RAFAEL
NADAL L’éternel guerrier ERE OPEN
Ces finales de légende...
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Y a-t-il une vie après le tennis ?
39e ANNÉE N°370 • 6 e • AUTOMNE/HIVER 2018 • BUREAU DE DÉPÔT • BRUXELLES X P405246
LE MAGAZINE DU GENTLEMAN TENNISMAN
Sommaire ÉDITO Un peu d’histoire…
13 5
RAFA VERSUS ROGER Dix ans de domination mondiale
13
LES PLUS BELLES FINALES DU 21E SIÈCLE Wimbledon 2001 : Goran Ivanisevic vs Patrick Rafter
28
Wimbledon 2008 : Rafael Nadal vs Roger Federer
32
Wimbledon 2009 : Roger Federer vs Andy Roddick
36
Australian Open 2012 : Novak Djokovic vs Rafael Nadal
40
Australian Open 2017 : Roger Federer vs Rafael Nadal
44
Roland Garros 2001 : Jennifer Capriati vs Kim Clijsters
48
Australian Open 2004 : Justine Henin vs Kim Clijsters
52
Australian Open 2011 : Kim Clijsters vs Na Li
56
Roland Garros 2014 : Maria Sharapova vs Simona Halep
60
Australian Open 2016 : Angelique Kerber vs Serena Williams
64
56
LES GRANDES PREMIÈRES AUSTRALIENNES La métamorphose du “vilain petit canard”
71
1960/1961. Margaret Court et Roy Emerson
74
1983. Mats Wilander
78
1995. Andre Agassi
82
2003. Serena Williams
86
2008. Novak Djokovic
90
95
NAME DROPPING Heurs et malheurs de la reconversion des champions de tennis
95
LOVE GAMES Sexe, drogue, et... vie de famille
109
EVENTS Zoute Family & Friends Trophy : fun, set & match !
109
122
Colophon Editeurs Responsables Edition Ventures Bernard de Wasseige & François Didisheim 431 D Ch. de Louvain 1380 Lasne Tél. : 02/379 29 90 Fax : 02/379 29 99
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Édito
Nous sommes heureux que vous ayez bien accueilli le premier numéro du Play Tennis new look, moins directement branché sur l’actualité mais revisitant sous différents angles la belle histoire de notre sport. D’où ce deuxième numéro où l’on retrouve encore “magic” Federer, mais cette fois dans le cadre de sa rivalité avec Rafael Nadal, qui du fait de ce que ces deux “extraterrestres” ont accompli, de leur popularité sans égale, et de la formidable opposition de style ou de l’exemplaire esprit sportif qu’ils représentent et véhiculent, demeure le summum du genre pour beaucoup de gens.
Un peu d’histoire
S
oyons réalistes, les rencontres entre le Suisse et l’Espagnol ne sont pas toutes restées dans les mémoires pour leur niveau de qualité et l’incertitude de leur issue. Mais tout le monde s’accorde à dire que si désigner le meilleur match de l’histoire est aléatoire et affaire de subjectivité c’est le Nadal-Federer de Wimbledon 2008 qui se rapproche le plus du nirvana absolu en la matière. Dans le même ordre d’idée, votre Play Tennis propose justement de replonger dans les plus belles finales majeures du 21e siècle, de l’époustouflant Ivanisevic au “surhumain” Djokovic-Nadal, en passant par le meilleur de Justine-Kim, entre autre.
Nous retracerons aussi soixante ans d’existence du Grand Chelem austral qui a rejoint et même dépassé les trois autres à bien des égards. Au travers des parcours de l’énigmatique Margaret Court et de l’oublié Roy Emerson, d’Andre Agassi l’enfant terrible et de Mats Wilander la coolitude incarnée, du rouleau compresseur Serena Williams et de Novak Djokovic période intouchable, vous apprendrez des choses et vous vous en rappellerez d’autres. Le tennis fait aussi le bonheur des tabloïds, de la presse people, et permet certaines reconversions plus ou moins réussies ou spectaculaires dans le monde des affaires, Borg et Becker ayant cependant démontré qu’un grand nom ne met pas à l’abri de la faillite. Avec les réseaux sociaux, on n’a jamais autant parlé de communication, mais en même temps elle n’a jamais été autant gérée, contrôlée, c’est devenu un métier à part entière. Il n’en a pas toujours été ainsi, les avatars révélés de certains couples glamour, sulfureux ou improbables sont là pour en témoigner, surtout qu’au fil des ans certaines autobiographies ont ajouté quelques pincées de sel sur les plaies. Alors, bonne lecture !
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Rafa vs Roger
PLAY TENNIS 13
Dix ans de règne En 2008, Rafael Nadal et Roger Federer jouent une finale de Wimbledon désormais entrée dans la légende, où ils soulignent qu’ils sont bien les numéros un et deux du classement mondial. En 2018, ces deux ténors, peut-être les deux meilleurs joueurs de tous les temps, se partagent toujours le devant de la scène, les titres du Grand Chelem et les premières places du classement mondial. Une renaissance.
14 PLAY TENNIS
Rafa vs Roger
Mars 2004 – Miami Il y a quatorze ans, Roger Federer a déjà commencé son règne depuis un moment (il inscrit cette année-là son nom au palmarès de trois des quatre tournois du Grand Chelem), mais il voit soudain sortir de nulle part un jeune Majorquin de dix-sept ans. Rafael Nadal n’est encore qu’un adolescent, mais il fait directement grosse impression. Son tennis énergique et son coup droit d’une effrayante efficacité le font bien sûr sortir du lot, mais ce sont aussi ses longs cheveux, ses T-shirts sans manches et ses pantacourts qui apportent un vent de fraîcheur et de couleur sur le circuit. L’équipementier Nike s’en rend d’ailleurs bien vite compte en proposant une rupture de style entre le toujours très élégant Federer et le jeune Espagnol. Et Nadal se montre à la hauteur des attentes : au troisième tour de l’Open de Miami, il s’impose 6-3, 6-3 contre le grand patron du circuit. Tout le monde réalise alors qu’il ne s’agit pas d’une défaite quelconque pour le maestro. “Je suis impressionné par ce que j’ai vu”, reconnaît alors un Federer pas avare de louanges. “Je crois que tout le monde pensait qu’il n’était qu’un joueur de terre battue, mais il a montré qu’il va sans doute être plus que ça.” Un commentaire prophétique, comme l’histoire le montrera par la suite. Federer met aussi le doigt sur les problèmes qu’il a rencontrés contre Nadal, et cela se confirmera aussi au fil des ans : “Il ne tape pas la balle avec une grosse frappe plate et dure, mais plutôt avec un gros lift. Ça fait rebondir la balle très haut, et j’ai eu des difficultés à gérer cet aspect de son jeu. Il a aussi réussi quelques points incroyables. Mais bon, c’est ce que ces jeunes joueurs font, hein”, déclare le Suisse de 22 ans à l’époque. Leur affrontement suivant a lieu juste un an plus tard, au même endroit, mais en finale. Federer l’emporte en cinq sets, après avoir remonté un retard de deux sets à rien.
Rafa vs Roger 38 duels :
23-15
12 confrontations en Grand Chelem : 9-3 Australian Open :
3-1
Roland Garros :
5-0
Wimbledon :
1-2
U.S. Open :
0-0
Finales de tournois ATP :
Juillet 2008 – Wimbledon Les années suivantes, Federer et Nadal dominent le paysage tennistique. Rafa commence son incomparable razzia de titres à Roland Garros, alors que Federer prolonge encore un peu son hégémonie à Wimbledon. Jusqu’en 2008 inclus, ils sont les maîtres du circuit et trustent les positions de numéros un et deux au monde. Leur domination atteint des sommets lors de la finale de Wimbledon, il y a dix ans : l’élégance classique de Federer contre le look rock and roll de Nadal. Cette confrontation, la troisième finale consécutive entre les deux joueurs à Londres, est entrée dans l’histoire. Le style de jeu de l’un semble en tout cas faire ressortir le meilleur du style de l’autre. Le tennis élégant et fluide au touché et à l’intuition de Federer contre le jeu brut et énergique porté par la puissance et la combativité de Nadal. Un droitier contre un gaucher, un revers à une main contre un revers à deux mains, un attaquant contre un ‘défenseur’. Sur terre, le fossé est trop grand entre l’ogre espagnol et le reste de la classe, même si Federer reste aussi l’un des artistes de l’ocre rouge. 16 PLAY TENNIS
15-9
Mais sur toutes les autres surfaces, on remarque que le Majorquin comble progressivement son retard. Alors qu’à ses débuts, des doutes subsistaient quant à son service, son slice, sa volée et ses qualités offensives lorsqu’il doit jouer sur des surfaces plus rapides, on se rend compte au fil du temps que Nadal est bon élève. Cette évolution culmine lors d’une finale de Wimbledon aussi fantastique qu’héroïque, qui vient cristalliser leur règne. Et que Nadal remporte. Pour la première fois après 65 victoires consécutives sur gazon, Federer doit s’avouer vaincu. Cette année-là, il perd tous ses duels contre son rival.
Juin 2009 – Roland Garros En prenant toujours le dessus sur Federer en finale de Roland Garros entre 2005 et 2008, Nadal fait que le maestro suisse n’arrivera jamais à réaliser un vrai Grand Chelem. Ce n’est qu’en 2009, après une surprenante défaite du roi de la terre battue parisienne en huitième de finale face à Robin Söderling, que Federer parvient à inscrire les Internationaux de France à son palmarès. Cela lui permet aussi de garder Nadal à distance dans la lutte pour
Rafa vs Roger
Les chiffres Finales de Grand Chelem : Terre battue : Gazon : Dur : Titres du Grand Chelem :
6-3 13-2 1-2 9-11 17-20
Federer et Nadal ont occupé les places de numéros 1 et 2 du monde 211 semaines consécutives
contre le meilleur joueur du monde.” le plus grand nombre de titres du Grand En 2018, ces deux ténors, peutDans ce débat pour définir qui est vraiChelem, même si Federer a naturelleêtre les deux meilleurs joueurs ment le G.O.A.T. (Greatest Player of ment commencé cette course avec une petite avance, en raison des cinq ans qui de tous les temps, se partagent All Time, le meilleur joueur de tous les temps), il y a des partisans et détracséparent les deux joueurs. Entre 2005 et toujours le devant de la scène. teurs des deux côtés. Aux yeux de ses 2010, ces deux monuments du tennis partisans, son record du nombre de sont côte à côte au sommet du classement mondial, même si Novak Djokovic vient progressivement titres du Grand Chelem parle pour Federer, alors que les fans de se mêler aux débats. Il faut dire que faire chuter ce dynamique Nadal contestent en disant qu’un joueur ne peut pas être le plus grand joueur de tous les temps en accusant un aussi large retard duo du trône n’est pas donné à tout le monde. dans les face-à-face contre son rival. Ce débat ne semble cepenAlors que Nadal a mis fin à l’invincibilité de Federer sur gazon, dant pas vraiment tracasser outre mesure les deux hommes. ‘Fed Express’ en a fait de même avec la série de 81 victoires consécutives de Rafa sur terre battue. C’est lors de la finale du tournoi de Hambourg (2007), qui n’est entre parenthèses pas le tournoi le plus sexy du monde, que Federer réussit ce coup Fin 2010, les deux ténors se rencontrent pour la première fois retentissant. “Si je dois concéder une défaite, autant que ce soit lors de la finale du Masters. C’est Federer qui empoche la viccontre lui”, admet Nadal en donnant tout le crédit à son adver- toire, son cinquième titre lors de ce championnat du monde ofsaire. “Il est incroyable. Ça n’est selon moi pas grave de perdre ficieux de Londres. Ce tournoi du Masters reste d’ailleurs à ce
Juin 2011 – Roland Garros
Rafa et moi vivons dans deux mondes très différents. S’il parvient un jour à battre mon record, ça n’est pas grave. Parce que j’ai réalisé des choses qu’il ne pourra jamais faire, et qu’il a réalisé des choses que je ne pourrais jamais envisager. (Roger Federer)
18 PLAY TENNIS
Rafa vs Roger
jour une lacune sur l’incroyable palmarès de Nadal. “Si on regarde ses titres et tout ce qu’il représente, il est sans conteste le meilleur joueur de l’histoire de notre sport”, déclare Rafa. “Mais d’un point de vue technique, un Novak Djokovic au mieux de ses capacités est un joueur presque imbattable.” Dans les duels qui l’ont opposé au surhomme serbe, Nadal est d’ailleurs mené 25-27. Mais à ce moment, la domination de Djokovic doit encore prendre forme. Federer et Nadal se partagent toujours les prix et, en 2011, ils s’affrontent à quatre reprises : en demi-finale à Miami et Madrid, dans la phase de groupe du Masters et, surtout, en finale de Roland Garros. Federer montre alors qu’il est probablement le deuxième meilleur joueur de terre battue de tous les temps, mais doit en définitive quand même s’avouer vaincu en quatre sets face au maître de la Porte d’Auteuil. Les deux hommes mettront six ans avant de se rencontrer à nouveau en finale d’un Grand Chelem.
Rafa et Roger ont vite compris que leur entente pouvait être bénéfique pour les deux parties. Financièrement notamment...
Janvier 2017 – Australian Open Entretemps, il y a eu l’improbable période de domination de Djokovic, l’éclosion d’Andy Murray et de Stan Wawrinka, en plus des jeunes pousses qui montrent tout doucement le bout de leur nez, mais aussi et surtout toute une série de blessures pour Federer et Nadal. En 2016, Nadal souffre du poignet et du genou, alors que Federer doit aller jusqu’à renoncer à toute la seconde moitié de la saison en raison d’une blessure au genou encourue à Wimbledon. Surtout dans le cas du Suisse de 35 ans, nombreux sont ceux qui pensent que c’est le début de la fin. Au début de l’année 2017, cinq ans se sont écoulés depuis son dix-septième et dernier titre du Grand Chelem en date, et sa retraite semble alors plus proche que jamais. Mais les deux ténors sont d’une autre trempe que le commun des joueurs, comme ils le démontrent à l’Australien Open de cette année-là. Avec un tennis d’une étonnante efficacité, ils atteignent tous deux la finale, un match de haut niveau disputé en cinq sets, qui tourne en définitive à l’avantage de Federer. “Ça fait longtemps que je n’ai plus affronté Rafa sur terre battue, et ça m’a aidé aujourd’hui. Dans ma tête, ça allait mieux” : cette déclaration de Federer témoigne de son manque d’assurance après ses défaites contre l’Espagnol sur
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Rafa vs Roger
la surface de prédilection de ce dernier. “J’ai par ailleurs changé de type de raquette pour me permettre de mieux frapper mon revers contre lui.” Par le passé, cet aspect du jeu représentait la plus grosse difficulté pour le Bâlois : face au très lourd lift du gaucher Nadal en coup droit, son revers slicé faisait qu’il se retrouvait vite sous pression dans l’échange. L’utilisation d’un plus grand tamis lui donne davantage de contrôle sur la balle et fait qu’il arrive plus facilement et sans trop boiser à prendre l’échange à son compte. Cette année-là, Federer joue quatre fois contre Nadal (également à Indian Wells, Miami et Shanghai), et il l’emporte quatre fois. Ça aussi donne un nouvel élan à sa carrière. La finale du Rolex Masters de Shanghai est par ailleurs la première rencontre, depuis le Masters de 2010, qui oppose Roger et Rafa alors que les deux joueurs occupent les deux premières places du classement mondial.
Septembre 2018 – U.S. Open “Jouer contre Rafa pendant autant d’années a été incroyable”, déclare Federer. “Il m’a poussé à innover, à travailler plus dur et à développer mon jeu. Sans lui, je ne serais pas le joueur que je suis aujourd’hui.” Il reste néanmoins étonnant que le sympathique Suisse fasse complètement l’impasse, ces trois dernières saisons, sur la tournée des tournois sur terre battue. De son propre aveu, il voudrait permettre à son corps de mieux se reposer, pour avoir une chance de succès à Wimbledon. Cette tactique lui réussit en 2017 avec une victoire à Londres, mais il est difficile d’ignorer la possibilité qu’il a peut-être eu un peu peur de son plus grand rival. Après tout, si on veut clore le débat de la désignation du meilleur joueur de tous les temps, ne faudrait-il pas que les deux joueurs s’affrontent ? “Nous vivons dans deux mondes très différents”, dit Federer. “Et nous faisons les choses à notre manière. S’il parvient un jour à battre mon record, ça n’est pas grave. Parce que j’ai réalisé des choses qu’il ne pourra jamais faire, et qu’il a réalisé des choses que je ne pourrai jamais envisager.” Le respect mutuel est grand entre les deux joueurs, et il le restera toujours, quoi qu’en disent au final les chiffres (et les observateurs et fans qui les interprètent). Lorsqu’on lui pose une question à son sujet, Nadal ne tarit pas d’éloges à propos de son frère ennemi de toujours : “Mais je ne voudrais pas passer pour son petit ami”, plaisantait-il encore l’année passée. Leur grand moment commun s’est déroulé lors de la Rod Laver Cup, quand ils sont tombés dans les bras l’un de l’autre après avoir joué ensemble en double. “Pour moi, ça a été un très beau moment”, a souri Federer par la suite. “Mais à partir de maintenant, nous redevenons des rivaux. Malheureusement ou heureusement, ça dépend du point de vue. Mais ça reste quelque chose de spécial.”
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Rafa vs Roger
Deux en un Rafael Nadal et Roger Federer ne sont pas les meilleurs amis du monde, ils ne partiront pas en vacances ensemble et ne prévoiront pas une semaine d’entraînements communs, mais ils ont vite compris que leur entente pouvait être bénéfique pour les deux parties (aussi financièrement). En 2007, cela se traduit par la ‘Bataille des surfaces’. À Palma de Majorque, un terrain intérieur est aménagé pour obtenir une moitié en terre battue, et l’autre moitié en gazon. Le projet a coûté pas moins de 1,6 million de dollars et il a fallu dix-neuf jours pour installer l’ensemble. Le but était de définir une fois pour toutes qui était le meilleur joueur sur sa meilleure surface. Avant ce match, Federer ne l’avait encore jamais emporté contre Nadal sur terre battue et, inversement, l’Espagnol n’avait pas pu prendre le dessus lors de leur unique confrontation sur gazon jusque-là. Au final, c’est un Nadal alors âgé de 20 ans qui remporte ce match d’exhibition sur le score de 7-5, 4-6, 7-6 (12-10), mais il est difficile de tirer de vrais enseignements de cet affrontement : le résultat est trop serré, et le terrain était trop inhabituel.
Du même côté du filet En 2018, Roger Federer et son équipe de management Team8 organisent la première édition de la Rod Laver Cup. Le principe est inspiré de la Ryder Cup en golf et a immédiatement remporté un beau succès. Sous les yeux de 17 000 spectateurs lors de trois journées à guichets fermés dans la O2 Arena de Prague, la Team Europe (composée de Federer, Nadal, Zverev, Cilic, Thiem, Berdych et Verdasco) affronte une Team World (avec Querrey, Isner, Kyrgios, Sock, Shapovalov, Tiafoe et Kokkinakis) lors d’un événement où les capitaines respectifs des équipes, Bjorn Borg et John McEnroe, assurent également le spectacle en bord de terrain. Avec une alternance de matchs en simple et en double, le public a eu l’occasion d’assister à des matchs d’exhibition divertissants et d’un relativement haut niveau, lors desquels l’aspect compétitif est renforcé par la présence de tous les membres des équipes au bord du terrain. Deux événements ont marqué cette première édition réussie : le deuxième jour, Nadal et Federer jouent pour la première fois ensemble en double (ils prennent le dessus en trois sets contre Querrey et Sock) et, le dernier jour, le Suisse apporte le dernier point à son équipe après un passionnant duel en trois sets contre Kyrgios, après quoi Nadal tombe dans les bras de son partenaire provisoire. Le lendemain, la photo fait le tour du monde.
Lorsqu’ils ont joué en double, Nadal est littéralement tombé dans les bras de son rival de toujours. La photo a, bien sûr, fait le tour du monde...
14 minutes de fou rire pour l’Afrique En 2010, Roger Federer et Rafael Nadal doivent tourner une vidéo de promotion pour un match caritatif. ‘The Match for Africa’ doit se jouer le 21 décembre à Zurich, et les bénéfices de l’événement iront à la ‘Roger Federer Foundation’. Le lendemain, le même duel doit avoir lieu, mais cette fois dans la Caja Mágica de Madrid, avec des bénéfices reversés à l’organisation de Nadal. Le tournage de la vidéo n’a rien eu d’évident, mais a parallèlement offert la meilleure publicité possible pour les événements. On y voit en effet Federer et Nadal pris d’un fou rire qui va durer près de quatorze minutes. La vidéo fait un tabac sur YouTube : cette grosse dizaine de minutes de franche rigolade entre deux des plus grands sportifs de tous les temps récolte pas moins de onze millions de vues. Cela montre aussi le respect mutuel et la bonne ambiance qui a presque toujours régné entre les deux stars mondiales.
Quelques accrocs Au fil d’une carrière commune de plus de quinze ans où il faut composer avec une pression énorme, les influences des entourages, les médias et tous les intérêts qui tournent autour
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des champions, des échanges plus tendus étaient inévitables entre Roger Federer et Rafael Nadal. Aussi du fait de leur rareté, ces épisodes ont été fortement amplifiés sur le moment, mais n’ont jamais persisté bien longtemps. Lors de la finale de Rome en 2006, le Suisse s’en prend à Toni, le coach et oncle de Nadal : “Ça va, ça se passe bien ?”, lui dit-il en estimant qu’il donne des conseils à son neveu pendant le match. “Et ce n’est pas la première fois”, ajoute par la suite un Federer irrité. La réponse de Nadal se veut un peu plus diplomatique : “Il doit encore apprendre à être un gentleman, même quand il perd.” C’est d’ailleurs aussi cette image du Suisse que Nadal a du mal à encaisser lorsque les deux stars œuvrent en 2012 au sein du comité de joueurs de l’ATP pour essayer de moins surcharger le calendrier. “Il veut toujours passer pour le bon gars”, dit Nadal à propos de Federer, qui avait déjà prévu ses périodes de repos dans son agenda et ne voyait donc pas l’intérêt de changer quelque chose. Le Suisse ne se laisse pas emporter : “Rafa a déjà dit plusieurs fois à quel point tout ce processus (pour faire bouger quelque chose à l’ATP ou au sein du monde du tennis, ndlr) peut être fatigant et frustrant pour lui. Je ne lui en veux pas pour ça. Je n’ai pas de problèmes avec notre relation, et j’espère qu’il en va de même pour lui.”
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Grandes finales
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Grand Chelem, grandes finales !
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Grandes finales
Goran Ivanisevic vs Patrick Rafter Wimbledon, 9 juillet 2001 6-3, 3-6, 6-2, 2-6, 9-7 C’est un scénario sur lequel même les plus grands rêveurs n’auraient pas osé miser. Le dénouement féérique de la 115e édition de Wimbledon restera pour toujours parmi les grands moments du sport du 21e siècle. Goran Ivaniševic remporte son premier et unique titre du Grand Chelem au All England Club, et tous les fans de tennis versent une larme avec lui.
S
a carrière semblait pourtant sur le déclin. Goran Ivaniševic, qui s’approche à ce moment de son trentième anniversaire, peut de temps à autre encore faire un coup d’éclat, mais ce sont surtout ses frasques et ses accès de colère sur le court qui font parler de lui. Lors d’un tournoi challenger à Brighton, une semaine avant Wimbledon, Ivaniševic est disqualifié pour avoir brisé toutes ses raquettes. Avant le célèbre tournoi sur gazon, il n’a gagné que neuf matchs. “Je joue au tennis parce que je n’ai rien d’autre à faire”, indique-t-il. “Mais je joue comme un idiot. Je sers et tape un coup droit, puis je rate.” Son épaule, tout comme sa carrière, ne tient qu’à un fil. Il est en manque de confiance et débarque ‘avec deux T-shirts et trois raquettes’ à Londres.
Sampras, sa bête noire La machine à gros services croate avait participé treize fois à Wimbledon, atteignant deux fois la demi-finale, et trois fois la finale. La victoire lui échappait pourtant toujours, aussi à cause d’un Pete Sampras quasiment intouchable sur gazon. Retombé à la 125e
position mondiale en 2001, Ivaniševic a même besoin d’une wild card pour être admis directement dans le tableau final du tournoi. Il veut essayer encore une fois. Le fantasque Croate ne peut évidemment pas compter sur un traitement de faveur et se retrouve opposé à Carlos Moya au deuxième tour, avant de devoir en découdre avec Andy Roddick et Greg Rusedski lors de la première semaine. Il le fait avec courage et voit en plus son ennemi de toujours, Sampras, se faire sortir en huitième de finale par un certain Roger Federer. Serait-ce réellement enfin son année ?
moins vrai : le jeu final fait plus de douze points lors desquels la volonté, les émotions et le stress passent tour à tour dans la tête et le bras du Croate. Ivaniševic sert ses premier et deuxième services à 200 km/h, mais devient aussi le premier joueur de l’histoire à gâcher deux balles de Grand Chelem sur deux doubles fautes. Il arrive à peine à retenir ses larmes pendant le jeu mais, au bout de sa quatrième balle de match, il peut laisser exploser ses émotions. Goran Ivaniševic empoche enfin ce maudit titre à Wimbledon !
Le gentil Goran, le méchant Goran et le Goran un peu dérangé
“Dieu a envoyé la pluie”
En quart de finale, Ivaniševic défait le numéro quatre du monde, Marat Safin, qui n’en croit ni ses yeux ni ses raquettes. Tim Henman bat de son côté Federer et sera son adversaire en demi-finale. C’est un match dont on parle toujours aujourd’hui outre-Manche. Le gendre idéal Henman, après avoir remporté le troisième set 6-0, semble parti vers sa première finale de Grand Chelem, mais la nature vient au secours d’Ivaniševic, et la pluie fait qu’il reçoit une chance de se relancer le lendemain. Il la saisit à deux mains en enfilant la bagatelle de 35 aces. “J’ai trois personnalités”, blague Ivaniševic à l’issue du match. “Le gentil Goran, le méchant Goran et le Goran un peu dérangé.” Son parcours passé faisait qu’il pouvait déjà compter sur un grand nombre de partisans, mais ses conférences de presse surréalistes au cours desquelles il laisse entrevoir une partie de son âme font qu’il devient une véritable sensation à Londres.
