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Revue Africaine de Santé et de Productions Animales © 2007 E.I.S.M.V. de Dakar
A RTICLE ORIGINAL
Influence de la concentration plasmatique du phosphore, du magnésium et du calcium dans l’étiologie du pica chez les bovins des élevages périurbains de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)
G. A. OUEDRAOGO1*, S. HABUMUREMYI1, N. YAMEOGO2 et G. J. SAWADOGO2
Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso, Laboratoire d’Enseignement et de Recherche en Santé et Biotechnologie Animales, 01 BP 1091 Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso. 2 EISMV - Service de Physique et Chimie Biologiques et Médicales, BP 5077, Dakar, Sénégal 1
* Correspondance et tirés à part , e-mail : oga@fasonet.bf
Résumé
L’objectif de cette étude est d’évaluer l’état nutritionnel minéral des animaux dans des élevages bovins périurbains de Bobo-Dioulasso où le pica survient de façon répétitive. L’étude a porté sur 120 animaux issus de la station expérimentale de Farakô-Ba et de seize élevages environnants situés dans un rayon de 25 km. Des dosages par des méthodes spectrophotométriques du phosphate inorganique, du magnésium et du calcium ont donné les concentrations plasmatiques qui ont été comparées avec les valeurs usuelles établies chez les zébus d’Afrique. Les résultats ont montré que 65,85 % des animaux qui présentaient du pica, étaient en hypophosphatémie. De même, la proportion des animaux présentant des concentrations plasmatiques inférieures aux valeurs usuelles était de 54,21 % pour le phosphate inorganique, 36,88 % pour le magnésium et 56,54 % pour le calcium. Ces résultats ont mis en évidence le rôle prépondérant du phosphate inorganique dans l’étiologie du pica dans la zone d’étude. Le statut nutritionnel des animaux, RASPA, 5 (1-2) : 3 -8). surtout pendant les périodes de faible productivité des pâturages naturels devra alors systématiquement être amélioré. (R
Mots-clés : Pica - Phosphatémie - Calcémie - Magnésémie - Elevages périurbains - Bovin. Abstract Influence of plasmatic concentration of phosphorus, magnesium and calcium on the pica aetiology in cattle of periurban animal husbandry in Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)
The study aimed to evaluate animals mineral nutritional status in Bobo-Dioulasso periurban bovin husbandry where the pica aetiology occurred repetitively. The study was carried out using 120 animals from the experimental research station of Farako-Bâ and from sixteen animals farms surrounding the station, not beyond 25 km. The phosphorus, magnesium and calcium dosages using spectrophotometer has given plasmatic concentration that have been compared with usual values established in African zebu. Results showed that 65.85% of animals that presented pica were in hypophosphataemia. Also, the proportions of animals presenting plasmatic concentrations less than the usual values were 54.21%, 36.38% and 56.54% for phosphorus, magnesium and calcium, respectively. These results portrayed the preponderant role of inorganic phosphate in the pica aetiology in the study area. The animals nutritional status, especially during the low natural pasturages productivity periods should, therefore, be systematically be improved.
Keys – Words: Pica - Phosphataemia - Magnesaemia - Calcaemia - Periurban animal husbandry - Cattle.
