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Alfred Delp, s.j.

Alfred Delp, s.j.

Lumière au cœur de la nuit Un jésuite allemand dans les prisons nazies Présentation de Michel Rondet, s.j.

Alfred Delp, s.j.

Récits et témoignages

Un jésuite allemand dans les prisons nazies Présentation de Michel Rondet, s.j.

Dans sa prison, affaibli par les tortures, les privations et l’isolement, il éprouve la tentation du désespoir, mais expérimente aussi paradoxalement la joie de la présence de Dieu au cœur de la nuit la plus totale. Il rédige lettres et méditations spirituelles avec lucidité, dans l’espoir que ses amis et les chrétiens allemands continuent le combat pour une Allemagne libre et une Église plus ouverte. Il nous livre aussi un itinéraire intérieur de discernement pour les détachements successifs qui lui sont demandés, nourri d’abandon à la confiance en Dieu. Au même titre que ceux de son voisin de cellule, le pasteur Dietrich Bonhoeffer, ses différents écrits, longtemps inconnus en France et rassemblés dans cet ouvrage, constituent un témoignage exceptionnel sur l’Amour ; l’Amour qui fait surgir le meilleur du pire qui peut nous affecter. Ils offrent au lecteur d’aujourd’hui une réflexion étonnamment actuelle sur la résistance spirituelle.

Lumière au cœur de la nuit

« Mon crime est d’avoir refusé la religion de l’orgueil et de la violence, et de l’avoir fait comme catholique et comme jésuite. » Le 2 février 1945, Alfred Delp, jésuite allemand, est exécuté par le régime nazi, à l’âge de 37 ans, condamné après un simulacre de procès pour avoir participé avec des compatriotes à un cercle de réflexion préparant le relèvement de l’Allemagne après l’étau politique et moral du national-socialisme.

Lumière au cœur de la nuit

viechretienne.fr

fidelite.be

ISBN 978-2-918975-31-1

ISBN 978-2-87356-612-8

9 782918 975311

9 782873 566128

12,90 € © Éditions Vie chrétienne, 2014 47 rue de la Roquette 75011 Paris, France Publié pour la première fois en 2003 comme supplément à la revue Vie chrétienne no 489 sous le titre Dieu rend libre. Face à la barbarie nazie. Photo de couverture : © TobySmith | iStockphoto.com

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Michel Rondet, jésuite depuis 1942, a été maître des novices, puis a enseigné la théologie à Aix-en-Provence. Auteur de très nombreux ouvrages de théologie très prisés des spécialistes comme du grand public, il a donné de très nombreuses retraites à quantité de laïcs, prêtres et religieuses, notamment à La Baume-les-Aix et Biviers.

Éditions Vie chrétienne



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De Michel Rondet, aux Éditions Vie chrétienne Dieu rend libre, 2003, no 489 (épuisé, réédité sous le présent titre). Les couleurs de Dieu, conversation avec Arcabas, 2011, no 554. Résister et oser l’espérance, entretiens avec Yves de Gentil Baichis, 2014, no 559.

Chez d’autres éditeurs Petit guide de la prière, DDB, 2001. Écouter les mots de Dieu. Les chemins de l’aventure spirituelle, Bayard, 2001. Laissez-vous guider par l’Esprit. Petit traité de théologie spirituelle, Bayard, 2005. La Trinité racontée, Bayard, 2008. Appelés à la Résurrection, Bayard, 2009. L’Esprit, espérance d’une Église en crise, Bayard, 2011. Libres traversées en Église, entretiens avec Yves de Gentil Baichis, DDB, 2012.

ISBN 978-2-918975-31-1 Code article 561 © Éditions Vie chrétienne, 2014 47 rue de la Roquette 75011 Paris, France viechretienne.fr

ISBN 978-2-87356-612-8 Dépôt légal belge : D.2014, 4323-19 © Éditions Fidélité, 2014 7 rue Blondeau 5000 Namur, Belgique fidelite.be

Publié pour la première fois en 2003 comme supplément à la revue Vie chrétienne no 489 sous le titre Dieu rend libre. Face à la barbarie nazie. Photo de couverture : © TobySmith | iStockphoto.com


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Alfred Delp, s.j.

Lumière au cœur de la nuit Un jésuite allemand dans les prisons nazies

Présentation et traduction de Michel Rondet, s.j.

Vie chrétienne | Fidélité 47 rue de la Roquette 75011 Paris | 7 rue Blondeau 5000 Namur


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SOMMAIRE Mot de l’Éditeur ..............................................................................5

Présentation, par Michel Rondet, s.j. ..............................................7

I. La vérité vous rendra libres ......................................................27 Le chrétien et son temps ..............................................................29 Au nom du Seigneur ....................................................................33 Sommes-nous encore capables de confiance ? ............................37 L’Église sait-elle encore inspirer confiance ? ..............................42 Donner à l’homme le sens de Dieu ..............................................45 L’avenir des Églises ......................................................................50 II. Prisonnier pour le Christ ........................................................55 Lettres et fragments du Journal ....................................................57 Méditations ....................................................................................71 Prière ............................................................................................84 III. Dans l’attente de la mort ........................................................97 Veni Sancte Spiritus ........................................................................99 Dernières semaines ....................................................................130 Lettre d’adieu aux Jésuites de Munich ........................................137 Table des références au texte allemand ......................................139

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MOT DE L’ÉDITEUR Les écrits d’Alfred Delp, jeune jésuite allemand exécuté par les nazis en février 1945, ont été édités dès les années 1950 en Allemagne, en 1958 en France grâce à la traduction et la présentation de Michel Rondet, s.j. sous le titre Honneur et liberté du chrétien (éd. de l’Orante, épuisé). Ce texte a été repris en 2003 dans la collection « Vie chrétienne », sous le titre Dieu rend libre 1, ouvrage lui aussi à présent épuisé. A l’occasion de la parution toute récente du dernier livre de Michel Rondet 2, dans lequel il renvoie souvent à l’expérience de résistance spirituelle du P. Delp, nous souhaitons rendre à nouveau ces textes disponibles au lecteur. En effet, cette expérience, nourrie d’abandon à Dieu au cœur de la nuit la plus noire, peut inspirer les générations actuelles ; le contexte historique a certes changé et les risques paraissent moins dangereux, mais les mêmes forces de matérialisme dominateur, de volonté de puissance et d’autosuffisance sont à l’œuvre. L’Église de maintenant, rafraîchie par le Concile Vatican II, n’échappe pas parfois non plus aux déviations que le P. Delp critiquait en son temps. Au moment où le travail œcuménique porte des fruits plus visibles qu’il y a une dizaine d’années, le parallèle est saisissant à constater entre les parcours du père Delp et du pasteur Bonhoeffer 3. Tous deux ne se sont apparemment jamais rencontrés. Pourtant, c’est dans la fidélité au même Christ qu’ils vont dénoncer très tôt les dérives inhumaines du régime nazi, sans désespérer, malgré une ambiance mortifère, de l’avenir d’une Allemagne aux racines chrétiennes. Tous deux sont arrêtés et tor1. Alfred Delp, s.j., Dieu rend libre. Présentation de M. Rondet, s.j., Paris, Vie chrétienne no 489, 2003 (épuisé). 2. Michel Rondet et Yves de Gentil Baichis, Résister et oser l’espérance, Paris, Vie chrétienne, et Namur, Fidélité, no 559, 2014. 3. Arnaud Corbic, Dietrich Bonhoeffer, résistant et prophète d’un christianisme non religieux, préface de Joseph Moingt, s.j., Paris, Albin Michel, coll. « Spiritualités vivantes », 2002. Dietrich Bonhoeffer, Résistance et soumission, lettres et notes de captivité, Genève, Labor et Fides, 1967 5


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turés à la suite de l’attentat contre Hitler du 20 juillet 1944, incarcérés dans la même prison de Tegel, condamnés par le même juge Freisler à la mort par pendaison, à quelques jours d’écart. Tous deux imaginaient depuis leurs cellules des Églises plus ouvertes sur le monde et au souffle de l’Esprit, anticipant Vatican II et les propos, aujourd’hui, du pape François. Tout comme ceux de son voisin de prison, les textes du P. Delp restent magnifiques de densité spirituelle, à lire d’une traite ou à méditer petit à petit. Ils rejoignent en intensité des auteurs tels que Hans et Sophie Scholl 4 ou Etty Hillesum 5. Intériorité, tentation du désespoir, combat contre la nuit, joie de la présence de Dieu, confiance absolue dans le Seigneur… C’est avec simplicité et force que le P. Delp a décrit ces expériences intimes. Bonne lecture ! L’Éditeur N.B. — Dans cette nouvelle édition, les parties I et II de l’édition précédente ont été inversées pour respecter la chronologie des écrits du P. Delp.

