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ACCÉLÉRATION OU REFONDATION

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DÉFINITION DES NOTIONS

Ce mémoire de recherche sollicite nécessairement une série de notions et de concepts en lien avec la thématique et les questions retenues qu’il est essentiel de définir : hygiénisme, santé publique, pandémie, épidémie. L’hygiénisme, comme défini dans le glossaire de géoconfluences10 , est un courant de pensée apparu au milieu du XIXe siècle, lié en partie aux travaux de Pasteur et qui prône une nouvelle approche de l'environnement humain. Dans le domaine de la santé, les théories hygiénistes postulent qu'une amélioration du milieu de vie des Hommes entraîne une amélioration de leur santé, toutes catégories sociales confondues. Des travaux, notamment urbanistiques, vont ainsi être entrepris dans les domaines suivants : assainissement, aération, destruction…

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La santé publique est définie par l’agence de la santé publique du Canada comme une activité organisée de la société visant à promouvoir, à protéger, à améliorer et, le cas échéant, à rétablir la santé de personnes, de groupes ou de la population entière. Elle est le fruit d’un ensemble de connaissances scientifiques, d’habiletés et de valeurs qui se traduisent par des actions collectives par l’entremise de programmes, de services et d’institutions visant la protection et l’amélioration de la santé de la population. Le terme « santé publique » peut décrire un concept, une institution sociale, un ensemble de disciplines scientifiques et professionnelles et de technologies, ou une pratique. La santé publique constitue à la fois une façon de penser, un ensemble de disciplines, une institution de la société et une forme de pratique. Agence de la santé publique du Canada. (2008). Compétences essentielles en santé publique au Canada. Version 1.0, 1-27 Selon le toupictionnaire11 , étymologiquement, le mot épidémie vient du latin epidemia, maladie qui se répand dans un pays, emprunté au grec epidêmos, qui circule dans le peuple, composé de epi, sur, au-dessus, et de dêmos, peuple. Une épidémie est définie par le CNRTL12 comme une augmentation inhabituelle, subite du nombre d'individus atteints d'une maladie transmissible existant à l'état endémique dans une région ou une population donnée; apparition d'un nombre plus ou moins élevé de cas d'une maladie transmissible n'existant pas normalement à l'état endémique dans une région donnée (p. oppos. à endémie.

Selon la définition officielle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), "une pandémie survient lorsqu’un nouveau virus apparaît et se propage dans le monde entier, en l’absence d’immunité dans la grande majorité de la population". Le Larousse ajoute que la "pandémie (du grec pan = tout et demos = peuple) est une épidémie qui s'étend à toute la population d’un continent, voire au monde entier".

10 Geoconfluences : site expert ENS/DGESCO de géographie – il regroupe un vocabulaire riche de la géographie avec la possibilité de les trier par thème 11 Toupictionnaire : Dictionnaire politique en ligne 12 Centre national de ressources textuelles et lexicales

ACCÉLÉRATION OU REFONDATION Les crises sanitaires que nous avons vécu et celle que nous sommes en train de vivre aujourd’hui posent différentes questions sur la vie urbaine, notamment sur les modes de relations sociales qui définissent la forme de la ville et plus particulièrement l’articulation du domaine public. Dans le droit civil en France, article 714, l’expression domaine public renvoie à l’ensemble des biens qui ne peuvent pas être considérés comme des propriétés privées ou alors tous les biens qu’on affecte à l’usage public (routes, air, voies navigables...) On les déclare « res communis » (les choses communes) en prolongement au droit romain. Le domaine public est en premier plan, le terrain où se manifestent les premiers changements. L’état d’urgence sanitaire pousse les décideurs et les aménageurs à agir en urgence afin d’adapter les espaces publics aux nouveaux enjeux sanitaires afin de réorienter l’usage et le comportement des habitants. Les questions de santé publique ont été intégrées depuis plusieurs années dans la conception des politiques et dispositif mis en œuvre par la ville de Paris. Avant même la crise du covid19, plusieurs démarches, touchant de près le domaine public, ont été menées afin de valoriser la santé dans le cadre d’une ville favorable à la santé, les opérations Paris Respire et l’organisation de Journées sans voitures se sont multipliées. En épidémiologie sociale, plusieurs modèles décrivent et montrent les relations qui existent entre la santé et l’environnement au sens large (biologique, physique, social et économique). L’une de ces représentations est celle élaborée par Whitehead & Dahlgren13. Comme le montre la figure ci-dessous, elle identifie les facteurs qui déterminent la santé et les quatre niveaux ou types d’influence connus. L’environnement ou le milieu fait partie du troisième niveau qui intègre plusieurs autres facteurs qui concernent aussi bien le domaine public que les propriétés privées tel que le logement, l’accès aux services et aux équipements ainsi que les conditions de déplacement et de travail.

Figure 4 : Modèle de déterminants de la santé d’après Dahlgren et Whitehead 1991

13 whitehead, m. & dahlgren, g. What can we do about inequalities in health. The lancet, 338: 1059–1063 (1991).

