Davroux
Cultiver sans bêcher
FOU DE JARDIN
Aurélien
Sommaire
Bêchage : mythes et réalités
Réalisations
52
Pratiques simples et vertueuses
Solutions
Planter pour ne plus bêcher
96
Les plantes dépendantes du bêchage 6
Au fil des siècles de bêchage, certaines plantes en sont devenues dépendantes. Comme le blé moderne, elles ne poussent pas bien sans travail du sol ni fertilisations adéquates. On doit renoncer à une grande partie d’entre elles pour cultiver sans bêcher.
La culture traditionnelle suppose un bêchage initial du sol afin d’obtenir un substrat ameubli, aéré, enrichi de matières organiques, donc idéal, dans lequel nombre de végétaux se développent momentanément, quel que soit leur milieu d’origine. Des fleurs et des légumes, habitués à ce milieu douillet et protégé, ont été sélectionnés au fil du temps pour obtenir des variétés de plus en plus sophistiquées, avec un nombre de fleurs plus important ou sur une période plus longue que la normale.
LES CÉRÉALES ET LES MESSICOLES
Jusqu’à l’utilisation massive de désherbants sélectifs des cultures, blés, avoines, seigles étaient accompagnés dans les champs de tout un cortège de fleurs surnommées fleurs messicoles, littéralement « qui accompagnent les moissons » : bleuet, coquelicot, nielle des blés, violette tricolore ou encore matthiole parfumée bénéficiaient du travail du sol et fleurissaient un peu avant la maturation des céréales, profitant des moissons pour disperser leurs propres graines et se perpétuer.
LES FLEURS ANNUELLES
Elles germent sur un sol travaillé en mars ou avril, se développent vite pour commencer à fleurir à partir de début juin pour les plus précoces et une grande partie de l’été. Elles produisent des graines à la fin de l’été pour les disperser. Elles ne germeront que sur des sols travaillés, car elles sont incapables de s’enraciner sur des sols compactés ou concurrencés par de l’herbe ou d’autres plantes.
LES FLEURS SOPHISTIQUÉES ET GOURMANDES
Certaines fleurs hybridées depuis des générations ont progressivement perdu la sobriété et la robustesse de leurs ancêtres sauvages et ne peuvent donner le meilleur d’elles-mêmes que sur des sols régulièrement bêchés, enrichis, binés et arrosés. Les dahlias, les rosiers « à massif » et nombre de fleurs populaires comme les pensées à grandes fleurs, les tulipes hybrides, les bégonias tubéreux et les bégonias « à massif », les pétunias ou les pivoines aux grosses fleurs doubles, les iris de jardin aux fleurs de plus en plus grandes et parfaites, entrent dans cette catégorie.
LES LÉGUMES
Les légumes potagers annuels ne peuvent guère être laissés à eux-mêmes sans un suivi régulier : ils ne poussent pas si le sol n’est pas bêché ou ne produisent que des petites feuilles, des haricots immangeables ou des minipommes de terre. Certes, aujourd’hui, des méthodes et des pratiques nouvelles inspirées de la permaculture permettent de réduire les interventions pour cultiver ces mêmes variétés ultra-sélectionnées, ou mieux encore, des variétés anciennes, moins fragiles, remises au goût du jour. Mais il existe aussi beaucoup de comestibles vivaces et pérennes, qui diffèrent plus ou moins des légumes classiques, mais dotées de saveurs similaires ; elles apportent aussi des nutriments et oligoéléments qui ne peuvent pas être puisés par des plantes à végétation annuelle.
Les 7 étages de végétation imbriqués
Dans la nature, les plantes poussent les unes dans les autres, formant un manteau végétal diversifié dans lequel on peut observer jusqu’à 7 étages de végétation imbriqués. S’inspirer de cette répartition dans nos jardins permet de mieux couvrir le sol et de ne plus jamais avoir besoin de bêcher.
Le mélange de végétation dense recrée les mêmes effets bénéfiques qu’un paillage : moins ou pas de désherbage, faible évaporation de l’eau, apport de nutriments, abri pour les animaux auxiliaires… En choisissant des espèces attrayantes en diverses saisons, vous obtiendrez des massifs à l’intérêt renouvelé toute l’année. Au potager, vous pouvez mélanger des légumes vivaces à des buissons ou des arbres fruitiers en utilisant les mêmes principes d’étages naturels.
