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I. Bilan des violences discriminatoires dans le sport à l’échelle européenne et nationale

Établir de nouvelles règles et réglementations

En complément à l’élaboration d’un code d’éthique, le phénomène des violences et des discriminations dans le sport peut être combattu par la loi. L’action législative peut ainsi apporter un renfort au code d’éthique (lorsqu’il existe). Nous avons identifié des exemples dans les pays représentés au sein du projet. En Italie, le débat sur les lois contre les violences et le racisme dans le sport est toujours centré sur les stades de football et la répression des groupes de supporters organisés. Depuis la première loi en la matière, en 198911, l’Italie a adopté une approche répressive même s’il y a des cas d’intervention sociale dans les stades. Au fil des années, une série de réformes ont introduit de plus en plus d’interdictions et de sanctions : interdiction des mégaphones, des tambours et des bannières, annulation de certains trajets spéciaux en train pour les supporters se rendant à des matchs à l’extérieur, cartes de fans et interdictions d’accès au stade (Divieto di Accedere alle manifestazioni sportive, ou DASPO, qui interdit au contrevenant l’accès à tel stade pendant une période donnée ou bien l’oblige à se signaler à la police avant d’assister à une rencontre sportive). Comme l’ont montré les expériences en Allemagne avec les Projets Fan et en Belgique avec le Fan Coaching, les mesures de médiation sociale dans les stades et l’éducation sportive à l’école donnent de meilleurs résultats, et plus durables, que la simple répression légale. En Italie, l’UISP a mené le Progetto Ultrà pendant 15 ans avec l’objectif de réduire les violences et le racisme dans les stades. Ce projet a eu de nombreux effets positifs, notamment la création en 1997 du Mondial Anti-Raciste (Mondiali Antirazzisti), un festival au cours duquel des personnes de toutes origines, dont des immigrés et des réfugiés, se retrouvent pendant cinq jours pour pratiquer différents sports et loisirs. La Grèce a vu un accroissement du nombre et de l’intensité des incidents des violences dans le sport au cours des dernières décennies. Elle a promulgué une première loi sur les sports en général en 197512, mais les problèmes ont continué et se sont même empirés après la professionnalisation du football13. Depuis, les gouvernements successifs ont fait passer des dizaines de lois, la plus récente étant celle prévoyant des « mesures urgentes pour combattre les violences dans le sport et autres provisions »14. La loi la plus importante est la nº2725/1999, qui a été amendée avec plusieurs dispositions incluses dans d’autres lois et qui est toujours en vigueur aujourd’hui. En novembre 2019, le Parlement grec a voté une nouvelle loi sur les sports qui comprend des mesures d’urgence pour combattre les violences dans le sport et qui étend la portée des sanctions contre les violences : elles sont à présent sanctionnées même si elles se produisent à un endroit ou à un moment qui n’est pas lié à un événement en particulier à condition qu’elles soient liées au sport en général. Au Portugal, une loi promulguée en 200915 établit un régime légal pour combattre les violences, le racisme, la xénophobie et l’intolérance lors d’événements sportifs et permettre que ces événements aient lieu conformément aux principes éthiques inhérents au sport. En août 2018, le Conseil des ministres du Portugal a approuvé une proposition d’amendement législatif pour rendre la loi plus flexible et répressive, notamment en prévoyant des sanctions plus lourdes et la possibilité de fermer le ou les stades si nécessaire. Il n’existe pas au Royaume-Uni de loi sanctionnant les discriminations dans le sport, mais certains aspects du Equality Act de 2010 sont applicables au sport16. Ainsi, les organisations sportives et les clubs doivent offrir la possibilité d’être membre à tous sans distinction et offrir les mêmes bénéfices et services à tous. Toute discrimination est interdite dans les événements, les entrainements et les compétitions. Tous les employés d’organisations sportives sont également protégés par cette loi et des sanctions disciplinaires sont prévues contre toute organisation sportive qui ne respecterait pas la loi. La loi permet et favorise les actions positives (la discrimination positive) dans les situations où il existe une discrimination ou une sous-représentation.

11- Loi 401 du 13 Décembre 1989, amendé plusieurs fois au DL 22 août, 2014, n 119 12- Loi 75/1975 (Government Gazette 138A/1975) 13- Loi 879/1979 (Government Gazette 56A /1979) 14- Loi 4326/2015 (Government Gazette 49A/13-5-2015) et Loi 4603/19, Government Gazette48 A/14-3-19 15- Loi nº. 39/2009, of July 30(avec des amendements introduits par la Loi no. 52:2013, du 25 juillet) 16- House of Commons Library (2019), Discrimination in sport.

Entre les années 1960 et les années 1990, le football anglais avait la réputation d’être violent et d’être un creuset de hooliganisme, qui avait souvent des connotations racistes. En 1985, après la catastrophe du stade du Heysel en Belgique où 39 supporteurs sont morts lors d’un épisode violent de hooliganisme, les clubs de football anglais ont été interdits de compétition en Europe pendant cinq ans. Une série de lois ont été votées dans la foulée pour prévenir les violences dans le football, dont le Public Order Act de 1986, qui prévoit le bannissement des supporters des stades, et le Football Offences Act de 1991, qui a rendu illégal le jet d’objets sur le terrain et les chants racistes. Ceci a entraîné une réduction importante du hooliganisme dans le football professionnel anglais et dans le sport amateur, qui n’est pas seulement liée aux législations plus restrictives mais également aux programmes de prévention tels que Kick It Out. On peut noter cependant que la plupart des clubs anglais de football hésitent à mener des programmes de fan coaching tels qu’on les connaît en Europe continentale. En revanche, de nombreux clubs ont augmenté de façon significative les prix des matchs depuis les années 1980 dans le but d’attirer un public plus middle class, ce qui a été fortement critiqué parce que cela a écarté de nombreux supporteurs à faibles revenus qui, dans leur grande majorité, n’ont rien à voir avec le hooliganisme.17