Introduction
Le pica est une dépravation du goût dont l’étiologie chez les animaux est mal connue et pas assez précise. Ses nombreuses conséquences ont des répercussions sur la productivité du cheptel [17]. Il s’agit de contaminations parasitaires et bactériennes, obstruction intestinale, dommages dentaires, toxicités hépatospléniques, intoxications par léchage des peintures et/ou ingestion d’autres substances nocives, etc. Pour certains auteurs, c’est un trouble nerveux alors que pour d’autres, il résulte de carences en minéraux. Ces carences qui ont perdu leur importance dans les pays développés en raison de l’administration systématique de compléments minéraux, sont par contre fréquentes en zone sahélienne où les animaux ne se nourrissent que sur les parcours naturels très souvent pauvres en minéraux [15], [18], [22]. C’est ainsi que GUTIERREZ et al. [6], JÜRG KESSLER [11], McDOWELL et al [14], WILLIAMSON et PAYNE [25], ont cité le pica comme un signe de la carence en phosphore. RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
D’autres l’ont évoqué comme un signe de carence en sodium, en cuivre et en cobalt, sans citer le phosphore [10], [25]. Le pica a également été décrit au cours des symptômes de l’acétonémie, de l’acidose du rumen et des troubles nerveux. Pour WATTIAUX [23], le pica est une des manifestations du désir intense du sel. Depuis quelques années, des cas de pica ont été décrits dans certains élevages périurbains de Bobo-dioulasso sans qu’on en recherche les causes probables. L’évaluation du statut minéral des animaux issus de ces élevages est par conséquent, la première étape dans les investigations en vue de comprendre cette pathologie. Cette étude concerne la concentration plasmatique du phosphore, du calcium et du magnésium qui sont certains des minéraux dont la carence est mise en cause dans l’étiologie du pica.
3
OUEDRAOGO et al. L’objectif de notre étude est d’évaluer le statut minéral des élevages dans les zones où le pica a été décrit, aussi bien chez les animaux atteints, que pour ceux dont le stade physiologique peut les en prédisposer. Des hypothèses pourront alors être émises quant à l’implication des minéraux étudiés dans les causes du pica.
1. ZONE D’ÉTUDE
L’étude a été conduite au cours de la saison sèche de Janvier à Mai 2007. La zone d’étude était la ferme de la station de Farako-Bâ et seize élevages sélectionnés en raison des cas de pica rapportés, et situés dans un rayon de 25 Km autour de la ville de Bobo-Dioulasso. Cette région est caractérisée par un climat soudano-guinéen avec les précipitations oscillant entre 800 mm et 1200 mm par an. Ses sols dont le pH varie entre 5 et 6,5 sont faiblement ferralitiques à l’Ouest et ferrugineux au Nord avec 2 % de pente. Ils sont très sensibles à l’érosion et pauvres en azote et phosphore disponibles pour les plantes.
2. ANIMAUX ET LE MODE D’ÉLEVAGE
L’étude a porté sur 120 animaux âgés de 03 à 08 ans, de races Zébu Peul, Zébu Gudhali et des produits de croisements Zébu Peul x Azawak. Tous les animaux sélectionnés pour l’étude ont été traités contre les parasitoses internes et externes et vaccinés contre les principales maladies du cheptel conformément au programme national de vaccination. Les animaux provenant de la station sont conduits au pâturage le matin jusqu’au milieu de la journée et l’après-midi. Au retour, ils sont mis en stabulation. Leur alimentation est composée de paille d’Andropogon spp., Panicum spp., Pennisetum spp. Au pâturage et à l’étable, ils reçoivent du foin constitué par un mélange de diverses herbes et graminées avec en complément, des tourteaux de coton, de la mélasse et quelques résidus de récolte. Les animaux issus des élevages périurbains sont alimentés exclusivement par le pâturage naturel composé en majorité des espèces décrites plus haut. Certains reçoivent des résidus de récolte en complément. Il s’agissait d’ animaux qui exprimaient le pica et des animaux choisis au hasard parmi ceux dont le stade physiologique les prédisposait aux carences minérales (d’une part les jeunes proches de la mise à la reproduction et d’autre part les femelles au dernier mois de gestation et au premier mois de lactation).