“Si j’avais à nouveau perdu cette finale, j’aurais déménagé au pôle Nord ou je me serais pendu à un pont”, déclare Ivaniševic à l’issue de la rencontre. “J’espère que ça n’est pas un rêve et que quelqu’un ne va pas me réveiller demain pour me dire qu’au final, je n’ai pas gagné Wimbledon.” Malgré sa position de vaincu du jour, Rafter arrive à une belle conclusion : “J’en ai marre de contribuer à écrire l’histoire”, déclare le double vainqueur de l’US Open. “Mais au final, je suis heureux que Goran ait gagné parce sinon, il se serait peut-être suicidé.” Ivaniševic reconnaît qu’un petit miracle s’est produit. “Dieu a envoyé la pluie lors de cette demi-finale contre Henman”, dit-il sans ciller. “J’arrivais toujours second, et les gens me respectaient aussi pour ça. Mais second, ça n’est pas assez. Je suis heureux d’avoir enfin décroché ce trophée.” Il pouvait maintenant mettre un terme à sa carrière le cœur plus léger. “Je m’en fous si je ne gagne plus un match après celui d’aujourd’hui”, ironiset-il. Ça n’a pas été aussi loin, mais Wimbledon 2001 restera malgré tout son 22e et dernier titre remporté.
Ivaniševic reste à ce jour le seul joueur bénéficiaire d’une wild card à avoir inscrit son nom au palmarès du tournoi.
Deux fois 200 km/h En finale, Ivaniševic est opposé à Pat Rafter. L’Australien jouit d’une belle cote de popularité auprès des spectateurs, et ce match est aussi une affiche qui fait rêver. La pluie oblige par ailleurs l’organisation à décaler cette finale au lundi, ce qui fait que tout qui était prêt à patienter dans ‘The Queue’ avait la chance d’obtenir un ticket (40 livres). Ce lundi voit donc une foule déchaînée, composée d’un public jeune et enthousiaste, rallier les tribunes de Wimbledon. Ivaniševic et Rafter, qui avait de son côté battu Andre Agassi en demi-finale et était malgré tout le favori, sont longtemps restés au coude-à-coude. Le match reste même serré jusqu’à 7-7 dans le cinquième set, où la tension est à son comble et l’arbitre de chaise éprouve toutes les peines du monde pour que les supporters restent plus ou moins calmes. Après trois énormes retours, Ivaniševic parvient à faire le break et célèbre l’événement comme s’il avait gagné le titre. Mais rien n’est
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Le lendemain de la finale, 150 000 Croates déchaînés accueillent Ivaniševic à Split, sa ville d’origine. Un défilé de bateaux et des feux d’artifices sont organisés, et le protagoniste ponctue la fête en enlevant ses vêtements avant de sauter dans la mer. Un an plus tard, sa belle carrière semble totalement finie en raison d’une blessure à l’épaule, mais il revient quand même de temps à autre sur le circuit, avant de mettre définitivement un terme à sa carrière à Wimbledon en 2004, après une défaite au troisième tour face à Lleyton Hewitt sur le court central du All England Club, le théâtre de son plus grand triomphe. Ivaniševic reste à ce jour le seul joueur bénéficiaire d’une wild card à avoir inscrit son nom au palmarès du tournoi.
Grandes finales
Rafael Nadal vs Roger Federer Wimbledon, 6 juillet 2008 6-4, 6-4, 6-7, 6-7, 9-7
Il s’agit peut-être de la plus belle finale de Grand Chelem de tous les temps, un match qui a vu deux des plus grands rivaux du tennis actuel s’affronter dans une lutte sans scrupules longue de quatre heures et 48 minutes et faite d’un mélange de drame, de tension, d’émotions et de tennis de très haut niveau. Au crépuscule de cette soirée dominicale, Nadal, 22 ans à l’époque, fait pencher la balance en sa faveur, alors qu’il avait dû s’avouer vaincu face à ce même Federer lors des deux éditions précédentes.
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“L
a meilleure finale de Grand Chelem jamais jouée” : John McEnroe, pourtant aussi un protagoniste de quelques matchs mémorables, n’y va pas par quatre chemins après ce spectacle de plus de sept heures (il y a eu plusieurs interruptions à cause de la pluie, ce qui n’a pas empêché le public de profiter du suspense) entre deux grands champions. L’entame de ce marathon donne d’entrée le ton : non seulement le début du match est retardé de 35 minutes, le temps de laisser passer une averse, mais le premier point est directement un échange au cours duquel la balle sera renvoyée à quatorze reprises. Il était écrit que ce match serait spécial. Nadal empoche le premier set mais Federer commence le deuxième en force et se détache à 4-1. Insuffisant pour mater la combativité du Majorquin : Rafa gagne cinq jeux d’affilée et semble tout proche du sacre. Mais Federer n’entend pas se laisser faire.
La pluie, une interruption et un réveil Les deux joueurs s’engagent dans une lutte intense où les points d’exception s’enchaînent à la vitesse de l’éclair. Dans le troisième set, Nadal obtient trois balles de break à 3-3 mais ‘Rodger’ se bat pour revenir à 5-4, avant que la pluie s’abatte à nouveau sur le court et interrompe les débats pendant une heure. Tout le monde peut reprendre son souffle. “Mon problème était qu’un mois plus tôt, j’avais connu une terrible défaite en finale de Roland Garros contre Rafa (1-6, 3-6, 0-6)”, explique Federer. “Il m’avait écrasé. Lorsque j’ai entamé la finale de Wimbledon, je savais que ça allait être très difficile. Ça m’a pris près de deux sets pour me débarrasser de cette sensation. Puis cette averse qui a interrompu le match m’a vraiment réveillé. C’est là que
je me suis dit : ‘Si tu dois perdre ici, autant que ce soit en allant de l’avant’.” Il remporte le tie-break du troisième set sur un ace et, pour la première fois, la tension fait grimper le public au plafond (même si le court central n’a pas encore de toit, à l’époque).
Federer pouvait gagner, mais je n’allais pas perdre Le niveau du match était déjà incroyablement élevé mais, dans la conclusion du quatrième set, les deux hommes passent à la vitesse interstellaire. Nadal mène 5-4 et se retrouve à deux points de son premier titre à Wimbledon, ce qui ferait de lui le premier joueur depuis Björn Borg en 1980 à réaliser le doublé Roland Garros-Wimbledon. Federer, qui pouvait dépasser ce même Borg en remportant le titre à Londres six fois d’affilée, n’abandonne cependant pas et force à nouveau le tie-break. En menant 5-2, l’Espagnol se rapproche à nouveau à deux doigts du trophée, mais sa main se crispe, avec une double faute et un revers dans le filet à la clé. Federer obtient une balle de set mais ne parvient pas à la concrétiser. Nadal a deux balles de match mais le Suisse se bat, notamment avec un revers inimitable en retour. L’Helvète gagne au final le tie-break sur le score de 10-8, et le public est bouche bée face à cet épique feu d’artifices tennistique. La décision va tomber au cinquième set. “Je pouvais peut-être perdre”, se souvient Nadal. “Mais je n’allais pas m’effondrer. J’allais frapper fort et me battre jusqu’au bout. Federer pouvait gagner, mais je n’allais pas perdre.”
Je ne pouvais pas voir contre qui j’étais en train de jouer Il est 19h53, heure locale, le score est de 2-2 dans le cinquième set, lorsque la troisième averse de l’après-midi semble venir gâcher la fête. Il ne reste qu’une heure et demie de clarté, et le dénouement de ce fantastique spectacle allait peut-être bien tomber à l’eau. Une demi-heure plus tard, Nadal et Federer sont de retour sur le court. Et comme si de rien n’était,
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ils reprennent le jeu avec la même intensité et la même qualité dans les échanges, confirmant à nouveau que ce sont bien deux extraterrestres qui s’affrontent. À 21h passées, alors que c’est 7-7 au tableau d’affichage, la lumière commence visiblement à baisser. Pour ne rien arranger au suspense palpable (même la technologie HawkEye ne fonctionne plus, faute de clarté), cette évolution ne fait que renforcer la pression sur et en dehors du court. “Je ne pouvais pas voir contre qui j’étais en train de jouer”, ironise Federer. Comme si c’était écrit par les Dieux, Federer doit abandonner sa mise en jeu, et Nadal a l’occasion de servir pour le match, pour ce qui pourrait être le dernier jeu de ce dimanche. Une troisième balle de match est encore sauvée par le tenace Helvète, mais la quatrième balle de match voit un coup droit de Federer s’écraser dans le filet, et Nadal s’écrouler au sol. Wimbledon, après 4h48 d’un spectacle d’exception, a un nouveau champion.
Ce match a vu deux des plus grands rivaux du tennis actuel s’affronter dans une lutte sans scrupules longue de quatre heures et 48 minutes.
Un sentiment incomparable “Impossible d’expliquer ce que je ressens en ce moment”, déclare Nadal après avoir escaladé les gradins pour aller embrasser les membres de son box, avant de revenir vers la loge royale pour recevoir les félicitations de la famille royale espagnole. “C’est un rêve de pouvoir jouer sur ce court, c’est mon tournoi préféré. Mais je n’aurais jamais pu imaginer ça.” Federer fait preuve d’une belle sportivité malgré l’énorme déception. “Rafa mérite ce sacre”, murmure-t-il. “C’est le plus extraordinaire adversaire qui soit, sur le plus beau court qui soit. J’ai tout essayé, c’est dommage de ne pas avoir pu gagner.” Après un moment, Nadal réalisera ce qu’il a accompli. “Le plus important reste d’avoir remporté le titre”, déclare-t-il. “Mais par la suite, on y repense et on réalise qu’on a gagné contre l’un des meilleurs joueurs de l’histoire, qui plus est au terme d’un match au suspense incroyable. Ça me donne un sentiment incomparable, je n’avais jamais ressenti ça de ma vie.” Federer vengera sa déception un an plus tard et prendra sa revanche, en s’imposant encore par deux fois au All England Club. Nadal remportera un second titre à Londres, en 2010 après une finale face à Tomas Berdych. Dix ans après leur finale, et malgré 20 confrontations dans cet intervalle, Nadal et Federer ne se sont plus jamais rencontrés à Wimbledon ou sur gazon.
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Roger Federer vs Andy Roddick Wimbledon, 5 juillet 2009 5-7, 7-6, 7-6, 3-6, 16-14
Pete Sampras, ancien maître absolu du All England Club, est assis au premier rang de la loge royale pour voir Roger Federer battre son record de quatorze titres du Grand Chelem. “Roger est une légende, une icône et un ami”, déclare un Sampras qui en aura pour son argent, avec la plus longue (en termes de jeux) finale de Grand Chelem jamais vue. “Et à partir de maintenant, il est aussi le meilleur joueur de tous les temps.”
“R
oger est un gars que j’adorerais détester, mais il est vraiment trop sympa pour ça.” La géniale sortie d’Andy Roddick est parfaitement adaptée à cette finale spectaculaire lors de laquelle le surpuissant serveur américain est passé tout près de son premier titre à Wimbledon. Roddick, qui avait remporté l’US Open en 2003, avant de se retrouver deux fois en finale de Wimbledon lors des deux années suivantes (avec deux nettes défaites contre Federer), pratique à ce moment sans doute le meilleur tennis de sa vie. Cette année-là, il arrive sans faire grand bruit en quart de finale et survit à un duel endiablé en cinq sets contre Lleyton Hewitt. En demi-finale, il prend joliment le dessus sur le héros local, Andy Murray, en quatre sets. Dans l’autre moitié de tableau, le maestro suisse n’abandonne qu’un petit set pour arriver à sa septième finale de Wimbledon. Dans leurs 20 duels précédents, Roddick n’a pu s’imposer que deux fois contre son rival européen : il entame donc logiquement la finale dans un rôle d’outsider. Lors de ce long dimanche de juillet et de cette finale qui durera quatre heures et quart, Roddick semble pourtant longtemps en mesure de réaliser la plus belle prestation de sa carrière.
Le match d’une vie “C’est un match qui va me suivre pendant le reste de ma vie”, déclarera par la suite Roddick à propos de cette héroïque finale. “Les gens m’accostent au magasin pour commencer à me parler de ce match. C’est un moment dont je suis très fier. Je ne pense pas que j’aurais pu produire un meilleur tennis ou suivre une meilleure tactique pendant plus de quatre heures. C’est le match auquel je repense le plus souvent.” Il n’est pas impossible que ses quatre balles de set dans le deuxième set (et notamment une volée de revers cruciale manquée sur une balle apparemment facile) lui remémorent d’amers souvenirs. Ou ces deux balles de break, servies par Federer, à 8-8 dans le cinquième set… Roddick a tout bien fait… sauf gagner. Dans le 30e jeu du dernier set, l’Américain de 26 ans à l’époque est breaké pour la première fois en 38 jeux de services et doit finalement ravaler sa déception. “Sorry Pete, j’ai vraiment essayé de le retenir encore un peu”, sourit Roddick dans son discours à l’occasion du quinzième titre du Grand Chelem de Roger Federer, soit un de plus que Sampras.
“Roger a simplement un truc en plus” “L’année passée, le sentiment était différent”, déclare Federer en référence à la finale légendaire contre Nadal lors de l’édition précédente. “Il faisait nuit à la fin du match. Les échanges se faisaient aussi du fond du court, et pas seulement au service et en retour. À 13-13 dans le cinquième set aujourd’hui, je me suis dit : ‘Je suis exactement là où je veux être : à quelques points de la victoire.’ On peut toujours envisager les choses négativement, mais c’est important de rester positif. J’y ai cru jusqu’au bout.” Il a également une pensée pour le malheureux Roddick. “Le tennis est parfois cruel”, continue le maître, qui a passé 50 aces à son adversaire. “On le sait bien. Il ne
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faut pas être trop triste. J’ai aussi perdu des finales de Grand Chelem en cinq sets, et ce sont de terribles déceptions. Ça a été le cas sur ce court, l’année passée. Mais je suis revenu et au final, j’ai gagné.” Et Roddick de répliquer : “Oui, mais à l’époque, tu avais déjà cinq titres de Wimbledon à ton palmarès.” Federer sourit et ne peut qu’admettre : “C’est vrai. Mais je pense vraiment qu’Andy a bien joué.” Un sentiment partagé par le compatriote de ce dernier, Pete Sampras. “J’ai mal pour Andy”, déclare le septuple vainqueur de Wimbledon. “C’était sa chance. Ça n’a pas été pour lui. Mais Roger, un vrai champion, a simplement un truc en plus.”
La boucle est bouclée Selon Sampras, Federer a montré ce jour-là qu’il était le meilleur joueur de tous les temps. “Je suis content d’avoir battu son record (de quatorze titres du Grand Chelem)”, rigole l’extraterrestre suisse. “Car c’est quand même le tournoi qui a toujours eu le plus d’importance à mes yeux. Ça donne quand même l’impression que la boucle est bouclée : ça a commencé ici (en 2003), et ça se termine ici.” À ce moment, Fed Express a 27 ans et ne sait évidemment pas qu’il allait encore ajouter (à ce jour) cinq victoires en Grand Chelem à son total, en s’imposant encore deux fois (en 2012 et 2017) à Wimbledon. “Ce n’est pas un record auquel on pense en étant jeune. Pour moi, c’est venu il y a un mois”, plaisante Federer, qui avait célébré quelques semaines auparavant son premier titre à Roland Garros. “C’est un sentiment merveilleux, mais ça n’est pas la raison pour laquelle je joue au tennis. Je ne fais pas ça pour battre différents records. Même si c’est évidemment un chouette plus.”
Le dernier Américain vainqueur d’un Grand Chelem Roddick ne s’approchera plus jamais aussi près du saint Graal. Il se hissera encore deux fois en quart de finale à l’Australian Open et à l’US Open, mais verra ensuite sa carrière tennistique lentement décliner. Le lauréat de 32 titres ATP, également détenteur pendant sept ans du service le plus rapide (249 km/h) du circuit, et actuel dernier vainqueur américain d’un Grand Chelem, rangera sa raquette en 2012. Le jour de ses 30 ans, il annonce sa retraite pendant l’US Open, quelques jours après avoir perdu son tout dernier match en huitième de finale de ‘son’ tournoi, contre Juan Martin Del Potro. Des années plus tard, le mari de l’actrice Brooklyn Decker et Federer reviendront encore une fois sur cette finale mouvementée de Wimbledon 2009. “Ce moment a sans doute été plus dur pour toi qu’il n’a été beau pour moi”, reconnaît Federer. “Je sais ce que tu as fait pour y arriver, et à quel point ça ne doit pas être facile. Mais malheureusement, on ne peut pas toujours tout avoir dans la vie.” Et Roddick de répondre : “Toi, tu peux bien dire ça, misérable égoïste !” C’est évidemment une boutade de la part du Yankee souvent cynique mais jamais avare d’un trait d’esprit. Il est aujourd’hui un analyste très respecté qui n’hésite pas à donner son avis sur d’autres sports. Et ce match d’il y a neuf ans ? Il continuera à le hanter pour le reste de sa vie.
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En terme de jeux, il s’agit de la plus longue finale de Grand Chelem jamais vue.
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Novak Djokovic vs Rafael Nadal Australian Open, 29 janvier 2012 5-7, 6-4, 6-2, 6-7, 7-5 ‘Surhumain’, ‘Surnaturel’, ‘Épique’. Tels sont les termes et titres qui sont ressortis après la plus longue finale de Grand Chelem jamais vue. Pendant ces cinq heures et 53 minutes dans la Rod Laver Arena, Novak Djokovic et Rafael Nadal ont en plus veillé à soigner le spectacle, et les deux joueurs ont passé la ligne d’arrivée en titubant.
L
es membres du Big Four ont répondu présent pour les demi-finales à Melbourne Park. Novak Djokovic, Rafael Nadal, Roger Federer et Andy Murray sont au sommet de leur domination, et les clashs qui les opposent sont des plus épiques. Alors que le Majorquin a disposé de son rival suisse de toujours, le Serbe (alors numéro un mondial) et Murray se sont adonnés à une débauche d’énergie rarement vue de quatre
heures et 50 minutes. Djokovic survit à ce fantastique affrontement en remportant le cinquième set 7-5, mais semble avoir épuisé ses chances de pouvoir conserver suffisamment d’énergie pour être en mesure de perturber le monstre de puissance espagnol 48 heures plus tard. Mais ‘Nole’, 25 ans à l’époque, est à l’apogée de sa forme physique et mentale, sur la lancée des trois titres du Grand Chelem décrochés l’année précédente.
Pendant ces cinq heures et 53 minutes dans la Rod Laver Arena, Novak Djokovic et Rafael Nadal ont livrĂŠ un spectacle hallucinant.
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32 coups
“Bon matin, tout le monde !”
Le ‘point de rupture’ de cette finale incomparable, inhumaine et légendaire est peut-être bien un échange de 32 coups, à 5-4 dans le cinquième set. Toute la Rod Laver Arena se lève (y compris l’homme qui a donné son nom à l’endroit !) pour une ovation venant saluer tant de fougue, de talent et de détermination chez deux protagonistes qui ne calculent pas. C’est le début du dénouement d’un spectacle totalement inédit au cours duquel les deux joueurs vont puiser la dernière once d’énergie, de courage et d’instinct de survie au plus profond de leurs très athlétiques corps. Plus tôt dans l’après-midi, Djokovic a pris l’avantage lors d’un premier set accroché, grâce à son infaillible retour. “Son retour est peut-être le meilleur de l’histoire”, soupire Nadal. “Il le rentre presque tout le temps.” Le maître gaucher de la terre battue n’est évidemment pas en reste en termes de tennis et de combativité. Dos au mur dans le quatrième set, Rafa commence à enchaîner les coups gagnants avec son terrifiant coup droit. Même une courte interruption pour laisser passer une averse ne le coupe pas dans son élan. Il empoche le tiebreak et le public du stade tombe une nouvelle fois de sa chaise. Il est minuit et demi à Melbourne.
Djokovic ne tarit pas d’éloges à propos de son adversaire : “Rafa est un des meilleurs joueurs de l’histoire, et un des joueurs les plus respectés du circuit. Malheureusement, il ne pouvait pas y avoir deux vainqueurs aujourd’hui. Mais j’espère pouvoir encore jouer de nombreuses rencontres comme celle-ci.” Tout le monde ne sera peutêtre pas entièrement d’accord. Les rituels respectifs des deux joueurs avant de servir ont fait que Djokovic, avec ses interminables rebonds, et Nadal, avec ses différents tics, ont pris un maximum de temps (et parfois plus) entre chaque point. Mais ce sont aussi leurs styles de jeu respectifs qui ont permis de déboucher sur ce record de la plus longue finale de Grand Chelem jamais vue. Et comme si ça ne suffisait pas, les sponsors et personnalités en présence font traîner les choses par la suite, pour donner la plus longue cérémonie de clôture de tous les temps. Après tant d’efforts déployés, Djokovic et Nadal tiennent à peine sur leurs jambes, et deux chaises sont amenées juste à temps pour éviter que les deux héros ne succombent aux crampes. “Bon matin, tout le monde !”, blague Djokovic au moment de recevoir son chèque.
1h37 Après deux semaines de tournoi du Grand Chelem, avec des demi-finales éprouvantes dans les jambes et après quatre heures à peiner en pleine nuit, n’importe quel joueur aurait tendance à raccourcir les débats au moment de conclure un cinquième set. Mais pas les inflexibles champions que sont Nadal et Djokovic. Les échanges se font encore plus intenses et la pression va crescendo. À 2-4, des brèches semblent apparaître dans le mur serbe, mais Djokovic reprend immédiatement le service de Nadal. Plus encore, il réalise à nouveau le break sur le service de l’Espagnol à 5-5, pour ensuite conclure le match sur son service avec froideur, mais dégoulinant de transpiration, en ayant tout de même dû écarter une balle de break d’un coup droit décroisé. Magistral. Après s’être effondré au sol pour se remettre des premières émotions, Djokovic trouve encore les réserves nécessaires pour déchirer son T-shirt en deux et montrer ses biceps à un public australien en liesse. Djokovic a défendu son titre à l’Australian Open et montré qu’il est le numéro un absolu parmi le Big Four. Il est 1h37 du matin.
Travailler à en pleurer Djokovic avait clairement d’autres choses à l’esprit pendant cette invraisemblable finale. “J’ai juste essayé de reprendre un peu mon souffle entre les points”, sourit le demi-dieu serbe. “Des milliers de pensées me passaient par la tête et j’ai essayé de faire le tri entre les bonnes et les mauvaises, pour donner priorité au point suivant. J’affrontais un des meilleurs compétiteurs de tous les temps, un joueur avec une force mentale incroyable. Il jouait à quitte ou double.” Et ce fut ‘quitte’ pour Nadal. “Je me rends compte que ça a été un match spécial”, murmure Rafa. “Un match dont je vais me souvenir longtemps. Pas seulement parce que j’ai perdu, mais aussi pour la manière dont nous avons joué.” Djokovic a de son côté empoché son cinquième titre du Grand Chelem. “Le fait de réaliser ça après la plus longue finale de Grand Chelem jamais vue me donne envie de pleurer”, déclare-t-il. “C’est pour ce genre de matchs que nous travaillons tous les jours. Nous donnons nos vies pour le sport. Et ça me donne aussi beaucoup de fierté.” Quelques mois plus tard, Nadal prendra sa revanche à Roland Garros en battant Djokovic en quatre sets. Les deux surhommes continueront à dominer le monde du tennis pendant un moment, et ils comptent encore aujourd’hui, avec respectivement treize et dix-sept titres du Grand Chelem décrochés, parmi les meilleurs joueurs à avoir jamais foulé un court de tennis.
Roger Federer vs Rafael Nadal Australian Open, 29 janvier 2017 6-4, 3-6, 6-1, 3-6, 6-3 Ce sacre est peut-être l’un des plus beaux titres du Grand Chelem pour Roger Federer. Il faut dire que ce cinquième trophée Norman Brooks est sorti un peu de nulle part, après une blessure qui l’avait écarté des courts pendant six mois l’année précédente. Battre son plus grand rival lors d’une finale à couper le souffle est la cerise sur le gâteau.
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L
e fait qu’il soit mené 11-23 dans ses confrontations directes avec Rafael Nadal ne semble pas inquiéter Roger Federer outre mesure au moment de débuter sa sixième finale à Melbourne Park. Le Suisse de 35 ans est avant tout étonné d’avoir été en mesure de retrouver le bon rythme aussi rapidement après sa blessure au genou de l’année précédente. Avec seulement quelques matchs joués à la Hopman Cup, le maître suisse avait peu de points de repères auxquels se fier. Federer entame pourtant son 18e Australian Open comme s’il n’avait jamais dû s’arrêter, et grandit dans le tournoi. En huitième de finale, il survit à une rude confrontation en cinq sets contre Kei Nishikori, et le thriller en cinq sets de sa demi-finale contre son compatriote Stan Wawrinka ne lui donne pas vraiment un moment de répit. Dans l’autre moitié de tableau, Nadal doit aussi batailler dur pour accéder à la finale. Au troisième tour, il se sort des griffes de la star montante Sascha Zverev, et personne ne comprend vraiment comment il a pu faire taire un Grigor Dimitrov déchaîné en demi-finale. La finale de rêve pour l’Australian Open est un fait, et elle va se dérouler entre deux surhommes qui ont eux-mêmes du mal à croire qu’ils se retrouvent là.
De cordiales retrouvailles Deux ans se sont écoulés depuis la dernière confrontation entre Federer et Nadal. Des blessures en 2016 avaient entaché les saisons des deux joueurs, et les retrouvailles sont donc cordiales. Les deux ténors s’étaient auparavant affrontés à trois reprises à Melbourne Park, et Nadal s’était à chaque fois imposé. La machine majorquine a donc aussi une légère faveur dans les pronostics pour ce 25e duel. A fortiori parce qu’il faut remonter pas moins de cinq ans en arrière (et Wimbledon 2012) pour retrouver trace du dernier trophée du Grand Chelem soulevé par le maestro suisse. Rattrapé par le temps qui passe et la puissance de ses concurrents, la tendance au sein du monde du tennis voulait que Federer glisse doucement vers la fin de sa carrière. Au cours des quatre années précédentes, il n’avait même plus atteint la moindre finale de Grand Chelem, et ses chances de succès semblaient donc réduites. Aidé par son élégance naturelle et son respect pour les gloires australiennes, il peut néanmoins vite compter sur le soutien de toute la Rod Laver Arena, désireuse de le voir réaliser un nouveau ‘coup d’éclat’.