Mise en œuvre de stratégies de prévention

D’autres types de stratégies nationales de prévention comprennent la création d’organismes ou d’institutions spécialisées qui surveillent la prévalence de violences dans le sport et exercent l’autorité de l’État en la matière. Ainsi, le Portugal a établi en 2018 l’Autorité nationale pour la prévention et la lutte contre la violence dans le sport18 (ANPCVD selon l’acronyme en portugais). Cet organisme veille au respect de la législation contre la violence, le racisme, la xénophobie et l’intolérance dans les événements sportifs. Il s’agit d’un service central administré directement par l’État et doté d’autonomie administrative, sous l’autorité du membre du gouvernement compétent en matière de sport. En France, les ministères de la Santé et des Sports et de la Jeunesse ont publié en 2010 des recommandations pour une stratégie intégrale contre les violences et le racisme dans le sport19. Elle prévoit notamment le suivi des mineurs, des actions de sensibilisation et de formation pour les gérants de clubs et autres organisations sportives, l’intégration des projets éducatifs dans les critères d’octroi des labels aux clubs, l’addition d’un module d’éthique dans la formation professionnelle des éducateurs et des entraîneurs, et l’intégration de valeurs et de comportements recommandés dans les standards de plusieurs disciplines sportives. En Italie, il n’existe pas de stratégie gouvernementale de prévention des violences et du racisme dans le sport car ce domaine est couvert par la législation contre la violence dans le sport, qui, comme nous l’avons vu, n’est pas un instrument de prévention mais de répression. Cette mission devrait revenir au monde du sport mais même le Comité national olympique italien n’a pas de stratégie à proprement parler, mis à part le code d’éthique. Ces dernières années, l’UISP s’est concentrée sur l’élaboration d’outils de formation pour les professionnels du sport, les managers, entraîneurs et arbitres, et sur la sensibilisation des pratiquants et des parents contre les comportements violents ou discriminatoires. L’UISP promeut aussi de nombreux projets dans les écoles qui enseignent l’inclusion sociale et le respect par le sport. Il n’existe pas au Royaume-Uni d’organisation ou d’institution de prévention des violences et des discriminations dans le sport. Celle-ci est largement fondée sur la législation existante et les programmes locaux de prévention menés le plus souvent par des organes indépendants. Cependant, la Sports Grounds Safety Authority (SGSA, ou autorité responsable de la sûreté des terrains de sport), financée par le ministère du Numérique, de la Culture, des Médias et du Sport, a pour mission de veiller à ce que tous les spectateurs, quels que soient leur origine ethnique, leur genre, etc., puissent assister de façon sûre et confortable à tout événement sportif public. Cette instance était à l’origine la Football Licensing Authority (Autorité de licence du football), qui a été établie par la loi Football Spectators Act de 1989 et élargie à tous les sports en novembre 2011.

17- Freeburn, L. & Veuthey, A. (2015). The Fight Against Hooliganism In England: Insights For Other Jurisdictions?, p. 231. 18- Présidence du Conseil des ministres (2018). Decreto Regulamentar n.º 10/2018. 19- Massey, F. & Monnereau, R. ( 2010). Prévention des actes d'incivilité et de violence dans le sport : recensement des initiatives existantes, préconisations pour une stratégie d'intervention. Public Report. 17

Campagnes de sensibilisation

Enfin, un autre outil utilisé fréquemment par les gouvernements nationaux est la sensibilisation sur le phénomène des violences et des valeurs éthiques du sport telles que la coopération, le respect, la solidarité et la tolérance. Il en existe de nombreux exemples en Europe. Nous en présentons ici quelques-uns dans les pays représentés dans le consortium MATCH-SPORT.

En Italie, le travail de prévention le plus important dans ce domaine est mené par l’Office National Contre les Discriminations Raciales de la Présidence du Conseil des Ministres (UNAR selon l’acronyme italien20), qui promeut chaque année une Semaine d’Action Contre le Racisme. Destiné à un large public, cet événement est organisé au printemps et comprend toute une série d’événements d’information, de sensibilisation et d’animation organisés dans tout le pays dans les écoles, les universités, dans le monde du sport, le monde culturel et par des associations et organisations non gouvernementales (ONG). Au Portugal, le gouvernement a lancé en avril 2019 une campagne nationale intitulée Zéro Violence21 pour sensibiliser le public aux violences dans le sport et promouvoir les valeurs éthiques du sport telles que la coopération, le respect, la solidarité et la tolérance. Le message clé de la campagne (« Il y a des moments dans le sport qui vous marquent à jamais… ne laissez pas la violence être un de ceux-là ») est aussi promu sur internet avec le hashtag #ViolenciaZero. De plus, le site web www.violenciazero.gov.pt fait la promotion du fair play dans le sport et utilise les réseaux sociaux pour disséminer les initiatives et les ressources pédagogiques promues dans le cadre du Plan National d’Éthique dans le Sport (PNED selon le sigle portugais), les pratiques de fair play au Portugal et dans le monde, et des actualités et bonnes pratiques en matière d’éthique dans le sport. En France, le ministère des Sports a lancé plusieurs campagnes destinées au grand public. L’une des plus récentes, en août 2020, comprenait plusieurs recommandations pour prévenir toute discrimination et réduire le risque de violences sexuelles. Élaborée de façon collaborative avec des clubs et associations de sport, des collectivités territoriales, des associations de prévention et d’assistance aux victimes et les services territoriaux du ministère, la campagne comprenait un kit de communication et pédagogique avec des posters, du matériel pédagogique, des dépliants et des vidéos, entre autres ressources intéressantes22 .

