Au fil des jours blessés

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Pierre-Marie Hoog, s.j.

Au fil des jours blessés Jésuite, frappé à 55 ans par une paralysie, Pierre-Marie Hoog plonge dans l’univers des malades pendant dix mois, sans savoir ce qui va se passer… Quand il n’a pas trop mal, il écrit des notes que nous lirons lentement : des mots comme extraits d’une gangue de non-savoir sur ce qui va advenir, de l’angoisse traversée au bout de la nuit, de la confiance avec les soignants qui permet à des personnes fragilisées de prendre des décisions risquées. Tout malade à l’hôpital est un être humilié : cette expérience radicale de pauvreté va lui permettre de communier aux souffrances des personnes qui viennent à lui. « C’est au-delà du voir, au-delà de l’entendre, quand je suis entièrement dépossédé, que tout commence, cette jointure entre la vie et la mort, cette jointure où l’on rencontre Dieu. Le lieu de ma plus grande faiblesse peut être le lieu de ma plus grande grâce. La grande souffrance qu’il arrive que nous ayons à traverser peut nous acheminer vers Dieu qui, lui aussi, s’y révèle démasqué des images que j’ai faites de lui. »

Pierre-Marie Hoog, s.j.

Au fil des jours blessés

Au fil des jours blessés

Récits et témoignages

Pierre-Marie Hoog, s.j.

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À travers ce livre, Pierre-Marie Hoog recherche avec passion l’inexplicable et inépuisable miséricorde de Dieu, le don gratuit de Dieu, l’évidente tendresse de Dieu dans la rencontre de chaque personne.

viechretienne.fr ISBN 978-2-918975-14-4

9 782918 975144

14,00 € © Éditions Vie chrétienne, 2016 47 rue de la Roquette 75011 Paris, France Code article 552 Publié pour la première fois en 2008 comme supplément à la revue Vie chrétienne no 540 Image de couverture : © Jonathan Woodcock | iStock

Vie chrétienne 540

Pierre-Marie Hoog, entré dans la Compagnie de Jésus à 17 ans, a été aumônier d’étudiants pendant une quinzaine d’années avant de devenir en 1977 assistant national de CVX (Communauté de Vie chrétienne). Il accompagne avec bonheur ces chrétiens de spiritualité ignatienne dans leur cheminement à la suite du Christ. Libéré en 1984 d’une tumeur sur la moelle épinière, il a mené un combat exemplaire pour réapprendre à vivre, à marcher, à rencontrer sans fin les autres, dans le cadre de l’église Saint-Ignace, à Paris, de 1985 à 1999, puis discrètement jusqu’à sa mort inattendue le 5 mars 2007. Outre ses dons pédagogiques, il avait des talents de musicien et de compositeur, de peintre et de dessinateur. Sans jamais se lasser, il a accompagné spirituellement un grand nombre de personnes et a scruté la Parole, animant plusieurs groupes bibliques.

Éditions Vie chrétienne



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Au fil des jours blessés


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Du même auteur Aux Editions Vie chrétienne Pour que vous croyiez, les récits dans l'évangile selon saint Jean, t. 1, chap. 1 à 10, no 566. Pour que vous croyiez, les récits dans l'évangile selon saint Jean, t. 2, chap. 11 à 21, no 569.

Chez d’autres éditeurs « L'impossible première pierre », revue Christus, octobre 2001, La violence. « Expériences de la relation médecin-malade », revue Laennec, mars 2001, colloque au Centre Sèvres.

ISBN 978-2-918975-14-4 Code article 540 © Éditions Vie chrétienne, 2016 47, rue de la Roquette, 75011 Paris, France www.viechretienne.fr Publié pour la première fois en 2008 comme supplément à la revue Vie chrétienne no 540. Photo de couverture : © Jonathan Woodcock | iStock


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Pierre-Marie Hoog, s.j.

