Créer un jardin vivant

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Sabine COUVENT

L’Hirondelle

aux Champs

Créer un jardin vivant

Accueillir la biodiversité et s’allier à la faune sauvage

Introduction

Tout un chacun a entendu les mots d’auxiliaires, de prédateurs ou d’écosystèmes qui sont liés aux milieux naturels qui nous entourent, mais pas seulement. Nos jardins et nos cultures n’en sont pas exclus, bien au contraire. Même s’ils sont anthropisés, c’est-à-dire fortement marqués par la main de l’homme, car il y exerce un grand contrôle, ces milieux cultivés sont inclus dans un écosystème beaucoup plus large et peuvent bénéficier des services rendus par la nature. Ces services reposent principalement sur la régulation ou la prédation exercée par une espèce sur une autre qui est sa proie et dont elle se nourrit. Une proie, sans prédateur, exerce une grande pression sur son milieu naturel. On peut donner ici l’exemple des cerfs et chevreuils qui consomment beaucoup de jeunes arbres ; or dès le retour des grands prédateurs comme les loups ou les lynx, la population de cervidés s’équilibre et la forêt se régénère mieux. Ainsi les milieux boisés se développent de manière équilibrée, ce qui profite à d’autres espèces par effet cascade.

À l’échelle d’un jardin, on a tous constaté l’arrivée des pucerons sur des légumes ou des fleurs, qui subissent quelques dégâts, puis des prédateurs, qui sont d’autres insectes, puis des oiseaux — la population de pucerons se stabilise alors. Or, ces prédateurs ne sortent pas de nulle part, ils doivent être à proximité, alertés sans doute par la plante elle-même, ou encore parce qu’ils observent simplement leur domaine vital. On sait maintenant que plus l’écosystème est complexe, c’est-à-dire riche d’une grande diversité d’habitats et d’espèces, plus il sera résilient : il trouvera lui-même les réponses aux problèmes qui émergent. Pour parvenir à une diversité d’habitats et avoir les bons voisins, alliés de nos cultures, il faut être vigilant sur deux points importants : les conditions de vie des espèces et le lâcher-prise. Si l’on a la chance de vivre dans un lieu préservé des pollutions, c’est plus facile, mais si ce n’est pas le cas, il faut créer les meilleures conditions de vie possibles à toutes les espèces potentiellement présentes. À l’échelle

d’un jardin, il est possible de structurer les espaces avec quelques aménagements faciles à réaliser afin de créer de la diversité de milieux. Mais au-delà, il faut surtout lâcher prise et ne pas vouloir contrôler toute la surface dont on dispose. En d’autres termes, il faut laisser à la nature des endroits où elle pourra totalement et librement s’exprimer sans aucune intervention de notre part. Nous avons une fâcheuse tendance à vouloir tout maîtriser parce que cela nous rassure et nous sécurise ; la première chose à faire est donc de diminuer progressivement cette pression, pas à pas, pour laisser une partie de notre domaine redevenir sauvage. L’idée plus profonde est de rétablir des équilibres et de faire confiance à la nature qui peut nous apporter des solutions simples aux problèmes rencontrés au jardin.

Ce livre vous accompagnera pas à pas pour aménager un jardin résilient et accueillant pour la faune sauvage qui sera le lieu d’observations étonnantes. Il s’appuie sur onze années d’expérience acquises au fil des projets menés dans des cultures diverses et variées. Naturaliste depuis 25 ans, paysanne par choix et directrice de l’association L’Hirondelle aux Champs par vocation, je cultive depuis 15 ans des plantes médicinales et du raisin de table sur une petite ferme engagée en agroécologie en Drôme

provençale, ferme qui est aussi le lieu d’expérimentations d’aménagements en faveur de la faune sauvage. L’association L’Hirondelle aux Champs œuvre depuis 11 ans pour la prise en compte de la biodiversité en milieux agricoles en accompagnant concrètement des paysans dans leur souhait de créer une nouvelle alliance avec la faune sauvage depuis l’état des lieux jusqu’à la mise en place d’aménagements, tels que des mares, des nichoirs, des pierriers, etc.

Au-delà des informations et conseils, ce livre a pour ambition de vous donner l’envie d’agir pour le vivant qui nous entoure et dont nous faisons partie intégrante, de créer une alliance gagnantgagnant : quoi de plus satisfaisant que de voir des passereaux se poser sur nos perchoirs ou des chauves-souris se cacher dans nos abris ou encore de découvrir des indices du passage d’une belette ou d’un renard ? La faune sauvage, si on lui en laisse l’opportunité, peut devenir notre alliée pour réussir nos cultures.

Nous avons tendance à vouloir tout maîtriser car cela nous rassure, la première chose à faire est de lâcher prise en laissant un peu le « sauvage » s’installer au jardin.

