GILLES CARCASSÈS
“La Fleurette et le
CAMIONNEUR”
À LA DÉCOUVERTE DE LA NATURE EN VILLE
Des escargots dans les arbres
LEURS MORSURES LAISSENT DES TRACES
Pourquoi les escargots grimpent-ils dans les arbres ? Est-ce pour échapper au hérisson ? Par mégalomanie ? Pour profiter de l’eau qui ruisselle sur les troncs ? Pour éviter la noyade dans les flaques ? Pour consommer les lichens et microalgues qui se développent sur les écorces ? Pour se mettre à l’ombre et s’éloigner de la chaleur qui règne au sol quand il fait beau ? Les escargots finissent par se fixer sur leur support lorsqu’il n’est plus assez humide pour continuer leur progression. Peut-être que leur esprit aventureux avait amené ces escargots des jardins assez haut dans cet arbre, et qu’ils y sont restés après l’orage. Mais l’hypothèse des micro-algues me séduit. Car les escargots ne consomment pas que les feuilles des plantes, ils broutent aussi des algues. Pour preuve, ces traces laissées par leurs dents sur ce vieux portail métallique verdi par des colonies d’algues unicellulaires. Comment ça, les escargots n’ont pas de dents ? Regardez de plus près si vous n’y croyez pas. Ces traces en zigzag sont celles laissées par la radula d’un escargot, cet organe râpeux,
situé dans sa bouche, qui lui sert à racler la matière dont il se nourrit. Savez-vous qu’on peut entendre mâcher les escargots ? Dans les élevages d’escargots, quand ils sont rassemblés par milliers, on entend parfaitement le bruit de leur mastication.
Gros plan des traces laissées par les dents d’escargots sur un vieux portail métallique. 8
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Écrevisse américaine, sur son lit de coquillages asiatiques
UNE INVASION AU FOND DES ÉTANGS
Ce n’est pas une spécialité gastronomique, mais une observation naturaliste faite à l’Île de loisirs de Cergy-Pontoise, où un plongeur a photographié cette écrevisse en chasse sur une colonie de corbicules, des bivalves invasifs. Ces écrevisses, qui pullulent dans les bassins, se nourrissent de plantes aquatiques et de petits animaux : larves d’insectes, petits poissons, têtards, vers… Le plongeur a bien voulu m’en attraper une pour que je puisse l’examiner. Après un brin de toilette, des taches rouges bien visibles sur l’abdomen me renseignent sur l’espèce : c’est Orconectes limosus, l’écrevisse américaine, qui nous vient de la côte est des États-Unis. Introduite en France en 1911 dans le Cher, elle est devenue l’espèce la plus fréquemment rencontrée dans notre pays et prolifère dans les cours d’eau, les bassins, les réservoirs, au détriment de nos trois espèces indigènes qui sont toutes en voie d’extinction, victimes de la concur10
rence et d’une maladie apportée par les Américaines, nommée la « peste des écrevisses ». Seul le département de la Lozère résisterait encore à l’envahisseur ! Deux autres espèces nord-américaines sont arrivées plus récemment : l’écrevisse du Pacifique, dans les années 1970, et l’écrevisse rouge de Louisiane, dans les années 1980. Cette dernière espèce est très redoutée en raison de son comportement fouisseur, qui mine les berges. Trois autres espèces exotiques plus discrètes
PRINTEMPS
Le crustacé fait face à l’intrus pour mieux s’enfuir en marche arrière d’un vigoureux coup de nageoire caudale.