GÉRER LA LUMIÈRE
La diversité et la longévité d’une plantation étagée dépendent de la quantité de lumière qui parvient au sol, selon les essences concernées. On peut intervenir légèrement en pratiquant des tailles d’éclaircie sur les étages supérieurs, afin de laisser passer la lumière pour les étages inférieurs. Cela maintient l’ensemble de la plantation dans une « mi-ombre » salvatrice dans laquelle beaucoup de végétaux de jardin peuvent pousser.
3Étage herbacé
Les plantes vivaces en touffes, généralement plus hautes que les précédentes.
2Étage couvre-sol
Les plantes tapissantes et rases.
1Étage souterrain
Bulbes, rhizomes et tubercules, qui apparaissent ponctuellement entre les autres plantes puis disparaissent.
LA PLANTATION EN ÉTAGES
Il est difficile de concevoir une plantation « en étages » dès le départ, mais facile de compléter les niveaux manquants. Ajoutez des couvre-sol autour des vivaces, buissons et bulbes, entourez les arbustes de grandes vivaces et buissons, puis intégrez des grimpantes sur des supports naturels comme les arbres et arbustes.
6Étage des grimpantes
Ces plantes se faufilent entre les autres strates pour trouver la lumière.
7Étage arboré
En théorie, au-delà des 7 m (grands arbustes et arbres).
5Étage arbustif
Les plantes « à bois » (arbrisseaux et petits arbustes) de taille en principe inférieure à 7 m.
4Étage des buissons
Petits arbustes et plantes à tiges ligneuses inférieures à 2 m.
Laisser les légumes se ressemer 35
Les graines des légumes et aromatiques ont parfois du mal à germer lors d’un semis classique dans un sol préparé dans les règles de l’art. Pourtant, elles germent dans les endroits les plus improbables, sur des sols souvent non bêchés. Il suffit de les laisser fleurir !
Laisser fleurir quelques légumes et aromatiques offre plusieurs avantages : des fleurs souvent délicieuses et goûteuses, comme celles des choux ou des ciboulettes, mais aussi des graines, capables de se disperser et de se ressemer toutes seules. Elles germent souvent dans des endroits inattendus, comme le pied des haies ou les joints entre des dalles (là où le sol n’est jamais préparé ni amendé !) et peuvent donner d’excellentes récoltes. Elles poussent aussi parfois à des époques inhabituelles, ce qui décale les récoltes.
Fleurs de choux
Les choux produisent de grandes hampes florales plus ou moins ramifiées, où éclosent des centaines de fleurs généralement jaunes, durant 2 à 3 semaines. Elles ont une saveur piquante, à mi-chemin entre du chou cru et du wasabi, de la même famille. Gardez seulement la partie inférieure du bouquet pour former des graines, c’est largement suffisant.
Fleurs d’aromates
Beaucoup d’entre nous ont le réflexe de couper les fleurs des aromates prétextant qu’elles nuisent à la qualité aromatique de la plante. C’est faux, et cela fait perdre des saveurs subtiles en même temps qu’une possibilité de naturalisation toujours intéressante. Les fleurs de ciboulette sont délicieuses, leur goût est semblable à celui des feuilles, mais plus doux grâce au nectar légèrement sucré. Essayez aussi celles du thym, de la sauge, du persil…
Le fenouil vivace (Foeniculum vulgare) produit des fleurs en ombelles au cours de l’été au goût anisé très marqué, mais plus doux que son feuillage.
Fleurs de radis
Oubliez quelques radis avant le départ en vacances et au retour, ils mesurent 1 m de haut et sont couverts de fleurs blanches. Avant de tout arracher, goûtez les fleurs, un peu moins piquantes que celles des choux (mais équivalentes à celles des rosettes à fleurs jaunes ou à fleurs blanches). Les fruits, qui forment des petites gousses plus ou moins allongées, sont également très goûteux si encore verts, et leur saveur ressemble curieusement à celle des racines.