3. TRAITEMENT DES ÉCHANTILLONS
Au total 214 prélèvements de sang ont été effectués. Pour chacune des vaches gestantes, il y a eu 08 prélèvements hebdomadaires effectués au cours du péripartum. Les prélèvements de sang ont été réalisés par ponction de la veine jugulaire.Le sang a été recueilli sur les tubes héparinés sous vides (Vénojects® Terumo Europe NV), transporté dans la glace et centrifugé en moins de trois heures à 3000 tours /min pendant 15 minutes. Le plasma a été recueilli et conservé à 20°C jusqu’au moment des analyses dans un délais n’excédant pas deux mois. Les dosages ont été faits au laboratoire de biochimie de l’Ecole InterEtats de Sciences et Médecine Vétérinaires sur un spectrophotomètre à plaque Elx 800, Universal Microplate Reader (Bio-Tek Instruments, INC). Les réactifs utilisés ont été fabriqués par BioSystèms S.A.(Costa Brava, 30, Barcelona Spain). Le phosphore a été dosé selon une méthode fondée sur l’une de ses propriétés. En effet, il réagit avec le molybdate en milieu acide pour donner un complexe quantifiable par spectrophotométrie. Quant au calcium, il réagit avec le bleu de méthylthymol en milieu alcalin, pour donner un complexe coloré quantifiable par spectrophotométrie. Pour le magnésium, il réagit avec la calmagite en milieu alcalin, pour donner un complexe coloré quantifiable par spectrophotométrie.
4. TRAITEMENT DES RÉSULTATS
Les résultats des dosages ont été saisis sur un tableur « Excel ». Le calcul des moyennes, écart-types, des variances et la comparaison des moyennes (Test de Student) des concentrations plasmatiques obtenues ont été réalisés à l’aide du logiciel SPSS. En raison de l’absence de données sur le statut minéral des races bovines de la zone concernée, nous avons utilisé les résultats de SAWADOGO [20], qui a travaillé sur le zébu Gobra du Sénégal comme valeurs usuelles.
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Résultats Au cours de la période de l’étude, il a été observé 3 avortements, 5 mortinatalités et du pica chez les nouveau-nés.
1. PHOSPHORÉMIE La proportion d’animaux avec une phosphorémie normale est de 25,70 % (Tableau I ). Il n’existe pas de différence significative entre la concentration moyenne des animaux présentant le pica et celle de ceux qui n’en présentaient pas. Nous avons observé que 65,85 % des animaux présentant le pica, avaient une faible phosphatémie. Il n’y avait pas d’effets du sexe, de la parité et du péripartum. Les phosphatémies moyennes des vaches en station et des vaches en milieu paysan étaient significativement différentes (p<0,05).
2. MAGNÉSÉMIE La proportion d’animaux avec une magnésémie normale est de 35,98 % de l’effectif (Tableau II). La magnésémie des animaux ayant exprimé le pica et celle des animaux sans pica, ne différaient pas significativement (p<0,05). Par contre, les magnésémies des mâles et celles des femelles étaient significativement différentes (p<0.05). Il n’a pas été observé d’effets de la parité, du péripartum et de la localisation.
3. CALCÉMIE La proportion d’animaux avec une calcémie normale est de 46,72 %. Il n’existe pas de différence significative (p<0,05) entre la calcémie moyenne des animaux présentant le pica et celle des animaux sans pica (Tableau III). Le sexe, la parité et le péripartum n’avaient pas d’effets significatifs (p<0,05) . Par contre la localisation a fait ressortir des moyennes de calcémies significativement différentes (p<0,05).