Au Royaume-Uni, il existe un certain nombre de campagnes nationales contre les discriminations et pour l’égalité dans le sport. Elles sont en général menées par les agences nationales du sport (sports councils) ou des organisations individuelles et souvent en collaboration avec des associations nationales. Ainsi, depuis 2015, Sport England promeut la campagne This Girl Can (« cette fille peut »), qui est financée par la Loterie nationale23. La campagne promeut la participation des filles et des femmes au sport et présente quelques idées pour favoriser celle-ci. Cette campagne est très largement diffusée à la télévision sur les chaînes nationales et dans la presse. La Premier League diffuse la campagne Rainbow Laces (« ruban arc-en-ciel ») chaque année en décembre : les joueurs portent un ruban ou un brassard aux couleurs de l’arc-en-ciel en soutien à la communauté LGBT+ et la période de la campagne est l’occasion de promouvoir et de célébrer la participation de la communauté LGBT+ dans le sport.

20- Ufficio Nazionale Antidiscriminazioni Razziali 21- Diário de Notícias (2019). Governo lança campanha contra a violência no desporto. https://www.dn.pt/desportos/interior/governo-lanca-campanha-contra-a-violencia-no-desporto10802964.html 22- Ministère chargé des Sports. Campagne de sensibilisation et de prévention des violences dans le sport. https://www.sports.gouv.fr/accueil-du-site/zoom-sur/article/ campagne-de-sensibilisation-et-de-prevention-des-violences-dans-le-sport

Que se passe-t-il au niveau local ?

Les acteurs locaux tels que les collectivités territoriales, les clubs et les associations de sport et les groupes de parents jouent un rôle impor-

23- This Girl Can campaign

tant dans la promotion de la non-discrimination dans le sport à l’échelle locale. C’est à cette échelle, proche du terrain, que l’on connaît le mieux les problèmes et les ressources disponibles. Ce serait une tâche colossale que de décrire de façon générale tout ce qui se passe à l’échelle locale car les actions sont menées en réponse à des phénomènes spécifiques identifiés à l’échelle locale. Cependant, nous souhaitions explorer dans quelle mesure le phénomène est compris à l’échelle locale et institutionnalisé en observant deux indicateurs principaux : la présence (ou non) de procédures régulées pour collecter des données sur les incidents, et le niveau de sensibilisation à l’échelle locale et parmi les clubs. Par ailleurs, nous avons demandé aux partenaires du projet d’identifier des initiatives locales prometteuses dans leur pays pour répondre aux violences discriminatoires dans le sport amateur.

Partie 2

Une analyse de la compréhension du phénomène

Nous analysons ci-dessous ces deux aspects (la capacité à collecter des données structurées et le niveau de sensibilisation à l’échelle locale) dans sept pays : Allemagne, Belgique, France, Grèce, Italie, Portugal et Royaume-Uni. Comme le montrent les résultats de cette analyse, les actions nationales et locales sont très liées et la plupart du temps il est impossible de les considérer de façon séparée. C’est pourquoi vous trouverez de nombreuses références régionales et nationales dans les deux parties suivantes, bien qu’elles soient consacrées à l’échelle locale. En effet, c’est le cadre dans lequel les acteurs locaux doivent agir.

Capacité à collecter des données structurées sur les incidents discriminatoires dans le sport amateur

Les sources d’information générale des institutions européennes nous donnent un aperçu des problèmes de discrimination dans le sport amateur. Par exemple le Baromètre spécial sur le sport et l’activité physique24 catégorise ses ensembles de données (par exemple fréquence des activités sportives) par sexe, âge et occupation. Ceci peut révéler des différences générales entre les pays (par exemple le nombre d’athlètes inscrits dans une fédération au Portugal est distribué de façon inégale avec 75% d’individus de sexe masculin et 25% de sexe féminin). Cette donnée est intéressante mais pas assez fine pour être utilisée pour la définition d’une politique locale. C’est pourquoi il est très important que les collectivités territoriales collectent des données dans leur territoire (auprès des clubs de sport locaux, de la police locale, etc.).

Cependant, il est difficile de collecter des données et des informations sur les actes de violences discriminatoires dans le sport amateur. La

24-Direction Générale éducation, jeunesse, sport et culture (2018). Special Eurobarometer 472 on Sport and Physical Activity. plupart des pays que nous avons analysés pour cette étude ont du mal à le faire pour plusieurs raisons. L’un des principaux obstacles est la collecte de données brutes lors des matchs locaux et autres événements sportifs. Dans la plupart des cas, il n’existe de données statistiques conséquentes sur les discriminations et la violence dans le sport amateur que pour le football, qui demeure de loin le sport dominant en Europe. En Allemagne, la Football Association (Deutscher Fußball-Bund, DFB) gère un système national en ligne où les arbitres enregistrent leur rapport de match à la fin de chaque rencontre. Outre la capture d’informations de base (résultats du matchs, penalties, etc.), cette interface en ligne permet aussi aux arbitres de signaler les cas de violence ou de discrimination en cochant une case.

La DFB donne des instructions sur la façon dont cocher les cases et des définitions succinctes des termes en question par le biais d’un dépliant, d’un vidéo-clip et d’un petit texte informatif qui apparaît à l’écran lorsqu’on actionne la souris (mouse-over). La DFB précise que le terme de « discrimination » fait référence aux abus verbaux sur la race, la langue, la religion, l’origine, l’âge, l’ethnicité, le genre ou l’identité sexuelle et à d’autres gestes symboliques tels que jeter des bananes sur le terrain, faire « le son du singe » ou le salut nazi (DFB, n.d.). Bien que le site web ne permette pas de différencier entre ces différentes formes de discrimination de manière standardisée, les arbitres peuvent le faire manuellement.

Les statistiques obtenues par cette source indiquent que de tels incidents sont nombreux en chiffres absolus mais rares par rapport au nombre élevé de matchs disputés. Lors de la saison 2017-2018, la DFB a ainsi enregistré 4 087 cas de violences et 2 768 incidents de discriminations, qui représentent respectivement 0,31% et 0,21% des 1 318 741 matches enregistrés. Six-cent-soixante-sept matchs (0,05%) ont été annulés en raison des comportements violents ou discriminatoires des joueurs, des entraîneurs, des responsables de club ou des spectateurs, et 99,51% ont été disputés sans aucun incident (DFB 2018).