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Vie chrétienne 47, rue de la Roquette 75011 Paris


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SOMMAIRE Préface de Claude Charvet, s.j. ......................................................7 Notes prises au temps de la maladie..............................................11 Expériences de la maladie. Expériences de la relation malade-médecin ................................139

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En hommage à l’un des premiers directeurs de Vie chrétienne


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PRÉFACE « Il y a une quinzaine années, je me suis retrouvé presque du jour au lendemain paralysé : de diagnostic incomplet et incertain, en chirurgie une première fois sans résultat, examens multiples et pénibles (il n’y avait à l’époque ni scanner ni résonance magnétique, mais des myélographies opaques ou gazeuses), j’ai traîné dix mois d’immobilisation jusqu’à une deuxième opération problématique et qui, par bonheur, a été la bonne (une lamellectomie sur quatre niveaux de cervicales). » Pierre-Marie Hoog est jésuite, entré à 17 ans dans la Compagnie. Il suit une formation qui lui permet d’acquérir des bases solides en philosophie, en théologie et en spiritualité mais aussi de développer ses dons pour chanter et diriger les chants, pour peindre et apprendre à regarder ce que les artistes créent, pour écouter et apprendre à accompagner… Très vite, il est envoyé auprès des jeunes comme aumônier à Saint-François-Xavier, dans un internat de Vannes, puis pendant douze ans à Sainte-Geneviève avec les étudiants qui préparent les concours des grandes écoles d’ingénieurs. En 1977, il est appelé pour devenir assistant national de la Communauté de Vie chrétienne (CVX). Il accompagne avec bonheur ces chrétiens de spiritualité ignatienne dans leur cheminement à la suite du Christ. « Après sept années merveilleusement heureuses à labourer un champ — Communauté de Vie chrétienne et revue Vie chrétienne — où c’est peu dire que je me suis plu à pousser ma charrue, l’étrange est la façon dont ça se termine. En 1977, je suis arrivé à Vie chrétienne en pleine forme. Par le gré d’une imprévisible Providence et le caprice de mes vertèbres, j’en repars probablement à demi-paralysé pour la vie ; en tout cas boiteux — je n’ose pas dire comme Jacob ! Après sept années de bravoure somme toute peu onéreuse, me voilà convié à un autre voyage inédit au pays du handicap. La nouveauté de cette aventure, c’est d’abord la découverte quotidienne, à travers mille et un détails incontournables, que le handicap, c’est handicapant ! C’est aussi une question. Pas tellement la question bête du “pourquoi ?” ou “pourquoi moi ?” ; mais la question : “cela m’est donné, pour en faire quoi ?” Je n’ai pas de réponse… et peut7


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être n’en n’aurai-je pas d’ici longtemps ! J’en suis au stade des découvertes et de l’étonnement. Sans parler des moments où je suis terrorisé par ce qui peut m’attendre dans les années à venir. » Pendant ces dix mois d’examens et d’attente sans savoir ce qui va se passer, Pierre-Marie, quand il en a la force, écrit ce qu’il appellera « Notes prises au temps de la maladie, décembre 1983 — septembre 1984 ». Il n’écrivait pas en vue d’être publié, mais il est néanmoins possible de suivre au jour le jour son cheminement humain et spirituel. Il sait mettre des mots autour de trois fils de couleurs différentes. Un fil de couleur rousse, comme la couleur de peau d’Adam et d’Ésaü, parce que leur corps est tiré de la terre. Pierre-Marie ose parler de son corps, qui vit la douleur, la dépendance, l’humiliation. C’est rare qu’un prêtre parle ainsi, avec humour et humilité de son handicap. « La douleur et l’invalidité rendent “corporel” comme on ne l’est jamais autrement. Néanmoins, c’est le mot d’“exil” qui me revient comme le plus adéquat à ce que je ressens. Pas seulement parce que, même pour les fonctions les plus élémentaires, mon corps m’échappe ; pas seulement parce que je ne parviens pas vraiment à m’approprier ce qui lui arrive, comme à un objet qui ne serait pas moi, et que je regarde avec curiosité les regards, les mains, les soins et les questions d’étrangers. Mais surtout parce que ce qui a lieu là m’appelle à quelque chose qui, d’évidence, n’a pas lieu là, et qui pourtant est à vivre là. Le plus spirituel se dévoile par le moyen de signes les moins faits pour cela ; l’invitation à une nouvelle vérité du cœur se spécifie dans et par une intense promiscuité avec les plus immédiates contraintes physiques… Si je souffre, la souffrance est tout mon espace et tout mon temps. Tout moi. Et si peu moi… » Tout au long des pages, l’expérience du corps prend une grande densité, donne à entendre les chants du Serviteur souffrant du prophète Isaïe, laisse voir en filigrane le visage du Christ dans sa Passion, fait sentir jusqu’où prend corps notre humanité, jusqu’où va se loger la vie de l’Esprit : dans le plus intime de la moelle épinière. C’est une dimension de l’anthropologie qui est rarement développée. Un deuxième fil pour dire la prière : il est de couleur noire pour pousser des cris d’angoisse, jaune d’or quand il rend grâce. « Les mots de la foi, non seulement ne produisent plus rien, mais littéralement, je n’ai rien à en faire. Est-ce encore croire ? » « Du fond de l’abîme, je crie vers toi. Ce n’est pas la mort, puisque cet abîme a un fond et que je peux encore crier… » « Prier pas seulement avec le meilleur de soi mais aussi 8


