Vie chrétienne Nouvelle revue
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B I M E S T R I E L D E L A C O M M U N A U T É D E V I E C H R É T I E N N E E T D E S E S A M I S – N º 9 – j anvier 2 0 1 1
Prier avant une action difficile Au service de la formation
Le temps malmené
Éditorial
éditorial
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l'air du temps ~ Dominique Hiesse
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© Alain Pinoges / CIRIC
Sommaire
chercher et trouver dieu
Le temps malmené
NOUVELLE REVUE VIE CHRÉTIENNE Directeur de la publication : Dominique Léonard Rédactrice en chef : Florence Leroy Comité de rédaction : Marie-Élise Courmont Yves de Gentil-Baichis Dominique Hiesse Paul Legavre sj Comité d'orientation : Marie-Denise Cuny Christiane Edel Yves Guéguen Noëlle Hiesse Catherine Mercadier Béatrice Mercier Armelle Moulin Administration : Michel Lepercq Conception graphique : Raphaël Cuvelier Un coin de ciel bleu Photo de couverture : © Pascal Deloche / Godong Impression : Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau
ISSN : 2104-550X 47 rue de la Roquette 75011 Paris 2 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
Témoignages Prendre le temps Jacques Arènes Nous ouvrir au temps de Dieu Paul Legavre Le temps qui suit l'élection Jean-Marie Carrière Le babillard se former Prier avant une action difficile Marie-Claire Berthelin Notre accompagnateur parle peu (2e partie) Nadine Croizier Ouvrir sa maison à un réfugié Marie-Bernadette Noël Le livre d’Isaïe (2e partie) Marie-Amélie Le Bourgeois Au catalogue Vie chrétienne ensemble faire communauté Nevers, d’autres fruits Au service de la formation Jean Lacour Un dimanche à Hong Kong Christine Beaude Rencontre des Eurolinks Noëlle Hiesse Billet «…Et surtout la santé ! » Philippe Robert prier dans l'instant En écoutant une critique de film Dominique Pollet
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Le lac de Tibériade vu du Mont des Béatitudes.
Bonheur En ce début d’année, permettez-moi de vous souhaiter une bonne et heureuse année au nom de toute l’équipe de la revue. Une année pleine d’un bonheur promis en abondance. En 2011 soyons pauvres de cœur. C’est tellement plus reposant que de prétendre avoir toutes les réponses. En 2011 soyons doux parce qu’en l’autre nous voyons un frère et que nous nous savons aimés. En 2011 n’ayons pas peur de pleurer avec ceux qui sont dans la peine. Prenons le temps d’écouter ceux qui viennent vers nous dans les larmes sans leur dire : « ça n’est pas grave » ou « ça va s’arranger ». Mettons-nous à l’école du Fils de l’homme, doux et humble de cœur. Soyons heureux d’un vrai bonheur. Bonne année donc dans la gratuité des Béatitudes ! Florence LEROY
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L'air du temps
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1 Notamment, le reportage de France 2 dans l’émission télévisée Envoyé spécial du mardi 28 septembre 2010 et les interviews de la presse écrite au moment de sa diffusion. 2 Dans le nu de la vie (2001) et Une saison de machettes (2003) de Jean Hatzfeld. Exceptionnel de dignité et respect. La stratégie des antilopes (2007) raconte les traces laissées avec le temps. 3 L’open space m’a tuer de Alexandre des Isnards et Thomas Zuber (2008). Livre de Poche. Plusieurs centaines de milliers de livres vendus.
4 L’enquête de Philippe Claudel, Nous étions des êtres vivants de Nathalie Kuperman, Retour aux mots sauvages de Thierry Beinstingel, Journal intime d’une prédatrice de Philippe Vasset, Plan social de François Marchand. 5 Sondage Obea Infraforces pour France Info – novembre 2009.
Les suicides chez France Télécom ont emporté la digue qui retenait les employés dans le silence. Depuis 18 mois, reportages1 et témoignages invitent à prolonger la réflexion de manière plus large et approfondie : comment cela a-t-il été possible ? cela peut il exister ailleurs ? comment rester positif face à de telles pratiques ?
« Aux grands maux les grands remèdes. On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs », disent les cyniques. La plupart des employés de France Télécom avaient bien compris le besoin de se réformer : perdre un monopole et continuer d’exister dans un marché concurrentiel exige d’être compétitif. Ce qui ne pouvait être compris et a conduit aux souffrances maintenant connues, c’est la manière de faire : décider en haut lieu un plan d’élimination qui surprenne sans moyens de réagir ; sélectionner un petit nombre de personnes mises dans le secret et motivées sous le régime de la carotte et du bâton pour faire exécuter le plan ; former ces équipes exé-
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cutantes avec un langage dévoyé qui amalgame management et accompagnement des mourants ; chasser (dans tous les sens du mot) 22 000 collaborateurs en les harcelant isolément pour les éprouver au physique et moral, humiliations incluses ; installer des zones de non droit (refus d’accès à l’inspecteur du travail) ou de relégation (bureaux vidés). L’art de ce management du changement était de pratiquer la mort sans avoir à la constater, à l’usure, par consentement de la victime. Et les salariés témoins ne disaient rien par crainte de représailles, conscients et honteux de leur silence ; la culpabilité créée en eux les transformait en futures victimes silencieuses. Les autres étaient écartés « Circulez, y a rien à voir » et gardaient leur tranquillité. Diabolique processus ! Après le reportage de France 2, me sont alors revenus en mémoire les récits sur les massacres massifs des régimes en « ismes » des tyrans du XXe siècle. Je pensais aussi aux témoignages recueillis par Jean Hatzfeld sur le
génocide du Rwanda2. Pas question de comparer des événements qui ne sont pas de même niveau, ni de même ampleur, ce serait au mépris des victimes, mais un même processus de déshumanisation semble avoir opéré. Processus dissimulé et rampant. En repérer les mécanismes aide à passer du curatif au préventif.
Cela peut exister ailleurs Comme beaucoup, j’ai des proches victimes de sévices analogues. La question déborde le cercle des experts socio-psycho. Témoignages et enquêtes en font état. Si les saynètes rapportées par L’open space m’a tuer ont eu un tel succès de librairie3, c’est parce qu’elles parlaient à ceux qui les vivent sans qu’eux puissent le dire par peur légitime des représailles. À la rentrée littéraire 20104, plusieurs romanciers ont repris le sujet ; la fiction rejoint des milliers de lecteurs qui voient le voile se lever sur un mal-être qui touche les salariés (74,7 % des sondés disent souffrir au travail5). Les employés
© Patrice Thébault / CIRIC
Souffrances tues au travail des multinationales ou des administrations sont peut-être plus exposés : direction lointaine, flou des organigrammes croisés, déresponsabilisation des hiérarchies et dictature des procédures, choix imposés dans l’urgence et sous la contrainte,… Mais la tendance se généralise sous la pression de la mondialisation. « Mon chef est à New York, je ne le connais que par mail et skype, car la crise limite mes déplacements, et mes équipes de programmeurs sont basées en Inde ! Difficile de vraiment communiquer. » Alors, les incompréhensions naissent et la tension monte. « Pour secouer vos troupes, vous allez pratiquer l’humiliation publique. » rapporte un cadre dans une PME. Dans le reportage de France 2, la DRH de France Télécom regrettait de n’avoir su prendre finalement
la bonne méthode ; est-ce parce qu’à la longue cela avait fini par se savoir dans les médias? Que faire alors ? S’il y avait une recette miracle, de tels désastres se répéteraient moins. Savoir que cela peut arriver rendra vigilant sur tout début de dérive éthique, surtout si elle est cachée par une charte d’entreprise… qui ne donne pas au personnel les moyens concrets de respecter les principes énoncés. Réagir vite empêchera le processus de se développer comme un cancer dans lequel personnes et institutions seraient emportées. Parler fait prendre un risque que tous n’ont pas les moyens ou la liberté de prendre, d’autant qu’il est compliqué de dialoguer quand la hiérarchie se défausse sur la procédure. L’individualisme ambiant, renforcé lors des entretiens annuels par des objectifs indivi-
duels imposés hors de tout objectif d’équipe – « je ne sais plus qui travaille avec qui, et pour quoi » – isole un peu plus, divise. Pourtant, c’est en se regroupant, en se parlant, en se soutenant (dans ou hors lieu de travail) que des solutions peuvent s’élaborer pour sortir de cette crise culturelle. Mouvements et associations en prennent conscience et s’organisent pour (re) trouver un travailler-ensemble plus humain. On peut les rejoindre6 et eux se coordonner davantage. La force de la loi est insuffisante devant la force de la violence ; il y faut aussi celle de l’engagement et du cœur. Quand on les sollicite il y a moyen de manager le vrai changement au travail.
6 Le Mouvement Chrétien des Cadres (MCC) tient congrès à Lyon les 15 et 16 janvier 2011 sur le thème : « Inventer un avenir commun » avec notamment des forums sur : L’entreprise ; Pouvoir et contre-pouvoir ; Les solidarités nouvelles. Le congrès est ouvert à tous. Deux ateliers CVX, Évolutions du Travail sur Paris et Management et Ressources Humaines à Lyon se retrouvent régulièrement sur des problématiques professionnelles. (Voir programme sur www. cvxfrance.com/ateliers).
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Dominique HIESSE Accompagnateur de l’atelier CVX Management et Ressources Humaines
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Chercher et trouver et trouver Dieu Dieu
Le temps malmené
Souvent le temps nous malmène et nous prend à contre-pied. Mais nous aussi le malmenons en refusant ses accélérations et ses lenteurs. Dans notre vie quotidienne, tout se passe comme si le temps nous était aussi extérieur que le tic-tac d’une grande horloge, aussi autoritaire qu’un tyran insensible et cruel. Autrefois le temps paraissait long à nos aînés, aujourd’hui nous le trouvons trop court, même si nous en avons davantage qu’eux. Il nous paraît toujours impossible de tout faire rentrer dans le temps prévu, minuté, imparti. Pourtant l’essentiel est ailleurs : le temps nous façonne intérieurement et la durée est l’étoffe intime de notre vie : nos cellules, notre affectivité, nos projets, nos évolutions se nourrissent de temps pour grandir, mûrir, se transformer. Mais nous ne savons pas en tenir compte pour vivre. Pourtant Dieu, s’échappant quelques années de son éternité, s’est glissé dans notre temps humain sans vouloir le malmener pour le raccourcir ou l’accélérer. Il était, à coup sûr, plus subtil que nous.
© Pascal Deloche / Godong
Témoignages Une vie à la minute près. . . . . . . . . . . 8 Le temps intensif de l’agriculture . . . . 9 « Vous me stressez ». . . . . . . . . . . . . 10 La durée sépare… . . . . . . . . . . . . . . 11 Contrechamp Prendre le temps . . . . . . . . . . . . . . . 12
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Yves de GENTIL-BAICHIS Éclairage biblique Nous ouvrir au temps de Dieu . . . . . 14 Repères ignatiens Le temps qui suit l’élection . . . . . . . 16 Pour continuer en réunion . 19
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Chercher et trouver Dieu
Le temps intensif de l’agriculture
Angèle gère les horaires de service ainsi que les temps de repos et de congé d’une cinquantaine de conducteurs de bus. Mais au-delà des plannings et des horaires, il y a des personnes.
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1 Gestion d’une équipe de trente à cinquante conducteurs dans un centre de 220 bus avec plus de 700 employés.