La DFB publie ces chiffres sur son site web sans analyse ou autre information additionnelle sur la qualité des données ou les méthodes statistiques appliquées, ce qui limite dans une certaine mesure leur fiabilité. Cependant, les experts de terrain reconnaissent en général que les données sont biaisées d’un côté ou de l’autre. En effet, lorsqu’un arbitre signale un incident de violence ou de discriminations avec le système en ligne, il/elle doit aussi remplir les champs de texte obligatoires que nous avons mentionnés plus haut. Ceci peut mener certains arbitres (qui sont volontaires) à sous-signaler parce qu’il ou elle ne souhaite pas passer le temps nécessaire à remplir le formulaire. De plus, les arbitres peuvent eux aussi être victimes de discriminations pendant un match et peuvent ainsi cocher la case même si leur cas ne correspond pas à ceux décrits par le site web. Ce type de situation mène alors à un sur-signalement. D’autres données statistiques sur les discriminations et les violences dans le football amateur sont collectées par les fédérations régionales sur la base des débats de leurs instances d’arbitrage. Ces ensembles de données sont généralement à usage interne seulement et les résultats statistiques qui en dérivent ne sont en général pas publiés. Mais ils sont utilisés dans certains cas pour des recherches scientifiques (Stahl 2009, Pilz).

Il n’existe pas de données statistiques sur les violences et les discriminations dans d’autres sports. Certaines fédérations et associations sportives collectent des informations dans la presse, les rapports internes ou sur internet afin d’avoir une vue de la situation et le cas échéant intervenir.

Le même genre de difficultés existe au Portugal où la loi25 exige que les incidents enregistrés lors d’un événement sportif soient classés en différentes catégories. Cependant, les cas de discriminations sur la base du genre, du racisme, de la xénophobie, de l’âge, etc., sont tous considérés comme relevant de la même catégorie (qui comprend aussi l’incitation à la violence), ce qui rend impossible l’analyse de données désagrégées.

25- Loi 39/2009 du 30 juillet établit le cadre juridique de la lutte contre la violence, le racisme, xénophobie et l'intolérance dans les événements sportifs, afin de permettre la tenue de ces événements en toute sécurité. en toute sécurité. Plus d'informations ici : https://dre.pt/pesquisa/-/ search/493201/details/maximized 26- Osservatorio Nazionale Sulle Manifestazioni Sportive Au vu du nombre importants d’événements ou de reportages presse envoyés à l’Institut portugais de la jeunesse et des sports à propos d’incidents lors d’événements sportifs, les autorités ont décidé d’accroître l’efficacité et la rapidité des signalements et de promouvoir des mesures préventives et autres pour améliorer la sûreté et la sécurité des événements sportifs. En Italie, on manque de données sur la situation en matière de violences et de racisme dans le sport. Il existe des rapports et études et quelques observatoires, mais les données sont partielles et ne permettent pas les comparaisons. Un Observatoire National des Événements Sportifs26 a été établi en 1999 après une série d’incidents graves lors de matchs de football et diverses réformes législatives au cours des années 1990. Cependant, il se concentre exclusivement sur le football et sur les violences dans les stades (contrairement à ce qu’annonce son titre). L’Association Italienne des Footballeurs (Associazione Italiana Calciatori, AIC) publie un rapport annuel sur les violences et le racisme à l’encontre des joueurs professionnels et amateurs intitulé Calciatori sotto tiro (« les footballeurs sous attaque »)27, mais il s’agit là aussi d’une analyse partielle. L’Office National contre la Discrimination Raciale (Ufficio Nazionale Antidiscriminazioni Razziali, UNAR)28 a aussi un observatoire qui collecte des rapports, des plaintes et des témoignages sur les actes de discrimination et fournit des informations, une orientation et une assistance aux victimes, mais il n’est pas spécifiquement dédié au sport. Cependant, l’UNAR et l’UISP ont décidé d’établir un observatoire sur les discriminations dans le sport et ont commencé à travailler en 2020 par le biais d’un projet pilote. L’observatoire recueillera des informations et les plaintes pour actes discriminatoires dans tous les sports et proposera des formations aux institutions et organisations sportives. Après une première phase expérimentale, le projet pilote établira un large réseau d’acteurs qui travaillera à l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention.

27- Osservatorio “Calciatori sotto tiro” 28- Ufficio Nazionale Antidiscriminazioni Razziali, UNAR.

En Belgique, il n’existe pas de registre central des plaintes pour violences discriminatoires dans le sport amateur. L’UNIA29 (Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme) a identifié 431 rapports pour la période 2009-2017 (dont 57 pour l’année 2017), qui font référence au sport professionnel aussi bien qu’amateur. Cela signifie qu’il n’existe pas de statistiques sur les discriminations dans le sport amateur. Toutefois, les médias rapportent régulièrement les incidents de discriminations dans le sport amateur et professionnel. La ligue de football professionnel et l’Union royale belge des sociétés de football ont toutes deux pris des mesures contre les discriminations telles que le racisme et l’homophobie. En France, la situation est plus ou moins similaire à celle d’autres pays européens dans le sens où il n’existe pas d’observatoire national ou local des discriminations dans le sport. Le gros du travail dans ce domaine est mené par la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), l’une des plus anciennes associations qui en France combattent le racisme et l’antisémitisme. La LICRA a un observatoire du racisme qui comprend une section sur le football30. Le partenariat est large, ce qui permet de construire une base de données importante avec des données classées par discipline sportive. En Grèce, le principal organe public en charge de répondre aux violences dans le sport est le Comité Permanent sur la Violence (DEAV selon l’acronyme en grec), qui relève du ministère de la Culture et des Sports31 32. Il travaille avec la police, la Justice, d’autres organismes publics, les fédérations et les associations de sport pour collecter des informations et repérer les incidents violents. Le DEAV a une équipe d’observateurs qui assistent aux événements sportifs et signalent les incidents, que le DEAV relaie ensuite au ministère des Sports et aux fédérations sportives. Les observateurs couvrent cinq disciplines : football, basketball, volleyball, handball et polo. Les données collectées par le DEAV sont aussi analysées par le département de documentation statistique du ministère de l’Éducation et des Sports, notamment en ce qui concerne les incidents lors des matchs de football professionnel33 .

