JARDINS VISIONNAIRES
Claire Takacs
Giacomo Guzzon
Claire Takacs
Giacomo Guzzon
INTRODUCTION 4
JARDIN D’AVILA 6
TOLÈDE 14
LA GRANJA ALNARDO 18
DEHESA EL MILAGRO 22
JARDINS D’IBIZA 24
- Casa Blanca 24
- Can Pep Puyol 24
LE JARDIN CHAMPÊTRE 32
LE JARDIN SEC 36
JARDINS DU SUD DE LA FRANCE 40
- Mas Dou Gaou 40
- Grasse 40
- Tourrettes-sur-Loup 40
CENTRE CULTUREL ET PARC
DE LA FONDATION STAVROS NIARCHOS 48
TATOI CLUB & THE ROOSTER 55
- Tatoi Club 55
- The Rooster 56
JARDINS GRECS 60
- Amanzoe 60
- Modèle d’intégration 66
PAYS-BAS
PLANTATIONS PUBLIQUES D’AMSTERDAM 70
- Orlyplein 70
- Zuidas Bioswale 70
JARDINS DES PAYS-BAS 74
- Heiloo 75
- Landsmeer 78
ALMERE 82
NIEUW-HAAMSTEDE 87
PAYSAGES DE COPENHAGUE 91
- Amager Bakke Copenhiill 91
- Sankt Kjeld’s Square / Bryggervange 92
KLINTA 94
LABORATOIRE MAX IV 100
JAKTGATAN ET LÖVÄNGSGATAN, NORRA DJURGÅRDSSTADEN 102
JARDINS D’ALLEMAGNE 104
- Ebertpark 104
- Luisenpark 104
JARDIN DES RUINES 110
AZAREN 114
DOMAINE DU CHÂTEAU DE KNEPP 118
WUDSTON HOUSE 124
JARDIN DE KINGSWEAR 126
WAKEHURST 130
MEADOW GARDEN 132
JARDINS POTAGERS DU RHS BRIDGEWATER 136
JARDINS AUSTRALIENS 138
- Euroa 139
- Le jardin australien de Chelsea, à Olinda 140
MORNINGTON 146
WILDCOAST 150
LE JARDIN FAMILIAL 152
JARDIN URBAIN À MELBOURNE 158
TRENTHAM 160
UN JARDIN POUR LE FUTUR 162
GLENLUCE 166
YALAMURRA 170
BARANGAROO 174
LE MÉTRO DE SYDNEY 180
SPRING BAY MILL 182
PAYSAGE DE LA CÔTE TASMANIENNE 188
PARMI LES GRANDS ARBRES 194
MONT PISA 200
LA VERDURE DE SINGAPOUR 204
- Gardens by the bay 204
- Bishan-Ang Mo Kio Park 209
- Immeubles de la ville de Singapour 209
- Université nationale de Singapour 209
MARINA ONE 212
KHOO TECK PUAT HOSPITAL 214
LE JARDIN DE COLESON BRUCE 218
LE JARDIN DE PERALTA LANE 222
LES PAYSAGES DE TEN EYCK 225
- L’université du Texas à El Paso 225
- Kingsbury Commons 228
- Hotel Magdalena 229
LES JARDINS DE PHOENIX 232
- La maison des jardins du désert 232
- Ghost Wash 238
LES JARDINS DE LOS ANGELES 244
- KX LAB 244
- Los Feliz Towers 244
LES JARDINS DE LA PÉNINSULE DE SAN FRANCISCO 248
- Uliveto 248
- Golden Oak 248
JARDINS CALIFORNIENS 254
- Goodrich Trail 254
- Orchard Hill 260
- Rancho 7 261
LE JARDIN
DES BUTINEURS ET DES OISEAUX 266
PRAIRIES NATIVES 271
- The Bower 271
- Glenstone 274
TOITURES VÉGÉTALES DE LA BIBLIOTHÈQUE DU MÉMORIAL MARTIN LUTHER KING JR 278
LES JARDINS DE BROOKLYN 284
- Jardin botanique de Brooklyn 285
- Le parc du pont de Brooklyn 286
DOMINO PARK 291
ROBIN HILL 292
JARDIN DE LA MAISON D’ÉTÉ 298
JARDINS BOTANIQUES DE DENVER 302
LES JARDINS DE SPRING CREEK 306
- Jardin personnel de Lauren Springer 310
Liste des jardins 318
Remerciements 320
À propos des auteurs 320
Depuis les années 1960, Singapour s’est lentement imposée comme l’une des villes les plus vertes au monde et des villes les plus durables d’Asie. Ce qui a commencé par des considérations principalement esthétiques et culturelles, avec la plantation extensive d’arbres le long des boulevards, a conduit à la création généralisée de parcs, de coulées vertes, de corridors écologiques et de réserves naturelles. Actuellement, plus de la moitié du territoire de Singapour est couverte d’espaces