Simonetta Doveri • Régine Jeannine
#lettres
AUTEURS TEXTES CONTEXTES
Carnet de Citoyenneté
Entre passé et présent
Simonetta Doveri • Régine Jeannine
#lettres
Carnet de Citoyenneté
Entre passé et présent
Gruppo
Editoriale ELi Il piacere di apprendere
1 Égalité entre les sexes 4
Hier Une femme écrivaine
Christine de Pizan, Livre de la Cité des dames, Enfin, vous toutes, mesdames… 4
Critique du pouvoir masculin
Aujourd’hui La vexation de la femme, pas de droit à la parole, pas de liberté
Rachid Boudjedra, La répudiation, La femme répudiée 6
Aujourd’hui Écriture féminine pour une revendication identitaire
Annie Leclerc, Parole de femme, Les hommes ont la parole 8
2 Droits et protection des enfants 9
Hier Un éducateur novateur Rousseau, Émile ou de l’éducation, Leçon des choses 10
Hier Le comique, perspective réaliste sur le monde
Charles Sorel, L’Histoire comique de Francion, Les malheurs des écolier 12
Aujourd’hui De l’enfance heureuse à la fuite Joseph Joffo, Un sac de billes, Une rencontre 13
Aujourd’hui L’élève, partie d’une Collectivité Interview avec Daniel Pennac 15
3 La laïcité 16
• « Un roi, une fois, une loi » 16
• La laïcité aujourd’hui demeure le point d’aboutissement d’un long processus 16
• La question religieuse se déplace sur le terrain de l’école 17
• 27 novembre 1883 : la lettre aux instituteurs de Jules Ferry 17
• Charte de la laïcité à l’école 18
4 Droits pour tous pour un développement durable 20
• L’évolution des droits 20
• Les textes ‘sacrées’ 21
• Déclaration des droits de l’homme et du citoyen 22
• Les articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen 23
Lire les images La Révolution française expliquée en images 24
• La DUDH, source généreuse du droit international 26
• Eleanor Roosevelt : défenseure des droits de l’homme 27
Hier Un écologiste avant l’heure
Jules Verne, Voyages et aventures du Capitaine Hatteras 29
Hier Une activiste pré-écologiste
George Sand, La forêt de Fontainebleau, Chercher l’oracle de la forêt sacrée 30
Hier Un manifeste de la cause écologiste
Jean Giono, L’Homme qui plantait des arbres, Dix-milles chênes 31
Aujourd’hui Décrire la crise écologique sans en parler
Antoine Desjardins, Indice des feux, À boire debout 32
• Pauvreté et exclusion sociale : les victimes de la crise et de l’indifférence
L’éloge de la pauvreté Victor Hugo, Les Contemplations, Le
L’anonymat
Jean-Marie Gustave Le Clézio, Désert, La gare, lieu d’exil 37
• La loi française contre le racisme
• Le massacre des Italiens
Gérard Noiriel, Aigues-Mortes, 17 aout 1893, les plus sanglant pogrom de l’histoire contemporaine de la France, Une société impossible 41
• La xénophobie
Tahar Ben Jelloun, Le racisme expliqué à ma fille, La peur de l’étranger 42
• La migration clandestine
Mahi Binebine, Cannibales, Espoirs et désespoirs 43
• La numérique, facteur d’accroissement de la participation 46
• Les citoyens impliqués dans l’élaboration des décisions publiques 46
• Une citoyenneté plus active 47
• Les nouvelles formes de participation citoyenne 47
• La citoyenneté est aussi un parcours dans la vie de la cité 48
• La citoyenneté à l’école
Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles.
Égalité entre les sexes Un droit fondamental
L’égalité des sexes n’est pas seulement un droit fondamental à la personne, mais aussi un fondement nécessaire pour l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable
Les femmes et les filles représentent la moitié de la population mondiale. Cependant, de nos jours, les inégalités entre les sexes persistent partout et entravent le progrès social : les lois et les normes sociales discriminatoires restent omniprésentes ; les femmes restent sous-représentées à tous les niveaux du pouvoir politique ; en moyenne, dans le monde, les femmes sur le marché du travail gagnent toujours 24 % de moins que les hommes ; et 20 % des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire intime.
Hier
Une femme écrivaine
Au début du XVe siècle une figure particulièrement remarquable émerge dans la littérature médiévale, Christine de Pizan Historienne, poétesse et moraliste d’origine italienne, elle est la première femme ayant vécu de sa plume. Dans ses œuvres lyriques, elle défend la cause des femmes trop honorées dans l’amour courtois et trop bafouées dans les fabliaux.
Dans le Livre de la Cité des dames (1405), elle décrit une société allégorique où la dame est une femme dont la noblesse est celle de l’esprit plutôt que de la naissance. L’ouvrage cite une série de figures féminines du passé qui sont pour Christine de Pizan des exemples de la façon dont les femmes peuvent mener une existence pleine de noblesse tout en apportant leur contribution à la société. Ce livre contient également des dialogues didactiques entre trois figures allégoriques, les déesses de la Raison, de la Droiture et de la Justice. Cette dernière demande à Christine de construire une cité métaphorique où pourront résider les Dames.
Christine de Pizan demande si les femmes doivent recevoir la même éducation que les hommes et pourquoi cette idée déplaît aux hommes. Elle évoque également des questions comme l’illégalité du viol, l’affinité des femmes pour l’étude et leur capacité à gouverner.
1 Les plus grands défauts.
2 Charmeurs.
3 Astuces.
4 Veuillez.
COMPRENDRE
Son livre est considéré par certains auteurs contemporains comme un des premiers ouvrages féministes de la littérature, en ce sens qu’il ne reprend pas les tropes usés du débat rhétorique utilisés par les auteurs masculins pour attaquer ou défendre les femmes, mais qu’il se place délibérément dans une perspective nouvelle : la narratrice prend conscience de ce que sa vision d’elle-même est en fait déterminée par les clichés qui circulent sur les femmes et véhiculent à l’époque un sentiment de leur infériorité « naturelle ».
Enfin, vous toutes, mesdames…
Livre de la Cité des dames
Ici finit le Livre de la Cité des dames. Christine s’adresse aux femmes.
Enfin, vous toutes, mesdames, femmes de grande, de moyenne ou d’humble condition, avant toute chose restez sur vos gardes et soyez vigilantes pour vous défendre contre les ennemis de votre honneur et de votre vertu. Voyez, chères amies, comme de toutes parts ces hommes vous accusent des pires défauts1! Démasquez leur imposture par l’éclat de votre vertu ; en faisant le bien, convainquez de mensonge tous ceux qui vous calomnient. Ainsi pourriez-vous dire avec le Psalmiste : « L’iniquité du méchant retombera sur sa tête ». Repoussez ces hypocrites enjôleurs2 qui cherchent à vous prendre par leurs beaux discours et par toutes les ruses3 imaginables votre bien le plus précieux, c’est-à-dire votre honneur et l’excellence de votre réputation ! Oh ! fuyez, mesdames, fuyez cette folle passion qu’ils exaltent auprès de vous ! Fuyez-la ! Pour l’amour de Dieu, fuyez ! Rien de bon ne peut vous en arriver ; soyez certaines, au contraire, que même si le jeu en paraît plaisant, cela se terminera toujours à votre préjudice. Ne vous laissez jamais persuader du contraire, car c’est la stricte vérité. Souvenez-vous, chères amies, comment ces hommes vous accusent de fragilité, de légèreté et d’inconstance, ce qui ne les empêche point de déployer les ruses les plus sophistiquées et de s’évertuer par mille manières à vous séduire et à vous prendre, comme autant de bêtes dans leurs filets ! Fuyez, mesdames, fuyez ! Évitez ces liaisons, car sous la gaieté se cachent les poisons les plus amers, ce qui entraînent la mort. Daignez4, mes très vénérées dames, accroître et multiplier les habitantes de notre Cité en recherchant la vertu et en fuyant le vice, et réjouissez-vous dans le bien.
1 Quel est le thème de l’extrait ?
2 À quoi les femmes sont-elles invitées ?
3 Quels sont les stéréotypes masculins ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
4 Christine de Pizan n’aurait jamais imaginé que, au XXIe siècle, on est encore en pleine querelle des femmes.
Imaginez d’écrire une lettre à Christine sur l’actualité de la querelle et sur son rôle dans l’histoire du féminisme.
MÉDIATION
5 Christine de Pizan apparaît comme une visionnaire, une femme en avance sur son temps. Y a-t-il des femmes comme elle dans notre littérature du Moyen Âge ?
Aujourd’hui
Critique du pouvoir masculin
Depuis très longtemps, des romanciers mais aussi des poètes et des dramaturges, en intervenant ou en dénonçant les abus de la société dans leurs écrits, les utilisent pour des buts sociaux. Simone de Beauvoir, par exemple, accuse les femmes de passivité et les hommes de sexisme. Des millions de femmes dans le monde ne sont que des objets sexuels et appartiennent aux hommes qui les possèdent comme un bien. Les États concernés ont fini par mettre en place des mesures législatives pour faire face à ce problème, sans toutefois réussir à s’attaquer vraiment aux causes profondes des féminicides, dernier acte d’une longue série d’humiliations et de violences physiques. En tête de la domination masculine, se trouvent l’Afghanistan des talibans et l’Arabie Saoudite. Et là où l’Islam est « doux », comme en Afrique musulmane, la polygamie et la répudiation demeurent et augmentent chaque année. Ne bénéficiant pas d’un niveau scolaire élevé, l’homme n’a pas les capacités théoriques et intellectuelles lui permettant de concevoir le principe de l’égalité des sexes comme un principe rationnel et raisonnable, comme un futur inévitable : il considère ainsi la domination masculine comme une donnée bio-naturelle et religieuse sacrée.
La vexation de la femme, pas de droit à la parole, pas de liberté
Issu d’une famille bourgeoise, Rachid Boudjedra, écrivain et poète algérien, est né en 1941. Il serait l’aîné de trente-six enfants. Sa mère était la première épouse de son père qui, polygame marié quatre fois, était tyrannique et féodal.
La répudiation a été pendant longtemps interdite en Algérie et ce roman n’a pas laissé indifférente la critique, tant littéraire que politique. D’abord, parce qu’il a été publié sept ans seulement après la fin de la guerre d’Algérie, événement qui avait traumatisé les Français ; ensuite, il s’agit d’un auteur algérien qui dénonce la situation de la femme algérienne quelques années après l’indépendance acquise et reconnue à la suite de dures épreuves. Le roman est constitué de séquences de réminiscence sans lien chronologique : fêtes religieuses, présence autoritaire des mâles, légitimation d’une société machiste. Les malheurs de la femme, particulièrement ceux de la mère répudiée du narrateur, ont profondément marqué son enfance. Cette injustice, que les femmes subissent au nom de la religion et au nom de la tradition et que personne n’ose remettre en question, doit être dénoncée afin que les hommes et les femmes d’Algérie qui ont eu la chance de lire ce roman prennent conscience du drame qui se déroule parfois sous leurs yeux. La répudiation (1969) est le premier roman écrit par un homme et consacré entièrement à la femme et à ses relations avec le monde masculin qui l’entoure.
T2
La femme répudiée
La répudiation
Dans cet extrait de La répudiation, l’écrivain raconte la cérémonie de la répudiation et condamne le pouvoir arbitraire de l’homme.
Cérémonie. Rite. Ma mère avait participé à la cérémonie rituelle. Elle n’avait plus peur. Les mots lui arrivaient au ras du cortex, puis s’échappaient comme ils étaient venus : des bulles. Aucune révolte ! Aucune réflexion ! Le barricadement était nécessaire, inévitable, et durerait le restant de sa vie. Claustration que l’on donnera
1 Enceintes.
2 Lent.
3 Discours confus de blessures.
4 Triste.
5 Étonnés.
6 Bruissants.
7 Pierre précieuse.
Égalité entre les sexes
en exemples aux veuves engrossées1 et aux répudiées indisciplinées. Ma savait qu’il y allait de l’honneur de la famille. Trente ans. Elle allait en finir avec sa vie de femme visitée conjugalement et dignement par le mâle effréné qui contentait aussi deux ou trois maîtresses, dont l’une, française, était venue au pays dans le seul but de vérifier l’ardeur génitale des hommes chauds. Solitude, ma mère ! Fermeture ! Pire qu’une huître : un vagin inculte. à trente ans, la vie allait s’arrêter comme un tramway poussif 2 qui veut jouer à l’âne. Ultime recours : Dieu devait faire revenir Si Zoubir sur sa décision, sinon les sorciers entreraient en transe et les charlatans envahiraient la maison. Après la consternation, la première décision. Pour répudier Ma, Si Zoubir se fondait sur son bon droit et sur la religion : sa femme, elle, comptait sur l’abstraction des formules magiques.
Enfant, elle l’était, et elle ne pouvait dominer les choses que par l’intermédiaire d’une autre transcendance : l’amulette. Solitude, ma mère ! À l’ombre du cœur refroidi par l’annonciation radicale, elle continuait à s’occuper de nous. Galimatias de meurtrissures3 ridées. Sexe refrogné4. Cependant, douceur ! Les sillons que creusaient les larmes devenaient plus profonds. Abasourdis5, nous assistions à une atteinte définitive. […]
Ma était donc répudiée. Longues déambulations agressives à travers la maison. Lourde métamorphose. Elle rêvait peut-être de papillons chuintants6 et de phosphorescence pénétrante. La rupture avec le père était totale : il ne venait plus à la maison. Mutations intégrales. Transformations inadéquates. Le sang lui battait dans le bout des doigts. L’ovulation, chaque mois, se dégonflait lamentablement, comme une bulle crapaudine7 sur ces nénuphars en papier que nous rapportions des kermesses des écoles françaises. Si Zoubir, lui, pensait déjà à prendre une deuxième femme ! Halètements vertigineux des sourdes résonances. Toutes les nuits à franchir, et la solitude ! Mes tantes épiaient ma mère ; et profondément visitées, elles soupiraient d’aise, en se retournant dans leurs lits, pour mieux suggérer les jouissances abondantes. Les vaches ! Je voyais Ma se mordre les lèvres et se tordre le corps. Elle se taisait. Dans le noir, je faisais semblant de dormir. Depuis le départ du père, j’avais pris sa place dans l’énorme alcôve. J’avais dix ans et comprenais beaucoup de choses.
COMPRENDRE
1 Relevez tous les mots qui soulignent la solitude et l’isolement de la femme répudiée.
2 Retrouvez la phrase qui atteste la toute puissance du père et la légitimité de son despotisme.
3 Les autres femmes de la famille manifestent-elles de la solidarité féminine ? En quoi cette société est-elle hypocrite ?
4 À la fin du passage, que semble avoir compris le narrateur ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
5 L’auteur décrit une société impitoyable pour tous ceux qui sont marginalisés, une société dans laquelle la condition de la femme est soumise à l’arbitraire de l’homme. Est-ce condamnable ? Justifiez votre réponse.
MÉDIATION
6 Cette situation de la femme algérienne est-elle unique au Maghreb et dans l’espace sud-méditerranéen ? Dans la société européenne, quelles injustices subissent les femmes ?
Écriture féminine pour une revendication identitaire
Annie Leclerc (1940-2006) a grandi dans le Limousin au sein d’une famille aux traditions humanistes. Elle s’est illustrée par son militantisme féministe et son engagement pour la cause des prisonniers.
Parole de femme (1974) est un texte philosophique et poétique, presque un chant, porté par un souhait : libérer la parole des femmes, l’inventer, la faire naître pour sortir de l’impérialisme culturel masculin. Les femmes ont leur mot à dire, leurs forces propres à apporter dans un monde d’hommes régi par le profit et l’esprit de conquête.