29- UNIA.be 30- Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme. 31- Établi conformément à la section 41A de la loi 2725/1999 (Journal officiel 121A/1999). 32- http://gga.gov.gr/anexarthtes-arxes/deab 33-http://gga.gov.gr/component/content/article/254-o-ellinikos-athlitismos-se-dedomena/2027koinonikes-analyseis Un autre organe public est le Centre de Lutte contre la Discrimination, qui fait partie du Centre National de Recherche Sociale (EKKE selon l’acronyme en grec). Il publie des enquêtes et études nationales et locales, fait du lobbying auprès des organes exécutifs, offre des services d’assistance aux groupes victimes de discriminations, dissémine des pratiques anti-discrimination prometteuses et organise des rencontres scientifiques de soutien à l’anti-discrimination. Au Royaume-Uni, il n’existe pas d’organe centralisé qui gère les données sur les actes de discrimination dans toutes les disciplines sportives mais au contraire des organismes et des méthodes différentes selon les sports. La collecte et l’analyse de données est particulièrement importante dans le football, qui est le sport le plus populaire. Elle est gérée par l’association Kick It Out qui est indépendante mais qui est soutenue et financée par la Football Association et la Premier League. L’association collecte des données sur les discriminations dans le sport, qu’il s’agisse de football amateur à l’échelle locale ou de football professionnel, dans l’espace physique et en ligne, et publie un rapport annuel34. Les statistiques sont classifiées par types de discrimination et selon qu’il s’agit de football amateur ou professionnel. Les signalements sont à 65% liés au racisme. Au niveau local et amateur, il y a eu 105 signalements pour discriminations pendant la saison 2018/19, mais c’est sans tenir compte du sous-signalement qui est sans doute important notamment à ce niveau.

Absence d’une vision claire des discriminations et du racisme dans le sport amateur

Cet aperçu de la situation dans les pays représentés dans le projet MATCH-SPORT fait ressortir le manque d’une plateforme nationale qui réunisse les données provenant de diverses sources à l’échelle locale. Il est difficile de mesurer quelle est la situation réelle en matière de violences discriminatoires dans le sport amateur en Europe parce qu’il n’existe pas de plateforme commune dédiée à cette question qui pourrait être utilisée par les différents acteurs pertinents (clubs, fédérations, police…). Établir une telle plateforme pour l’échange de données

34- Statistiques Kick It Out

permettrait de résoudre les problèmes tels que l’accès à différents ensembles de données qui sont habituellement à usage interne seulement et aux résultats statistiques qui ne sont en général pas publiés (tels ceux provenant des tribunaux).

Des degrés de sensibilisation différents selon les disciplines

Il faut aussi noter que le niveau d’intérêt et de préoccupation sur la question des discriminations varie beaucoup d’une discipline sportive à l’autre. Les fédérations de football par exemple sont beaucoup plus conscientes de ce problème que d’autres sports et donc considèrent la collecte de données comme une priorité. En pratique, cela signifie que la plupart des données qu’ont les pays sur les incidents discriminatoires sont probablement biaisées en faveur des ensembles de données collectées par les organismes du football. C’est par exemple le cas en Allemagne où il n’existe pas de données sur les violences ou les discriminations pour d’autres sports que le football. Certaines fédérations et associations sportives collectent des informations qualitatives dans les médias, dans des rapports internes et sur internet pour suivre la situation et si possible agir. Un autre problème est que la plupart des données concernent seulement un type de violence discriminatoire, le racisme, ce qui signifie que les autres types de discrimination sont probablement sous-signalés.

Sensibilisation au niveau local sur les questions de violences discriminatoires dans le sport amateur

Les violences discriminatoires dans le sport reflètent le niveau de racisme de la société : plus les discriminations sont prévalentes dans la société, plus elles se manifestent également sur les terrains de sport. Le football en particulier peut être considéré comme un miroir de la société et même parfois il annonce ce qui va se passer dans un avenir proche. Le degré de sensibilisation est différent d’un pays européen à l’autre parce que chaque pays a son histoire et sa culture propres. Certains pays ont accueilli des étrangers depuis longtemps comparés à d’autres (en raison du colonialisme, ou de leur industrialisation, ou de l’évolution de leur marché du travail) mais cela ne garantit pas que la population, ayant été habituée à côtoyer des gens « différents », aura un esprit ouvert. Être sensibilisé au phénomène est fondamental pour être motivé à agir. Considérer le racisme, l’homophobie ou tout autre type de discrimination comme un incident isolé, des « jeux d’enfants » ou comme « faisant partie du jeu » est une façon de minimiser le problème et par là d’éviter de faire quelque chose pour le prévenir. En Allemagne, un grand pays doté d’un système fédéral et où existent de fortes disparités régionales, il est difficile d’avoir une vue générale du degré de sensibilisation aux discriminations et aux violences dans le sport amateur chez les collectivités territoriales et les professionnels du sport amateur à l’échelle locale. Il est raisonnable d’assumer que celui-ci varie d’une ville à l’autre – l’Allemagne en compte quelque 11 000 – de même qu’il varie certainement entre et au sein de différentes communautés en fonction de divers facteurs tels que la structure de la population, le contexte socio-économique, les caractéristiques du milieu local du sport, et les relations locales inter-ethniques. On peut cependant faire quelques remarques générales. En ligne avec le système corporatiste en place, de façon générale, en Allemagne, les organisations non gouvernementales telles que les clubs, les associations et les fédérations jouent un rôle crucial dans le secteur du sport. Comme dans d’autres sphères de la société, l’État s’appuie sur les institutions privées pour qu’elles remplissent des missions d’ordre public avec l’aide de subventions étatiques. De nombreuses administrations locales du sport se limitent plus ou moins à la gestion des infrastructures de sport publiques, laissant la mise en œuvre des politiques du sport et l’utilisation du sport pour des buts externes (comme la lutte contre les discriminations) aux clubs et aux organisations sportives. De plus, la plupart des administrations publiques manquent de ressources

