, « Stop Forgetting to Remember », je faisais de grandes balades dans les environs pittoresques ou dessinais les insectes et les cactus  de notre jardin. Je ne pris vraiment le temps de m’aventurer dans le centre, carnet de dessins à la main,    qu’en septembre. Après avoir passé la journée à croquer manifestants et barricades autour du Zócalo, j’eus le  sentiment d’être vraiment arrivé à Oaxaca. Les quelques mois suivants, tandis que la grève atteignait un point critique, famille et amis   s’empressèrent de prendre de nos nouvelles. Alarmés par les comptes-rendus qu’ils lisaient dans la presse,    ils se demandaient si nous ne ferions pas mieux de rentrer. Je trouvais ces reportages si peu fidèles, quant  à moi, que j’entrepris de me rendre régulièrement dans le centre pour leur envoyer des emails illustrés, plus raccords avec ce que je vivais. Outre l’envie que    j’avais de dédramatiser les événements pour rassurer  mon entourage, il m’importait de contrecarrer la   désinformation dont la presse internationale se faisait l’écho. Lire des articles si éloignés de mon vécu attisait  mon désir de télégraphier mes observations in situ. Je   ne cherchais pas un poste de correspondant à Oaxaca, mais j’avais des informations de première main sur le    sujet et redécouvrais sur le terrain l’intérêt de mon métier de dessinateur politique tel que programmé dans  mon ADN. Les emails cheminèrent par la suite vers des sites web et plusieurs publications internationales.   Outre l’exercice artistique, raconter les événements d’Oaxaca relevait alors de ma responsabilité. Ces dépêches    devinrent les entrées de ce « Journal ».

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Embrasser l’expérience et la partager prit graduellement le pas sur mon désir premier de me   soustraire aux complications de la vie. Toutefois, après avoir cédé à l’impulsion de dessiner les aspects sombres    d’Oaxaca, j’entrepris (sans doute sous l’influence d’autres données de mon ADN) d’en capturer la lumière. J’espère   que cet assemblage saura éclairer les orages politiques que traversa cette ville, comme les riches détails du   quotidien qui transformèrent en cadeau nos deux années au Mexique. Peter Kuper New York City, Septembre 2008

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Comme pour beaucoup de Nord-Américains, ma première confrontation avec le Mexique ressemblait  à s’y méprendre à une visite de la Floride. Mais quand je mis les pieds à Oaxaca, il n’y eut plus aucun  doute, j’étais dans un autre pays…

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Le Tule, un des plus grands  arbres d’Amérique Latine. C’est un cyprès vieux de 2000  ans, tout droit sorti du Seigneur des Anneaux. S’il pouvait parler    il m’aurait dit, «  Pauvre type, ton dessin n’arrive pas à saisir mon envergure.  »

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Les cochenilles qu’on trouve sur les cactus produisent un jus rouge qui était utilisé comme pigment par les Aztèques et les Mayas. Après la Conquête,  il fut exporté en Europe et utilisé par la royauté. Ce petit  insecte fit la richesse de Oaxaca et contribua à bâtir la ville toute entière !

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La première question que l’on me pose ces jours-ci : « Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter New York pour Oaxaca, au   Mexique ? » me rappelle un dialogue de « Casablanca », entre le capitaine Louis Renault (Claude Rains) et Rick Blaine (Humphrey Bogart)  : Le capitaine : Pourquoi être venu ici  ? Rick Blaine : Pour ma santé. Je suis venu prendre les eaux. Le capitaine : Les eaux ? Lesquelles ? On est en plein désert  ! Rick  : J’ai été mal renseigné. Ma fille Emily, ma femme Betty et moi-même n’avions pas débarqué ici en juillet 2006 pour les eaux mais pour profiter de notre congé sabbatique d’un an. Ce que nous n’étions pas venus chercher, une situation politique explosive, nous l’avons néanmoins trouvé. Depuis le mois de mai, les enseignants d’Oaxaca (prononcé ou-rha-ca) occupaient le square du centre-ville (le Zócalo). Evénement annuel depuis vingt-cinq ans, cette grève durait