sont également présentes en France : l’écrevisse à pattes grêles, en provenance d’Europe de l’Est, l’écrevisse juvénile et l’écrevisse calicot, toutes deux nord-américaines. On redoute aussi l’arrivée dans le milieu naturel de nouvelles espèces exotiques en provenance d’Australie et d’Amérique, qui circulent déjà dans les réseaux d’aquariophilie. L’écrevisse américaine et ses taches rouges sur l’abdomen. 11
Élevée à la baguette
ÇA NE MANGE PAS DE PAIN
Drôle de corneille noire, qui justement n’est pas noire mais bigarrée. Les corneilles blanchissent-elles avec l’âge ? Son père aurait-il fauté avec une pie ? S’agit-il d’une anomalie génétique ? Rien de tout cela : il s’agit de l’effet d’une carence en un acide aminé essentiel pour la pigmentation de ses plumes, la lysine. Et pourquoi donc serait-elle carencée, cette pauvre corneille ? Cherchons autour d’elle (à l’Île de loisirs de CergyPontoise) un aliment abondant et naturellement pauvre en lysine : c’est le pain ! Cet oiseau, enfant de parents dégénérés, ou tombé du nid, n’a pas eu étant petit une bonne éducation et une alimentation équilibrée. Il s’en sortira peut-être après la mue s’il se convertit à une alimentation conforme aux oiseaux bien élevés de son
espèce : insectes, larves, petits mammifères, noix, vers de terre, jeunes pousses, escargots, lézards, œufs, graines, grenouilles, cerises, hérissons écrasés, poissons malades, feuilles de betteraves… Promeneurs, faites passer le message autour de vous : pédale douce sur le pain ! Il rend malades les corneilles, mais aussi les cygnes, les canards et les ragondins. Les chèvres et les autres animaux des fermes pédagogiques ne doivent pas être nourris non plus. Chaque année, de nombreux animaux d’élevage meurent pour avoir consommé de trop grandes quantités de pain. Ne serait-il pas judicieux de n’acheter que la quantité de pain que l’on peut consommer, et d’apprendre à ne pas gaspiller ? Et de retrouver la recette du pain perdu…
La corneille noire est le corvidé le plus fréquent en ville. 12
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La belle vie du héron cendré
UN HÉRON BIEN CITADIN
Au bord du bassin qui s’étend au pied de la préfecture du Val d’Oise, ce héron cendré est très intéressé par les alevins de poisson rouge qui naviguent en bandes serrées. On voit régulièrement un héron à cet endroit, la place doit être bonne !
Parfois, de bon matin, avant l’heure de la marée humaine, on le voit patrouiller dans la pelouse du parc à la recherche de sauterelles et de limaçons. 14
Celui-ci est un jeune : c’est sa coiffure qui trahit son âge, car les hérons adultes n’ont pas le front gris, mais blanc.
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Les bassins du parc lui offrent d’autres ressources. Des escargots aquatiques et des larves de libellule feront son dessert.
Immobile, à l’affût dans la végétation de la berge, il sait se faire discret. Des centaines de citadins pressés vont passer près de lui sans le voir. Parfois, un gros poisson lui fait prendre tous les risques.
J’ai trouvé son refuge : le grand érable argenté de la piscine. De là, il a une vue imprenable sur les baigneuses qui se dorent au soleil.
Et pour admirer le soleil couchant, il choisit le sommet du grand cèdre. Les hérons cendrés ont un territoire très étendu. Bons voiliers, ils peuvent nicher à plusieurs kilomètres de leur terrain de chasse. Ces oiseaux établissent leur nid en colonies sur de grands arbres dans des situations très tranquilles, souvent sur les îles des fleuves ou au cœur de marais bien protégés. 15
La semaine des mathématiques
LA MULTIPLICATION DES CRAPAUDS
Chaque année, à la mi-mars, revient la Semaine des mathématiques. J’aime bien, cela me rappelle mon jeune temps quand je planchais sur des problèmes de robinets. Et puis les mathématiques sont à la base de tout, comme disait toujours mon professeur de maths. Alors on peut les mettre à toutes les sauces. Problème (photo ci-dessous) : sachant que chaque crapaud possède deux paires de pattes, calculez combien de crapauds forment ce groupe et quel est l’âge de la
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femelle. Le mâle du crapaud commun est généralement beaucoup plus petit que la femelle. Cette belle chorégraphie illustre bien l’excitation qui s’empare des amphibiens à la période des amours. Des bois et des jardins alentours, ils sont tous arrivés à la mare où ils sont nés. Les plus grosses femelles sont très convoitées ! Celle-ci va pondre des œufs assemblés en cordons gélatineux et en quelques semaines, les têtards vont naître et se développer, broutant les algues au fond
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Trois couples de crapauds communs.
de l’eau. Le jeune adulte, crapaud miniature, sortira de la mare pour aller vivre sa vie aérienne dans le creux d’une souche ou le trou d’un mur humide. Il faut sortir la nuit pour l’observer gober les insectes, vers ou mollusques qui s’aventurent sur son terrain de chasse. Ce jeune crapaud au regard attachant (photo de droite) était dans un regard cimenté de recueil des eaux pluviales. Nous l’en avons sorti, croyant bien faire, mais il y est retourné. Habitant discret des jardins en raison de son activité nocturne, le crapaud commun est un auxiliaire efficace pour le jardinier. Il consomme des cloportes, des millepattes, des araignées mais aussi des escargots, des limaces, des chenilles, des fourmis… Il est lui-même la proie du hérisson. Réponse au problème : il y a au moins six crapauds dans cette image, et la femelle
est sûrement grosse et âgée pour mobiliser autant de prétendants. Les crapauds peuvent vivre une dizaine d’années.
Jeune crapaud 17