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Qu’est-ce qu’un combattant ? Pourquoi ce nom ? Dans le langage courant, notre ami à écailles est appelé « combattant du Siam », en référence à ses origines géo-
graphiques, le Siam étant, à peu près, l’ancienne dénomination de l’actuelle Thaïlande. En anglais, on trouve l’exacte traduction Siamese fighting fish et en allemand, Kampf-
fische, qui signifie toujours la même chose : poisson combattant. En langue thaïe, il est appelé pla kat, ce qui veut dire à peu près : « poisson mordeur ». Pourquoi donc affubler un pauvre poisson de ces noms aux consonances belliqueuses ? La réponse vient des mœurs de celui-ci : dans un espace restreint, deux mâles prennent aussitôt des postures guerrières et s’affrontent. Thaïlandais et Cambodgiens ont, depuis fort longtemps, avant même les années 1850, utilisé cette agressivité, sélectionné les sujets les plus hargneux et organisé des combats, à grands renforts de paris sur le vainqueur.
Deux mâles en présence ont tendance à s’affronter rapidement.
À SAVOIR
➜ Le nom scientifique du poisson combattant Le combattant répond au nom de Betta splendens Regan, 1910. La taxonomie classifie les êtres vivants, selon la règle du botaniste Linné, en ajoutant au nom du genre, ici Betta, écrit avec une majuscule, celui de l’espèce splendens, en minuscules. Le terme Betta vient directement de la langue malaise, où notre poisson s’appelle Ikan bettah. Quant à splendens, il n’est guère besoin d’avoir étudié le latin pour en comprendre la signification ! Le nom propre et la date qui suivent correspondent à la personne qui en a donné la première description, accompagnée d’un nom scientifique. Néanmoins, dans ce cas précis, il faut restituer à César ce qui lui appartient, car les premiers à avoir décrit notre combattant sont Valenciennes et Cuvier, en 1846, sous le nom de Betta picta. C’est seulement après son importation aux USA, en 1909, que Regan le baptise splendens.
Un mâle « Hafl Moon Marble » : on est très éloigné de la couleur et de la forme d’origine !
Un poisson qui a beaucoup évolué À l’état naturel, le combattant ne ressemble guère aux poissons que l’on a coutume de trouver dans le commerce d’aujourd’hui. Il dépasse à peine 6 cm de long, ne possède pas les grandes nageoires tant appréciées des amateurs, il est plus trapu avec le nez en trompette et son coloris de base est un brun rougeâtre mêlé de vert bleuté sombre, avec 3 bandes noirâtres sur le corps. En réalité, cette robe foncée lui sert à se dissimuler, notamment parmi la végétation des berges, afin d’éviter les prédateurs, tout particulièrement les oiseaux. Il s’agit en effet d’un poisson qui fréquente essentiellement les marais, les mares et les zones
Une femelle assez proche d’un sujet sauvage.
humides créées par l’homme, telles que les rizières et les fossés d’irrigation. Pour parvenir aux spécimens actuels, il a fallu de nombreuses générations d’élevage et une sélection minutieuse. Les premiers sujets colorés, obtenus aux environs de 1900, présentaient des nageoires rouges et un corps pâle et jaunâtre. Ils furent nommés pla kat khmer, ou combattants cambodgiens. Ce sont les Français qui rapportèrent les premiers combattants en Europe, en 1892.
À SAVOIR
➜ Répartition géographique Dans la nature, on trouve le combattant sur une large zone de la péninsule indochinoise englobant la partie Sud de la Thaïlande, le Cambodge et le Sud du Laos. Selon différents auteurs, il serait présent aussi au Vietnam, en Chine et en Malaisie, mais également au Brésil et en Floride ! Dans tous ces cas, il s’agit d’animaux introduits par l’homme et ayant fait souche.
Le combattant
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Son mode de vie
Le combattant est un bon exemple de la capacité d’adaptation au milieu naturel, éventuellement même si celui-ci est modifié par la main de l’homme.
Des conditions naturelles difficiles u Le combattant vit dans des eaux essentiellement stagnantes, lesquelles sont souvent chargées de matières organiques (polluées) et troubles. De surcroît, la température peut y être élevée,
souvent avec des pointes bien au-delà de 26 °C. En d’autres termes, le taux d’oxygène dissous s’avère faible et il est fréquemment insuffisant pour irriguer convenablement les branchies du poisson, ces organes en charge de capter l’oxygène et de le diffuser dans le réseau sanguin.