Une victoire inattendue, après une blessure qui l’avait écarté des courts pendant six mois l’année précédente. Des montagnes russes Federer entame sans pression cette ‘affiche’ (les tickets pour ce match se sont échangés au marché noir à Melbourne pour 10 750 euros) et remporte le premier set après 34 minutes de jeu. Il réalise plus de coups gagnants que Nadal, et son service bien en place lui permet de tenir les échanges. L’Espagnol de 30 ans à l’époque riposte néanmoins et rend la monnaie de sa pièce à son adversaire. Il intensifie les débats (comme on peut le voir aux gouttes de sueur qui perlent sur son front) et perce rapidement la défense suisse. À 4-0, les échanges inimitables s’enchaînent, avant de voir Nadal égaliser à un set partout, sur le score de 6-3. Mais tout qui pensait que Federer était fini allait vite déchanter. Revenu de nulle part, il commence à faire des miracles en coup droit (avec 18 coups gagnants !) et semble en mesure d’enterrer Nadal. Mais l’Espagnol a bâti sa carrière sur sa capacité à toujours rebondir dans l’adversité. Il remporte le quatrième set 6-3 et a le vent en poupe. Avant de débuter le set décisif, Federer prend un temps mort pour essayer de briser la dynamique de Nadal, mais il est rapidement breaké et, mené 1-3, il semble que ce 18e titre du Grand Chelem va lui glisser entre les doigts.
Deuxième joueur le plus âgé après Ken Rosewall Au vu de sa façon de batailler pour revenir dans le match, Federer donne néanmoins l’impression d’être habité par les dieux du tennis. C’est le début de minutes de suspense au cours desquelles Nadal va gaspiller ses opportunités de break les unes après les autres, avant de devoir finalement céder face à la suprématie de son opposant.
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Après un break qui brise littéralement Nadal, la balance penche à nouveau en faveur du Suisse. Le frappeur gaucher semble soudain passablement fatigué et, avec une double faute, il met Federer sur la voie d’une victoire en Grand Chelem aussi inattendue que bienvenue. Le public de la Rod Laver Arena devient complètement fou après ce fantastique cinquième set, et voit en plus son favori s’imposer. Federer devient ainsi le deuxième joueur le plus âgé à remporter un Grand Chelem, juste derrière Ken Rosewall (37 ans). “Aucun de nous deux n’aurait pu croire que nous nous retrouverions en finale”, déclare Federer à l’issue de cet affrontement entre les neuvième et dix-septième têtes de série. “En fait, j’aurais perdu avec plaisir : mon retour était déjà parfait comme ça.”
“Le soutien ici est extraordinaire” Malgré tout, le Suisse est évidemment heureux de ce nouveau sacre. Surtout après cinq années difficiles. “La magnitude de ce match peut seulement être comparée à celle de Roland Garros 2009”, continue Federer. “Et j’ai dû attendre des années pour y arriver. J’ai essayé, je me suis battu, mais j’ai échoué. Au final, j’empoche enfin le titre. Cela me procure un sentiment incomparable.” Au classement des titres du Grand Chelem, Federer reprend ses distances par rapport à son rival ibérique. “C’est moins important à mes yeux”, précise Fed Express. “Pour moi, l’important était de revenir, pour rejouer une finale d’anthologie avec Rafa. Le fait de pouvoir le faire ici, en Australie (le pays d’origine de ses premiers coachs, le regretté Peter Carter et Tony Roche), me remplit de gratitude. Le soutien que m’apporte ma popularité ici est extraordinaire. Pouvoir à nouveau gagner un Grand Chelem, à mon âge et après cinq ans sans victoire, m’apporte beaucoup de satisfaction.” Federer confirmera sa résurrection avec une huitième victoire à Wimbledon, alors que Nadal dominera cette année-là les débats à Roland Garros et l’US Open. Le dynamique duo est bel et bien de retour au sommet, et tout le monde y repensera à deux fois avant d’enterrer ces deux immenses champions. Federer a entretemps défendu avec brio son titre à l’Australian Open, alors que Nadal s’est imposé pour la onzième fois à Paris. L’extraordinaire est devenu le quotidien pour ces deux icônes du tennis.
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Jennifer Capriati vs Kim Clijsters Roland Garros, 9 juin 2001 1-6, 6-4, 12-10 Un match digne des livres des records ; un duel qui restera dans les annales et une évolution du score à faire vaciller les cœurs moins bien accrochés. Ce samedi-là, sous une chaleur accablante, Kim Clijsters et Jennifer Capriati ont sans doute livré à Paris le plus beau et à tout le moins le plus long set décisif d’une finale dames à Roland Garros.
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endant deux heures et 21 minutes, la Limbourgeoise d’à peine 18 ans et l’Américaine de sept ans son aînée ont captivé un public du court Philippe Chatrier conquis par ce thriller mêlant tennis de haut vol, esprit combatif et dénouement à couper le souffle. On n’avait jamais joué autant dans un troisième set d’une finale des Internationaux de France : 22 jeux disputés. Le fait que la tension et la pression inhérentes à un tel événement aient à peine affecté le niveau de jeu a montré et démontré que les deux joueuses, et particulièrement la néophyte Clijsters, étaient de la trempe des grandes championnes. L’adolescente originaire de Brée entame d’ailleurs sa première finale de Grand Chelem pied au plancher. Avant que Capriati, auteure cette année-là d’un impressionnant come-back au cours duquel elle avait déjà remporté la victoire finale à l’Australian Open, ne réalise vraiment bien quelle était cette tornade face à elle, Clijsters a déjà empoché le premier set, 6-1. La Belge pilonne son adversaire de coups précis, avec un tennis offensif et une totale absence de scrupules lors de ce qui est pourtant le tout premier grand rendez-vous de sa carrière. Elle étale toute sa palette de talents et balade l’Américaine aux quatre coins du court. “Pourtant, j’étais nerveuse”, sourira-t-elle des années plus tard. “Pour la première fois, je réalisais ce que c’était de se retrouver parmi les deux dernières joueuses d’un tournoi du Grand Chelem. Mais la nervosité a disparu après le premier échange. À ce moment-là, je ne pensais plus au nombre de personnes qui suivaient le match en Belgique. Mais cette pensée m’est quand même revenue lorsque je me suis rendu compte que je pouvais gagner. Je n’étais peut-être pas encore vraiment prête pour un premier titre du Grand Chelem.”
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77 minutes de tension pour arriver à une ola Capriati n’est par ailleurs pas née de la dernière pluie. À 25 ans, elle est déjà une tenniswoman éprouvée qui en a vu d’autres, dans la montagne russe qui a fait sa carrière. Elle voit aussi que la tornade belge s’estompe quelque peu en début de deuxième set. L’ex-compagne de Xavier Malisse cherche alors moins les coins et choisit de frapper en force au milieu du court. Clijsters ne trouve pas directement la réponse à cette nouvelle approche tactique et voit Capriati s’éloigner à 4-2 et ramener l’égalité en remportant le set 6-4. Les tribunes, pleines à craquer avec notamment quelques personnalités belges de premier plan, comme le Prince Philippe et le Premier ministre Louis Michel, peuvent se rassoir, car les deux protagonistes vont continuer à leur régaler les yeux. Clijsters et Capriati laissent fondre la tension comme une glace au soleil de cette chaude journée de printemps.
placer par une belle fierté, agrémentée de la certitude d’avoir été les témoins de la prestation d’une superstar et numéro un mondiale en devenir. Et ce alors que la meilleure joueuse de terre battue de Belgique, voire du monde (Justine Henin) avait butté de manière inattendue sur cette même Clijsters et que notre petit pays pouvait voir double en envisageant une décennie de victoires majeures. “J’ai le cœur brisé”, déclare ce jourlà Clijsters alors qu’elle remercie pour la première et d’ailleurs dernière fois le public de Paris en français. “Mais j’ai donné tout ce que j’avais jusqu’à la dernière seconde. J’ai le sentiment d’avoir beaucoup travaillé la balle, de l’avoir placée dans tous les coins du court et d’avoir bien servi. Je crois que je n’ai pas grand-chose à me reprocher. Bien sûr que je suis déçue, mais je me suis amusée à 100 % lors de ce match.” Elle n’était pas la seule.
J’ai le cœur brisé, déclare ce jour-là Clijsters alors qu’elle remercie pour la première et dernière fois le public de Paris en français.
Elles s’affrontent à armes égales et cela donne des échanges sans pitié lors desquels aucune des deux ne veut se laisser dominer ou même reculer d’un pouce. Dans ce set marathon, Clijsters se retrouve par deux fois à deux points de son premier titre du Grand Chelem, mais Capriati ne lâche rien. À l’inverse, la compagne de l’époque de l’Australien Lleyton Hewitt, qui se trouvait d’ailleurs aux côtés du coach Carl Maes dans le box de la joueuse, doit se battre pour se sortir de situations délicates. Ce fantastique set décisif va au final durer 77 minutes, une conclusion idéale pour la 100e édition de Roland Garros. Les spectateurs apprécient le spectacle et lancent spontanément une ola, une pratique encore assez rare autour des courts de tennis de l’époque.
“J’ai tout donné jusqu’à la dernière seconde” Au final, Capriati doit encore servir une seule fois pour la victoire finale. Un coup droit long de ligne de l’Américaine vient sceller le destin de la fille aux boucles blondes du footballeur Lei Clijsters. Alors que Capriati continue ses sauts de joie, une bonne partie du public aux couleurs belges ravale sa désillusion pour la rem-
Surréalisme à l’américaine
Pour Capriati, c’est un rêve qui se réalise et un dénouement incroyable pour son improbable carrière. En 1990, elle avait déjà été la plus jeune (quatorze ans) demi-finaliste de Roland Garros. Onze ans et quelques tumultueux épisodes plus tard, elle remporte son deuxième titre du Grand Chelem (sur trois au total). “C’est surréaliste”, déclare alors l’ancien enfant prodige qui a dû lutter contre des dépressions, le burn-out et une aversion passagère pour le tennis. “J’ai lutté comme si ma vie en dépendait et, au final, ça a payé. Je sens que les gens sont heureux pour moi, et ça me rend aussi heureuse. J’ai laissé le passé derrière moi. Je n’y pense plus. C’est cet instant, ici et maintenant, qui compte.” Capriati atteindra encore deux fois le dernier carré à Paris (en 2002 et 2004) mais ne se rapprochera plus jamais du titre. Cela vaut aussi pour Clijsters, qui atteindra encore une fois la finale de Roland Garros (en 2003) mais ne pourra alors rien contre l’hégémonie de Justine Henin. Cet épique classique du tennis féminin mérite néanmoins une place particulière dans son palmarès. C’est le début officiel de l’âge d’or du tennis belge. Via Paris, Clijsters et Henin ont conquis le monde entier. Bree, la ville d’où est originaire Clijsters, célèbrera aussi le retour de sa nouvelle star du tennis avec une belle fête populaire. Ce ne sera pas la dernière fois pour la Limbourgeoise.
Justine Henin vs Kim Clijsters Australian Open, 31 janvier 2004 6-3, 4-6, 6-3 Au sommet de leur domination, Justine Henin et Kim Clijsters ont joué trois finales de Grand Chelem d’affilée, et ont proposé cette merveille de match à Melbourne : un duel en trois sets passionnant et divertissant, un soupçon de controverse et une lauréate logique.
J
ustine Henin et Kim Clijsters se sont affrontées 25 fois. Ce n’est qu’à la fin de la seconde partie de leurs carrières respectives que la Limbourgeoise réussira à dépasser d’un rien (13-12) sa rivale du sud du pays. Mais au début de leur ascension vers les sommets du tennis, c’est bien Henin qui distribue les coups dans les moments importants. En 2003, ‘Juju’ remporte facilement les finales de Roland Garros et de l’US Open (où elle venait pourtant tout juste de récupérer d’une demi-finale terriblement éprouvante contre Jennifer Capriati) et semble avoir pris un ascendant mental sur Clijsters. Cette dernière est alors numéro un mondiale mais son bilan vierge en finales de Grand Chelem (0/3) pèse sur ses solides épaules et commence à lui trotter dans la tête. À l’Australian Open, Clijsters s’offre une nouvelle opportunité de faire taire les critiques et de montrer qu’elle peut résister à la pression et au tennis de Henin.
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Grandes finales
Numéros un et deux au monde
In ou out ?
Après tout, Kim peut-elle rêver d’un meilleur endroit que l’Australie pour réaliser ce rêve ? En tant que compagne de Lleyton Hewitt, ‘Aussie Kim’ est quasiment adoptée par le public local, et ce soutien se ressent aussi pendant la finale. Dans leur (déjà) 18e confrontation directe (Henin et Clijsters ont à ce moment respectivement 21 et 20 ans et sont les numéros un et deux au classement mondial), les attentes semblent à nouveau trop élevées pour Clijsters. Dans le premier set, Henin-Hardenne (son ex-mari Pierre-Yves se trouve à côté de son coach Carlos Rodriguez dans la tribune) fait deux fois le break sur le service de la native de Brée, alors que des fautes superflues empêchent Clijsters de déployer son jeu agressif. Plus encore, Henin semble lancée et prend une avance a priori confortable à 6-3, 4-2. Mais c’est le moment choisi par Clijsters, soutenue par les bruyants encouragements de la Rod Laver Arena, pour resserrer les boulons dans cette position presque désespérée et laisser derrière elle toutes ses appréhensions. Elle accélère et dépasse Henin en enchaînant les points avec un tennis offensif et risqué, pour aligner quatre jeux d’affilée. Tout est à refaire sur la surface verte Rebound Ace de Melbourne Park.
Dans le set décisif, Henin prend à nouveau le meilleur départ et, grâce à son élégant revers à une main et une mentalité de vainqueur qui la pousse à ne pas abandonner, s’envole à 4-0. Malgré tout, Clijsters revient une fois de plus dans la partie et parvient à recoller à 4-3, ce qui ne gâche rien à la qualité du match pour un public conquis par le spectacle. Dans le huitième jeu, sur une balle de break en faveur de Henin, ces mêmes spectateurs voient leur favorite victime d’une injustice. Clijsters enchaîne les frappes et domine l’échange, avant de voir sa volée de conclusion flirter dangereusement avec la ligne de fond de court. Henin voit la balle dehors et l’indique d’un signe du doigt à l’arbitre de chaise. La Française Sandra de Jenken entend l’espoir de Henin et corrige d’un overrule le juge de ligne en donnant la balle out. À ce moment, la technologie Hawk-Eye n’est pas encore présente sur le circuit, et Henin, qui ne s’est pas assuré une belle cote de popularité auprès des supporters australiens, réalise le break. Les huées perturbent le match pendant plusieurs minutes, mais Henin fait preuve de sang-froid en remportant facilement son jeu de service et le match, au terme duquel elle tombe à genoux sous l’émotion et inscrit son troisième titre du Grand Chelem à son illustre palmarès.
Une lauréate logique
de laquelle les deux joueuses parviennent au même moment à proposer leur meilleur tennis. Clijsters empoche la victoire, mais c’est Henin qui atteindra la finale de l’Australian Open quelques semaines plus tard. Elle s’incline en trois sets face à Serena Williams. Un an plus tard, c’est au tour de Clijsters d’enfin se retrouver à la fête dans la Rod Laver Arena, après avoir battu Na Li en trois sets lors de la finale. ‘Aussie Kim’ inscrit finalement son nom au palmarès du tournoi. Pour Henin, cette levée australienne du Grand Chelem a un arrière-goût bien plus amer. Elle perd au troisième tour contre Svetlana Kuznetsova, pour ce qui restera son tout dernier match professionnel. Une blessure au coude contractée six mois auparavant à Wimbledon, de manière bien ironique dans un match contre Kim Clijsters, l’oblige à faire ses adieux au tennis. Son titre lors de l’Australian Open en 2004 n’est dans ce contexte que l’un des temps forts dans la vie de l’une des plus grandes sportives belges de tous les temps.
Les deux superstars ne se rencontreront plus jamais lors d’une finale de Grand Chelem.
“Je ne suis pas du genre à me plaindre après un match”, déclare Clijsters à l’issue de cette passionnante finale. “Mais j’avais vraiment le sentiment que cette balle était in, et je suis donc aussi déçue que l’arbitre de chaise ait corrigé le juge de ligne. Mais bon, tout le monde fait des erreurs.” Henin est plus mesurée dans ses propos. “À ce moment, je dois absolument gagner un jeu. C’était un point-clé. L’arbitre de chaise semblait aussi sûre de son fait. Mais au fond, je ne veux pas trop me tracasser avec tout ça.” Fin de discussion. En 2011, lors d’une interview à la RTBF qui revient sur cette finale, Henin admettra que la balle avait bien touché la ligne. Reste la question de savoir si cela aurait changé quelque chose au score final. La dynamique du match aurait bien pu être en faveur de la Limbourgeoise, mais Henin a bâti une carrière sur sa capacité à rester calme dans des situations compromises avant de revenir dans des matchs qui semblaient perdus. Elle reste donc malgré tout la lauréate logique de l’Australian Open et est à ce moment la numéro un absolue du tennis féminin.
Compensation tardive pour Clijsters Il reste particulier que les deux superstars, en raison d’une blessure au poignet pour Clijsters et d’une maladie pour Henin, mettront un an et demi avant de s’affronter à nouveau, et elles ne se rencontreront plus jamais lors d’une finale de Grand Chelem. Les deux femmes prendront aussi une pause quelques années plus tard, avant de revenir plus ou moins au même moment sur le circuit. Une de leurs premières rencontres dans la seconde partie de leur carrière se déroule aussi sur le sol australien : à Brisbane, elles jouent une finale fantastique lors
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Kim Clijsters vs Na Li Australian Open, 29 janvier 2011 3-6, 6-3, 6-3
“Vous pouvez m’appeler Aussie Kim.” Kim Clijsters réalise un grand rêve maintes fois postposé le jour où elle remporte de haute lutte la finale contre Na Li pour décrocher son premier titre à l’Australian Open. Deux favorites du public local au sommet de leur art qui s’affrontent dans la Rod Laver Arena : difficile de rêver mieux pour profiter d’un beau samedi soir à Melbourne.
S
erena Williams qui se retire en raison d’une blessure au pied, alors que Caroline Wozniacki et Vera Zvonareva sont les deux premières têtes de série à Melbourne Park : cela ouvre quelque peu les perspectives pour Kim Clijsters. Non seulement elle avait battu la Danoise aux boucles blondes en 2009 à l’occasion d’un fracassant retour par la grande porte lors de la finale de l’US Open, mais elle avait aussi parachevé cette prouesse l’année suivante, toujours à New York, en privant Zvonareva d’un premier titre du Grand Chelem. Clijsters fait logiquement partie des favorites et, jusqu’en demi-finale, tout se passe sans encombres pour la maman de 28 ans (qui inflige au passage à l’ex-numéro 1 mondial Dinara Safina un double 6-0 au premier tour !). En compagnie de Wozniacki et Zvonareva, Clijsters atteint donc pour la quatrième fois le dernier carré, où la Chinoise Na Li fait un peu figure de surprise du chef. La dernière protégée en date de Carlos Rodriguez (ce tournoi est par ailleurs le dernier pour Justine Henin, forcée de se retirer en raison d’une blessure au coude) profite du tournoi australien pour marquer le début de sa percée. Quelques mois plus tard, Na Li gagnera à Paris son premier titre du Grand Chelem.
Une Na Li pleine d’humour À Melbourne, outre ses hordes de fans asiatiques, Na Li a su gagner le cœur de nombreux spectateurs australiens en faisant tout son possible, sur le court après ses matchs, pour donner des interviews hilarantes lors desquelles elle ne manque jamais d’égratigner son mari, qui endossait aussi les rôles de coach et de sparring-partner. Ainsi, après sa victoire en demi-finale contre Wozniacki, elle confie qu’elle n’avait pourtant pas très bien dormi, à cause de son mari qui ronflait trop bruyamment. La combinaison de cette divertissante spontanéité avec un tennis pur, attrayant et offensif, finit de convaincre et fait que le jour de la finale, les deux protagonistes peuvent compter sur un soutien quasiment équivalent de la part des supporters australiens dans les tribunes. Clijsters est évidemment un peu comme à la maison à Melbourne (Li ne manquera d’ailleurs pas de déclarer après la rencontre qu’elle avait eu l’impression qu’il n’y avait qu’un public belge dans l’enceinte) et, malgré le fait que sa relation avec Lleyton Hewitt faisait partie du passé depuis un moment déjà, la Limbourgeoise est toujours considérée comme une joueuse du pays.
Une Clijsters qui a les crocs
Une tenue pour l’occasion
Na Li, 29 ans, est bien sûr un peu nerveuse pour sa toute première finale de Grand Chelem, et les huit premiers points du match tombent du côté limbourgeois. Mais une fois passée cette nervosité, l’icône sportive venue d’Asie est la meilleure joueuse sur le court. Avec son tennis varié et élégant, elle domine une Clijsters qui doit utiliser trop souvent à son goût son célèbre grand écart, signe qu’elle est forcée de jouer sur la défensive.
“Je suis vraiment très heureuse”, déclare une Clijsters en larmes après avoir empoché son quatrième titre du Grand Chelem. “Ça a été un match intense et vraiment dur. Au début, Li m’a vraiment débordée. Mais après ce premier set, je suis bien revenue dans le match. À partir du deuxième set, je suis parvenue à mieux varier mon tennis. J’ai de temps en temps joué une balle plus haute, et ça m’a aidée au cours du match, en me permettant d’utiliser mon coup droit avec une plus grande agressivité. Cette victoire représente vraiment beaucoup pour moi. À partir de maintenant, le public australien peut vraiment m’appeler ‘Aussie Kim’.” À l’issue du tournoi, Clijsters indique qu’elle est engagée dans ce qui serait sa dernière saison complète sur le circuit (elle prendra sa retraite après l’US Open 2012) car l’envie d’agrandir sa famille s’était déjà manifestée, et elle avait maintenant rabattu le clapet de ses détracteurs. Après avoir perdu ses quatre premières finales de Grand Chelem, ce qui lui avait valu l’étiquette d’une joueuse paralysée par la pression, elle a à ce moment prouvé qu’elle pouvait bel et bien être considérée comme l’une des meilleures joueuses de tous les temps. Et elle avait en plus réalisé cet exploit en étant maman. C’était d’ailleurs la raison qui avait encouragé Fila à la vêtir d’une tenue semblable à celle avec laquelle l’Australienne Evonne Goolagong Cawley avait remporté deux titres du Grand Chelem en étant déjà maman, 40 ans auparavant. Li Na, aujourd’hui également maman de deux jeunes enfants, a par la suite regagné les cœurs du public local, et aussi celui de son mari. Dans son discours après la finale, elle déclare d’ailleurs : “Peu importe si tu es large ou fin, beau ou laid. Je t’aimerai toujours.” Une belle déclaration appréciée à sa juste valeur par son mari, Jiang Shan.
Avec un break lors du septième jeu, Li traduit aussi cette domination dans les chiffres et, après 38 minutes, elle empoche le premier set. La physionomie du match n’évolue guère dans le deuxième set, et Clijsters continue à courir après de nombreuses balles. La native de Brée comprend alors parfaitement qu’elle doit choisir ses moments pour également prendre l’initiative, sous peine d’être une véritable souris pour le chat. De longs et intenses échanges s’enchaînent. Les deux femmes ne reculent pas d’un pouce et prennent tour à tour le service de l’adversaire. C’est de nouveau lors du septième jeu que Clijsters, avec quelques coups droits bien placés, parvient à fissurer la muraille chinoise. Elle saisit parfaitement sa chance et rétablit l’égalité au marquoir. La maman de Jada, soutenue depuis son box par son coach Wim Fissette, l’ostéopathe Sam Verslegers, son mari Brian Lynch et son oncle Jan, sent à présent l’odeur du sang et, avec quelques coups spectaculaires, montre les crocs pour prendre d’emblée le service de Na Li. Elle s’envole de 4-1 à 5-2, avant de laisser passer un jeu et de finir le travail. Un dernier puissant coup droit de Li atterrit juste derrière la ligne, permettant ainsi à une Clijsters toute de vert vêtue de fondre en larmes de bonheur. Elle remporte enfin le trophée Daphne Akhurst ; elle est enfin vraiment ‘Aussie Kim’.
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En 2012, Clijsters participera pour la dernière fois au tournoi de Melbourne, où elle s’arrêtera en demi-finale contre Viktoria Azarenka, qui sera aussi sa dernière adversaire. La chouchou du public était alors très affaiblie des suites d’une grave blessure à la cheville encourue lors d’un huitième de finale absolument fantastique qui l’avait opposée à… Na Li.
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Maria Sharapova vs Simona Halep Roland Garros, 7 juin 2014 6-4, 6-7, 6-4 “Je bouge sur terre battue comme une vache sur de la glace” Tels sont les mots prononcés par Maria Sharapova en 2007 et entretemps entrés dans la légende, qui témoignaient alors du fait qu’un titre à Paris, malgré quelques demi-finales en cours de route, semblait encore bien illusoire. Aujourd’hui pourtant, la Russe a deux coupes Suzanne Lenglen dans son armoire à trophées et, de ces deux titres, le plus récent, acquis contre la spécialiste de la terre battue Halep, a sans doute été le plus difficile.
“C
’est la finale de Grand Chelem la plus difficile que j’aie jamais jouée”, déclare Maria Sharapova après le marathon de trois heures et deux minutes qu’elle venait de remporter contre Simona Halep lors d’un samedi d’une chaleur étouffante dans la capitale française. “Tout le mérite en revient à Simona, qui a joué un match incroyable.” Incroyable oui, mais insuffisant pour mater la combativité de la sirène sibérienne sur le terrain. Lors de cette édition de Roland Garros, Sharapova a dû aller au troisième set dans ses quatre derniers matchs. Pour Halep, 22 ans, il s’agit certes de sa toute première finale en Grand Chelem, mais elle reste sur le papier la meilleure joueuse de terre battue des deux. Sharapova peut cependant se targuer d’un premier succès Porte d’Auteuil (après une finale facilement remportée contre Sara Errani) ainsi que d’une finale perdue en 2013 contre Serena Williams. Un an plus tard, elle fait preuve de cette combativité incomparable qui a fait toute sa réputation, tout en profitant de l’absence de vraies spécialistes de la terre battue et de l’élimination prématurée de Serena Williams pour aller aussi loin dans le tournoi.