financières et humaines pour pouvoir gérer des initiatives qui aillent au-delà de leurs obligations de base. En ce qui concerne les clubs de sport et leur personnel, il y a une grande différence entre le football et les autres sports. En effet, on peut dire que le football est le seul sport où les violences sont largement reconnues comme posant problème alors que ce n’est pas le cas dans d’autres sports amateurs, sauf cas particuliers. Dans le football, on peut assumer que tout le monde, qu’il s’agisse des joueurs amateurs, des entraîneurs, des responsables de club, des autres volontaires et des professionnels, a un certain degré de sensibilisation (voire un degré excessif !). En revanche, dans les autres sports, on peut affirmer que les violences ne sont pas un problème. D’un autre côté, le degré de sensibilisation aux discriminations dans le sport amateur est probablement plus élevé et répandu. Celui-ci est beaucoup plus élevé aujourd’hui au sein de la population que par le passé en raison d’évolutions socio-démographiques et socio-politiques qui ont rendu la société allemande plus diverse et libérale (évolution démographique, immigration, égalité des droits pour les homosexuels, émancipation des femmes, etc.). Parmi les membres et les responsables des clubs, le degré de sensibilisation aux discriminations dépend dans une certaine mesure de la taille du club et du lieu où il est situé. Si les petits clubs (moins de 100 membres) tendent vers l’homogénéité, les clubs moyens et grands, notamment dans les villes, sont habitués à la diversité sociale et ont des politiques anti-discrimination en place, à tout le moins de façon implicite. Dans les villes italiennes, l’attitude générale est de minimiser le problème, que l’on présente parfois comme une simple réaction excessive de parents passionnés ou en disant que « ce n’est pas un problème de dire quelque chose de stupide [c’est-à-dire en fait raciste] dans le feu de la compétition ». Il semble qu’en général, les clubs soient plus sensibilisés et aient davantage la volonté de faire quelque chose (en termes de médiation) même s’ils n’ont pas toujours les outils appropriés pour prévenir ou combattre le racisme. En ce qui concerne les institutions telles que les collectivités territoriales et les fédérations, elles privilégient la sanction sur la prévention et en général sanctionnent les comportements violents ou discriminatoires avec des amendes ou des interdictions de stade. L’absence d’observatoire qui puisse suivre les incidents au niveau amateur et local contribue aussi à un manque de sensibilisation sur cette question. On réagit lorsque les médias rapportent un incident mais cela ne dure généralement pas longtemps et ne mène à aucune action concrète. Ainsi en Italie, il existe un degré élevé de sensibilisation dans le sport professionnel – les médias couvrent régulièrement les incidents dans les stades – mais beaucoup moins dans le sport amateur. En ce qui concerne le sport amateur pour les jeunes, d’après nos conversations informelles avec les entraîneurs de l’UISP, il est clair que les clubs prennent très au sérieux les manifestations de racisme chez les parents. Celles-ci ont lieu lorsque les enfants jouent un match ou une compétition, que ce soit en football ou une autre discipline comme la gymnastique : les parents abusent verbalement les arbitres/juges, ou les autres joueurs, ou leur entraîneur pour remettre en question ses décisions, ou d’autres parents (en particulier ceux dont les enfants jouent dans l’équipe adverse), et parfois l’agression verbale dégénère en agression physique. En général, il semble que dans les sports amateurs locaux, seuls les clubs concernés et responsables, notamment ceux qui travaillent avec un public divers, sont conscients de ces questions et essaient de trouver des solutions, par exemple par le biais de campagnes de sensibilisation ou bien en discutant avec leurs joueurs/athlètes des valeurs du sport telles que le respect et le fair play. En Belgique, le sport est une compétence régionale et les discriminations dans le sport amateur sont donc de la responsabilité des fédérations régionales. L’UNIA est le seul organisme qui centralise toutes les plaintes collectées à l’échelle nationale par les pratiquants, les clubs et/ou les fédérations.

En France, le ministère des Sports et le ministère de la Jeunesse ont véritablement commencé à s’attaquer aux problèmes de violence et de racisme dans le sport en lançant des premiers projets en 2001. Le rapport sur la prévention des incivilités et des actes de violence dans le sport de 201035 est un exemple concret de l’attention que le gouverne-

35- Massey, F. & Monnereau, R. ( 2010). Prévention des actes d'incivilité et de violence dans le sport : recensement des initiatives existantes, préconisations pour une stratégie d'intervention. Public Report. 31

ment français porte à cette question. Le rapport est détaillé et identifie le sport comme un aspect important de la vie en société, soulignant qu’il « ne peut être isolé de l’idéal sur lequel il s’est construit, ni ignorer qu’il est un facteur universel d’identité collective et de sociabilité ». Au Portugal, le gouvernement a présenté un projet de réforme de la loi de 2009 qui établissait un régime légal pour combattre les violences, le racisme, la xénophobie et l’intolérance dans le sport. La nouvelle législation impose des obligations plus fortes aux agents du sport et envisage des actions préventives sociales et pédagogiques. Entre autres mesures, elle augmente le montant minimum des amendes, renforce certaines sanctions et sanctions annexes, et limite l’accès à certaines zones du stade lors de certains événements sportifs (notamment en imposant les tickets électroniques). Outre qu’il donne de nouveaux instruments aux acteurs du sport pour faire face au problème des violences et des discriminations dans le sport, ce projet de loi signale également que le problème est reconnu au plus haut niveau, ce qui à son tour contribue à sensibiliser tous les acteurs impliqués. Le Royaume-Uni est très sensibilisé aux discriminations dans le sport national. Le chapitre 6 de la stratégie du gouvernement pour le sport (datant de 2015) détaille comment ouvrir davantage le sport aux pratiquants de toutes origines et note en particulier une sous-représentation des femmes et des filles, des personnes d’origine socio-économique modeste, et des personnes ayant un handicap36. La stratégie affirme clairement qu’elle n’est pas axée uniquement sur les sports populaires tels que le football mais sur toutes sortes d’activités physiques. Cependant, le texte ne mentionne pas la question des discriminations dans le sport lui-même, qui semble échoir aux organisations individuelles telles que Sport England ou la Football Association. Les campagnes nationales, comme celles mentionnées plus haut, montrent qu’il existe un degré élevé de sensibilisation à la nécessité de combattre les discriminations dans le sport. À l’échelle locale, le degré de sensibilisation aux discriminations varie d’une ville à l’autre, d’un comté à l’autre, et selon les disciplines sportives. Les villes telles que Londres, qui sont très multiculturelles comparées à d’autres régions du pays, sont particulièrement sensibles aux