Dans ma mission, je peux « bouger » le planning et accorder une journée ou une partie de journée. Pourquoi à celui-ci alors que mon collègue vient de refuser à tel autre ? En très peu de temps, ma décision doit évaluer l’urgence, l’état psychologique ou physique de celui qui est en face, la continuité du service, la sécurité du voyageur mais aussi les contraintes que ma décision va imposer à d’autres, le souci
de justice. Il n’y a pas qu’une solution, d’où la nécessité de relire, d’évaluer les fruits. J’ai pu priver de bus des centaines de voyageurs, mais une relève d’un quart d’heure remet parfois un homme debout. À l’inverse, quand le dialogue est rompu, céder à la facilité n’est pas sans conséquences. Pour moi, déposer dans la prière crée autour de moi cet espace-temps qui me protège, me fait oser une parole différente, sans peur, sans être écrasée par la responsabilité…
au lieu de trente pourrait vite devenir un monstre… Il a plombé ma journée… Une vie à la minute où le câlin du matin à la crèche sera vite abrégé, où l’enfant fâché quitté trop vite boudera le soir l’heure des mamans, préférant jouer avec le petit copain qui lui a son temps… Il faut toucher ses limites, voir conjoint et enfants craquer pour réaliser que le temps subi n’est pas un temps de Vie, mais un temps de mort… que choisir la vie, c’est s’organiser, réfléchir comment se libérer du temps pour être présente aux personnes rencontrées, garder du lien social ; relire ce temps contraint pour inventer des soupapes et l’empêcher d’exploser…
Et ce temps qui s’écoule : je dois rencontrer cet agent à trentedeux ; le bus de vingt-cinq est-il passé ? La vie s’organise à la minute et la vie familiale aussi… L’animateur de la garderie de l’école qui arrive à quarante-cinq © iStock
2 Les horaires de service, repos hebdomadaires et congés annuels sont régis selon plusieurs textes : code du travail et convention collective, règlement interne et directives européennes du transport de personnes
Je suis manageur de proximité1 dans un centre de bus d’une entreprise de transport public d’Îlede-France. Pour répondre à cette mission de service en continu, repos réglementaires2 et affectations sont attribués par roulement. Le personnel en est informé à l’avance.
Bien sûr, pas de messe possible tous les dimanches, ni chaque Noël… Mais n’est-il pas né au milieu de ceux qui travaillaient, petits pâtres, bergers, gens en voyage… ? Ma mission n’est pas ailleurs. Et que dire de mon frère juif ou musulman pour qui le roulement est calé sur un calendrier chrétien alors que sa pratique de la foi est assujettie à un autre calendrier…
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ANGÈLE 8 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
Il n’y a pas si longtemps, les agriculteurs avaient un rythme de vie plus lent que les citadins. Les contraintes économiques sont passées par là. © Jacques Cousin / CIRIC
Une vie à la minute près
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Lorsque j’ai décidé de reprendre l’exploitation familiale, j’ai dit à Marie mon épouse : « à la campagne, nous aurons une meilleure qualité de vie ». Quinze ans plus tard, c’est vrai que nous avons de l’espace pour vivre, mais le monde pressurisé par le temps est bien le même qu’ailleurs. Ces dernières années, nous avons assisté à des sautes d’humeur des cours des matières premières agricoles, nos revenus en sont devenus très aléatoires. Pour maintenir une rémunération, nous devons être prêts à vivre avec des cours bas, il nous faut aussi endiguer l’augmentation des charges,
et pour cela augmenter notre productivité. C’est là qu’est notre survie. Nous nous sommes donc rassemblés, entre agriculteurs, pour acheter du matériel adapté à nos besoins en commun. Quand c’est à notre tour de l’utiliser, on ne peut pas se permettre de vivre au ralenti. L’été au moment des récoltes, toute mon énergie est concentrée sur mon travail, je passe de longues heures sur la machine, je dors cinq à six heures par nuit et je rentre à peine pour les repas. Cela dure une dizaine de jours très intenses. Et maintenant, cela devrait être ainsi tout au long de l’année,
avec cette même intensité pour les semis, mais aussi pour la maintenance du matériel ou la comptabilité-gestion. Les périodes de tension sont de plus en plus longues. Combien de temps nos familles nous attendront-elles dans nos maisons ? Qu’il est difficile de vivre mon métier : ma famille me réclame et je suis écartelé ! Je dois garder de la disponibilité pour les travaux des champs en fonction aussi des fenêtres climatiques, pour faire fonctionner à plein rendement le matériel, et j’ai du mal à me rendre disponible pour mes enfants. Cela empêche de prendre des engagements, car on ne sait pas quand va s’ouvrir la fenêtre climatique. Je ne pourrai donc peut-être pas aller chercher les enfants, etc. La variable d’ajustement, c’est toujours la famille. Souvent je suis contrarié par les événements, le climat, les pannes, les problèmes d’organisation. Tous ces événements ont une influence sur mon temps de travail. Il faut organiser son travail au maximum, et apprendre à vivre au jour le jour. C’est une question de survie, psychologiquement, sinon on ne tient pas le coup.
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FRÉDÉRIC
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Chercher et trouver Dieu
À dix-huit ans, choisir une orientation n’est pas facile. Tant de questions se posent et il y a tellement de choses plus intéressantes à faire.
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études. Un peu de douceur est nécessaire pour voir le sujet par l'autre bout : « Qu'est ce que tu aimes bien dans ce métier ? Oublions les études, elles ne sont qu'un moyen ». À la fin de chaque rencontre, je l'invite à noter ce qu'elle veut et à le relire dans la semaine. Je crois qu'elle le fait.
Un week-end, moi, son papa, je propose à Charlotte que nous nous retirions un moment tous les deux dans sa chambre pour réfléchir calmement. Je lui parle des étapes pour se décider : « Considère les possibilités, pose une alternative, note ce que tu ressens, relis ce que tu as noté, envisage un choix, puis l'autre, vois ce qui te met en paix… » et je lui propose une rencontre hebdomadaire. Elle accepte. La confiance prend du temps pour s’installer. Sur chaque alternative, elle voit d'abord les inconvénients du métier ou des © Robert Kluba / CIRIC
Notre fille Charlotte est en terminale. Dans trois mois il faudra avoir choisi une orientation et remplir les dossiers d’inscription. Mais Charlotte ne sait vraiment pas ce qu'elle veut faire. Toutes les propositions de ses amis (sorties, piscine…) sont plus urgentes que de réfléchir à ce sujet. Nous tentons des propositions, comme rencontrer quelqu’un. Elles sont toutes démolies. « Vous me stressez » nous dit-elle. Et c’est probablement vrai. Les semaines passent, et la pression monte. « Après 16 ans, on peut bien arrêter les études. »
Au bout de trois dimanches, deux alternatives semblent être bien là. Mais sentant le choix approcher, à nouveau retour de l’angoisse et des phrases du style « rien de tout cela ne m’intéresse ». Il faudra encore du temps pour entendre ce qui semble bon au fond d’elle, qui ne fait pas de bruit, mais qui est là derrière toutes les images qui défilent. Charlotte paraît plus joyeuse. Elle semble apprécier ces temps à deux. Le choix se fait calmement. Six ans après, souvenir d’un bon temps, passage d’un temps malmené par nous et par elle à un temps mieux-mené. Ces vrais moments de dialogue avec nos adolescents ne furent pas si fréquents. Nous, parents, ne savons pas encore si ce fut le bon choix, mais ce fut un choix qui lui permet d'avancer.
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PATRICK et FLORENCE 10 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
La durée sépare ou… rapproche les amoureux Comment les couples vivent-ils les évolutions de leur amour au fil des années ? Ne les comprenant pas, certains refusent les transformations que le temps impose à leurs sentiments explique une conseillère conjugale.
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« Quand nous nous sommes mariés, il y a sept ans, nous nous aimions intensément. Aujourd’hui nos sentiments ne sont plus en phase car ils n’ont pas évolué à la même vitesse et je ne sais que faire pour éviter que le fossé se creuse davantage entre nous. » Cette jeune mère, découvrant le rôle que joue la durée dans les sentiments amoureux, faisait une expérience assez banale : elle réalisait que le temps joue un rôle essentiel dans l’évolution de l’affectivité. C’est d’ailleurs ce qui fait de la vie amoureuse une aventure unique car celui qui aime n’aime jamais son partenaire exactement comme la veille, le mois précédent ou trois ans avant. Les sentiments ne sont pas figés dans le temps une fois pour toutes, ils évoluent avec les événements et surtout avec la manière dont on découvre, progressivement, que l’autre n’est pas tout à fait comme on l’avait imaginé ou rêvé au début du grand amour. Je reçois de nombreuses personnes très déconcertées par le travail de trans-
formation que la durée impose à toute relation affective. Or dans un couple, les sentiments n’évoluent pas toujours à la même vitesse. Parfois l’un désire, avec le temps, vivre avec son conjoint un amour moins fusionnel, plus ouvert au contact avec les autres alors que son partenaire, essayant de se cramponner aux expériences gratifiantes des débuts, ne veut rien changer dans ses habitudes. Et ce refus de tenir compte des évolutions imposées par le temps engendre la rigidité de celui qui se sent menacé dans son identité s’il renonçait à la forme d’amour qui le comblait au moment de son mariage. Parfois, les deux partenaires, acceptant de ne pas se raidir contre le travail du temps, veulent bien évoluer. Mais faute de dialogue et de complicité pour construire des projets communs, les conjoints sont côte à côte, mais chacun vit dans son univers. Et alors j’entends l’un des deux reconnaître : « Nous n’avons plus rien à nous dire. Je m’ennuie avec lui, aussi je crois que nous allons nous séparer ».
La durée peut donc affaiblir la vie de couple quand elle en révèle l’inconsistance, mais elle peut aussi consolider l’amour. Cela se produit quand les conjoints découvrent, au fil du temps, que les attitudes d’attention, de respect mutuel et de tendresse non possessive engendrent une confiance de plus en plus solide qui tisse un lien quasi inébranlable entre eux.
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Dans ce cas la durée, loin de séparer les amoureux, les rapproche davantage chaque jour. HÉLÈNE © Philippe Lissac / Godong
« Vous me stressez »
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Chercher et trouver Dieu
Prendre le temps
vides et vaines jalonnées par la télévision, la lecture ou éclairées par la prière ? Emportés dans nos activismes, pouvons-nous concevoir un instant ces temps qui ne se possèdent plus ?
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Nous passons notre temps à courir après le temps, à tenter de maîtriser l'écoulement temporel pour le faire rentrer dans les cases de nos agendas. Nous vivons ainsi dans l'urgence d'avoir à concilier tous ces temps que nous désirons ardemment réussir : temps professionnels, temps familiaux, temps de loisirs ou de réflexion, temps de prière. Nous pouvons ainsi ressentir une excitation, voire une jubilation, face aux mille sollicitations de nos emplois du temps. Nous nous plaignons du stress, mais supportonsnous encore le vide de l'attente, le temps du manque que nous avons remplacé par le manque de temps ? Où vont donc pouvoir se nicher ces temps d’échange, de réflexion, et de retour sur soi dont l'essence surgit parfois de la gratuité de l'inattendu ? Comment comprendre encore, comment saisir de l'intérieur ce temps vacant et disponible dans lequel l'enfant peut rester des heures à rêver en regardant passer les nuages et s'absorber ensuite brusquement dans un jeu passionnant simplement parce qu'un copain vient de passer par là ? Pouvons-nous vraiment aussi imaginer ces longues heures de la maladie, accompagnées ou solitaires, ces heures
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© iStock
Nous reprenons ici un article de Jacques Arènes, psyschologue et psychothérapeute. Le temps n’est pas une denrée à consommer ou à maîtriser. Le temps ne nous appartient pas.