Discussion
Sans en être la seule cause, le statut minéral du phosphate, et dans une moindre mesure celui du magnésium et du calcium sont des éléments à prendre en compte dans l’étiologie du pica dans ces élevages. En effet, on observe pour le phosphate, une proportion élevée d’animaux présentant des concentrations plasmatiques inférieures aux valeurs usuelles. Ces résultats proviennent certes, d’élevages où le pica a été décrit, mais nous estimons que l’échantillon devrait être plus important. L’étude devrait porter sur un échantillon plus grand, faire une discrimination entre les races et surtout se dérouler pendant une période couvrant les deux saisons, ce qui aurait permis de cerner l’effet saison. Enfin, l’étude de la composition minérale des fourrages et des sols dans la zone d’étude aurait apporté des informations complémentaires. La phosphatémie moyenne se situe dans l’intervalle (1,23 – 3,03 mmol/l) avec une proportion très importante (54,21%) d’animaux avec des valeurs de phosphatémie inférieures aux RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
Influence du phosphore, du magnésium et du calcium dans l’étiologie du pica chez les bovins des élevages périurbains au Burkina Faso
Paramètres
Groupes
Pica
Pica
Sexe
Mâle
Parité Péripartum Localité
n 41
Phosphatémies moyennes en mmol / l 1,93 ± 0,70
Pourcentage d’hypophosphatémie (< 2.05 mmol/l) 65,85
Pas de pica
79
2,18 ± 0,93
52,02
Femelle
93
2,16 ± 0,91
53,30
Nullipares
Pluripares
Avant mise bas
27 20 73 22
2,05 ± 0,87 2,72 ± 0,98 2,67 ± 0,83 2,06 ± 0,97
58,18
47,06
Milieu paysan
95
2,26 ± 0,89
29,33
120
NS : non significatif à p < 0,005 ; S : significatif à p < 0,005
Paramètres
Groupes
n
Pica
Pica
41
Sexe
Mâle
Pas de pica
79
Femelle
Parité
Nullipares
Péripartum
Avant mise bas
Localité
Station
Pluripares
1,83 ± 0,85 2,13 ± 0,90
18,18
Tableau II : Résultats du dosage du Magnésium
Pourcentage de magnésémie normale (0.97 – 1.31 mmol/l)
52,75
38,46
73
0,95 ± 0,36
22
1,03 ± 0,37
68,42
21,05
50,92
29,69
9,38
NS
35,98
21,5
60,29
32,36
Milieu paysan
95
0,93 ± 0,34
52,98
40,4
Ensemble des animaux
120
NS : non significatif à p < 0,005 ; S : significatif à p < 0,005
Paramètres
Groupes
Pica
Pica
Sexe
Mâle
n 41
0,91 ± 0,37
Tableau III : Résultats du dosage de Calcium
Calcémies moyennes en mmol / l
2,81 ± 0,79
Pas de pica
79
2,66 ± 0,86
Femelle
93
2,67 ± 0,85
Parité
Nullipares
Péripartum
Avant mise bas
27
2,72 ± 0,81
22
2,69 ± 0,88
23,81
40,59
Pourcentage de calcémie normale (2.2 – 2.7 mmol/l) 57,14
33,66
7,35 6,62
Pourcentage d’hypercalcémie (> 2.7 mmol/l)
NS
30,77
46,15
23,08
NS
44,45
33,33
22,22
NS
33,33
42,86
23,81
NS
24
S
38,18
33,64
2,55 ± 0,82
51,28
38,46
10,26
95
2,57 ± 0,62
31,31
38,38
30,31
25 120
NS : non significatif à p < 0,005 ; S : significatif à p < 0,005
2,99 ± 0,97
52
2,69 ± 0,85
36,88
31,37
28,18
51
Milieu paysan
Différence entre groupes
19,05
25,75
37,25
Après mise bas
RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
Pourcentage d’hypocalcémie (< 2.22 mmol/l)
9,82
2,67 ± 0,83
73
Ensemble des animaux
2,80 ± 0,90
20
Pluripares
Station
56,54
S
NS
0,89 ± 0,35
60,93
8,79
NS
9,1
52,72
51
0,86 ± 0,43
7,51
Différence entre groupes
NS
Après mise bas
25
Pourcentage d’hypermagnésémie (> 1.31 mmol/l)
10,53
39,26
38,18
20,09
0
0,93 ± 0,37
0,82 ± 0,50
S
37,04
93
20
10,94
9,75
38,73
62,96
NS
26,83
53,76
0,76 ± 0,32
23,64
22,1
24
0,92 ± 0,35
27
NS
46,67 25,7
63,41
15,79
25
54,21
0,84 ± 0,45
NS
27,94
17,19
Pourcentage d’hypomagnésémie (< 0.97 mmol/l)
18,52 20,88
71,87
Magnésémie moyenne en mmol / l
NS
25,27
25,77
Différence entre groupes
9,76
23,12
21,05
52,15
Pourcentage d’hyperphosphatémie (> 2.87 mmol/l)
25,43
63,15
2,23 ± 0,92
25
24,39
22,22
51
Station
Pourcentage de phosphatémie normale (2.05 – 2.87 mmol/l)
59,26
Après mise bas
Ensemble des animaux
Localité
Tableau I : Résultats du dosage de Phosphore.