Les hommes ont la parole
Parole de femme
Cet extrait est traversé par la problématique fondamentale de l’appropriation par les femmes du savoir et la mise en évidence de l’écriture féminine, valorisant à la fois la conscience de soi en tant que femme et une nouvelle approche des rapports de pouvoir. Prendre la parole, c’est ainsi trouver sa place dans ce qui détermine l’énonciation en affirmant son moi, et c’est assumer ce que la parole impose.
Rien n’existe qui ne soit le fait de l’homme, ni pensée, ni parole, ni mot. Rien n’existe encore qui ne soit le fait de l’homme ; pas même moi, surtout pas moi. Tout est à inventer. Les choses de l’homme ne sont pas seulement bêtes, mensongères et oppressives. Elles sont tristes surtout, tristes à en mourir d’ennui et de désespoir. Inventer une parole de femme. Mais pas de femme comme il est dit dans la parole de l’homme ; car celle-là peut bien se fâcher, elle répète. Toute femme qui veut tenir un discours qui lui soit propre ne peut se dérober1 à cette urgence extraordinaire : inventer la femme. C’est une folie, j’en conviens. Mais c’est la seule raison qui me reste.
Qui parle ici ? Qui a jamais parlé ? Assourdissant tumulte des grandes voix ; pas une n’est de femme. Je n’ai pas oublié le nom des grands parleurs. Platon et Aristote et Montaigne, et Marx et Freud et Nietzsche… Je les connais pour avoir vécu parmi eux et seulement parmi eux. Ces plus fortes voix sont aussi celles qui m’ont le plus réduite au silence. Ce sont ces superbes parleurs qui mieux que tout autre m’ont forcée à me taire.
1 Se soustraire.
COMPRENDRE
Qui parle dans les gros livres sages des bibliothèques ? Qui parle au Capitole ? Qui parle au temple ? Qui parle à la tribune et qui parle dans les lois ? Les hommes ont la parole. Le monde est la parole de l’homme. Les paroles des hommes ont l’air de se faire la guerre. C’est pour faire oublier qu’elles disent toutes la même chose : notre parole d’homme décide. Le monde est la parole de l’homme. L’homme est la parole du monde.
1 Quel est le thème de l’extrait ? Que revendique Annie Leclerc pour les femmes ?
2 Que reproche-t-elle aux hommes ? Quelles ont été sur elle les conséquences de ces reproches ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
3 Expliquez la phrase Inventer une parole de femme (l. 5).
4 Justifiez-vous le féminisme d’Annie Leclerc ? Avez-vous trouvé exagérée sa critique aux hommes ? Discutez-en en classe et exprimez votre opinion.
Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promuovoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie
Droits et protection des enfants
Les enfants ne sont pas des êtres humains en développement, mais des êtres humains à part entière. Ils bénéficient donc de l’ensemble des droits humains définis dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Pourtant, parce qu’ils sont plus vulnérables, les mineurs ont besoin de plus de protection et de la garantie de droits spécifiques pour assurer leur accès à l’éducation, à une justice qui leur soit adaptée, à une protection contre les violences. Depuis 1989, les droits des enfants sont consacrés par un texte de droit international majeur, la Convention internationale des droits de l’enfant – la CIDE.
Mais depuis près de quarante ans après son adoption, le bilan reste sombre. Si les situations varient d’un pays et d’un continent à l’autre, nulle part les droits des enfants ne sont correctement respectés. Partout les filles subissent des discriminations ; certaines n’iront pas à l’école ou seront mariées de force et précocement. En cas de conflits, les enfants qui devraient particulièrement être protégés sont souvent en première ligne, quand ils ne sont tout simplement pas enrôlés de force. Partout les tribunaux traitent des mineurs comme des adultes et les placent en détention avec des adultes. Trop souvent se faire soigner ou aller à l’école est de l’ordre de l’inaccessible. Partout, le droit de vivre avec sa famille et sous un toit sont foulés au pied... La liste des violences subies tous les jours par des mineurs tout simplement privés d’une vie d’enfant est longue et leur avenir est alors sérieusement compromis.
COMPRENDRE
1 Pourquoi définir les droits de l’enfant ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
2 La maltraitance infantile a des effets dévastateurs à court et à long terme sur le développement de l’enfant. Réfléchissez sur les conséquences et sur les causes et mettez par écrit vos pensées.
Hier Un éducateur novateur
Rousseau (1712-1778) s’est très vite aperçu de la nécessité de refonder l’éducation des enfants. D’en faire une des bases de l’égalité sociale. Pour lui, l’horreur de voir souffrir les autres est un sentiment spontané chez l’homme. Il suffit de l’encourager chez l’enfant pour qu’il se développe. Il propose un système d’éducation basé sur les intérêts spontanés de l’enfant, et non pas le contraindre à réciter des réponses à des questions qu’il ne se pose pas. Le philosophe-pédagogue réfute le par cœur, l’ingurgitation du savoir. L’enfant doit apprendre à apprendre ; c’est la base des méthodes modernes d’enseignement (Montessori, Freynet, etc).
Émile ou de l’éducation (1762) est un traité pédagogique. Émile a un précepteur (professeur privé) et vit dans la nature, sans contact avec la famille ou la société. Les principes de l’éducation d’Émile sont :
• Pas d’enseignement théorique, où l’enfant reste passif. Le professeur ne doit même pas répondre aux questions. Il faut que l’enfant cherche par lui-même les réponses. L’enfant doit inventer la science.
• Rousseau préconise l’observation de la réalité. Il faut montrer les choses elles-mêmes et non pas des représentations. La théorie, c’est pour plus tard.
• L’enseignement doit être à la portée de l’enfant (idée relativement nouvelle à l’époque).
• Le rôle du professeur est de susciter la curiosité et d’éveiller l’intérêt de l’enfant.
• Rousseau situe l’éducation dans la nature, loin de la société.
T4
Leçon de choses
Émile ou de l’éducation
La théorie essentielle de Rousseau pédagogue est contenue dans ce passage du troisième livre de l’Émile. C’est la méthode directe, le contact avec les choses ; le précepteur n’enseigne pas, il prépare, il avertit, il insinue. Mais il sera bon de lire avec indépendance tout ce morceau. Les idées justes y voisinent avec le paradoxe.
Rendez votre élève attentif aux phénomènes de la nature, bientôt vous le rendrez curieux : mais, pour nourrir sa curiosité, ne vous pressez1 jamais de la satisfaire. Mettez les questions a sa portée, et laissez-les-lui résoudre. Qu’il ne sache rien parce que vous le lui avez dit, mais parce qu’il l’a compris lui-même ; qu’il n’apprenne pas la science, qu’il l’invente. Si jamais vous substituez dans son esprit l’autorité à la raison, il ne raisonnera plus ; il ne sera plus que le jouet2 de l’opinion des autres. Vous voulez apprendre la géographie à cet enfant, et vous lui allez chercher des globes, des sphères, des cartes : que de machines ! Pourquoi toutes ces représentations ? Que ne commencez-vous par lui montrer l’objet même, afin qu’il sache de quoi vous lui parlez !
Une belle soirée on va se promener dans un lieu favorable, où l’horizon bien découvert laisse voir à plein le soleil couchant, et l’on observe les objets qui rendent reconnaissable le lieu de son coucher. Le lendemain, pour respirer le frais, on retourne au même lieu avant que le soleil se lève. On le voit s’annoncer de loin par les traits de feu qu’il lance au-devant de lui. L’incendie augmente, l’orient paraît tout en flammes : à leurs éclats on attend l’astre longtemps avant qu’il se montre : à chaque instant on croit le voir paraître ; on le voit enfin. Un point brillant part comme un éclair et remplit aussitôt tout l’espace; le voile des ténèbres s’efface et tombe.
Droits et protection des enfants
L’homme reconnaît son séjour et le trouve embelli .La verdure a pris durant la nuit une vigueur nouvelle; le jour naissant qui l’éclaire, les premiers rayons qui la dorent, la montrent couverte d’un brillant réseau de rosée qui réfléchit à l’œil la lumière et les couleurs. Les oiseaux en chœur se réunissent et saluent de concert le Père de la vie; en ce moment pas un seul ne se tait; leur gazouillement, faible encore, est plus lent et plus doux que dans le reste de la journée, il se sent de la langueur d’un paisible réveil. Le concours de tous ses objets porte aux sens une impression de fraîcheur qui semble pénétrer jusqu’à l’âme. Il y a là une demi-heure d’enchantement auquel nul homme ne résiste : un spectacle si grand, si beau, si délicieux, n’en laisse aucun de sang froid. [...]
Ne tenez point à l’enfant des discours qu’il ne peut entendre. Point de descriptions, point d’éloquence, point de figures, point de poésie. Il n’est pas maintenant questions de sentiment ni de goût. Continuez d’être clair, simple et froid; le temps ne viendra pas trop tôt de prendre un autre langage.(..)Dans cette occasion, après avoir contemplé avec lui le soleil levant, après lui avoir fait remarquer du même côté les montagnes et les autres objets voisins, après l’avoir laissé causer là-dessus à son aise, gardez quelques moment le silence comme un homme qui rêve, et puis vous lui direz: Je songe que hier au soir le soleil s’est couché là, et qu’il s’est levé là se matin, comment cela peut-il se faire? N’ajoutez rien de plus ; S’il vous fait des questions, n’y répondez point ; parlez d’autre chose. Laissez-le à lui-même. Et soyez sûr qu’il y pensera.
COMPRENDRE
1 Quel est le principe pédagogique à la base de chaque paragraphe ?
2 Le maître doit-il transmettre ce qu’il sait ? Pour apprendre, l’élève doit-il imiter le maître ? Justifiez pourquoi le professeur ne doit pas répondre aux questions que pose l’enfant.
3 Qui est le meilleur précepteur ?
4 Pourquoi Rousseau défend-il une pédagogie négative ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
5 Pour Rousseau l’éducation de l’enfant par le progrès qui le corrompt, est mauvaise, c’est pourquoi il doit être éduqué dans la nature et par l’expérience, jamais de livres. La réalisation de ce type d’enseignement vous parait-elle possible ? Exprimez votre opinion et justifiez-la.
6 Commentez la phrase de Rousseau dans ses Confessions après son apprentissage chez un maître mauvais et méchant : « Depuis lors, je fus un enfant perdu ».
MÉDIATION
7 Quel est pour vous l’objectif de l’enseignement de votre maître idéal ?
Hier Le comique, perspective réaliste sur le monde
T5
Charles Sorel (né à Paris à une date inconnue, mort dans la même ville le 7 mars 1674), est un romancier et écrivain français du XVIIe siècle. L’ensemble de son œuvre romanesque comique et satirique a été publiée anonymement ou sous des pseudonymes. 1623 est l’année de publication de son œuvre romanesque la plus connue et la plus reconnue : L’Histoire comique de Francion, publiée d’abord en sept livres, revue et allongée en onze livres en 1626, puis en douze livres en 1633. Cette œuvre constitue l’une des premières histoires comiques à la française et restera l’un des chefs-d’œuvre du genre.
L’éducation occupe une place de choix dans la satire. Le collège est un passage obligé des romans satiriques. Il apparaît comme un monde clos où Francion subit un enseignement mécanique et sans intérêt centré sur la grammaire latine. Les élèves sont battus et souffrent de la faim au point que Francion ira jusqu’à voler pour se nourrir. Enfin, le professeur, pédant, est tourné en ridicule.
Les malheurs des écolier
L’Histoire comique de Francion
Le jeune écolier se rend compte que l’école qu’il fréquente le prive de toutes les libertés et qu’elle est faite aussi de punitions corporelles.
COMPRENDRE
1 Comment Sorel présente-t-il la vie scolaire ?
2 Que regrette-t-il d’avoir perdu ?
3 L’auteur fait des allusions à l’histoire antique : pourquoi ? Quel message veut-il transmettre ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
4 Commentez la partie finale et à la manière de Sorel, dressez une liste des malheurs qui vous arrivent à l’école.
5 Le texte n’est pas écrit en français moderne. Quelles différences remarquez-vous avec le français d’aujourd’hui ? Donnez quelques exemples.
1 Gardes champêtres.
2 Réglées.
3 Professeur.
Ô quel changement je remarquay, et que je fus bien loing de mon compte ; je ne jouyssois pas de toutes les délices que je m’estois promises ; qu’il m’estoit estrange d’avoir perdu la douce liberté que j’avois chez nous, courant parmy les champs d’un costé et d’autre, allant abattre des noix, cueillir du raisin aux vignes sans craindre les Messiers1, et suivant quelque fois mon père à la chasse. J’estois alors plus enfermé qu’un Religieux dans son cloistre, et estois obligé de me treuver au service divin, au repas, et à la leçon à de certaines heures, car toutes choses estoient là compassées2 . Au lieu de mon livre qui ne me disoit pas un mot plus haut que l’autre, j’avois un Regent3 à l’aspect terrible, qui se promenoit tousjours avec un fouet à la main, dont il se scavoit aussi bien escrimer qu’un homme de sa sorte. Je ne pense pas que Denis le Tyran4, après le misérable revers de sa fortune, s’estant fait Maistre d’école afin de commander tousjouts, gardast une gravité de Monarque beaucoup plus grande. La loy qui m’estois la plus fascheuse à observer sous son Empire, estoit qu’il ne faloit jamais parler autrement que latin, et je ne me pouvois desaccoustumer de lascher tousjours quelques mots de ma langue maternelle : de sorte qu’on me donnoit tousjours ce que l’on appelle le signe5, qui me fasoit encourir une punition. Pour moy, je pensay qu’il falloit que je fisse comme les disciples de Pythagoras6, dont j’entendois assez discourir, et que je fusse sept ans à garder le silence comme eux, puisque sitost que j’ouvrois la bouche l’on m’accusoit avec des paroles aussi atroces que si j’eusse esté le plus grand scélérat du monde. (….) J’appris alors à mon grand regret, que toutes les paroles qui expriment les malheurs qui arrivent aux escoliers, se commencent par un P, avec une fatalité très remarquable : car il y a Pédant, peine, peur, punition, prison, pauvreté, petite portion, poux, puces, et punaises, avec encore bien d’autres, pour chercher lesquelles il faudroit avoir un Dictionnaire, et bien du loisir.
4 Tyran de Syracuse (430-367 av. J.-C.).
5 Pièce de cuivre, marque
d’infamie, que l’on donnait à l’élève surpris en train de parler français.
6 Philosophe du VIe siècle av. J.-C., il imposait le silence à ses élèves.
Aujourd’hui
T6
1 Calèche.
2 Nous sommes foutus.
3 Cheval vieux et maigre.
4 Boite parce qu’il a mal au talon.
5 Épaisses.
6 Collaborateur des Allemands.
Droits et protection des enfants
De l’enfance heureuse à la fuite
Joseph Joffo (1931-2018) est un écrivain, scénariste et acteur français. Sous l’Occupation allemande, sa famille d’origine juive est persécutée. Il doit fuir Paris en 1942 avec son frère plus âgé, Maurice, pour se réfugier en zone libre. Il rentre à Paris à la fin de la guerre et retrouve le reste de sa famille, sauf son père qui a été déporté.
Dans le roman Un sac de billes (1973), Joffo raconte ses souvenirs de jeune Juif durant l’Occupation allemande. La force de son récit réside en la candeur et le pragmatisme du regard d’enfant, qu’il porte, à l’époque, sur les faits quotidiens de cette étrange et terrible période. Septembre 1941, Jo a 10 ans. C’est un gamin parisien, un joyeux poulbot farceur et dégourdi du 18e arrondissement. Il est le dernier d’une fratrie de six enfants, et est très proche de Maurice, son aîné de deux ans à peine. Mais les Allemands occupent Paris. Les parents de Joseph décident donc que leurs deux cadets doivent fuir pour gagner la zone libre et rejoindre leurs frères aînés à Menton. Avec alors pour tout bagage, une consigne de survie martelée violemment à leurs oreilles : « Ne dis jamais que tu es juif ! », quelque 5 000 francs de l’époque, leur intrépidité, bon sens et innocence, Maurice et Joseph prennent la route de la liberté, celle de tous les dangers.