4. Hans et Sophie Scholl, Lettres et Carnets, Paris, Tallandier, 2008. 5. Etty Hillesum, Une vie bouleversée. Journal 1941–1943, Paris, Seuil, coll. « Points », 1995. 6


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PRÉSENTATION Michel Rondet, s.j. Le 2 février 1945, l’aumônier de la prison centrale de Tegel à Berlin, l’abbé Buchholz, était averti en secret qu’une exécution capitale se préparait à Plötzensee où, quelques années auparavant, sur ordre du Führer, des installations modernes avaient été édifiées, permettant d’exécuter par pendaison de nombreux condamnés à mort. L’aumônier n’avait pas le droit d’accompagner jusqu’à la potence les coupables d’un crime de haute trahison envers le régime nazi, mais, grâce à la complicité de quelques fonctionnaires du ministère de la Justice, il put, ce jour-là, caché dans un angle de mur, assister au lent défilé des condamnés à mort et les bénir, un à un, lorsqu’ils passaient près de lui. Il connaissait bien tous ces hommes pour les avoir visités et aidés pendant les longs mois de leur détention. Chaque silhouette nouvelle, émergeant un instant de l’ombre du couloir, évoquait pour lui de longues conversations, où revivait tout le drame d’existences qui avaient choisi le chemin difficile de la fidélité aux valeurs les plus hautes. Elle lui rappelait les derniers messages qu’on lui avait confiés et qu’il devrait porter, demain, à ceux qui pleureraient, en se cachant, ces hommes officiellement voués au mépris de tout un peuple. L’un de ceux qui reçurent ce matin sa bénédiction lui était, à bien des titres, cher. Dans les visites qu’il avait pu lui faire malgré l’interdiction officielle, ils avaient parlé de l’avenir spirituel de l’Allemagne, de leur Église persécutée et souffrante, des hommes de leur temps à qui ils auraient voulu pouvoir porter les paroles de vie. Ils avaient prié ensemble et l’aumônier avait reçu confidence des alternatives d’espoir et de lassitude qui avaient marqué les longs mois de captivité du père Delp. Il avait fait l’impossible pour lui procurer le pain et le vin du sacrifice et, maintenant, il le bénissait une dernière fois dans le geste où il allait accomplir et parfaire son offrande.

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Vocation et formation religieuse Le P. Alfred Delp était né le 15 septembre 1907 à Mannheim. D’une famille de religion mixte, il avait été baptisé dans l’Église catholique, mais, lorsqu’il fut élève au lycée de Mannheim, son père exigea qu’il suivît les cours de religion de l’aumônier protestant et participât au culte de l’Église réformée. Dans les grandes classes cependant, et peut-être sous l’influence du mouvement Neudeutschland 6, le jeune Alfred Delp choisissait définitivement l’Église catholique pour y vivre sa foi chrétienne. Il y rencontrera le Christ personnellement aimé et prié, il y acquerra ce sens chevaleresque de l’honneur et du service de Dieu que nous retrouverons, purifié, approfondi, mais tout aussi vivant, dans les écrits de sa maturité. Il y recevra enfin une première initiation à la spiritualité ignatienne qui le préparera à répondre à l’appel du Seigneur dans la Compagnie de Jésus. Entré au noviciat de la Province de Munich en 1926, Alfred Delp suivra les étapes normales de la formation d’un jeune jésuite : noviciat, philosophie, régence, théologie. De ces années nous savons que tout n’y fut pas facile ; le P. Delp avait un tempérament vigoureux et entier qui n’était pas toujours spontanément harmonisé à la vie de communauté. Il apportait à tout un enthousiasme fougueux et exigeant qui n’était pas sans inquiéter parfois ses supérieurs. Il est assez significatif de sa personnalité de le voir, dès sa philosophie, se passionner pour la pensée moderne et préparer une étude sur Heidegger, ce qui, on s’en doute, ne fut pas du goût de tous ses professeurs, dont certains auraient préféré lui voir appliquer son zèle à des domaines plus classiques. Dans ce premier travail, terminé en 1935, alors que le Père était en théologie, nous trouvons déjà les qualités et les limites qui caractériseront ses écrits postérieurs. Il aborde Heidegger beaucoup moins en philosophe qu’en analyste de son temps, habile à saisir dans une pensée abstraite ce qui deviendra demain, sous forme d’idée-force ou de slogan, le bien commun de toute une génération. 6. Fondé en 1919 par le cardinal von Hartmann et le P. Ludwig Esch, s.j., le mouvement Neudeutschland entendait vivre dans un sens chrétien l’idéal des mouvements de jeunesse allemande. D’orientation apostolique et éducative, il s’apparente à la fois aux Scouts de France et à la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne). Il jouera un rôle de premier plan dans le renouveau liturgique et spirituel de l’Allemagne contemporaine. De lui sortiront de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses, comme aussi les membres les plus influents du laïcat catholique. Interdit par Hitler, le mouvement arrivera à maintenir un certain nombre de groupes clandestins jusqu’au moment où il pourra, après guerre, reprendre son activité au grand jour. 8


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Présentation

Rédacteur aux Stimmen der Zeit Ordonné prêtre le 24 juin 1937, en la fête de saint Jean Baptiste pour qui, on le verra en lisant ses méditations, il conservera toujours une dévotion particulière, le P. Delp fut nommé en 1939, après son troisième an, à la rédaction de la revue Stimmen der Zeit 7, à Munich, pour y tenir une chronique d’actualité sociale et religieuse. Le P. Delp restera trois ans aux Stimmen, de 1939 à 1941. Il y publiera une étude sur Lawrence et divers essais inspirés par l’actualité intellectuelle ou politique : Histoire du salut et histoire politique, le Peuple comme fondement du droit, et un important article sur « Le chrétien et son temps » dont nous traduisons dans ce volume quelques pages significatives 8.

Prédicateur à Munich En 1941, le gouvernement nazi interdisait la publication des Stimmen der Zeit, occupait les locaux de la rédaction et dispersait la petite communauté de Pères qui y travaillaient. Le P. Delp trouve alors refuge à la paroisse du Précieux Sang dans le quartier de Bogenhausen à Munich. Il y sera officiellement desservant d’une chapelle de secours : la chapelle Saint-Georges, et son activité apostolique s’y exercera surtout dans le domaine de la prédication et des contacts personnels. Le P. Delp n’avait pas les qualités qui peuvent contribuer au succès d’un prédicateur : sa voix était rauque, un peu désagréable, ses gestes trop brusques, et pourtant, très vite, un auditoire fidèle viendra l’entendre chaque dimanche. Ce qu’on aimait dans sa parole, c’était le témoignage d’un homme qui partage vos souffrances et vos soucis, c’était sa manière directe d’aborder les grands problèmes de la vie, de le faire en homme adulte qui confronte courageusement ses attitudes quotidiennes à la lumière de l’Évangile. Bogenhausen est un quartier mi-résidentiel mi-ouvrier, les auditeurs du P. Delp se situaient donc à des niveaux de culture et de mentalité assez divers, la plupart n’en ont pas moins apprécié le sérieux et la liberté évangélique de sa parole. Ces premières années de guerre, marquées par les succès de l’armée allemande, le plaçaient cependant devant une situation délicate. Il savait que la force ne crée rien de solide et de bon lorsqu’elle n’est pas au service du droit. Il le dira au risque de paraître jouer les prophètes de malheur ou de 7. 8.

Les Voix du temps. Cf. infra, « Le chrétien et son temps », p. 29. 9


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sembler trahir ceux qui combattent. Il assumera consciemment ce risque, cherchant à conserver à sa parole le ton et les motivations spirituelles qui inspiraient son attitude, mais ne craignant pas d’être net et explicite dans son refus du national-socialisme. Il était guidé par une réaction instinctive d’honneur chrétien en face des méthodes nazies : il y a des procédés de violence, un mépris de l’homme qu’un chrétien n’admet pas, quelles que soient les circonstances ou le contexte politique. Prêchant en 1942 pour la fête de sainte Elisabeth de Thuringe, le P. Delp exaltera en elle une image vivante de la force chrétienne, faite d’amour et de charité au service de la justice, qu’il oppose, trait pour trait, à l’idéal de puissance orgueilleuse que le nazisme proposait au peuple allemand. Il aura le courage, dans cette Allemagne que l’univers concentrationnaire commençait à recouvrir, de rappeler la malédiction divine sur tous ceux qui portent injustement atteinte à la vie humaine et outragent en elle l’image de Dieu. Par ailleurs, le P. Delp avait pleinement conscience des germes de mort que le nazisme portait en lui et du danger qu’il représentait pour l’âme allemande. Il a annoncé et vu venir le jour où toute cette fausse inflation héroïque, après avoir détaché les hommes du christianisme, les abandonnerait finalement à eux-mêmes, seuls et désespérés, au milieu des ruines de leurs âmes et de leurs cités. Plus que d’autres peut-être, il a pressenti le vide religieux que le nazisme laisserait dans les âmes de ceux qui auraient subi son influence paganisante. Bien des notations rapides de son journal de captivité ou de sa correspondance nous montrent aussi combien il a souffert de voir le national-socialisme utiliser avec une science diabolique les qualités traditionnelles du peuple allemand pour les faire servir à ses entreprises de violence et de domination. Ainsi, dans une brochure publiée en 1943, sur l’homme et l’histoire, n’hésite-t-il pas à écrire : « Plus que le malheur, ce qui assombrit l’histoire, c’est la violence et l’injustice » et à dénoncer « ces vaisseaux aux voiles noires gonflées d’un vent mauvais, chargés de violence et d’injustice, qui vont de crime en crime. » Plus tard, dans sa prison, revenant sur cette évolution du national-socialisme qu’il avait prévue et annoncée, il écrira avec sa vigueur et sa lucidité habituelles : « Les marches triomphales du surhomme se changent en dures campagnes militaires, puis en longs cortèges de mendiants misérables et finalement en interminables processions de cadavres 9. » 9. Cf infra, « In fletu solatium », p. 108. 10


