Honneur Discipline - Guy Niole

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Guy Niole

Honneur, discipline

Éditions Réinsérer





Le sentier des bottes.

Je mets mes bottes. Ce sont de belles bottes. De bonnes grosses bottes qui vont bien et dont je suis très fier. Elles sont très belles et tout le monde envie mes bottes. Il faut de bonnes bottes pour affronter le sentier. Le sentier exige la botte. La belle et bonne botte. La fierté. Je les mets tranquillement, comme tous les jours. Tous les jours à la botte. Et tout le monde en fera autant. Tout le monde suivra la botte. Ça sera ma botte. Il faudra suivre ma botte et ça se fera très bien. Normal. Les gens normalement mettent des bottes. On suit le sentier. C'est un sentier à bottes. Tout le monde va dedans. Tout le monde à sa botte. Moi j'ai mes deux grosses bottes et je suis devant. Et derrière des grosses bottes aussi. Tout un rang de bottes. Derrière et devant et tout partout un monde de bottes. Ça fait du bien. Ça fait du bien d'avoir des bottes pour marcher dans le sentier. Un sentier sans ses bottes n'est pas un sentier. Il faut suivre le sentier. C'est les bottes qui suivent. Tout le monde suit le sentier botté. Tout le monde en bottes. Toutes les bottes suivent.


Tout est suivi. Tout s'entre-suit dans les bottes. Le sentier est là pour la botte. La botte est là pour le sentier. Et nous on suit. On a nos bottes. Bientôt nous rejoindrons un autre

sentier

de

bottes.

Bientôt

d'autres

bottes et nous. Bientôt deux sentiers avec des paires de bottes dedans et qui se suivent. Bientôt une suite. Bientôt encore des bottes. Bientôt encore des sentiers remplis de bottes et qui rencontrent des sentiers tout bottés. Tout prochainement. Et sans plus attendre. Et demain encore pareil. Encore plein de bottes. A n'en plus finir des bottes dans des sentiers. Et des suites. Tout plein de suites et tout plein de bottes et tout plein de sentiers. À n'en plus finir. Que des sentiers remplis de bottes demain. Un peu comme aujourd'hui. Mais demain

encore

mieux.

Que

des

promesses

de

bottes demain. Des promesses de sentiers. Des promesses de suites à n'en plus finir demain. Et toujours mes deux bottes. Toujours moi et toujours mes deux bottes. Pour vous servir.




Ta signature. Il faut que tu signes. Ta signature est exigée car elle est importante. Il est important que tu signes avec les autres. Les autres ont signé. On n'attend plus que toi. Il faut tous signer c'est important. Si tu ne signes pas on ne comprendra pas. Personne comprendra plus rien. Il faut que tu sois là et donc signer marque ta présence. Tu es derrière nous. C'est nous qui avons dit et c'est toi qui signe. Moi j'ai dit et lui a dit et l'autre aussi a dit. Et toi tu n'as qu'à signer. C'est simple. On ne te demande que ça. Tu signes et après on lui envoie ça dans la gueule. Dans la gueule ta signature. Tu lui fous dans la gueule ta signature avec les nôtres. Tout ce qu'on a dit et signé il le prendra. C'est bien. Tu as bien fait de signer. Tout le monde avait signé sauf toi. Tout le monde lui fout dans la gueule sauf toi. Toi tu signais pas. Tu foutais pas dans la gueule. Maintenant tu as foutu dans la gueule c'est bien. Tu as raison. Nous avons tous raison. Et nous avons raison d'avoir raison. Car la raison est avec nous. Elle a signé aussi. Tout le monde a signé même la raison. C'est pour ça qu'il fallait que tu signes. Sinon ça n'était pas raisonnable de ta part. Si tu n'avais pas signé on n'aurait pas compris. Et on aurait signé contre toi. Moi et lu i e t l 'a u t r e o n a u r a i t dit e t d'a u tre s au r aie n t signé et on t'aurait envoyé ça dans la gueule. Heureusement tu as signé. Heureusement tu as été raisonnable avec la raison.



Bon à tuer. Pourquoi les gens tuent? Ils tuent parce qu'ils en ont envie. Parce que c'est une envie irrépressible. Ils tuent quelqu'un, peu importe qui. Car ils tuent pour tuer. Et pourquoi tuent-ils pour tuer ? Parce qu'ils en ont marre de l'humanité. L'humanité leur sort des yeux. C'est pour ça qu'ils tuent. C'est pour ne pas voir l'humanité en face des yeux. Tout le temps en face des yeux l'humanité s'agite. Pourquoi l'humanité s'agite ? Parce qu'elle n'a rien d'autre à faire. Il n'y a vraiment rien à faire. On fait semblant de fêter un anniversaire. On danse lors d'une fête. On se trémousse devant un spectacle. On pense avoir quelques idées. On a rien à se mettre vraiment sous le bras. Sous la langue, il n'y a rien. Vous pouvez le constatez, si vous faites vraiment l'effort. Vous verrez qu'il n'y a rien à faire qu'à attendre que quelqu'un nous tue. Il faut s'entretuer sinon c'est l'ennui garanti. C'est pour ça qu'il y a tant de meurtriers. Et plus le meurtrier est fort et plus il passe inaperçu. Par exemple les grands hommes d'État. Ils tuent plus qu'il n'en faut. Personne ne leur dit jamais rien. Il suffit qu'ils soient un peu logiques, qu'ils soignent leur vocabulaire. Tout est dans le vocabulaire. Un bon meurtrier doit avant tout savoir parler. Les meilleurs meurtriers sont ceux qui ont eu le dernier mot. On n'a que ça à se mettre sous la dent. Le dernier mot. Le reste ne tient pas la route. Aucun de nos mots ne tiendra la route. Même les premiers mots. Ceux qui vous remplissent la cervelle. Est-ce que vous vous souvenez de votre naissance ? Vous ne savez rien. Vous êtes abandonnés. Vous êtes dans l'humanité. Vous êtes cuits.