Une rencontre
Un sac de billes
Paris est occupé et l’étoile jaune est obligatoire. Les parents de Joseph organisent la fuite de leurs deux enfants cadets. Joseph et Maurice, dans leur tentative de rejoindre Menton, affrontent une série de péripéties et quelque fois ils rencontrent de bonnes âmes comme ce Monsieur avec une calèche.
Un bruit de roue derrière moi. Dans un sentier perpendiculaire à la route que nous suivons, une carriole avance, traînée par un cheval. Je regarde mieux : ce n’est pas une carriole, c’est beaucoup plus élégant ; on dirait un fiacre1 découvert comme dans les films de l’ancien temps.
Maurice dort toujours.
Si la voiture va vers la ville, il faut en profiter. Dix-huit kilomètres à faire encore, et dix-huit kilomètres, non seulement ça use les souliers mais aussi les jambes des petits garçons même s’ils sont grands.
Je ne perds pas le fiacre de vue. Il va tourner. Gauche ou droite ? Si c’est à gauche, c’est fichu2. Si c’est à droite, on a une chance.
C’est à droite. Je me lève et vais à sa rencontre. Le cocher a un fouet près de lui, mais il ne s’en sert pas. Avec la haridelle3 qui traîne sa charrette, il faut dire que ça ne servirait pas à grand-chose. Chaque pas semble être le dernier, et, à le voir, on a envie de regarder si la famille suit derrière le corps du défunt.
À quelques mètres de moi, l’homme tire sur les rênes. Je m’avance en boitillant4 .
– Pardon, monsieur, vous n’allez pas à Aire-sur-l’Adour, par hasard ?
– Si, en effet, je m’y rends. Je m’arrête à deux kilomètres avant, pour être plus exact. Ce monsieur a une distinction d’un autre âge, si je savais faire la révérence, je m’y essaierais.
– Et vous ... enfin, est-ce que vous pourriez nous emmener mon frère et moi dans votre fiacre ? L’homme fronce des sourcils broussailleux5. Là, j’ai dû dire quelque chose qu’il ne fallait pas. Ou alors ce type est de la police, ou c’est un collabo6 et je prévois des tas d’ennuis par ma faute.
7 Boitant.
8 Dort profondément.
9 Sans cérémonie.
10 Sacoche.
11 Stupéfait.
12 Nous montons.
– Mon jeune ami, ce véhicule n’est pas un fiacre, c’est une calèche
Je le regarde, bouche ouverte.
– Ah bon, excusez-moi.
Cette politesse semble le toucher.
– Ceci n’a pas d’importance, mais il est bon, mon garçon, d’apprendre, dès le plus jeune âge, à nommer les choses par leur nom. Je trouve ridicule de dire «un fiacre» lorsque l’on se trouve en présence d’une calèche authentique. Mais tout ceci n’a qu’une importance relative et vous pourrez, votre frère et vous, partager cette voiture.
– Merci, monsieur.
À cloche-pied7, je cours vers mon frère qui en écrase dur8, bouche ouverte. Je le réveille sans trop de ménagement9
– Qu’est-ce que c’est ?
– Dépêche-toi, ta calèche t’attend.
– Ma quoi ?
– Ta calèche. Tu ne sais pas ce que c’est ? Tu confonds avec un fiacre peut-être ?
Il frotte ses yeux, ramasse sa musette10 et, toujours ébahi11, contemple le véhicule qui attend.
– Mon Dieu, murmure-t-il, où as-tu trouvé ça ?
Je ne réponds pas. Maurice salue respectueusement notre conducteur qui nous regarde en souriant et nous grimpons12. Et c’est ainsi que Maurice et moi, nés à la porte de Clignancourt, Paris XVIIIe, arrivâmes sur la place de la gare d’Aire-surl’Adour dans une calèche du siècle dernier.
COMPRENDRE
1 Entre les deux frères, qui a plus d’initiative ?
2 Dans le texte, on parle d’un véhicule tiré par un cheval. Relevez tous les noms qui désignent ce véhicule.
3 La scène décrite dans ce texte se déroule-t-elle au temps où les fiacres, les calèches étaient nombreux dans les rues ? Relevez une phrase du texte justifiant votre réponse.
4 Relisez d’abord les dix premières lignes du texte puis et dites pourquoi le narrateur dit : « on a une chance » (l. 10).
5 Que signifie la phrase : « Ce monsieur a une distinction d’un autre âge » (l. 18) ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
6 À votre avis que dénonce ce roman ? Sauriez-vous expliquer le titre ?
COMPÉTENCE NUMÉRIQUE
7 Justifiez : pourquoi il vaut mieux laisser Paris pour aller à Menton ? La ville de Menton est-elle en zone libre ? Faites une recherche historique sur le web.
Enfants d’origine juive persécutés et déportés pendant l’occupation allemande.
Droits et protection des enfants
Aujourd’hui
L’élève, partie d’une Collectivité
Daniel Pennac, auteur de Chagrin d’école, plus d’un million d’exemplaires vendus, prend parti pour la première fois dans le débat sur la réforme du collège et s’adresse aux professeurs.
D’après Marie-Laure Delorme – Le Journal du Dimanche, 20/06/2017
Que diriez-vous, aujourd’hui, à quelqu’un qui veut devenir professeur ?
Je lui dirais que les enfants et les adolescents ont avant tout besoin d’adultes sérieux et bienveillants. [...] Des adultes qui savent encore ce qu’être adolescent veut dire, des adultes patients, attentifs, méthodiques, honnêtes et fermes dans leur enseignement.
Je lui dirais de s’attaquer d’entrée de jeu à la peur de certains élèves : peur de ne pas comprendre, peur de ne pas répondre juste, peur d’avoir une mauvaise note, peur de passer pour un crétin… Voilà l’ennemi principal ! La peur de l’élève gangrène tout. Elle engendre la honte, qui produit le retrait sur soi ou la violence sur l’autre – sur le bon élève ou sur le professeur, par exemple. Elle devient très vite la peur du professeur lui-même [...], la peur des parents [...]. Je lui dirais de dédramatiser l’ignorance pour ouvrir grandes les portes à la connaissance. Je lui dirais d’instaurer en classe des rituels et de ne pas en changer. Les rituels apaisent les élèves, la régularité les rassure. Je lui dirais d’être réglo, d’une honnêteté pédagogique irréprochable, un adulte exemplaire, en somme, ça changera ses élèves des images d’adultes corrompus qui encombrent l’actualité. Je lui dirais de faire en sorte que, dans ses classes, chaque élève se sente partie prenante d’une collectivité [...]
Dans Chagrin d’école, vous vous décrivez comme un cancre mais sans jamais vous trouver de circonstances atténuantes, « enfant de la bourgeoisie d’État, issu d’une famille aimante ».
L’échec scolaire est une affaire d’inhibition et de fantasmes. L’élève en échec se raconte à lui-même l’histoire de sa nullité, soit en exagérant sa faute soit en accusant la terre entière ; bref, en se réfugiant dans une fiction. Enfant, j’ai opté très tôt pour la fiction de mon indignité. Devenu professeur, j’ai vite compris que ce genre de problème ne se résout ni par l’empathie, ni par la psychologie, ni par la sociologie, ni par la morale, mais que notre meilleure arme est la matière que nous enseignons [...]. Analyser les pronoms impersonnels « y » ou « en » dans les phrases « je n’y arriverai jamais » ou « je m’en fous » est une bonne façon d’initier un cancre à la grammaire. [...] Il y a tout à coup enchantement. Peu à peu l’élève n’affabule plus, il parle avec vous. [...]
Vous insistez sur le rôle de la parole dans l’enseignement. Qu’on le veuille ou non, la parole en classe se distingue de la parole extérieure à la classe. Entre ces murs, il faut se libérer du langage de connivence. [...] À propos du rôle de la parole, je suis absolument sidéré par la question du téléphone portable. En autorisant le portable à l’école, on a laissé entrer en classe l’objet même qui permet à l’élève d’en sortir à la seconde où il s’assied sur sa chaise. Que je sache, cette aberration pédagogique n’a suscité aucune réaction forte des différents ministères de l’Éducation. [...]
COMPRENDRE
1 Comment doivent être les enseignants ?
2 Que fait la peur ?
3 Comment peut-on réduire l’échec scolaire ?
4 Que pense-t-il du portable en classe ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
5 À travers les documents présentés et votre propre expérience, quel est le rôle de l’école dans la formation des jeunes ?
La laïcité
« Un roi, une fois, une loi »
La jeunesse de Louis XIV (qui rit quand les dévots le décrient violemment dans Tartuffe de Molière) donne l’image d’un souverain modérément pieux mais il affichera davantage sa piété par la suite. Louis XIV a compris l’importance de la gloire chrétienne et de l’obéissance religieuse pour son métier de roi car il occupe une place unique dans le domaine religieux, celle de médiateur entre Dieu et les sujets qu’il lui a confiés. Une conception chrétienne du pouvoir politique et une alliance avec la religion scellée par la cérémonie du sacre est l’aspect le plus inédit de sa personnalité. Louis XIV considère qu’il ne peut y avoir que « un Roi, une foi, une loi » et cette union, se prolongera en France jusqu’à la séparation de l’Église et de l’État en 1905.
La laïcité aujourd’hui demeure le point d’aboutissement d’un long processus
La signature de l’Édit de Nantes opère une distinction entre le sujet politique, qui doit obéir à la loi du roi dans la sphère publique, et le croyant, libre de ses choix religieux dorénavant cantonnés à la sphère privée. Toutefois, l’Édit de Nantes réaffirme que la seule religion reste le catholicisme. L’idée philosophique et politique de laïcité apparaît en Europe au XVIIIe siècle avec la Philosophie des Lumières. Voltaire écrivait que chacun peut « aller au ciel par le chemin qui plaît ». En 1787, l’édit de tolérance permet aux protestants de retrouver un état civil et en 1789 la liberté religieuse est proclamée. C’est bien la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui pose les principes de la laïcité « à la française ». L’article 10 de la Déclaration consacre la liberté d’opinion en affirmant que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». La liberté religieuse, croire ou de ne pas croire, est acquise et la liberté du culte est inscrite dans la première Constitution (3 septembre 1791) que se donne la France. Le 21 février 1795, on décrète la séparation des Églises et de l’État, qui assure la liberté religieuse, mais avec le Concordat de Napoléon (1801) qui redéfinit les rapports entre l’Église et l’État, les cultes sont organisés plus librement. Les clercs sont payés par l’État qui reconnaît quatre cultes : protestant réformé, luthérien, israélite et catholique. Désormais, le catholicisme n’est plus la religion d’État, mais celle de « la majorité des Français » et le protestantisme est finalement à côté du catholicisme. C’est une valeur essentielle dans la redéfinition du rapport entre l’Église et l’État qui s’amorce et qui continuera tout au long du XIXe siècle.
Signature du Concordat de Napoléon (1801).
La question religieuse
se déplace sur le terrain de l’école
En 1850, sous la IIe République, l’école est gérée à la fois par l’État… et par l’Église ! Le ministre de l’instruction publique Alfred de Falloux autorise les congrégations religieuses à ouvrir des établissements secondaires, en plus des établissements primaires qu’elles géraient jusque-là. La IIIe République poursuit la sécularisation de la société, créant de nombreux services publics, l’éducation entre autres. Champ privilégié de la laïcité, l’école primaire publique devient le pilier de la République, avec pour mission d’instruire les futurs citoyens. Dans une perspective de neutralité et de lutte contre l’Église dans l’enseignement, Jules Ferry dote l’école d’un cadre laïque solide. C’est l’objet des lois de 1881-1882 qui créent l’école primaire gratuite et laïque et rendent l’instruction obligatoire pour tous les élèves de 6 à 13 ans. En 1905, une loi de séparation des Églises et de l’État sécularise la société : l’État cesse de subventionner l’Église. La laïcité ne posait plus de problème d’application en France. À ce sujet le conflit entre l’Église catholique et l’État laïque est apaisé. À l’affrontement idéologique, violent et tenace, qui durait siècle pour le contrôle de l’enseignement, succède une longue période de réconciliation de 1945 à 2003 : la laïcité allait de soi. Cependant, l’arrivée d’une importante population immigrée d’origine musulmane, la revendication rudement affirmée du port du voile dit « islamique » et le refus de suivre les cours d’éducation physique et de biologie par quelques centaines d’élèves a remis à jour le terme de « laïcité ». L’adoption de la loi du 15 mars 2004 relative à l’application du principe de laïcité et à l’interdiction du port de signes religieux ostensibles dans l’enseignement public, a suscité de nombreuses controverses au sein de la société française entre partisans et opposants à l’élaboration de ce texte. Outre les manifestations d’hostilité dans le monde musulman, ces débats ont montré la nécessité de retrouver les sources de ce concept français et de comprendre son ancrage historique dans la France d’aujourd’hui.
ACTIVITÉS
1 Quelles sont les datesclés de la laïcité en France ?
2 Quelle est la loi de Jules Ferry ?
3 Pourquoi Jules Ferry a-t-il voulu l’école laïque ?
4 Quelle est l’importance de la loi 15 mars 2004 ?
27 novembre 1883 :
la lettre aux instituteurs de Jules Ferry
L’instruction religieuse appartient aux familles et à l’Église ; l’instruction morale, à l’école. Le législateur n’a donc pas entendu faire une œuvre purement négative. Sans doute il a eu pour premier objet de séparer l’école de l’Église, d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous, de l’aveu de tous. (...) En vous dispensant de l’enseignement religieux, on n’a pas songé à vous décharger de l’enseignement moral ; c’eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l’instituteur, en même temps qu’il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage ou du calcul. (…) Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment : car ce que vous allez communiquer à l’enfant, ce n’est pas votre propre sagesse ; c’est la sagesse du genre humain, c’est une de ces idées d’ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l’humanité.
Charte de la laïcité à l’École (2013)
La Nation confie à l’école la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République.
Une charte de la laïcité est un document du gouvernement pour éclaircir les valeurs à respecter dans certains lieux publics (établissements scolaires, services publics) pour ne pas en heurter le caractère laïc. En France, une telle charte a été publiée le 9 septembre 2013 par le ministre
de l’Éducation nationale, Vincent Peillon. Cette charte par laquelle, dans son introduction, « La Nation confie à l’École la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République », doit être apposée dans toutes les écoles et établissements du second degré.
La République est laïque
1 La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi, sur l’ensemble de son territoire, de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances.
3 La laïcité garantit la liberté de conscience à tous. Chacun est libre de croire ou de ne pas croire. Elle permet la libre expression de ses convictions, dans le respect de celles d’autrui et dans les limites de l’ordre public.
2 La République laïque organise la séparation des religions et de l’État. L’État est neutre à l’égard des convictions religieuses ou spirituelles. Il n’y a pas de religion d’État.
4 La laïcité permet l’exercice de la citoyenneté, en conciliant la liberté de chacun avec l’égalité et la fraternité de tous dans le souci de l’intérêt général.
• • L’École est laïque • •
5 La République assure dans les établissements scolaires le respect de chacun de ces principes.
6 La laïcité de l’École offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté. Elle les protège de tout prosélytisme et de toute pression qui les empêcheraient de faire leurs propres choix.
9 La laïcité implique le rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations, garantit l’égalité entre les filles et les garçons et repose sur une culture du respect et de la compréhension de l’autre.