24
46,72
31,38
16,4
5
OUEDRAOGO et al. valeurs usuelles qui sont de 2,05 à 2,87 mmol/l. SMITH et al., [21], qui ont travaillé sur des zébus White Fulani, Keteku, des taurins N’dama et leurs croisements, ont trouvé des valeurs de 0,6 à 3,3 mmol/l dans une région où sévissait de la géophagie. Dans les régions du Kordofan et du Darfour au Soudan, ABDELRAHMAN et al., [1] ont trouvé chez des zébus Kenana et Botana, en saison sèche, des valeurs moyennes de 2,15 ± 0,7 mmol/l. En considérant le facteur présence ou absence de pica, les résultats montrent que 65,85 % des vaches présentant le pica, ont une phosphatémie inférieure aux valeurs usuelles. Par ailleurs, les résultats montrent que 52,02 % des vaches ne présentant pas le pica, ont tout de même une faible phosphatémie. Ces animaux peuvent être considérés comme étant en situation de carence infraclinique. Cette hypophosphatémie des vaches sans pica expliquerait la différence non significative des concentrations moyennes des deux groupes (avec et sans pica). On peut supposer qu’il y aurait un seuil ou une durée nécessaire de carence pour que le pica se manifeste. En effet, McDOWELL et CONRAD [13], ont déterminé un seuil critique de phosphatémie qui est de 1,45 mmol/l. Les valeurs de phosphatémie en dessous des valeurs usuelles s’expliqueraient par le fait que les besoins en phosphore des animaux sont supérieurs à la teneur moyenne annuelle en phosphore des principaux fourrages de la zone étudiée [4]. Cette situation traduit donc un problème d’apport alimentaire en phosphore pour les animaux de l’échantillon étudié. Ceci conforte l’hypothèse affirmant que le pica peut être un indicateur de l’hypophosphatémie chez l’animal [11], [25], [18], [14]. Toutefois, d’autres travaux [9], [10], [12] ont présenté le pica comme un effet spécifique de la carence non pas en phosphore mais en sodium. Ils ont également souligné qu’une carence durable en cuivre ou une forte carence en cobalt peuvent aussi conduire à ce phénomène pathologique. La phosphatémie moyenne des animaux des élevages périurbains est significativement plus élevée (p<0,05) que celle des animaux en station. Cela est confirmé par un pourcentage d’animaux en hypophosphatémie plus élevé en station. La composition de l’aliment en station pourrait être mise en cause. En effet, le niveau d’ingestion du phosphore influence sa concentration plasmatique [6], [24]. Les fourrages de la station seraient donc plus pauvres en phosphore que ceux du milieu paysan. Par contre, il n’y a pas d’effet constaté du sexe, de la parité et du péripartum sur la concentration sérique du phosphore par notre étude. Ce qui diffère des observations antérieures en particulier pour le péripartum [16]. La taille de notre échantillon pourrait expliquer en partie cette observation. En effet dans l’espèce bovine, la parturition est toujours associée à une baisse plus ou moins accentuée de la calcémie et de la phosphatémie. Ce syndrome résulte d’une hypersécrétion transitoire de calcitonine au moment de la mise-bas. Les valeurs moyennes de la magnésémie de l’ensemble des animaux se situent dans l’intervalle (0,54 -1,28 mmol/l), avec 56,54 % des vaches ayant une magnésémie inférieure aux valeurs usuelles qui sont de 0,97 à 1,31 mmol/l.