Pour pallier cet inconvénient majeur, notre poisson est capable d’utiliser directement l’air ambiant. Il est donc essentiel pour lui qu’il puisse accéder à la surface et que l’atmosphère ne soit pas contaminée par des vapeurs nocives : fumée de cigarette, insecticides, relents de cuisine, etc.
Le combattant vient souvent en surface respirer à l'aide de son système auxiliaire.
u Comment ce poisson est-il capable d’une telle prouesse ? En réalité, l’air est emmagasiné, en petites quantités, dans des sortes de cavités, situées au-dessus des ouïes, de part et d’autre de la tête. Celles-ci possèdent une structure complexe, très découpée, de manière à maximiser la surface de contact entre l’oxygène et leurs parois fines et par ailleurs très riches en sang. Cet organe fonctionne donc un peu à la manière des branchies, à ceci près qu’il utilise directement l’oxygène atmosphérique. Il porte le nom de labyrinthe. Lorsque le poisson affleure la surface, il expulse l’air contenu dans ces cavités, qui ne contient plus assez d’oxygène, et aspire une nouvelle goulée. u Le revers de la médaille : cette adaptation au milieu de vie possède néanmoins un inconvénient : le fait de s’approcher de la surface rend l’animal vulnérable aux prédateurs. L’opération doit donc être rapide et discrète. En aquarium et au fil des générations d’élevage, le combattant est devenu moins pressé, en raison de l’absence de dangers potentiels et il est facile d’apercevoir une petite bulle qui correspond au rejet de l’air contenu par le labyrinthe. Car, même si l’eau d’un
Correctement entretenu, le combattant possède une espérance de vie de presque 3 ans (ici une forme "Half Moon Purple").
aquarium est saine et convenablement brassée, le système branchial du combattant ne suffit pas à sa respiration et il doit faire appel à son système auxiliaire.
Mœurs à l’état sauvage u Le combattant est un carnivore, qui se nourrit d’insectes, de larves aquatiques, de minuscules crevettes et mollusques et de petits vers. Là aussi, il conviendra de s’en souvenir lorsqu’il s’agira d’alimenter nos animaux en captivité. u C’est un poisson relativement sédentaire. Bien que territorial, les bagarres entre mâles sont rares en milieu naturel et, si elles surviennent, elles ne sont normalement jamais mor-
telles. L’intrus est en général simplement repoussé sans ménagement.
Longévité du combattant u La durée de vie d’un poisson dépend de nombreux facteurs, par exemple de son alimentation ou encore de la température à laquelle il est maintenu. Ainsi, à près de 30 °C, la longévité du combattant est d’environ une année. À une température avoisinant les 25 °C, elle est comprise entre 2 et 3 ans. Les conditions de vie interviennent aussi énormément : dans un très petit bac, sans filtre, où il faudra opérer des changements d’eau trop fréquents, il est bien rare qu’il dépasse une année d’existence.
Mode de vie
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Combats de poissons
Les Asiatiques organisent des combats de poissons, à partir de sujets sélectionnés pour leur hargne, lesquels peuvent se battre quelquefois des heures d’affilée, ce qui contribue sans doute à la réputation belliqueuse et surfaite de notre Betta.
Une impressionnante parade guerrière u Il suffit que deux combattants mâles se voient pour qu’une première phase d’intimidation se mette en place.
Il est possible d’en observer au moins les prémices, sans risque pour les animaux, en rapprochant deux récipients transparents contenant chacun un poisson. Les deux vis-à-vis essaient aus-
Différentes phases de l’affrontement entre deux mâles.