7 La laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée.
8 La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’École comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions.
10 Il appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et la valeur de la laïcité, ainsi que des autres principes fondamentaux de la République. Ils veillent à leur application dans le cadre scolaire. Il leur revient de porter la présente charte à la connaissance des parents d’élèves.
11 Les personnels ont un devoir de stricte neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l’exercice de leurs fonctions.
12 Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique
Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme.
14 Dans les établissements scolaires publics, les règles de vie des différents espaces, précisées dans le règlement intérieur, sont respectueuses de la laïcité. Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
ACTIVITÉS
1 Quels sont les piliers de la laïcité ?
2 L’Italie est un état laïque ? Et l’école ? Exprimez votre opinion en apportant des exemples
3 Allez sur le site :https://www.solidarite-laique.org/informe/desressources-pedagogiques-sur-la-laicite/9 décembre 2023 Quiz sur les valeurs de la République, pour tester vos connaissances et réviser les points essentiels en vidéos.
13 Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’École de la République.
15 Par leurs réflexions et leurs activités, les élèves contribuent à faire vivre la laïcité au sein de leur établissement.
Promouvoir
l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous
Droits pour tous pour un développement durable
Discrimination, racisme, immigration, marginalisation, intolérance. Ce sont des thèmes de grande actualité aujourd’hui aussi : le manque de liberté, l’intégration difficile, le problème de l’émancipation, les injustices persistantes, notamment celles dont surtout la femme est encore victime. Le but est de favoriser la connaissance et l’intégration en offrant un approfondissement sur certains débats pour vivre ensemble sur un pied d’égalité dans des sociétés démocratiques, durables et culturellement diverses
L’évolution des droits
Les libertés et les droits fondamentaux du citoyen sont des piliers importants de la démocratie. Ils peuvent être divisés en 4 catégories.
1 Les droits inhérents à la personne humaine (« droits de ») : ces droits, qui sont pour la plupart établis par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sont pour l’essentiel des droits civils et politiques, individuels, dont l’État a pour obligation de permettre l’exercice. Il s’agit, entre autres, de l’égalité, de la liberté, de la sûreté et de la résistance à l’oppression.
2 Les droits qui sont des aspects ou des conséquences des précédents : ainsi du principe d’égalité découlent, par exemple, le suffrage universel, l’égalité des sexes, mais aussi l’égalité devant la loi, l’emploi, l’impôt, la justice, l’accès à la culture... Le principe de liberté induit l’existence de la liberté d’opinion, d’expression, de réunion, de culte, de la liberté syndicale ainsi que du droit de grève. Le droit de propriété (art. 17 DDHC) a pour corollaire la liberté de disposer de ses biens et d’entreprendre (art. 4).
3 Les droits sociaux et économiques sont énoncés plus particulièrement par le préambule de la Constitution de 1946 et par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : droit à l’emploi, à la protection de la santé, à la gratuité de l’enseignement public...
4 Les droits dits « de troisième génération » (« droits pour ») sont par exemple énoncés dans la Charte de l’environnement, qui affirme le droit de chacun de « vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » (art. 1) et qui consacre la notion de développement durable (art. 6) et le principe de précaution (art. 7).
Les textes ‘sacrés’
Les textes qui consacrent les droits fondamentaux sont au nombre de deux : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 et la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) de 1948 (ONU). À ceux-ci s’ajoutent la Convention internationale des droits de l’enfant (1989), la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000), le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (2015) ou encore la Charte de l’environnement, un texte de valeur constitutionnelle intégrée en 2005 dans le droit français, reconnaissant les droits et les devoirs fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement.
COMPRENDRE
1 Reliez chaque droit (1-4) a sa définition (a-d).
Le citoyen possède quatre différents types de droits :
1 droits civils et libertés essentielles
2 droits politiques
3 droits sociaux
4 droits de troisième génération
a droit à un développement durable b droit de voter, de se présenter à une élection, droit de concourir à la formation de la loi par la voie des représentants qu’il élit
c droit au travail, droit de grève, droit à l’éducation, à la sécurité sociale d droit à la sûreté, à l’égalité devant la loi, liberté de pensée, d’opinion et d’expression, de religion, de circulation, de réunion, d’association ou de manifestation
COMPÉTENCE CRITIQUE
2 Donnez votre définition de citoyen et dites comment s’engager dans la vie citoyenne.
3 Les libertés et les droits fondamentaux sont des piliers importants de la démocratie. Comment sont-ils protégés ?
COMPÉTENCE NUMÉRIQUE
4 Regardez la vidéo « Les libertés fondamentales », Ferdinand Mélin-Soucramanien professeur à Bordeaux. Quels sont les quatre sujets que le professeur affronte ? Choisissez un sujet pour en faire une courte relation.
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
Une semaine de débats suffit pour rédiger ce code universel qui en inspirera beaucoup d’autres.
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est adoptée en août 1789 par l’Assemblée nationale. Ce texte fondateur affirme que tous les individus disposent de droits, et pose les bases de la République et de la démocratie. Ses rédacteurs s’inspirent en partie de la Déclaration d’indépendance des États-Unis (1776).
« Tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », affirme l’article 1. Le texte présente ensuite les grands principes s’appliquant aux individus, aux citoyens ou à la Nation tout entière : l’égalité des droits entre les citoyens, la reconnaissance des libertés de chacun (liberté d’aller et venir, liberté de pensée, liberté d’expression, etc.), la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), le droit à la propriété etc. C’est un texte juridique majeur, que tous les gouvernements français ont l’obligation de respecter.
Préambule
Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les droits suivants de l’homme et du
COMPRENDRE
Quel est le thème abordé dans le premier article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?
2 Quels sont les droits de l’individu ?
3 Lisez les articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Inscrivez les numéros des articles correspondant aux thèmes suivants :
a La liberté et la sûreté
b L’égalité
c La propriété
d Les droits de la nation
e La force publique
DÉBAT
4 La révolution française est-elle source de toutes les libertés fondamentales ? Cette révolution est-elle encore actuelle ? Les progrès qu’elle a apportés ont-ils été réalisés à notre époque ?
Confrontez-vous avec vos camarades et faites un court résumé oral de ce débat.
Article 1er
Les articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
Article 2
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.
Article 3
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
Article 4
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Article 5
La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.
Article 6
La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Article 7
Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.
Article 8
La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Article 9
Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
Article 10
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.
Article 11
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
Article 12
La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
Article 13
Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 14
Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
Article 15
La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
Article 16
Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.
Article 17
La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
Lire les images
La Révolution française expliquée en images
La fin de l’absolutisme et des privilèges laisse espérer en 1789 une ère nouvelle, placée sous le signe de la liberté et de l’égalité des droits.
Mais l’impossible conciliation des principes de l’Ancien Régime avec la fuite en avant du mouvement révolutionnaire plonge le pays dans une guerre civile continue. Après une ascension fulgurante, Bonaparte prend le pouvoir en 1799, confisquant une révolution qui ne parvient pas à s’achever. Mais nombre de révolutionnaires des XXe et XXIe siècles ont encore dans leur imaginaire cette exemplarité pour leur donner du courage et pour réfléchir.
COMPRENDRE
1 Complétez la description de l’image 1 avec les mots donnés. Puis écoutez et vérifiez.
droits • fleurs • France • justice • libertés • Lumières • monarchie • Raison • règles
La femme en haut et à gauche est la (1) , elle porte une couronne et un manteau bleu à (2) de lys. Elle a brisé les chaînes dans lesquelles la maintenait la (3) absolue de droit divin. Les nuages qui sont derrière représentent l’obscurantisme et l’absence des (4) fondamentales de l’ancien régime qui s’éloigne.
La femme de droite est la (5) , ce n’est pas un bâton mais son spectre qu’elle tient dans la main gauche et avec lequel elle montre l’œil rayonnant des (6) qui la guide ; l’œil de la (7) éclaire de ses Lumières la France et la justice. Il remplace le symbole de la monarchie absolue. De sa main droite la justice indique les nouvelles (8) qui vont commander les relations entre les Français : les (9) naturels qui définissent les libertés fondamentales.
2 Complétez la description de l’image 2 avec les mots donnés. Puis écoutez et vérifiez.
absolutisme • Assemblée • Constitution • noblesse • ordres • querelle • réunion • salle
Cet événement fondateur de la Révolution française constitue une étape symbolique dans la destruction de l’(1) . L’ouverture des états généraux avait suscité une (2) de procédure : le tiers état souhaitait la réunion des trois (3) ainsi que le vote par tête, le vote par ordre donnant nécessairement la majorité au clergé et à la (4) Face au refus du roi, le tiers état s’était proclamé (5) nationale et avait appelé les deux autres ordres à le rejoindre. Louis XVI avait fait fermer la salle de (6) des députés. Ces derniers sont allés alors dans la (7) du Jeu de paume. Le 20 juin 1789, ils ont prêté serment de ne jamais se séparer avant d’avoir rédigé une (8)
DÉBAT
3 La Déclaration de 1789 garantit la liberté à tous les Français. Était-on libre avant 1789 ? Et aujourd’hui, la liberté est-elle garantie à tous ? Quelles sont les limites à la liberté ? Est-ce qu’une loi peut interdire pour mieux protéger ? Dégagez cette idée en classe avec vos camarades et faites une relation de ce débat.
COMPÉTENCE CRITIQUE
4 Commentez cette phrase de Kofi Annan, ancien secrétaire de l’ONU : « Il n’est pas nécessaire d’expliquer ce que signifient les droits de l’homme à une mère asiatique et à un père africain dont les enfants ont été violés, torturés ou assassinés. Ils le savent malheureusement mieux que nous ».
La DUDH, source généreuse du droit international
Adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948, la Déclaration universelle des droits de l’Homme est un document de référence dans l’histoire des droits fondamentaux. Ses 30 articles représentent l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations.
Les droits de l’homme ne sont conférés par aucun État : ils sont inhérents à nous tous, indépendamment de notre nationalité, sexe, origine, couleur, religion, langue et vont des plus fondamentaux, comme le droit à la vie, à des droits plus spécifiques, comme le droit à l’alimentation, à l’éducation, au travail, à la santé et à la liberté.
1789-1948 :
d’une déclaration à une autre’
Que peuvent avoir de commun les deux « Déclarations des droits de l’homme… », celle de 1789 et celle de 1948 ? Elles témoignent de contextes et situations historiques différentes. À la foi dans les Lumières et à l’enthousiasme révolutionnaire, créant le couple homme et citoyen, répondent la volonté des Nations Unies, nées de la victoire sur le nazisme, de reconnaître les droits de l’homme. Disparaissent alors les devoirs et la loi, garante des droits, et c’est l’ONU qui devient garante de la validité des droits déclarés, ouvrant ainsi la voie au devoir d’ingérence et à l’envoi des casques bleus.
Place de la République, Paris.
COMPRENDRE
1 Complétez le texte avec les mots donnés. Puis écoutez et vérifiez.
30 • base • document • droits • homme • juridiques • principes • protéger
La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a été le premier (1) juridique visant à (2) universellement les droits fondamentaux de l’(3) et continue d’être à la (4) du droit international. Ses (5) articles fournissent les (6) et les fondements des conventions, traités et autres instruments (7) présents et futurs en matière de (8) de l’homme.
COMPÉTENCE NUMÉRIQUE
2 Visitez le site « La Déclaration universelle des droits de l’Homme ». Choisissez et partagez votre article préféré de la Déclaration et expliquez les raisons de votre choix. Puis montrez votre engagement pour les droits de l’homme :
Nous pouvons tous être des défenseurs des droits de l’homme. Défendez vos droits et ceux des autres. Agissez pour plus d’inclusion, d’égalité et de dignité. Faites connaître vos actions sur Tweeter, Instagram ou YouTube en utilisant le hashtag #Standup4humanrights.
COMPÉTENCE CRITIQUE
3 Les droits humains sont universels, cela signifie qu’ils s’appliquent à tous les individus, partout dans le monde. Aucun être humain n’a le droit d’être torturé, mutilé, réduit en esclavage, de se voir interdire l’accès à l’éducation, à la culture. Pourquoi, alors, certaines personnes, autorités, gouvernements remettent en cause cette universalité ?
DÉBAT
4 Quel que soit le continent ou le pays dans lequel ces abus sont pratiqués, quelles que soient les origines, les croyances ou la culture des personnes victimes de ces abus, on ne peut pas accepter ce qui est pratiqué sous prétexte d’une croyance ou d‘une tradition. Discutez en classe avec vos camarades, apportez des exemples de violations des droits dans le monde et répondez par écrit à qui justifie le bien-fondé d’une pratique sous prétexte d’une croyance ou d‘une tradition.
Eleanor Roosevelt : défenseure des droits de l’homme
En tant que présidente et membre le plus influent de la Commission des Nations Unies pour les droits de l’Homme, Eleanor Roosevelt (1884-1962) a été la force motrice à l’origine de la création de la Charte des libertés de 1948 : la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
« Nous nous tenons aujourd’hui au seuil d’un événement extraordinaire dans la vie des NationsUnies et de l’humanité. Cette déclaration pourrait bien devenir la Magna Carta (Grande Charte) pour tous les hommes dans le monde entier. »
Née à New York, Eleanor Roosevelt a épousé, en 1905, Franklin Delano Roosevelt, politicien en vue, et est alors devenue active dans la sphère publique. En arrivant à la Maison-Blanche en 1933 en tant que première dame, elle s’était déjà profondément investie dans la défense des droits de l’Homme et les problèmes de justice sociale. Elle s’est impliquée dans le domaine humanitaire et elle a défendu l’égalité des droits des Afro-Américains, les ouvriers lors de la Grande Dépression et les femmes, en apportant de l’inspiration et en accordant de l’attention à leurs causes.
En 1946, Eleanor Roosevelt a été nommée déléguée aux Nations Unies par le président Harry Truman, qui avait succédé à la Maison-Blanche à Franklin Roosevelt, mort en 1945. À la tête de la Commission des droits de l’Homme, elle a joué un rôle décisif dans la formulation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qu’elle a soumise à l’Assemblée générale des Nations Unies.
« Faites ce que vous pensez fondamentalement être juste — car vous serez critiqué de toute façon. Vous serez maudit si vous le faites, et vous serez maudit si vous ne le faites pas. »
La « première dame du monde », ainsi nommée par le président Truman pour ses engagements humanitaires, a travaillé jusqu’à la fin de sa vie pour obtenir l’acceptation et le respect des droits énoncés dans la Déclaration. L’héritage de ses mots et de son œuvre apparaît dans les constitutions de nombreux pays et dans le dispositif juridique international qui protège maintenant les droits des hommes et des femmes dans le monde entier.
COMPRENDRE
1 Quelles ont été les causes humanitaires qui ont vu l’engagement de madame Roosevelt ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
2 Commentez la phrase de madame Roosevelt : « Faites ce que vous pensez fondamentalement être juste — car vous serez critiqué de toute façon. Vous serez maudit si vous le faites, et vous serez maudit si vous ne le faites pas. » Quel est l’héritage de ses mots ? Quel enseignement personnel tirez-vous de cette citation ?
3 Faites un portrait de cette femme non conformiste. Estce que le pouvoir, la richesse, le prestige social avaient entamé ses qualités humaines ?
COMPÉTENCE NUMÉRIQUE
4 Eleanor Roosevelt est reconnue dans le monde entier pour le rôle prépondérant qu’elle a joué en tant que Présidente du Comité de rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Mais d’autres
femmes de différents pays ont également contribué de manière substantielle à façonner la Déclaration universelle ainsi qu’à la prise en compte des droits des femmes dans ce texte. Visitez le site et fais un court résumé sur l’origine et l’engagement de ces femmes.
Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions
Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable
Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité
L’écologie dans la littérature
Récemment s’est développée dans le monde francophone une discipline qui étudie la littérature dans ses rapports avec l’environnement naturel, l’écopoétique, qui s’intéresse à la littérature environnementale écrite en français. Étant donné qu’il s’agit d’une approche formelle, l’écopoétique permettra de voir dans quelle mesure une prise de conscience grandissante pour l’environnement dans la littérature conduit ponctuellement à des choix d’écriture différents et comment la problématique environnementale peut nous apporter des vues nouvelles sur les mutations caractérisant la littérature d’aujourd’hui.
L’homme peut avoir une influence positive sur son environnement naturel. Les textes célèbrent alors la domestication de la nature ou son embellissement, comme lorsque le jardin devient une œuvre d’art. La nature en ce sens n’a jamais cessé d’inspirer les artistes (des tableaux paysagers au land art). Plusieurs types de textes abordent ces thèmes.
La beauté des jardins et leur symbolique est évoquée depuis le Moyen Âge. Mais elle inspire aussi des penseurs, comme Rousseau, qui remet en question cette mainmise de l’homme sur la nature. Mais l’homme peut aussi avoir un impact destructeur sur la nature, à trop vouloir la dominer. La littérature s’inquiète alors des conséquences possibles et les dénonce. Plus récemment, la science-fiction et la littérature d’anticipation ont investi le thème de l’écologie. Ces genres permettent d’imaginer un futur dominé par les problèmes environnementaux (pollution, déchets, réchauffement climatique) et de faire réfléchir les lecteurs.
Des textes informatifs enfin (articles de presse, essais scientifique…) attirent l’attention sur nos responsabilités et cherchent des solutions d’avenir.
Le prix du Roman d’Écologie
Depuis 2018, le Prix du Roman d’Écologie récompense un roman francophone dont l’intrigue consacre une part substantielle aux questions écologiques.
Ce prix littéraire repose sur le pari de la diversité des écritures romanesques, à même de traduire au mieux la complexité des enjeux et le souffle de nouveaux imaginaires.
COMPRENDRE
1 Qu’est -ce qu’est l’écopoétique ?
2 L’intérêt pour la nature est-il un thème littéraire nouveau ?
3 Pourquoi est-il devenu un thème d’actualité ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
4 La présidente de l’Association du prix du roman d’écologie, Lucile Schmid, fait cet appel au romanesque qui permet de se libérer d’une approche trop univoque de l’écologie : « En littérature, il est possible de dire les doutes, les contradictions, de sortir d’un questionnement purement théorique, pour comprendre que l’écologie fait partie de nous-mêmes, de notre manière de vivre ensemble. » Exprimez votre opinion.
MÉDIATION/COMPÉTENCE NUMÉRIQUE
5 Savez-vous si en Italie il existe un prix littéraire d’écologie ? Faites une petite recherche.
Un écologiste avant l’heure
Jules Verne (1828-1905) est l’un des premiers romanciers à avoir introduit des préoccupations écologiques dans une œuvre de fiction. Ses Voyages extraordinaires (1863-1905) reflètent des préoccupations exprimées dès le XVIIIe siècle à travers des récits de voyage, des œuvres documentaires, des essais. Poète de la nature, il chante les forêts, les paysages, les animaux, l’équilibre naturel à travers ses romans. Si presque toutes ses œuvres évoquent à un moment ou un autre les rapports entre l’homme et son environnement, on y trouve des remarques et des passages liés aux relations entre l’homme, les animaux et la planète, l’habitat urbain du XIXe siècle et les impacts des activités humaines sur l’écosystème et l’environnement.
Dès Cinq semaines en ballon, publié en 1863, le docteur Fergusson survole l’Afrique où apparaissent les animaux sauvages et les oiseaux dans le ciel. Déjà les personnages discutent de la chasse et remettent en cause le fait de chasser pour le plaisir. Dans les romans suivants, les explorateurs, les scientifiques, les aventuriers explorent des univers extrêmes, fonds sous-marins, entrailles de la terre, pôle nord. Jules Verne montre dans de nombreux romans des préoccupations écologiques réelles. Il dénonce fréquemment les abus commis par l’homme sur son environnement, s’inquiète de l’équilibre des écosystèmes, de l’extinction possible de plusieurs espèces animales, ainsi que des modifications que l’homme produit, volontairement ou non, sur son environnement. Jules Verne revient à de nombreuses reprises sur des questions liées à l’écologie et à ce qu’on appelle aujourd’hui le « développement durable », en évoquant la coupe sauvage des forêts dans le roman Famille-sans-nom, la disparition des baleines et des lamantins dans Vingt mille lieux sous les mers, Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin ou Le Sphinx des glaces, la chasse à outrance des animaux à fourrures dans César Cascabel et Le Pays des fourrures
Voyages et aventures du Capitaine Hatteras (1864-65)
Dans ce magnifique roman, Jules Verne décrit un Pôle nord fantasmé, où hommes et animaux semblent pouvoir vivre côte à côte en harmonie dans une nature vierge et pure comme aux premiers temps du monde. Sa description de la mer libre que ses héros découvrent au Pôle est considérée par beaucoup comme l’un des passages les plus poétiques de son œuvre. En voici un extrait. T7
« Il semblait que le bassin polaire fût éclairé pardessous à la façon d’un immense aquarium ; quelque phénomène électrique, produit au fond des mers, en illuminait sans doute les couches les plus reculées. Aussi la chaloupe semblait suspendue sur un abîme sans fond. À la surface de ces eaux étonnantes, les oiseaux volaient en bandes innombrables, pareilles à des nuages épais et gros de tempêtes. Oiseaux de passage, oiseaux de rivage, oiseaux rameurs, ils offraient dans leur ensemble tous les spécimens de la grande famille aquatique, depuis l’albatros, si commun aux contrées australes jusqu’au pingouin des mers arctiques, mais avec des proportions gigantesques. »
Une activiste pré-écologiste
George Sand (1804-1876) est le pseudonyme de l’écrivaine française Amantine Aurore Lucile Dupin. Elle est l’une des auteures les plus prolifiques du XIXe siècle en France, son style lyrique appartenant au mouvement romantique l’a aussi placée comme l’égale de monuments littéraires comme Victor Hugo ou Gustave Flaubert. Ses œuvres les plus connues restent Indiana (1832), La Mare au diable (1846) et Histoire de ma vie (1855).
« Le défrichement aveugle [...] est la conséquence du chacun pour soi [...] pour les populations qui méconnaissent les lois de l’équilibre providentiel, et abusent de leurs droits sur la terre [...]. L’œuvre de dévastation s’accomplit. Nous aurons du blé, du sucre et du coton jusqu’à ce que la terre fatiguée se révolte et jusqu’à ce que le climat nous refuse la vie. »
(George Sand, Nouvelles Lettres d’un voyageur, Paris, 1877)
George Sand expose dans ses narrations une vision particulière de la nature. L’homme est bien petit dans ses univers narratifs évocateurs, mais c’est qu’il est soumis à plus grand et plus fort que lui. La nature n’est ni adversaire ni alliée pour George Sand, elle est manifestation de la vie universelle, elle emplit et gouverne les éléments qui la composent, humanité comprise. L’accepter est la seule condition de la pleine réalisation de l’être humain. La conception sandienne de la nature rejoint dès lors une idéologie politique. Par le truchement de la vie universelle présente en toute chose, la nature impose les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité aux sociétés humaines, un propos que partage le socialisme utopique cher à l’auteur.
8
Chercher l’oracle de la forêt sacrée
La forêt de Fontainebleau (1872)
En 1873, George Sand a lutté contre les industriels du bois pour protéger la forêt de Fontainebleau, aux côtés de Victor Hugo et de peintres impressionnistes. Alertée par une pétition d’artistes contre un projet de « rénovation » pensé pour les industriels du bois, ce livre est un texte puissant sur la préservation de l’environnement.
Quelle conquête à entreprendre pour l’homme, et je dis pour tout homme actuellement vivant ou à naître ! Entrer dans la nature, chercher l’oracle de la forêt sacrée et rapporter le mot, ne fût-ce qu’un mot qui doit répandre sur toute sa vie le charme profond de la possession de son être ! Cela vaut bien la peine de conserver les temples d’où cette divinité bienfaisante n’a pas encore été chassée !
Mais la forêt vierge va vite s’épuiser à son tour. Si on n’y prend garde, l’arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par dessèchement sans cataclysme nécessaire, par la faute de l’homme. N’en riez pas, ceux qui ont étudié la question n’y songent pas sans épouvante.
Le domaine de l’homme devient trop étroit pour ses agglomérations. Il faut qu’il l’étende, il faut que des populations émigrent et cherchent le désert. Tout va encore par ce moyen, la planète est encore assez vaste et assez riche pour le nombre de ses habitants ; mais il y a un grand péril en la demeure, c’est que les appétits de l’homme sont devenus des besoins impérieux que rien n’enchaîne, et que si ces besoins ne s’imposent pas, dans un temps donné, une certaine limite, il n’y aura plus de proportion entre la demande de l’homme et la production de la planète. Qui sait si les sociétés disparues, envahies par le désert, qui sait si notre satellite que l’on dit vide d’habitants et privé d’atmosphère, n’ont pas péri par l’imprévoyance des générations et l’épuisement des forces trop surexcitées de la nature ambiante ?
COMPRENDRE
1 Quel est le but de George Sand ?
2 Contre qui se bat George Sand ?
3 À quoi porte la déforestation ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
4 Pourquoi ce texte est-t-il actuel ?
COMPÉTENCE NUMÉRIQUE
6 Regardez la video « George Sand, la lanceuse d’alerte écolo » et répondez aux questions.
a Pourquoi George Sand connaît si bien la forêt de Fontainebleau ?
b Que veut faire l’administration de cette forêt ?
c Qui est contre ce projet ?
d Est-ce que leurs appels sont écoutés ?
e Que fait George Sand ?
5 Que savez -vous du risque qui court la forêt amazonienne ? En un an, 13 000 km2 de forêt tropicale ont disparu. Qui va en profiter ? Qui est contre ? Faites une recherche.
f Qu’est-ce qu’est la « forestérie » ?
g Qu’est-ce qu’est pour elle la plus grave immoralité pour l’homme ?
h Son combat a-t-il du succès ?
Un manifeste de la cause écologiste
Jean Giono naît à Manosque le 30 mars 1895 dans une famille modeste d’origine piémontaise. En 1915, il est mobilisé et découvre sur le champ de bataille l’horreur de la guerre. Cet épisode le traumatise e il sera un pacifiste à vie. Il meurt en 1970.
L’Homme qui plantait des arbres (1953) est une nouvelle écrite en pour « faire aimer à planter des arbres », selon ses termes. Dans ce court récit, le narrateur évoque l’histoire du berger Elzéard Bouffier, qui fait revivre sa région, en Haute Provence, entre 1913 et 1947, en plantant des arbres. Après beaucoup de questions, le berger lui explique qu’il veut rendre ce lieu plus vivant en tentant de rendre la terre plus fertile. Quelques années plus tard, de retour de la guerre de 1914-1918, le narrateur refait sa promenade sur les hauteurs de Provence. Il découvre un paysage transformé : des chênes ont poussé, de l’eau ruisselle et il y a une forêt. Il y retrouve également le berger.
Et ainsi chaque année, le narrateur rend visite au berger qui continue sans cesse de planter des arbres. Il découvre des maisons reconstruites, une fontaine remplie d’eau, des jardins potagers. Et ainsi, c’est tout un village qui s’est reconstruit avec de nouvelles personnes venues s’installer ici pour y vivre. Bien qu’il s’agisse d’une fiction, la nouvelle parvient à inciter le lecteur à croire à l’existence réelle du berger et de sa forêt. Écrite à la suite d’un concours du magazine américain Reader’s Digest, la nouvelle a eu un retentissement mondial. Elle est aujourd’hui considérée comme un manifeste à part entière de la cause écologiste. Avant même l’invention de la notion de développement durable, la nouvelle en donne ainsi une illustration poétique.
T9
Dix-milles chênes
L’Homme qui plantait des arbres
Après le repas de midi, il recommença à trier sa semence. Je mis, je crois, assez d’insistance dans mes questions puisqu’il y répondit. Depuis trois ans il plantait des arbres dans cette solitude. Il en avait planté cent mille. Sur les cent mille, vingt mille était sortis. Sur ces vingt mille, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou de tout ce qu’il y a d’impossible à prévoir dans les desseins de la Providence. Restaient dix mille chênes qui allaient pousser dans cet endroit où il n’y avait rien auparavant. C’est à ce moment-là que je me souciai de l’âge de cet homme. Il avait visiblement plus de cinquante ans. Cinquante-cinq, me dit-il. Il s’appelait Elzéard Bouffier. Il avait possédé une ferme dans les plaines. Il y avait réalisé sa vie. Il avait perdu son fils unique, puis sa femme. Il s’était retiré
10
COMPRENDRE
dans la solitude où il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien. Il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses. Menant moi-même à ce moment-là, malgré mon jeune âge, une vie solitaire, je savais toucher avec délicatesse aux âmes des solitaires. Cependant, je commis une faute. Mon jeune âge, précisément, me forçait à imaginer l’avenir en fonction de moi-même et d’une certaine recherche du bonheur. Je lui dis que, dans trente ans, ces dix mille chênes seraient magnifiques. Il me répondit très simplement que, si Dieu lui prêtait vie, dans trente ans, il en aurait planté tellement d’autres que ces dix mille seraient comme une goutte d’eau dans la mer.
1 Qui est l‘homme qui plantait des arbres ?
2 Quels sont les éléments de la biographie de l’homme qui plantait des arbres ?
3 Quel est son objectif de vie ?
4 Quel est le portrait moral de cet homme ?
Aujourd’hui
COMPETENCES CRITIQUE
5 Ce berger solitaire qui passe son temps à semer des arbres et qui finit ainsi par créer une forêt qui modifie le climat, transformant un espace aride et inhospitalier en paysage de rêve. Quelles sont les conséquences sociales et économique de son action ?
Décrire la crise écologique sans en parler
Né en Québec en 1989, Antoine Desjardins est enseignant et écrivain. Indice des feux (2022) est son premier livre. Indice des feux, prix du Roman d’Écologie 2022, regroupe sept nouvelles, à la fois très diverses et unies par un fil rouge d’une urgence : le délabrement du monde – qui devient immonde à force de négligence, d’exploitation et de dévastation. Antoine Desjardins dit : « Comment décrire la crise écologique sans en parler ? C’était ça, mon objectif en produisant ce livre. Il s’agissait de montrer de quelle manière la réalité climatique teinte la vie humaine, notamment notre perception de l’avenir, alors qu’on a conscience que la planète est au bord de l’effondrement. En offrant d’autres perspectives, je souhaitais que chacun prenne acte de la situation et détermine ce qu’il peut faire pour que ça aille mieux. »
À boire debout
Indice des feux
Dans la première nouvelle du livre un adolescent écoute la radio de sa chambre d’hôpital, tandis que les eaux montent et inondent la ville et le Québec.
Quand c’est pas les médecins, les infirmières ou mon père, c’est la radio qui s’y met pis qui me parle de température, elle avec. Il pleut depuis maintenant cinq jours dans le Grand Montréal, où les inondations se multiplient ces dernières vingt-quatre heures.