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Inviter les oiseaux dans son jardin

Comment inviter les oiseaux dans son jardin et surtout pourquoi le faire ? Pour avoir le plaisir de les observer, bien sûr, mais aussi pour créer une oasis de biodiversité et en ressentir une grande fierté. En réalité, c’est très simple, les oiseaux sont nos alliés au jardin. Ils y jouent un grand rôle en régulant leurs proies (c’est leur rôle de prédateur), mais aussi en disséminant des graines avec leurs fientes. Alors, autant en faire des alliés et profiter des services qu’ils nous rendent gratuitement. Partons à la découverte des espèces les plus faciles à faire venir dans vos cultures et du rôle qu’elles vont y jouer.

Les passereaux font partie de la classe des oiseaux, ils regroupent la grande moitié des espèces de l’avifaune, la gente ailée, se distinguant des rapaces, des canards, des cigognes… On pense très souvent à des espèces de petite taille, mais pas seulement, car les corvidés sont aussi des passereaux, et regroupent les corneilles, les corbeaux, le geai

des chênes, par exemple. Ces espèces sont en général de très bons chanteurs et sont très présentes dans notre environnement et donc dans nos jardins.

Parmi les passereaux, je distingue plusieurs espèces selon leur régime alimentaire, car c’est bien là ce qui nous intéresse : savoir ce qu’ils mangent et s’ils vont prélever des proies qui posent souci dans nos cultures.

Dans un premier temps, nous nous attarderons sur les espèces omnivores, c’est-à-dire celles qui mangent un peu de tout — insectes, chenilles, limaces, graines —, tels les mésanges, le merle noir, le rouge-gorge et les grives, puis, aux espèces plus spécialisées, les insectivores comme le rouge-queue noir, les hirondelles et les fauvettes.

LES PASSEREAUX OMNIVORES

Ce sont les espèces les plus communes et les plus faciles à faire venir dans son jardin.

LA MÉSANGE BLEUE ET

LA MÉSANGE CHARBONNIÈRE

Parus caeruleus, Parus major

Ordre : Passereaux.

Famille : Paridés.

Poids moyen : 9 à 16 g.

Longueur totale : 11-12 cm.

Description : La mésange bleue a un corps rondelet et une tête aplatie colorée d’un bleu vif et bordée de blanc, dos vert et dessous jaune citron. La mésange charbonnière a un corps allongé et une tête ronde de couleur noir brillant ainsi que la gorge, le ventre jaune vif, les ailes gris bleuté.

Régime alimentaire : Insectes, araignées, fruits, baies, graines.

Reproduction : Une à deux pontes par an de 9 à 13 œufs, les jeunes s’envolent à 15-22 jours.

Habitat : Forêt de feuillus clairsemée, haies, vergers, parcs, jardins et ripisylve.

Répartition : Toute la France, jusqu’à 1 500 m d’altitude. Espérance de vie : 9 ans en moyenne.

Prédateurs : Épervier, chat, fouine.

Très populaires et faciles à reconnaître

Les mésanges sont les passereaux les plus faciles à observer et à faire venir au jardin. Elles sont très populaires, car facilement reconnaissables. Au jardin, on trouve principalement la mésange bleue

et la mésange charbonnière, qui, avec sa tête noire, semble être passée par le conduit de la cheminée. Il est facile également d’observer la mésange à longue-queue qui ne se balade jamais seule, mais toujours à plusieurs — on parle alors de rondes de mésanges. Les autres espèces, visibles dans les parcs ou en milieux plus naturels, notamment boisés, sont occasionnelles dans les jardins, comme la mésange noire, la mésange nonnette et la mésange huppée.

Un régime alimentaire éclectique

Les mésanges bleues et charbonnières incarnent à elles seules le terme « auxiliaire », car elles sont de grandes chasseuses d’insectes, notamment de chenilles au printemps quand elles alimentent leurs oisillons. Elles parcourent alors les arbres et arbustes, branche par branche, à la recherche de leurs proies en réalisant d’incroyables acrobaties. Une mésange peut capturer à elle seule 200 à 300 chenilles par jour, faisant d’incessants allers-retours jusqu’au nid où appellent les oisillons affamés. Les mésanges peuvent occasionnellement capturer des araignées ou des pucerons, consomment

Mésange bleue.

Mésange charbonnière.

Renard roux, hermine, crapaud commun, mésange bleue, chouette chevêche, salamandre tachetée… Sabine Couvent, naturaliste et agricultrice, fondatrice de l’Hirondelle aux Champs, nous invite à observer, reconnaître et accueillir 35 espèces d’oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles qui jouent un rôle essentiel dans les cultures et composent un écosystème équilibré. Forte de son expérience de terrain, elle nous apprend à aménager des jardins résilients et à les réensauvager pour en faire des refuges de biodiversité. Un plaidoyer pour une entraide retrouvée entre le jardinier et la faune sauvage.

Sabine COUVENT, naturaliste depuis plus de 25 ans et agricultrice depuis 15 ans, a fondé l’association l’Hirondelle aux Champs en Drôme provençale pour accompagner des paysans afin de favoriser le retour de la faune sauvage dans leurs cultures.

Vivre avec une seule planète

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