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Présentation

Le prêtre et le religieux qui se dresse ainsi, dans sa prédication et dans ses écrits, face au paganisme agressif du national-socialisme, est alors dans le plein épanouissement de sa riche personnalité humaine. Ceux qui l’ont rencontré à ce moment de sa vie ont noté tout ce qu’il y avait en lui de fort et de séduisant et quelle influence il exerçait autour de lui. Cette alliance rare de jeunesse et de spontanéité, de force et de sérieux qui frappe ses interlocuteurs d’alors, nous la retrouvons dans les quelques textes d’allure plus personnelle que nous conservons de cette époque. C’est ainsi que rentrant d’une course en montagne, ivre de la gloire de Dieu dans sa création, il écrira : « J’ai passé toute la journée en montagne et je me suis livré au monde du Seigneur. Tout était si beau, il faudra que je revienne bientôt… A nos pieds le monde de Dieu et des hommes déployé. Comme j’ai été heureux alors d’être prêtre et d’avoir pour vocation de bénir et de sauver ! J’ai prié et j’ai donné à ce pays et à ce peuple devant moi la bénédiction du Seigneur… » Une autre fois, il parlera avec le même enthousiasme d’une journée passée à travailler à la campagne avec des paysans. Mais l’époque n’est pas au romantisme ni aux idylles bucoliques, et le P. Delp le sait bien qui remarque immédiatement qu’il s’est encore laissé entraîner par son amour de la nature et ajoute : « La beauté nous rapproche de Dieu plus que la laideur ou la médiocrité, c’est vrai, mais elle a aussi son ambiguïté… Quand la beauté ne creuse pas notre faim d’autre chose, mais l’assouvit, alors elle devient dangereuse… Je ne dois avoir aucune patrie qui me retienne, ni même quelque chose que je désire conserver, protéger. Les envoyés du Seigneur doivent être prêts à aller et à demeurer partout où Dieu est. Cela ne va pas toujours sans souffrances et il y faut beaucoup de loyauté 10. » Ce regard lucide que le P. Delp portait sur lui-même et sur son tempérament, cette clairvoyance avec laquelle il se jugeait, restaient le secret de son cœur et l’on comprend que plusieurs de ceux qui l’approchaient aient pu s’inquiéter de ses enthousiasmes et de ses violences, craindre pour lui les excès où sa spontanéité et sa vitalité naturelles pouvaient l’entraîner. Le moment était venu pour le Père de prononcer les vœux solennels qui consacreraient son offrande de lui-même au Seigneur dans la Compagnie de Jésus et mar10.

Cité dans Alfred Delp, Kämpfer. Beter. Zeuge, Berlin, Morus Verlag, 1955, p. 114-115. 11


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queraient la décision irrévocable de l’Église d’accepter cette offrande. Ses supérieurs lui demandèrent d’attendre et ne l’admirent pas à la profession solennelle, au terme des délais normaux, déjà longs pourtant. Le P. Delp souffrit de cette décision plus qu’on aurait pu le penser. Il n’était pas un saint et il le savait ; il écrira lui-même plus tard, donnant en quelque sorte raison à la prudence de ses supérieurs : « Je voulais partir pour de grands voyages, voiles fièrement déployées dans le vent du large, pavillon haut au milieu des tempêtes, mais peut-être mon navire aurait-il navigué sous des emblèmes équivoques, pris de mauvaises directions, transporté une cargaison douteuse 11. » Justement parce qu’il se savait vulnérable, le P. Delp avait désiré cette consécration de lui-même dans laquelle il se remettrait tout entier au Seigneur, lui laissant désormais le soin de le garder et de le protéger. Aussi sa déception fut-elle profonde. Et puis, cet homme de loyauté franche et brutale supportait mal de sentir chez ses supérieurs une certaine réticence à son égard. Même si au fond de lui-même il la comprenait, il ne pouvait pas ne pas en souffrir, étant de ces hommes qui ont besoin de se sentir acceptés tels qu’ils sont, avec leurs qualités et avec leurs défauts aussi, qu’ils sont les premiers à reconnaître. Une grave maladie venait à la même époque mettre ses jours en danger et l’aider ainsi à intérioriser l’épreuve spirituelle permise par le Seigneur. Il se remettra lentement, devra désormais compter avec ses forces, mais gardera le même dynamisme apostolique, plus rayonnant et plus attachant encore pour s’exprimer à travers une santé diminuée.

Le Cercle de Kreisau En 1942, le comte de Moltke, arrière petit neveu du maréchal von Moltke, le vainqueur de la guerre franco-allemande de 1870, cherchant à grouper autour de lui des hommes capables de réfléchir ensemble au drame spirituel de l’Allemagne et de préparer les bases d’une renaissance nationale après l’effondrement du nazisme, demandait au Père Provincial de Munich de lui faire connaître un Père qui puisse participer à leurs rencontres. Les articles du P. Delp dans les Stimmen, ses prises de positions antinazies, son ouverture d’esprit aux problèmes de l’heure, comme son aptitude naturelle à entrer en contact avec des hommes venus d’horizons idéologiques différents, 11. 12

Cf. infra, « Dernières semaines », p. 130.


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Présentation

le préparaient à cette mission pour laquelle le P. Provincial le désigna au comte de Moltke. Ce groupe réunissait des hommes venant d’horizons politiques et sociaux très différents, on l’a appelé « le cercle de Kreisau », du nom de la propriété des Moltke où se tinrent plusieurs réunions. C’était d’abord un cercle d’études où l’on cherchait à préparer les grandes lignes d’une constitution et d’une déclaration des droits pour l’Allemagne d’après le nazisme. Aussi les questions abordées furent-elles surtout d’ordre politique et social : autorité et démocratie, organisation du travail, doctrines sociales, rapports de l’Église et de l’État, etc. Les membres du Cercle de Kreisau eurent évidemment des relations personnelles avec les conjurés du 20 juillet 12 : le comte de Moltke était attaché à l’état-major de la Bendlerstrasse où se retrouvaient la plupart des militaires, membres du complot. Mais le groupe de Kreisau, comme tel, n’en est pas moins resté étranger à la préparation de l’attentat. Comme l’écrira le comte de Moltke dans sa lettre d’adieu à sa femme :

« Notre seul crime a été de réfléchir, mais le national-socialisme a une telle peur de la pensée de quelques hommes isolés, et de la pensée tout court, qu’il veut balayer tout ce qui risque d’en avoir été infecté… Nous serons pendus pour avoir réfléchi ensemble. » Cette primauté donnée à la réflexion ne fut pas lâcheté, mais le comte de Moltke estimait que l’emprise du nazisme sur le peuple allemand était trop profonde pour que la disparition d’Hitler suffise à détruire le national-socialisme. Il pensait nécessaire de lui laisser subir l’épreuve de la défaite. Mais en juillet 1944, en même temps qu’ils fusillaient le comte de Stauffenberg et les militaires qui l’avaient aidé, les nazis arrêtaient les membres du Cercle de Kreisau et décidaient de les impliquer dans le même complot pour pouvoir les accuser de haute trahison.

Arrestation et détention Le 28 juillet le P. Delp célébrait sa messe, ce jour-là celle du Saint-Esprit, dans la chapelle Saint-Georges de Bogenheusen. Quelques fidèles avaient remarqué dans le fond de l’église deux inconnus qui, manifestement, ne venaient pas prier. La messe terminée, on les vit suivre le P. Delp au presbytère. Dix minutes plus tard il ressortait avec eux et pouvait dire à quelques parois12.