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environ deux semaines ou, du moins, jusqu’à ce que les manifestants obtiennent les maigres  augmentations de salaire et les subventions qu’ils réclamaient pour leurs établissements. Or, plutôt que d’honorer leurs requêtes, le 14 juin à 4h30,    le nouveau gouverneur Ulises Ruíz Ortíz (URO) choisit de déployer un escadron de policiers anti-émeutes pour tenter de les déloger de leur campement. Une première dans l’histoire du mouvement. L’initiative fit chou blanc. Non seulement les grévistes ne furent pas chassés, mais leurs exigences et leur nombre   s’accrurent. Une coalition syndicale plus importante, l’APPO (Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca), les soutenait    désormais et s’engageait à poursuivre la grève jusqu’à la démission du gouverneur. Depuis, les tensions s’intensifièrent et se calmèrent au rythme des interventions policières, sans entamer le moins du monde la conviction des mobilisés. Le tourisme suspendu, nous  faisions partie des rares étrangers à circuler encore en ville, sans jamais savoir à l’avance quelles rues seraient bouclées. Les    feux de circulation étant par ailleurs en panne la plupart du temps. Le soir, il y avait un couvre-feu et des quartiers entiers étaient condamnés, retranchés derrière les barricades que les  grévistes faisaient brûler pour se défendre contre de nouvelles offensives de la police. Outre l’aventure, venir vivre ici nous aura procuré tout ce que nous avions espéré : chaos, manifestants furieux, politiciens véreux. Eaux ou désert, Oaxaca restait un choix fantastique.

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Manifestation de l’APPO   sur le Zócalo

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Copie  d’une affiche sérigraphiée   et vue partout    en ville.

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Enseignants  sous des tentes sur le Zócalo.


Des barricades près d’une station de radio à La Reforma, Oaxaca...

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L’après-midi est sublime, j’observe l’agitation ambiante de la terrasse d’un bistrot du Zócalo. Une femme en robe aux couleurs ultra vives, panier de fruits sur la tête ; un vieil homme qui vend des animaux sculptés, près d’un belvédère baroque ; un groupe de percussionnistes latinos géniaux, à ses côtés. Le soleil danse entre les branches des arbres et hâle mon visage pendant que je sirote mon café glacé. Le martèlement des pas de soldats anéantit ce tableau serein. Ils défilent devant un tank pendant que des policiers  anti-émeutes casqués, avec boucliers et armes automatiques, gardent la moindre entrée de ce square du centre ville. Bienvenue dans l’adorable petite ville d’Oaxaca, Mexique. Peut-être vous demandez-vous comment les choses en sont arrivées là ? D’accord, remontons quelques semaines en arrière, au « calme » avant la tempête... de policiers armés. Le vendredi 27 octobre, mon ami Antonio Turok m’appelle pour me proposer de faire un tour à l’intérieur des barricades qui encerclent la ville. En tant que photographe, Antonio a déjà couvert les soulèvements aux Chiapas et au Salvador, comme il suit cette grève qui paralyse la ville.   Il me promet de m’appeler quand il arrivera dans le centre où nous avons rendez-vous. J’attends plusieurs heures en vain. Vers la fin de la journée, il tombe quelques gouttes, et je propose d’aller chercher notre fille de neuf ans invitée à une surprise partie. Je roule sur les rues pavées bosselées quand le crachin se transforme en pluie diluvienne.