Dégommer Aujourd'hui j'ai décidé d'écrire sans plus arrêter, d'écrire le plus longtemps possible, d'écrire jusqu'à avoir les mains en sang, mais je n'aurai jamais les mains en sang à cause de ça, j'ai déjà du sang en commençant, car rien qu'en commençant je pense sur quoi ou à qui je pourrais écrire et donc j'ai déjà du sang sur les mains, car c'est à toi seule que j'écris et je t'écris rien que pour tu me répondes, un jour ou l'autre tu finiras par me répondre car tu en auras marre, là je vais écrire jusqu'à ce que tu n'en puisses plus, tu ne répondras pas et malgré tout tu n'en pourras plus, alors moi je continuerai d'écrire jusqu'à ce que tu lâches, c'est comme une voiture, je vais écrire pour te voiturer l'esprit, je vais prendre ta tête dans un étau et ta cervelle va s'écraser, tes petits bouts d'os du crâne vont finir par craquer et ta cervelle va se comprimer et elle va splatcher dans toute la pièce, ça sera dégueulasse, du coup tu as intérêt à me répondre, tu as intérêt car sinon tu ne ressembleras plus à rien quand j'en aurai fini avec toi, là pour le moment tu as encore une bonne gueule, pour le moment on peut dire que l'on ne s'aperçoit de rien ta petite gueule est toujours aussi belle, ton intelligence est intacte, le vernis de ta culture semble encore te tenir hors de l'eau, mais bientôt tu vas faire le grand plongeon, bientôt tu vas passer l'arme à gauche, tu vas te noyer dans ta bêtise crasse, tous les êtres que tu


rencontreras seront dans la bêtise crasse avec, tous les ignobles individus que tu promènes de ville en ville, seront comme des rats, et toi tu ne seras qu'une rate parmi des milliers de rates, je pourrais voir plein de rates bien plus belles que toi, les faire venir dans mon trou à rat et leur donner bien plus qu'à toi, à toi je t'ai déjà beaucoup donné, beaucoup trop je t'ai donné la vie pour que tu me méprises, tu es le mépris incarné, tu méprises tous les hommes que tu croises car ce que tu veux c'est te débarrasser d'eux pour qu'on ne voit que toi, mais je pourrais faire en sorte que tu disparaisses une bonne fois, je résiste encore car j'aime te regarder, j'aime voir tes petits doigts dodus, j'aime voir tes petites paupières comme un bébé, j'aime voir tes belles dents toutes blanches comme un bébé, mais là ta dentition commence légèrement à se tordre, on voit déjà que ta bouche va se plier bizarrement et te faire un palais trop incurvé, on devine déjà les dégâts de la vie en toi, on voit que tu vas y passer, c'est-à-dire que tu vas vive ta vie de petite rate au foyer, une rate de foyer avec un petit mari tout rat et tout connard qui va bien te faire mariner dans son jus glauque de mari rat, un petit mari tout marri mais qui croit encore aux « valeurs universelles » que sont le mariage, le ménage et les gosses, tu vas bientôt enfler et bientôt mettre des robes à fleur, tu vas cultiver tes tomates et écouter la bonne musique, petite bourgeoise, tu vas bientôt vivre tout platement, ça te pend au nez, bientôt tu vas ne plus fréquen-


ter les alcooliques et les maboules, ni les pervertir dans les chiottes des bars mais tu vas bouffer le ronron de la vie en couple et t'intégrer à la platitude culturelle de tes amis couples e t t o u s c e s c o u p l e s c o m m e t o i s e r o n t g r o s s i e r s , on voit déjà ta grossièreté pointer, on devine déjà que tu n'as plus rien qui t'intéresse, car tu as cru brûler la vie mais tu n'as rien brûlé du tout, tu t'es juste servie de moi, tu m'as piqué la vie et mon pognon et toutes mes idées tu as massacré mes idées et toute la fibre et la folie et l'innocence de moi quand je te voyais pour simplement vivre et emmener les choses, quand je voulais simplement respirer dans la vie et f o n c e r a v e c t o i , t u a s t o u t f a i t p o u r f l i n g u e r ma personne c'est pour ça que je v a i s i c i c o n t i n u e r j u s q u ' à c e q u e t u t e m a n i f e s t e s , tu vas finir par ouvrir la bouche et me demander pourquoi j'agis ainsi, pourquoi je te fous pas la paix, mais si je te fous la paix tu arrêteras simplement de s o u f f l e r p e t i t e b ê t e à b o n d ie u, s i j e m ' a r r ê t e s'en sera fini de toi il vaut donc mieux que tu t'arrêtes de vivre autrement, c'est-à-dire que tu exploses littéralement sous mes doigts mais en de défendant, ne te laisse pas faire, résistes un peu sinon je t'explose la face dès que je pose ce s t y l o .








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