Je songe à François que j'ai eu à veiller dans ses derniers jours. Chaque seconde devient pure présence et ne vaut que par son existence même : se prendre la main, goûter le soleil qui inonde la fenêtre, lui demander s'il n'a pas soif ou faim et interpréter son hochement de tête, demeurer et se faire réceptif à l'attente de ce moment qui viendra on ne sait quand, dans deux heures, dans deux jours, dans deux semaines... « Vous aussi tenez-vous prêts, car c'est à l'heure que vous ignorez que le Fils de l'homme viendra.1 » Cette parole n'est pas sentence sadique. Elle indique l'heureuse dépossession de notre temps, de nos jours dont nous ne connaissons l'issue. Le Christ vivait la liberté de se laisser prendre par l'imprévisible. Alors qu'il se dirige avec ses disciples vers un lieu désert pour prendre repos, les foules sont déjà là, il les accueille donc2. Il vivait à un tel point cette disponibilité à l'autre et au temps de l'autre, qu'il ne pouvait suivre à la lettre la règle du Shabbat inscrite dans le Décalogue. Pourtant s'il est un temps de « vacance », c'est bien dans l'esprit du judaïsme le temps du Shabbat par lequel l'homme se laisse déposséder de son temps pour l'offrir à l'Éternel. Ce repos sacré est si important dans l'âme
juive que les croyants l'attendent comme une Reine ou une Fiancée en ce jour où chaque juif est roi. À la synagogue, l'office du vendredi soir est bref « il tient surtout dans l'accueil, par le Peuple élu, du Shabbat sa fiancée. « Viens, mon bien-aimé, audevant de la Fiancée, Au-devant du Shabbat...3» Par ce temps, l'homme juif rentre une fois par semaine dans l'autre dimension du sacré, de l'eschatologie déjà présente. Une histoire populaire juive évoque ainsi le Shabbat. « On raconte que Dieu dit à Israël : « Si vous acceptez ma Torah et observez ma Loi, je vous ferai don pour l'éternité du bien le plus précieux que je possède. - Quel est ce bien, demanda Israël que tu nous donneras contre l'obéissance à ta Torah ? - Le monde à venir, répondit Dieu. - Ne pourrions-nous pas déjà nous faire une idée de cet autre monde ? insista Israël. - Le Shabbat vous le fera entrevoir, dit Dieu. » Cet exemple issu de l'espace du sacré nous fait comprendre l'importance de se laisser habiter par l'esprit d'un temps totalement gratuit, totalement improductif qu'il s'agisse d'un temps pour Dieu ou d'un temps pour soi-même. En notre époque opératoire, il est parfois difficile d'admettre, même dans le secret du parcours psychanalytique, que l'action concrète n'est pas le tout de la vie. Ces bribes de passé si vivantes en nous,
ces images anciennes, ces visages encore animés parfois conservés tels quels et surgissant intacts des années après, nous font sentir que l'inconscient ne connaît pas le temps. Cette idée nous paraît parfois vertigineuse, mais quelle joie aussi de se trouver au seuil de ce mystère du temps qui passe à notre insu en laissant en nous ces strates les plus anciennes, de ce secret des arcanes du temps qui nous précède et se joue parfois de nous, sans parier des temps de ceux qui nous ont précédés infiltrant parfois le nôtre sans crier gare ! Le philosophe Emmanuel Levinas concevait le Temps comme ce qui nous ouvre à autrui et à la dimension de la transcendance. Notre désir de toujours être identique à nous-même et de faire coïncider nos existences avec nos desseins préalables est complètement subverti par le temps ; toujours autres que ce que nous aimerions, nous expérimentons des trajectoires peu ou prou décentrées par rapport à nos attentes. […] Puissions-nous, au long de l'année, être attentifs au rythme des autres, au temps des enfants et des vieillards, de ceux qui ne sont pas dans nos activités ou qui sont en dehors de toute activité, puissions-nous prendre le temps du regard, de l'écoute, goûter la parole juste qui demande pour s'installer la patience du temps.
3 Mark Zborowski et Helisabeth Herzog, Olam, Terre Humaine, Plon, 1992, p. 33.
1 Luc 12,40.
2 Luc 6, 31-34.
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Jacques ARÈNES Paru dans la revue Vie chrétienne n° 421, juillet 1997
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Chercher et trouver Dieu
Nous ouvrir au temps de Dieu
Et voici Nicodème. Cet homme a autorité, il cherche Dieu avec le groupe des pharisiens, il s’est ouvert à l’espérance de la résurrection. Aussi vient-il rencontrer le Maître aux gestes inouïs et aux paroles déconcertantes, qui oppose l’énigme de l’engendrement et de la naissance d’en haut à ce que croit savoir Nicodème. « Qui n’est pas engendré d’en haut, qui ne naît pas d’en haut ne peut 14 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
© Corinne Simon / CIRIC
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Le temps de Dieu présente des facettes contrastées. Temps de la patience et du labeur de Dieu, que nous enseignent les paraboles du Royaume : « Le semeur est sorti pour semer ! » (Marc 4, 3). Temps de l’amour : « L’amour croit tout, espère tout, endure tout. L’amour ne passe jamais.» (1 Corinthiens 13, 4-8). Temps du détour fait par le Samaritain, remué aux entrailles, pour prendre soin de l’homme tombé à terre (Luc 10, 33.35). Temps du sabbat donné pour nous ouvrir au temps de Dieu, faire mémoire de notre création et de la libération de toute servitude (Exode 20, 11 ; Deutéronome 5, 12). Mais c’est aussi le temps de l’irruption de Dieu dans la vie des êtres. Dieu n’at-il pas épousé le temps de l’homme ? Il est entré dans l’histoire de l’humanité en devenant pour toujours l’un de nous, et son Esprit nous tourne vers le Jour de Dieu. Avec l’Église tout entière, dans l’action de grâce, nous attendons le retour du Seigneur : « Faites mémoire de lui, jusqu’à ce qu’il vienne ! » (1 Corinthiens 11). Et nos existences deviennent espérance de son passage : « Aujourd’hui, il me faut demeurer chez toi. Aujourd’hui, le salut est entré dans cette maison », dit Jésus à Zachée (Luc 19, 5.9). L’aujourd’hui de Dieu donne aux disciples du Ressuscité d’habiter autrement le temps de leur existence : « Voici l’Époux, sortez à sa rencontre. » (Matthieu 25, 6).
façons la mort qui vient, dans la dénégation ou l’oubli trompeur. Mais conteste Nicodème, « comment un homme peut-il être engendré, étant âgé ? » Pour Jésus, pas de retour en arrière : le Souffle et non le ventre de sa mère, une seconde fois ! « Ce qui est né de la chair est chair, ce qui né de l’Esprit est esprit. Le vent souffle où il veut » : liberté imprévisible et merveilleuse pour tout être né de l’Esprit. Car « à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu », enfants du Royaume, « à ceux qui croient en son Nom, qui ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » (Jean 1, 12-13). Oui, ceux-là sont imprévisibles, et tu ne sais ni d’où ils viennent, ni où ils vont, sinon, avec le Christ, vers Dieu.
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Nicodème demande : « Comment cela peut-il se faire ? ». Face à l’annonce de la promesse, c’est toujours la question du vieux Zacharie (Luc 1, 18.34.37) mais aussi de la Vierge Marie. Car « rien d’impossible à Dieu, aucune parole ». Paul Legavre sj
Qui n’est pas engendré d’eau et d’Esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.
voir le Royaume de Dieu. » Le temps est-il marqué du sceau de la mort, conduit-il inexorablement à la mort, ou bien ouvre-t-il, aujourd’hui, ici et maintenant, sur le Royaume ? L’amour est fort comme la mort (Cantique des Cantiques 8, 6) et plus fort que la mort (2 Corinthiens 5, 14-15). Jésus rouvre la liberté humaine par le don de sa vie : « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne » (Jean 10, 18). Il ne s’agit pas seulement de se battre contre l’inéluctable, de repousser de toutes les
1 Il y avait un homme, parmi les pharisiens, du nom de Nicodème, une autorité chez les Juifs. 2 Celui-là vient vers Jésus, de nuit, et lui dit : « Rabbi, nous savons que de la part de Dieu tu es venu en maître ! Car personne ne peut faire les signes que tu fais, si Dieu n’est pas avec lui. » 3 Jésus répond et lui dit : « Amen, amen, je te dis : qui n’est pas engendré d’en haut ne peut voir le Royaume de Dieu. » 4 Nicodème lui dit : « Comment un homme peut-il être engendré, étant âgé ? Peut-il, dans le ventre de sa mère, entrer une seconde fois, et être engendré ? » 5 Jésus répond : « Amen, amen, je te dis : qui n’est pas engendré d’eau et d’Esprit ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. 6 Ce qui est né de la chair est chair, ce qui né de l’Esprit est esprit. 7 Ne t’étonne pas que je te dise : il vous faut être engendrés d’en haut. 8 Le vent, où il veut souffle, et sa voix tu l’entends, mais tu ne sais d’où il vient ni où il va : ainsi en est-il de tout homme né de l’Esprit, du Souffle. » 9 Nicodème répond et lui dit : « Comment cela peut-il se faire ? »
Jean 3,1-9
Pour prier… ✚ D ans la nuit, la pénombre d’un foyer. Clarté tremblante et ombres. Demander la grâce de m’ouvrir au temps de Dieu. ✚ C onsidérer Nicodème, son désir de rencontrer le Maître qui vient de Dieu. Quels signes me parlent aujourd’hui de la venue de Dieu en Jésus ? ✚ E ntendre les paroles de Jésus : « Qui n’est pas engendré d’en haut, d’eau et d’Esprit, ne peut voir ni entrer dans le Royaume de Dieu ». Comment cette promesse s’accomplit-elle dans ma vie ? ✚ A ccueillir les questions de Nicodème : « Comment un homme peut-il être engendré, étant âgé ? » Le ventre de sa mère, le Souffle de Dieu. Naître de l’Esprit, du Souffle. ✚ « Comment cela peut-il se faire ? » Accueillir l’impossible de Dieu. Entrer dans le temps de la promesse et de la liberté.
(Traduction sœur Jeanne d’Arc) Janvier 2011 15
Chercher et trouver Dieu
© Philippe Noisette / CIRIC
Le temps qui suit l’élection Dans les Exercices spirituels, l’élection est située à la « mi-temps ». Pourquoi le retraitant ne rentre-t-il pas tout de suite chez lui, puisque sa décision est prise ? Qu’a-t-il encore à découvrir ? que vous voulez. On entend aussi une formule de ce genre dans la bouche des animateurs de jeux télévisés, dès que le candidat a choisi la réponse à apporter… pour gagner des sommes fabuleuses. © Corinne Mercier / CIRIC
E
« Et hop, c’est parti ! » Vous venez de faire votre choix sur un site commercial, cette formule désigne le bouton à cliquer qui valide votre choix, et enclenche les opérations à cadence rapide qui vont vous faire obtenir ce
La forme de nos choix et de nos décisions s’inscrit ainsi, aujourd’hui, dans un tempo rapide qui relie le plus vite possible l’effet de la décision au moment où elle est prise. À l’inverse, aussi, il y a des choix et des décisions qui mettent un temps fou à aboutir, à être clairement énoncés par crainte et hésitation sur les effets qui s’en suivront : comme de quitter la maison familiale, de se marier, de régler un conflit important. Dans les Exercices spirituels, la décision s’appelle une élection. Qu’en est-il du temps dans lequel cette décision s’inscrit, et particulièrement du temps qui la suit ? La décision que l’on cherche à prendre en faisant les Exercices spirituels porte sur un choix de vie, ce que nous n’avons pas à faire tous les jours, ni même tous les ans. Il s’agit en quelque sorte de la pointe ultime de nos choix et décisions, ce qui lui donne un caractère exemplaire et utile pour le reste de notre vie ou pour les autres retraites que nous faisons.
16 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
L’élection est comme une alliance, un accord des volontés libres, un échange de paroles données.
Cette décision s’appelle « élection », avec une valence à la fois politique (élire un président) et affective (l’élu de mon cœur) ; la double valence du terme « élection » le rapproche beaucoup de l’expérience de l’alliance dans l’histoire biblique : fondamentalement un accord des volontés libres, un échange de paroles données, dont la tonalité majeure est celle de l’amour qui lie deux partenaires (cf. Deutéronome 26,17-19). C’est la modalité première de l’élection dans les Exercices spirituels (cf. n° 175). Élire un état de vie ne consiste pas d’abord à supputer ce que sera ma vie dans sa forme concrète et sociale, même s’il convient bien sûr de mesurer mes capacités à assumer telle vocation, mais c’est fondamentalement choisir une option qui me fera basculer dans le choix inconditionnel pour
Dieu (à la manière du prophète Élie au Carmel – 1 Rois 18), et/ ou dans l’attachement exclusif et premier à Jésus-Christ, comme celui-ci y appelle tout au long de l’Évangile. « Cette élection ou ce choix étant fait » (ES n° 183), l’exercitant est invité à aller « avec empressement » offrir cette élection à Dieu, pour que celui-ci veuille bien la recevoir et la confirmer. Le temps qui suit l’élection est souvent considéré surtout comme un temps de confirmation. Ce qui pourrait signifier que, tout au long des deux « semaines » auxquelles invitent les Exercices spirituels après l’élection, on attende de recevoir de Dieu des indications qui « confirmeraient » la validité du choix que l’on a fait, comme état de vie. Le jeu des consolations et des désolations
y aidera certainement, dans ce temps qui suit l’élection. Se trouver tranquille avec la décision prise est sûrement une confirmation claire, qui donne force et courage pour les suites de cette décision. Cependant, il nous faut être attentifs au fait que c’est le seul endroit dans le livret des Exercices spirituels où le verbe « confirmer » est employé, et qu’il ne l’est pas dans ce qui est proposé pour la « troisième » et la « quatrième » semaine. S’il y a bien à recevoir « confirmation » dans la suite de l’élection, ce n’est pas sur le mode d’un « être sûr » de ce que l’on a décidé : l’acquisition de la certitude advient avec la réception de l’élection (« sans douter ni pouvoir douter » ES n° 175 ; « suffisamment de lumières et de connaissances » ES n° 176).