Le premier set décisif depuis treize ans C’est Halep qui prend le meilleur départ en remportant les deux premiers jeux. Elle est cependant vite dépassée par les coups de butoir de Sharapova, assénés à grands cris. Les échanges sont dès le début très rapides, ce qui fait que la plus grande puissance de la Russe est contrée par la vitesse et le touché de la Roumaine. C’est pourtant bien Sharapova qui, après 58 minutes d’une rare intensité, remporte le premier set. Pas de grande révolution dans le scénario du deuxième set : Sharapova et Halep se tiennent toujours dans un mouchoir de poche. À 5-3, le cinquième titre du
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Grand Chelem semble acquis pour ‘Masha’, 27 ans à l’époque, mais elle commet alors quatre fautes incompréhensibles. Halep saisit sa chance et remporte le deuxième set au tie-break, sous les bruyants encouragements du public franco-roumain. Pour la première fois depuis 2001 (Capriati contre Clijsters), la finale de l’Open de France va se jouer au troisième set. Alors qu’elle mène 4-3, Sharapova écope d’un avertissement pour gain de temps et commet une double faute (sa douzième au total !), permettant ainsi à une Halep accrocheuse de conserver un peu d’espoir.
Elle inscrit pour la seconde fois son nom au palmarès du tournoi du Grand Chelem pour lequel elle semblait pourtant la moins bien armée pour prétendre à la victoire. Cependant, la blonde diva relève une fois de plus la tête et met une énorme pression dans de puissants retours, pour se détacher à 5-4 et servir pour le gain de sa seconde coupe Suzanne Lenglen. Sharapova s’en sort au courage. Après un peu plus de trois heures à peiner, elle tombe à genoux et peut laisser couler ses larmes. Elle inscrit pour la seconde fois son nom au palmarès du tournoi du Grand Chelem pour lequel elle semblait pourtant la moins bien armée pour prétendre à la victoire. Ça n’est pas si mal, pour une vache sur de la glace.
Dix ans après son premier succès “Si on m’avait un jour dit que je remporterais plus de titres à Roland Garros que dans n’importe quel autre tournoi du Grand Chelem, je serais probablement partie me saouler”, sourit Sharapova. “On ne naît pas avec un talent naturel pour la terre battue. Enfin, si, Rafael Nadal peut dire ça. Mais certainement pas moi. Je n’ai pas grandi sur la terre battue, je ne jouais jamais sur cette surface. J’ai dû apprendre par moi-même pour devenir
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performante.” Dix ans après sa première victoire en Grand Chelem à Wimbledon, Sharapova a toujours soif de titres. Elle en retire une belle fierté, à fortiori en sachant qu’elle n’avait pu jouer qu’un seul match entre juillet et décembre 2013, en raison d’une grave blessure à l’épaule. “C’est une victoire tellement émouvante dans ma carrière”, ajoute-telle. “J’ai déjà joué de nombreuses finales de Grand Chelem (10), et chacune a une saveur particulière. Mais maintenant que je suis un peu plus âgée, j’ai appris à vraiment apprécier ces moments.” Halep a d’ailleurs aussi ressenti cette différence en termes d’expérience : “J’ai éprouvé beaucoup de difficultés pour canaliser mes émotions avant le match. C’était un rendez-vous de taille pour moi : ma première finale de Grand Chelem. J’ai essayé de rester calme en me disant que c’était comme une finale normale, dans un petit tournoi. J’ai pleuré quelques minutes après avoir perdu, mais j’ai ensuite retrouvé le sourire. Je peux être heureuse de ce que j’ai accompli lors de ces deux dernières semaines. Je ne vais néanmoins jamais oublier ce match. Ma tactique était en place, j’ai trouvé de bons angles et je frappais bien la balle. Mais elle bougeait bien.”
J’ai déjà joué de nombreuses finales de Grand Chelem et chacune a une saveur particulière. Mais maintenant que je suis un peu plus âgée, j’ai appris à vraiment apprécier ces moments.
Halep aura son tour La vache sur la glace a connu une métamorphose. “Ce tournoi représente tellement pour moi”, réalise Sharapova. “Enfant, c’était le tournoi que j’ai toujours voulu remporter.” Elle peut comme souvent remercier sa mentalité de battante. Son marathon contre Halep est sa 20e victoire en trois sets de suite sur terre battue. Sa dernière défaite en trois sets sur terre date du troisième tour de l’édition 2010 de Roland Garros, contre Justine Henin. C’est parallèlement le début de la fin pour Sharapova. En 2015, la reine des glaces atteindra quand même encore la finale de l’Australian Open et la demi-finale de Wimbledon mais, quelques mois plus tard, elle est surprise à Melbourne en possession de Meldonium, un produit interdit. Son retour après un an et demi de suspension se fait dans la douleur. Pour ne rien arranger, et malgré ses deux succès en terres parisiennes, Sharapova ne reçoit pas de wild card pour participer à Roland Garros. Cette année, elle a néanmoins à nouveau participé au tournoi parisien, sans rien pouvoir faire en quart de finale contre Garbine Muguruza. Lors de cette édition, c’est Halep qui soulève sa première couronne en Grand Chelem, après une victoire sur Sloane Stephens. Tout un symbole. Pour la jeune femme originaire des Balkans, c’est un couronnement mérité, alors qu’elle avait dû en 2017 céder incompréhensiblement sous la pression et les coups de butoir de Jelena Ostapenko, et qu’elle avait plus tôt lors de cette année 2018 dû s’avouer vaincue d’un cheveu contre Caroline Wozniacki , lors de la finale de l’Australian Open. “Quand j’étais une petite fille, je rêvais de gagner un tournoi du Grand Chelem”, se réjouit alors Halep. “C’est incroyable de me dire que maintenant, c’est fait. Surtout ici, à Paris. C’est pour cela que c’est un moment plein d’émotion pour moi.”
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Angelique Kerber vs Serena Williams Australian Open, 30 janvier 2016 6-4, 3-6, 6-4
Angelique Kerber débute son annus mirabilis en 2016 par une victoire totalement inattendue contre Serena Williams à Melbourne. La tenace Allemande atteint le pic de son éclosion l’année de ses 28 ans, avec également une victoire à l’US Open, une médaille d’argent à Rio, une finale à Wimbledon et le Masters.
S
on époustouflant début de saison n’avait pourtant tenu qu’à un fil. Lors de l’Australian Open, Angelique Kerber passe très près du gouffre dès le premier tour, lorsque Misaki Doi obtient une balle de match dans la guerre d’usure de deux heures et 41 minutes qui oppose les deux joueuses. La machine de guerre gauchère se sort de ce mauvais pas, avant de se retrouver douze jours plus tard face à Serena Williams pour sa première finale de Grand Chelem. “Ça a été le point le plus important de ma carrière”, sourit Kerber par la suite. “On ne sait jamais ce qu’il se serait passé si j’avais perdu ce match. En y repensant, je crois que j’ai obtenu une deuxième
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Grandes finales chance pour rester dans le tournoi. Depuis ce match, j’ai aussi joué sans attentes ni pression. J’ai pu vraiment en profiter.” L’Allemande aux racines polonaises (elle a une école de tennis dans sa ville natale de Puszczykowo) n’est plus jamais inquiétée et, après un quart de finale contre Azarenka et une demi-finale contre Konta, elle arrive au plus grand rendez-vous de sa carrière, où l’attend une Serena Williams en quête d’un 22e titre du Grand Chelem (ce qui égalerait le record de Steffi Graf), elle qui avait inscrit son nom au palmarès de trois des quatre tournois du Grand Chelem l’année précédente.
Nouvelle gagnante allemande Lors de ses six confrontations précédentes avec la superstar américaine, Kerber n’était sortie vainqueur qu’une seule fois. Lors des cinq autres rencontres, elle n’était même pas parvenue à accrocher un set. Tout cela pour dire que les probabilités de succès pour cette mission impossible n’étaient pas vraiment du côté allemand. Pourtant, c’est Williams qui entame mal les débats en proposant un tennis entaché de trop nombreuses fautes. Kerber, probablement l’une des meilleures retourneuses du circuit, n’en demande pas tant pour s’emparer du premier set. Dans le deuxième, la première tête de série retrouve ses esprits et arrive maintenant à franchir le mur allemand. Un set partout, la Rod Laver Arena s’accroche et se prépare à vivre un dénouement féroce. Cette impression est renforcée par le fait que Williams s’encourage à grands cris pour passer à la vitesse supérieure, alors que Kerber fait preuve d’une affolante combativité et n’entend pas reculer d’un pouce. “I can’t put the f*cking ball away! (Je n’arrive pas à bien retaper cette p*tain de balle !)”, s’écrie Williams, et c’est bien en adéquation avec le spectacle proposé. Kerber bataille pour se détacher à 5-3, mais la lutte ne s’arrête pas là. Avec quelques retours bien sentis dont elle seule a le secret, Williams cogne pour revenir dans le match. Kerber garde néanmoins la tête froide et conclut un peu plus tard une première balle de match, lorsqu’une volée de Williams atterrit hors des limites. Pour la première fois en 17 ans (depuis Graf à Roland Garros), l’Allemagne a de nouveau une gagnante de Grand Chelem
“Tu étais la meilleure joueuse de ce tournoi” Alors que Kerber s’écroule en larmes et peine à y croire, c’est une très sportive Williams qui passe de l’autre côté du filet pour l’étreindre et la féliciter pour son premier titre majeur. “C’était un bon match, Angie”, déclare la superchampionne de 35 ans dans son discours. “Tu étais la meilleure joueuse de ce tournoi. Je suis très heureuse pour toi. Profite de ce moment, tu le mérites.” Kerber elle-même sait que ce moment n’avait tenu qu’à un fil. “J’ai eu une balle de match contre moi dans mon premier match, j’avais déjà un pied dans l’avion à destination de l’Allemagne”, sourit-elle. “J’ai reçu une deuxième chance, et je l’ai saisie. C’est un rêve qui se réalise. J’ai travaillé dur toute ma vie et maintenant, je suis une championne de Grand Chelem, ça paraît fou.”
Une touche belge
Williams ne devra d’ailleurs pas attendre longtemps avant de prendre sa revanche. Lors de la finale de Wimbledon de cette année-là, elle remporte une victoire relativement aisée (7-5, 6-3) contre Kerber, ce qui lui permet de finalement rattraper Graf au classement des titres du Grand Chelem. Pour Kerber, qui avait quitté l’Australie en tant que numéro deux mondiale, une période d’adaptation a été nécessaire : elle perd au premier tour de Roland Garros, pour ensuite reprendre sa marche en avant de manière spectaculaire. À l’US Open, elle remporte en effet son deuxième titre du Grand Chelem au terme – à nouveau – d’une finale en trois sets (une marque de fabrique chez elle) contre Karolina Plíšková. Après son improbable saison, elle se retrouve non seulement au sommet du classement mondial, mais elle entre aussi dans le cercle fermé des joueuses du top. Elle ne parvient néanmoins pas vraiment à répondre aux attentes liées à un tel statut l’année suivante, pendant laquelle un manque de La belle popularité de la confiance lui confère un tennis sympathique Allemande angoissé et la fait retomber au sur le circuit ne se traclassement. Wim Fissette en produit pas uniquement fite indirectement pour prendre par les beaux mots de le projet allemand en main en son adversaire, mais fin d’année passée afin de raaussi par le torrent de mener Kerber vers les sommets messages de félicitadu paysage tennistique. Cela se tions d’ex-joueuses et de passe d’ailleurs directement très collègues à l’issue de la bien, et sa protégée atteint la definale. Pour Williams, ce mi-finale de l’Australian Open, n’est que la cinquième où elle ne doit s’avouer vaincue défaite en 26 finales de qu’après une troisième set per“C’était un bon match, Angie” , a déclaré Serena à l’issue du match. Grand Chelem. Malgré du 9-7 contre Simona Halep. À “Je suis très heureuse pour toi. cette énorme expérience Wimbledon, Kerber remporte Profite de ce moment, tu le mérites.” en plus, elle semblait ensuite son troisième titre du pourtant être celle qui a Grand Chelem, et elle se dévele plus souffert de la pression, contrairement à Kerber, pourloppe pour devenir une joueuse avec une grande chance de victoire tant néophyte à ce stade d’un Grand Chelem. “C’est un être finale dans tous les tournois du Grand Chelem. humain”, savait quant à lui son coach, Patrick Mouratoglou. Un an après sa douloureuse défaite, Williams peut finalement tri“Quand tu es la grande favorite pour remporter le match, tu es plement célébrer une victoire à Melbourne Park. Elle y remporte toujours un peu nerveuse. Le contraire ne serait pas normal. non seulement son 23e titre du Grand Chelem, mais elle le fait en Angelique a joué aujourd’hui le match parfait, et c’est la seule plus contre sa sœur Venus tout en étant enceinte de sa fille Alexis manière de battre Serena.” Olympia. Une prestation magistrale.
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GRANDES PREMIÈRES
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Grandes premières
Open d’Australies Du statut de “vilain petit canard” à celui de “précurseur”, en trente ans l’Australian Open a opéré une véritable métamorphose dans la course à l’argent, au standing et au prestige que se livrent à distance les quatre Grands Chelems.
A
vec un budget de 652 millions d’euros (!) consacré à l’embellissement de Melbourne Park, on a le sentiment que plus rien ne les arrête aux antipodes. Durant toute une période, au siècle dernier, il n’a pas été rare de voir des joueurs, et non des moindres, faire l’impasse sur le tournoi austral. Pas attirant, trop loin, mauvaises dates.
La métamorphose du “vilain petit canard”
Les chiffres parlent d’eux-même...
Aujourd’hui, c’est l’inverse, tout le monde y est, et, fin janvier, l’Open, devenu le premier des quatre “majeurs” à bien des égards, donne le ton de la saison qui s’annonce. De meilleur(e)s facilités et avantages pour voyager de l’autre côté du monde, un prize money en augmentation vertigineuse - quand il a gagné en 1988 Mats Wilander a “touché” 155.000 dollars australiens, cette année Roger Federer a empoché 4 millions -, l’impact de plus en plus grand des Grands Chelems au calendrier, tout cela a bien sûr joué pour offrir à l’évènement l’importance qu’il mérite.
La haute conjoncture des dix dernières saisons s’exprime encore mieux en chiffres : en 2008, on n’enregistrait “que” 554.000 personnes aux guichets de Melbourne Park, à peu près 200.000 de moins qu’aujourd’hui. Le nombre des collaborateurs qui travaillent au tournoi a plus que doublé, celui des détenteurs de droits a presque triplé, de six à seize, le nombre d’écrans sur le site est passé de deux à... 720, et les vues des pages du site web ont été multipliées par trois. On est à des années lumières de l’époque où l’on jouait sur herbe à Kooyong dans un cadre trop étriqué.
Chouchou des joueurs et du public Parallèlement, la fédération australienne, largement soutenue par l’argent public, a mis les petits plats dans les grands pour que l’endroit devienne à la fois le “chouchou” des joueurs - Melbourne est la destination préférée de 95% d’entre eux et du public - plus de 700.000 spectateurs, avec un bénéfice record. L’Etat de Victoria a puisé généreusement dans ses ressources financières pour permettre de rénover, d’étoffer, d’améliorer Melbourne Park, qui a l’avantage de jouxter le centre ville, compte trois stades couverts quand Roland Garros en attend toujours un, propose un village pour les supporters, un jardin d’enfants et même une sorte de mini Rock Werchter. Les années qui viennent verront encore la Rod Laver Arena s’agrandir, s’offrir un lifting et même une façade monumentale. On attend un nouveau bâtiment pour les médias et une terrasse centrale ouverte au public. Avec encore plus de tribunes autour des courts et de sièges protégés (du soleil) par un toit, l’Australian Open est le paradis des spectateurs et l’ultime expérience en terme de Grand Chelem.
Le déménagement vers Flinders Park, rebaptisé Melbourne Park, fut un coup faramineux qui a permis à Tennis Australia de faire grandir progressivement son tournoi, jusqu’à ce qu’il devienne numéro un, à coups des millions de dollars australiens mais pas seulement.
60 ans d’histoire Dans les pages qui suivent, nous évoquons près de soixante ans d’histoire de l’Open d’Australie au travers de quelques unes des figures de légende qui d’une manière ou d’une autre ont marqué son histoire, à partir de leur première victoire dans le tournoi, des années 60 de Margaret Court et Roy Emerson, entre amateurisme et professionnalisme, aux records modernes de Serena Williams ou Novak Djokovic, en passant par les trajectoires inédites d’Andre Agassi, qui attendit neuf ans avant d’y mettre les pieds et finit par y gagner quatre fois, ou Mats Wilander, qui s’y imposa à trois reprises, à la fois sur herbe et sur dur, lui l’homme de terre battue.
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Margaret Court & Roy Emerson
1960/1961. C’est difficile à imaginer aujourd’hui, mais il fut un temps où le tennis australien dominait le monde. Entre 1950 et 1967, les “Aussies” remportèrent 15 fois la Coupe Davis en 18 éditions. Le nom de Rod Laver signifie encore quelque chose aujourd’hui, ceux d’autres “géants” comme Ken Rosewall et Roy Emerson un peu moins. C’est le dernier cité, recordman de victoires à l’Open d’Australie avec Djokovic et Federer, que nous avons choisi d’évoquer aux côtés de l’immense Margaret Court restée elle aussi dans l’actualité mais pas pour les meilleures raisons. L’un sous-estimé, l’autre mal-aimée, cela ne les a pas empêchés de marquer l’histoire du tennis, et pas seulement “là-bas”.
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Grandes premières
L’Australie sur le toit du monde
C
’est peu dire que le monde du tennis a changé depuis les glorieuses heures qui ont vu l’avènement de l’ère Open, en 1969, première année où tous les joueurs, amateurs ou professionnels, ont été autorisés à participer aux tournois du Grand Chelem, jusque là réservés aux amateurs. Si vous avez vingt ans, le nom de Rod Laver ne vous est connu qu’en raison de son palmarès unique (200 titres remportés en carrière, le Grand Chelem sur la saison réalisé deux fois en 1962 et 69, une fois chez les amateurs, une fois chez les pros) en référence à ce que réalisent les champions actuels. Et celui de Margaret Court parce qu’on a évoqué ses 24 titres majeurs chaque fois que Serena en a ajouté un à sa collection ou parce que le retentissement de ses déclarations ouvertement homophobes ont noirci le tableau. Mais sur le plan de l’histoire tennistique on est dans un ordre d’idée semblable à ce qu’Eddy Merckx représente pour le cyclisme. Le Brabançon a remporté une course sur deux dans sa carrière à une époque où le vélo n’était pas non plus ce qu’il est devenu, il n’en reste pas moins “le” champion mythique par excellence.
té 929 de ses 1.003 matches entre 1960 et 1973. Au total, elle a gagné 63 titres en Grand Chelem, 24 en simple, 19 en double, 20 en double mixte, c’est la seule joueuse qui ait accroché au moins deux fois les quatre tournois majeurs dans les trois catégories, et elle a réalisé le Grand Chelem sur une saison en 1970, année où elle a battu Billie Jean King en finale à Wimbledon sur un extraordinaire 14-12, 11-9 - faut-il rappeler qu’il n’y avait pas de tie-break en ce temps-là. Les chiffres se suffisent à eux-mêmes.
Onze fois l’Australian Open
Celle qui - soignant une dépression post carrière ? - s’est convertie au pentecôtisme, s’immergeant religieusement dans les années 80 jusqu’à devenir ministre du culte, est évidemment responsable des polémiques qu’elle a suscitées avec des propos “intégristes” qui ont fait scandale (“les lesbiennes sont partout dans le tennis et elles entraînent les plus jeunes”, “la légalisation du mariage gay relève de la même politique que la propagande nazie”, “les transgenres sont l’oeuvre du diable”). Elle n’est en revanche pour rien dans celles qui concernent la réelle valeur de son palmarès, régulièrement mise en cause par rapport à celui de Steffi Graf ou de Serena Williams. C’est le La carrière de Margaret Court, genre de débat qui n’a aucun sens, cette dame de 76 ans aujourd’hui dans la mesure où l’on ne compare au centre de désagréables polépas les époques et où l’on ne peut miques extra-sportives, fut en réRoy Emerson, recordman de victoires à l’Open jamais battre que celle ou celui que alité exemplaire. Un parcours à la d’Australie avec Djokovic et Federer. l’on a en face de soi. Sur ses 24 titres fois très personnel et préfigurant à majeurs en simple, il faut bien dire quelques égards ce qui allait suivre bien plus tard, puisqu’elle n’hésita pas à l’interrompre à plusieurs que Margaret Smith (devenue en cours de route Mme Barry Court) en reprises pour privilégier vie de famille et maternité - elle est mère a décroché onze à l’Australian Open, et que dans les années 60, avant de quatre enfants et a mis fin à sa carrière en 1977 en apprenant que les professionnels n’entrent en piste, le tournoi, disputé sur herbe l’arrivée du quatrième. 20 ans avant Martina Navratilova, 40 ans alternativement à Sydney, Brisbane, Adélaïde ou Melbourne, ressemavant les soeurs Williams et Amélie Mauresmo, du haut de son 1 blait plus à un championnat d’Australie qu’autre chose. Elle a d’ailleurs m 75, elle a aussi ouvert la voie à la puissance et au physique sur affronté quatre années de suite la même joueuse (Jan Lehane) en files courts féminins, sa présence était impressionnante, on l’avait nale. Mais, en même temps, le tennis des antipodes était le meilleur de baptisée “The Arm” parce qu’elle possédait des bras plus longs de la planète et raflait les trois quarts des titres partout ailleurs, Margaret 7 ou 8 cm que la moyenne des femmes de sa taille. “Un superbe Smith (qui allait épouser plus tard Barry Court), sacrée pour la preanimal athlétique, l’égale de beaucoup d’hommes”, écrivit Sports mière fois à 17 ans, ne dominait pas que chez elle, en 1962 elle gaIllustrated. Rivale de Billie Jean King à l’époque, suivant une tra- gna aussi Roland Garros et l’US, première Australienne à remporter jectoire déterminée, scrupuleuse, digne et modeste, elle a rempor- Wimbledon l’année suivante.
L’égale de beaucoup d’hommes
“Mieux que les pis de vache” Aujourd’hui, le tennis c’est du big business. On a du mal à comprendre qu’un champion amateur, même “marron”, des années soixante était déjà heureux de recevoir une raquette gratuitement d’un sponsor, ou de pouvoir loger chez un hôte en voyageant d’un tournoi à un autre. “Je ne voulais plus retourner à la ferme et me retrouver confronté à une centaine de pis de vaches tous les matins, c’était mieux d’être tennisman, j’en remercie la vie, mais cela ne signifie pas que c’était si facile”, se souvient Roy Emerson. “A Wimbledon, on avait l’impression d’être des dieux vivants quand ils venaient nous chercher en Rolls Royce, ils avaient aussi une caméra TV sur le Central et le court 1, c’était exceptionnel, il fallait jouer là pour pouvoir se voir à l’oeuvre. Aujourd’hui, le vainqueur de l’Australian Open empoche 2,5 millions d’euros, moi qui l’ai gagné six fois j’ai reçu six coupes, des coupes j’en ai plein, certaines me servent pour bloquer une porte, je suis né trop tôt.”
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Entouré de ses anciens rivaux, Roy Emerson fait la haie d’honneur à Rod Laver. En mémoire d’un autre temps...
L’ombre de Billie Jean King Comment se fait-il dès lors qu’une Billie Jean King, au palmarès deux fois moins fourni et qui a perdu ses deux finales de Grand Chelem contre elle, ait laissé une empreinte deux fois plus marquante dans l’histoire du tennis ? Cela tient surtout, au delà du tennis, à l’influence et à l’engagement social progressistes de l’Américaine, lesbienne et activiste, défendant les droits de la femme et de la communauté gay, qui lui ont gagné un respect que sa rivale a au contraire écorné, y compris dans son pays, par des prises de position inverses qu’elle a toujours assumées. On est aussi l’architecte de sa propre image. Lorsque King affronta Bobby Riggs dans ce que l’on a appelé la “battle of sexes” ce fut tout pour elle sauf un match pour rire face à un charlatan macho. Elle se prépara et joua comme si sa vie en dépendait, pour le tennis féminin, sachant que si elle gagnait - ce qu’elle a fait - l’impact en faveur de l’égalité homme-femme pouvait être considérable. Quelques mois plus tôt, plus discrètement, pour dix fois moins d’argent et devant dix fois moins de monde, Court n’avait pas regardé plus loin que l’aspect farce anecdotique de l’événement, et, après avoir déclaré “j’ai battu des hommes plus forts que lui à l’entraînement”, elle avait perdu nettement contre ce même champion retraité (55 ans) en prenant l’exhibition par dessus la jambe, juste pour empocher les 10.000 dollars promis. C’était un jour de fête des mères. “Le jour du massacre de la fête des mères” avait rigolé Riggs. Reste que, depuis l’époque de Margaret Court (et d’Evonne Goolagong), l’Australie attend toujours une véritable championne de cette catégorie, on se l’explique d’autant moins qu’avec un Open largement revalorisé ce n’est certainement pas l’argent qui manque.
Roy Emerson a détenu durant 33 ans le record du nombre de Grands Chelems remportés jusqu’à ce que Pete Sampras le détrône en 2000...
Détrôné par Sampras Si l’Australie fut longtemps, avec les Etats Unis, la terre de tennis masculine par excellence, de Rosewall à Laver, de Newcombe à Cash en passant par Roche, Rafter, Philippoussis, et jusqu’à Lleyton Hewitt, c’est aussi parce que, dans le pays le plus sportif du monde et dans des conditions climatiques favorables au jeu de plein air, il n’y était pas aussi élitiste qu’ailleurs. Roy Emerson, toujours recordman de victoires du Grand Chelem australien (six comme Djoko et Rodgeur), a grandi dans une ferme du Queensland, ses parents y ont installé un court de tennis et “il n’y avait rien d’autre à faire pour un gamin de douze ans”, dit-il. Vainqueur de ce qu’on appelait alors les Australian Championships en 1961 (un de ses trois succès face à Rod Laver) 76 PLAY TENNIS
Grandes premières et cinq fois d’affilée de 1963 à 67, il a détenu durant 33 ans le record du nombre de Grands Chelems remportés (douze) jusqu’à ce que Pete Sampras le détrône en 2000. En 1964, numéro un mondial, il s’imposa aussi à Roland Garros et à l’US - les trois fois contre son compatriote Fred Stolle, pour dire à quel point les Australiens dominaient. Il a gagné la Coupe Davis à huit reprises. C’était également une terreur en double, que ce soit avec Neale Fraser, Stolle ou Rod Laver, ils étaient extrêmement populaires, en rigolant on disait comme pour les Rolling Stones “planquez vos filles, vos bières et vos trophées, ils sont en ville”. “Simples et doubles ensemble, j’ai gagné 28 titres en Grand Chelem”, explique Emerson, “c’est toujours un record absolu, et on n’est pas près de le battre d’autant que plus personne ne joue le double... ce que je ne comprends pas, surtout qu’en Grand Chelem ils ont un jour “off” pour s’entraîner, pourquoi ne pas plutôt jouer deux sets en double, c’est enrichissant à tous points de vue et c’est un spectacle qui plaît aux gens. Nous, on le faisait tous, c’est Borg qui a lancé la tendance inverse, comme cela marchait bien pour lui tout le monde a suivi.”