Le 20 juillet 1944 des conjurés, dont beaucoup de hauts gradés, tentèrent de tuer Hitler. 13


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siens occupés à déblayer les décombres du dernier bombardement : « Je suis arrêté, que Dieu vous garde, au revoir. » Le même jour, des amis lui portaient des médicaments et un peu de linge au siège de la Gestapo de Munich. Lorsque le surlendemain ils essayèrent d’avoir de ses nouvelles, il n’était plus là et on se refusa absolument à donner la moindre indication sur son sort. La Providence permit cependant que, dans le train qui l’emmenait à Berlin le 6 août, il fût reconnu par quelqu’un à qui il put indiquer sa destination et confier la charge de mettre en sûreté certains papiers cachés à Bogenhausen. Tout fut fait à temps et les amis du P. Delp à Berlin se mirent à sa recherche auprès des différentes instances de la Gestapo dans la ville. Recherche dangereuse et compromettante qu’une femme entreprit avec courage, non sans avoir à supporter les allusions les plus blessantes de la part des SS de service aux différents postes de garde. Le 14 août au soir, elle réussit finalement à apprendre que le P. Delp se trouvait dans une nouvelle prison, ouverte depuis quelques jours par la Gestapo dans la Lehrterstrasse ; et le 15 août elle pouvait faire parvenir au prisonnier un paquet de linge (bréviaire et bible avaient été refusés) dans lequel elle avait glissé quelques mots de réconfort que le Père accueillera comme un signe de la Providence en cette fête de l’Assomption. Ce lui fut une grande grâce que de sentir désormais autour de lui la prière et le soutien efficace d’amis dévoués, et ceci à un moment où il allait en avoir terriblement besoin. Il restera presque un mois entier à la Lehrterstrasse entre les mains de la Gestapo, longues semaines pendant lesquelles il sera totalement isolé, soumis à d’interminables interrogatoires et torturé des nuits entières. En 1953, lors du procès des SS de Berlin, le Dr Gerstenmaier viendra témoigner qu’à la prison de Tegel le P. Delp portait encore sur tout le corps les traces des coups reçus à la Lehrterstrasse. Le P. Delp lui-même, dans un mot griffonné quelques semaines plus tard, évoquera ce soir où les SS l’ont jeté dans son cachot au retour d’une séance de torture en lui disant : « Cette nuit tu ne dormiras pas beaucoup, tu auras tout le temps que tu voudras pour prier, mais il n’y aura pas de Dieu pour t’entendre ni d’ange pour venir te délivrer. Nous, nous allons passer une bonne nuit et demain nous serons en pleine forme pour recommencer 13. »

13. 14

Cf. infra, « Lettre de septembre 1944 », p. 57.


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Présentation

Dans la dernière prière qu’il composera et que sa mort laissera inachevée, ce commentaire médité du Veni Sancte Spiritus que nous traduisons à la fin de ce volume, le P. Delp reviendra encore sur ces semaines, et ses paroles nous laissent pressentir ce qu’elles furent pour lui. « Quand je pense à cette nuit dans la Lehrterstrasse où j’ai demandé à Dieu de mourir parce que je n’en pouvais plus d’impuissance, parce que je ne me sentais plus capable de porter cette croix et de faire face à tant de violence ! Toute la nuit j’ai lutté avec Dieu et pleuré ma misère devant lui. Et ce n’est qu’au matin qu’une paix profonde m’a envahi, lumière, chaleur et force bienfaisante qui m’a fait voir clairement mon devoir : tenir, et m’a apporté cette espérance bénie : tu tiendras 14. » Le 12 septembre le P. Delp est transféré à la prison centrale de Tegel, dans ce block I qu’on appellera désormais le quartier des « Herren Doktor », et où se retrouveront juristes, économistes, officiers supérieurs, membres de la plus haute noblesse, pasteurs et prêtres. Parmi eux, aux côtés des membres du Cercle de Kreisau, les plus grands noms de l’Allemagne : Gottfried von Bismarck, Ernst von Harnack, Erwin Planck, etc. L’un des gardiens exprimera un jour son étonnement devant ces étranges prisonniers qui « travaillent toute la journée, prient la moitié de la nuit et ont l’air plus heureux que leurs gardiens. » Dans cette nouvelle cellule le P. Delp reste soumis à un régime sévère, les mains chargées de lourdes chaînes la nuit comme le jour, sauf à de rares instants de détente. L’atmosphère cependant est bien différente de celle de la Lehrterstrasse. Les coups cessent, les gardiens, qui sont des vétérans de l’administration pénitentiaire, accomplissent leur service avec une conscience routinière qui ne fait pas de zèle et acceptent de fermer les yeux sur certaines entorses au règlement sévère des accusés de la haute cour de justice. Et puis surtout, le P. Delp se sentira moins isolé : les cellules voisines sont occupées par ses amis du Cercle de Kreisau : le comte de Moltke, le pasteur Gerstenmaier. Ils peuvent s’apercevoir chaque jour, et parfois échanger quelques mots lors de la promenade quotidienne dans la cour de la prison. Assez vite ils trouveront encore d’autres moyens de communiquer entre eux et de se soutenir mutuellement. L’aumônier protestant, le pasteur Harald Poelchau, est un des rares membres du Cercle de Kreisau resté en liberté.

14.

Cf. infra, « In fletu solatium », p. 108. 15


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Lumière au cœur de la nuit

Il viendra voir le P. Delp et se relayera avec l’aumônier catholique pour lui apporter le vin et les hosties qui permettront au Père de dire la messe la nuit entre deux rondes de gardiens, les mains toujours enchaînées. Ces visites, rapidement interdites, ne cesseront jamais complètement, grâce à la complicité de quelques gardiens. Et, lorsque les aumôniers ne pourront pas venir eux-mêmes apporter le pain et le vin du sacrifice, un gardien acceptera de s’en charger. De nombreux passages des lettres du P. Delp et de son journal témoignent de ce que seront, pour lui, ces messes nocturnes et cette présence eucharistique conservée dans sa cellule. « Hier soir, la messe fut comblée de grâces… Je n’ai guère dormi pendant la nuit, longtemps je suis resté devant mon petit tabernacle et je n’ai cessé de prier un long et unique Suscipe 15. » La vie s’organisait donc un peu pour les prisonniers de Tegel. Elle n’en restait pas moins dominée par l’attente du jugement qui déciderait de leur sort et par l’accusation de haute trahison qui pesait sur eux. Le 10 novembre s’ouvrait le procès d’un premier groupe d’accusés. Trois d’entre eux, trois chrétiens militants, étaient condamnés à mort et exécutés le 14. La nouvelle en parvint vite à leurs codétenus de Tegel, leur enlevant toute espérance de se voir réserver un autre sort et leur indiquant le dur chemin qu’ils auraient à parcourir à la suite de leurs camarades. A cette époque aussi, les raids aériens sur Berlin se firent plus sévères, mettant à rude épreuve les nerfs de ces hommes qui restaient seuls, enchaînés et enfermés dans leurs cellules, pendant qu’autour d’eux le souffle des bombes faisait trembler les murs.

Le 8 décembre Ce furent là pour le P. Delp des jours difficiles et, le 30 novembre, il commençait une neuvaine préparatoire à la fête de l’Immaculée Conception, offrant son inquiétude et ses souffrances à la Vierge et lui demandant avec une confiance et un entêtement d’enfant un signe de miséricorde et de bénédiction pour le jour de sa fête. La réponse de Marie sera royale dans sa libéralité et le P. Delp l’accueillera avec des pleurs de joie. Le 7 au soir, dans le paquet de linge qu’on lui remet, il découvre un petit morceau de papier lui annonçant pour le lendemain une visite du P. von Tattenbach et lui faisant comprendre à mots couverts que son ami aurait les pouvoirs de recevoir, au nom de la 15. 16

Cité par le P. von Tattenbach dans un article des Stimmen, février 1955, p. 328.


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Compagnie, ses vœux solennels. Le P. Delp ignorait tout des démarches de ses amis et de la décision de ses supérieurs. Le lendemain, il sera tellement ému qu’il aura du mal à prononcer et à signer la formule des vœux. Le P. von Tattenbach l’attendait dans le parloir de la prison de Tegel, ils s’assirent aux deux bouts d’une petite table, le gardien entre eux. Le P. von Tattenbach commença à donner quelques nouvelles, puis il expliqua au gardien qu’ils allaient prier ensemble en latin. Le P. Delp récita lentement la formule placée devant lui et la signa sans pouvoir ajouter un mot, pendant que le P. von Tattenbach devait faire taire les scrupules du gardien, intrigué par cette signature. Une traduction approximative finit par le convaincre qu’il n’y avait rien là qui puisse porter atteinte à la sûreté de l’État et le P. von Tattenbach put rapporter au Père Provincial de Munich l’acte officiel qui consacrait définitivement l’offrande que le P. Delp faisait de lui-même au Seigneur et que la Compagnie acceptait en son nom. Au soir de ce jour béni il écrira : « Ce fut trop en une seule fois… Tous les jours de la neuvaine préparatoire au 8, j’avais demandé dans ma prière un signe de miséricorde. Et voici comment j’ai été exaucé… J’ai maintenant renoncé définitivement à vivre pour moi puisque le Seigneur des Vincula Amoris m’a jugé digne de Lui 16. » Le P. Delp avait attendu ce jour. Il avait dû, nous l’avons vu, y renoncer une première fois. Il s’y préparait de nouveau pour le 15 août 1944, lorsqu’il fut arrêté le 28 juillet, et il lui sembla qu’une fois encore le Seigneur ne le jugeait pas digne de lui. Son cœur était maintenant délivré de cette peine secrète, et c’est dans la certitude d’être tout entier à Dieu qu’il allait se préparer à vivre son premier Noël de captivité et à affronter, au nom du Seigneur, le jugement fixé pour le début de 1945.