sitôt de montrer leur importance : leurs nageoires entièrement déployées, ils écartent leurs opercules largement. C’est un peu comme s’ils prenaient du volume, mais on a aussi l’impression
À SAVOIR
➜ Distinguer le mâle de la femelle Il est important pour l’aquariophile de distinguer les sexes, ce qui n’est pas toujours évident, suivant les variétés de combattants : - Forme sauvage : la femelle est plus petite, plus terne et ses nageoires restent plus courtes que celles du mâle (notamment, sa nageoire anale, nettement moins effilée en pointe). - Formes d’élevage à nageoires courtes (dites « Shortail ») : le distinguo entre les sexes est souvent encore plus difficile. En effet, la taille de la femelle peut s’avérer presque identique et la coloration aussi vive. Toutefois, là encore, Différencier mâle et femelle n’est pas toujours évident, comme c’est le cas ici avec des formes « Giant Shortail ». les nageoires, et tout particulièrement l’anale, demeurent moins pointues et allongées que chez le mâle. - Formes d’élevage à nageoires longues : ici, la différence est normalement bien plus nette. Les nageoires sont vraiment moins développées chez la femelle et ses couleurs sont souvent loin d’être aussi brillantes. Ceci, pour des animaux matures, évidemment.
que leurs couleurs deviennent plus éclatantes. u Après cette phase d’intimidation, si les deux animaux sont dans le même bac, ils vont poursuivre leur parade et se coller l’un à l’autre, flanc contre flanc, dans le même sens. Cet épisode peut durer plusieurs minutes, un peu comme s’ils tentaient de se pousser, de jauger leurs forces. Ensuite seulement survient l’attaque proprement dite, qui sera répétée
régulièrement et vise les nageoires, les flancs ou les ouïes. Les deux combattants se retrouvent parfois bouche contre bouche, en une sorte d’embrassade véhémente. Toutefois, cette position ne dure jamais longtemps, car elle les empêche de respirer. u Avec des poissons sélectionnés, la bataille peut se poursuivre, parfois jusqu’au décès du plus faible. Avec des poissons « normaux » et dans un volume d’eau pas
trop restreint, l’engagement s’arrête souvent assez vite, contrairement à la légende. L’un des animaux finit en général par s’avouer vaincu et se retire, sans dommages véritablement importants, avec seulement quelques nageoires abîmées. Ces dernières repoussent d’ailleurs rapidement, si aucune infection n’aggrave la situation. L’idée que le combattant est un vrai tueur en puissance est plutôt fausse.
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La famille du combattant
Le combattant appartient à un groupe qui englobe, notamment, les gouramis et les colisas, ou les macropodes. Ce groupe adhère à l’ordre des Perciformes (littéralement qui ont la forme d’une perche), au sous-ordre des Anabantoïdes.
Une classification en constante évolution La famille du combattant a longtemps été nommée Laby-
rinthidés, en référence à l’organe respiratoire particulier dont ses membres sont dotés. Mais ce terme a ensuite été réservé à la description de
Un jeune macropode ou poisson-paradis.
Le combattant pacifique (Betta imbellis), cousin de notre combattant du Siam.
l’ensemble des poissons nantis d’un labyrinthe, sans notion de famille. Le sous-ordre des Anabantoïdes a été divisé en quatre familles, dont celle des Bélontidés, à laquelle a été affecté le genre Betta. Les choses semblaient acquises. Or, plus récemment, cette classification a été revue et c’est finalement à la famille des Osphronémidés qu’appartient maintenant le genre Betta. Étymologiquement, ce terme signifie à peu près « filaments à odeurs ». Cela fait référence aux nageoires pelviennes très allongées, quasiment en forme de fils, de nombreux membres de cette famille, qui sont utilisés comme organes détecteurs. Les membres de la famille des Osphronémidés ont en commun, hormis le labyrinthe déjà cité, un corps relativement plat, avec la bouche orientée vers le haut (ce qui signale des poissons de surface), des nageoires pelviennes allongées. Tous ont des origines tropicales.
Chez les gouramis (ici le gourami perlé), les nageoires transformées en organes tactiles sont bien visibles.
