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1. LES FORMES URBAINES ET LA DENSITÉ DE L’ILOT INSALUBRE 16
1. LES FORMES URBAINES ET LA DENSITÉ DE L’ILOT INSALUBRE 16
Comme cité auparavant dans l’introduction, la délimitation des ilots insalubres s’inscrit dans un contexte historique, social et politique associé aux préoccupations hygiénistes à cause de l’expansion de plusieurs maladies contagieuses et surtout la tuberculose à Paris.
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Dès 1824, le souci d’hygiène publique préoccupe la ville de Paris. Le docteur Claude Lachaise a publié une topographie médicale de la capitale en1824 où il écrit : « La police de salubrité n’est donc, à proprement parler, que l’hygiène publique mise en action ; elle recherche et surveille toutes les causes qui peuvent altérer la santé publique, pour les détruire ou les éloigner, les suspendre ou les affaiblir ; elle s’exerce en conséquence sur l’habitation du citoyen, sur l’air qu’il respire, les aliments dont il se nourrit, et même sur ses habitudes sociales »23
La notion de l’insalubrité a beaucoup évolué dans le contexte urbain et juridique parisien. Cette évolution a permis la constitution d'un savoir sur l'hygiène publique et dans l'intervention urbaine.
Les deux catégories de pensées sur l’insalubrité qui se sont succédé dans le temps, et qui ont été présentées par Yankel Fijalkow dans son ouvrage sur les ilots insalubres24 , abordent, d’un côté l’analyse du milieu selon les topographies médicales entre 1776 et 1850, qui permet d’aller au-delà du caractère physique du milieu comme le climat, la géologie et l’hydrologie et de s’appuyer sur une géographie des milieux qui ne fait pas abstraction de l'homme et de son activité et d’un autre côté, l'insalubrité (1850 et 1870), centrée sur le ménage, qui permet de compter les taudis avec les états sanitaires, de quantifier les conditions de vie : de connaître la superficie des logements, le nombre de membres des familles et d'en déduire des degrés de peuplement.
Les résultats de ces deux analyses ont souligné des problèmes de densité, d’entassement des familles et de conditions de logement. Selon l’enquête de 1919 présentée dans un mémoire préfectoral du 23 décembre 1921, la situation sanitaire parisienne s’est aggravée avec la détérioration de la situation économique à cause de la Première Guerre mondiale. Le nombre des ilots insalubres est passé donc de 6 à 17 ilots avec plus de 4200 immeubles.
L’îlot insalubre N16 correspond au 4e arrondissement de Paris ; plateau Beaubourg et quartier du Marais désigné administrativement insalubre de 1921 à 1965. Il est classé 16e dans la liste par rapport à la mortalité par tuberculose.
Entre un projet radical prévoyant la démolition quasi totale de l’îlot dans les années 1930 et un projet de conservation et restauration du tissu urbain ancien, le sujet des interventions urbaines dans l’ilot insalubre N16 a fait l’objet de plusieurs débats et discussions.
23 Cité dans l’ouvrage de J. LUCAN, Eaux et gaz à tous les étages, op. cit. p.8 24 La construction des ilots insalubres - Paris 1850-1945 de Yankel Fijalkow comme prolongement de sa thèse de doctorat soutenue en 1994 intitulée : Mesurer l'hygiène urbaine. Logements et îlots insalubres, Paris 1850-1945
Avant de détailler les différentes propositions d’interventions, il est primordial de comprendre les conditions de vie urbaine à l’époque qui expliquent la forte densité au centre de Paris. En fait, plusieurs professions au XIXe siècle étaient soumises à un recrutement journalier et à une embauche sur la place publique.
La classe ouvrière trouvait plusieurs contraintes de déplacement dues aux couts chers des transports d’un côté, et des formes urbaines et des rues tortueuses qui rendaient la circulation à pied difficile d’un autre côté. L’entassement du logement est donc né des besoins de la classe ouvrière d’habiter le plus près possible des lieux de travail et de travailler le plus près possible des lieux d’habitations d’où les encombrements des centres d’ilots des immeubles avec des constructions précaires parasitaires. (Figures ci-dessous).
Le Docteur Henri Meding a décrit les conditions du logement et de déplacement de l’ilot 16 dans son essai sur la topographie médicale : « Ses rues principales sont larges, mais toutes ne sont pas dans l’alignement. Les autres rues sont étroites et noires… les maisons sont pour ainsi dire bourrées d’habitants. Le plus petit trou, sous les combles, est loué à des ouvriers tailleurs, à des garçons de restaurant ou à des ouvrières qui tiennent à se rapprocher de l’endroit où elles travaillent. »
Figure 10 : Centre d’îlot d’immeubles encombré de constructions précaires de l’îlot insalubre n°16.
Source : Archives de la Cité patrimoine et de l’architecture25 Figure 11 : Maquette des environs de l’Hôtel de Sens à la fin du XIXe siècle
Source : Photographie prise par Noémie Aureau au musée Carnavalet26
25 Archives de la Cité patrimoine et de l’architecture ; cote : B6.2 Laprade Albert LAPRA/J/42/1 317 AA 10/4 26 Mémoire de recherche - Noémie Aureau - ENSAPVS L’îlot insalubre n°16 , Saint-Gervais Saint-Paul à Paris : une métamorphose urbaine, architecturale et sociologique