Élisa Lefevre - Le Maréage, foyer de valorisation piscicole (2021)

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LE MARÉAGE, FOYER DE VALORISATION PISCICOLE

VOL. 3

Projet de fin d’études

ÉTUD. LEFEVRE Elisa UNIT UE101A - PROJET 10 PFE - MEM (My Ethique Maïeutique)

PROJ

DE.PFE DE.MEM

MORLE E. OLIVARES Y.

MARCH ARCH

S10 DEM ALT 20-21 Promo

© ENSAL



Claude Raffestin, 2019

L’eau est alors un enjeux aussi précieux que la vie qu’elle permet.


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TABLE DES MATIÈRES

Figure 1 Anton Mauve, Cattle in an extensive polder landscape, non daté

Remerciements Résumé Préambule Introduction

7 9 11 13

CHAPITRE 1 Géomorphologie Le milieu dombiste L’étang, un manifeste cultivé La ferme, un manifeste construit

21 25 29

CHAPITRE 2 Un paysage muet L’érosion du milieu La dissolution de la communauté piscicole De la communauté au bien commun L’eau, fragilité d’un bien commun

37 41 45 47

CHAPITRE 3 Le bassin versant de la Chalaronne À la source du bien La Brévonne, manifeste en puissance commun Du milieu au lieu, problématique

53 57 61

CHAPITRE 4 Des méandres au cheminement Un manifeste cultivé L’épaisseur du bocage Ralentir, la poétique de la mare CHAPITRE 5 Les usages de la communauté Un manifeste construit La ferme ouverte, théâtre du bien commun Construire les ressources du milieu Conclusion Atlas de références Références bibliographiques

67 71 75 81 85 89 95 99 107


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remerciements


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REMERCIEMENTS

Mes remerciements s’adressent tout d’abord à ma directrice d’étude, Estelle Morlé, pour sa bienveillance et la pertinence de ses conseils tout au long de l’année. Je remercie également l’ensemble de l’équipe pédagogique du domaine d’étude ALT pour sa capacité à faire de la discipline architecturale un sujet éminemment politique qui, à mon sens, fonde le futur de notre pratique. Plus largement, je souhaite remercier l’ensemble de l’équipe enseignante et administrative de l’ENSAL qui m’a accompagné tout au long de mon cursus, ainsi que Jose Paixo et Florian Fend, enseignants à la Technischse Universität de Graz, qui ont profondément changé ma vision de l’architecture. Ensuite, il m’est fondamental de remercier l’équipe de la commune de Saint-André-de-Corcy et tout particulièrement mon encadrant de stage, Yann Pampouilles, pour sa pédagogie et son engagement dans l’accompagnement de mes recherches. De même, il m’est nécessaire de remercier l’ensemble des acteurs locaux qui m’ont accordé de leur temps pour m’enseigner une part leurs connaissances et me livrer la passion des lieux qu’ils habitent. Sincèrement, je tiens à remercier mes proches sans qui l’aboutissement de ce cursus scolaire n’aurait été envisageable. Mes parents, mon frère, ma sœur ainsi que le reste de ma famille pour la confiance qu’ils m’accordent depuis mon enfance quant au dessin de mon avenir. Enfin, mes remerciement s’adressent à Maxime, Emma, Teva, Anouk, Adrien, Pierre, Romane, Estelle, Mallaury et Charlotte, mes camarades devenus amis, pour leur soutient sans faille depuis toutes ces années. Antoine enfin, pour ta patience, tes conseils, ton soutien et pour tout le reste.


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résumé

The Dombes is a rural wetland located north of Lyon. Characterized by its geology, this clay plateau has a very specifiac hydrography and is marked by the significant stagnation of water on the land. Over time, the dombist inhabitants have been able to take advantage of the characteristics of this environment to inhabit it through their cultural and construction activities. By developing an agricultural system based on the creation of ponds and the alternation of their watering and drying, the peasants have profoundly transformed this territory. Through the practice of fish farming, the marshy Dombes has been transformed into a complex ecosystem with a very rich biological diversity. However, in the era of the globalization of resources for the transformation of territories, the dombist fish farming practice is in danger. Water, a precious resource for the proper functioning of the ecosystem, threatens fish farming with its low quantity and poor quality. Likewise, changes in lifestyles are weakening the sector by abandoning the consumption of fish. Faced with this erosion of the dombiste environment, the landscape project - understood as the interpretation of the cultivated and constructed manifestos of the landscape for the complexification of the ecosystem - seems welcome. In Monthieux, a town located at the head of the Chalaronne watershed, the redesign of the water cycle through a joint agricultural and architectural project is a starting point for questioning the place of fish farming in Dombes. Through this landscape project, the staging of the Brévonne, the first tributary of the Chalaronne, offers a first anchoring to federate a new awareness of the dombist milieu.