Des modes de reproduction originaux u Plusieurs espèces parmi les Osphronémidés, dont notre combattant, construisent en effet un « nid de bulles » à la surface de l’eau, retenu par la végétation, pour y déposer leurs œufs. Mais de nombreuses autres pratiquent surtout l’incubation buccale, c’està-dire qu’ils vont conserver les œufs dans la bouche, jusqu’à l’éclosion, mais aussi les jeunes alevins durant leurs premiers jours d’existence. u La parade nuptiale s’avère souvent longue et spectaculaire. En revanche, l’agressivité est fréquemment marquée : il n’est donc pas toujours aisé d’associer les Osphronémidés entre eux ou avec d’autres poissons
Le combattant émeraude (Betta smaragdina), autre cousin. d’aquarium, même s’il existe de multiples exceptions. u Le genre Betta, celui de notre combattant, compte plus de 30 espèces, assez voisines par la forme. Néanmoins, seules deux autres parmi elles fabriquent un nid de bulles pour se reproduire : le combattant pacifique (B. imbellis) et le combattant émeraude (B. smaragdina). Au passage,
signalons que toutes ne sont pas belliqueuses. Outre le combattant pacifique, qui porte assez bien son nom (avec quelques réserves), on peut également citer, parmi les espèces réputées calmes : le grand combattant de Bornéo (B. anabatoides), le combattant rouge (B. coccina) ou le combattant nain (B. persephone).
Famille du combattant
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Choisir l’aquarium Le choix de l’aquarium doit être régi, outre les critères esthétiques propres à chacun, par le bon sens et de façon à offrir aux poissons un milieu d’existence adéquat.
Des croyances qui ont la vie dure Avant toute chose, démontons une rumeur infondée qui perdure encore : il est souvent avancé que le combattant se contente d’un
volume d’eau très faible et pourrait même survivre dans un verre. Ceci est totalement faux. Si les importateurs, les grossistes et les animaleries présentent souvent leurs animaux dans ce type de récipients, il faut bien avoir en
tête que c’est dans l’idée d’un transit très rapide. Les animaux ne devraient rester que quelques jours dans leur verre. Au-delà, leur avenir est nettement compromis. Vous avez d’ailleurs certainement constaté, dans un
magasin qui pratique ainsi, qu’il y avait souvent un ou deux cadavres de poissons parmi les verres en question ! Dans un si petit volume, sans possibilité d’installer une aération ou une filtration mécanique, l’eau croupit extrêmement vite. De ce fait, la pollution croît rapidement, ce qui se traduit par la montée du taux de nitrites, toxiques. Ceux-ci empêchent notamment la capture de l’oxygène dissous par les branchies. Parallèlement, la surface de l’eau se couvre tout aussi promptement d’un voile gras et sale qui perturbe la respiration annexe du combattant, via son labyrinthe. Bref, dans les deux cas, il meurt par asphyxie.
Le volume de l’aquarium
Ne choisissez pas un aquarium trop petit, un minimum de quelques litres est requis.
Dans un volume restreint, il ne sera pas possible de loger plusieurs espèces de poissons.
Il est donc impératif de ne pas choisir un aquarium trop exigu, surtout s’il n’est pas muni d’un système de filtration. Non seulement cela mettrait le poisson en danger, mais la maintenance deviendrait également plus lourde. En raison du risque de croupissement rapide de l’eau, il conviendrait effectivement de changer celle-ci en totalité très régulièrement, plus d’une
Former un couple ne sera pas non plus réalisable dans un faible volume (ici une femelle « Classic »).
fois par semaine. Le phénomène est bien entendu exacerbé lorsque la nourriture distribuée est trop abondante ou de piètre qualité, mais nous y reviendrons. Par ailleurs, outre le côté contraignant des changements d’eau répétés, il faut avoir à l’esprit que c’est là une opération stressante pour l’animal, a fortiori si l’eau utilisée n’est pas à bonne température ou débarrassée des dérivés chlorés qu’elle est susceptible de contenir. Un stress qui a lieu trop souvent n’augure pas une durée de vie importante. u Une dizaine de litres constitue un minimum acceptable pour un unique poisson et, dans tous les cas, il est fortement conseillé de ne pas descendre en dessous de quelques litres. Évidemment,
le poisson s’épanouira encore mieux dans un plus grand bac. Cela veut dire qu’il faut se méfier des contenants, parfois minuscules, bien que très décoratifs, proposés par les animaleries. Il sera difficile d’y maintenir un combattant dans de bonnes conditions. Les vendeurs pas toujours scrupuleux (et éventuellement pressés de vous voir remplacer périodiquement le poisson) ou incompétents relayent quelquefois la vente de ces « mini-bocaux » : ne les écoutez pas ! u Il faut aussi songer aux éventuels colocataires du combattant. Si vous désirez lui associer d’autres espèces, le volume de l’aquarium sera bien sûr adapté. Une bonne vingtaine de litres sont alors nécessaires, au minimum.
Choisir l’aquarium