En vivant l’Avent de l’Église Les lettres, les notes de journal, les méditations composées pendant ce temps de l’Avent nous permettent de le suivre presque au jour le jour pendant ces semaines de prière plus fervente, d’offrande plus pacifiée, qui le conduiront jusqu’à « la plus belle messe de minuit qu’il ait jamais célébrée ».

16.

Cité dans Alfred Delp, op. cit., p. 62. Cf. aussi la lettre du 10 décembre, infra, p. 60. 17


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Peut-être pouvons-nous, à la lumière de ces textes et avant d’aborder le récit des dernières semaines, essayer de revivre un peu l’itinéraire spirituel du P. Delp pendant ces mois de captivité. Lorsque l’épreuve s’était présentée à lui, il l’avait affrontée avec courage. Il ne regrettait rien ni du choix qu’il avait fait, ni des positions qu’il avait prises. Pour le reste il s’en remettait à Dieu et aussi, il faut bien le dire, à sa volonté intacte de se défendre et de se justifier. Il se sentait intellectuellement et moralement plus fort que les SS qu’il avait devant lui et ne doutait pas de conserver en face d’eux le beau rôle. Comme il l’avouera lui-même : « J’ai cru d’abord que je m’en sortirais par mes efforts et mon habileté. Solution élégante à laquelle il m’a fallu bien vite renoncer 17. » En effet, on ne lui laissa d’autre rôle que celui de supporter, courageusement mais passivement, les interrogatoires et les coups. A aucun moment l’occasion ne lui fut donnée de se défendre et de se justifier ou même de confesser explicitement la foi qui l’avait conduit entre les mains de ses bourreaux. Il n’avait pas imaginé non plus que l’on pourrait avoir de tels moyens de miner sa résistance physique et qu’il y aurait des jours où il lui faudrait rassembler toutes ses forces simplement pour se taire un instant encore. « Ce que je portais en moi, écrira-t-il plus tard, d’assurance, de ruse et d’habileté, a volé en éclats sous le poids et la violence de ce qui m’était opposé. Ces mois de captivité ont brisé ma résistance physique et beaucoup d’autres choses encore en moi, et pourtant j’ai vécu ici des heures merveilleuses. Dieu a tout pris en main, et je sais maintenant implorer et attendre 18. » En même temps que le Seigneur le laissait ainsi prendre une dure conscience de sa faiblesse et de sa vulnérabilité, il l’éduquait dans la foi, lui apprenant à mettre en Dieu seul son espérance. « L’Esprit du Seigneur m’aide toujours à passer les mauvais moments. Je le sais maintenant et je l’éprouve chaque jour de nouveau. Seul, je n’y serais jamais arrivé… mais la force de Dieu vit en moi et avec moi 19. »

17. Cf. infra, « Dernières semaines », p. 130. 18. Cf. infra, « Emitte caelitus », p. 99. 19. Cf. infra, « Sana quod est saucium », p. 118. 18


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De semaine en semaine, ses lettres et ses méditations reviendront plus souvent sur l’expérience vécue qu’il fait du secours et des consolations divines. « Souvent, dans l’agitation et les souffrances de ces derniers mois, écrit-il peu avant sa mort, ployant sous le poids de la violence, j’ai senti tout d’un coup la paix et la joie spirituelle envahir mon âme avec la force victorieuse du soleil levant, et le calme de la tempête apaisée, de la douleur maîtrisée, a empli mon cœur 20. » […] « Il y a des heures où le Seigneur baigne ses créatures dans de douces ondes de joie, les pénètre, les submerge, des heures dans lesquelles l’homme se sent vraiment emporté dans le courant bienheureux de la vie divine… Cela existe et l’on peut vivre de ces heures pendant de longs jours et de longues nuits de désolation, parce que ceux à qui cela a été donné savent retrouver en toute chose, en tout événement et en toute circonstance, le calme sourire de Dieu 21. » C’est dans cette atmosphère de consolation et de désolation alternées, sous la conduite vivante de l’Esprit, dans une transparence et une fidélité toujours plus grandes qu’il se prépare aux ultimes renoncements. De tous les sacrifices que le Seigneur lui demande alors, le plus grand, celui qui occupe tout le champ de sa conscience spirituelle, est certainement celui de l’œuvre apostolique à laquelle il se sentait appelé. Il avait, nous l’avons dit, un amour profond des hommes et une conscience lucide des besoins spirituels de son temps. Il voyait tant de choses à faire autour de lui pour sortir son peuple de la solitude morale et du désespoir où le nazisme allait le laisser. Il savait qu’il y avait là, pour les chrétiens et pour l’Église, une heure importante qu’il ne fallait pas manquer, une présence de salut qu’il fallait assurer coûte que coûte à ce monde désespéré. Comment n’aurait-il pas désiré y participer, maintenant surtout qu’il se sentait purifié par l’épreuve, plus proche de son Seigneur dans l’intimité où ces semaines l’avaient introduit ? Aussi, tout en acceptant généreusement la volonté de Dieu quelle qu’elle soit, ne renoncet-il pas de lui-même à la tâche qui l’appelle. Il ne le fera que lorsque les événements lui auront signifié, sans équivoque possible, le choix divin. En attendant, nous le voyons garder un optimisme inébranlable, supputer les chances qu’il a de voir la fin de la guerre devancer son exécution, espérer l’événement imprévu dont le Seigneur se servira pour le délivrer. Aussi mul20. Cf. infra, « In labore requies », p. 105. 21. Cf. infra, « Lux beatissima », p. 110. 19


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tiplie-t-il réflexions et projets d’avenir. Chaque fois, cependant, il précise loyalement et courageusement : si le Seigneur veut pour moi le chemin qui passe par la potence de Plötzensee, j’essayerai de le prendre de bon cœur. Ce renoncement suprême, longuement médité, généreusement offert, le rapproche encore de son Dieu et, dans ses dernières semaines de captivité, il vit pleinement cette prière continuelle à laquelle une longue familiarité avec les Exercices de saint Ignace l’avait préparé. Le 1er janvier 1945, il note dans son journal ces mots qui l’expriment maintenant tout entier : « En tête de cette nouvelle année, je ne veux écrire qu’un nom, celui de mon Seigneur et de mon Ordre : Jésus. Il renferme tout ce que je demande, tout ce que je crois et tout ce que j’espère 22. » Les incertitudes et les doutes reviendront parfois, ce qu’il appelle « l’heure de la créature », mais le climat habituel de sa vie intérieure reste maintenant de plus en plus dominé par la confiance et l’action de grâces. Il arrive même qu’une fois ou l’autre, sous une remarque d’apparence générale, nous sentions grandir dans son cœur l’humble fierté d’avoir été appelé à souffrir pour le Seigneur. Ainsi, dans cette méditation de la Vigile de Noël où il écrit : « La plus belle réponse que l’homme puisse faire à Dieu, c’est de lui rester fidèle, inébranlablement, malgré les fouets qui le frappent et les chaînes qui le lient 23. » Après les séances de torture, pour ne pas se laisser entraîner à la haine, il s’impose de rester, ne fût-ce que quelques secondes, à genoux, priant pour ses bourreaux avant de s’écrouler dans sa cellule. Oubliant son propre sort, avide de déceler, dans les souffrances actuelles, l’annonce d’un retour possible vers Dieu, il reste à l’affût de tout ce qui pourrait éclairer l’avenir. Il essaye d’analyser les causes, proches et lointaines, de la déchristianisation du monde moderne, de réfléchir sur l’avenir spirituel de l’Europe. Quelques instants avant d’être emmené devant le tribunal, qui, selon toute vraisemblance, le condamnera à mort, il griffonne à la hâte pour un ami quelques réflexions sur l’influence de Goethe dans la pensée contemporaine et sur la signification historique d’un homme comme Léonard de Vinci. Il faudra l’arrivée du gardien pour l’arrêter, ne lui laissant 22. 23. 20

Cf. infra, « Journal », 1er janvier 1945, p. 67. Cf. infra, « Vigile de Noël », p. 77.