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La manière dont les exercices
Janvier 2011 17
Chercher et trouver Dieu
Le babillard
!
proposés dans les deux dernières semaines proposent de trouver confirmation de l’élection tient tout autant à ce que cette décision, qui change ma vie en profondeur, ouvre la porte à vivre concrètement et dans la paix l’attachement au Christ, et particulièrement, à ce que ma vie se laisse conformer à celle du Christ. L’élection qui a été reçue ouvre un nouveau chemin avec le Christ, sur lequel le mystère de sa vie devient peu à peu le mystère de ma vie. Et cela porte sur deux points majeurs : dans la « troisième » semaine, sur la compassion, et dans la « quatrième » semaine, sur la joie. Dans la longue contemplation de la Passion du Christ, à l’instar des « femmes qui se tenaient à distance et qui regardaient » (Luc 23,49), celui qui s’est décidé entre peu à peu
dans une profonde compassion avec le Christ qui souffre « en son humanité » (ES n° 195), dans une compassion juste pour toute humanité souffrante, à la suite du Christ. Dans les contemplations des apparitions du Christ Ressuscité, la grâce à demander est « d’éprouver de l’allégresse et de me réjouir intensément » avec le Ressuscité (ES n° 221). L’alternance, dans le temps qui suit l’élection, de ces deux moments si fortement affectifs que sont la compassion et la joie, « confirme » que notre décision nous a bien conduits à être plus proches encore du Christ que nous voulons aimer, et forme en nous une vraie capacité à le servir dans les enjeux du monde où nous vivons.
Que nous ayons quelque difficulté à nous laisser ainsi former à la compassion et à la joie avec le Christ par les contemplations de sa Passion et de sa Résurrection, cela nous invite à reprendre le chemin de l’élection, pour trouver enfin la porte qui ouvre ce chemin proposé par Dieu. Le temps qui suit l’élection n’est pas sur un tempo rapide, il est un temps long qui construit en nous les conditions d’un exercice concret, christique, de la décision que nous avons prise. Par là, il est une grâce à accueillir, celle d’une tranquille certitude que notre vie est bien engagée, parce qu’elle s’appuie effectivement et affectivement sur un compagnonnage, sur une alliance avec celui qui de toujours à toujours est fidèle.
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Jean-Marie CARRIÈRE sj
Pour continuer en réunion… • « Temps malmené », « temps habité »… qu’est-ce que cela évoque pour moi ?
Dans quelles circonstances, j’ai eu le sentiment de vivre dans un temps malmené ? Cherchez des exemples dans un passé récent. À l’inverse, y a-t-il eu des moments de ma vie où le temps m’a paru habité ?
Quand le temps m’a semblé malmené, d’où cela venait-il ? • De circonstances extérieures imposées par d’autres ? par la société ? De la conséquence de mes choix ? D’une attitude intérieure ?… Quels moyens ont été pris ou sont à prendre pour mieux le vivre ?
le temps m’a paru habité, d’où cela venait-il ? D’un environnement plus favorable ? • QDeuand la qualité des rencontres ? De la décision de m’en tenir à mes priorités ? D’une paix intérieure ?… La prière régulière m’a-t-elle aidé ? Quels autres moyens m’ont permis d’être présent à ce qui était à vivre ?
Le Seigneur vient dans notre temps, souvent de façon inattendue. • Dans ma manière de vivre aujourd’hui, suis-je en état d’accueillir sa venue ? de me laisser bousculer par cet inattendu ?
18 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
z Retrouve la CVX, e d s e nc les anno ropositions p s de ille de la famne, ignatien ions s des recenres v li de D, etc. u o de DV
Centre spirituel Le Cénacle de Lalouvesc VARC : Vacances en Ardèche et Réflexion Chrétienne
• Du 28 février au 6 mars
Vivre les jours Saints avec la communauté
• Entre le 20 et le 25 avril
Espace de retraites accompagnées
• Entre le 26 avril et le 7 mai Renseignements : Sœurs du Cénacle, BP 13 - 07520 Lalouvesc Tél. : 04 75 67 83 01 – cenacle.lalouvesc@wanadoo.fr
Centre spirituel Manrèse Repères pour temps d’épreuve
• Avec Pierre Clermidy sj, Michel et Catherine Mercadier • Du 14 mars à 19h au 16 mars à 17h
Lorsque l’enfant ne paraît pas
• Avec Jean-Claude et Claude Soudée, Olivier de Dinechin sj • Du 11 mars à 20h 30 au 13 mars à 17h 00 Renseignements : Centre Manrèse, 5 rue Fauveau 92140 Clamart Tél. : 01 45 29 98 60 – www.manrese.com – accueil@manrese.com
Centre spirituel du Hautmont Week-end Art et Spiritualité : « l’œil écoute » – voir et entendre
• Avec Jean-Paul Deremble, maître de conférences à l’Université de Lille III et Emmanuel Bellanger, directeur de l’Institut d’arts sacrés de Paris, organiste titulaire de la paroisse SaintHonoré d’Eylau. • Du 14 au 16 janvier
Séparé(e), divorcé(e), je veux vivre !
• Session animée par Patrick Vernier, Dominique Wannehain et Philippe Zeltz. • Du 28 à 19h au 30 janvier 2011 à 17h Renseignements : Centre spirituel du Hautmont, 31 rue Mirabeau BP 10019, 59420 Mouvaux Tél. : 03 20 26 09 61 – www.hautmont.org – contact@hautmont.org
Pour se former…
Centre Sèvres Facultés jésuites de Paris Établissement privé d’enseignement supérieur libre Dieu, le sens, le mal Le mercredi, du 09/03/11 au 13/04/11 de 14h 30 à 16h 30 Henri Laux sj
Les philosophes et la question de l’espérance : Simone Weil, Gabriel Marcel, Emmanuel Levinas
Le mercredi, du 05/01/11 au 09/02/11 de 14h 30 à 16h 30 Camille de Villeneuve
L’agir chrétien : fondements et dimensions Le jeudi, du 03/02/11 au 03/06/11 de 17h 00 à 19h Alain Thomasset sj
Job ou l’énigme de la souffrance Le lundi, du 28/02/11 au 23/05/11 de 19h 30 à 21h 30 Solange Navarro xavière
Introduction à la morale sociale Le mardi, du 01/03/11 au 26/04/11 de 19h 30 à 21h 30 Jean-Luc Védrine pss
Introduction à l’histoire de la philosophie Le mardi, du 01/03/11 au 24/05/11 de 14h 30 à 16h 30 Paul Corset sj
Enseignement social de l’Eglise : Continuités et évolutions dans la pensée sociale de Benoît XVI
Le jeudi, du 03/03/11 au 24/03/11 de 19h 30 à 21h 30 P. Henri Madelin sj
Questions africaines d’aujourd’hui et anthropologie Le mardi, du 22/03/11 au 05/04/11 de 14h 30 à 16h 30 Eboussi Boulaga
Les grandes Cantates de Bach (III) Le mardi, du 29/03/11 au 24/05/11 de 19h 30 à 21h 45 M. Philippe Charru sj
Les exigences philosophiques de la morale teilhardienne Le mardi, du 26/04/11 au 31/05/11 de 19h 30 à 21h 30 Marie-Jeanne Coutagne
À l’épreuve du bien et du mal : le chemin spirituel de Bernanos
Le mercredi, du 27/04/11 au 01/06/11 de 19h 30 à 21h 30 Dominique Cupillard sj
Renseignements et inscriptions : 35 bis, rue de Sèvres, 75006 Paris Tél. 01 44 39 75 00 Fax. 01 45 44 32 06 www.centresevres.com Novembre 2010 19
Se former
Prier avant une action difficile Une pile décourageante de papiers à classer ? Cette réponse difficile à donner à quelqu’un ? Encore une réunion à préparer ?… « Seigneur, aide-moi ! » Je n’aime pas du tout faire toutes ces courses : « Seigneur, aide-moi ! » Je ne vais pas pouvoir échapper à la visite fatigante de cette personne : « Seigneur, aide-moi ! »
A
que la foi en Dieu ne peut pas se situer… dans le réflexe. Foi chrétienne et besoin religieux ne sont pas la même chose. Comment se fait-il d’ailleurs que cette petite phrase ne surgisse pas – ou peu – en nous avant une action vue comme facile ? Étrange…
Ce que masque un réflexe Il serait éclairant de m’interroger : si, avant la difficulté d’une action, ma demande est automatiquement et uniformément ce « Seigneur, aide moi ! », est ce que, sans m’en apercevoir, je ©Fred de Noyelle / Godong
Avant un acte pénible ou fastidieux ou compliqué, nous demandons l’aide de Dieu pour faire le mieux possible ce qui nous coûte, mais à quoi nous ne voulons pas nous dérober. Et nous avons raison ! Cette forme de réflexe est naturelle, légitime. Nous sentons bien cependant
ne reste pas enfermé dans une vision faussée de la réalité, la mienne comme celle du Dieu de Jésus-Christ ? Je regarde peutêtre inconsciemment les choses ainsi : mon action est mon entreprise. L’entourage répète que je suis responsable, et je le suis ! Mais très vite en moi se glisse une confusion : le terme « responsable », je l’assimile à « propriétaire ». Mon action, c’est… mon terrain, ma chose. J’appelle Dieu en renfort lorsque j’ai peur de mal me débrouiller. Quand les choses me paraissent aisées, eh bien, je le laisse là où il est. Le propriétaire, le maître appelle Dieu en… associé éventuel. Sans m’en rendre compte, celui que je continue d’appeler « Seigneur » (!) je le considère à mon usage : il va suppléer à ce qui me manque pour que « mon » œuvre aboutisse. Un dieu vu comme utile – et souvent efficace – à la réalisation de ce que j’ai à accomplir. Un Dieu « utilisé » pour ma réussite. Qui est au centre de mon action ? Moi. Dieu, je l’introduis dans ma sphère quand je le juge nécessaire. C’est un Dieu au bout de mon besoin. Pas le Dieu qu’a révélé le Christ ! Vraiment pas…
Un ordre travesti Obéir tout le temps à ce fonctionnement humain qui spontanément centre sur soi-même, c’est en fait défigurer ce Dieu chrétien en lequel je dis croire et, par le fait même, me défigurer. Malgré mes humbles et sincères protestations, je mets Dieu… à mon 20 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
service. Et c’est pourquoi je reste seul et démuni en face du résultat de mon action : en cas d’échec, comment échapper au découragement ? En cas de réussite, elle n’est pas loin, l’autre pente de mort qui a nom autosuffisance. Rien d’étonnant : cet « usage » que j’ai fait de Dieu m’a gardé d’un bout à l’autre de mon action centré sur moi-même. Et je recommence peut-être avec l’acte suivant. C’est très usant… Tant que cette pente naturelle n’est pas démasquée, elle peut devenir une tentation : à l’intérieur même de la sincérité de ma prière s’est insinuée la tentation de suffisance. C’est la tentation originelle.
Comment puis-je t’aider ? Je change simplement de formule ? C’est tout autre. C’est de l’ordre de la conversion intérieure. Il me faut, pour parler ainsi, quitter le seul instinct religieux pour entrer aventureusement dans une foi dont je ne peux pas me dire l’auteur. Une fois proposée sans cesse par un Dieu « toujours offert. »1 Car il y a un maître d’œuvre ! Le Dieu des chrétiens est Dieu actif de jour en jour, de siècle en siècle. « Mon père travaille continuellement » disait Jésus.2 Dire à Dieu, avant une action que je redoute : » Comment puis-je t’aider ? » C’est accueillir, audelà de ma subjectivité étroite, la beauté cachée de ce qui est : une affection inouïe est passionnément en œuvre divine dans le cœur des humains, pour faire advenir un peu plus d’espoir, de
justice, de vérité et de liberté sur cette terre. Un silencieux levain fait patiemment bouger la pâte humaine, l’arrachant sans relâche à sa tentation de désespoir ou de suffisance. Et cette action est vouée à la réussite ! « Soyez pleins d’assurance : le monde, je l’ai vaincu. »3 Là où je vis, respire le puissant et universel travail de Dieu. Nous naissons tous immergés dans une action divine féconde, qui paisiblement précède nos actes.