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Préface

avec le pire. Depuis que Jésus a osé “Eli, Eli, lamma sabbactani”, quel cri n’aurais-je pas le droit de pousser ? » Alors qu’il avait écrit avec soin de nombreux articles sur la prière, Pierre-Marie expérimente de nouvelles formes de prière : du silence le plus vide, comme vidé de Dieu, à l’intense communion éphémère « ces baisers-là sont bien rares ». De l’expérience la plus forte de l’exil sur une terre étrangère, à l’action de grâce de l’exode, il « faut avoir été au moins une fois vraiment “perdu” et “retrouvé” pour savoir pourquoi nous appelons Jésus : Sauveur ». Ce n’est pas un traité sur la prière qu’il rédige, ce sont des cris de joie devant la tendresse de la miséricorde, des silences chargés d’angoisses indicibles qui montent de son corps meurtri, des mots tirés de la nuit où l’aube tarde vraiment à se lever, des murmures émerveillés devant la lumière paisible de Pâques. Ses mots ouvrent un accès à Dieu qui se donne dans le plus grand dénuement. Une nouvelle couleur peut être découverte en tirant le fil de la relation avec les autres… Le fil pourrait être vert, comme une espérance indéfectible. Pierre-Marie a toujours eu la grâce de l’amitié, le don pour être présent à chaque personne, la capacité à s’émerveiller du regard bienveillant que Dieu porte sur chacun de nous. Les visites nombreuses, canalisées sous peine d’invasion, peuvent être source de malentendus. « Ils sont venus en groupe. Ils voulaient que je ne voie d’eux que leur amitié. Mais, dans leurs yeux, je n’ai vu que leur angoisse à mon sujet. Et, de mon côté, je voulais qu’ils ne voient de moi que ma confiance, et, sans doute, dans mes yeux, n’ont-ils vu que ma détresse. Merveilleuses méprises après tout. » « J’ai besoin de silence, besoin de maintenir ma propre anxiété un peu à distance de celle d’autrui… J’ai surtout besoin de protéger ma faiblesse. » Pierre-Marie a écrit une page merveilleuse sur les visites d’amis : à lire d’urgence avant d’aller à l’hôpital… Plus subtilement, la position de malade est difficile à tenir entre la nécessité de demander de l’aide, l’humilité de se laisser faire sa toilette, l’urgence de savoir ce qui va advenir : « Ne me cachez rien. Au fur et à mesure, ditesmoi toute la vérité. En échange, je ne discuterai aucune de vos décisions ». Le texte en annexe rend bien compte de tout le travail intérieur qu’il a mené pour trouver une relation juste. « Je ne sais rien de plus que ce que m’a dit le chirurgien. Croire, c’est jouer sa vie sur une parole. » Ce ne sont que trois pistes pour lire les notes ciselées au jour le jour. Bien d’autres couleurs, et d’autres fils peuvent être tirés comme celles d’un arc-en-ciel. Pierre-Marie a mené un combat exemplaire pour réap9


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prendre à vivre, à marcher, à rencontrer sans fin les autres, dans le cadre de l’église Saint-Ignace à Paris de 1985 à 1999, puis discrètement à la résidence de la rue de Grenelle jusqu’à sa mort inattendue le 5 mars 2007. Une de ses amies, F., lui avait écrit : « Si Jacob, au matin de son combat nocturne, se retrouve boiteux, blessé, il se retrouve aussi nommé d’un nouveau nom. Le voilà maintenant nanti d’un nouvel avenir et d’un nouveau destin, et libéré de lui-même, parce qu’il a osé regarder en face, sans en mourir, ce qu’il est… » Rencontrer un homme libéré, quelle grâce ! Claude Charvet, s.j.