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plus que le temps d’ajouter un rapide mot d’adieu. Avec le souci de l’avenir spirituel de l’Allemagne, une des pensées les plus présentes à la prière et à la réflexion de ses dernières semaines sera l’unité des Églises. Il vit cette unité dans une prière commune avec ses amis protestants, le Dr Gerstenmaier et le comte de Moltke. Dans les courts billets que leurs gardiens acceptent de faire passer d’une cellule à l’autre, ils se donnent rendez-vous à des heures fixes pour prier pour l’unité. Le 31 décembre le P. Delp écrit : « Faisons chacun notre possible pour que, quoi qu’il arrive, nos Églises ne contristent plus leur Seigneur commun par leurs divisions 24. » Son cœur généreux et son esprit prophétique vont plus loin, ils ne peuvent pas croire que l’épreuve et les souffrances communes n’aient pas réveillé partout le désir de l’unité perdue et ils voient déjà cette unité renaître des ruines de la guerre. Le 25 décembre, le P. Delp célèbre dans sa cellule « la plus belle messe de minuit de sa vie », il vit, les jours suivants, dans la méditation des mystères de la nativité et de l’enfance du Christ, dans la prière des saints qu’il aimait et dont il avait autrefois essayé de faire revivre les traits dans ses sermons : saint Étienne, saint Jean. Il demande partout des prières plus instantes pour les détenus de Tegel, en ces premiers jours de janvier qui seront ceux de leur dernier combat.

Procès et condamnation à mort Le procès public des membres du Cercle de Kreisau s’ouvre le 9 janvier 1945 devant la Cour de Justice populaire constituée à Berlin pour juger les crimes de trahison contre le peuple allemand. Les jurés ont évidemment été choisis pour accomplir la besogne qu’on attendait d’eux, et l’assistance est composée de membres de la Gestapo. Étrange procès où les avocats de la défense eux-mêmes doivent affirmer qu’ils partagent le point de vue de l’accusation avant de proposer timidement quelques circonstances atténuantes. Le P. Delp avait, comme les autres accusés, préparé soigneusement sa défense, mais, dès l’ouverture des débats, il fut bien évident qu’il s’agissait d’autre chose que d’apprécier les motifs et la portée des agissements des membres du groupe. Ce qu’on voulait, c’étaient des condamnations à mort, celles du comte de Moltke et du P. Delp en particulier. Délaissant l’accusation 24.

Cité dans Alfred Delp, op. cit., p. 18. 21


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de complicité dans la préparation de l’attentat du 20 juillet, le président de la cour, Freisler, se lança dans de violentes diatribes, accusant les prévenus d’avoir osé penser que le peuple allemand pouvait avoir un avenir en dehors du national-socialisme, leur faisant grief d’avoir cherché, ailleurs que dans les discours du Führer, leurs directives. Il fut particulièrement grossier et haineux avec le comte de Moltke à qui il reprocha son christianisme, sa rencontre avec l’évêque de Fulda, ses contacts nombreux avec les jésuites et leur provincial. Ceci avec une telle insistance que le comte de Moltke ne pourra s’empêcher d’en sourire, écrivant dans la lettre d’adieu à sa femme : « Je vois d’ici la colère de papa, lui qui est resté si antiroman, quand il apprendra que Freisler m’a fait mourir en martyr de saint Ignace de Loyola 25. » Devant le P. Delp, Freisler réaffirma l’incompatibilité radicale qu’il y a entre le christianisme et le national-socialisme, puis il renouvela, en les aggravant, ses attaques et ses injures contre l’Église catholique et la Compagnie. Le Père nous dit quelle souffrance ce fut pour lui d’assister impuissant à ce déferlement de haine et de mensonges. Du moins son procès avait-il désormais un sens, il mourrait pour ce pour quoi il avait vécu. Comme l’écrira plus tard le Dr Gerstenmaier : « Si Freisler a fait condamner à mort et exécuter le P. Delp, c’est parce que la reconnaissance de l’autorité suprême de Dieu dans tous les domaines de la vie, même publique, était une attitude que l’État national-socialiste ne pouvait pas supporter… La rencontre de Freisler et du P. Delp devant la Cour de Justice populaire a été la confrontation, devenue inévitable, de deux conceptions du monde qui s’opposaient, non seulement sur le terrain relatif des solutions pratiques, mais plus encore sur celui, fondamental, des principes mêmes de l’existence 26. » Avant de quitter la prison de Tegel, le P. Delp avait célébré la messe et emporté sur lui le Saint-Sacrement pour pouvoir communier chaque jour et peut-être donner une dernière fois la communion à ses coaccusés catholiques, s’ils ne devaient quitter le tribunal que pour le lieu de l’exécution. Nous savons quel réconfort fut pour lui cette présence du Seigneur à ses côtés. Pendant les trois jours que dura le procès, les amis et les familles des accu-

25. 26. 22

Cité dans Harald Poelchau, Die letzten Stunden, p. 121. Cité dans Alfred Delp, op. cit., p. 88.


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sés se relayèrent en une chaîne ininterrompue de prière devant le Saint-Sacrement. Le 11 janvier la décision de la Cour fut solennellement proclamée : six condamnations à mort, dont celles du P. Delp et du comte de Moltke, trois condamnations à des peines de détention pour le Dr Gerstenmaier 27 et deux autres accusés. Le verdict cependant ne fut pas exécuté le jour même, comme c’était l’habitude dans les procès de trahison, et les accusés se retrouvèrent le 11 au soir, dans leur cellules de Tegel sans savoir ce que signifiait ce répit ni quelle serait sa durée. Pourquoi ce délai, alors que la volonté des autorités nazies d’exécuter la sentence ne faisait aucun doute ? Pensait-on avoir encore besoin du témoignage des accusés pour d’autres procès ? Voulait-on donner une lueur d’espoir aux familles, les laisser introduire d’humbles demandes de recours en grâce, pour pouvoir ensuite leur répondre avec hauteur qu’il ne saurait y avoir de clémence pour des hommes sans honneur, traîtres à leur pays et à leur peuple ? Intentionnellement ou non, cette épreuve ne leur fut pas épargnée : la comtesse de Moltke, la sœur du P. Delp, les femmes et les parents des autres condamnés eurent encore la douleur de lire de nouvelles attaques et de nouvelles calomnies contre ceux qu’ils aimaient dans cette réponse qu’ils n’avaient pu s’empêcher d’attendre avec un peu d’espoir, si faible soit-il. Le P. Delp ne s’était pas fait beaucoup d’illusions sur les chances de succès de cette dernière démarche, mais lorsqu’il apprend le 13 janvier que les nazis viennent d’arrêter son Provincial, le P. Rösch, qui avait réussi jusqu’alors à leur échapper, il se met immédiatement à espérer qu’on essayera de se servir de lui pour accuser son supérieur et que la fin de la guerre arrivera avant que le procès ne soit terminé. Et il n’est pas impossible en effet que les nazis aient eu un instant cette pensée. A la tension nerveuse des jours d’audience, à la préparation immédiate au sacrifice de la vie, succède maintenant un curieux temps mort, fait d’incertitude et d’espoir, particulièrement déprimant pour un homme du tempérament du P. Delp qui aimait à savoir où il en était et où il allait. Une chose cependant le soutient : le 11 janvier a donné un sens à son arrestation et aux 27. Il semble que, par cette faveur relative accordée au Dr Gerstenmaier, les nazis aient eu l’intention de se réserver une possibilité de pression et de chantage sur son Église. Quoi qu’il en soit de ce calcul sordide, il aura du moins conservé à l’Allemagne un homme qui devait devenir une des personnalités les plus en vue de la République fédérale. Membre du Synode de l’Église évangélique d’Allemagne, député de la CDU, le Dr Gerstenmaier a été président du Bundestag (Chambre des députés de la République fédérale). 23