Avant-hier, à la radio, j’ai appris que le Groenland, la grosse île de glace pas loin de l’Arctique, fond à une vitesse incroyable. Inimaginable. Inquiétante. Là-bas, y a des icebergs gros comme des immeubles qui se détachent des côtes quasiment tous les jours, pis la banquise fond de l’intérieur. Y a pas longtemps, des chercheurs ont découvert des rivières souterraines en descendant dans des crevasses de centaines de
L’écologie dans la littérature mètres de profondeur. Des fleuves cachés, invisibles depuis la surface, qui se jettent dans l’océan en cachette. Un peu comme au printemps, quand la neige pis la sloche commencent à fondre, pis qu’on entend l’eau couler dans les égouts, même si on la voit pas passer pis que la grille est recouverte par deux pouces glace.
Vers la fin de l’entrevue, monsieur Dequessé’sson de l’Institut Chépatroquoi’berg, au Danemark, disait que quand le Groenland va avoir fini de fondre, il va faire monter les océans de sept mètres. À lui tout seul. Sept mètres. Ostie. Je suis tellement resté bête.
Tantôt, pour la première fois depuis un bout, j’ai réussi à écouter tout un reportage à la radio sans m’endormir. En plus, ça parlait ni de la pluie ni des inondations au Québec. Mais j’étais pas sorti du bois. Ou plutôt pas sorti de l’eau.
C’étais à propos de l’Indonésie. Là-bas, chaque année, des archipels disparaissent, engloutis par l’océan. Le reporter disait que c’est rendu quelque chose de normal pour eux. Tellement ordinaire que leur gouvernement a organisé un programme spécial pour aider les habitants à déménager à temps. Y a même des gens, des scientifiques spécialisés en j’te-crisse-pas-trop quoi, qui font des prévisions pour déterminer quelles îles seront les prochaines à être submergées.
Après ça, ils se promènent en bateau d’une place à l’autre, cognent aux portes pour répandre la mauvaise nouvelle comme des témoins de Jéhovah.
COMPRENDRE
1 Quel est le décor de l’action ?
2 De quoi parle le reportage à la radio ?
3 Comment réagit le malade à ces nouvelles ?
4 Comment réagissent les habitants ? Quel est le programme spécial du gouvernement ?
COMPÉTENCE
CRITIQUE
Ding-dong ! Bonjour ! Si nos calculs sont bons, votre archipel passera sous le niveau de la mer d’ici approximativement six à huit mois. Un an si vous êtes chanceux. Fait que c’est ça … Bonne chance !
Ils leur disent à peu près le temps qu’il leur reste avant que leurs terres et leurs maisons soient inondées, leur expliquent comment se préparer, ce qu’ils vont pouvoir emporter avec eux, les moyens de transport disponibles pour leur évacuation. Après, les gens remplissent des formulaires pour s’inscrire à des programmes de nouveaux logements construits par le gouvernement. En attendant une place, ils sont envoyés dans des camps de réfugiés pleins à craquer. Dans des petites tentes, quelque part loin de chez eux, loin de tout ce qu’ils connaissent.
5 L’extrait propose des thèmes de réflexion qui nous concernent tous, qui confirment que notre planète est malade. Relevez-les dans l’ordre d’importance que vous leur donnez.
6 Que racontent les gouttes de pluie frappant à la fenêtre d’un adolescent prisonnier de son lit d’hôpital ? Un adolescent agonise lentement d’une leucémie, tandis que les eaux montent et inondent la ville et le Québec. Quelle relation voyez-vous entre ces deux situations ?
7 Comment expliquez vous la réaction de ce gamin cancéreux qui ne parle pas de son état, qui montre une étonnante vitalité, une énergie dont il semble pourtant vidé ? Voyez-vous une relation avec le titre de la nouvelle ?
8 Cet adolescent en fin de vie qui part presque sans regrets avant la fonte totale des glaciers, vous fait-il sérieusement interroger sur le devenir de notre monde ? Exprimez vos réflexions.
Éliminer la pauvreté
sous toutes ses formes et partout dans le monde
La discrimination
Pauvreté et exclusion sociale : les victimes de la crise et de l’indifférence
Les pauvres sont souvent des exclus, globalement victimes de la crise économique qui crée moins d’emplois qu’autrefois, de la mondialisation qui supprime les emplois des salariés les moins qualifiés, du progrès technique qui rend certains métiers obsolètes et déclasse ceux qui ne peuvent pas le suivre, des transformations de l’emploi liées à la flexibilité. Il faut y ajouter les victimes de la fragilisation du lien familial (augmentation des situations de séparations et de divorces) et celles du phénomène d’urbanisation rapide. Dans les années 1970, ont été créées des concentrations de pauvres dans les « grands ensembles » des quartiers de banlieue, habitat collectif n’ayant que peu de services et un accès difficile au centre-ville ; on parle aujourd’hui de quartiers « sensibles ». Les exclus vivent donc cantonnés dans des quartiers « ghetto », les enfants sont scolarisés dans des établissements classés en ZEP (Zone d’Éducation Prioritaire) qui visent à lutter contre l’échec scolaire, handicap pour trouver un emploi. On assiste ainsi à la reproduction de la pauvreté. Le thème de la pauvreté est fréquent dans la littérature, surtout dans celle du dix-neuvième siècle.
S’il existe une tradition française du récit social comme le naturalisme de Zola, il semble que les romans contemporains ne visent plus l’avènement de lendemains radieux et justes. La littérature française contemporaine met en lumière l’impossibilité de sortir de la pauvreté.
Les nouveaux pauvres
Les clochards Sur les trottoirs, sur un banc public, il est très facile de rencontrer un clochard. Le clochard n’est pas un mendiant, car il ne demande pas l’aumône. C’est une personne qui aime la liberté, un rebelle qui n’accepte pas les règles de la société. L’origine de clochard est le mot argotique cloche qui veut dire ciel et le ciel est, en effet, le seul toit qu’il peut supporter sur sa tête.
Les S.D.F. S.D.F., autrement dit sans domicile fixe, est un sigle qui s’est diffusé de plus en plus au cours de ces dernières années. Le S.D.F. est l’exclu par excellence, celui qui n’a même pas un toit sur la tête. Mais le S.D.F. n’est pas seulement un sans-logis, c’est quelqu’un qui a glissé peu à peu dans les marges de la société, sans réel espoir de réintégration.
COMPRENDRE
1 Pourquoi parle-t-on de quartiers sensibles ? Pourquoi sont-ils la reproduction de la pauvreté ?
2 Qui sont les nouveaux pauvres ?
3 Quels sont les phénomènes qui engendrent cette « nouvelle pauvreté » ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
4 En 2018, une enquête signale que 20 % des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté. La précarité touche tous les domaines de la vie pour les étudiants : le logement, l’accès au soin, la nourriture, les vêtements… Il y a différentes façons de financer ses études : l’argent des parents, les jobs étudiants, les bourses ou les prêts. Pensez-vous que les étudiants risquent d’être les nouveaux pauvres de demain ?
5
L’éloge de la pauvreté
Victor Hugo (1802-1885), défenseur des miséreux, se préoccupe dans l’ensemble de son œuvre de la souffrance et de la pauvreté du peuple. Il dénonce l’inhumanité des conditions de travail des enfants et la cruauté envers les bagnards. Toute sa vie, il a été à la tête du combat pour les libertés et pour l’éradication de la misère sous toutes ses formes.
T11
Le mendiant
Les Contemplations (1854)
Ce court poème a quelque chose d’exemplaire dans sa simplicité. Le paysage de la réalité la plus banale se transfigure totalement à travers la vision poétique. On assiste à une scène d’hospitalité entre deux personnages : une personne (le narrateur, le poète) et un pauvre. Le poème fait l’éloge de la pauvreté en montrant sa valeur spirituelle, dans un décor simple et quotidien. Le mendiant consacre sa vie à la prière et il se transforme en dieu quand un homme a été charitable envers lui.
Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.
Je cognai sur ma vitre ; il s’arrêta devant
Ma porte, que j’ouvris d’une façon civile.
Les ânes revenaient du marché de la ville,
Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.
C’était le vieux qui vit dans une niche au bas
De la montée, et rêve, attendant, solitaire,
Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,
Tendant les mains pour l’homme et les joignant pour Dieu.
10 Je lui criai : « Venez- vous réchauffer un peu.
Comment vous nommez-vous ? » Il me dit : « Je me nomme
Le pauvre. » Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. »
Et je lui fis donner une jatte de lait.
Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,
15 Et je lui répondais, pensif et sans l’entendre.
« Vos habits sont mouillés, dis-je, il faut les étendre
Devant la cheminée ». Il s’approcha du feu.
Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu
Étalé largement sur la chaude fournaise,
20 Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Couvrait l’âtre, et semblait un ciel noir étoilé.
Et, pendant qu’il séchait ce haillon désolé
D’où ruisselaient la pluie et l’eau des fondrières, Je songeais que cet homme était plein de prières,
25 Et je regardais, sourd à ce que nous disions,
Sa bure où Je voyais des constellations.
COMPRENDRE
1 Relevez tout ce qui évoque la pauvreté de ce mendiant. Pourquoi n’a-t-il pas de nom ?
2 C’était le vieux qui vit dans une niche au bas de la montée : à quoi l’assimile la niche ?
3 Que cherche ce vieillard ? Quel est son geste humble ?
4 Décrivez comment tout se transfigure dans la partie finale du poème. Comment se transforme le manteau jadis bleu ? Et le mendiant ?
5 Explique le vers 26 : Sa bure où Je voyais des constellations.
COMPÉTENCE CRITIQUE
6 Quelle est la place d’un tel homme dans la réalité quotidienne ? Le mendiant qui s’humilie ne provoquet-il que mépris ? Que cache pour le poète son apparence pitoyable et dérisoire ?
7 Le mendiant se métamorphose sous le regard attentif du poète. Comment Hugo dans ce poème conteste-t-il les injustices tout en dépassant la réalité prosaïque pour accéder au sens symbolique du monde ?
8 Expliquez comment la contestation de l’ordre social injuste devient contemplation d’un monde poétique et symbolique.
9 Le mendiant est un poème a plusieurs sens. Expliquez pourquoi il est aussi un hymne à la poésie.
Lire les images
Les pauvres au bord de la mer
La tragédie (1903), Pablo Picasso (National Gallery of Art, Washington)
COMPRENDRE
1 Complétez la description de l’image avec les mots donnés. Puis écoutez et vérifiez.
bleu • couleur • d’expression • faim • froid • mer • pieds • regard • sable • visage • yeux
À son retour à Barcelone en 1903, le (1) , que l’on voyait déjà émerger dans les toiles de Paris, va devenir pour Picasso un moyen (2) exclusif. Dans les Pauvres au bord de la mer, la différenciation tonale d’une seule et même (3) , le bleu,
entre passé et présent
ne fait qu’accuser davantage l’acuité d’un dessin concentré sur son sujet. Les personnages se situent en bord de (4) . Ils sont maigres, comme étirés et tous les trois (5) nus. La femme vêtue d’une simple toge bleue marine, a la tête baissée, les (6) fermés, les cheveux attachés en chignon. L’homme porte une combinaison de la même couleur que la toge de la femme, il regarde à ses pieds le (7) d’un regard vide et désespéré. Il porte la barbe, croise les bras et fléchit une jambe. Il est comme « renfrogné » au niveau du buste, on dirait qu’il se
cache, et il a l’air d’avoir (8) . L’enfant joue avec ses mains, l’une d’elles touche la jambe de l’homme, il porte un gilet marron et un pantacourt bleu, son (9) est creusé, sa tête est plus relevée que celle des autres personnages, mais son (10) est toujours porté vers le bas. Ces personnages assemblés en famille, drapés dans leur misère, semblent traqués par la (11) et le malheur.
Aujourd’hui
L’anonymat
COMPÉTENCE CRITIQUE
2 Drapés dans leur misère, les personnages de La tragédie sont signes de pauvreté, de malheur, mais aussi d’humanité. Expliquez pourquoi.
3 Relevez le contenu pleinement social du tableau : l’accablement de ces êtres rend inconfortable notre confort. Quelle est votre réaction ? La discrimination
Jean-Marie Gustave Le Clézio (1940), plus connu sous son diminutif J.M.G., est un écrivain de nationalités mauricienne et française. En 2008 il reçoit le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre. Dans le roman Désert (1980) la jeune Lalla vit dans un bidonville marocain, d’où elle s’échappe souvent, surtout pour retrouver, dans la solitude du désert saharien, le contact d’une nature puissante et fascinante. Ensuite elle se voit obligée de fuir son pays et part pour Marseille où elle découvre la misère et la faim, « la vie chez les esclaves » et devient témoin de la détresse et de la souffrance des déracinés. Enfin elle finira par regagner son village natal.
T12
La gare, lieu d’exil
Désert
Ce passage évoque l’errance de la jeune émigrée à la gare de Marseille, lieu symbolique de l’exil.
Quand elle a un peu d’argent, Lalla entre dans la gare, elle achète un coca-cola à la buvette et un ticket de quai. Elle entre dans le grand hall des départs, et elle va se promener sur tous les quais, devant les trains qui viennent d’arriver ou qui vont partir. Quelquefois même elle monte dans un wagon, et elle s’assoit un instant sur la banquette de moleskine verte. Les gens arrivent, les uns après les autres, ils s’installent dans le compartiment, ils demandent même : « C’est libre ? » et Lalla fait un petit signe de la tête. Puis, quand le haut-parleur annonce que le train va partir, Lalla descend du wagon en vitesse, elle saute sur le quai.
La gare, c’est aussi un des endroits où on peut voir sans être vu, parce qu’il y a trop d’agitation et de hâte pour qu’on fasse attention à qui que ce soit. Il y a des gens de toutes sortes dans la gare, des méchants, des violents à la tête cramoisie, des gens qui crient à tue-tête, il y a des gens très tristes et très pauvres aussi, des vieux perdus, qui cherchent avec angoisse le quai d’où part leur train, des femmes qui ont trop d’enfants et qui clopinent avec leur cargaison le long des wagons trop hauts. Il y a tous ceux que la pauvreté a conduits ici, les Noirs débarqués des bateaux, en route vers les pays froids, vêtus de chemisettes bariolées, avec pour tout bagage un sac de plage ; les Nord-Africains, sombres, couverts de vieilles vestes, coiffés de bonnets de montagne ou de casquettes à oreillettes, des Turcs, des Espagnols, des Grecs, tous l’air inquiet et fatigué, errant sur les quais dans le vent, se cognant les uns aux autres au milieu de la foule des voyageurs indifférents et des militaires goguenards.
Lalla les regarde, à peine cachée entre la cabine du téléphone et le panneau d’affichage.
Elle est bien enfoncée dans l’ombre, son visage couleur de cuivre protégé par le col de son manteau. Mais de temps en temps, son cœur bat plus vite, et ses yeux jettent un éclat de lumière, comme le reflet du soleil sur les pierres du désert. Elle regarde ceux qui s’en vont vers d’autres villes, vers la faim, le froid, le malheur, ceux qui vont être humiliés, qui vont vivre dans la solitude. Ils passent un peu courbés, les yeux vides, les vêtements déjà usés par les nuits à coucher par terre, pareils à des soldats vaincus.
COMPRENDRE
1 Complétez le texte avec les mots donnés. départ • gare • immigrés • quai • reconnaît • ticket • voyageurs • wagon
Lalla aimait les environs de la (1) , elle était attirée et souvent elle entre, achète un (2) de quai ou monte dans un (3) . Quand le haut-parleur annonce le (4) elle saute sur le (5) et regarde les (6) qui arrivent ou qui partent. Elle se cache et (7) les (8) qui arrivent et souvent elle pense à ce que sera leur vie.
2 Pourquoi monte-t-elle dans un wagon en faisant semblant de partir ? En quoi cet épisode est-il pathétique ?
L’indifférence
3 Relevez les noms de nationalité et précisez la valeur symbolique des vêtements et des pauvres objets qui les accompagnent.