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1 NOTES PRISES AU TEMPS DE LA MALADIE décembre 1983 — septembre 1984

« Et s’il vient à manquer à son visage de vivant, qu’on lui tienne de force la face dans le vent… » Saint-John Perse


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Tout est allé très vite.

D’abord des picotements aux bouts des doigts, puis quelques maladresses dans la marche. En quelques semaines, je me retrouve avec le bras et la jambe gauches inutilisables. Consultations multiples. Finalement, hospitalisation immédiate. Ponctions lombaires, myélographies diverses, etc. Le grand jeu de la médecine. Me voilà du jour au lendemain plongé dans le monde des malades et de la maladie. Mon corps entier me fait mal. Chaque mouvement devient problématique. En même temps, sentiment d’étrangeté : comme si cela arrivait à un autre. Je me rends compte que jamais je n’ai envisagé qu’un jour je pourrais être malade, encore moins impotent. La visite du Seigneur ne vient jamais du côté prévu.

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Hospitalisation.

À peine « admis », corps et temps sont confisqués. Des gens que l’on n’a jamais vus s’emparent de vous, vous questionnent, vous palpent, vous retournent en tout sens, vous font mal (« Et là ? Et là ? »), nomment ce qui se passe à l’intérieur de vous, et décident de ce qu’ils vont en faire. Et tout cela à une vitesse déterminée par eux seuls, sans rapport avec votre hâte d’être renseigné, ni non plus avec votre envie de calme et de repos. Leur extrême gentillesse cherche bien à excuser cette intrusion, mais elle la souligne davantage.

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En lecture partielle‌


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Achevé d’imprimer



Pierre-Marie Hoog, s.j.

Au fil des jours blessés Jésuite, frappé à 55 ans par une paralysie, Pierre-Marie Hoog plonge dans l’univers des malades pendant dix mois, sans savoir ce qui va se passer… Quand il n’a pas trop mal, il écrit des notes que nous lirons lentement : des mots comme extraits d’une gangue de non-savoir sur ce qui va advenir, de l’angoisse traversée au bout de la nuit, de la confiance avec les soignants qui permet à des personnes fragilisées de prendre des décisions risquées. Tout malade à l’hôpital est un être humilié : cette expérience radicale de pauvreté va lui permettre de communier aux souffrances des personnes qui viennent à lui. « C’est au-delà du voir, au-delà de l’entendre, quand je suis entièrement dépossédé, que tout commence, cette jointure entre la vie et la mort, cette jointure où l’on rencontre Dieu. Le lieu de ma plus grande faiblesse peut être le lieu de ma plus grande grâce. La grande souffrance qu’il arrive que nous ayons à traverser peut nous acheminer vers Dieu qui, lui aussi, s’y révèle démasqué des images que j’ai faites de lui. »

Pierre-Marie Hoog, s.j.

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À travers ce livre, Pierre-Marie Hoog recherche avec passion l’inexplicable et inépuisable miséricorde de Dieu, le don gratuit de Dieu, l’évidente tendresse de Dieu dans la rencontre de chaque personne.

viechretienne.fr ISBN 978-2-918975-14-4

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14,00 € © Éditions Vie chrétienne, 2016 47 rue de la Roquette 75011 Paris, France Code article 552 Publié pour la première fois en 2008 comme supplément à la revue Vie chrétienne no 540 Image de couverture : © Jonathan Woodcock | iStock

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Pierre-Marie Hoog, entré dans la Compagnie de Jésus à 17 ans, a été aumônier d’étudiants pendant une quinzaine d’années avant de devenir en 1977 assistant national de CVX (Communauté de Vie chrétienne). Il accompagne avec bonheur ces chrétiens de spiritualité ignatienne dans leur cheminement à la suite du Christ. Libéré en 1984 d’une tumeur sur la moelle épinière, il a mené un combat exemplaire pour réapprendre à vivre, à marcher, à rencontrer sans fin les autres, dans le cadre de l’église Saint-Ignace, à Paris, de 1985 à 1999, puis discrètement jusqu’à sa mort inattendue le 5 mars 2007. Outre ses dons pédagogiques, il avait des talents de musicien et de compositeur, de peintre et de dessinateur. Sans jamais se lasser, il a accompagné spirituellement un grand nombre de personnes et a scruté la Parole, animant plusieurs groupes bibliques.

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