Merci Laver ! Le saviez-vous ? A l’époque, Paris excepté, tous les tournois du Grand Chelem se disputaient sur gazon, en Australie, à Forest Hills et à Wimbledon bien sûr, tandis que l’épreuve australe n’était pas encore considérée au niveau des trois autres, payant son éloignement ou la proximité des fêtes de fin d’année - elle fut longtemps disputée en décembre. Les meilleurs ne s’y déplaçaient pas systématiquement comme aujourd’hui, Nastase et Borg ne l’ont disputée qu’une fois. Quant à Roy Emerson, s’il a dominé le tennis au milieu des années 60 (109 matches gagnés sur 115 en 1964), battant notamment Arthur Ashe à deux reprises en finale de l’Australian, on lui oppose toujours le fait qu’il a conquis ses titres majeurs en simple au moment où ses compatriotes Rod Laver et Ken Rosewall, passés pros, ne pouvaient participer aux Grands Chelems, soit de 1963 à 1968 avant que l’avènement de l’ère open ne permette à tout le monde de concourir. Un constat dont cet athlète super fit (10”06 aux 100 yards), qui s’était fortifié les poignets en trayant d’innombrables vaches dans la ferme familiale, n’a pas pris ombrage. Malin et les pieds sur terre, il sait qu’il ne présenterait pas un palmarès pareil si “terrific” Laver, qui a d’ailleurs réalisé son deuxième Grand Chelem en 1969 lors de la première saison de l’ère open, avait compté parmi ses adversaires. “Le fait qu’il devienne pro ne m’a vraiment pas dérangé, cela m’a offert une chance de remporter plus de titres”, sourit-il. Après avoir résisté aux différentes offres jusque là, Emerson, qui réside à présent en Californie, s’est lui-même décidé à passer professionnel en 1968, juste avant l’avènement de l’ère open, et il a encore remporté quatre titres de Grand Chelem... en double avec Rod Laver avant de raccrocher fin 1972. “Roy est le meilleur joueur de double de l’histoire, mais pas seulement”, a écrit l’éminent ancien champion et promoteur Jack Kramer en 1979, “il était si rapide qu’il pouvait tout couvrir, et son coup droit était probablement ce que j’ai vu de mieux.”
1983.
W ats Wilander
Aujourd’hui consultant avisé et apprécié (Eurosport, L’Equipe), Mats Wilander fut un champion dont l’empreinte tennistique peut sembler légèrement sous-estimée. Peut-être parce que la fantomatique deuxième partie de sa carrière fut très loin d’être à la hauteur de la première. Il n’en reste pas moins qu’entre 1982 et 1988, il a non seulement remporté sept Grands Chelems mais qu’il l’a fait sur toutes les surfaces, terre battue, gazon, dur, et qu’il a réalisé ce qu’on appelle le “petit chelem” en 1988, gagnant trois tournois majeurs sur quatre. Il a aussi marqué le palmarès de l’Open d’Australie en s’y imposant trois fois, dont deux lors d’éditions qui ont changé le cours de l’histoire “down under”. 78 PLAY TENNIS
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Le terrien tout-terrain
E
n 1982, la planète tennis est toujours sous l’onde de choc provoquée par l’abdication de son monarque suédois, c’est le moment que choisit un des jeunes compatriotes de Björn Borg, précoce fleuron de l’école scandinave qui s’est développée dans le sillage du “grand blond”, pour réaliser à Paris un des parcours les plus surprenants que l’on y ait vécu, avec celui de Gustavo Kuerten en 1997. A 17 ans et neuf mois, plus jeune que Borg lorsqu’il remporta son premier Roland Garros en 1974 et aussi cool que lui, Mats Wilander, qu’on allait surnommer “le métronome” pour la patience et la régularité sans faille dont il fait preuve, écarte successivement Ivan Lendl, Vitas Gerulaitis et José Luis Clerc, pour se retrouver en finale face à Guillermo Vilas qui a surclassé tout le monde jusque là sans perdre un set.
Un geste d’une classe folle Au fil des matches, le jeune homme charmant, bien élevé, un peu candide, a séduit le public parisien, mais ce dernier tombe carrément en pâmoison à la fin de la demi-finale contre l’Argentin Clerc lorsque Mats se permet un geste d’une classe et d’une sportivité folles à ce niveau de compétition. Jamais un joueur n’a fait remonter l’arbitre sur sa chaise après qu’il ait décrété “jeu, set et match”. Le “gamin” suédois l’y oblige. Sur une balle de match jugée dehors et contestée avec véhémence par l’Argentin, Wilander se dirige vers le Français Jacques Dorfman, qui officie ce jour-là, pour lui glisser quelques mots : “Je lui ai dit que je ne pouvais gagner ainsi, que la balle était bonne, que l’on devait remettre deux balles.” “C’est la plus belle image du tennis des quarante dernières années”, estime toujours Yannick Noah. Le court central n’en croit pas ses yeux. Bien sûr, il faut la rejouer cette balle, désormais de tous les dangers, mais l’élégance est récompensée et Wilander remporte à nouveau le point, cette fois sans discussion. Le stade est debout.
Le tennis de terre battue Forcément, le garçon, encore junior, rappelle un peu Borg, la comparaison est inévitable. On subodore une finale longue contre Vilas malgré le déficit de puissance et d’expérience du teenager scandinave. Elle l’est. 4 h 56. Toujours numéro deux au hit parade de la durée en finale de Grand Chelem, derrière le phénoménal Djokovic-Nadal de l’Open d’Australie 2012. La deuxième manche est même interminable, elle s’étire durant plus d’une heure trente. Et finalement, à peine un an après avoir conquis le titre junior Porte d’Auteuil, c’est Wilander qui fait parler la jeunesse en quatre manches, affichant une étonnante maturité. Tout au long du tournoi, il développe un tennis type de terre battue, jeu de fond de court, échanges qui durent, maîtrise du lift et du passing shot, sens du jeu et habileté tactique... le genre de rencontre où les protagonistes ne montent qu’une fois au filet, pour se serrer la main, disent les railleurs. Même si Borg a amplement démontré le contraire, ce n’est pas l’arsenal habituellement indiqué pour gagner aussi sur gazon. Et pourtant c’est ce que Wilander va lui aussi réussir à faire l’année suivante, après avoir de nouveau atteint la finale à Roland Garros, battu par Noah.
Du fond à la volée 1983 marque un tournant pour l’Open d’Australie, disputé début décembre et sur herbe à Kooyong, dans la banlieue de Melbourne. Après avoir trop souvent fait l’impasse, les meilleurs comme John McEnroe et Ivan Lendl décident d’y participer, ainsi qu’il sied à une appellation de Grand Chelem. Pourtant, l’intention première de Mats Wilander en s’y rendant est surtout de préparer la finale de la Coupe Davis qui se dispute dans la foulée sur le même site... et qu’il va perdre. En revanche, l’Open lui permet de se profiler comme un tennisman bien plus complet que le crocodile de terre battue annoncé, ce n’est que son sixième tournoi sur gazon mais à même pas 20 ans il y montre qu’il sait tout faire, comme si, forçant son naturel, il avait décidé d’apprendre à volleyer durant la quinzaine. Et, fort de son incomparable science de jeu, il apprend vite. Paul McNamee, Johan Kriek, John McEnroe, autant de spécialistes de la surface, sont ainsi rayés de la carte, avant qu’en finale il ne réduise en cendres Ivan Lendl, autre habitué du fond de court qui va devenir sa bête noire mais qui, à l’époque, n’a toujours pas remporté de Grand Chelem (quatre finales perdues). Il ne lui laisse que neuf jeux. Du coup, on se dit qu’on tient là l’embrouilleur né capable de briguer un jour la place de numéro un mondial et d’accrocher les quatre tournois majeurs. Il n’en sera pas loin. Il n’est d’ailleurs pas évident de comprendre pourquoi, vainqueur deux fois sur herbe en Australie (1983/84), il ne dépassera jamais les quarts de finale à Wimbledon. Mystère.
On le surnomme “le métronome” pour la patience et la régularité sans faille dont il fait preuve.
Flinders Park De 1982 à 1985, le Suédois gagne un Grand Chelem par an, et le meilleur reste à venir. 1988 sera non seulement sa grande saison mais également une des plus complètes de l’ère open, il remporte l’Australian Open, Roland Garros, Key Biscayne et l’US Open. Après une année “sans” en 1986, et trois défaites en finale face à Lendl (Roland Garros, US Open, Masters) l’année suivante, il ne figure pas en première ligne des favoris lorsqu’il arrive à Melbourne cette année-là, quatre ans après son dernier triomphe australien. Aux antipodes, l’heure grave. Décision a été prise de quitter la vénérable verdure de Kooyong, où l’on était définitivement trop à l’étroit, pour écrire un nouveau et moderne chapitre de l’histoire du tournoi à Flinders Park, aujourd’hui Melbourne Park. Tout le monde est sous le charme, Navratilova et Lendl les premiers, impressionnés par un National Tennis Center flambant neuf, dans lequel ont été investis 28 millions de dollars australiens de l’époque. On joue désormais sur Rebound ace, une surface dure relativement neutre perçue comme n’avantageant ni les joueurs du fond, ni les serveurs/volleyeurs. Le premier toit rétractable de l’histoire du tennis couvre le stade en une heure quart, il faut presque freiner l’organisation tentée d’abuser de son nouveau jouet, on enregistre 100.000 spectateurs de plus que l’année précédente, et deux jours après le tournoi le pays célèbre en grandes pompes son 200e anniversaire. La cerise sur le gâteau serait évidemment qu’un Australien s’impose au terme de cette édition historique...
mais cela ne va pas plus loin. L’Open d’Australie est affaire suédoise depuis 1983, Wilander l’a gagné deux fois, Stephan Edberg deux fois aussi, des champions au jeu pourtant si ...Cerise légèrement avariée malheureusement puisque le laudifférent qui se retrouvent face à face en demi-finale, et c’est réat pressenti, Pat Cash, qui vient de remporter son premier Wilander qui s’impose, tandis que Cash sort Lendl. Pour Mats Grand Chelem à Wimbledon, se trouve en pleine tempête la situation s’apparente à celle de 1983 face à Noah à Paris, il depuis qu’il a accepté de braver le blocus et de se rendre en lui appartient de “gâcher la fête”, et cette fois il y parvient au Afrique du sud, pays de l’apartheid. Les protestations, criterme d’un match qui va devenir culte, que personne n’a envie tiques et même menaces pleuvent à son encontre, le président de voir finir, avec deux interruptions pour cause de pluie, et un de la fédération austracinquième set à haute lienne se sent obligé de tenue dramatique (8-6, Au fil des matches, le jeune homme charmant, signer un pacte de non 74 minutes). “J’ai joué bien élevé, un peu candide, a séduit le public. agression avec les moule meilleur tennis de ma vements anti-apartheid vie pour mener 6-3, 4-1”, pour qu’ils restent dans la démonstration pacifique. Les slodit Wilander, “mais la force de Pat c’est qu’il est toujours cagans “Pat Cash-blood money” (“l’argent du sang”) fleurissent pable de revenir.” “Je ne suis pas trop déçu, j’ai bien joué mais un peu partout, et lors du premier tour contre Thomas Muster Mats a été super au service et en retour, il était juste meilleur”, des balles de tennis de couleur noire sont jetées sur le court, salue l’Australien.
Cash misère
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Grandes premières Il aurait dû mourir à Lockerbie A la fin de sa remarquable année 1988, la vie de Mats Wilander a failli basculer, et même s’arrêter. Au mois de décembre, le Suédois devait partir aux Etats-Unis pour une opération du genou juste avant Noël, mais décida en dernière minute de rester chez lui pour se reposer. L’avion qu’il devait prendre, le 21 décembre, explosa en plein vol au dessus de Lockerbie en Ecosse, cible d’un attentat terroriste. Wilander a encore joué ensuite durant huit saisons, mais n’a plus atteint qu’une fois les demi-finale d’un tournoi majeur, à l’Australian Open 1990. Il a même sombré au delà de la 300e place mondiale, et a été contrôlé positif à la cocaïne en 1995 avec son équipier de double Karel Novacek, ce qui a assombri un peu plus sa dilettante dégringolade en fin de carrière. Depuis son retrait du monde professionnel, il s’est refait une virginité et est resté très investi dans le monde de la petite balle jaune. D’abord en tant que coach - il a été capitaine de Coupe Davis et s’est occupé de Marat Safin, Tatiana Golovin ou encore Paul-Henri Mathieu - mais aussi, on l’a dit, sur les plateaux télé où il officie en tant que consultant, notamment pour Eurosport avec “Game, Set and Mats”. Il a par ailleurs dû mener d’autres combats bien plus délicats. Vivant dans un ranch de l’Idaho, papa de quatre enfants (Emma, Karl, Erik et Oscar), il est très présent aux côtés de son fils Erik, atteint d’une maladie génétique rare de la peau. Avec son associé Cameron Lickle, il a d’ailleurs mis sur pied une entreprise de coaching itinérant baptisée Wilander on wheels (Wow), ce qui lui a permis notamment d’amasser des fonds pour soigner ladite maladie, l’épidermolyse bulleuse.
“Si j’avais perdu contre Leconte et gagné contre Noah...”
Là où Borg avait échoué Si, dans la foulée, Mats Wilander gagne une nouvelle fois Roland Garros (face à Henri Leconte... pire souvenir de la carrière du Français), le plus grand moment de sa carrière, à la fois feu d’artifice et chant du cygne, sera sa victoire à l’US Open, un combat de plus de quatre heures, 6-4 au cinquième. “D’abord parce que c’est un grand match !”, s’écrie-t-il, “les gens m’en parlent toujours.” Ensuite parce qu’il y savoure sa revanche new-yorkaise de l’année précédente face à Ivan Lendl en prenant davantage de risques pour contrecarrer la puissante mécanique adverse. Egalement parce que cela lui permet de devenir pour la première, et seule, fois numéro un mondial, il le restera vingt semaines. Enfin, parce que c’est le Grand Chelem qu’il pense le moins pouvoir gagner. “C’est mon but depuis 1985”, confie-t-il. ¨Par la suite il n’a plus gagné de Grand Chelem et n’en a même jamais été proche. “ J’essayais de gagner les matches, mais je me décourageais, je m’en foutais un peu, j’essayais mais je ne prenais plus les décisions avec mon instinct, ça venait trop de la tête.”
Mats Wilander fut en quelque sorte l’arbitre entre Yannick Noah et Henri Leconte. Il dit ne pas en avoir souvenir, mais on a prêté à Wilander cette phrase adressée à Yannick Noah : “Tu sais que tu me dois tout, imagine que je te batte en finale en 1983 et que je perde contre Leconte cinq ans après...” “Je connais cette rumeur”, dit le Suédois, “mais ce n’est pas de moi. Enfin je ne pense pas. Je crois que c’est Henri qui colporte ça, mais bon… ça reste une question intéressante. A mon avis, le fait que Yannick ait gagné a été très important, cela a eu une vraie influence, il est devenu très populaire, au-delà du tennis. Cela ne serait jamais arrivé à Henri Leconte. La victoire de Noah a lancé quelque chose de jamais vu ailleurs. S’il avait perdu, je ne suis pas sûr qu’il serait devenu chanteur, qu’il aurait vendu des disques, on l’aurait oublié. Or, si Leconte avait gagné - et pas Noah -, il n’aurait pas porté le tennis comme l’a fait Yannick.”
1995.
Andre Agassi Lorsqu’il a remporté pour la première fois l’Open d’Australie, c’était aussi la première fois qu’Andre Agassi mettait les pieds sur les courts de Melbourne alors qu’il jouait sur le circuit depuis neuf ans. “Comment ai-je pu attendre aussi longtemps ?”, s’est-il écrié ce jour-là, intouchable jusqu’en finale et dominant, en quatre sets, son grand rival Pete Sampras pour la seule fois de sa carrière au stade ultime d’un Grand Chelem.
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n en est resté dans les années 2000 à un Andre Agassi assagi, équilibré et apaisé par son mariage avec Steffi Graf, champion exemplaire sur la fin de sa carrière. Mais c’est peu dire que le Kid de Las Vegas a vécu plus d’une vie en vingt années de carrière conclues, à l’US Open 2006, en vrai héros américain, dans la grâce, la gloire et la douleur, sous les projecteurs du stade Arthur Ashe, non sans y avoir auparavant remporté un ultime marathon d’anthologie face à Marcos Baghdatis. Dès 1988, à 18 ans à peine, il avait fini l’année dans le Top 3 mondial. Mais, premier de sa génération à éclater, il avait aussi éprouvé pas mal difficultés à s’imposer avec constance au niveau qu’il avait laissé entrevoir, tout en faisant le bonheur des tabloïds avec son look excentrique “tout est dans l’image”, attitudes provocatrices, boucles d’oreilles, tenues bariolées, rose flashy ou jaune fluo, shorts en jeans devenus légendaires, bandana et longs cheveux teints. Il a révélé dans son autobiographie qu’il s’agissait en fait d’une perruque destinée à masquer sa calvitie naissante, et qu’il avait eu plus peur de la perdre que... de perdre le match - ce qu’il a fait, en quatre sets - lors de sa première finale en Grand Chelem contre Andres Gomez à Roland Garros 1990 dont il était grand favori. La nuit précédente le postiche avait commencé à se défaire - la faute à un shampoing mal rincé - le forçant à l’agrafer. “Je prenais ma douche et j’ai soudain senti ma perruque tomber. Avec mon frère nous avons utilisé vingt clips. “Tu penses que ça va tenir ?”, lui ai-je demandé. “Oui, si tu ne bouges pas trop”, répondit-il. A chaque bond, je l’imaginais tombant dans la terre”, écrit-il encore. “Je voyais des millions de téléspectateurs se rapprocher de leurs écrans, les yeux écarquillés, se demandant, dans des dizaines de dialectes et de langues, comment les cheveux d’Andre Agassi avaient pu tomber de sa tête.”
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Le Kid version “Incroyable Hulk” Crâne rasé Aux prises avec ses démons et ses angoisses, poussé au devant de la scène “à l’insu de son plein gré” à la fois par un père tyrannique et son talent tennistique, tendu par cette relation amour/haine qu’il nourrissait avec le tennis - elle a même été mise en scène au théâtre à Paris et Avignon après la parution de son livre ! -, son premier triomphe majeur fut une surprise pour tout le monde, lui compris. Après une première sévère défaite à Wimbledon face à Henri Leconte, il n’avait plus remis les pieds dans la banlieue londonienne durant trois ans, il n’aimait ni l’herbe, ni la tradition british, ni le blanc de rigueur. En 1992 encore, il ne s’y donnait aucune chance. Ayant cédé un set, le premier, à un certain Eduardo Masso au deuxième tour, il n’en avait pas moins sorti tour à tour les rois du gazon, Becker en quart, McEnroe en demi, et Ivanisevic en finale, en s’appuyant pour l’essentiel sur son jeu de fond de court à l’heure des serveurs/volleyeurs, en avance sur son temps en quelque sorte. “Je me souviens que la balle avait l’air si grosse et que je la voyais si clairement”, sourit-il. Trois ans plus tard, après avoir rompu avec sa première petite amie Wendi Stewart et subi une opération au poignet, il était en pleine maturité physique et tennistique lorsque, méconnaissable, il se présenta en Australie fort d’un deuxième Grand Chelem remporté quatre mois auparavant à New York face à Michael Stich. Méconnaissable parce que sa fiancée Brooke Shields l’avait convaincu d’abandonner la perruque et de se raser la tête. Il débarqua donc “down under” coiffé d’un bandana et le visage orné d’une barbichette qui lui donnait un air de pirate. “Ce postiche me menottait, et les cheveux naturels qui avaient grandi démesurément, teints en trois couleurs différentes, me pesaient, je me suis enfin senti libre”, expliquait-il.
Tumeur au cerveau A peine arrivé à Melbourne, Agassi s’est ouvertement demandé pourquoi il avait si longtemps zappé l’Australian, pour des raisons qu’il n’a d’ailleurs jamais vraiment explicitées. Peut-être simplement parce que le tournoi ne s’imposait pas encore autant que les trois autres. “C’est la première fois que je joue ici, et tout me convient, j’aime la surface, les courts, le climat, j’ai grandi à Las Vegas donc je ne ressens pas la chaleur de la même manière que les autres”, dit-il. Et de joindre le geste à la parole, intouchable durant les premiers rounds, ne concédant pas le moindre set, et huit jeux au maximum, par match lors de ses six premiers tours. Avec sa nouvelle apparence, il s’est lui-même décrit comme l’”incroyable Hulk” balayant l’opposition d’un revers de raquette. Et pas n’importe quelle opposition, le héros local Patrick Rafter au 4e tour, Kafelnikov en quart, Krickstein en demi, pour,
enfin, se mesurer au “number one”, son ennemi juré, Pete Sampras. Sampras qui venait de vivre une tragédie quelques jours plus tôt, lorsque son coach Tim Gullikson avait fait un malaise cérébral à l’hôtel, il souffrait d’une tumeur qui allait l’emporter un an plus tard. En quart de finale contre Jim Courier, on avait vu le champion - habituellement impassible - en pleurs sur le court, son adversaire s’adressant même à lui par dessus le filet : “Tu te sens bien, Pete ? On pourrait finir demain, tu sais.” Quelle qu’ait été la sincérité ou la validité de la démarche, Sampras se reprit, gagna le set et le match.
Pete, toujours Pete Grand classique, donc, en apothéose de ce qui restera comme la meilleure quinzaine d’Agassi en Grand Chelem. Sampras menait 7-5 au bilan des confrontations directes entre les deux hommes, c’était la même chose en Grand Chelem (2-1). “Pistol Pete” avait d’ailleurs gagné la seule finale qui les avait opposés, à l’US Open en 1990, il semblait donc avoir la clé pour battre son rival dans les grands matches, ce qui se confirma lorsqu’il remporta la première manche 6-4. Le regard frustré de son coach Brad Gilbert entre les sets suffit à reconcentrer Agassi qui décrivait les services de Sampras comme des grenades non dégoupillées mais qui le breaka néanmoins à deux reprises pour égaliser (6-1). La finale, sa plus belle, se joua lors du tie-break de la troisième manche, Sampras servit pour le set, mais c’est Agassi qui émergea, prenant son adversaire à son propre jeu en attaquant le filet. “Au quatrième (6-4), Pete m’a semblé résigné, la montagne devait lui sembler trop haute”, a conclu le Kid de Las Vegas qui rencontra encore trois fois Sampras en clôture de Grand Chelem sans plus jamais réussir à le battre. Ainsi, au mois de septembre de cette même année 1995, alors qu’Agassi avait quasiment tout gagné lors de la tournée américaine (quatre titres en cinq semaines), battu Sampras à Montréal et sué sang et eau pour éliminer Becker en demi-finale, il tomba en finale de Flushing Meadows sur un “Pistol Pete” façon Michael Jordan, celui qui paraissait imbattable sur les points importants. Le Kid aurait pourtant tout donné pour remporter ce match clé à ses yeux dans la rivalité exacerbée qui l’opposait à son compatriote. “J’aurais laissé toutes mes victoires pour accrocher celle-là, c’est vrai, j’avais l’impression d’avoir fait tous ces efforts pour rien, peu importe ce que vous avez gagné avant, au jour J c’est le dernier qui gagne qui a raison, et c’était Pete, toujours Pete”, dit-il. Il ne s’en remit pas, lui qui déjà, trois mois plus tôt, handicapé de la hanche à Roland Garros, avait cru envolée sa dernière chance d’accrocher les quatre Grands Chelems. Il replongea dès lors, insensiblement, dans ses abîmes personnels, sorte de coma tennistique dont il dut toucher le fond pour pouvoir trois ou quatre ans plus tard renaître de ses cendres.
Agassi est le premier tennisman de l’ère open à gagner quatre fois l’Australian Open.
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Aborigène dans une autre vie Après un millésime 1995 qui aurait pu être “sa” saison mais qui le laissa au contraire désemparé, voire démotivé, après les désillusions de Roland Garros et de l’US Open, Agassi décrocha encore le titre olympique l’année suivante, mais ce fut la seule lueur dans le ciel sombre marqué notamment par un mariage tourmenté de deux ans avec Brooke Shields et un contrôle antidopage positif à la méthamphétamine (crystal meth, une drogue récréative mais destructrice) passé sous silence par les instances tennistiques. Ces dernières se sont empressées d’”avaler” une version cousue de fil blanc, celle de la boisson trafiquée ingurgitée à son insu, pour ne pas nuire à l’image de leur sport. La carrière du Kid aurait pu ressembler à une tragédie sportive, ou à la version californienne de celle de Marat Safin, si elle s’était arrêtée là. Mais tout le monde a droit à une seconde chance, celle de la rédemption, de la renaissance, encore faut-il pouvoir la saisir. Quand il fut retombé à la 141e place mondiale, Agassi se rebiffa, retrouva peu à peu la motivation, le chemin de l’entraînement, la rencontre avec Steffi Graf le stabilisa, et il fit coup double cette année-là (1999) avec Roland Garros puis l’US Open. Dans la foulée, Melbourne, qu’il avait tant tardé à découvrir, servit de socle à sa deuxième carrière, puisqu’il s’y imposa encore en 2000, 2001 et 2003. “J’ai dû naître aborigène dans une autre vie”, a-t-il alors lâché dans un grand sourire. Et lorsque, cassé de partout, notamment du dos, il rangea la raquette, respecté par tous, il avait pris place, au terme d’une carrière chaotique, parmi les grandes légendes de son sport, premier tennisman de l’ère open à gagner quatre fois l’Australian Open, et unique joueur de l’histoire à avoir remporté les quatre Grands Chelems, la médaille d’or olympique, le Masters et la Coupe Davis. Il fut aussi le premier à s’imposer dans les quatre tournois majeurs sur quatre surfaces différentes (gazon, terre battue et deux types de surface dure), ce que seuls Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic ont réussi depuis.
2003.