6
AMAHORO [2] en travaillant sur des vaches en élevage intensif avait trouvé les mêmes proportions de carences sur des vaches laitières dans la zone périurbaine de Dakar. ABDELRAHMAN et al., [1] ont trouvé des valeurs de 1,28 ± mmol/l. Pour McDOWELL et CONRAD, [13], le seuil critique de magnésémie est de 0,82 mmol/l. Les écart-types montrent que les distributions des concentrations de magnésium dans les différents groupes d’animaux de notre population sont moins dispersées par rapport à celles des concentrations en calcium et en phosphore. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que la déficience en magnésium concernerait tous les animaux alors que les déficiences en calcium et en phosphore seraient plus accentuées chez certains animaux. La magnésémie moyenne des animaux avec pica ne diffère pas significativement (p<0,05) de celle des animaux sans pica. Néanmoins, on constate que parmi les animaux présentant le pica, 63,41 % sont en hypomagnésémie. Le rôle du magnésium dans l’étiologie du pica n’est pas très souvent évoqué. On sait que le déficit en cet élément entraîne des modifications intéressant à la fois le métabolisme protéique, glucidique, lipidique et minéral. Chez les ruminants, en particulier quand les besoins de production sont élevés, ils doivent trouver dans leur ration quotidienne une quantité suffisante en cet élément. Selon GONZALEZ [5], l’hypomagnésémie débuterait dès que les valeurs de magnésium étaient en dessous de 0,7mmol/l et les symptômes apparaîtraient dès que les valeurs seraient en dessous de 0,4mmol/l. L’hypomagnésémie est aussi capable d’interférer sur la capacité de la parathormone d’agir sur ses tissus cibles. L’hypomagnésémie observée au cours de cette étude serait également d’origine alimentaire. En effet, selon WHITAKER et al. [24], le magnésium plasmatique est plus le reflet de son apport courant quotidien, que des réserves qui ne sont pas rapidement disponibles. En effet, les concentrations plasmatiques du magnésium sont majoritairement affectées par l’absorption au niveau du tractus gastro-intestinal (principalement au niveau du rumen et du réticulum chez les ruminants adultes) et de manière limitée par la mobilisation osseuse, l’excrétion dans les faeces et les urines et la sécrétion dans le lait. De ce fait, si le magnésium alimentaire est insuffisant ou bien si l’absorption ruminale est perturbée, il n’y aura pas d’excès de magnésium à mettre en réserve et la magnésémie va diminuer et aller en dessous du seuil critique. Les pâturages de la zone d’étude étant dominés par les graminées, peuvent justifier ces carences. On observe également que la magnésémie des femelles est significativement (P>0,05) plus élevée que celles des mâles. Cela serait dû à l’apport alimentaire qui est le plus souvent plus élevé chez les femelles que chez les mâles. En effet, il est fréquent de voir les éleveurs privilégier l’apport alimentaire des femelles afin de compenser leurs besoins de production. Il n’y a pas d’effet de la parité, du péripartum et de la localisation sur la concentration plasmatique du magnésium. Ceci concorde en partie avec les résultats de SAWADOGO [20] qui mentionnait que les effets du sexe et de l’âge sur la magnésémie étaient très modérés. RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
Influence du phosphore, du magnésium et du calcium dans l’étiologie du pica chez les bovins des élevages périurbains au Burkina Faso La calcémie moyenne se situe dans l’intervalle (1,84-3,54 mmol/l) alors que les valeurs usuelles sont de 2,2 à 2,7 mmol/l. SMITH et al., [21] ont trouvé des valeurs de 2,2 à 4,0 mmol/l et ABDELRAHMAN et al., [1] ont trouvé une valeur moyenne de 2,88 ± 1,6 mmol/l. Le seuil critique définit par McDOWELL et CONRAD [13] est de 2,12 mmol/l. Selon nos résultats, 36,88 % des vaches sont en état d’hypocalcémie et seulement 23,81 % des animaux en hypocalcémie présentent du pica, même si les moyennes de la calcémie des vaches avec le pica et celle des vaches sans pica ne diffèrent pas significativement (p<0,05). L’hypocalcémie est donc moins sévère que l’hypophosphatémie dans notre échantillon. Le pica ne pourrait donc, pas être associé dans notre étude à une variation de la calcémie. Par ailleurs, nous remarquons que, comme au niveau de la phosphatémie, la moyenne de la