Fleurs de bette à carde
La bette à carde ou blette n’est jamais aussi belle que par semis direct, ou encore mieux, quand il est spontané : elle se place alors au meilleur endroit, souvent abrité, dans un sol non bêché et pousse à contre-saison des semis de culture, allongeant alors les périodes de récolte. Impressionnant, un pied en fleurs dépasse 1,50 m de haut et disperse des milliers de graines, qui ne germent heureusement pas toutes…
VARIABILITÉ GÉNÉTIQUE
Si on laisse se ressemer des légumes hybrides F1, leurs semis donneront des plantes très variables, souvent très différentes les unes des autres. Ce n’est pas forcément mauvais et peut donner de très bonnes surprises, des formes insolites, des saveurs inattendues…
Ciboulette
Fenouil vivace
Des fleurs « bouche-trou »
Certaines plantes vivaces, jeunes arbres et arbustes mettent plus de temps que d’autres à s’installer et se développer. Au lieu de maintenir l’espace entre elles vide et propre, en le bêchant ou en le couvrant d’un paillis, plusieurs plantes à croissance rapide garnissent cet espace sans concurrencer les plantations d’avenir.
Renouée
Persicaria affinis
Tiges et feuilles allongées sont plaquées au sol et s’étendent rapidement en produisant entre juin et octobre de très nombreux épis rosés puis rougeâtres, dressés sur de fins pédoncules. La renouée tolère toutes les expositions, mais fleurit mieux avec un peu de soleil et végète en sol pauvre et sec. 20 x 70 cm. Z8
Véronique tapissante
Veronica ‘Kentish Pink’
Une belle variété aux petites feuilles vert pomme persistantes, se développant par de longues tiges rampantes qui s’enracinent au contact du sol. La floraison rose pâle intervient durant plusieurs semaines, au printemps puis en fin d’été. Tolère le plein soleil en sol frais. 15 x 200 cm. Z7
Oreille de souris
Cerastium tomentosum
Vigoureuse vivace proche des œillets, au petit feuillage argenté accueillant une profusion de fleurs blanches en fin de printemps. La plante finit par couvrir une belle surface grâce à ses fins rhizomes, qui demeurent faciles à limiter car ils sont superficiels. 15 x 200 cm. Z7
Géranium vivace
Geranium x magnificum
Comme la plupart des géraniums vivaces, celui-ci possède une généreuse floraison bleu violacé entre printemps et été. Son feuillage profondément nervuré, abondant et couvrant, prend souvent en automne de belles teintes rouge orangé. Il s’étend lentement par de courts rhizomes, faciles à multiplier. 30 x 60 cm. Z7
Crucianelle
Phuopsis stylosa
Cousine de la précédente, mais originaire du Caucase, cette espèce forme également un tapis rhizomateux. En fin de printemps, puis sporadiquement en fin d’été apparaissent des pompons roses hérissés, à l’odeur singulière. Elle préfère le soleil ou la mi-ombre claire, en sol drainé. 20 x 200 cm.
Cultiver sans bêcher, c’est adopter des solutions simples et innovantes pour préserver la fertilité du sol et simplifier le jardinage. En bousculant nos habitudes et nos idées reçues, ce guide propose 60 clés essentielles pour cultiver en abondance plantes ornementales et plantes comestibles sans épuiser la terre et sans effort.
● Bêcher, entre mythes et réalités : le bêchage, une technique passée au crible des nouvelles connaissances en agronomie et en botanique. Au jardin ou au potager, toutes les techniques simples et vertueuses qui permettent d’ameublir le sol, de le désherber et de le fertiliser sans bêcher. Un nouveau pacte avec la nature.
● Planter pour ne plus bêcher : des solutions végétales nécessitant peu d’entretien et qui ouvrent de nouvelles perspectives pour couvrir tous les types de sols, habiller la base des haies, densifier les massifs, végétaliser le pied des jeunes arbres… Pour des jardins fertiles et autonomes.
Aurélien Davroux est ingénieur horticole, mais avant tout jardinier : il entretient un jardin dans le Pas-de-Calais depuis presque vingt ans, et en a créé un autre en Anjou plus récemment. Il y compose des massifs à la fois esthétiques et demandant peu de soins, où sont rassemblées plus de 2 000 espèces et variétés différentes, le tout sans pesticides ni engrais, et en respectant les sols et les petits habitants du jardin. Il est également un collaborateur régulier du magazine l’Ami des jardins.