Allez à ma vigne Un maître d’œuvre nous envoie, un vigneron profondément sûr de la vendange. Il a besoin de nos talents, de notre amour. Il rêve d’une alliance d’agir. Chaque fois que j’ai à entreprendre quelque chose, je suis appelé à me situer à ma juste place, au lieu d’intervertir les rôles. Alors, quels que soient l’attrait ou la difficulté de mon action, je peux entendre une invitation forte : consentir à une communion de mon agir et celui de Dieu. C’est extraordinaire… Alors, je reçois le beau nom d’ouvrier du travail de Dieu. Avec… le droit de ne pas tout maîtriser, et même d’être parfois maladroit ! Alors toutes mes capacités peuvent joyeusement se mobiliser et se développer encore. Alors, dans la modestie de ma « juste place », naît en moi une étonnante sérénité, celle d’entendre : « Serviteur ami, entre dans la joie de ton Maître. »4
1 Psaume 45
2 Jean 5,17
3 Jean 16,33
4 Matthieu 25,21 Marie-Claire Berthelin est sœur de la Retraite. A publié aux Éditions Vie Chrétienne : La décision de vivre ; Guetteurs d’humanité, guetteurs de Dieu ; Prier dans l’instant.
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Marie Claire BERTHELIN
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Se former
Notre accompagnateur parle peu (2 partie) e
Dans nos rencontres, l’accompagnateur est assez silencieux. S’il ne dit rien de sa propre vie pendant nos réunions, qu’a-t-il donc à nous dire ?
Une parole essentielle Il n’intervient pas comme accompagnateur individuel de chaque membre mais comme accompagnateur d’une communauté. Il n’écoute pas uniquement le contenu de ce qui est partagé par chacun, mais comment la communauté le reçoit et ce que cela produit. Nous devenons communauté progressivement par l’expérience du discernement spirituel personnel et l’attention au discernement des autres ; par l’envoi mutuel, le soutien dans la mission et son évaluation. L’accompagnateur met des mots sur ce que nous vivons ensemble, ce qui est en jeu, et nous aide en suggérant des moyens concrets pour progresser. L’accompagnateur intervient surtout à deux moments privilégiés : la fin de l’évaluation, 22 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
et lors de la préparation de la rencontre suivante. Il nous fait alors prendre conscience de ce que vit la communauté.
Une parole relecture Il peut ainsi valoriser des étapes vécues ; par exemple, un progrès dans la confiance ou dans la disponibilité intérieure quand les membres partagent entre eux des points de discernement. Il peut aider à tirer profit de l’expérience en soulignant une résonance avec la Parole de Dieu, en invitant à aller plus loin, en suggérant une attention particulière à vivre d’ici la réunion suivante… Il peut souligner les enjeux sous-jacents de ce qui a été vécu. À travers notre manière d’utiliser tel ou tel moyen de la vie spirituelle, sous des aspects d’apparence mineure, se cachent parfois des résistances à laisser le Seigneur nous toucher, ou un désir profond qui invite à avancer plus au large. Par exemple le soin que nous prenons pour prier en début de rencontre : sans demande de grâce ? expédiée ? occupant la moitié de la rencontre ?...
Une parole pédagogue En fin de rencontre, il se peut que l’accompagnateur soit comme nous : fatigué ! C’est d’autant plus important de l’écouter à l’occasion des préparations de réunion. Il peut nous suggérer un pas de plus pour avancer dans la disponibilité au Seigneur : un angle de relecture de nos vies sur un point qui semble évité ou qui revient de manière sous-jacente, une formulation des questions pour aider chacun à entrer vraiment dans la relecture, une suggestion pour renouveler nos manières de faire,… Dans les débuts, l’accompagnateur peut apporter quelques points d’éclairage sur la foi, l’expérience spirituelle ignatienne, le projet de vie de la Communauté de Vie Chrétienne… Il peut aussi être amené à rappeler les moyens de la vie communautaire : les différents temps de la rencontre, l’absence de conseils, l’écoute disponible au déplacement… Puisqu’il est témoin de notre chemin, laissons Dieu prendre soin de nous à travers les mots de notre accompagnateur, et même, osons les lui demander !
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Nadine CROIZIER
© Pascal Deloche / Godong
C
1 Petite brochure élaborée par la CVX pour aider les accompagnateurs dans leur tâche.
Comme le dit avec humour le « guide de l’accompagnateur1 » : « l’accompagnateur parle peu, mais, si possible, à propos » ! Habitués à ce qu’il ne partage pas au cours de nos rencontres de communautés locales, sommes-nous suffisamment attentifs à ce qu’il nous dit ?
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Se former
Dans notre numéro de novembre, Jean-Marie Carrière, jésuite, directeur du Service jésuite des réfugiés (JRS), nous présentait le réseau Welcome. Marie-Bernadette est famille d’accueil pour ce réseau.
I
1 Document qui définit la visée et le mode de fonctionnement de la Communauté de Vie Chrétienne.
Il est là accroupi dans la cuisine en train de préparer ses pommes de terre, par terre, comme chez lui, au fin fond de la campagne afghane. « Soir madame ! passé bonne journée ? » Son accueil et son sourire me réchauffent le cœur et ce soir, ce n’est pas du luxe : la journée était « pourrie » comme cela nous arrive à tous de temps en temps. Alors cet accueil me ragaillardit et j’apprécie l’humour du ciel qui m’envoie un clin d’œil du sol de ma cuisine.
(Jesuits Refugees Service ; en français : Service jésuite des réfugiés) c'est-à-dire que j’accepte de recevoir chez moi pour une durée convenue qui n’excède pas six semaines, des demandeurs d’asile. De fait j’avais une chambre libre dans l’appartement. Mes enfants ayant quitté la maison, la chambre servait aux amis et famille de passage et à mes petits enfants. Elle était, malgré tout, souvent disponible.
Deux heures plus tard, c’est lui qui m’invitera à déguster son plat, tellement fier et heureux de pouvoir offrir à son tour et, comme il me l’expliquera, tellement heureux ce soir de ne pas aller faire la queue dans le froid, se battre pour garder sa place dans la file, tout cela pour seulement obtenir son repas du soir.
Je connaissais le JRS, je connaissais bien les problèmes de logement à Paris pour les étrangers, demandeurs d’asile ou autres. Je voyais, comme tout un chacun, de plus en plus de monde errant dans les rues et dans le métro, mais que faire ? Je n’étais pas chargée de résoudre les problèmes sociaux du monde, chacun son job, ce n’était pas le mien !
Depuis un an, je fais partie du réseau Welcome de JRS France
Sauf que, j’étais sur le chemin de l’engagement dans la CVX et
24 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
l’Évangile commençait à m’attaquer sérieusement autrement que par l’intellect ; les Principes généraux1 de la CVX aussi me travaillaient au corps. Et tout d’un coup le fait d’être baptisée devenait autre chose qu’une convention sociale due à mon origine.
Depuis, ce sont de jeunes Afghans qui viennent séjourner chez moi, je découvre petit à petit, au cours de nos échanges, la réalité de ce pays, l’horreur de la guerre et de l’exil forcé, le parcours cruel et dur de la demande d’asile. Je partage l’angoisse de l’attente d’une réponse administrative qui décidera de votre vie. Je vois l’humiliation de devoir tendre la main
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Mais je découvre aussi la joie de recevoir, de se dire qu’au moins pour quelque temps l’autre n’aura ni faim, ni froid. Je découvre la grâce du sourire qu’ils ont large et généreux et qui m’accueille chaque soir. Je découvre petit à petit une autre culture, la réalité d’un autre pays. J ‘admire chez la plupart, le sens de l’honneur et de l’honnêteté. J’admire leur courage et leur espérance audelà de toute espérance, leur foi en la vie.
Le réseau Welcome
Que de cadeaux à partager, que de leçons qui ne s’apprennent pas dans les livres. Tout vient à moi et je suis invitée à dégus-
Il était temps de passer à l’acte et de mettre en œuvre cette invitation de plus en plus pressante de vivre concrètement l’accueil de l’autre chez moi, dans ma maison. Me revenaient souvent ces paroles : « J’étais étranger et vous m’avez recueilli », « Il me faut aujourd’hui demeurer chez toi », « Qu’as-tu fait de ton frère ? » ; et le paragraphe 4 des Principes généraux : « besoin urgent de travailler pour la justice », « option préférentielle pour les pauvres. » Jusqu’à présent je m’en sortais en disant que dans mon travail de journaliste, je faisais le maximum pour donner la parole aux
ter ce fruit de la rencontre, fruit mûr au bon goût et qui, en plus, pousse chez moi, dans ma maison ! Voilà bien de quoi rendre grâce, n’est ce pas ? Marie-Bernadette NOËL
pour pouvoir se nourrir, se vêtir, se réchauffer, se soigner. Quels combats ! tout est combat !
© P. Razzo / CIRIC
Ouvrir sa maison à un réfugié
plus pauvres et pour dénoncer les situations d’injustice. Mais retraitée, plus d’abri ! Il me fallait agir en direct et le fruit était mûr, c’était le moment de le goûter. Je me suis donc lancée dans cette aventure non sans avoir consulté mes enfants qui ont accueilli cette proposition en m’encourageant.
C’est un projet de JRS France qui a commencé en octobre 2009. Welcome constitue un réseau d’une vingtaine de familles et de communautés qui accueillent pour un temps fixé de part et d’autre, (une à six semaines) un demandeur d’asile ou un réfugié. Cette personne est encadrée par un tuteur de JRS. Le but est de permettre à une personne en quête de statut de sortir de la rue et de refaire des forces physiques et morales en attendant la décision qui fixera son sort. Des partenaires sociaux comme le Secours Catholique font appel à Welcome. Pour en savoir plus, allez sur le site de JRS France www.jrsfrance.org Et si l’expérience vous tente, prenez contact avec : Welcome JRS France 14 rue d’Assas 75006 Paris Tél. : 06 81 05 92 22 welcome.jrsfrance@gmail.com
Des migrants afghans installés au bord du canal Saint-Martin à Paris.
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Le livre d’Isaïe
©Sylvie Duverneuil / CIRIC
Se former
(2 partie) e
Nous continuons notre lecture d’Isaïe en regardant plus spécifiquement les chapitres 40 à 55. C’est le temps de l’Exil à Babylone.
2 Cf. Anne-Marie Pelletier, Le livre d’Isaïe ou l’histoire au prisme de la prophétie, Cerf, Paris 2008, p. 20.
Au cœur de ce vaste ensemble mis sous le nom du prophète Isaïe1 se trouvent les chapitres 40 à 55, texte anonyme et foisonnant, d’où « s’élève une parole à la fois superbe et éminemment théologique, que n’épuise certainement pas l’interprétation qui le limite à une fonction politico-religieuse, par ailleurs plausible, au service du pouvoir perse. »2 Une lecture suivie de ces chapitres ne laisse personne indifférent. Le lecteur a vite fait de se sentir comme contemporain de ces gens désemparés et, s’il le veut, d’expérimenter lui aussi le réconfort que donne la parole du prophète. Les mots pourront devenir pour lui et ceux qui croisent son chemin aujourd’hui une vraie « bonne nouvelle », vraiment bonne et inouïe. Les lignes qui suivent veulent seulement indiquer quelques pistes pour lire, méditer et prier avec ces chapitres. Au VIe siècle avant Jésus-Christ, la captivité de Babylone aura été l'une des plus grandes crises du peuple de Dieu. Elle le fit perdre tout ce qui, jusque-là, avait été le soutien de sa foi :
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• La terre, dont la possession exprimait la fidélité de Dieu à ses promesses.
Goûter les « chants du Serviteur de Dieu »
• Le Temple, où Dieu demeurait au milieu de son peuple.
Relire en les goûtant ces « chants du Serviteur de Dieu » qui dépeignent un parfait disciple qui prêche la vraie foi, souffre pour expier les fautes de son peuple et est glorifié par Dieu. L’Église chrétienne y a reconnu l’annonce mystérieuse de la vie et de la mort rédemptrice de Jésus, le vrai Serviteur de Dieu.
• Les rois qui, au nom de Dieu, guidaient le peuple.
Une épreuve pour la foi La captivité, c’est l'obscurité, l'expérience du néant, le chaos… tout s’effondre. Dieu semble avoir perdu le contrôle du
Une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle nourrit ?
monde et rejeté son peuple pour toujours. L'ancienne manière de parler et d’interpréter les événements ne marche plus. Le nouveau maître est l'empire de Babylone. La rupture avec le passé paraît totale.