calcémie des animaux de la station de Farako-Bâ diffère significativement de celle de la calcémie des animaux en milieu paysan (p<0,05). Mais cette fois, la calcémie moyenne des animaux en station est supérieure à celle des animaux en milieu paysan. En station, il y a donc une hypercalcémie et une hypophosphatémie. La cause d’une alimentation déséquilibrée n’est pas à exclure [1]. En effet, les règles de rationnement des animaux sont mal maîtrisées par la plupart des éleveurs. L’hypocalcémie peut aussi résulter d’une hypoparathyroïdie primaire ou secondaire et une déficience en vitamine D. De même, la consommation de certains aliments renfermant de fortes teneurs d’oxalates réduisent l’absorption du calcium [19]. Nous constatons également que la moyenne de la calcémie des génisses n’est pas significativement différente de celle des vaches ayant vêlé. Il n'y a donc pas un effet très marqué de l’âge. En effet puisque d’une manière globale les animaux ne souffrent pas d’hypocalcémie, les mécanismes mis en jeu pour maintenir l’homéostasie de la calcémie fonctionnent correctement. Nos résultats ne concordent pas avec ceux de travaux antérieurs qui ont trouvé que la calcémie des jeunes était supérieure à celle des adultes [3]. En effet avec l’âge, le nombre d’ostéoclastes actifs diminue, entraînant une baisse du nombre de cellules cibles de la parathormone pour la mobilisation du calcium osseux. A cela s’ajoute une baisse générale du nombre de récepteurs de cette hormone sur tous les tissus cibles [7]. Pour certains auteurs [12], les concentrations plasmatiques en calcium sont remarquablement stables chez les ruminants. La parité n’a pas d’effet également, alors qu’il a été souvent observé chez les vaches en fin de gestation et en début de lactation une hypocalcémie en raison d’une forte exportation du calcium vers le veau et le lait [8]. Elle serait due, à l’exacerbation de l’intensification de la sécrétion de calcitonine survenant chez la vache parturiente, intensification qui a pour rôle de protéger le squelette de la femelle gestante ou allaitante contre une déminéralisation excessive. Concernant l’effet de l’âge et de la parité, la méthode statistique utilisée pour la comparaison des moyennes pourrait expliquer nos résultats. En effet, les effectifs n’étaient pas de même taille. RASPA Vol.5, N0 1-2 2007
Conclusion
Les concentrations plasmatiques des minéraux dosés ne diffèrent pas entre le groupe des animaux ayant présenté le pica et celui des animaux n’ayant pas présenté le pica. Néanmoins, nous avons trouvé que 65,85 % des animaux présentant le pica, étaient en hypophosphatémie. Par ailleurs, on observe un nombre assez important d’animaux avec des concentrations plasmatiques en phosphore, en magnésium et en calcium inférieures aux valeurs normales, traduisant une polycarence en ces minéraux. Cette polycarence semble être le fait d’apports insuffisants. Les teneurs de la ration en minéraux ne couvrent donc pas les besoins des animaux dans les élevages étudiés. Les résultats nous permettent de considérer que dans la zone étudiée, la carence en certains minéraux, particulièrement celle en phosphore (56,54 % de la population étudiée) serait avec d’autres causes éventuelles, responsable du pica observé. En effet, le disponible fourrager n’est suffisant que durant une moitié de l’année, à la suite de quoi, il diminue rapidement pendant la saison sèche. Pour corriger ces carences minérales, nous recommandons aux éleveurs une adoption de nouvelles stratégies de rationnement des animaux pour améliorer l’état nutritionnel minéral des animaux qui ne se nourrissent que sur les parcours naturels et réduire par conséquent, l’incidence du pica.
Remerciements
Nous remercions les éleveurs de la zone d’étude et le personnel de la station de Farako-Bâ qui ont accepté et facilité l’utilisation de leurs animaux. Nous remercions aussi le personnel du laboratoire du CIRDES pour leur contribution dans le traitement et la conservation de nos échantillons. Des remerciements enfin à tout le personnel du laboratoire de Biochimie Clinique de l’Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine Vétérinaires de Dakar, pour leur disponibilité et assistance lors des dosages.
Bibliographie
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RASPA Vol.5, N0 1-2 2007