verts. Aujourd’hui, l’impressionnante politique de végétalisation évolue encore, alors qu’elle évolue d’une « ville dans un Jardin » en une « ville dans la nature ». C’est un pilier clé du Plan Vert 2030, où les intérêts scientifiques et fonctionnalistes se rencontrent pour imaginer une nation plus vivable, plus favorable à la biodiversité, plus durable et plus résiliente aux aléas climatiques. Le gouvernement a lancé en 2021 ce Plan Vert, qui encourage l’implication citoyenne dans cette transformation. Les diverses initiatives comprennent la sanctuarisation de 50 % de terres supplémentaires pour les parcs naturels, la plantation d’un million d’arbres, et 1 000 ha d’espaces verts en plus.
L’une des attractions les plus célèbres de Singapour, Gardens by the Bay, est un parc naturel et jardin botanique de 101 ha situé au cœur de la ville. Les jardins présentent le règne végétal de manière immersive et stimulante, tout en mettant en œuvre des procédés économes en énergie et en eau. Le parc comprend trois zones distinctes : Bay South, Bay East et Bay Central. Bay South est célèbre pour ses serres climatisées et ses emblématiques ‘Supertree’ de 50 m de haut (conçues par le cabinet Grant Associates, au Royaume-Uni), qui récoltent l’énergie solaire pour l’éclairage grâce à leur canopée. Plusieurs centaines de palétuviers plantés dans les Dragonfly Lakes (« lacs aux libellules ») et les Kingfisher Wetlands (« marais aux martinspêcheurs ») fonctionnent comme des puits de carbone en stockant les gaz à effet de serre. Voir pp. 204-207.
Pour son propre jardin, Lauren Springer voulait un espace sauvage qui saisisse l’essentiel du paysage des Montagnes Rocheuses toutes proches. Son style naturaliste, riche en textures, est motivé par ce qu’elle voit comme une nécessité : refléter les défis liés à la situation du jardin, et à un climat de plus en plus extrême.
« Je pense qu’il y a beaucoup à apprendre des plantations réalisées dans un climat âpre, sur un sol pauvre, dit Lauren. Nous avons dû être pionniers dans nos choix de plantes depuis longtemps. »
Le plus grand défi était de fondre harmonieusement le jardin dans les montagnes environnantes. « Indépendamment des fleurs, textures, formes et couleurs subtiles ont leur propre beauté. Elles offrent une grande leçon de jardinage dans ces conditions extrêmes », dit Lauren. Alors que les jardins sont au pic de leur luxuriance et de leurs floraisons en mai/juin sous les climats généreux et tempérés de l’hémisphère nord, elle préfère chez elle la fin de l’été et l’automne, lorsque la lumière vient jouer avec les vastes perspectives.
Lauren a commencé son jardin familial de 1,5 hectare il y a quatre ans, avec le concours d’amis qui l’ont aidée à placer environ 25 tonnes de roches. Un quart de la surface est dédié à la prairie à herbes courtes sauvage, et un autre aux plantations mixtes avec des arbres, des arbustes, des cactus rustiques, de petits bulbes et des
herbacées en grande partie indigènes, pour augmenter la diversité végétale et la faune associée. Lauren se sent en quelque sorte obligée d’offrir cette oasis à tous les êtres vivants, en harmonie avec l’environnement.