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mois passés en prison. Les accusations de Freisler sont venues ratifier en quelque sorte les vœux qu’il a prononcés le 8 décembre précédent : c’est comme prêtre et comme jésuite qu’il a été condamné. Il aime retrouver dans les attendus du jugement les grands thèmes pour lesquels il devra maintenant, quoi qu’il arrive, vivre ou mourir. N’ayant même plus à préparer sa défense, il s’en remet de tout au Seigneur, cherchant seulement à mieux comprendre et à mieux aimer sa Volonté. Sa pensée se fait plus proche encore de ses amis, il multiplie les courts billets dans lesquels il essaye de dégager les fruits spirituels de ces mois d’épreuve, il leur confie ses projets d’avenir, rédige pour eux un commentaire de ce Veni Sancte Spiritus qui est devenu sa prière favorite. Le 24 janvier, l’abbé Buchholz est averti secrètement qu’une exécution se prépare à Plötzensee : il arrivera à temps pour bénir une dernière fois le comte de Moltke et ses compagnons. Le P. Delp et deux autres condamnés du 11 ne figurent pas parmi les victimes de ce jour, sans qu’on ait jamais su pourquoi. Le soir même, le Père apprendra dans sa cellule la mort de ses amis et devra lutter de toutes ses forces contre la tristesse et le découragement. Jusqu’à la fin il avait échangé avec le comte de Moltke de courts billets où ils s’encourageaient mutuellement, en chrétiens, à faire la volonté du Seigneur. Les mêmes réminiscences évangéliques se retrouvent sous leurs plumes : « Notre seul souci doit être maintenant de tomber en terre comme une semence féconde 28. » Quelques jours plus tard, l’heure du P. Delp allait venir. Il se préparait à la fête du 2 février qui tombait cette année le premier vendredi du mois. Cette coïncidence l’avait frappé et, pour ce jour qui unissait la fête de la Vierge au rappel de l’amour de son Fils, il attendait, comme pour le 8 décembre, un signe de grâce et de bénédiction. Le 31 janvier au soir, on l’emmenait à Plötzensee, il devait encore y passer toute la journée du premier, le 2 au matin il était exécuté en cette fête de la Présentation, jour où dans les chapelles de son ordre plusieurs de ses frères prononçaient leurs derniers vœux. Il avait craint pour ce moment ce qu’il appelait « l’heure de la créature », elle ne vint pas et, dans la force de son Seigneur, il vécut ses derniers instants dans un recueillement calme et heureux, assumant jusqu’au bout son crime qui était, selon ses propres paroles, « d’avoir refusé la religion de l’orgueil et de la violence, d’avoir vu dans le christianisme et dans l’Église la force qui devait régénérer et sauver l’Allemagne, d’avoir aimé dans la Compagnie une famille 28. 24

Lettre du comte de Moltke au P. Delp, citée dans Alfred Delp, op. cit., p. 78.


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Présentation

d’hommes de caractère… que l’on hait dans leur libre obéissance… reproche vivant jeté à la face des tyrannies arrogantes 29. » Les amis du P. Delp apprirent sa mort le 2 février au soir par l’abbé Buchholz. Quand sa sœur essaya quelques jours plus tard d’obtenir les cendres de son frère pour les ensevelir à Munich, il lui fut répondu qu’elles avaient été jetées, conformément à l’ordre donné par Himmler de ne pas « laisser subsister le moindre souvenir de ces hommes ». Mais on détruisant leurs corps et en dispersant leurs cendres, les nazis se privaient du seul pouvoir qu’ils avaient sur ces hommes libres. Consacré par cette mort qu’on avait voulu honteuse, leur souvenir allait désormais vivre dans le cœur de ceux qui n’avaient pas perdu jusqu’au sens de l’honneur et de la liberté. Leurs persécuteurs voyaient du reste l’instrument de leur pouvoir et de leur violence se briser entre leurs mains, et ils allaient devoir à leur tour accepter cette confrontation avec la mort qu’ils avaient imposée à leurs victimes. Le 3 février, le lendemain même de l’exécution du P. Delp, le principal artisan de sa condamnation, Freisler, mourait dans l’abri de la salle des séances de la cour de Justice populaire, enseveli sous les décombres de ce bâtiment où il avait si souvent blasphémé le nom du Christ, calomnié son Église, persécuté ses témoins.

————— Sources : Ce livre des Éditions Vie chrétienne et Fidélité reprend l’essentiel d’un ouvrage, aujourd’hui épuisé, paru en 1958 aux éditions de l’Orante sous le titre Alfred Delp, Honneur et liberté du chrétien. La traduction a été réalisée par le Père Michel Rondet, s.j. En allemand, on dispose aujourd’hui : - d’une biographie du Père Delp par le Père Roman Bleistein, s.j., aux éditions Knecht : Alfred Delp, Geschichte eines Zeugen ; - d’une édition des œuvres complètes du Père Delp en cinq volumes, établie par le Père Bleistein aux mêmes éditions. Les textes traduits ici se trouvent essentiellement dans les tomes 3 et 4 de l’édition allemande.

29.

Cf. infra, « Dernières semaines », p. 130. 25


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I LA VÉRITÉ VOUS RENDRA LIBRES (1939 – 1944)

Témoin du Christ jusque dans sa mort, le P. Delp le fut aussi dans ses écrits et dans son combat pour « la vérité qui rend libre ». Avec dynamisme, il ne cesse d’appeler ses contemporains à être disciples du Christ dans l’affrontement qu’ils vivent avec une idéologie athée. Combat de tous les jours où sa parole doit compter avec une censure vigilante qui l’oblige à mesurer chaque fois jusqu’où il peut aller. Il sait aussi qu’il s’adresse à des hommes et à des femmes éprouvés par de dures conditions de vie qui peuvent être tentés d’attendre des jours meilleurs en se confinant dans une piété intemporelle. Il ne cesse alors de les appeler à être des artisans lucides et courageux de cet « humanisme théocentrique » qui est pour lui l’expression de sa foi en l’Incarnation. « Quand un monde ne sait plus qu’il vit de l’amour et de la grâce de Dieu, il devient sans joie et sans pitié. Quand un monde ne sait plus qu’il vit racheté par l’amour du Seigneur, il perd tout souci du salut et du bonheur des hommes, il n’hésite pas à les opprimer au nom d’un mythe ou d’un idéal quelconques 30 ». Si le paganisme nazi illustre douloureusement l’analyse du P. Delp, elle garde toute sa valeur dans d’autres contextes. N’oublions pas non plus qu’il parle et écrit vingt ans avant le Concile Vatican II, dont il annonce l’esprit, en particulier quand il évoque la situation de l’Église dans le monde et les tâches à accomplir pour construire l’avenir. Là aussi, ses avertissements comme ses appels restent d’actualité. Ils esquissent un visage d’Église où nous pouvons reconnaître nos recherches actuelles : construire une communauté de croyants prêts à rendre compte de l’espérance qui est en eux, solidaires des détresses et des espoirs de leurs contemporains.

30.

Cf. infra, p. 35. 27


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Le chrétien et son temps Chaque époque a sa manière à elle de méconnaître et de menacer le christianisme. Nous n’en parlerons pas ici puisque c’est l’attitude des chrétiens qui nous intéresse, mais pour les chrétiens aussi il y a des dangers particuliers à chaque époque. La confrontation avec le monde comporte toujours pour un chrétien des possibilités de contagion et de déviation. D’où la tentation dange reuse de vivre son christianisme en dehors du temps et dans un monde factice. Notre devoir est, au contraire, à la fois d’éviter les équivoques et de vivre le type de chrétien que nous avons à incarner. Ce serait un manque de clairvoyance que de sous-estimer les dangers que peut courir la foi chrétienne et de suivre, plus ou moins aveuglément, tous les appels de l’heure. Mais ce serait faire preuve d’étroitesse de jugement que de ne voir partout que des dangers. Là où il y a conflit, il faut combattre sans compromis, sans lâcheté, sans trahison, mais ce combat défensif ne doit jamais être le souci premier d’une génération chrétienne. A travers les positions que nous défendons, doit toujours se manifester la plénitude de la vraie vie. La splendeur du Royaume de Dieu se réalisant en nous est notre meilleure justification et notre meilleure défense. A côté de cette inflation des attitudes négatives et défensives, une autre tentation nous guette encore qui vient, elle aussi, d’une méconnaissance de la dimension historique de la vie chrétienne. Dans une époque de vie en expansion, beaucoup de chrétiens se sentent menacés, ils donnent l’impression d’être spirituellement sous-alimentés et de craindre une confrontation au grand jour, en plein vent. Ils semblent ne pas avoir confiance dans le message de grâce qu’ils possèdent et se ménagent des positions de repli. Ils délaissent alors les dogmes fondamentaux du christianisme et se réfugient dans des dévotions plus ou moins authentiques, dans une sorte de superstition chrétienne où de soi-disant prophéties et un tas d’éléments accessoires au christianisme jouent un trop grand rôle. C’est l’ersatz qui est mis au premier plan, et