4 Quelle est la réaction de Lalla vis-à-vis des voyageurs ? Que ressent la jeune fille ?
5 À quoi ressemblent certains passagers ? Expliquez la comparaison.
COMPÉTENCE CRITIQUE
6 En quelques lignes, essayez d’expliquer pourquoi « de temps en temps, son cœur bat plus vite ».
7 Précisez la valeur symbolique de la gare. Connaissezvous d’autres lieux qui augmentent cet effet d’étrangeté au monde qui nous entoure ?
Révélé sur Internet en 2008, Orelsan (1982) poursuit, depuis, une carrière retentissante dans le rap français. Il s’essaie également au métier d’acteur pour la télévision et pour le cinéma. Orelsan parvient tout de même à jouer sur les mots et les émotions, il raconte les tragédies du monde comme s’il s’adressait à un enfant.
Ce texte peut aussi être interprété comme une critique d’un monde moderne qui ferme les yeux sur les vrais problèmes et qui trouve des raisonnements confortables à des situations inconfortables en se disant que tout va bien. L’utilisation du discours qu’on raconte aux enfants ne joue que le rôle d’un tissage pour le texte plus profond.
Tout va bien (2017) T13
Dors, Dors.
Si le monsieur dort dehors, c’est qu’il aime le bruit des voitures
S’il s’amuse à faire le mort,
5 c’est qu’il joue avec les statues
Et si un jour, il a disparu, c’est qu’il est devenu millionnaire
C’est qu’il est sûrement sur une île avec un palmier dans sa bière
1 Tirent des coups de feu.
2 Cartouches.
3 Jeu enfantin.
4 Tenue de militaire.
COMPRENDRE
10 Tout va bien, tout va bien
Petit, tout va bien, tout va bien
Tout va bien, petit, tout va bien
Tout va bien, tout va bien
Si la voisine crie très fort,
15 c’est qu’elle a pas bien entendu
Si elle a du bleu sur le corps, c’est qu’elle a joué dans la peinture Et si un jour, elle a disparu, c’est qu’elle est partie en lune de miel
20 En attendant les jours de pluie, elle met ses lunettes de soleil
Refrain
Si les hommes se tirent dessus1 , c’est qu’y a des vaccins dans les balles2
25 Et si les bâtiments explosent, c’est pour fabriquer des étoiles
Et si un jour, ils ont disparu, c’est qu’ils s’amusaient tellement bien Qu’ils sont partis loin faire une ronde3 ,
30 tous en treillis4, main dans la main
Refrain
Dors, Dors.
1 À qui s’adresse le chanteur et quel est le thème de la chanson ?
2 Comment Orelsan essaie-t-il de persuader que tout va bien ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
3 Quel message puissant passe à travers ce texte ?
4 Est-ce bien ce monde que l’on souhaite expliquer, puis laisser à nos enfants ?
COMPÉTENCE NUMÉRIQUE
5 Regardez sur le web le clip qui accompagne la chanson et répondez.
a Quelles sont les tragédies de ce monde moderne ?
b Méditez sur ce clip qui met en scène sur un même plan des images dures et sombres avec des objets d’enfants.
Réduire les inégalités entre les pays et en leur sein
L’immigration : espoirs et frustrations
Le thème immigration est de grande actualité aujourd’hui et la littérature suit les débats du présent. Elle dénonce les conditions de vie de tous ceux qui sont victimes de l’injustice sociale et du sous-développement économique. Elle revendique le respect de la diversité culturelle, des valeurs du propre pays natal et d’une culture africaine contre un impérialisme dominant. L’immigré trouve difficilement dans le pays d’accueil la réalisation de toutes ses aspirations. La solitude, l’incompréhension, l’anonymat peuvent l’attendre, accompagnés souvent aussi de problèmes psychologiques. La misère morale, l’exploitation et l’inégalité remplacent la misère matérielle qu’on a laissée au départ. C’est à ce moment-là que le pays d’accueil peut devenir un pays d’exil et aussi dans un pays de longue tradition démocratique comme la France, des exemples de discrimination raciale ne manquent pas. La société française est devenue de plus en plus polyethnique mais l’intégration de cultures différentes apporte toujours des problèmes difficiles à résoudre.
La loi française contre le racisme
L’ONU, en 1966, a promulgué une Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale : l’Union européenne aborde le même thème dans la Convention européenne des droits de l’homme. Pour faire respecter ces principes, dans les états membres de l’UE sont entrées en vigueur une série de lois qui répriment la discrimination, la haine, la violence, sur la base de la race et de la couleur.
La loi française contre le racisme date de 1972.
La loi du 8 janvier 1993 a allégé la procédure du changement de nom : changer de nom est devenu plus simple et dans certains cas il s’agit de franciser un nom étranger, en particulier des noms d’origine arabe. Le racisme à l’embauche ou au logement commence souvent au simple énoncé d’un nom d’origine maghrébine, c’est pourquoi ceux qui veulent une nouvelle identité sont de plus en plus nombreux.
COMPRENDRE
1 À quoi aspire l’immigré ? Quels sont ses espoirs et quelles sont ses frustrations ? Pourquoi le pays d’accueil peut-il devenir un pays d’exil et de discrimination ?
2 Comment les discriminations se manifestent-elles ?
COMPÉTENCE NUMÉRIQUE
3 Regardez la vidéo « Tobie Nathan invité de Culture Magazine Coexistence, on y croit ! ».
a Qu’est-ce qu’est pour Tobie Nathan la coexistence ? Partagez-vous sa pensée ?
b Commentez sa phrase : « On a cru que les immigrés s’intégreraient et deviendraient des petits français et cette immigration n’existe plus ».
Le massacre des Italiens
Historien, Gérard Noiriel est l’un des fondateurs du Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH). Le 17 août 1893, dans les marais salants d’Aigues-Mortes – où la récolte du sel et les vendanges rassemblaient plusieurs milliers de travailleurs saisonniers – s’est déroulé le plus sanglant « pogrom » de l’histoire française contemporaine, faisant une centaine de victimes (morts ou blessés) parmi les ouvriers italiens. En dépit des preuves accablantes réunies contre eux, tous les assassins seront acquittés. Ce massacre et ce déni de justice vont placer la France au ban des nations européennes et à deux doigts d’une guerre avec l’Italie. Finalement, afin de préserver la paix, les deux gouvernements choisiront d’enterrer l’affaire.
Une société impossible
Aigues-Mortes, 17 août 1893, le plus sanglant pogrom de l’histoire contemporaine de la France (2010)
Noiriel revient sur ce drame pour comprendre les raisons d’agir des acteurs du massacre et mettre en lumière le rôle des élites dans la construction de l’innocence nationale. Il analyse les facteurs qui ont conduit à l’occultation de ce pogrom dans la mémoire collective et s’interroge sur la place qu’occupe aujourd’hui l’affaire d’Aigues-Mortes dans la mémoire antiraciste. T14
« Pogrom : émeute sanglante, dirigée contre une minorité ethnique ou religieuse. » Si l’on accepte cette définition large (mais nous verrons que les mots utilisés pour qualifier ce genre de crimes sont toujours problématiques), on peut dire que le 17 août 1893 a eu lieu, à Aigues-Mortes, le plus grand « pogrom » de toute l’Histoire contemporaine de la France, même si le nombre d’ouvriers italiens morts ce jourlà n’a jamais été établi avec certitude. C’est aussi l’un des plus grands scandales de notre histoire judiciaire, puisque le jury d’assises a acquitté tous les assassins, en dépit des preuves accablantes réunies contre eux.
Ce massacre et ce déni de justice ont placé la France au ban des nations civilisées, le New York Times dénonçant « the barbarous French nativism and chauvinism ». Les violentes manifestations antifrançaises qui éclatent en Italie, à une époque où ce pays est l’allié de l’Allemagne, alimentent des deux côtés des Alpes la conviction que la guerre est proche. Le conflit armé sera finalement évité car les deux gouvernements vont s’employer à « enterrer l’affaire », ce qui explique qu’elle ait été longtemps occultée dans la mémoire collective française.
Pour tenter de comprendre les raisons du massacre qui s’est produit à AiguesMortes le 17 août 1893, j’ai mis en œuvre dans le présent chapitre cette « histoire au ras du sol » que Jacques Revel appelait de ses vœux il y a vingt ans. En croisant les 5 10 15
COMPRENDRE
sources et en me tenant au plus près des acteurs, j’ai cherché à retracer le scénario qui a abouti à la tuerie. Trois mondes sociaux (la communauté aiguesmortaise, les saisonniers, et les « trimards »), étrangers les uns aux autres et profondément déstabilisés par une crise économique sans précédent, se sont retrouvés ce jour-là face à face, sans l’avoir voulu, contraints pour survivre d’accepter le travail de forçat imposé par la puissante Compagnie des salins du Midi (CSM). Il a suffi d’une étincelle pour que la poudrière explose.
1 Faites un court résumé sur le massacre d’Aigues Mortes. Qui sont les protagonistes ?
2 Quelles sont les raisons de ces émeutes sanglantes ?
3 Les acteurs du massacre seront-ils punis ?
4 Comment a été évité un conflit franco-italien ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
5 La condition des travailleurs agricoles migrants en France comme en Italie n’a pas beaucoup changé
La xénophobie
aujourd’hui : exploitation, habitat indigne, insécurité administrative, emprise de la mafia. Quel est le quotidien des travailleurs agricoles africains qui ramassent les fruits et légumes en Italie et notamment la tomate dans la région de Basilicate, au sud du pays ?
6 Les migrants, pour arriver en Europe, traversent la Méditerranée dans des conditions très précaires, dangereuses, qui mettent leur vie en péril. Ce fait est connu de la majorité des hommes. Mais ce qu’on connaît moins, c’est le sort qui est réservé à certains migrants qui parviennent à rejoindre l’Europe. Réfléchissez sur le problème et ouvrez un débat avec vos camarades.
Tahar Ben Jelloun (1944) a écrit Le racisme expliqué à ma fille (1997) à la suite d’un vaste mouvement de protestation suscité par la présentation d’un projet de loi, la loi Debré, proposée par M. Jean-Louis Debré, ministre de l’Intérieur, sous la présidence de M. Jacques Chirac. Cette loi était particulièrement discriminatoire envers les étrangers et les familles d’origine étrangère installées en France : selon ce projet de loi, une personne désirant recevoir chez elle un étranger doit demander au maire de sa commune un certificat d’hébergement ; en outre, l’hébergeant est tenu de signaler à la mairie le départ de son hôte. C’est en allant manifester avec sa fille contre le projet de cette loi que Tahar Ben Jelloun a eu l’idée d’écrire ce livre.
La peur de l’étranger
Le racisme expliqué à ma fille
Dans ce dialogue avec sa fille, il analyse, dans une langue simple et qui se veut à la portée de tous, surtout parce que l’auteur l’a destiné en priorité aux enfants de huit à quatorze ans, les ressorts du sentiment raciste : un sentiment de méfiance naturel à tous les hommes et à toutes les sociétés, qui devient incontrôlable quand il est exploité à des fins politiques.
– C’est quoi un étranger ?
– Le mot « étranger » vient du mot « étrange », qui signifie du dehors, extérieur. Il désigne celui qui n’est pas de la famille, qui n’appartient pas au clan ou à la tribu. C’est quelqu’un qui vient d’un autre pays, qu’il soit proche ou lointain, parfois d’une autre ville ou d’un autre village. Cela a donné le mot « xénophobie », qui signifie hostile aux étrangers, à ce qui vient de l’étranger. Aujourd’hui, le mot « étrange » désigne quelque chose d’extraordinaire, de très différent de ce qu’on a l’habitude de voir. Il a comme synonyme le mot « bizarre ».
– Quand je vais chez ma copine, en Normandie, je suis une étrangère ?
– Pour les habitants du coin, oui, sans doute, puisque tu viens d’ailleurs, de Paris, et que tu es marocaine. Tu te souviens quand nous sommes allés au Sénégal ? Eh bien, nous étions des étrangers pour les Sénégalais.
– Mais les Sénégalais n’avaient pas peur de moi, ni moi d’eux ! – Oui, parce que ta maman et moi t’avions expliqué que tu ne devais pas avoir peur des étrangers, qu’ils soient riches ou pauvres, grands ou petits, blancs ou noirs. N’oublie pas ! On est toujours l’étranger de quelqu’un, c’est-à-dire qu’on est toujours perçu comme quelqu’un d’étranger par celui qui n’est pas de notre culture.
COMPRENDRE
1 Sous quelle forme se présente ce texte ?
2 Qui parle dans ce texte ? À qui parle-t-il ? De quoi parle-t-il ?
3 Quelle est la thèse défendue par l’auteur ?
4 À quel moment du raisonnement se situe l’idée défendue par l’auteur ? Pourquoi ?
5 L’auteur donne des exemples à sa fille. Relevez-les.
6 Pourquoi l’auteur procède-t-il de cette manière ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
7 Que faudrait-il faire concrètement pour faire reculer le racisme et aller au-delà de la xénophobie ? Est-ce possible de le faire disparaître pour que les drames nés du racisme et du refus de l’autre ne se répètent plus ? Trouvez-vous qu’il soit juste de commencer par l’expliquer aux enfants ?
La migration clandestine
Mahi Binebine (1959) est un peintre et écrivain marocain. Depuis ses études à Paris en 1980 il se consacre à la peinture et à l’écriture. Son romans, Cannibales (1999), Pollens (2001) et Terre d’ombre brûlée (2004) ont été traduits en plusieurs langues. Le roman raconte le départ d’un groupe de dépossédés vers l’Eldorado européen, le désespoir et les dessous de la migration clandestine, son ‘système’ brutal et inhumain.
T16
Espoirs et désespoirs
Cannibales
Dans mon village, les vieux nous avaient maintes fois raconté la mer. Et de mille façons différentes. Certains la comparaient à l’immensité du ciel : un ciel d’eau écumant au-dessus de forêts infinies, impénétrables, peuplées de fantômes et de monstres féroces. D’autres affirmaient qu’elle était encore plus étendue que les fleuves, les lacs, les étangs et tous les ruisseaux de la terre assemblés. Quant aux savants de la grandplace, unanimes sur la question, ils attestaient que Dieu tenait cette eau en réserve afin de nettoyer la Terre de ses pécheurs au jour du Jugement dernier. Il faisait nuit. Une nuit sombre, vaguement brumeuse. Cachés derrière un rocher, nous entendions le bruit des vagues et du vent. Morad avait dit que la mer était calme, ces temps-ci. Nous l’avions cru. Nous étions prêts à croire n’importe quoi pourvu qu’on nous permît de partir. Le plus loin possible. A tout jamais. Une ombre noire se dressait près de la barque. C’était le passeur ; nous ne savions pas son nom. Nous nous contentions de l’appeler « Patron », avec une déférence craintive, comme on aurait appelé un instituteur brandissant sa baguette, un gendarme véreux au regard cruel, un sorcier jeteur de sorts, tout homme qui
15
COMPRENDRE
tient votre avenir entre ses mains. De sa capuche rabattue sourdaient par moments détranges grognements.
J’ignorais ce qui, de la peur ou du froid, faisait grelotter Réda, mon cousin. Les deux, peut-être. Nous avions tous peur et froid, mais Réda paraissait le plus atteint. La mine blême, les traits tendus, il étreignait sa sacoche Adidas et claquait des dents. Sans répit. À peine eut-il allumé une cigarette que l’ombre se jeta sur lui et la lui arracha, le griffant aux lèvres. Réda ne bronche pas. Il continuait de trembler, de claquer des dents. Près de moi, Nouara allaitait son bébé. Impossible de mettre un âge sur son visage rond, un peu bouffi. Couronnée de tresses solidement nattées, sa tête se balançait au rythme d’une berceuse muette. Le pas¬seur avait été formel : « Un son, un faux pas, et on finira tous au trou ! » Mais de quel trou, de quel abîme, grands dieux pouvait-il bien s’agir ? En était-il de plus profond, de plus ténébreux que celui dans lequel le dénuement nous avait précipités ?