Beaucoup de plantes ont été multipliées par bouturage et semis collectés dans la nature. Lauren a également introduit plusieurs nouvelles sélections dans le commerce horticole, telles que les graminées Muhlenbergia reverchonii ‘Undaunted’ et M. rigens ‘Girl Next Door’, l’onagre Oenothera fremontii ‘Shimmer’, la sauge arbustive Salvia ‘Ultra Violet’, ou encore le fuchsia de Californie Epilobium canum ‘Flame Thrower’. Même si le jardin est planté d’espèces qui n’ont pas besoin d’arrosage une fois installées, Lauren surveille soigneusement leurs besoins en eau durant les périodes de sécheresse. Même si le jardin n’est encore qu’à moitié fini, Lauren n’est pas pressée : elle apprécie le processus sans cesse renouvelé de la création et de l’entretien, de même que le simple plaisir de s’y promener. Malgré sa jeunesse, il a déjà le caractère unique des plaines et des montagnes nord-américaines. Tout comme Lauren : calme, subtile, mais forte. Voir pp. 310-317
Concepteurs : T.C.L (Taylor Cullity Lethlean) / Paul Thompson
Lieu : Bendigo, État du Victoria, Australie
Voici l’un des plus anciens jardins botaniques de l’État du Victoria, fondé en 1857, et également l’un des plus futuristes. En 2018, l’inauguration du « Jardin pour l’Avenir », une nouvelle extension de 3,5 hectares des anciens Jardins Botaniques de White Hills, a été présentée comme la première phase d’un nouveau plan directeur pour la ville de Bendigo. Le cabinet Taylor Cullity Lethlean (TCL), en collaboration avec le célèbre pépiniériste et paysagiste australien Paul Thompson, a choisi une palette d’espèces capables de prospérer dans des conditions climatiques extrêmes, actuelles ou prochaines. Des environnements du monde entier, présentant des températures et des précipitations similaires à celles prédites pour Bendigo au cours des 50 prochaines années, ont été analysés et utilisés comme guides pour la sélection des plantes.
Parmi les éléments notables du jardin, une grande pelouse centrale fait office d’amphithéâtre dédié à l’événementiel (la pelouse « Fun and Fantasy »), encadrés de parterres richement plantés dans l’axe d’une petite scène abritée des intempéries. Une promenade ovale fait le tour de la pelouse. De petits jardins d’exposition mêlent des plantes indigènes et exotiques. Les espèces exotiques sont choisies parmi des régions du monde présentant des conditions climatiques similaires, incluant l’Amérique du Sud, le continent africain et la région méditerranéenne, privilégiant bien entendu la résilience, la robustesse, l’adaptabilité autant que leur aspect visuel.
Le ruisseau de Bendigo coule parallèlement au jardin botanique, posant un risque d’inondation puisque les modèles météorologiques deviennent imprévisibles. Dans cette conception, la pelouse centrale sert donc de bassin de rétention pour l’eau de pluie, déviée lors de précipitations significatives. Les plantes sont irriguées avec de l’eau recyclée pendant leur phase d’établissement, adaptant le jardin aux futures restrictions d’eau et aux sécheresses prolongées. Les matériaux destinés aux allées, pavages… ont été sourcés localement, réduisant le transport et minimisant l’empreinte carbone.
Ce nouveau jardin botanique, conçu pour un climat en mutation rapide, assure non seulement sa survie, mais éduque les visiteurs à comprendre comment les plantes adaptées au climat peuvent être utilisées d’une manière nouvelle et intéressante. Le Jardin pour l’Avenir est un terrain d’essai pour nous tous.