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Lumière au cœur de la nuit

des choses, qui mériteraient à peine un instant d’attention, sont tenues pour essentielles et prennent une valeur absolue. Plus grave serait peut-être encore, pour les chrétiens d’aujourd’hui, cette tentation de dévaloriser le monde qui leur est si naturelle en face des époques prométhéennes, qui mettent toute leur confiance en elles-mêmes et ne veulent connaître que le monde et sa conquête par l’homme. Alors, les chrétiens sont tentés d’affirmer d’une façon si unilatérale la transcendance des réalités surnaturelles de la foi, que le monde de la création s’en trouve presque totalement dévalorisé. L’histoire n’est plus croissance du Royaume de Dieu, elle est tout entière livrée au mal. On ne considère plus les facultés naturelles de l’homme qu’avec méfiance, et on voudrait ne connaître que la sécurité absolue de ce qui vit caché en Dieu. Pratiquement, on ne fait guère plus de cas des valeurs naturelles que les théologiens réformés qui condamnaient la nature. On est fatigué de réfléchir et de chercher, et l’on voudrait être porté par Dieu, jusque dans les dernières démarches de la pensée et de l’action. L’Église devient alors l’Arche, qui cache en elle ceux qu’elle sauve, et qui reste indifférente au courant qui la porte. On ne dit plus guère que l’Église est humaine, que sa loi est celle de la marche et de l’histoire, et que cela suppose des fatigues et des efforts. C’est l’évasion hors du temps et du monde, mais alors la grâce n’est plus cette structure surnaturelle qui pénètre une réalité vraie, elle devient une puissance extérieure qui ne peut s’instaurer que sur les ruines de la nature. Le chrétien d’aujourd’hui doit posséder en plénitude toutes les richesses de sa foi. Il doit, à chaque instant, avoir conscience que toute réalité authentique lui appartient, que le Père la lui confie pour en être responsable. A une époque qui possède un sens aigu de la réalité et un amour très fort de la vie, les chrétiens doivent, eux aussi, avoir une vitalité spirituelle plus grande. Si la terre peut déjà susciter un pareil enthousiasme, pourquoi les forces qui nous sont données, et qui sont plus grandes que la terre, seraient-elles moins capables d’inspirer des décisions généreuses ? Les hommes qui nous voient vivre devraient sentir que nous pouvons souffrir, que l’injustice peut nous atteindre, mais que nous avons conscience de n’être dans le monde ni inutiles ni dépassés. Nous sommes les hommes qui rendent justice à la réalité dans sa totalité, qui maintiennent vivantes dans le monde les forces qui le sauvent et, à ce titre, nous sommes indispensables, même à ceux qui nous combattent. Nous sommes, dans le temps, porteurs des promesses et des grâces divines. 30


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La vérité vous rendra libres

Aussi ce qui compte pour nous, n’est-ce pas tant de vivre quelques années de plus, mais d’être ce que nous sommes, quelque prix qu’il faille payer pour cela. Les tentations de fatigue, de fuite ou de résignation, qui parfois nous accablent, nous conduiraient à trahir notre véritable vocation, en nous laissant oublier que c’est à Dieu, à son monde et à ses grâces que nous avons affaire. De cette conscience de nos richesses spirituelles, doit naître une volonté d’engagement et de service qui ne lui soit ni inférieure ni inégale. Nous pouvons certes apprécier les choses de la terre autrement que d’autres, nous ne les déprécions pas pour autant, et notre attitude à leur égard doit manifester clairement que nous nous sentons envers elles une mission supérieure. Il y a une manière chrétienne de valoriser le monde : elle est fondée sur notre création à l’image et à la ressemblance de Dieu, sur la bénédiction divine accordée à toutes choses et sur la présence, dans le monde, de ce reflet de la gloire divine, que chaque progrès, chaque réalisation nouvelle met en lumière. On nous reprochera peut-être de nous laisser entraîner par un jargon historico-évolutionniste, mais il reste vrai que même la situation terrestre la plus fatale, celle qui conduit à la mort, se trouve ennoblie et intérieurement transformée par son assomption dans la mort rédemptrice du Seigneur : cet événement qui demeure la loi suprême de l’histoire. Si nous voulons vivre chrétiennement dans une époque pleine de dynamisme, il nous faut témoigner des forces spirituelles qui sont en nous. Il ne suffit pas que notre fidélité et notre charité soient efficaces, il faut encore qu’elles apparaissent comme le fruit normal d’une existence comblée de grâces… Ce qui doit nous guider aujourd’hui et nous faire découvrir l’harmonie qu’il y a entre notre vie et le monde créé par Dieu, c’est la certitude que nous avons d’appartenir au Christ, d’être les enfants du Père, rachetés par le Fils, membres du Peuple nouveau, l’Église. Il faudrait que notre vie chrétienne se ressource continuellement à ces vérités fondamentales de notre foi. C’est, du reste, le but des différents renouveaux qui se dessinent aujourd’hui dans l’Église : renouveau biblique, renouveau liturgique, renouveau eucharistique, spiritualité théologale, etc. Encore s’agit-il de ne pas rechercher, dans ce pèlerinage aux sources, un douillet refuge spirituel, mais de lui demander force et réconfort pour une action valable. Si nous croyons à la vocation missionnaire du christianisme, alors il faut dire que, seuls, sont vraiment chrétiens ceux qui témoignent de leur foi, qui rayonnent de 31


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Lumière au cœur de la nuit

la vie qui est en eux. Le christianisme ne sanctifie pas le repli sur soi mais le ressourcement intérieur pour une action renouvelée. Le chrétien qui a pris au sérieux sa vocation historique sera aussi à l’abri d’une autre tentation paralysante qui, aussi paradoxal que cela puisse paraître, vient justement de l’insertion dans l’histoire. En effet, qui a compris qu’il est de l’essence de l’histoire de reprendre le passé pour en donner de nouvelles images, sera toujours tenté de regarder en arrière pour chercher dans le passé les directives dont il a besoin. Or, le passé le plus glorieux n’est d’aucun secours, lorsque des forces vives ne viennent pas s’unir au poids de gloire hérité d’une longue histoire. La tradition a valeur comme réalité actuelle, pas comme souvenir. Comme l’a dit un poète allemand : le souvenir est l’espérance des vieillards. Inversement il est assez vain, comme certains l’ont tenté parfois, de vouloir nous accabler sous le poids de nos fautes historiques. Ceux qui ont assez de vitalité pour vivre le présent ne se laisseront paralyser par aucun souvenir, pas plus du reste qu’ils ne songeraient à invoquer un passé glorieux pour se dispenser de choisir et d’agir aujourd’hui. L’être de l’homme est historique, il ne se développera que dans l’histoire, c’est-àdire pour un chrétien en continuant l’œuvre du Christ… Notre réflexion sur les rapports du chrétien et de son temps nous a donc conduits, à la fois, à méditer sur la nature profonde de notre vocation et à nous engager à lui être fidèle. Il n’y a de vraie vie que là où l’être se réalise selon sa vérité. Le présent de notre monde est confié aux chrétiens, il appartient à leur fidélité.

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Alfred Delp, s.j.

Alfred Delp, s.j.

Lumière au cœur de la nuit Un jésuite allemand dans les prisons nazies Présentation de Michel Rondet, s.j.

Alfred Delp, s.j.

Récits et témoignages

Un jésuite allemand dans les prisons nazies Présentation de Michel Rondet, s.j.

Dans sa prison, affaibli par les tortures, les privations et l’isolement, il éprouve la tentation du désespoir, mais expérimente aussi paradoxalement la joie de la présence de Dieu au cœur de la nuit la plus totale. Il rédige lettres et méditations spirituelles avec lucidité, dans l’espoir que ses amis et les chrétiens allemands continuent le combat pour une Allemagne libre et une Église plus ouverte. Il nous livre aussi un itinéraire intérieur de discernement pour les détachements successifs qui lui sont demandés, nourri d’abandon à la confiance en Dieu. Au même titre que ceux de son voisin de cellule, le pasteur Dietrich Bonhoeffer, ses différents écrits, longtemps inconnus en France et rassemblés dans cet ouvrage, constituent un témoignage exceptionnel sur l’Amour ; l’Amour qui fait surgir le meilleur du pire qui peut nous affecter. Ils offrent au lecteur d’aujourd’hui une réflexion étonnamment actuelle sur la résistance spirituelle.

Lumière au cœur de la nuit

« Mon crime est d’avoir refusé la religion de l’orgueil et de la violence, et de l’avoir fait comme catholique et comme jésuite. » Le 2 février 1945, Alfred Delp, jésuite allemand, est exécuté par le régime nazi, à l’âge de 37 ans, condamné après un simulacre de procès pour avoir participé avec des compatriotes à un cercle de réflexion préparant le relèvement de l’Allemagne après l’étau politique et moral du national-socialisme.

Lumière au cœur de la nuit

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12,90 € © Éditions Vie chrétienne, 2014 47 rue de la Roquette 75011 Paris, France Publié pour la première fois en 2003 comme supplément à la revue Vie chrétienne no 489 sous le titre Dieu rend libre. Face à la barbarie nazie. Photo de couverture : © TobySmith | iStockphoto.com

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Michel Rondet, jésuite depuis 1942, a été maître des novices, puis a enseigné la théologie à Aix-en-Provence. Auteur de très nombreux ouvrages de théologie très prisés des spécialistes comme du grand public, il a donné de très nombreuses retraites à quantité de laïcs, prêtres et religieuses, notamment à La Baume-les-Aix et Biviers.

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