Extrait - De la nature à l'oeuvre - Éditions ULMER

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Henrique Oliveira Brésil

Henrique Oliveira est né en 1973 à Ourinhos, au Brésil. Il vit et travaille à São Paulo. Dans les années 1990, alors qu’il est encore étudiant en peinture à l’Université de São Paulo, le jeune homme, visage angélique et allure gracile, remarque les palissades en contreplaqué dans les favelas et les chantiers de la ville : « Les vieux murs, les extérieurs détériorés et les clôtures temporaires en bois — « tapumes » — sont monnaie courante au Brésil. Ils sont devenus mes objets de recherche favo ris. Ces matériaux de récupération font à la fois partis de la nature et de notre culture. Je les utilise d’abord pour la texture singulière de ce bois, ses veines de couleur, ses entrelacs et autres nœuds qui constituent des réseaux hors de contrôle », explique Henrique. « Je me nourris aussi d’ouvrages scientifiques, plus particulièrement des études sur le système neuronal et sur les pathologies physiques telles que les tumeurs ». Depuis 2003, l’artiste brésilien développe, outre la peinture, des œuvres monumentales in situ, créées à partir de tapumes, « clôtures » en portugais. Ce sont des créatures plutôt que des créations, tant elles semblent vivantes. Organiques et protéiformes, ses œuvres malignes, sans commencement ni fin, contaminent l’espace, soulèvent les murs, percent les planchers, dévorent les ouvertures. Les lieux investis semblent prêts à exploser sous la pression des tumeurs végétales. Métaphore de l’extension urbaine, de la mégapole et des favelas de Sao Paulo — centre névralgique de l’économie brésilienne —, l’œuvre endémique de Henrique est à vivre. Il faut pénétrer les viscères de boisw, déambuler dans les excroissances des racines, se laisser envahir par sa dimension aussi inquiétante que sensuelle. Dans ces réseaux de branches, planches, veines, quelque chose se joue qui nous dépasse. Une autre nature, anarchique et souveraine.

«La mégapole est ma première source d’inspiration».

Transarquitetônica, 2014 Museu de Arte Contemporânea, São Paulo, Brazil

Desnatureza, 2011 Gallerie Vallois, Paris, France

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Baitogogo, 2013 Palais de Tokyo, Paris, France

Tapumes, 2008 Gallerie Vallois, Paris, France

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The Origin of the Third World, 2010 29ª Bienal de São Paulo, São Paulo, Brazil

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Lee Jae-Hyo Corée

Né en 1965, Lee a grandi dans l’usine de briques de son père. « La cour était mon terrain de jeu. Les outils et les matériaux naturels, mes premiers jouets », se souvient le plasticien, nourri des maîtres du Land Art, diplômé en arts plastiques de l’université Hongik et lauréat du prix international de la sculpture en paysage forestier en 2002. À Yang Pyung où il vit, dans la province de Geonggi, au sud de Séoul, la forêt et la rivière Han ne sont jamais très loin. La nature est sa plus fidèle complice. « J’éprouve un immense respect pour la nature. C’est elle qui me souffle mes œuvres. Je ramasse les rondins de bois dans les forêts, les pierres viennent du lit de la rivière. Choisir les uns ou les autres détermine déjà l’œuvre à venir », explique Lee. L’énergie de la nature, l’épure de ses lignes, l’humilité de ses éléments, décident des formes. « Je ne sais pas vraiment qui, du matériau ou de l’artiste, commande l’autre ! C’est comme si ma main suivait la pensée de la matière… Le bois possède ses caractéristiques propres. Je ne travaille pas contre lui, mais avec lui. C’est le matériau lui-même qui dicte mon geste, sa texture qui décide de la forme. On ne peut pas l’imposer de l’extérieur. » Et la forme parfaite, récurrente dans le travail de Lee, est la sphère « qui se cherche dans la plupart de mes œuvres », dit-il. Le plus souvent, Lee façonne ses œuvres dans son atelier, même s’il préfère les voir exposées en plein air. « La

plupart sont en bois, un matériau vivant, sensible au climat. Comme pour les hommes, le temps patine l’œuvre. C’est important. » Il faudrait pouvoir les toucher, éprouver la caresse du bois poli, tellement poli qu’il est aussi lisse qu’une soie. Les sentir aussi, humer les veines du bois, le métal des pierres. « Certaines de mes œuvres sont utilisées comme des sièges ou des sofas. Je ne fais pas de pièces de design à proprement parler. Mais pourquoi pas ? La frontière est parfois incertaine entre le design et l’art. Le plus important, c’est de vivre l’œuvre. » Lee Jae-Hyo n’est pas seulement un créateur. Il est un intercesseur, capable de révéler, au travers de ses œuvres patiemment élaborées, la nature intime de la matière, son essence quasi spirituelle.

« J’éprouve un immense respect pour la nature.