©Pascal Bachelet / CIRIC
A
1 Cf. article précédent.
En exil.
Les prophètes de cette période ont pour mission de montrer au peuple qu’à travers l’épreuve, c’est à de nouvelles découvertes, des découvertes plus intérieures, ainsi qu’une nouvelle mission, qu’il est invité. Le peuple va découvrir, redécouvrir en effet s’il le veut, une présence inconnue, inattendue, cachée et aimante de leur Dieu. « Car Sion disait : "Yahvé m'a abandonnée, le Seigneur m'a oubliée" Une femme oubliet-elle l'enfant qu'elle nourrit, Cesse-t-elle de chérir le fils de ses entrailles ? Même s'il s'en trouvait une pour l'oublier moi, je ne t'oublierai jamais » (Isaïe 49,14-15).
L’expérience du prophète Aucun prophète ne peut annoncer ce qu’il n’expérimente pas lui-même. Aucun prophète ne peut « consoler » ses frères au nom de Dieu que si lui-même s’est laissé consoler par Dieu. Le recueil s’ouvre, chapitre 40 par un poème initial qui résume la mission de ce prophète : « "Consolez, consolez mon peuple", dit votre Dieu… » (Isaïe 40,1). Le prophète est un collectif anonyme3, disciples d’Isaïe bien sûr, faisant partie de ce « reste » de fidèles dont parlait déjà le premier prophète, « reste » qui est « œuvre du Seigneur » (cf. Isaïe 4,4), croyants qui ne s’appuient que sur Dieu seul (Isaïe 10, 20). Ils marchent avec ces pauvres, les « anawim » du Seigneur (Isaïe 49, 13), ses rachetés (Isaïe 51, 11), ses fils (Isaïe
54, 13), ses serviteurs (Isaïe 44, 1 ; 54, 17), ceux qui espèrent en lui (Isaïe 40, 31), ceux qui ont la Loi dans leur cœur (Isaïe 51, 7), la vraie « race » d’Israël-Jacob (Isaïe 44, 3). On ne peut entendre correctement la « consolation » annoncée au peuple en ce prologue sans se rappeler que, ailleurs dans la Bible, et déjà dans le Premier Isaïe, la consolation est précisément ce que refuse et repousse l’homme qui souffre. « N’essayez pas de me consoler de la ruine de la fille de mon peuple » (Isaïe 22, 4). La consolation que le prophète annonce, c’est une consolation inattendue, sans cause, et c’est que « Dieu vient », et il vient avec puissance. Dieu en personne prend désormais les choses en main, par sa parole agissante et sa promesse de retour et de vie. Au lieu de les amener à perdre la foi, la situation est pour ces disciples-prophètes de l’école isaïenne une occasion de purification et de renaissance. Ils découvrent ainsi un Dieu « différent » et réussissent à transformer cette découverte en bonne nouvelle pour les pauvres. Ils créent alors un nouveau langage pour parler de Dieu : ainsi Dieu, disent-ils, est père, mère, parrain ou protecteur, rédempteur, libérateur. Il est l'Époux. Il est le Créateur du monde, le premier et le dernier. Il ne veut pas le chaos. Il est plus fort que le pouvoir oppresseur qui écrase le peuple.
3 cf. Anne-Marie Pelletier, op.cit. p. 98.
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Se former
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Ce qu’il faut oublier et ce dont on doit se souvenir
La nouvelle expérience de Dieu, née du néant, du fond de l’abîme, donne à ces disciples prophètes des yeux neufs pour comprendre que ce que Dieu a fait et enseigné dans le passé, il le fera encore, mais autrement. Celui qui avait révélé à Moïse son Nom « Je suis », celui qui avait « vu la misère de son peuple » et avait décidé d’agir, celui-là ne pouvait pas se retirer de l’histoire.
Marie-Amélie le Bourgeois est sœur de Sainte Ursule de Tours, docteur en théologie, formatrice, animatrice et accompagnatrice. Elle collabore à la revue Christus. Dernier livre publié : Saisis par Dieu, petit guide spirituel, Coll. Christus, Bayard 2005
Entre la mention de l’exode d’autrefois où « le Seigneur fit une route à travers la mer » et celle d’un nouvel exode encore plus grandiose et magnifique, Dieu invite son peuple à ne pas ressasser le passé, pas même le beau et bon passé, pour être totalement ouvert à la nouveauté inouïe qui éclatera quand les exilés traverseront le désert du retour. Une nouveauté qui s’étend à toute la création : « Ne vous souvenez plus d’autrefois, ne
songez plus aux choses passées. Voici que je vais faire du nouveau, qui germe déjà, ne le reconnaissez-vous pas ? Oui, je vais tracer une route dans le désert, des sentiers dans la solitude. Les bêtes sauvages me rendront gloire, les chacals et les autruches, parce que je donnerai de l’eau dans le désert (des fleuves dans la solitude) pour étancher la soif de mon peuple élu. Le peuple que je me suis formé redira mes louanges » (Isaïe 43, 18-21). « Mais souviens-toi de cela : "Jacob, ce n’est pas toi qui m’as appelé, et tu ne t’es guère fatigué pour moi, Israël !" […] C’est moi, c’est moi qui devais tout effacer et de tes péchés ne plus me souvenir. "Souvienstoi…" » (Isaïe 43, 22 et 25).
Élargis l’espace de ta tente Le prophète n’en reste pas là. Le peuple de ceux qui reviendront de l’Exil reçoit une mission : celle de l’engendrement. Car Dieu, celui qui a enlevé la honte de toutes les femmes stériles de la Bible, celui-là invite Jérusalem,
celle qui se croyait abandonnée, à accueillir la vie nouvelle qu’il lui offre merveilleusement : « Crie de joie, stérile qui n’enfantais pas ; éclate en cris de joie et d’allégresse, toi qui n’as pas eu les douleurs ! Car plus nombreux sont les fils de l’abandonnée que les fils de l’épouse, dit le Seigneur. Élargis l’espace de ta tente, Déploie tes tentures sans contrainte, Allonge tes cordages, renforce tes pieux ! Car tu vas éclater à droite et à gauche. Ta race possédera des nations Et les tiens peupleront des villes abandonnées. » (Isaïe 54,1-3) C’est dans ce contexte de pauvreté et d’épreuve fertiles que surgit la mystérieuse figure du serviteur souffrant. Pauvre parmi les pauvres, méprisé, broyé par la souffrance, défiguré avant d’être exalté, il apparaît comme le nouveau médiateur du salut pour une « multitude ». À ce moment de l’histoire, est pressenti et annoncé ce qui sera le sommet et l’achèvement de la révélation en Jésus-Christ.
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Marie-Amélie LE BOURGEOIS
Les suppléments Vie chrétienne Les « suppléments » Vie chrétienne n’ont pas pris une ride. Certains ont même pris un petit coup de jeune. Extrait du catalogue. Ignace de Loyola par lui-même Le Récit du pèlerin illustré par Charles Henin n° 350 – 128 pages – 14 € Le récit illustré de la vie d’Ignace de Loyola. Saint Ignace n’a pas cherché à « raconter » sa vie de manière exhaustive, mais à mettre en lumière la façon dont il est passé d’une vie tout entière tournée vers sa propre gloire à une vie au service de la « plus grande gloire de Dieu. »
Qui es-tu Ignace de Loyola ? Jean-Claude Dhôtel n° 155 – 100 pages – 12 € En conjuguant le récit de la vie de saint Ignace et le texte des Exercices spirituels, Jean-Claude Dhôtel met en lumière ce que l’itinéraire ignatien a de force et d’actualité dans une époque aussi secouée d’incertitudes et d’immenses espérances qu’a pu l’être le 16e siècle.
La spiritualité ignatienne Jean-Claude Dhôtel n° 347 – 100 pages – 12 € En partant des écrits de saint Ignace, l’auteur trace les lignes de force de la spiritualité ignatienne : une spiritualité résolument moderne 28 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
qui rassemble encore aujourd’hui des hommes et des femmes désireux de « chercher et trouver la volonté de Dieu dans la disposition de leur vie ».
Vers le bonheur durable Adrien Demoustier n° 366 – 88 pages – 10 € Adrien Demoustier commente les quatre premières règles du discernement des esprits propres à la première semaine des Exercices spirituels. Pour tous ceux qui cherchent à découvrir la volonté de Dieu tout en assumant leur propre humanité.
Mener sa vie selon l’Esprit Jean Gouvernaire n° 204 – 92 pages – 12 € Pour voir clair en nous-mêmes, il s’agit de s’exercer au discernement des mouvements spirituels pour accueillir avec confiance et intelligence l’action de Dieu qui vient séparer en nous la lumière des ténèbres.
Libre pour se décider Jacques Fédry n° 523 – 128 pages – 12 € De façon pédagogique, Jacques Fédry retrace l'itinéraire d'Ignace : un
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enchaînement de décisions prises à l'écoute de Dieu. De là, l'auteur dégage douze points de repère pour une libre décision. Ces repères condensent l'essentiel de la dynamique des Exercices et de la tradition ignatienne.
Discerner Monique Lorrain n° 480 – 60 pages – 10 € Certains jours, nous avons le goût de vivre, de travailler, d’aller rencontrer les autres. À d’autres moments au contraire, nous nous sentons lourds, tristes et inquiets. Que nous disent ces mouvements qui nous habitent ? Comment distinguer la marque de l’Esprit ?
Relire sa vie pour y lire Dieu Collectif n° 354 – 74 pages – 10 € Il n’y a pas de progrès spirituel en dehors de la durée assumée, du passé relu et unifié. C’est tout cet effort de lucidité spirituelle qui est évoqué dans ces pages pour y découvrir un chemin vers Dieu : prière d’alliance, relecture, accompagnement spirituel, etc.
Discerner ensemble Jean-Claude Dhôtel
Le corps mal-entendu
Au fil des jours blessés
n° 309 – 84 pages – 12 €
Marie-Hélène Boucand
Pierre-Marie Hoog
n° 502 – 100 pages – 12 €
n° 540 – 144 pages – 14 €
En s’appuyant sur la démarche des Exercices spirituels et sur la délibération de saint Ignace de Loyola et de ses premiers compagnons Jean-Claude Dhôtel analyse les conditions et vérifications nécessaires à un discernement communautaire.
Prier dans l’instant
De quelle expérience s’agit-il ? Du corps qu’on entend mal parce qu’il ne parle pas le même langage que nous ? Du corps qui a tellement mal qu’on préfère ne pas l’entendre ? De la difficulté qu’il y a entre malade et soignant à tisser une relation confiante ? Un médecin atteint d’une maladie rare témoigne.
Jésuite frappé à 55 ans par une paralysie, Pierre-Marie Hoog plonge dans l’univers des malades pendant dix mois, sans savoir ce qui va se passer… Quand il n’a pas trop mal, il écrit des notes.
Martin Pochon
La traversée de l’impossible. Le couple dans la durée.
n° 552 – 140 pages – 14 €
Xavier Lacroix
Marie Claire Berthelin n° 553 – 80 pages – 10 € Des endroits s’appellent lieux de prière. Des moments s’appellent temps de prière. Et si n’importe quel lieu ou temps pouvait nous permettre de libérer en nous la prière ? Une prière dans l’instant, là où nous sommes.
La décision de vivre Marie Claire Berthelin n° 464 – 52 pages – 10 € Dans cet ouvrage qui s’adresse à un large public, Marie Claire Berthelin propose un parcours confrontant notre manière d’exister et la manière d’exister de Jésus. Une invitation à nous mettre en route et à choisir la vie par une décision qui s’origine dans l’amour.
L’offrande de Dieu
Tout comme la souffrance de Job, la mort de Jésus sur la Croix est un scandale pour notre intelligence et notre cœur, même si la Résurrection vient la transfigurer. L’auteur nous invite à lire l’Évangile de façon à voir que Dieu nous offre inconditionnellement sa vie, sans marchandage.
n° 458 – 50 pages – 10 € Xavier Lacroix montre comment un lien conjugal durable et heureux est envisageable. Un lien « où s'entrecroisent comme en torsade un vouloir, un art, et un don. » Il va plus loin en soulignant que « cette torsade suppose l’ouverture du couple à une vie plus grande, celle d’un Tiers. »
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Appelés ? Quand le désir de Dieu rejoint le désir de l’homme
Didier Rimaud
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n° 445 – 92 pages – 12 € Appelés ? Nous le sommes tous. Tant d’appels nous sollicitent et Dieu est parfois perçu comme un intrus. Pourtant, loin d’aliéner sa liberté, le désir de Dieu entre avec un infini respect dans le désir humain, épousant de l’intérieur sa quête de vérité. 30 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
Jour après jour, Psaumes au rythme des Exercices
La liturgie, sans s’adapter au déroulement des Exercices spirituels de saint Ignace peut, dans plusieurs de ses parties, en être marquée. C’est dans cet esprit que sont presentés et commentés 32 psaumes pour être utilisés, jour après jour, au rythme des Exercices.