La reconquête du domaine public par les piétons et les cyclistes en l’adaptant aux mobilités actives et en promouvant les modes de déplacement zéro carbone et la réduction des effets de la concentration de la circulation automobile à Paris ont, depuis longtemps, fait partie de la politique de la ville. En février 2016, par exemple, le Conseil de Paris a voté la piétonnisation de l'avenue des ChampsÉlysées tous les premiers dimanches de chaque mois. De nombreux plans ont été élaborés dans le cadre de la délégation de transport et annoncé par la maire de Paris, Anne Hidalgo en 2014 et adopté officiellement en 2015 : plan antipollution, plan vélo et plan piéton ainsi que plusieurs aménagements de grandes places et projet de piétonnisation de la rive droite de la Seine dans le but d’améliorer la qualité de vie et de réduire les impacts néfastes sur la santé des habitants. Les pandémies viennent bouleverser les sociétés, l’économie, la géopolitique qui se reflètent d’abord sur l’organisation spatiale des villes. Les mesures adoptées par les villes pour la lutte contre la propagation des virus restent très diversifiées. Cependant, il existe un point commun qui a persisté, dans les différentes pandémies, malgré toutes les avancées scientifiques et technologiques, l’isolement. « Une épidémie, c’est toujours la mise en place de frontières. Elles peuvent être immédiates ou lointaines, mais la question de la circulation devient le nœud du problème. L’épidémie c'est aussi l'idée du chaos. Quand l’historien grec Thucydide évoque la peste d’Athènes au Ve siècle avant J.-C. le mot à l’époque ne veut pas dire la peste au sens bactériologique d’aujourd’hui, il désigne une catastrophe. Et c’est le sens qu’il a gardé : dès ce moment, on sait qu’une épidémie entraîne un bouleversement, une révolution de la société, et la plupart des observations de Thucydide peuvent s’appliquer à la société d’aujourd’hui. » (Entretien Anne-Marie Moulin)14

Avec la pandémie de la Covid 19, nous avons commencé à vivre des bouleversements et des transitions vers un nouveau modèle urbain, le virus de la Covid 19 et sa propagation soulignent avec force les réseaux d’échanges mondialisés et les mobilités modernes. Le nouveau contexte sanitaire a provoqué une prise de conscience collective de l’espace excessif consacré à l’automobile et de l’intérêt à mettre cet espace au service de l’humain. À la suite de cette crise, plusieurs constats, qui portent sur le cadre de vie et sur la capacité de résilience des territoires ont émergé, quelques-uns sont à court terme et d’autres sur un terme beaucoup plus long. Ce qui nous laisse se poser la question suivante : Quels sont les impacts des moyens mis en œuvre par les urbanistes dans l’espace urbain contre les épidémies ? et quelles incidences les épidémies ont elles dans la reconfiguration spatiale des espaces urbains ?

14 Entretien de Emmanuel Lorentin avec Anne-Marie Moulin, médecin et philosophe, spécialiste d'histoire de l'immunologie, directrice de recherche émérite CNRS - Emission la fabrique de l’histoire – France Culture 22.10.2018 (lien en biblio)

Les pandémies en général ont eu des effets non seulement sur la planification urbaine, mais aussi sur le mode de gouvernance des territoires. Les différents exemples étudiés dans ce mémoire, nous montre qu’une crise sanitaire ne marque pas forcément une discontinuité radicale entre ce qui s’est passé avant et ce qui se passera après. Cette rupture n’est souvent pas aussi nette que ce que l’on croit. Nous nous rendons compte que le nouveau modèle urbain, que nous avons cité en haut, n’est pas si nouveau que ça et que ses racines sont bien ancrées dans l’histoire. Nous faisons ainsi l’hypothèse que les crises sanitaires sont l’un des facteurs d’accélération et d’évolution des intentions de transformation urbaine, notamment en termes d’organisation du domaine public. Les événements passés qui ont marqué l’histoire ont eu des effets sur l’espace urbain que la pandémie ne peut pas effacer définitivement en une durée de temps réduite. Avant l’arrivée de la Covid 19 par exemple, Les enjeux sociaux, économiques et environnementaux ont poussé les villes ont développé un système de transport en commun bien dense qui a été remis en question pendant et après la pandémie. Ces éléments pourront donc être soit perturbés par l’arrivée des pandémies, soit au contraire accentués comme c’est le cas de la mobilité douce. Afin de mieux affirmer ou réfuter cette hypothèse, un retour sur les éventements sanitaires marquants l’histoire me semble indispensable ainsi que sur leurs effets sur l’espace urbain puisque la ville est un modèle profondément ancré dans l’histoire et dans l’espace. Afin de mieux affirmer ou réfuter cette hypothèse, ce travail s’organisera en deux grandes parties : D’abord, un retour sur les éventements sanitaires marquants l’histoire de la ville de Paris ainsi que sur leurs effets sur l’espace urbain puisque la ville est un modèle profondément ancré dans l’histoire et dans l’espace. Ensuite, une étude de la crise sanitaire actuelle, la façon avec laquelle elle a influencé les techniques de l’urbanisme, notamment les interventions dans le domaine public pendant et après la pandémie et comment elle pourra faire évoluer le cadre législatif sanitaire en France dans les années qui suivent.

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