Serena Williams
Lorsqu’elle remporte pour la première fois l’Open d’Australie en 2003, Serena Williams compte déjà cinq finales et quatre titres majeurs à son actif. Elle s’imposera sept fois à Melbourne. Avec sa soeur Venus, elle révolutionne et dynamite le circuit de ces dames au tournant de l’an 2000, tout en muscle et en puissance, poussant à la retraite prématurée la géniale mais frêle Martina Hingis. La finale australienne est la cinquième en Grand Chelem entre les deux soeurs, qui écrasent le début du 21e siècle, mais les deux Belges éliminées en demi-finales sont décidées à relever le défi. Avec elles, et quelques autres comme Amélie Mauresmo, on va vivre l’âge d’or du tennis féminin.
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La révolution par le muscle
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n aime ou on n’aime pas Serena Williams. On peut estimer qu’on a vu mieux en termes de classe, de goût, de finesse, d’élégance, sur les courts comme en dehors, et que son arrogance, son égo peuvent être aussi déplaisants qu’impressionnants. Mais tout le monde doit convenir que le parcours de cette black girl sortie de Compton, un des bas-fonds de Los Angelès, qui sait ce que c’est que “la fight”et dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas toujours eu la vie facile, ni le soutien du public, est totalement hors normes. Margaret Court ou pas, quand on mesure l’épaisseur de l’opposition tennistique des vingt dernières années, ce qu’elle a réalisé apparaît incomparable, et pour longtemps. On peut toujours ergoter, constater qu’il y a eu bien meilleure qu’elle techniquement et avoir raison, il n’en reste pas moins qu’elle est la plus grande championne de l’histoire, point barre. Au delà de la performance sportive, survolant les commentaires désobligeants, surmontant le handicap de ses origines et de son apparence, ou se nourrissant de tout ça comme une guerrière des rues, elle a su également devenir star parmi les stars, afficher un improbable profil à haute teneur médiatique, intégrer sans complexe le monde de la mode avec sa collection “athleisure”, oser, s’imposer, se faire respecter ou même entendre quand la cause (celle des femmes, des noirs) lui tient à coeur, et finalement se faire apprécier. Après avoir été la cible de toutes sortes de remarques misogynes et racistes, auxquelles son père l’avait préparée - il payait des enfants pour qu’ils l’insultent et qu’elle s’y habitue ! -, elle est aujourd’hui la reine du bal et l’héroïne d’une série documentaire HBO baptisée “Being Serena”après ce qui fut probablement l’année la plus tumultueuse de sa vie, mariage fastueux, naissance de sa fille par césarienne dont elle a failli mourir en raison d’une cascade de complications, dépression post accouchement, retour sur les courts...
On aime ou on n’aime pas Serena, mais tout le monde doit convenir que son parcours est totalement hors normes.
Remonter 5-1 contre Kim Bref, c’est quelqu’un Serena, et ce n’est pas Justine Henin qui nous démentira. Notre compatriote, pourtant à l’opposé au plan physique, est celle qui lui aura livré les duels les plus féroces, mentalement et tennistiquement, jusqu’aux limites parfois. Curieusement, les deux championnes ne se sont affrontées qu’une fois lors d’une finale majeure, et très tard pour Justine, lors de l’Australian Open 2010. Victoire de Williams qui a remporté huit de leurs quatorze confrontations directes, mais sur les sept fois où elles se sont rencontrées en Grand Chelem notre compatriote s’est imposée à quatre reprises. En ce début d’année 2003, Justine n’en est pas encore là, et si une Belge se montre proche d’un premier triomphe majeur c’est plutôt Kim Clijsters, qui a déjà livré une finale majestueuse face à Jennifer Capriati à Roland Garros deux ans plus tôt et qui à Melbourne laisse passer une invraisemblable occasion d’en disputer une deuxième. Tandis que Henin passe à côté de sa demi-finale et se fait laminer par Venus Williams, Kim mène 5-1 contre Serena au troisième set, soutenue par le public australien qui voit toujours en elle la fiancée de Lleyton Hewitt. Mais la Limbourgeoise laisse d’abord passer deux balles de match sur son service, puis sert deux doubles fautes d’affilée deux jeux plus tard, et l’impensable se produit, elle perd 5-7 face à une adversaire qui ne rate plus rien. “Je ne pensais sincèrement plus pouvoir gagner”, reconnaît l’Américaine, “mon mérite a été de continuer à me battre sur chaque point. Dans un premier temps, je me suis dit “je ne veux pas perdre 6-1”, puis 6-2, ainsi de suite, et avant d’avoir réalisé j’ai gagné le match.”
L’instinct de tueuse
“Je veux qu’elle gagne, sauf contre moi”
Cette remontée fantastique (et dramatique pour nous) est le moment clé du tournoi, elle est comparable dans notre souvenir à celle menée par Justine plus tard face à Anastasia Myskina aux Jeux olympiques d’Athènes. “Je sais que cela peut sembler fou mais je me souviens avoir encore été plus mal embarquée, un jour à Sydney, menée 6-1, 5-2 et 40-15 par Lindsay Davenport”, explique Serena. “Contre Kim, ce fut une incroyable bataille. Elle m’impressionne par sa manière positive de voir les choses. Elle doit être morte intérieurement, mais elle sourit. Nous avons discuté après le match dans le vestiaire, nous avions toutes deux des problèmes avec nos téléphones portables, j’apprécie cet état d’esprit et je sais qu’elle sera une de nos principales rivales à l’avenir.”Alors que son coach Marc De Hous ne comprend rien à ce qui vient d’arriver - “Je ne sais quoi lui dire, je crois que je vais attendre qu’elle me dise quelque chose, je n’ai aucune idée de ce qui s’est passé; à 5-2, balles de match, je lui donnais 99 % de chances de s’imposer”-, Clijsters, en effet, garde le sourire, sereine : “C’est ainsi que j’ai été éduquée, la seule chose que je puisse me reprocher est d’avoir frappé ces deux doubles à 5-4 lorsque j’ai pu servir une deuxième fois pour le match. Je suis tout de même revenue à 30-30 dans ce jeu, j’ai continué à essayer, à me battre mais quand elle se met à pratiquer son meilleur tennis, à frapper plus fort et à toucher les lignes, cela devient très difficile.”L’instinct de tueuse qui lui a sans doute manqué et que possède Serena ou Justine a-t-il fait la différence en ces cruciales années (2003/2004) de la première partie de carrière de nos deux grandes championnes ? Toujours est-il qu’après s’être offert le scalp de Serena à Roland Garros à l’occasion d’une demi-finale mouvementée, c’est Henin qui prend le pouvoir, alors qu’elle a le plus souvent subi la loi de sa rivale limbourgeoise jusque là. Elle bat Clijsters quatre fois d’affilée en finale de Grand Chelem sur un an de temps, à Paris (deux fois), New York et Melbourne, tandis que Serena est en partie freinée par un problème au genou. L’histoire aurait-elle été la même si Kim avait sorti Williams à Melbourne, ou Capriati à Roland Garros deux ans plus tôt ?
Sans doute Venus n’est-elle pas dévorée par la même ambition, n’a-telle pas le même jusqu’au boutisme, le même égo chevillés au corps. Les deux soeurs sont si proches qu’elles habitent ensemble en Floride à l’époque. “j’ai envie qu’elle gagne, et que je gagne moi aussi, je me sens mal quand elle perd, c’est un incroyable combat intérieur. Ma stratégie ? Je ne la regarde jamais dans les yeux quand on joue l’une contre l’autre, j’essaie de me persuader que c’est quelqu’un d’autre. On baigne là-dedans depuis qu’on est toutes petites, notre père nous mettait face à face en disant qu’on était en finale de Wimbledon ou de l’US Open, quelque part on était préparées. Et puis je me dis que dans dix ou vingt ans, elle sera encore ma soeur et qu’elle ne m’en voudra pas de l’avoir battue dans ce tournoi-là.”Si elles se sont rencontrées pour la trentième fois lors du dernier US Open (18-12 en faveur de Serena), elles ne l’ont fait qu’à deux reprises lors de l’Open d’Australie, chaque fois en finale et à quatorze ans d’intervalle.
Quand on joue l’une contre l’autre, j’essaie de me persuader que c’est quelqu’un d’autre.
Serena slam On vit une situation un peu comparable dans la famille Williams. L’ainée, qui avait remporté cinq de leurs sept premières confrontations, cède devant la cadette, donnant raison à leur père Richard Williams qui avait prédit quelques années plus tôt : “Venus sera bientôt numéro un mais Serena sera encore plus forte.”Il faut bien dire que le monde du tennis est heureux de voir surgir des adversaires compétitives, et par la suite, blessures et péripéties extra-sportives obligent, de ne plus voir briller les sisters que par intermittence, parce que leur suprématie finit par lasser. On soupçonne même l’imposant paternel, maître après Dieu, d’avoir un moment désigné celle qui doit gagner avant leurs matches. Elles se disputent ainsi six des huit titres majeurs entre l’US Open 2001 et Wimbledon 2003. “Les finales entre Williams, c’est un peu triste”, lâche même Mauresmo pendant la saison 2002. “La première fois, cela fait sourire mais les gens vont commencer à en avoir marre. Je ne peux pas compter le nombre de personnes qui m’ont encouragée pour éviter ça.”Le président de la fédération russe va jusqu’à parler des... “Williams brothers”, ajoutant “c’est effrayant quand vous les regardez vraiment”. Elles ont beau avoir révolutionné leur sport au niveau de la préparation et de la force physique, leur “entreprise de démolition”dérange. Fort heureusement, les temps ont changé, elles sont aujourd’hui estimées selon leurs mérites, et Serena est la “queen of tennis”. Pour en revenir à leur finale australienne de 2003, c’est un de leurs affrontements les plus passionnants (7-6 (4), 3-6, 6-4), Serena y confirme qu’elle est désormais, et pour toujours, la meilleure des deux en réalisant ce que l’on baptise sur l’heure le “Serena slam”, soit remporter les quatre Grands Chelems d’affilée à cheval sur deux saisons.
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La plus “girlie”des sisters Le côté paradoxal de Serena Williams est d’afficher cette présence physique monumentale, exceptionnelle, ce style bulldozer des courts, cette attitude de “killeuse”ou ce bras impressionnant auquel peu d’adversaires résistent, et en même temps de revendiquer une féminité jusqu’au bout des ongles (“le rose est ma couleur favorite”), presque midinette, ou d’arborer sur le court les tenues les plus improbables, pour être gentil, comme de jouer avec une combinaison noire intégrale à Paris ou le “tutu”de votre petite fille à New York, sans craindre de choquer. Un grand écart digne de celui que réalisait Kim sur le court. “Ils ont été jusqu’à dire sur les réseaux sociaux que j’étais née garçon, on a beau ne pas vouloir faire attention c’est difficile, alors que c’est moi la plus “girlie”parmi mes soeurs. Venus était mince et grande et belle, j’étais forte et musclée... et belle aussi, juste différente.”Pourtant, en 2004, l’Américaine avait laissé entendre qu’un de ses objectifs, en même temps que remporter Rome et Roland Garros, était de descendre à une taille 4. “Mon Dieu, je n’aurai jamais une taille 4, et pourquoi le voudrais-je, ce sont mes armes, c’est ma machine”, assure-t-elle aujourd’hui. “Mais je suis contente de l’avoir dit, maintenant qu’Olympia est née, qu’elle a mes bras, je peux lui montrer que je me suis battue et qu’au lieu d’être triste ou craintive à propos de ce que les gens peuvent dire je suis tellement heureuse comme je suis, je ne changerais plus pour rien au monde, et si je peux m’en servir comme d’une force pour inspirer d’autres femmes, qui comme j’ai pu l’être, sont complexées...”
2008.
Novak Djokovic Le coup du ‘‘Djoker’’ Il y a dix ans, on vivait de grands moments. Justine venait de gagner un des plus grands matches féminins de l’histoire au Masters contre Sharapova, après avoir sorti les deux Williams à New York. Mieux valait en profiter, ça n’allait pas durer. Federer survolait le tennis masculin comme personne avant lui. Les deux dernières années, il avait remporté tous les tournois majeurs sur dur et sur herbe, Masters compris, seulement contrarié par Nadal sur terre. Et c’est là qu’est arrivé Djokovic à Melbourne pour ramener le “génie des alpages” sur le plancher des vaches. Une nouvelle ère s’annonçait, même si Djoko allait mettre trois ans à regagner un Grand Chelem et si Federer en accrocherait encore sept en dix ans.
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I
l faut se remettre dans le contexte de l’époque. Début 2008, Novak Djokovic pointait certes troisième joueur à l’ATP et s’était profilé, très jeune, comme une énorme promesse du tennis mondial, mais il ne jouait pas dans la même cour que le duo Federer/Nadal - on les avaient raccourcis en “Fedal” - qui gagnait tout depuis deux ans et demi. Le “Djoker” était charismatique, mais son côté showman ne faisait pas que des heureux, et si ses blagues ou imitations, qui lui permettaient de croquer, parfois de manière savoureuse, les tics de ses collègues, de Rafa à Sharapova, réjouissaient les réseaux sociaux, elles étaient loin d’être appréciées de tous. Les nombreux “medical time out” et autres appels au kiné qui émaillaient ses matches faisaient également jaser, provoquant même un gros incident à Flushing Meadows avec Andy Roddick, les deux joueurs étant à deux doigts d’en venir aux mains dans le vestiaire. Le Serbe avait aussi la réputation de ne pas être l’homme des grands rendez-vous, impression renforcée par sa première finale majeure, juste avant, à l’US Open 2007, où l’on avait pu parler d’opportunité gâchée, déjà face à Federer. Voilà pourquoi sa victoire de 2008 à Melbourne est un moment clé de l’histoire tennistique du 21e siècle.
La fin d’une domination absolue D’abord parce que si le Serbe n’avait eu de cesse de clamer haut et fort que son destin était d’atteindre le sommet du tennis mondial, cette première couronne majeure, conquise en champion, laissait entendre qu’il ne s’agissait pas d’une insolente forfanterie. Certes, il fallut attendre 2011 pour que Djoko rejoigne dans la constance la capsule extraterrestre des Roger ou Rafa de la meilleure heure et prenne à son tour le pouvoir, mais en ce début 2008 sa victoire face à Roger Federer en demi-finale - en trois sets s’il vous plaît (7-5, 6-3, 7-6) - n’en changea pas moins la face des choses. Il faut se rendre compte que le Suisse restait sur dix finales de Grand Chelem d’affilée, qu’il avait remporté douze titres majeurs plus quatre Masters en cinq ans, et gagné trois des quatre derniers Open d’Australie. Or, après l’échec de Melbourne, il allait subir cette année-là sa plus cruelle défaite à Roland Garros des oeuvres de qui vous savez (6-1, 6-3, 6-0) avant que dans la foulée le même Majorquin ne vienne le narguer pour la première fois ailleurs que sur la brique, dans son jardin londonien, à l’issue de ce qui reste le plus somptueux “mano à mano” de l’histoire. Plus question de cavalier seul, donc, pour le divin Suisse, qui remporta malgré tout l’US Open mais se retrouva progressivement engagé dans une course de plus en plus folle à trois ou à quatre vers des sommets vertigineux, même sur ses terrains favoris. L’heure du Big Four allait sonner.
Tsonga même pas tête de série Cette finale australienne de 2008 entre Djoko et l’inattendu JoWilfried Tsonga offrit donc à un lauréat inédit l’opportunité de monter sur la plus haute marche du podium, on peut même ajouter qu’il s’agit toujours de la plus belle occasion d’y parvenir pour un Français, depuis Yannick Noah, puisque le Manceau a remporté le premier set et ne s’est incliné qu’au tie-break lors du quatrième (4-6, 6-4, 6-3, 7-6). Pourtant, ce n’est pas ce match-là qui a le plus marqué les mémoires, même dans le cas de Tsonga. Les deux protagonistes avaient en quelque sorte franchi une barrière psychologique au tour précédent, l’un en brisant à 20 ans l’élan du dieu Federer sur une de ses surfaces favorites - “j’ai créé un monstre, maintenant je dois gagner tous les tournois alors qu’une demi-finale, quand même, ce n’est pas si mal”, avait réagi le Suisse -, l’autre à peine plus âgé en laminant Rafael Nadal, lui infligeant un
Maintenant qu’il est revenu, où va-t-il s’arrêter ? Lorsqu’en 2016, après avoir tout gagné en un an et demi, Novak Djokovic a disparu des radars, on a dû se rendre à l’évidence, c’est son fantôme qui hantait les courts, vide de motivation et de hargne, le sosie du champion qui faisait le vide... autour de lui. Cela aura duré deux ans. A Miami cette année, après une opération au coude, il a encore été balayé au premier tour par Benoît Paire. «Si vous m’aviez dit alors que je gagnerais Wimbledon, Cincinnati et l’US Open j’aurais eu du mal à le croire», dit-il, «bien qu’une partie de moi ait toujours été convaincue que je pourrais retrouver mon niveau rapidement.» Sa meilleure décision aura sans doute été de revenir à ses fondamentaux en rappelant Marian Vajda, son coach de toujours. Il raconte aussi qu’à la suite de la déception de Roland Garros, après avoir rejoué son tennis par séquences, il avait senti lors d’une «rando» avec sa femme dans la montagne... Sainte-Victoire, à Aix-en-Provence, «comme un nouveau souffle pour le tennis». Toujours est-il que, depuis, on a retrouvé le «mur humain» comme l’appelle Wilander, et que le meilleur retourneur du monde, 31 ans, est passé de 12 à 14 titres majeurs en deux mois, égalant Pete Sampras. «Je pensais que Rafa (17) et Roger (20) avaient trop d’avance», sourit Vajda, «mais il se rapproche.»
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Grandes premières
score dont il n’a guère l’habitude 6-2, 6-3, 6-2. Si cette première majeure ne fut pour le Serbe qu’un avant-goût de ce qui allait suivre plus tard, moyennant quelques remises au point préparatoires et diététiques, le Français, sans le savoir, vivait déjà son plus haut fait d’armes alors qu’il naissait à peine aux yeux du grand public. “Un an auparavant j’étais 250e à l’ATP, sur ce tournoi je n’étais même pas tête de série”, glissait Tsonga, “alors sortir le numéro deux mondial en demi-finale pensez... tout le monde me dit que c’est le meilleur match de ma carrière, mais je trouve que battre Federer en cinq sets à Wimbledon comme je l’ai fait en 2011 c’est plus grand et plus symbolique. Contre Nadal, j’ai joué le match parfait, quasi intouchable, dans la manière comme dans la réussite (cinq balles de break converties sur sept), je faisais ce que je voulais et ça passait, je pense que personne n’aurait pu me battre.” “Il ne peut pas jouer comme ça toutes les semaines, c’est impossible”, avait d’ailleurs embrayé le Majorquin. “Le public aussi était incroyable”, continuait le Français, “il l’a toujours été avec moi en Australie (comme en 2016 lorsqu’il est venu au secours d’une ramasseuse de balle victime d’un malaise, ndlr). A l’époque, on me comparaît même à Mohammed Ali, les gens trouvaient que je lui ressemblais physiquement, et dans certaines attitudes.”
Sans gluten c’est encore mieux Dans son entourage, on dit que jamais dans sa carrière Jo-Wilfried n’est arrivé aussi bien préparé en Grand Chelem. En finale, la marche s’est néanmoins révélée trop haute, et il en garde quelques regrets. “Au moins celui de n’avoir pas forcé un cinquième set, physiquement j’avais l’impression d’être au dessus, j’ai une balle pour le breaker à 5-5, un passing à tirer, il choisit le bon côté.” Tsonga allait prendre sa revanche en 2010 au stade des quarts de finale, et Djoko craqua en effet au cinquième, mais ce n’était évidemment plus pareil. Le Serbe, pour la première fois, avait été accueilli en héros à Belgrade par 15.000 fans en folie. Enfant, Novak rêvait devant “ces grands athlètes qui gagnaient des trophées pour leur pays”. “Et voilà que c’était moi, que la pizzeria de mes parents dans la montagne était prise d’assaut, refusait du monde, c’était très spécial comme sentiment”, sourit-il. Pendant que l’histoire de son pays s’écrivait avec des balles, lui les voyait jaunes, les balles, il s’imaginait champion de tennis tenant sa raquette en guise de fusil. La force de Djokovic a été de croire en son destin. Sa première victoire en Grand Chelem est à l’image de sa vie, il a su attendre pour se forger des certitudes sans jamais se détourner de son objectif. Numéro 3 mondial depuis l’été précédent, il a alors creusé l’écart avec la meute du
top 10 pour toucher du bout des doigts les territoires sacrés de Roger Federer et Rafael Nadal. Les a-t-il mis pour autant sous pression ? Pas encore. Sur le moment, l’intéressé lui-même en était conscient : “Ce n’est pas possible qu’un tournoi change l’histoire, un tournoi ne change pas tout, mais cela fait certainement une différence.” Surtout, ce premier sacre ne l’a pas empêché de connaître encore les problèmes respiratoires et les coups de mou à répétition qui empêchaient sa carrière de réellement décoller. Ce qu’elle a fait, ce n’est plus un secret pour personne, lorsqu’il a arrêté la consommation de gluten, de produits laitiers, et de sucres hormis le miel et les fruits. “Jusqu’en 2010, mes problèmes de santé m’empêchaient de me hisser au plus haut niveau”, explique-t-il, “j’avais l’impression de souffrir d’asthme et de malaises à répétition. Un nutritionniste me voyant à la télévision sombrer physiquement et mentalement lors d’un match (justement celui contre Tsonga à l’Australian Open 2010, ndlr) a compris que ma déroute provenait en partie de mon alimentation. Quand je l’ai rencontré quelques mois plus tard, il m’a recommandé de modifier ma manière de me nourrir, j’étais sceptique, mais on a essayé de supprimer le gluten pendant 14 jours et tout a changé, bien au-delà de mes espérances. Cela m’a indiscutablement aidé à devenir meilleur, mais je n’ai pas non plus commencé subitement à gagner des matches parce que j’étais “glutenfree”, même si les journalistes se sont tous concentrés là-dessus.”
Le mal-aimé ? Djoko n’a jamais approché, même de loin, le genre de popularité, pour ne pas dire d’amour, portés à Roger et Rafa, il n’a cessé de courir après cette reconnaissance. S’agit-il encore d’un héritage de son passé turbulent, impertinent et grincheux quand les deux autres se comportaient en grands seigneurs ? Aujourd’hui que son attitude ne lui porte certainement plus préjudice, qu’il est père de famille, et même adepte de la méditation, on sent bien qu’il a du mal à comprendre. “J’ai toujours respecté le sport et mes rivaux, je suis devenu meilleur, et même ce que je suis, grâce à Nadal et Federer, ce qu’ils ont ils le méritent, ils ont été si dominants, ce sont des champions sur et en dehors des courts, ils me motivent à aller toujours plus de l’avant. Au début de ma carrière, j’étais le rebelle, le challenger, on me regardait genre “qui c’est ce mec de Serbie, petit pays, qui vient de nulle part et prétend battre les top gars pour devenir numéro un ?” La seule manière pour moi de répondre était de montrer que je méritais d’être là. Cette estime je dois encore la gagner, tous les jours. Encore et encore...”
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Malgré une carrière plus qu’honorable sur les courts, René Lacoste est davantage connu pour des raisons extrasportives.
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Name dropping
Heurs et malheurs de la reconversion... René Lacoste, Fred Perry, Stan Smith, Sergio Tacchini, David Lloyd, ces joueurs ont tous fait une carrière plus qu’honorable sur les courts. Pourtant, ils sont davantage connus pour des raisons extrasportives. Ils sont carrément devenus des marques, au point que les jeunes générations ignorent leur passé tennistique. Mais ces cas sont exceptionnels. Généralement, les anciens as de la balle jaune deviennent des consultants pour les grandes chaînes de télé ou des entraîneurs pour les joueurs en vogue. A moins qu’ils ne deviennent des valeurs éternelles. Souvent, la reconversion de ces champions de tennis est une véritable saga…
Q
u’ont en commun René Lacoste et Fred Perry ? D’avoir été d’excellents joueurs de tennis, certes, mais pas que. Illustres vainqueurs des plus grands tournois existants entre les années 20’ et 40’, ils résonnent aujourd’hui tout autrement dans l’imaginaire collectif. Devenus de véritables icônes de la mode, leurs polos sont aujourd’hui portés partout à travers le monde. Si aucun match officiel entre les deux hommes ne s’est jamais déroulé durant leurs carrières de joueur, on ne peut pas en dire autant du côté de leurs parcours d’entrepreneur. Plus que de simples joueurs, ces hommes sont devenus au fil des années de véritables marques. Le Français, qui fit partie des célèbres “Mousquetaires” tire son logo de son célèbre surnom, le Crocodile, l’autre, qui remporta 8 Grands Chelems, fit du symbole de l’équipe britannique de Coupe Davis ( le laurier) son blason.
René Lacoste imagine l’invention du polo moderne dès 1926 aux côtés d’André Gillier, un professionnel du textile. C’est sept ans plus tard, en 1933, que la commercialisation du fameux polo “L12-12” voit le jour. Un vêtement conçu pour les hautes sphères de la société qui rencontre vite un franc succès, bien aidé par sa présence sur tous les courts de tennis de l’époque. René Lacoste révolutionne à ce moment-là, non seulement le monde du tennis, son polo permettant aux joueurs de jouir d’un accoutrement plus confortable pour exercer leur art, mais également les milieux de la mode grâce à un vêtement innovant, directement inspiré de l’univers sportif. Le monde ne le sait pas encore à ce moment précis, mais le parfait compromis entre le vêtement chic et la tenue décontractée vient de voir le jour grâce au champion français. Le polo devient avec le temps un classique indémodable qui doit être dans toute garde-robe masculine : il est le premier vêtement à allier l’élégance d’une chemise au confort d’un tee-shirt.
Le symbole de la marque de l’ancien joueur Fred Perry, un laurier, est connu dans le monde entier.
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Name dropping
Evolution de l’image Fred Perry, de son côté, profite de sa célébrité mondiale engendrée par son excellente carrière de joueur. Le Britannique quitte les terres de son enfance pour s’installer aux EtatsUnis dans le milieu des années 30’. La mentalité du pays de l’Oncle Sam le touche et lui permet de développer un sens affirmé des affaires. Propriétaire dans un premier temps du Beverly Hills Tennis Club, il fait la rencontre du footballeur autrichien Tibby Wegner. En 1949, ce dernier lui propose une association de manière à développer une autre innovation technique majeure de l’époque : les poignets éponges. Seulement trois ans plus tard, les deux hommes imaginent leur propre polo frappé du symbole du laurier : la marque Fred Perry voit alors le jour. Suite au succès de Lacoste, le polo est déjà bien ancré dans les mœurs et l’alternative proposée par Fred Perry est propulsée directement en tête des ventes de vêtement. Les matches de tennis commencent tout juste à être diffusés à la télévision, et le rayonnement médiatique offert par cette nouvelle technologie permet aux polos Fred Perry de toucher une clientèle très large.