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Congrès de Nevers, d’autres fruits Un congrès dure 4 jours. Mais l’après n’est jamais fini. Des graines sont semées. Qui sait quand elles donneront du fruit ?
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l'avais « oubliée » voire « reniée » depuis des années, c'est parce que la personne qui me l'a demandé est quelqu'un pour qui j'ai beaucoup de respect et de tendresse. Le vendredi soir venu, moi qui n'avais pas l'habitude de recevoir chez moi des gens que je ne connaissais pas, j'étais impatiente, sans me l’expliquer, de recevoir mes invités Michèle et Bernard. Après avoir parlé du quotidien de chacun, l'heure tardive invitait
à aller dormir. Le samedi matin nous avons pris notre petit-déjeuner ensemble, ce fut pour moi un premier moment de partage (ce que je n'avais pas connu depuis bien longtemps) puis ils partirent pour la journée au hall des expositions. À leur retour, tard le samedi soir, nous n'avons que peu discuté parce qu'ils étaient fatigués par cette longue journée. Le dimanche matin, Michèle et Bernard me proposèrent de les Droits réservés
Il y a encore huit mois environ, jamais je n'aurais cru ce qui m'est arrivé le jour de la Pentecôte à Nevers. Tout commença le jour où quelqu'un me demanda si je voulais bien héberger un couple de chrétiens venant assister au rassemblement CVX de 3 000 personnes. Celles-ci souhaitaient être reçues chez des particuliers pour que ce moment soit plus convivial. Si j'ai accepté cette proposition, bien que pour moi, la foi, je
L’eucharistie du dimanche.
32 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
Congressistes dans les rues de Nevers.
retrouver au lieu du congrès vers 16 h 00. Or je faisais partie d'une chorale, et ce jour de Pentecôte, nous avions un concert important à 200 choristes à la Maison de la Culture. J’avais donc prévu de ne les retrouver que le soir pour la soirée festive. Mais une pharyngite faisait que le dimanche je n'avais toujours pas retrouvé ma voix. Aussi j’ai rejoint mes invités, pour passer un peu plus de temps avec eux. Et à 16 h 30, l'eucharistie commença, avec l’évêque de Nevers, Mgr Deniau accompagné de plusieurs prêtres et diacres, c'était plutôt impressionnant. Tout le monde, debout, (et 3 000 personnes, cela fait beaucoup de monde… !) se mit à prier et je me suis surprise à faire comme eux (un restant de catéchisme peut être). Sans m'en rendre compte j'y prenais du plaisir, mais quand nous sommes tous pris les mains et avons chanté tous ensemble, il y a eu pour moi un déclic. Ce fut un moment magique et mes émotions longtemps refoulées ont soudainement refait surface.
À la fin de cette eucharistie qui restera à jamais gravée dans ma mémoire et dans mon cœur, j'ai ressenti le besoin de sortir et je sentais des larmes de joies couler le long de mes joues. Je ne savais plus où j'étais, j'avais l'impression d'être sur une autre planète, jamais je n'avais ressenti autant d'Amour autour de moi. La soirée terminée après un repas pris en commun et la soirée festive, je ne voulais pas rentrer tout de suite chez moi, j'avais besoin d'autre chose. Sachant que mes invités rentreraient après moi, je suis allée me balader au bord de la Loire. C'était magnifique car ce soir-là la pleine lune se reflétait sur l'eau. C'est le cœur léger que je suis rentrée chez moi et je savais que plus rien ne serait comme avant, dans ma vie de tous les jours. Je racontai ce qui m’était arrivé à mon « ange gardien » Pascale, qui m’avait fait la proposition d'hébergement, et qui avait elle aussi hébergé des personnes et
participé au rassemblement. Elle me proposa des livres sur la religion chrétienne que j'ai dévorés en quelques jours. Cela m'a donné envie d'aller plus loin dans la recherche de ma foi, j'ai donc aussi acheté une bible que je lis régulièrement. Puis comme la lecture ne me suffisait plus, et que je voulais en savoir plus, je me suis inscrite à un parcours Alpha, avec un petit groupe de personnes qui, comme moi, ont ce besoin et se posent des questions. Deux animatrices et un animateur sont là pour nous aider. Lorsque la soirée se termine, après le repas et le débat, nous repartons avec des réponses concrètes et en plus nous passons d'agréables moments. Martine et Valérie, nos animatrices, sont attentives à ce qui se dit lors de ces soirées mais aussi très à l'écoute de ce que chacun vit. Lorsque l'un d'entre nous ne va pas bien, elles savent nous réconforter avec les mots qu'il faut. Mon parcours spirituel ne s'arrête pas là puisque maintenant je vais régulièrement à la messe. Non par obligation, mais parce que cela est devenu pour moi un véritable besoin. Lorsque je rentre dans une église, j'y trouve une paix intérieure que je ne connaissais pas avant et c'est le seul endroit ou je trouve ce sentiment. De plus je suis maintenant membre de la chorale de ma paroisse. Ma vie a changé depuis ce 23 mai 2010. Longtemps je me suis cherchée et maintenant j'ai trouvé ce qui me manquait : une vie spirituelle.
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CORINE
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Ensemble faire Communauté
L’ESF (Équipe Service Formation) à pour rôle d’identifier les besoins en formation des membres de la CVX et d’y répondre au mieux.
L
Les trois exemples qui suivent invitent à voir concrètement comment l'équipe formation se saisit des besoins de formation ressentis et exprimés par les membres de la communauté, pour bâtir les propositions. Et ceci en fidélité aux Principes généraux de la communauté et aux orientations exprimées lors des assemblées mondiales de la CVX. Ainsi la formation d'accompagnateurs laïcs, la proposition des Exercices spirituels à des publics variés, l’intérêt porté à la famille…
Comment un laïc devient accompagnateur de retraite ? William est membre de CVX depuis plusieurs années, se sent bien dans la spiritualité ignatienne et a fait plusieurs fois des retraites selon les Exercices. Souvent on lui confie l’animation de la prière et certains le verraient bien accompagner. Il aurait du goût pour cela mais il aimerait se former. Michel Le Poulichet, animateur du pôle Exercices spirituels de l'ESF, présente ainsi la démarche qui se met en place depuis quelques années, d’abord sous l'im-
pulsion de Bernard Mendiboure, jésuite détaché pour cela à la CVX par la Compagnie de Jésus, relayé maintenant par une religieuse Auxiliatrice, Jeanne Thouvard : « On commence par discerner. Les mots clés ici sont : présence d'un charisme, croisement de regards, expression du désir.
de leurs expériences, dans le plus grand respect de la confidentialité par rapport à ceux qu'ils ont accompagnés. »
Comment vivre une retraite quand on est parents de jeunes enfants ?
Puis vient la formation, avec d’abord la mise en relation avec un référent, jésuite, religieuse ignatienne ou laïc formé, capable d'aider à relire et à conseiller pour la suite. Puis des propositions mêlant, selon le point où en est la personne, des sessions de formation et des expériences d’accompagnement, supervisées par des accompagnateurs expérimentés. Le référent va aussi aider à confirmer la personne dans ce charisme, ou au contraire l'aider à réaliser que, peutêtre, sa vocation est ailleurs.
Voici maintenant Xavier et Yvana. Mariés depuis plusieurs années, ils ont trois enfants, dont un de six mois. Ils veulent bien confier leurs enfants pour des week-ends, mais l'été, ils n'envisagent pas de passer tout un temps de leurs vacances sans eux. Alors depuis qu'ils sont mariés, ils n'ont jamais fait de retraite.
Ces accompagnateurs, comme tout membre de CVX envoyé en mission, ont aussi besoin d'être soutenus : c'est le point où en est le pôle Exercices, qui réfléchit aux moyens d'offrir à ces accompagnateurs, membres de CVX au service de leurs frères, la possibilité de grandir à travers le partage
En 2010 cette retraite a eu lieu à Penboc'h. La proposition alterne retraite en silence de 9h à 17h, avec deux ou trois oraisons par jour et un accompagnement personnel, et détente en famille de 17h à 21h. Cette alternance confère un rythme qui s'apparente à une retraite dans la vie,
Pour répondre à ce besoin, l’équipe formation, ces dernières années, a expérimenté six jours de retraite pour les familles avec enfants : « Premiers pas en communauté à la suite du Christ ».
Les enfants bénéficient eux aussi d’un parcours spirituel adapté à leur âge ; et peu à peu s’installe un climat qui englobe toute la retraite, y compris les temps en famille, ponctués de jeux, baignades ou promenades… Dans le même esprit, d’autres propositions voient le jour. Xavier et Yvana ont maintenant le choix : cette retraite de six jours à Penboc'h, au mois de juillet, ou bien une retraite plus courte, de trois jours, au Hautmont à la Toussaint, ou encore un camp-retraite proposé conjointement par le MEJ et CVX, avec un mode de vie plus simple et une participation au service.
Comment bien vivre la fin d'une mission ?
avec une douzaine de compagnons. Elle a été heureuse parce qu’elle a pu revenir sur des moments de tension ou des conflits passés ou, au contraire, sur des moments de lumière ou des rencontres marquantes, des événements qui l’avaient affectée sur le moment et qui l’affectent encore aujourd’hui. Elle a aimé le rythme en trois temps : d’abord, « sentir et goûter les choses intérieurement » (Execrcices spirituels 2), pour ensuite passer au crible de la réflexion une situation vécue afin de comprendre « comment ça a fonctionné » et prendre de la distance. Enfin voir comment il lui a été donné de rencontrer Dieu dans ces événements. Demander au Seigneur la grâce de voir ces
événements à la manière dont lui les voit. En fin de week-end, Zoë fut surpris de constater qu’elle venait seulement maintenant de clore son service. C’est le week-end de relecture qui lui avait permis de le faire, elle pouvait maintenant tourner une page et s’ouvrir à l’à-venir, dans l’action de grâce et une disponibilité renouvelée au Seigneur « pour l’aimer et le servir ». Donner à chacun des moyens pour avancer sur son propre chemin dans la CVX, à la suite du Christ, c'est ce qui nous guide dans l'accomplissement du travail qui nous est confié par l'équipe nationale.
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Jean LACOUR
avec l'Équipe Service Formation
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Au service de la formation
qui intègre la famille. Ce rythme permet aussi à des personnes, qui n'ont pas encore fait l'expérience du silence sur plusieurs jours, d’oser cette démarche.
Zoë a été sollicitée pour un service dans la Communauté. Étaitce la préparation du Congrès, une mission de plus longue durée dans un Centre spirituel, ou encore… Peu importe. Cette mission a pris fin, et Zoë se retrouve maintenant avec du temps libre. Elle ressent le besoin de réfléchir à cette période qui s'est terminée et à celle qui s'ouvre aujourd'hui devant elle. Relire, voilà une manière de faire qui nous vient de la spiritualité des Exercices. Aussi l’équipe formation a-t-elle élaboré un week-end intitulé « Relire un service ». Zoë s’est retrouvée en octobre En retraite à Penboc'h
34 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
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Un dimanche à Hong Kong Christine en visite à Hong Kong pour son travail est allée à la rencontre des CVX du pays.
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« Je suis en Chine pour mon entreprise. Je quitte Shanghai pour Hong Kong et n'arrive pas à me connecter au site du mondial CVX : puis-je avoir des numéros de téléphones de membres CVX à Hong Kong ? Merci. Christine ». C’est par cet envoi de message électronique à CVX France qu’a débuté mon second week-end en Asie. Le dimanche précédent, à Shanghai, j’avais osé participer à une célébration dans une « church » ; j’y avais prié avec des frères chinois accueillants que je ne comprenais pas ; étaient-ils protestants ? Par ce message avant de rejoindre Hong Kong, je venais d’avoir un heureux réflexe.