36- Gouvernement britannique (2015). Sporting Future: A New Strategy for an Active Nation. discriminations dans le sport. En mai 2018, le Maire de Londres, Sadiq Khan, a publié sa stratégie pour la ville (« Le sport pour nous tous : stratégie du Maire pour le sport et l’activité physique »), qui reconnaît que la discrimination « peut faire barrière à la participation » et détaille des programmes stratégiques et d’action pour promouvoir l’égalité dans le sport au niveau local. Il est difficile de trouver des exemples où le degré de sensibilisation des autorités publiques est aussi élevé qu’à Londres. En raison des compétences des villes et des organismes régionaux, combattre les discriminations au niveau local est souvent le fait d’organisations individuelles et des clubs. Les associations jouent un rôle clé de sensibilisation. Au niveau amateur par exemple, le Programme pédagogique de l’Académie Kick It Out organise des ateliers et des présentations sur les discriminations dans le sport dans les clubs locaux ainsi que les écoles et autres organisations locales, et ce dans tout le pays. L’association anti-raciste Show Racism the Red Card (« carton rouge pour le racisme ») enrôle des personnalités du sport dans ses campagnes et ses ateliers éducatifs pour les jeunes. Les clubs individuels, au niveau professionnel et amateur local, mènent aussi des campagnes locales de sensibilisation et d’inclusion, qui sont souvent soutenues par des associations nationales. De nouveau, les réponses varient beaucoup entre les villes et les disciplines sportives – les initiatives sont plus fréquentes dans le football – et selon qu’elles sont ciblées sur le sport amateur ou professionnel.

Disparité dans les niveaux de sensibilisation par discipline sportive et par la proximité des problèmes

La conclusion de cette analyse est qu’il existe au niveau national une conscience partagée des problèmes de violences dans le sport amateur. Cependant, les campagnes de sensibilisation initiées par le niveau national de gouvernance (les gouvernements ou les fédérations) sont principalement axées sur le football, le sport le plus pratiqué en Europe. À l’échelle locale, il existe des disparités importantes entre les villes. Celles qui travaillent déjà sur les politiques de lutte contre les discriminations semblent mieux préparées à inclure le sport dans ce travail.

À l’échelle des clubs, les différences sont encore plus importantes et dépendent du lieu où sont situés le club, ses membres et son personnel. Les clubs implantés dans les quartiers ayant une population diverse sont plus sensibilisés aux questions de discrimination et ont une approche plus proactive pour la contrer.

Partie 3

Thèmes prioritaires et pratiques prometteuses

Bien qu’elles rencontrent des difficultés pour la collecte structurée de données et manquent de ressources pour sensibiliser le public sur cette question, de nombreuses villes européennes mettent en œuvre des actions et des stratégies de prévention. Nous présentons dans cette partie plusieurs pratiques prometteuses que nous avons recueillies en Europe et qui montrent les principaux thèmes sur lesquels les villes travaillent pour prévenir les violences discriminatoires dans le sport amateur. MATCHSPORT a également collecté 15 fiches de pratique additionnelles auprès des villes qui étaient partenaires du projet. Ces documents seront disponibles sur la page web du projet.37

Pratiques prometteuses au Portugal

Lisbonne offre de bons exemples de l’importance de la coopération entre divers acteurs pour sensibiliser le public. Un exemple est l’événement organisé par l’Institut supérieur des sciences policières et de la sécurité intérieure (ISCPSI) et le Conseil municipal de Lisbonne (CML), qui sont tous deux partenaires du projet MATCH -SPORT. L’événement a débuté par une réunion entre le service municipal Activité Physique et Sport, l’équipe du programme Desporto mexe comigo (« le sport bouge avec moi ») et ses 32 entités partenaires (directeurs de clubs et d’associations, éducateurs et techniciens intervenant dans 21 quartiers de Lisbonne). L’objectif de la réunion était de débattre de la situation en matière de violences et de discriminations dans le sport amateur et des possibilités d’activités et de projets conjoints à l’avenir. La réunion était aussi une bonne occasion d’évaluer la perception qu’avaient les participants du problème. Le programme « Le sport bouge avec moi » (Desporto mexe comigo38) est destiné à favoriser l’inclusion sociale d’enfants et de jeunes vulnérables et à risque et de promouvoir les valeurs citoyennes associées au sport. Ce programme permet l’accès gratuit au sport au travers d’un vaste réseau d’enti-

37-Plus d’informations sur : https://efus.eu/tag/match-sport/?lang=fr 38- Plus d’informations sur : http://www.cm-lisboa.pt/viver/desporto/mal-mexe-comigo tés partenaires. Il s’adresse aux jeunes âgés de 2 à 22 ans, et en priorité ceux qui vivent dans les quartiers défavorisés qui font partie des Zones d’Intervention Prioritaire de la mairie de Lisbonne.