Conception : Olivier et Clara Filippi
Lieu : Loupian, Montpellier, France
Sur la côte de la région Occitanie, non loin de Montpellier, se trouve le Jardin sec, un jardin expérimental exceptionnellement riche balayé par les vents, accompagné d’une pépinière de plantes méditerranéennes. Tous deux ont été créés par Olivier Filippi et son épouse Clara. L’ensemble est situé sur le rivage, en surplomb des lagunes, des fermes ostréicoles et de leur domicile. Là, ils testent et présentent des espèces sauvages résilientes et résistantes à la sécheresse, qu’ils ont collectées au fil des ans durant leurs voyages. Le climat y est rude, avec des étés brûlants, des périodes prolongées sans précipitations, et des hivers frais et humides. Ce climat extrême, combiné au sol argileux sousjacent, crée, aux yeux de beaucoup, une situation exigeante, voire presque impossible, pour un jardin. Olivier et Clara ont beaucoup voyagé durant plus de 30 ans, étudiant les habitats et la flore de divers paysages méditerranéens, tentant de comprendre comment les plantes s’étaient adaptées pour survivre à ces conditions des plus hostiles. Ces recherches ont nourri leur sélection d’espèces à la fois résilientes et visuellement attrayantes pour le jardin et pour la pépinière, offrant des solutions adaptées aux climats méditerranéens. Olivier est également un auteur prolifique, et a publié plusieurs ouvrages sur la création de jardins secs employant des espèces robustes.
Dans le Jardin sec, les plantes poussent au travers d’une épaisse couche de gravier, ce qui permet à la fois de drainer l’eau de pluie rapidement et paradoxalement, de conserver une certaine humidité durant l’été. Quelques zones sont légèrement surélevées pour encore améliorer le drainage. Les plantes peuvent poussent ainsi sur une surface sèche, à l’abri des pourritures et des maladies mais leurs racines ont accès à l’humidité emmagasinée dans les couches inférieures, sous le gravier.
Le résultat est une formidable et complexe mosaïque de textures et de formes évoquant les garrigues environnantes. La zone centrale est couverte de plantes basses en coussins, au feuillage gris argenté à vert, et ponctuée des touches verticales de quelques cyprès de Provence (Cupressus sempervirens).
L’euphorbe rigide (Euphorbia rigida), L’euphorbe de Sicile (Euphorbia ceratocarpa), le sainfoin d’Italie (Sulla coronaria, syn. Hedysarum coronarium), la myrsine (Myrsine africana), la sauge trilobée (Salvia fruticosa), le ciste pourpre (Cistus x purpureus), les phomis (Phlomis purpurea, P. longifolia, P. bourgaei), la stipe géante (Stipa gigantea), la coronille naine (Coronilla minima), la cupidone (Catananche caerulea), les scabieuses (Scabiosa minoana), la centaurée élégante (Centaurea bella) et la germandrée arbustive (Teucrium fruticans) comptent parmi les espèces dominantes du jardin. Avec les effets du changement climatique de plus en plus marqués, Olivier et Clara ont créé un endroit qui offre inspiration et pistes d’avenir pour la conception d’aménagements aptes à relever les défis à venir, tout en s’intégrant parfaitement au paysage. Leur jardin est également économe en entretien : dans ces conditions extrêmes, seules quelques « mauvaises herbes » parviennent à pousser. En outre, de nombreuses plantes méditerranéennes produisent des composés allélopathiques qui inhibent la germination des adventices. Comme son nom l’indique, le message du Jardin sec est d’arrêter l’irrigation qui gaspille les ressources, afin d’adopter le rythme naturel des paysages méditerranéens, où la dormance estivale succède à une exubérante croissance printanière.
De l’Espagne à la Nouvelle Zélande, en passant par Amsterdam, Athènes, Singapour ou San Francisco… les quatre-vingts plus beaux jardins-paysages du monde présentent une nouvelle esthétique qui répond aux défis environnementaux du xxie siècle. Imprégnés de leur environnement, se fondant dans les formes et les couleurs du lieu, minéral ou végétal, ils révèlent une végétation simple, robuste, à la fois indigène et exotique, ne réclamant ni arrosages ni soins particuliers. Résilients, ces nouveaux espaces jouent un rôle d’importance et démontrent que l’adaptation aux contraintes climatiques stimule la créativité. Des jardins qui regardent vers l’avenir.