1 Voir encadré.
De retour à l’hôtel, je trouve un message de Noëlle Hiesse avec les coordonnées des trois Hongkongais présents à Fátima 2008. Il est 19 h un samedi. Premier numéro, je laisse un message sur le répondeur. Second numéro, je tombe sur Carrie à qui j’explique ma situation. Elle me demande de la rappeler deux heures plus tard, car elle est en pleine réunion CVX. Avant de raccrocher, elle me dit que nous pourrons certainement nous rencontrer, et c’est le cœur joyeux que je dîne en solitaire. Quand je la rappelle,
36 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
elle a réfléchi, mais je la sens hésitante à me proposer la messe en chinois. Finalement, demain ce sera : à 9 h rendez-vous à l’hôtel, à 9 h 30 messe chinoise, puis pour moi la messe en anglais pendant qu'elle fera du catéchisme. Nous déjeunerons chinois. Dimanche matin, Carrie et moi gagnons le Ricci Hall, église de l'université, lieu de pastorale jésuite ; je rencontre plusieurs personnes de la CVX dont un accompagnateur, qui célébrera la messe en chinois (il accompagne six groupes sur les dix à Hong Kong !). Pendant la messe en chinois, sans tout comprendre (le provincial des jésuites pour l'Asie, de passage, n'a pas l'air de comprendre mieux que moi), je prie avec mes voisins et goûte la coexistence entre des éléments familiers (le rite de la messe, les tenues des enfants de chœur, la photo du Christ souriant de Javier, la musique de certains chants) et des détails couleur locale (les indications pour les chants en caractères chinois, des épuisettes en tissu à longs manches pour la quête). Je contemple les nombreux enfants présents à cette célébration (alors que j’avais une image de Hong Kong à
taux de natalité quasi nul). L’assemblée de la messe en anglais est plus clairsemée, le sermon très tonique. Carrie me présente à des membres de la CVX de Hong Kong. Plusieurs sont allés en France. Je découvre que le magasin Louis Vuitton des Champs-Élysées a autant de prestige que la Tour Eiffel – on y va lors des pèlerinages, y compris quand on est jésuite ! Avec un ami de Carrie, enseignant écossais à Hong Kong depuis 2 ans, fidèle de la messe en anglais, nous déjeunons dans un restaurant situé sur le lieu des célébrations du rattachement de Hong Kong à la Chine en 1997. Nous échangeons sur la vie d’expatrié à Hong Kong et sur nos CVX respectives ; à Hong Kong il y a une centaine de membres. Au moment du rattachement, la communauté s’est engagée fortement dans le soutien à deux établissements scolaires privés1. Comme je souhaite voir l'aprèsmidi des magasins dans le cadre de mon boulot, Carrie propose de m'y accompagner (en Chine, les magasins sont ouverts le dimanche). J'ai donc une guide avertie pour faire le tour de centres commerciaux de Kowloon et je
vérifie le pouvoir d'attraction des marques, en particulier françaises. Une foule de Chinois du « Mainland » (Chine continentale) profite du week-end prolongé par la fête nationale pour faire du shopping. Au détour des galeries, c’est aussi l’occasion de parler de la vie quotidienne : Carrie est avocate et dispose d’un pouvoir d’achat permettant accessoires de luxe français et beaux voyages, mais à 40 ans elle vit (comme son frère) dans le même appartement que ses parents, car l’immobilier est cher. Après ce lèche-vitrines, nous promettons de nous revoir. Je prends le ferry pour traverser la baie et rejoindre mon hôtel, laissant Carrie sur la rive où elle habite. Je suis heureuse d'avoir vécu ce temps de rencontre, d'échange et
de prière. Alors que je me sentais seule au bout du monde avec un dimanche vide devant moi, ce réflexe CVX m’a permis de vérifier que je suis vraiment membre d’une communauté mondiale. J’ai pu en goûter concrètement la dimension mondiale, invitée à vivre pleinement et simplement chacun des moments, en voyage comme ailleurs, chaque jour là où je suis. Cela a changé mon attitude dans la suite de mon voyage : dans les courts échanges avec le personnel des hôtels, dans la contemplation des scènes qu’offrent les aéroports. Cela m'invite davantage à oser la rencontre lors de mes déplacements (peut-être en anticipant un peu plus) et à ouvrir notre porte à notre tour. Christine BEAUDE CVX Paris
Depuis 1998, la CVX assure la tutelle des deux écoles (primaire et secondaire) de Marymount. Eadaoin Hui en a la charge depuis 12 ans. Dans un contexte où la réforme de l’éducation est conduite de façon pressante avec des valeurs « séculières », elle dirige les deux écoles dans un esprit ignatien partagé autant par les enseignants que par les parents et les élèves. Par exemple, les élèves sont volontaires pour faire du soutien scolaire dans un autre district ; pour ses décisions, le comité de direction a développé une culture de l’écoute avant d’arriver au consensus ; des retraites sont proposées aux enseignants, parents et élèves. Extrait de la Newsletter de la CVX Hong Kong d’octobre 2010 hongkong@gmail.com
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Ensemble faire Communauté
Billet
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2 Le Père Luke Rodriguez, vice-assistant mondial de la CVX, indien, était présent à notre rencontre. 3 Actes 2, 9-11.
4 Les trois langues officielles de la CVX mondiale sont l’anglais, l’espagnol et le français.
De retour de la rencontre des Eurolinks près de Budapest, voici quelques impressions.
Priant le Notre Père, chacun son tour dans sa langue maternelle, c’est une quinzaine de langues que nous avons employées : letton, lituanien, polonais, allemand, slovaque, hongrois, roumain, croate, italien, maltais, espagnol, français, flamand, luxembourgeois, anglais, irlandais, indien2 ; me venait l’énumération des peuples évoqués à la Pentecôte3 ! Lentement, j’écoutais la musique inconnue de chaque langue. L’Europe est vraiment un patchwork de cultures et de langues, mais seul l’anglais, adopté pour les échanges, nous permettait de communiquer entre nous.
5 Cf. Nouvelle revue Vie chrétienne, n°1 - septembre 2009, p.32-34.
6 Cf. Nouvelle revue Vie chrétienne, n°4 - mars 2010, p.37-38.
38 Nouvelle revue Vie Chrétienne - Nº 7
L’expérience que nous avons eue avec la Lituanie, malgré la barrière de la langue, de monter des formations à partir de notre savoir-faire, m’a poussée à faire une proposition à Joseanne : elle éprouvait des difficultés pour redynamiser des équipes anciennes ; c’était cette même constatation qui nous avait fait bâtir le weekend « Un pas de plus en compagnonnage », si bien que j’ai osé lui proposer qu’il soit donné chez eux en anglais, adapté à la réalité maltaise. Sans doute pourrionsnous aussi recueillir leur savoirfaire sur la sensibilisation des jeunes à la réalité des migrants, et/ ou sur la participation des enfants à nos rencontres5.
Lors des petits groupes de partage, je me trouvais avec Joseanne, de Malte. Elle souhaitait vivement aboutir à des décisions concrètes, et pas seulement à un partage spirituel… J’avais bien entendu à l’Assemblée européenne d’Alicante en mai 2009, que nous étions fortement invités à mettre ensemble nos trésors ; j’avais senti notamment que la France avait à sortir de son « splendide isolement » ; mais je butais sur la barrière de la langue : en français, que proposer, que demander, à qui ? À Budapest, j’ai réalisé que beaucoup de communautés nationales CVX sont amenées à traduire dans leur langue tous les textes mondiaux, alors que nous avons la chance de les recevoir en français4. iStock
1 Un eurolink est une personne qui fait le lien, le pont, entre sa communauté nationale et les autres communautés en Europe.
Les Communautés de Vie Chrétienne d’Europe se rencontrent régulièrement à travers leurs « eurolinks1 ». La dernière rencontre a eu lieu en Hongrie, à Leányfalu, au nord de Budapest et voici ce que nous en dit notre eurolink.
J’ai pensé aussi que la Lituanie, avec le camp d’été qu’elle organise chaque année, pourrait nous aider à renouveler nos manières de faire6. Je voudrais pour finir vous offrir cette prière, que nous avons gestuée pour mieux la faire nôtre : « From you I receive ; to you I give ; together we share ; like this (en nous donnant la main) we live » : « De vous, je reçois ; à vous, je donne ; ensemble nous partageons ; ainsi nous vivons. » Noëlle HIESSE
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Eurolink CVX France
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«…Et surtout la santé ! » Chaque année, à pareille époque, j’avance une estimation, je me promets de tenir un compte précis, et finalement, j’y renonce. Que voulez-vous, ça va trop vite, je n’arrive pas à comptabiliser. De quoi s’agit-il ? De savoir – pas seulement parmi les bons chrétiens, ce serait trop accablant – combien de personnes me présenteront leurs vœux de Bonne Année en ajoutant, suaves : «…Et surtout la santé ! »
Il y a quelques décennies, je me contentais de murmurer en moi-même : poil au nez. J’en conviens, ce n’était pas très fraternel. Depuis, la grâce a tout de même fait son chemin, et je me surprends à implorer l’Esprit : « Seigneur, tiens-moi dans un silence ouvert, fais qu’on puisse en parler ! Donne-moi un regard vaguement interrogatif ! » Ou une chronique dans Vie chrétienne, qui ferait chuter les effectifs… Ah, si mes amis la lisaient… iStock
De toutes les nations… la rencontre des Eurolinks
Le 1er janvier, personne n’ira vous souhaiter richesse ou célébrité. Fi donc. Trop biens-de-ce-monde. On croit s’affranchir de tout matérialisme en souhaitant la santé. Elle est si manifestement un don de Dieu qu’on paraît s’en remettre à lui, en indiquant - oh, dans l’humble soumission, ce n’est qu’un vœu ! - le chemin qu’il peut ouvrir à ceux qu’on aime… Pourtant, ce vœu-là aussi devrait nous sembler impudique, indigne d’un croyant. (Nous le sentons bien d’ailleurs, lorsqu’il s’agit de bredouiller, en janvier ou plus tard, quelques mots de circonstance à un grand malade…) Avouons-le : désirer la santé, la souhaiter à d’autres, ce n’est guère manifester une délicatesse spirituelle. C’est surtout révéler nos peurs, et notre difficulté viscérale à imaginer une vie digne de ce nom pour ceux qui portent lourdement les stigmates de la maladie ou du vieillissement… Certes, au début de l’année, il est bon de confier au Seigneur parents et amis. Mais si c’est en lui précisant bien les ingrédients du bonheur qu’il nous a promis… C’est comme si nous souhaitions un beau voyage au pays de l’Évangile, mais en fixant l’itinéraire : Capharnaüm, Gerasa, Jéricho, d’accord ; Gethsémani, Golgotha, non. Piètre confiance faite là au Maître de la Vie… Nous le savons, pourtant, que ses chemins ne sont pas les nôtres. Et il a bien dit, un jour, sur la montagne, que le vrai bonheur jaillit là où on le croit proscrit… Sans oublier, tout de même, le cornet de marrons glacés, quels amis viendront, une année en janvier, me souhaiter tout simplement de vivre les Béatitudes ? Ceux-là aussi, j’aimerais ne pas pouvoir les compter. Philippe ROBERT sj Janvier 2011 39
Prier dans l'instant © Why Not Productions
En écoutant une critique de film
Au moment d’écrire cette rubrique sort le film « Des hommes et des dieux ». J’en entends beaucoup parler sur France Inter. Commentaires de critiques professionnels, appels d’auditeurs de tous horizons. La plupart commençent ainsi : « Je tiens à préciser que je ne suis pas croyant, mais j’ai été profondément touché par… » Je n’ai pas encore vu ce film, mais au fur et à mesure que se multiplient ces réactions je ressens une très grande joie. Joie de l’inattendu. Joie de la communion avec des frères qui ne partagent pas ma foi. Joie d’entendre qu’une parole, par sa justesse, peut rejoindre l’universel en chacun de nous. Gratitude aussi, pour le témoignage de ces moines, et aujourd’hui pour toute cette équipe qui a su donner à voir et à entendre l’essentiel de leur expérience. Seigneur, inspire-nous pour que comme ces artistes nous soyons créatifs, imaginatifs, dans les grandes choses comme dans les petites. Que nous apprenions à laisser voir comment tu nous fais vivre, dans la simplicité et la profondeur de notre quotidien. Sans vouloir convaincre, juste parce que notre vie est là, en Toi. Dominique POLLET
Nouvelle revue Vie Chrétienne – Janvier 2011