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Je n’ai encore jamais vécu d’inondation instantanée, du moins jusque-là. Aux abords d’un énième barrage érigé à la hâte, je me retrouve dans une rue transformée en rivière en crue   en quelques minutes à peine. Après maints zigzags, j’arrive à destination, parviens à extraire ma fille, aussitôt trempée de la   tête aux pieds (et ravie de l’être), de chez son amie, et, tant bien que mal, à rebrousser chemin. La pluie s’interrompt tout aussi subitement, mais c’est la digue qui cède. Alors qu’il tombait des cordes uptown, un autre orage éclatait downtown, annoncera le lendemain la manchette d’un quotidien. Les « porros », la police paramilitaire secrète du gouverneur Ulises Ortiz, ont attaqué les barricades érigées par les manifestants. Trois Oaxacanos et un journaliste américain ont   été tués par balles. Brad Will, qui filmait le terrible événement, ne fut pas le premier à trouver la mort dans ce conflit mais il  était le premier Américain. Pratiquement toutes mes relations du Lower East Side à Manhattan le connaissaient, ai-je découvert   par la suite, ce qui n’était pas mon cas. En revanche, je n’avais pas à chercher bien loin pour m’imaginer à sa place. Antonio m’appelle à la tombée du jour ; il s’est réfugié dans un immeuble de bureaux avec un groupe de journalistes et   d’autres personnes quand les tirs ont commencé. Inutile de dire que la soirée est annulée. Le lendemain, le président du Mexique dépêche 4 000 policiers fédéraux à Oaxaca. Les manifestants qui occupaient le Zócalo depuis mai allaient devoir affronter une nouvelle menace démesurée. Depuis quelques semaines déjà, nous avions prévu de fêter l’anniversaire de ma femme ce samedi. Encouragés par nos invités, nous avons maintenu notre réunion en dépit de la situation. Mieux vaut traîner   ensemble que séparément ! Pam, une compatriote, également en congé sabbatique avec sa famille, avait,  quant à elle, projeté de faire venir sa mère qui arrivait ce jour-là des États-Unis via Mexico. Un timing parfait ! Pratiquement tous ceux qui étaient parvenus jusqu’à chez nous avaient une histoire  différente à raconter sur les événements du centre ville.

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Quelqu’un annonça que l’aéroport était fermé, un autre que toutes  les routes qui y menaient étaient barrées. Puis on apprit via   Internet que les forces fédérales avaient atterri à Oaxaca. La PFP (Policia Federal Preventiva) investit le centre. Hommes, femmes et enfants, armés essentiellement de bannières, allèrent à leur rencontre pour dénoncer encore une fois la politique du  gouverneur et cette nouvelle invasion. Jusqu’ici pacifiques, les insurgés avaient été régulièrement attaqués par les forces de   police du gouverneur Ulises. Bien que nous n’habitions qu’à un quart d’heure en voiture du Zócalo, un monde nous en séparait. Un peu ce que nous avions   ressenti en 2001 dans le Upper West Side de Manhattan à quelques stations de métro à peine des décombres fumants des   Twin Towers. Grâce au portable, Pam apprend au beau milieu de notre petit rassemblement que l’avion de sa mère est en train  d’atterrir. PFP ou pas, elle part derechef la chercher. Antonio est   bien rentré chez lui ce matin-là, mais il a appelé pour dire qu’il ne pourrait se joindre à nous. De nombreuses routes sont bloquées en ville et pratiquement la moitié de nos invités se retrouvent dans le même cas. Étonnamment, Pam et sa mère   réapparaissent avant que les bougies d’anniversaire ne soient allumées. Nous portons donc un toast à leur retour indemnes  à l’anniversaire de ma femme et surtout à la démission du    gouverneur Ulises que nous espérons tous avec ferveur sachant qu’elle  constituerait une issue pacifique    au conflit.

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Un monotype tiré d’une série inspirée de l’art mexicain.

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Ma collaboration avec le photographe Antonio Turok. L’entomologie ne fait pas bon menage avec ses images de l’arrivÊe du PFP. .

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Le Zócalo après l’arrivée des troupes fédérales.

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del Agua. Le Jour des Morts, Cimetière Municipal, San Felipe

36 Installation à la mémoire des personnes qui ont été tuées pendan t la grève des enseignants.


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