Commercialisée en 1965, la paire est imaginée par Robert Haillet, un joueur français à l’aura bien moindre de celle de l’Américain. C’est en 1971 que Stan Smith signe son premier contrat de partenariat avec Adidas, marque propriétaire des baskets. Jusqu’en 1974, aussi bien Robert Haillet que Stan Smith portent fièrement les chaussures de la marque aux trois bandes. Après 1974, le contrat est rompu avec le joueur français et l’Américain devient seul emblème de la marque. La chaussure est même rebaptisée en son nom en 1978, la languette est alors ornée de son visage et de sa signature. Depuis, la paire s’est écoulée à plus de septante millions d’exemplaires dans le monde, ce qui en fait la basket la plus populaire de l’histoire. Si populaire que les jeunes générations ne connaissent parfois même pas l’existence du joueur (qui gagna l’US Open en 1971 et Wimbledon en 1972). Pour eux, Stan Smith est une marque de chaussure, et rien d’autre. Stan Smith, le joueur, est l’incarnation parfaite du joueur-marque qui traverse le temps et défie toutes les modes existantes : la chaussure est intemporelle. Son
De nos jours, les marques Lacoste et Fred Perry sont davantage associées au monde du streetwear. Un univers bien éloigné des hautes classes initialement ciblées...
La majorité des grands joueurs entre les années 50’ et 60’ sont affublés du polo au laurier, et le succès de Fred Perry est rythmé par les victoires de ces orfèvres du tennis. Le succès est tel que même les célébrités souhaitent obtenir leur pièce, le futur président John Fitzgerald Kennedy notamment.
Si le succès est plus que jamais au rendez-vous, la suite est moins reluisante pour l’image de marque de Fred Perry. A la suite de la victoire de l’équipe d’Angleterre lors de la coupe du monde de football en 1966, le polo de la marque est adopté par différents courants et organisations proches du milieu des Skinheads. Si, à l’origine, la mouvance Skinhead n’est absolument pas politisée et tire sa force de la culture populaire, la crise du début des années 1980 contribue à amener des opinions d’extrême droite au phénomène. La marque Fred Perry est alors étroitement associée à cette mouvance d’extrémistes violents, et souffre en conséquence d’une image de marque négative pour le grand public.
immense succès peut être assimilé à un raz-de-marée emportant tout sur son passage. Tentez l’expérience par vous-même : il est absolument impossible de sortir dans une grande ville sans croiser plusieurs paires de la marque, aussi bien dans la rue que dans les transports, et même dans votre entreprise : elles sont absolument partout. L’annonce par Adidas d’un arrêt de la production en 2012 avait provoqué un énorme émoi chez les fans de la basket, et son succès n’en est que plus vertigineux quelques années plus tard, lors d’une nouvelle réédition. A l’instar du polo, la pièce s’éloigne progressivement de l’image du tennis et fait fureur dans le monde de la mode : c’est l’avènement de la basket blanche minimaliste, un marché sur lequel toutes les plus grandes marques veulent avoir leur part du gâteau aujourd’hui.
Raz-de-marée planétaire
De l’élégance au bien-être
De nos jours, les marques Lacoste et Fred Perry sont associées par beaucoup au monde du streetwear, c’est-à-dire aux franges populaires et à la culture de la rue, très loin des hautes classes ciblées initialement des décennies plus tôt par les créateurs. Mais ce ne sont pas les seules marques sportives à avoir rencontré un tel changement de positionnement. La basket la plus célèbre de la planète tire également son origine du monde du tennis : la fameuse Stan Smith.
Et lorsque l’on parle de mode, il est impossible de ne pas se tourner du côté de l’Italie et de Sergio Tacchini. Membre star de l’équipe italienne de Coupe Davis des années 1960, il lance à la fin de sa carrière sa marque éponyme, frappée d’un “T” facilement reconnaissable. La marque connaît son âge d’or dans les années 1970 à 1980 grâce à une stratégie similaire à ses homologues, en sponsorisant les plus grands joueurs de l’époque : John McEnroe, Jimmy Connors ou encore Pete Sampras. Plus
La basket la plus célèbre de la planète tire également son origine du monde du tennis : la fameuse Stan Smith.
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Name dropping récemment, c’est Novak Djokovic qui était le porte-étendard de la marque, avant de se tourner vers le groupe japonais Uniqlo. Sergio Tacchini connaît un passage difficile en l’an 2000 mais parvient tout de même à exister grâce à un catalogue de produits sportifs très complet et mieux achalandé au fil des années. Comme vous pouvez le constater, de nombreux joueurs optent pour le textile afin d’immortaliser leur nom. Mais ce n’est pas le cas de tous. Citons par exemple le cas du Britannique David Lloyd qui donne son nom à des clubs de santé, de sport et de loisirs pour lesquels il est aujourd’hui mondialement connu. En témoigne son centre à Bruxelles. Bref, le succès est au rendez-vous plus de vingt ans après la création des premiers centres, dans son pays natal. Implantés dans toute l’Europe, ces espaces bien-être permettent à une clientèle aisée de venir se ressourcer dans des lieux dont le confort et le prestige ne sont plus à prouver.
Vive le consulting ! Si la plongée dans le monde des affaires peut-être très tentante, d’autres joueuses et joueurs ont en revanche plus de mal à se séparer totalement du monde de la balle jaune. En témoigne notre championne et ancienne numéro une mondiale Justine Hénin qui, à sa présence dans le monde associatif, combine une activité de consultante. Présente sur France Télévision pour commenter Roland Garros chaque année aux côtés de Laurent Luyat et Nelson Monfort, la joueuse (qui affiche sept tournois du Grand Chelem à son palmarès) communique son expérience et son expertise aux téléspectateurs français.
Si l’essentiel des apparitions télévisuelles de Justine Hénin ou d’Amélie Mauresmo s’effectuent lors du tournoi de la Porte d’Auteuil, c’est loin d’être le cas pour Fabrice Santoro. En effet, le Fraçais est engagé par le groupe Bein Sports pour y commenter des matches très régulièrement depuis plusieurs années, et ce même sur des tournois mineurs. Son activité de consultant pour la chaîne est d’ailleurs combinée avec sa casquette d’entraineur pour Richard Gasquet. Le Français Paul-Henri Mathieu s’est lui tourné du côté de Canal +, groupe concurrent de Bein Sport sur le marché hexagonal.
Place au management… Si la passerelle entre joueur et journaliste semble plus qu’accessible, il paraît toutefois plus complexe de s’insérer durablement dans le business pur et dur, sauf peut-être pour notre compatriote Eric Drossart qui fut le bras droit de Mc Cormack au sein d’IMG (International Management Group), fondateur du groupe éponyme en 1960. Spécialisé dans le management sportif, le groupe gère la carrière des plus grands sportifs actuels : Tiger Woods, Roger Federer, Maria Sharapova ou encore les sœurs Williams.
Mais la plus grande sucess story est peut-être à mettre à l’actif de Ion Tiriac, ancien joueur roumain des années 1970 et rival de Stan Smith. Il est parvenu à devenir en 2007 la première fortune de Roumanie. Fort d’un patrimoine estimé à plus d’un milliard de dollars, il figure même parmi les mille hommes les plus riches de la planète. Directeur du masters 1000 de Madrid, l’un des Du côté des plateaux anglo-saxons, tournois les plus prestigieux sur on retrouve notamment John la surface ocre, il a certainement McEnroe et Martina Navratilova donné des idées au Français Guy sur la BBC. Icônes d’un sport Forget. Capitaine de l’équipe de qu’ils ont dominés dans les années Coupe Davis et de Fed Cup tricoDevenu multi milliardaire, l’ancien joueur de tennis 1980, il était impensable pour eux lore après sa carrière de joueur, de faire totalement leurs adieux roumain Ion Tiriac pose avec son complice de double il est aujourd’hui directeur sporde toujours, Ilie Nastase. au monde du tennis. Amélie tif du Grand Chelem parisien Mauresmo, l’une des plus grandes rivales de Kim Clijsters et de Roland-Garros. Tout comme les nombreux joueurs cités Justine Hénin sur les courts dans le milieu des années 2000 précédemment, Guy Forget a multiplié le rôle de consultant s’est également reconvertie dans le journalisme pour le groupe pour les chaînes sportives les plus en vues : France Télévision, France Télévision. Plus récemment, c’est Marion Bartoli qui Canal +, Eurosport ou encore Bein Sport : il est tout simpleaprès une retraite anticipée et une victoire à Wimbledon s’est vu ment impossible de suivre le tennis en France sans entendre confier des matches à commenter pour le groupe Bein Sports. la voix de l’ancien champion français. PLAY TENNIS 101
Saga Noah Et lorsque l’on parle de champion français, il est impossible de ne pas mentionner Yannick Noah. Dernier vainqueur tricolore à la Porte d’Auteuil (en 1983), il a été durant de nombreuses années l’une des personnalités préférées des Français. Et ce titre anecdotique au regard de ses succès n’est pas uniquement motivé par sa carrière de joueur, mais aussi par sa reconverssion en tant que chanteur. Son premier single devint très rapidement un tube qu’il est impossible de ne pas avoir écouté au moins une fois dans sa vie dans l’univers francophone : Saga Africa. Le titre bénéficia de l’engouement engendré par la victoire de la France en Coupe Davis, 59 longues années après son dernier sacre. Sorti en 1991, il permit au joueur-chanteur de décupler sa popularité et de démarrer au mieux son après-carrière, porté par sa deuxième passion, la musique. Toutefois, le succès de Yannick Noah finit par s’ammenuiser au fil des années, la faute à quelques convictions politiques déplaisant à certains de ses fans. Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir tenté sa chance dans la musique : ce fut également le cas de John McEnroe, avec tout de même bien moins de succès pour ce dernier. Inspiré par des amis de renoms tels que Van Halen ou encore Eric Clapton, l’Américain espérait devenir une star du rock après son passage sur les courts. Le groupe partira tout de même en tournée pendant deux ans, avant que McEnroe ne quitte le groupe sans réelle raison apparente en 1997. Il faut croire que son légendaire mauvais caractère n’était pas uniquement le fait des courts de tennis.
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Poupées russes… Pour trouver pareille omniprésence dans le paysage audiovisuel du côté de notre plat pays, un nom résonne évidemment plus que tout autre : Marlène de Wouters, qui devint présentatrice à seulement 23 ans. La ballerine du tennis comme on aimait la surnommer écrivit par la suite pas moins de trois ouvrages. Aujourd’hui, l’ancienne star de VTM développe son association MW Fund à l’attention des enfants défavorisés. Elle croit profondément dans les bienfaits du sport pour sortir les jeunes d’une vie délétère, et utilise sa notoriété pour une noble cause. Si Marlène de Wouters jouit d’une excellente image et a toujours mis en avant son atout charme avec parcimonie, de nombreuses joueuses du XXIème siècle ont fait le contraire et ont bien intégré l’importance de l’image pour perdurer, au détriment parfois même du jeu. L’exemple d’Anna Kournikova est certainement le plus frappant. Si la joueuse russe n’a peutêtre rien gagné de significatif lors d’une carrière ou elle a tout de même atteint le 8ème rang mondial en 2000, on ne peut pas en dire autant de sa carrière de mannequin qui lui vaut une reconnaissance mondiale. En couple avec le célèbre chanteur Enrique Inglesias depuis 2001, Anna Kournikova a très vite compris par quels moyens gérer au mieux son image et devenir l’une des femmes les plus cotées de la planète. Anna Kournikova a même donné son nom à un virus informatique apparu en 2001, dès les prémices d’internet. La technique utilisée par les pirates informatiques était extrêmement simpliste et, pourtant, bougrement efficace. Des milliers de
Anna Kournikova a très vite compris par quels moyens gérer au mieux son image... jusqu’à donner, involontairement, son nom à un virus informatique !
mails étaient envoyés à différents destinataires inconnus, appartenant à la gente masculine de préférence. Le mail indiquait contenir une photo inédite, et bien sûr dénudée, de la joueuse. La victime cliquait alors sans crier gare sur le fichier et voyait son ordinateur contaminé par un virus inclus dans la supposée photo. Plus incroyable encore, son nom fut même attribué à une main au poker composé de l’As (Ace) et du Roi (King), renvoyant aux initiales de la joueuse : AK. Pour les professionnels de ce jeu, cette main était considérée comme très jolie, mais ne gagnant que rarement, en référence bien évidemment à la carrière d’Anna Kournikova. Depuis, de nombreuses joueuses se sont essayées avec plus ou moins de succès à une carrière de mannequin : Caroline Wozniacki, Kristina Mladenovic et, bien sûr ,Maria Sharapova 104 PLAY TENNIS
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Du paradis à l’enfer Il est tout de même à noter que tout ce petit monde des podiums et du shooting n’est pas exclusivement réservé aux femmes. Novak Djokovic a par exemple posé pour une couverture du GQ italien, un magazine centré sur la mode masculine. On ne compte également plus les apparitions en couverture des plus grands magazines de mode de Roger Federer ou encore Rafael Nadal, qui ont par ailleurs tout deux également lancé leur marque. Tous ces exemples ne font que rappeler que les joueurs de tennis, à l’instar des autres sportifs, ne peuvent plus se cantonner à leur sport d’origine. Ils deviennent de véritables institutions marketing à eux seuls. La gestion d’un joueur se rapproche de plus en plus à celle d’une multinationale. Ce n’est pas Ion Tiriac qui dira le contraire, l’ayant peut-être compris avant tout le monde. D’autres ont peut-être moins bien intégré ce sens des affaires, au regard de leur profonde décente aux enfers. Boris Becker n’a plus rien à prouver dans le monde de la petite balle jaune, avec pas moins de six victoires en Grand Chelem. Avec plus de vingtcinq millions de dollars glanés en tournoi entre 1984 et 1999, on aurait pu légitimement penser que l’après-carrière risquait d’être très serein pour l’Allemand. Il n’en est rien, et le voilà totalement ruiné moins de vingt ans plus tard, et même endetté à hauteur de plusieurs millions de dollars. Pourtant propriétaire de plusieurs concessions Mercedes et actionnaire majoritaire de la société Völkl, il a fini par sombrer. La gestion catastrophique de son patrimoine financier a fini par lui couter gros. Il a même
l’ex finaliste de Roland-Garros. Sa participation en 2004 à la télé réalité française “La Ferme Célébrités” illustre bien cela. Ruiné et désespéré, Henri Leconte cherche à redorer son image mais surtout son portefeuille par tous les moyens possibles. La suite de la courte carrière de Björn Borg, retraité à 26 ans, fut également des plus complexe. Malgré ses 109 semaines consécutives en tant que patron du circuit et ses 11 titres du Grand Chelem, le joueur suédois connu de nombreux déboires. Après le dépôt de bilan de sa société “Björn Borg Design Group” à la fin des années 1980, la rumeur courut que le Suédois avait tenté de mettre fin à ses jours par une prise importante de somnifères. S’en suivra un retour à la compétition pour le moins raté en 1991, dépassé par les technologies existantes, le joueur continuant de favoriser sa bonne vieille raquette en bois.
Quid de Federer ?
Tous ces exemples permettent de constater que, même en étant une célébrité, il n’est jamais chose aisée de percer durablement dans le monde des affaires. Les gigantesques succès de René Lacoste ou encore Fred Perry n’en sont que plus impressionnants. Il est dès lors légitime de se poser la question concernant l’après-carrière toute proche de Roger Federer. A 37 ans, le Suisse sait que le temps lui est compté malgré un niveau de jeu qui semble toujours aussi affolant. Obligé de sélectionner scrupuleusement les tournois auxquels il participe pour rester au top physiquement, il ne devrait pourtant pas pouvoir poursuivre au-delà de l’année prochaine à si haut niveau. Avec plus de 100 millions de dollars gagnés en tournoi, et bien plus en publicité, l’idée de voir le maestro un jour ruiné semble pour le moins irréaliste (comme pour Rafael Nadal Souvent, la reconversion des anciens champions et Novak Djokovic). Mais c’est peut-être en et championnes de tennis raisonnant comme cela que Boris Becker et Henri Leconte en sont arrivés là où ils sont est une véritable saga… aujourd’hui. Difficile néanmoins d’imaginer que ces trois champions actuels vont se tromper dans leurs choix d’après-carrière. Leur impressionnante force mentale et leurs qualités humaines écopé d’une peine de deux ans de prison avec sursis en 2002 les ont portés au sommet de leur sport. Ce n’est pas une simple pour des arriérés d’impôts. Malgré une collaboration réussie gestion de patrimoine qui risque de les effrayer… avec Novak Djokovic entre 2013 et 2016, qui piétinait à ce moment-là dans le circuit masculin, l’Allemand a définitivement touché le fond l’année dernière suite à la suite d’un contrôle fiscal et de son divorce avec sa femme Lilly.
Donner son nom à un stade
Henri Leconte a malheureusement pour lui emprunté la même route sinueuse que Becker. Il décide durant sa carrière de confier son patrimoine à Jacques Heyer, un banquier suisse proche de Nicolas Sarkozy à l’époque des faits, dans les années 1990. Ce dernier aurait tout simplement abusé de la confiance du joueur durant de nombreuses années, entrainant la banqueroute de
Loin de l’échec, d’autres sont tout simplement devenus de véritables légendes du circuit. Immortalisée à jamais dans le paysage tennistique, Suzanne Lenglen fût la première méga-star féminine du tennis, dans une période qui nous semble maintenant si lointaine : l’après première-guerre. En gagnant à six reprises Roland Garros et Wimbledon, en alignant une impressionnante série de 181 victoires consécutives mais aussi en affichant un bilan de
On ne compte plus les apparitions des tennismen en couverture des plus grands magazines de mode. Ici, Novak Djokovic en couverture du GQ italien.
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98% de matches gagnés durant sa carrière, Suzanne Lenglen affiche des records qu’il serait impossible de titiller de nos jours. Malheureusement, l’histoire est terrible pour la joueuse : atteinte d’une leucémie, elle décède de manière précoce à seulement 39 ans, le 4 juillet 1938. Elle fût une véritable pionnière dans absolument tous les compartiments, à commencer par la révolution stylistique engendrée par le port d’une jupe courte, plus confortable pour jouer. Ses qualités techniques et physiques ont bouleversé le tennis à jamais, et il y eut incontestablement un avant et un après Suzanne Lenglen dans le tennis féminin. Elle n’a donc pas usurpé l’attribution de son nom au deuxième plus grand court de RolandGarros : le Suzanne Lenglen. Initialement baptisé court A en 1994, il fût renommé trois ans plus tard en hommage à la joueuse.
nom. Il faut dire que l’empreinte laissée par Rod Laver dans le tennis est indélébile après les différents records obtenus sur le circuit, avec des victoires en Grand Chelem aussi bien en simple qu’en double, mais aussi la réalisation sur deux années distinctes du Grand Chelem historique, à savoir remporter les quatre tournois majeurs sur une même saison. C’est en 1962 et 1969 qu’il réalisa cette prouesse, ce qui lui valut d’être considéré comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire.
Pour finir, comment ne pas mentionner l’icône américaine Arthur Ashe, dont le stade éponyme a été construit en 1997 ? Premier vainqueur du Grand Chelem new-yorkais de l’ère Open en 1968, Arthur Ashe a brillé durant l’ensemble de sa carrière aussi bien en simple qu’en double. Ce court, que l’on qualifie Mais le deuxième court de Roland Garros n’est pas le seul à bien volontiers de stade tant la capacité est impressionnante du avoir été nommé en référence à un ancien joueur. C’est le cas haut de ses 22.547 sièges, est le plus gros complexe tennistique également du court cendu monde. Marquant partral : Le Philippe-Chatrier. faitement la démesure du Renommé en 2001, soit pays de l’Oncle Sam, il est un an après la disparition toutefois vivement critiqué de l’ancien capitaine de par nombre de spectateurs l’équipe française de Coupe qui considèrent qu’il est Davis, le court permet de tout simplement impossible de bien observer un faire résonner à jamais le match lorsqu’on se trouve nom d’une personnalité dans les gradins les plus importante dans le monde éloignés. Il est effectivedu tennis, aussi bien en ment plus compliqué de France qu’à l’international. suivre un sport joué par En effet, Philippe Chatrier deux joueurs s’envoyant a énormément œuvré des balles à toute vitesse pour la cause de ce sport. que de regarder un match Président dans un premier de football. Il est d’ailleurs temps de la fédération un symbole fort de l’évolufrançaise à partir de 1973, il tion d’un sport qui n’était devint par la suite en 1977 à l’origine suivi et pratiqué président de la fédération que par des classes aisées. internationale. Le nombre Désormais, les joueurs de de licenciés français durant Le central de la Porte d’Auteuil n’oublie pas ses anciens champions... Chacune des tribunes porte en effet le nom d’un des quatre tennis les plus connus sont son mandat explosa, et on mousquetaires : Jean Borotra, Jacques Brugnon, de véritables stars monlui doit même la réintroRené Lacoste et Henri Cochet. duction du tennis aux Jeux diales, au même titre que Olympiques à partir de 1984. Par ailleurs, le central de la Porte les plus célèbres footballeurs. Au vu des cachets de plus en plus d’Auteuil n’oublie pas ses champions : chacune des tribunes du vertigineux, il est difficile de penser que le monde du tennis court porte le nom d’un des quatre mousquetaires : Jean Borotra, sera un jour en récession. Jacques Brugnon, René Lacoste et Henri Cochet. Et pourtant.. Alors que la nouvelle formule de la Coupe Davis vient d’être entérinée, il est parfaitement normal de se demander quelle voie va bien pouvoir prendre ce sport, et si ses valeurs, tellement plébiscitées, durant le siècle dernier ne vont Plus prestigieux encore, le joueur australien le plus célèbre de pas s’amenuiser au fil du temps. En attendant, le patrimoine tous les temps a même vu son nom attribué en 2000 au court tennistique peut se targuer d’être l’un des plus fournis du sport central de l’Open d’Australie : c’est la fameuse Rod Laver Arena. mondial. Ce sont les amoureux de la balle jaune qui vous le diMais ce n’est pas tout : la toute nouvelle compétition créée par ront : la richesse du tennis n’a d’égal que la beauté de ce jeu. Roger Federer l’année passée a également été nommée en son Pour certains, le meilleur est encore à venir.
Le tennis est-il éternel ?
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John McEnroe, Steven Tyler (d’Aerosmith) et Vitas Gerulaitis... le tennis des années septante était très Rock‘n’roll !
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Sexe, drogue, et... vie de famille Le tennis c’est d’abord du talent, de la technique, de la condition physique, un sport de spécialistes et de privilégiés qui s’est popularisé dans les années 70 grâce à de grands champions à la dimension charismatique, de véritables (rock) stars, qui ont les premiers bâti le pont reliant leur sport au show business.
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epuis, le tennis fait aussi les beaux jours de la presse people, et ses couples glamour donnent à rêver, même si, malgré l’omniprésence des réseaux sociaux, les échos sulfureux du siècle dernier ont évolué, en même temps que l’exigence du jeu, vers une chronique plus familiale. Les temps changent.
Vitas Gerulaitis ou la vie brûlée par les deux bouts
nisait l’énergie des nuits new-yorkaises, une génération de joueurs était bien décidée à jouir, elle aussi, des avantages en nature que lui offrait sa notoriété tennistique... Borg (on l’appelait le 5e Abba), McEnroe, Noah, Vilas... des années plus tard Agassi et Becker... tous reconnaissent néanmoins avoir trouvé leur maître en la personne de Vitas Gerulaitis, gosse de Brooklyn d’origine lituanienne à la crinière dorée, grand serveur-volleyeur, 25 titres ATP en simple, vainqueur de l’Open d’Australie en 1977, finaliste de l’US Open en 79. John McEnroe disait dans sa biographie “You can’t be serious” : “Quand j’étais junior on entendait de ces légendes... Vitas avait été avec telle actrice, il avait joué sous l’influence de telle drogue... je me demandais comment il faisait
On a du mal à l’imaginer alors que la planète tennis est depuis dix à quinze ans aux mains d’extraterrestres stakhanovistes, pères (ou mères) de famille, mais il fut un temps où les artistes de la raquette étaient aussi de joyeux Vitas conduisait une Roll-Royce jaune crème, fêtards, coureurs de de la couleur de ses cheveux, avec une jupons adeptes de la plaque marquée VITAS G. tournée des grands ducs. Jusqu’à faire faillite dans les affaires - comme Björn pour brûler la vie par les deux bouts, il Borg ou Boris Becker - malgré les for- conduisait une Rolls-Royce jaune crème tunes amassées sur les courts et en de- de la couleur de ses cheveux avec une hors. A l’époque où le Studio 54 galva- plaque marquée VITAS G.”
Un pognon monstre claqué en jets privés et prostituées Si la mémoire people n’a retenu aucune de ses conquêtes féminines... c’est qu’elles étaient trop nombreuses. On l’appelait Broadway Vitas. Il était tout à la fois un des tennismen les plus doués de sa génération, un dragueur invétéré, hédoniste convaincu, guitariste d’un groupe de rock, cocaïnomane, collectionneur de Lamborghini et ami personnel d’Andy Warhol. Quelqu’un qui bossait chez American Express a dit qu’une année Gerulaitis s’était retrouvé au troisième rang des plus gros dépensiers au monde recensés par sa firme, avec un pognon monstre claqué en jets privés et prostituées. Il a aussi perdu à seize reprises contre Borg en seize matches et n’a battu Connors qu’une fois... à leur dix-septième rencontre, ce qui lui inspira cette “punchline” qui lui ressemble : “Personne ne bat Vitas Gerulaitis dixsept fois de suite, personne”. “Comme celle de Federer-Nadal-Djokovic plus tard, la génération Borg-ConnorsMcEnroe était bien trop forte pour le commun des mortels”, dit John Lloyd, ex-mari de... Chris Evert. “Il était de notoriété publique que Vitas se droguait. C’était un truc social de l’époque.
