Extrait Nouvelles plantes d'ombre - Editions Ulmer

Page 1

INTRODUCTION

|4

5|

PRÉFACE

J

e connais depuis longtemps l’intérêt passionné que Cédric Basset porte aux plantes ornementales des régions tempérées et froides de l’Asie, que j’avais remarqué dès nos premières excursions botaniques communes. Cédric est maintenant devenu un spécialiste incontesté des plantes de ces régions du monde, de leur culture et de leur acclimatation en Europe. Il nous donne, avec son nouvel ouvrage, un riche et vaste panorama des plantes ornementales capables de pousser à l’ombre et de résister aux froids européens ; la plupart viennent d’asie mais, en cherchant bien, on en trouvera quelques-unes qui sont originaires d’amérique Nord (Darmera, Sanguinaria, etc.). Cet ouvrage a, de mon point de vue, un puissant intérêt botanique, du fait qu’il donne accès à un phénomène trop peu connu, l’« involution des plantes », c’est-à-dire une évolution, au sens darwinien du terme, mais associée à une réduction des dimensions. Je m’explique : beaucoup des plantes figurant dans l’ouvrage sont, si j’ose dire, des « aventurières », puisqu’elles appartiennent à des familles d’arbres tropicaux. Abandonnant dans la chaleur moite des forêts situées autour de l’Équateur leurs parentes arborescentes et moins audacieuses, elles se sont aventurées jusqu’aux hautes latitudes, là où la période de végétation se raccourcit ce qui impose à ces plantes d’adopter des dimensions réduites ; continuant à s’avancer jusqu’à des latitudes encore plus hautes, elles doivent affronter le froid hivernal, qui les contraint à chercher un refuge

souterrain et protégé par une couche de neige, un habitat difficile mais dont les températures restent compatibles avec la vie végétale. Un Isodon de 40 cm de hauteur est cousin du teck de Birmanie et doit être considéré comme la fine pointe de l’évolution de la famille des Lamiaceae. Un Panax de 20 cm est le digne représentant, à 50° Nord, des énormes Schefflera d’amazonie et des Gastonia de Nouvelle Guinée, des Araliaceae qui atteignent 40 m de hauteur. Les Elatostema et Pilea, qui ne dépassent guère 40 cm de haut, ont pour ancêtres directs les terrifiants Laportea gigas de la Nouvelle Irlande, dont le caractère urticant, si répandu chez les Urticaceae, est… à l’échelle de ces très grands arbres. Un Trigonotis de 10 cm est étroitement apparenté aux énormes Cordia, ces Boraginaceae exploitées pour leurs bois dans les chantiers d’abattage des forêts sud-américaines. Et c’est pour moi un moment d’émotion que de reconnaître dans un Tripterospermum, ou tout simplement dans une Gentiane, les descendants « involués » des Gentianaceae arborescentes des forêts tropicales, les Fagraea d’Asie, les Anthocleista d’Afrique et les Tachia de l’Amazonie et des Guyanes. On trouverait bien d’autres exemples d’involution dans les Polygonaceae, Rosaceae, Euphorbiaceae ou Asteraceae. L’ouvrage de Cédric Basset présente donc un triple intérêt, horticole, écologique et botanique, auxquels s’ajoute une indiscutable valeur esthétique, liée aux plantes elles-mêmes qui sont, tous les amateurs de jardins vous le confirmeront, les sommets de la beauté du monde. Francis Hallé, à Montpellier le 29 août 2013.

Les Isodon sont des cousins du teck de Birmanie (ci-contre Isodon longitubus ‘Seijaku’)


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.