Une autre initiative intéressante est « Le sport sans harcèlement » (Desporto sem bullying39), qui est menée par la Faculté de Kinésiologie de l’Université de Lisbonne et a pour objectifs de sensibiliser sur les différentes formes d’exclusion dans le sport et de promouvoir celui-ci pour favoriser l’inclusion et le développement. Une campagne vidéo devait être lancée en 2020, présentant des personnalités du sport qui partagent leur expérience du racisme, de l’homophobie, des discriminations de genre et des discriminations contre les personnes ayant un handicap ou des problèmes de santé mentale. Il existe aussi un certain nombre d’initiatives à Lisbonne pour promouvoir les bons comportements des parents, telles que « L’école des parents de Torreense » (Escola de Pais Parceiros do Torreense40). Ce projet innovant coordonné par le service football de la Sport Clube União Torreense, a démarré en février 2019 dans le but d’améliorer le comportement des parents lorsque leurs enfants participent à des compétitions sportives et de les éduquer aux valeurs du sport. Un autre projet sur ce thème du comportement des parents a été mené en mai 2018 par la Ville d’Almeirim. Intitulé « Les parents des sportifs sont des parents responsables » (Pais de desportistas são pais responsáveis41), le projet était fondé sur un partenariat avec les clubs, les associations et les fédérations de diverses disciplines sportives dans le but d’encourager les familles des jeunes pratiquants à se comporter de façon polie et saine pendant les compétitions. La campagne a produit un livret d’information sur les 10 règles que les parents doivent suivre lorsqu’ils assistent à un événement sportif où participe leur enfant. De plus, les associations d’arbitres ont été informées des comportements parentaux à surveiller parce qu’ils favorisent les violences. Sur ce même sujet, la campagne « Respectez votre enfant » (Respeite o seu filho42) a été développée par la Ville de S. João da Madeira, qui figure parmi

39- Plus d’informations sur : http://www.desportosembullying.pt/desporto-sem-bullying/projeto/ 40- Plus d’informations sur : https://www.torreense.com/pt/noticias/ escola-de-pais-do-torreense/ 41- Plus d’informations sur : https://www.futeboldeformacao.pt/tag/projeto-pais-de-desportistassao-pais-responsaveis/ 42- Plus d’informations sur : https://oregional.pt/campanha-respeite-o-seu-filho-e-medidadesportiva-do-ano-2019/

les 88 communes portugaises classées comme « amies des sports » en raison de leurs bonnes pratiques dans ce domaine. Lancée pour la saison sportive 2018-19, la campagne visait le public des événements sportifs pour les juniors. Elle comprenait divers outils de communication, des actions de formation et des activités sportives sur le thème de l’éthique dans le sport. L’un des supports de communication était une simili-trousse de secours comprenant des messages (« Ne soyez pas un contre-coach », ou « Ne reprochez pas. Encouragez ») appelant les spectateurs à regarder la compétition dans le calme et avec un esprit positif et à rejeter tout comportement inapproprié. En ce qui concerne la promotion des valeurs éthiques dans le sport, l’Institut portugais du Sport et de la Jeunesse a lancé en novembre 2017 la campagne de labellisation « Drapeau d’Éthique » (Bandeira da ética43). Le Drapeau d’Éthique est un label certifiant qu’une organisation respecte strictement un ensemble de valeurs. Il peut être octroyé à toute organisation qui souhaite valoriser son travail de promotion des valeurs éthiques par le sport. L’initiative s’appuie sur une plateforme technologique qui offre deux fonctionnalités principales : la soumission de candidatures pour la certification et une collection de bonnes pratiques en matière d’éthique et de valeurs dans le sport, que la communauté du Drapeau d’Éthique peut consulter.

Pratiques prometteuses en Allemagne

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Il existe en Allemagne des dizaines de programmes et de projets contre les discriminations et les violences dans le sport amateur. La plupart de ces programmes, qui ont tous des thèmes, des groupes cibles et une méthodologie propre, vont au-delà de la stricte prévention des violences et des discriminations et visent par exemple à réduire tout type de conflit, combattre l’extrémisme de droite ou encore favoriser l’inclusion des migrants.

43- Plus d’informations sur : https://www.bandeiradaetica.ipdj.gov.pt/ La plupart de ces programmes sont menés ou soutenus par la Confédération allemande des sports olympiques (Deutscher Olympischer Sportbund, DOSB), l’organisation nationale qui réunit les associations et fédérations sportives, ou bien par les confédérations régionales des sports (Landessportbund, LSB), qui jouent un rôle clé dans le système fédéral allemand. S’il existe aussi des campagnes centralisées, la plupart de ces programmes offrent un cadre politique, organisationnel et financier au travers duquel les actions locales sont mises en œuvre, souvent par les clubs de sports, parfois par des réseaux qui peuvent comprendre des services publics, la police, des organisations représentant les minorités ethniques ou des institutions sociales. Parmi ces nombreux programmes, on peut citer : Integration durch Sport (« Intégration par le sport ») : coordonné par la DOSB, ce programme national lancé en 1989 promeut la participation des migrants au sport et réunit 750 clubs partenaires. Le projet offre aux migrants l’opportunité de faire du sport, des activités pédagogiques et une assistance. Il est subventionné par le gouvernement fédéral avec une enveloppe de 10 millions d’euros par an. Zusammenhalt durch Teilhabe (« Solidarité par la participation ») : ce programme du gouvernement fédéral promeut la démocratie contre l’extrémisme (de droite) et se focalise sur les zones rurales. Il soutient notamment le sport et est particulièrement actif en Allemagne de l’est. Interkulturelle Konfliktmediation im Fußball (« Médiation interculturelle des conflits dans le football ») est un programme régional de la

Hesse spécialisé en médiation des conflits. Il propose des services de médiation entre équipes de football adverses et des formations sur la façon d’éviter les conflits pour les pratiquants, les entraîneurs et les parents, avec un accent particulier sur la dynamique des conflits inter-ethniques. Certaines des approches et méthodes utilisées dans ces programmes pourraient certainement être transférées à d’autres pays ou réduites et le cas échéant adaptées aux circonstances de pays plus petits.

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