Parmi nous se trouvaient Kacem Djoudi, un Algérien de Blida qui avait été instituteur du temps où la paix régnait dans son pays, Pafadnam et Yarcé, deux Maliens dont on ne voyait que le blanc des yeux, et Youssef, un prétendu Marrakchi dont l’accent prononcé indiquait des origines berbères, du Moyen Atlas sans doute. Le petit groupe paraissait placide. […]
– C’est quoi, ces lumières, là-bas ? demanda Réda.
Une rafale nous arrosa de sable humide, suscitant un soubresaut collec¬tif.
– C’est l’Espagne, hein, n’est-ce pas que c’est l’Espagne ?
Nul n’était d’humeur à bavarder.
– Morad nous a bien dit que, les nuits sans brume, on pouvait voir…
– La ferme ! grogna le passeur.
– Si le Paradis était si proche, murmura l’Algérien, j’y serais allé à la nage, mon petit.
Un sourire général accueillit sa plaisanterie. Réda se sentit autorisé à poursuivre :
– C’est quoi, alors, ces lumières ?
– Des bateaux-feux, dit l’Algérien en vétéran de la clandestinité.
Réda écarquilla les yeux.
– Un bateau-feu est un phare flottant, mon petit. Un repère précieux pour les marins. Cependant, la zone est dangereuse.
– Dangereuse ?
– Mortelle, parfois. La police maritime rôde souvent dans les parages. Vicieuse comme elle est, il arrive qu’elle est, il arrive qu’elle imite ces bateaux-là en braquant vers le ciel ses propres projecteurs. Les passeurs novices s’y laissent attirer comme des insectes.
1 Quel est le cadre de l’action ?
2 Qui sont les protagonistes ? Sur quoi nous renseignent-ils ?
3 À quoi veulent-ils échapper ? Qu’est-ce qui unit tous ces gens ?
4 Comment est décrit le passeur ?
5 Pourquoi faut-il craindre les bateaux-feux ?
COMPÉTENCE CRITIQUE
6 Ce texte s’ouvre sur des images poétiques de la mer qui, malheureusement, se révèle sous un nouveau jour, une nouvelle nature, celle de mangeuse d’homme. Le drame des immigrés qui se termine au fond des abîmes océaniques s’impose comme sujet d’actualité. Cannibales est-il encore un roman sur les naufragés des illusions ? Sauriez-vous expliquer le titre ? Est-ce un acte d’accusation contre un occident cannibalisé qui engloutit les rêves d’une Afrique pauvre et affamée ? Exprimez votre opinion.
Lire les images
2 La « Jungle de Calais » est le nom couramment utilisé pour désigner les différents espaces habités depuis les années 1990 par les migrants tentant de passer en Angleterre, sur l’ensemble de l’agglomération calaisienne.
Banksy et le Radeau de la méduse
2 Graffeur britannique, l’œuvre du street-artiste Banksy est extrêmement populaire. Paradoxalement, l’artiste reste totalement inconnu. Cultivant le mystère, on ne sait rien ou presque de lui, pas même son visage. Son nom n’est autre qu’un pseudonyme, et tout ce qui entoure son identité n’est que suppositions : ainsi, originaire du Royaume-Uni, peut-être de Bristol, il se nommerait Robert Banks ou Robin Gunningham, et serait peut-être né en 1974. Les réalisations de Banksy peuvent valoir plusieurs centaines de milliers d’euros.
En décembre 2015, en pleine période de la Jungle1 qui avait été investie massivement pas des migrants en attente de passage en Angleterre, Banksy2 est venu à Calais pour donner son point de vue sur cette tragédie humaine. Cette œuvre, apposée au pochoir sur un mur de Calais, remet au goût du jour le motif du célèbre Radeau de la Méduse (1818) de Théodore Géricault pour dénoncer l’inaction des pouvoirs publics européens face aux naufrages meurtriers des embarcations de migrants en Méditerranée. À la place de l’embarcation des naufragés de Géricault il y a un ferry semblable à ceux qui effectuent quotidiennement les liaisons entre les deux rives de la Manche, mais qui reste inaccessible aux migrants.
COMPRENDRE
1 Que font les migrants de Banksy ?
2 Pourquoi a-t-il voulu rendre hommage aux migrants de Calais ?
3 Pourquoi cette œuvre est-elle un symbole de l’engagement de l’artiste ?
DÉBAT
4 Banksy a situé à l’entrée de la Jungle deux autres œuvres : la première représente Steve Jobs, sac à dos et ordinateur Apple dans la main, l’autre représente
un enfant, cheveux au vent, regardant les côtes de l’Angleterre avec un oiseau sur l’épaule et une valise à ses pieds... L’artiste a expliqué son œuvre dans un communiqué : « On nous fait souvent croire que l’immigration est une perte pour les ressources d’un pays, mais Steve Jobs était le fils d’un immigré syrien. Apple est la société qui dégage le plus de bénéfices, et qui paye plus de sept milliards d’impôts, mais cela a pu être le cas seulement parce qu’un homme venu de Homs a pu entrer (aux États-Unis) ».
Commentez la phrase de Banksy et confrontez vos opinions avec vos camarades.
Être citoyen aujourd’hui
L’étude du Conseil d’État 2022 réfute l’idée, trop simpliste, selon laquelle il y aurait une « crise de la citoyenneté » dans sa globalité. Elle constate néanmoins que le statut juridique du citoyen est confronté à trois phénomènes distincts : la crise de confiance, envers le fonctionnement du système représentatif, la persistance de fortes inégalités et une perception brouillée des devoirs inhérents à la citoyenneté. L’étude observe par ailleurs un renouveau de la citoyenneté qui se traduit par la recherche de nouvelles formes de participation à la vie collective et d’engagements « citoyens », renouant avec une dimension fondamentale de la citoyenneté. Plusieurs phénomènes attestent de cette évolution comme la vitalité du service civique, de l’engagement associatif et de l’ensemble de l’économie sociale et solidaire. La consolidation d’expressions numériques et innovantes de la citoyenneté, tel que le mouvement des « civic techs » (technologies civiques), toute technologie qui vise à accroître le pouvoir du citoyen ou à rendre un gouvernement plus ouvert.
Le numérique, facteur d’accroissement de la participation
La participation des citoyens a été favorisée par les plateformes numériques. Internet a permis de faire participer la société civile à grande échelle et d’associer des publics jusqu’ici éloignés de ce genre de démarches, comme les jeunes. On assiste aujourd’hui à une multiplication des consultations en ligne grand public, parfois organisées dans le cadre d’états généraux, d’assises ou de concertations institutionnelles (par exemple états généraux de l’information, consultation sur la stratégie nationale de santé...). Toutefois, si le numérique contribue à faciliter et à élargir le champ de la participation, il a aussi ses limites. Les consultations sur internet permettent le recueil des opinions mais pas toujours une véritable délibération. Par ailleurs, le numérique, comme le relève le Conseil d’État, tend à reproduire les inégalités : certaines catégories de la population n’ont pas accès à internet ou le bagage culturel nécessaire pour pouvoir effectivement contribuer en ligne. C’est pourquoi certains estiment que le numérique doit être pensé en complément de débats en présentiel.
Les citoyens impliqués dans l’élaboration des décisions
publiques
Au-delà des politiques publiques destinées à réduire les inégalités, l’étude du Conseil d’État fait des propositions concernant le fonctionnement de la vie démocratique, notamment au niveau local, et la participation des citoyens à la vie publique, en particulier dans l’évaluation et le contrôle des politiques publiques. Face à la montée de l’abstention et à la défiance des Français vis-à-vis des institutions, on essaie d’élaborer des pistes d’amélioration de la démocratie participative.
Une évolution importante est la naissance d’une véritable citoyenneté européenne. Outre le droit de vote et d’éligibilité reconnus par le traité de Maastricht (1992), cette nouvelle citoyenneté comprend également le droit de pétition auprès du Parlement européen et le droit de déposer une plainte en cas de mauvais fonctionnement d’une institution communautaire.
Une citoyenneté plus active
La recherche, par les citoyens, d’une citoyenneté plus active, approfondie est une question récurrente. Celle-ci comprend à la fois la revendication d’un rôle plus direct dans la prise de décision politique (de nombreuses enquêtes d’opinion révèlent le souhait des citoyens d’un recours plus fréquent au référendum local ou national), mais aussi l’acquisition de nouveaux droits. Ainsi, les fonctionnaires ont acquis des droits qui leur étaient auparavant déniés : droit d’adhérer à un syndicat, droit de grève (tous deux reconnus par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946). L’élargissement du cercle des détenteurs de la citoyenneté constitue une autre interrogation en perpétuel débat. C’est la question de la reconnaissance du droit de vote aux étrangers non ressortissants d’un autre État de l’Union. Aujourd’hui, s’ils disposent de tous les droits fondamentaux des Français, les étrangers ne peuvent participer à aucune élection. Le débat sur ce thème est toujours vif.
Le débat porte également sur l’ouverture du droit de vote à 16 ans. L’Écosse, à l’occasion du référendum du Brexit et quelques länders allemands l’ont expérimenté. L’Autriche l’a généralisé. Les études sociologiques montrent qu’en accompagnant les lycéens dans cette démarche citoyenne, ils deviennent des citoyens plus assidus, notamment en s’abstenant moins lors des élections.
Les nouvelles formes de participation citoyenne
De plus en plus de citoyens souhaitent participer à la vie publique. Conventions citoyennes, consultations sur internet, ateliers collaboratifs... Les outils de participation citoyenne poursuivent leur essor pour répondre à la demande démocratique des citoyens et à leur défiance vis-à-vis des élus et des institutions.
La volonté d’impliquer davantage les citoyens au débat public se décline dans de multiples initiatives. Les ateliers collaboratifs, les conventions et jurys citoyens, dans lesquels des personnes dialoguent et confrontent leurs opinions, connaissent un renouveau sur les plans local et national. La demande d’une démocratie plus à l’écoute des citoyens et plus participative s’est exprimée lors du grand débat national, initié à la suite du mouvement de contestation des « gilets jaunes ». Une première Convention citoyenne pour le climat, composée de 150 citoyens tirés au sort, a été chargée de faire des propositions pour lutter contre le réchauffement climatique. Plus récemment, la Convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée le 2 avril 2023 en faveur du développement des soins palliatifs et de l’ouverture, sous conditions, du suicide assisté et de l’euthanasie. Un projet de loi a été présenté.
La citoyenneté est aussi un parcours dans la vie de la cité
De l’apprentissage à l’école à l’exercice de la démocratie par le vote, le parcours du citoyen est fait d’engagements dans la vie publique, qu’ils soient associatifs, politiques, qu’ils défendent une cause ou permettent de mieux vivre ensemble sur un territoire. La citoyenneté se définit par la participation à la vie de la cité, mais la participation des citoyens français aux élections (un devoir mais pas une obligation) est en baisse constante depuis des décennies – un citoyen sur deux a voté lors des dernières élections départementales. Mais l’engagement dans la vie de la cité ne se réduit pas aux seules élections, et il y a bien d’autres occasions pour chacun d’investir et de s’investir dans la vie collective.
S’engager n’est pas sans danger comme en témoignent dramatiquement les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo, attaquée pour son engagement pour la liberté d’expression.
L’engagement peut prendre plusieurs formes – militantes, associatives, syndicales – et défendre différentes causes : les droits de l’homme, la lutte contre toutes les formes de discriminations, l’homophobie, le sexisme, la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme, etc. Le 11 janvier 2015, les grandes manifestations populaires qui ont suivi les attentats ont rassemblé quatre millions de personnes dans de nombreuses régions. En clamant spontanément « Je suis Charlie », les participants à ces manifestations réalisaient un geste d’engagement pour la liberté d’expression et contre le fanatisme de manière collective. S’engager, c’est alors résister à la terreur, ne pas céder à la peur ni au repli sur soi.
La citoyenneté à l’école
« On ne naît pas citoyen, on le devient… » C’est à l’école qu’incombe le rôle de « former le futur citoyen » à travers plusieurs dispositifs. L’école est le lieu central dans l’apprentissage de la citoyenneté : l’élève éprouve ses droits et ses devoirs explicités dans le règlement intérieur – élaboré d’ailleurs avec la participation de l’ensemble de la communauté éducative. À l’école et au collège, les objectifs sont clairement énoncés dans les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique : « s’engager et assumer des responsabilités dans l’école et dans l’établissement ; prendre en charge des aspects de la vie collective et de l’environnement et développer une conscience citoyenne, sociale et écologique. »
ACTIVITÉS
1 Comment améliorer la participation des citoyens à la vie démocratique ?
2 La démocratie directe peut-elle être une réponse à la crise de la démocratie représentative ?
3 Et vous ? Vous êtes un citoyen oisif ou actif ?
4 Commentez la phrase de Socrate : « Je ne suis ni
Responsabile editoriale
Simona Franzoni
Responsabile di progetto e redazione
Paola Bollani
Coordinamento redazionale
Marco Mauri
Art director
Enrica Bologni
Progetto grafico e copertina
Enrica Bologni
Impaginazione
Marinella Carzaniga
Immagine di copertina
Shutterstock
Fotografie Wikimedia Commons; Shutterstock (pp. 4, 9, 17, 19, 20, 21, 28, 46, 47, 48); Alamy (p. 45)
Per le riproduzioni di testi e immagini appartenenti a terzi, inserite in quest’opera, l’editore è a disposizione degli aventi diritto non potuti reperire, nonché per eventuali non volute omissioni e/o errori di attribuzione nei riferimenti.
Athénien, ni Grec, mais un citoyen du monde ». Et vous ? Pourriez-vous affirmer la même chose ?
5 Utilisez-vous des outils numériques pour être un citoyen actif dans votre communauté, en famille ou à l’école ?
Trouvez-vous positive l’utilisation de la technologie ?
6 Qu’est-ce qu’être un bon citoyen numérique responsable ?
7 Que faut-il éviter en matière de citoyenneté numérique ?
È vietata la riproduzione, anche parziale, con qualsiasi mezzo effettuata, compresa la fotocopia, anche ad uso interno o didattico, non autorizzata. Le fotocopie per uso personale del lettore possono es¬sere effettuate nei limiti del 15% di ciascun volume dietro pagamento alla SIAE del compenso previsto dall’art. 68, commi 4 e 5, della legge 22 aprile 1941 n. 633. Le riproduzioni per finalità di carattere professionale, economico o commerciale o comunque per uso diverso da quello personale, possono essere effettuate a seguito di specifica autorizzazione rilasciata da CLEARedi (Centro licenze e autorizza¬zioni per le riproduzioni editoriali), corso di Porta Romana 108, 20122 Milano, e-mail autorizzazioni@clearedi.org e sito web www.clearedi.org. L’editore fornisce – per il tramite dei testi scolastici da esso pubblicati e attraverso i
relativi supporti o nel sito www.gruppoeli.it – materiali e link a siti di terze parti esclusivamente per fini didattici o perché indicati e consigliati da altri siti istituzionali. Pertanto l’editore non è responsabile, neppure indirettamente, del contenuto e delle immagini riprodotte su tali siti in data successiva a quella della pubblicazione, dopo aver controllato la correttezza degli indirizzi web ai quali si rimanda.
Casa Editrice G. Principato Via G.B. Fauché 10 - 20154 Milano sito web: http://www.gruppoeli.it e-mail: info@gruppoeli.it
Printed by Tecnostampa – Pigini Group Division – Loreto, Trevi – Italia 24.85.159.0P