0121-1110=113018, 2013

C’est elle qui dicte mon geste, qui me souffle mes œuvres »

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0121-1110=109129; 2009

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0121-1110=106102, 2006

0121-1110=1111011, 2011 Titre Ĺ“uvre, Date

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Nils-Udo Allemagne

« Je ne m’impose pas, je cherche plutôt un véhicule et un prétexte pour montrer ce qui existe. Je ne fais que regarder et souligner la puissance créatrice de la nature vivante, sa vivacité, sa force, sa fragilité. Mon travail est naturellement sous-tendu par une dimension politique. Quand je vois la nature continuellement appauvrie, je suis à la fois déprimé et furieux de colère», dit l’artiste allemand, né en 1937 à Lauf, qui a fait de son art sa vie entière. Pionnier en Europe de l’art dans la nature, Nils-Udo, dès la fin des années 60, entreprend de vastes plantations d’arbres, d’arbustes et de fleurs dans les environs de son village de Haute Bavière. Il cueille des baies, dispose des pétales de fleurs sur l’eau, dans les aspérités des arbres, entremêle des branches, dégage un entrelacs de racines, enregistre la course d’une feuille d’érable portée par le vent... Autant d’installations délicates, minérales et végétales, aux dimensions variables, composées de matériaux trouvés sur place. Chacune de ces œuvres éphémères interroge les rythmes de la nature, les cycles des saisons, les transformations que le temps opère, la décrépitude, inscrite au cœur même du vivant. À l’acmé de leur intensité, NilsUdo les photographie, avant de les rendre à la terre. « Je ne recherche pas la beauté. C’est elle qui s’installe en moi. C’est une beauté tout à la fois belle, laide, cruelle », dit NilsUdo dans un français choisi. « Mon regard peut se poser n’importe où. Je me laisse guider par la nature et réagis en fonction de ce que je rencontre. Sans idée préconçue, je réagis à la topographie d’un lieu, à la lumière, au climat, aux matériaux. Il s’agit toujours d’une réponse ». Depuis l’automne 2004, Nils-Udo, comme un écho de sa propre contemplation, a recours à la peinture. Des toiles aux couleurs chatoyantes et aux abstractions lyriques. « Au commencement, je suis peintre... La peinture a toujours été au fond de moi. Je savais qu’elle reviendrait à la surface. Avec ce medium, je redécouvre la liberté de l’imaginaire. Non pas qu’il soit plus vaste que le réel. Ce sont les deux faces d’une même médaille ».

« Je ne recherche pas la beauté. C’est elle qui s’installe en moi. C’est une beauté tout à la fois belle, laide, cruelle ».

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Nid d’hiver, 1993, Dietenbronn, Bavière, Allemagne

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Motoi Yamamoto Japon

Depuis les années 2000, Motoi Yamamoto, né en 1966 à Onomichi (préfecture de Hiroshima) et diplômé du Kanazawa College of Art, utilise du sel pour créer des sortes de « cartographies mentales ». Ces œuvres, profondément méditatives, convient l’artiste comme le spectateur a un voyage dans la mémoire et l’oubli. Symbole traditionnel de purification dans la culture japonaise, le sel est utilisé dans les rituels funéraires ainsi que dans la vie quotidienne (disposé en petit tas à l’entrée des maisons par exemple, il sert à conjurer les mauvais esprits et d’attirer les « kami » bienveillants). « Dessiner un labyrinthe de sel, c’est comme suivre une trace de ma mémoire. Les souvenirs semblent changer et disparaître au fil du temps. Cependant, par la pratique de mon art, je cherche à capturer un instant qui ne peut être atteint par des images ou des mots. Quand j’achève le dessin, j’ai parfois le sentiment de toucher un souvenir précieux », dit Motoi dont l’art est né non pas d’une aspiration mystique, mais bien d’une expérience personnelle puissante.

Son art, à la beauté intense et sereine, a pris naissance avec la mort de sa sœur et la nécessité pour le jeune homme de prendre soin de ses souvenirs. L’acte même de création, à l’instar des mandalas élaborés avec du sable par les moines bouddhistes tibétains, est un acte de méditation et de recueillement qui donne accès aux confins les plus profonds de la conscience humaine. Ses créations, exposées dans le monde entier, d’Athènes à Jérusalem, de Mexico à Séoul, de Tokyo à New York, ont été couronnées par le Prix Art Philip Morris en 2002 et celui de la Fondation Pollock-Krasner Grant en 2003. Motoi les considère comme des exercices à la fois « futiles et nécessaires ». Chacune de ses installations est éphémère et sa dispersion fait partie intégrante de l’œuvre. Une fois achevée, elle est livrée à l’eau dans un rituel auquel participe le public. Un « Retour à la mer » sans cesse à reprendre, telle est l’œuvre délicate et ineffable de Motoi Yamamoto.

« Dessiner un labyrinthe de sel, c’est comme suivre une trace de ma mémoire. J’ai parfois le sentiment

Labyrinth, 2012 Bellevue Arts Museum, USA

de toucher un souvenir précieux »

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Forest of Beyond, 2011 The Hakone Open-Air Museum, Japan

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