“Broadway Vitas” écume les boites, faisant entre autre, les beaux jours (et nuits...) du Studio 54. 112 PLAY TENNIS
Il faisait beaucoup la fête, mais était aussi capable de tout arrêter lors d’un tournoi, de se coucher tôt et de ne sortir que pour s’entrainer 8 heures par jour... comme pour se punir. C’était vraiment bizarre.” Gerulaitis disait : “Quand on me demande jusqu’à quand j’ai l’intention de vivre, je réponds : jusqu’à ce que j’aie un jour battu Borg.” Il est mort à même pas 40 ans dans son sommeil au domicile d’un ami. Après avoir évoqué la piste d’une overdose de cocaïne, la police a conclu à un empoisonnement au monoxyde de carbone provenant d’un chauffe-piscine défectueux. Désespérément banal pour un gars aussi flamboyant.
avant-hier Chris Evert - Jimmy Connors
“gérer les détails”. Toujours dans son livre, Jimmy Connors évoque dès lors un coup de fil nocturne durant lequel il émit des doutes quant à leur mariage, Chris Evert n’hésitant pas et acquiesçant : “Ok, si c’est ce que tu penses. J’ai un match demain. Pas un problème.” Le couple ne se sépara finalement qu’un peu plus tard au terme d’une conversation de six heures. “J’étais triste”, continue Connors. “Je l’aimais et nous avions fait tant d’efforts pour cette relation.” Le “déballage” n’a évidemment pas plu à Chris Evert, “extrêmement déçue qu’il utilise un livre pour déformer un problème privé datant de 40 ans et le rendre public à mon insu. Il s’agissait d’un moment très personnel et émotionnellement douloureux de notre liaison.” Connors ne s’est pas pour autant excusé, estimant qu’il s’agissait “d’un fait comme un autre.”
Fiancée de l’Amérique ou briseuse de ménage ? Bien avant Steffi Graf et Andre Agassi, le petit monde du tennis a donc eu son couple phare, Jimmy Connors, numéro un mondial durant 268 semaines, détenteur du record de titres ATP en simple (109, dont 8 majeurs), et Chris Evert, 18 titres du Grand Chelem, une romance qui a passionné les fanatiques de la petite balle jaune. Nous sommes en juin 1972 et les deux jeunes prodiges bousculent la hiérarchie mondiale. Alors qu’ils disputent le tournoi du Queen’s, prélude au grand rendez-vous de Wimbledon, Connors et Evert se retrouvent pour le traditionnel déjeuner d’avant tournoi. La jeune fille n’a que 17 ans, sa mère Colette veille au grain, mais “Jimbo”, qui traîne déjà sa réputation de jeune homme arrogant au caractère trempé, n’en a cure. Quelques semaines plus tard, il obtient un premier rendez-vous. Rapidement, le couple fait la “une” des médias qui parlent de “conte de fées”, et le public s’emballe, notamment lorsqu’ils gagnent tous les deux Wimbledon deux ans plus tard. Chris Evert symbolise la petite fille modèle, la fiancée de l’Amérique, apparemment la plus sage, sans doute la plus jolie du circuit à l’époque, douce voix quand Jimmy Connors est tout l’inverse, vociférant après arbitres et spectateurs, le sale gosse typique. Cela ne les empêche pas d’afficher leur amour comme lors du bal de Wimbledon qu’ils ouvrent sur The Girl That I Marry alors qu’ils viennent de se fiancer secrètement. Même si Chris est encore une teenager, la date de mariage est rapidement fixée. La cérémonie n’aura jamais lieu. Pour des raisons longtemps inconnues. Jusqu’à ce que, dans son livre “The outsider”, Jimmy Connors évoque une explication très peu glamour... Un avortement qui laisse des traces Connors n’hésite pas à révéler qu’ils étaient l’un comme l’autre infidèles mais qu’elle est tombée enceinte de lui et a décidé d’avorter, contre sa volonté, peu de temps avant la date prévue du mariage. “Une décision qui devait être prise en couple”, raconte l’Américain “J’aurais été très heureux de laisser la nature suivre son cours et d’assumer toutes mes responsabilités”. Mais selon “Jimbo”, Evert, issue d’une famille catholique stricte, avait déjà fait son choix, le moment n’était pas venu pour elle de devenir maman, et elle lui aurait demandé d’apporter son aide pour
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Après un premier amour tourmenté avec Jimmy Connors, Chris Evert a ‘‘torpillé’’ un bon et solide mariage dans les bras du golfeur Greg Norman.
De séparation en divorce A entendre l’Américain, celle qui est aujourd’hui maman de trois enfants, gère une académie et organise chaque année un tournoi caritatif, n’était pas la jeune femme sage qu’elle prétendait être. Elle imposait ses exigences lorsqu’ils devaient se voir. Il ne devait s’entraîner qu’avec elle, même s’il avait besoin d’affronter des hommes, elle le traitait comme “un mari au foyer”, sans oublier ses infidélités. “Elle ne voudra pas l’admettre mais la petite fiancée de l’Amérique n’était pas un ange non plus”, écrit-il. Les années suivantes, elle a enchaîné les conquêtes, comme Burt Reynolds ou Jack Ford, fils du président Gerald Ford, avant d’épouser le tennisman britannique John Lloyd. Leur relation déclinant, elle eut une brève aventure avec le chanteur marié Adam Faith. Après une courte séparation, Lloyd et Evert remirent le couvert avant de divorcer en 1987. Un an plus tard, elle épousait le skieur américain Andy Mill, et en 1989 prenait sa retraite à 34 ans, bien décidée à fonder une famille. Le couple eut trois enfants, mais divorça en 2006. Evert regretta ensuite d’avoir mis fin à un “bon et solide mariage”. La séparation fit d’autant plus jaser que l’ancienne championne était en fait tombée amoureuse de la légende du golf Greg Norman, meilleur ami de Mill et son partenaire en affaires, qui plus est marié, madame Norman expliquant comment Chrissie avait dragué son mari sous ses yeux. Finalement mariés eux aussi en 2008, ils divorcèrent 15 mois plus tard. L’image de la petite fille sage en a forcément pris un coup.
Une brève idylle entre Guillermo Vilas & Caroline de Monaco, alors fraîchement divorcée de Philippe Junot.
Le “flash” de Caroline de Monaco pour Guillermo Vilas Ce préambule pour dresser le décor, et, même s’il ne faut pas tomber dans l’excès - on ne prête qu’aux riches, on ne devient pas non plus Borg, McEnroe ou Connors juste en faisant la fête tous les soirs -, mesurer la différence avec ce que l’on vit aujourd’hui. Steffi Graf et l’ex-trublion Andre Agassi, qui se sont fait la cour sur le court lors d’un Roland Garros 1999 où ils ont tous deux remporté une inoubliable victoire, forment désormais “le” couple parfait, emblématique, apparemment sans nuage. Roger Federer voyage avec femme et enfants. Andy Murray ne pense qu’à rentrer chez lui quand il ne joue plus au tennis. Kim Clijsters a gagné plus de Grands Chelems après être devenue maman qu’avant. Serena, Djokovic... on entend plus parler de vie de famille épanouie que d’enivrantes virées nocturnes. Outre les différences en termes de personnalités, mentalité et mode de vie d’un siècle à l’autre, l’évolution du tennis depuis l’an 2000 y est aussi pour quelque chose, l’exigence et la concurrence y sont devenues telles, cela s’est à ce point professionnalisé dans
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tous les registres, physiques, techniques, médicaux, que l’on ne peut plus s’autoriser grand-chose en termes d’écart de comportement si on veut se maintenir au top quel que soit son talent, on le voit bien avec Nick Kyrgios. Bref, les temps ont changé. En 1982, même Caroline de Monaco avait “flashé” sur un de ces playboys des courts, l’Argentin Guillermo Vilas, qui la consola momentanément de son divorce avec Philippe Junot. Cette année-là, Vilas avait refusé de jouer à Wimbledon en réaction à la guerre des Malouines... mais il l’avait fait, et bien, à Monte Carlo en battant Ivan Lendl, ce qui avait paru réjouir la princesse. Un dîner semi-officiel les avait rapprochés, alors que le beau ténébreux était pourtant fiancé à une certaine Gabriela Blondeau. Paris Match a décrit les deux semaines paradisiaques vécues par le couple dans un petit hôtel d’une île hawaienne, à l’abri des regards, seuls au monde dans des criques isolées, une simple glacière à portée de mains. Vilas s’était même fendu d’un poème plus ou moins érotique à l’intention de son altesse monégasque ce qui avait mis le prince Rainier dans une rage folle. “Un séjour dans la plus totale intimité qui a pu faire penser à une issue matrimoniale”, avait conclu le magazine, mais la lune de miel a tourné court.
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Le chanteur et la joueuse, le conte de fée tourne mal...
ont été marquées par le couple le plus imprévisible qui soit, formé d’Andre Agassi, le kid de Las Vegas, l’”enfant perdu”, l’adolescent rebelle, le champion de tennis “contraint par un père tyrannique”, et de l’actrice/mannequin Brooke Shields “obsédée par sa carrière”, star précoce, amie d’enfance de Michael Jackson qui voulait l’épouser, et “prisonnière” d’une mère alcoolique. Qui se ressemble s’assemble. Comme pris dans un tourbillon, ils ont décidé de se marier alors qu’à lire leurs piquantes autobiographies ils savaient que c’était une erreur.
Dans le genre, la grande histoire des seventies reste sans nul doute le “match” sentimental au sommet Evert/Connors, digne d’un épisode de Dallas (voir par ailleurs). Comme Graf et Agassi plus tard, ils ont tous deux remporté le même Grand Chelem la même année (Wimbledon 1974) à 19 et 21 ans, ouvrant le bal des champions dans les bras l’un de l’autre. C’est Pendant tout un temps, peu dire que les fiancés de l’Amérique - on est allé jusqu’à évoquer... Cliff Richard, soupçonné d’être gay, “A cette époque de ma vie c’est la belle et la bête, tant ils semblaient quelque chose que je n’aurais dû a envisagé de s’unir à Sue Barker. faire avec personne”, a dit l’actrice. aux antipodes l’un de l’autre - ont défrayé la chronique à l’époque. “J’avais 27 ans, j’étais retombé 141e Dans les années 80, il s’en est fallu joueur mondial, j’étais au beau mide peu que la joueuse anglaise Sue Barker, qui s’est reconver- lieu d’un mariage dans lequel je n’aurais jamais dû être”, a tie en présentatrice vedette à la BBC, devienne madame Cliff reconnu l’Américain, “j’avais des pensées qu’aucun homme Richard. “Je l’ai sérieusement envisagé, mais j’ai réalisé que ne devrait avoir en se mariant, je regrettais de ne pas avoir je ne l’aimais pas suffisamment pour passer avec elle le reste pu mettre un leurre à ma place. Je ne voulais plus jouer au de ma vie”, a justifié Sir Cliff qui ne s’est jamais marié et tennis non plus, ma vie était remplie de choses que je ne que l’on a soupçonné d’être gay. Quant aux années 90, elles voulais pas.”
Cliff Richard et Sue Barker, un beau couple, qui pourtant ne perdurera pas.
Quand le Kid de Las Vegas et Brooke Shields se sont mariés, ils sentaient déjà tous les deux que ce n’était pas la (bonne) chose à faire...
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“Steffi m’a appris sa façon de vivre” On savait l’enfant terrible de Las Vegas susceptible de coups de colère sur les courts, la jeune comédienne avec laquelle il a correspondu depuis 1993 et qui a partagé sa vie de 1995 à 1999 raconte qu’il en était aussi capable en privé. Lors d’un épisode de “Friends”, qu’elle tourne aux côtés d’autres célébrités comme Julia Roberts ou Jean-Claude Van Damme, elle joue une fan hystérique de Joey (Matt Leblanc) censée user de tous ses charmes, et la scène où elle va jusqu’à lécher les doigts de son interlocuteur laisse le champion dans une colère noire, il reprend immédiatement la route de Los Angeles à Las Vegas où, enragé, il fracasse tous ses trophées, y compris ceux de Wimbledon et de l’US Open. “J’ai mis trois ans à les remplacer. C’est une bonne personne mais il avait ses démons”, a déclaré l’actrice. Agassi a reconnu être accro à la crystal meth pendant cette période, sans qu’elle le sache. “Quand je suis revenu à moi, j’ai eu l’impression que quelqu’un d’autre avait fait ça”, a-t-il avoué.
post partum après leurs naissances. Quant à Andre Agassi, il a donc trouvé “la femme idéale” en la personne de Steffi Graf, qui lui a également donné deux enfants, un garçon Jaden Gil (17 ans) et une fille Jaz Elle (15 ans), ils gèrent de main de maître à la fois leur image exemplaire, pour ne pas dire immaculée, et leurs fondations caritatives. “Grâce à Steffi, je suis de-
Deux ans plus tard, ils se mariaient, et après le même laps de temps ils divorçaient. Là non plus, il n’aurait pas été très... sport, selon elle, en lançant : “Sois heureuse que l’on n’ait pas d’enfants, je ne t’aurais pas rendu les choses aussi faciles.” Ils ont tous deux heureusement grandi et trouvé leur voie. Brooke Shields Avec Steffi Graff, c’est un second mariage gagnant pour l’enfant terrible du tennis. a construit une petite famille avec son époux, Chris Henchy, écrivain venu meilleur en tout”, répète-t-il. “Il et producteur TV, ils sont les heureux n’a pas été facile de la convaincre au parents de deux filles, Rowan et Grier, lendemain de mon divorce. Elle était 15 et 12 ans, même si Brooke, que l’on le contraire de moi dans tous les dovoit surtout à la télévision (notam- maines. Elle est très disciplinée, très ment dans New York Unité Spéciale concentrée. Elle m’a appris sa façon de en 2017), a dû vaincre une dépression vivre. Elle le fait toujours.”
La blonde et le golfeur S’il fut le dernier des flamboyants champions du 20e siècle, on peut considérer que le changement de vie d’Agassi autour de l’an 2000 symbolise également la tendance plus familiale qui va suivre, tandis que la génération du “big four” plaçait la barre sportivement à un niveau d’exigence et de qualité jamais atteint. Pourtant, la “peoplelisation” est omniprésente, les réseaux sociaux sont à l’affût, il n’y jamais eu autant de communication... mais on ne l’a jamais autant gérée, c’est devenu un métier à part entière. Quand Novak Djokovic a perdu pied sur les courts, la rumeur a laissé entendre qu’il pouvait y avoir des problèmes dans son couple, mais en vérité on n’en a jamais rien su. Dans le genre dérapage incontrôlé, on ne peut guère épingler que le rocambolesque dénouement, en 2014, de ce qui aurait pu être “le” mariage du (début de) siècle entre Caroline Wozniacki et Roy McIllroy, la blonde Danoise, une des plus belles filles du circuit, et le golfeur irlandais, qui ont tous deux été numéros uns mondiaux. L’idylle durait depuis trois ans, Caroline avait dit “oui” la nuit de la Saint-Sylvestre, tweet à l’appui, les invitations au mariage avaient déjà été adressées aux invités triés sur le volet lorsque le futur époux a prévenu le monde entier, et la famille Wozniacki, que l’envoi de faire-parts lui avait fait réaliser qu’il n’était pas prêt pour ce qu’un mariage implique. Un communiqué millimètré par ses conseillers en communication. “Il n’existe pas de bonne façon de mettre fin à une relation qui a été si importante pour deux personnes, ce problème est le mien”, a-t-il justifié. “Je n’ai rien vu venir, c’est choquant, j’ai pris tout en pleine face, le coup de téléphone, le communiqué”, a raconté Wozniacki. Depuis, l’Irlandais s’est bien marié, mais avec Erica Stoll, une Américaine qui travaille dans le golf et... qui l’avait empêché deux ans plus tôt de rater son simple en Ryder Cup parce qu’il ne s’était pas réveillé, Stevie Wonder a chanté à la cérémonie. Quant à Caroline, grâce notamment à l’amitié de Serena Williams, elle a fini par surmonter le mauvais coup, sur les courts comme en dehors. “J’aimerais un homme plus grand, comme ça je pourrais mettre mes hauts talons, quelqu’un avec qui je puisse rire et qui ne se prenne pas au sérieux”, avait-elle lancé à l’intention de son ex. Elle a donc remplacé l’Irlandais d’1 m 75 par un basketteur américain de 2 m 06, David Lee - qui du coup a pris sa retraite -, et remporté coup sur coup le Masters féminin et l’Australian Open. 118 PLAY TENNIS
Quelques semaines avant le mariage, Rory McIlroy annonce, via un communiqué, qu’il n’est pas prêt à épouser Caroline Wozniacki. Classe...
aujourd’hui
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Serena, le mariage 2.0 Entre romantisme et bling bling Jusque là, il n’a jamais regardé un match de tennis, il préfère le foot US et le basket. Lorsqu’il croise la route de Serena Williams, un matin de mai 2015 au bar de la piscine d’un grand hôtel romain, Alexis Ohanian ne la reconnaît même pas, alors qu’à une table voisine, d’humeur morose, la championne prend son petit déjeuner avec son team. L’endroit est quasiment vide, et la petite troupe regarde en intrus ce barbu d’1 m 96, d’allure soignée, qui n’a pourtant d’yeux que pour son ordinateur. L’Américaine raconte la scène au magazine Vanity Fair. “On a essayé de le faire partir en lui disant qu’il ne pouvait rester là, qu’il y avait un rat sous la table, il n’a pas bronché et a fait remarquer qu’originaire de Brooklyn il en voyait tout le temps.” Du coup, elle le trouve sympa et de fil en aiguille l’invite à son match, puis à dîner, ensuite à Roland Garros, sous divers prétextes. L’homme, qui a cofondé “Reddit”, le plus grand forum de discussion sur internet, puis l’a vendu tout en en restant le directeur général, a un emploi du temps chargé dans la Silicon Valley mais trouve un créneau pour cet aller-retour à Paris, un week-end où se forme le plus improbable des couples entre le “geek” blanc gourou “high tech” qui a de l’humour et la championne black décomplexée à l’égo surdimensionné. Tout est dit sur les futurs mariés quand on sait qu’après la naissance de leur fille Ohanian a été capable d’installer quatre panneaux publicitaires, comme dans le film “3 billboards”, aux abords du stade d’Indian Wells, tous marqués du sigle GMOAT pour Greatest Momma Of All Time, lors du retour de Serena à la compétition. Trente fois moins riche Entre romantisme et bling bling, people, sport, business et glamour font bon ménage, c’est le mariage 2.0 par excellence, dont on croit tout savoir, qui s’affiche dans les magazines et sur les réseaux sociaux, mais toujours sous contrôle. Depuis Rome, sur les lieux de leur pre-
Après avoir pas mal papillonné, Serena William a trouvé le bonheur avec Alexis Ohonian. mière rencontre, le “yes” de Serena a été officialisé grâce à “Reddit”, on n’ignore rien de la demande en mariage, genou à terre, de la cérémonie à La Nouvelle Orléans où Beyonce, Jay Z, Eva Longoria et Kim Kardashian ont fait de la figuration, de ses lubies de femme enceinte, de la naissance de la petite Olympia dans les pires douleurs et difficultés (récidive d’embolie pulmonaire pour la mère), du fait que la championne a raté les premiers pas de la gamine parce qu’elle était à l’entraînement. Dans l’instant, le bébé s’est retrouvé titulaire d’un compte Instagram et Twitter. “On est en 2018, je suis moderne, pour moi c’est naturel, elle est si fun, je veux partager ces moments avec tout le monde”, justifie Serena. Donner beaucoup, mais en maîtrisant tout de a à z, un peu comme au théâtre ou dans la télé réalité, c’est aussi sa manière de se protéger tout en assurant une présence dans les médias
qui adorent ça... et elle aussi. D’autant plus lorsque la tennis queen élevée dans les quartiers chauds de Los Angeles se retrouve aux noces princières d’Harry et Meghan, une autre amie à elle. Et à ceux qui pensent que Serena a fait un mariage d’argent en épousant un opulent “Oncle Picsou” des nouvelles technologies, on peut répondre que rien n’est moins vrai. Maître dans son domaine, très influent, notamment via son fonds d’investissement, Ohanian n’est pas pauvre mais est quand même trente fois moins riche que sa diva d’épouse dont la fortune est évaluée à 130 millions d’euros. Forte femme - on lui a notamment prêté des relations avec les rappeurs Common ou Drake, Colin Farrell, Grigor Dimitrov et son coach Patrick Mouratoglou tandis qu’elle se constituait un palmarès tennistique à nul autre pareil -, elle semble donc avoir aussi trouvé celui qu’elle cherchait.
les Belges Jennifer Capriati Xavier Malisse La relation toxique A la fin des années 90, Xavier Malisse se profile comme une des “next big things” de la planète tennis. Pour son premier match sur le circuit ATP, à 17 ans et demi, il est à deux balles de battre le numéro un mondial Pete Sampras (5-4, 30-30 dans le 3e set). “L’Américain gagne sur un coup miraculeux”, se souvient le Courtraisien, “mais avec le recul il est heureux que je ne le remporte pas ce match, déjà comme ça on me catapulte numéro un mondial en devenir, je plais aux filles, on me glisse de gros contrats sous le nez, c’est carrément dingue pour un teenager, même nonchalant comme moi”. Tout naturellement Nick Bolletieri flaire le bon coup et l’attire dans son académie à Saddlebrook, qui constituera son pied à terre à de nombreuses reprises au cours de sa carrière, et c’est là qu’il rencontre Jennifer Capriati, jeune fille à problèmes s’il en est, enfant star, père traumatisant, drogue, boisson, boulimie, elle a tout connu dans une courte vie dont on pourrait faire un film. Pas du tout la compagne qu’il faut à un garçon auquel il ne faut pas proposer deux fois de faire la fête. C’est vite devenu le couple “Jen-X” pour la presse US. “Je commençais à avoir une réputation dans les médias belges après ce qui avait été raconté injustement sur mon compte en Coupe Davis”, dit-il, “je ne le méritais pas, je suis comme je suis, et je peux faire le fou de temps en temps, mais je respecte les autres. La Belgique peut être très dure avec ses sportifs. J’ai décidé de changer d’air, de continent, et je suis arrivé dans une académie qui pouvait ressembler à un camp de vacances où j’ai appris à connaître Capriati. Ce n’était pas bon évidemment, mais quand on est un jeune gars, seul en Floride... il n’y avait que sa carrière qui comptait, alors que mon classement s’écroulait, j’étais en bagarre avec mes parents et mon frère à cause de tout ça, l’idée d’arrêter de jouer m’a même traversé l’esprit.” On se souvient avoir vu l’Américaine encourager
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son mec à Ostende lors d’un tournoi Challenger, mais le plus souvent un Xavier fantomatique négligeait sa carrière naissante. “Lorsque les gens qui vous aiment vous tournent le dos, vous finissez par réaliser que quelque chose ne va pas”, convient-il, “et un beau jour j’ai tout laissé derrière moi, Capriati, ma maison, mes affaires, pour m’installer chez des amis, j’ai pris une semaine pour me détendre et j’ai recommencé à m’entraîner.” “Je pense qu’ils ont tous deux décidé de se concentrer sur leur carrière”, a alors déclaré la mère de Jennifer, Denise, et on peut dire qu’au moins durant les deux années suivantes ça a porté ses fruits puisque Capriati a enfin ouvert son palmarès en Grand Chelem, en remportant même trois en douze mois, tandis que Malisse se retrouvait demi-finaliste à Wimbledon en jouant un tennis digne du Top 10 mondial.
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Kim Clijsters Lleyton Hewitt Le carrosse transformé en citrouille Si une relation a pu vraiment ressembler à un conte de fée tennistique, c’est sans doute celle qui unit au début du siècle Kim Clijsters et l’Australien Lleyton Hewitt. Au moment où Jennifer Capriati et X-Man se plantaient allègrement, tout semblait sourire à ce couple de numéros uns mondiaux d’un bout du monde à l’autre. En dépit des longues distances, ils donnaient l’impression de se compléter à merveille. La rencontre qui les opposa à Perth lors de la Hopman Cup, elle faisant équipe avec... Xavier Malisse et lui avec Alicia Molik, fut baptisée “match de l’amour” et disputé à guichets fermés. L’Australie avait littéralement adopté la Limbourgeoise qui sait se faire aimer, la robe de mariée était déjà confectionnée, le lieu de la réception réservé, la liste des invités déterminée, quand, en octobre 2004, le carrosse s’est transformé en citrouille. C’est Kim qui en a pris la décision et en a informé Lleyton par téléphone après une relation de près de cinq ans. “Pour des raisons d’ordre privé, et pas sur un coup de tête, c’est mûrement réfléchi”, a-t-elle seulement indiqué. On n’en a pas su plus, cela n’a jamais été le genre de Clijsters d’étaler sa vie privée au grand jour, les supputations ont donc été bon train. Hewitt s’est dit “en colère, embarrassé, dévasté, détruit, touché dans son amour propre devant le monde entier pris à témoin”, mais parmi les raisons évoquées par des proches de la Limbourgeoise à propos du doute qui s’était insinué dans son esprit, figure le goût pour les sorties de son ex-futur conjoint et le fait qu’elle ne lui faisait pas totale confiance. On n’a d’ailleurs guère tardé à découvrir celle qui allait finalement épouser Lleyton, l’actrice et chanteuse Bec Cartwright. Selon les Australiens, une mésentente familiale, générée par un différend entre les deux mères, Els et Cherilyn, concernant le lieu du mariage, aurait également participé aux tensions. Ce qui explique le compromis trouvé dans un premier temps pour organiser une cérémonie à Adélaïde dans la foulée de l’Australian Open, et une deuxième fête au Château Saint-Paul à Lummen, après le tournoi d’Anvers. L’omniprésence des parents Hewitt sur le circuit n’aurait rien arrangé. Selon une amie, “Kim a dû penser : si je n’interviens pas maintenant, je serai bientôt mariée alors que je ne sais même pas si c’est ce que je veux.”
Event
Zoute Family & Friends Trophy : fun, set & match ! On ne présente plus le Zoute Family Trophy qui prend place chaque été au Royal Zoute Tennis Club et qui permet à de nombreuses familles de s’affronter sur les courts de tennis le temps d’une compétition à l’atmosphère détendue. Mais désormais le tournoi a pris une autre forme et a permis aux amis d’y prendre part : le Zoute Family & Friends Trophy est né ! Ce tournoi nouvelle formule s’est déroulé début août et a vu s’affronter 200 paires de joueurs motivés. Il faut dire qu’une magnifique table des prix les attendait, ce qui n’a rien gâché à la fête, bien au contraire ! Merci à Ing Private Banking, la ville de Knokke-Heist, Yamaha, le Soir et tous les autres partenaires.
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