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RÉSUMÉ ABSTRACT

La Dombes est une zone humide rurale située au nord de Lyon. Caractérisé par sa géologie, ce plateau argileux présente une hydrographie très spécifique et est marqué par l’importante stagnation de l’eau sur les terres. Au cours du temps, les habitants dombistes ont su tirer profit des caractéristiques de ce milieu pour l’habiter par le biais de leurs activités culturales et constructives. En développant un système agricole fondé sur la création d’étangs et l’alternance de leur mise en eau et de leur assèchement, les paysans ont profondément transformé ce territoire. Par la pratique de pisciculture, la Dombes à l’origine marécageuse a été transformée en un écosystème complexe présentant une diversité biologique très riche. Or, à l’ère de la globalisation des ressources pour la transformation des territoires, la pratique piscicole dombiste est en danger. L’eau, ressource précieuse pour le bon fonctionnement de l’écosystème, menace la pisciculture par sa faible quantité et sa mauvaise qualité. De même, la mutation des modes de vie fragilise la filière par l’abandon de la consommation du poisson. Face à cette érosion du milieu dombiste, le projet de paysage - entendu comme l’interprétation des manifestes cultivés et construits du paysage pour la complexification de l’écosystème - semble le bienvenu. À Monthieux, une commune située en tête du bassin versant de la Chalaronne, le redessin du cycle de l’eau par le biais d’un projet conjoint d’agriculture et d’architecture se présente comme un point de départ pour interroger la place de la pisciculture en Dombes. Par ce projet de paysage, la mise en scène de la Brévonne, premier affluent de la Chalaronne, propose un premier ancrage pour fédérer une conscience nouvelle du milieu dombiste.


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préambule


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PRÉAMBULE PROJET DE CYCLE DE MASTER

Figure 2 Auteure, Triptyque du projet de cycle de Master, 2021

Ce projet de fin d’études s’inscrit dans la filiation du mémoire d’initiation à la recherche et du stage recherche réalisés au cours du cycle de Master. Soulignés par la Mention recherche, ces trois travaux constituent un triptyque qui, construit comme un tout, compose un projet global ; le projet de cycle de Master. En ce sens, la prise de connaissance de ces travaux antérieurs est fondamentale pour la bonne compréhension du projet de fin d’études. D’une part, le mémoire d’initiation à la recherche est employé comme un énoncé théorique pour le projet. Aussi, l’interprétation de son propos dans le cadre du projet de fin d’études sera explicitée en introduction de cette notice. Construit pendant une année au sortir de la première année de Master en échange à la Technischse Universität de Graz, il est achevé en juillet 2020. D’autre part, le stage recherche est compris comme une ressource pour le projet. Si le travail produit en stage correspond au second volume du projet de cycle de Master, les connaissances acquises sont quant à elles mobilisées tout au long du projet de fin d’études. À partir d’un encadrement bilatéral entre le laboratoire de recherche LAURe et la Commune de Saint-André-de-Corcy, il s’est déroulé du mois de janvier au mois de mars 2021. Tandis que ces deux travaux constituent respectivement le premier et le second volume du projet de cycle de Master, cette notice correspond au troisième volume. En ce sens, la spécificité de ce projet réside dans son interrelation avec les différentes productions réalisées. De fait, si cette notice invoque ponctuellement certaines composantes des travaux de mémoire et de stage, la majeure partie des connaissances acquises seront occultées dans un souci d’intelligibilité.


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introduction


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INTRODUCTION LA CONSCIENCE DU MILIEU, ÉNONCÉ THÉORIQUE Figure 3 Auteure, Table des matières du mémoire d’initiaiton à la recherche, 2020 « Rétablir la relation de l’Homme avec la Terre supposait, pour Leopold, de modifier radicalement le regard porté par celui-ci sur son environnement, ou milieu de vie, étape primordiale pour que soit mise en œuvre l’»éthique de la Terre» qui permettrait d’en finir avec le pillage et la ruine dont elle était l’objet depuis trop longtemps. »

Comme annoncé plus tôt, le mémoire d’initiation à la recherche s’apparente à un énoncé théorique pour le projet de fin d’études. En effet, sa construction résulte d’une série de questionnements, d’abord situés à l’échelle de la discipline architecturale, mais ensuite étendus à celle de sa pratique dans une dimension infiniment plus vaste ; celle de la construction des lieux de vie humains. Le propos du mémoire étant résumé dans la notice de mention recherche, il ne s’agit pas ici de rappeler une fois de plus son contenu mais plutôt de souligner certaines notions clés pour le projet de fin d’études : le milieu, l’écosystème, la ressource et le paysage.

Le milieu, d’abord, est une notion fondamentale pour le travail de mémoire. Définie en préambule du Mémoire d’initiation à la recherche (vol. 1, p. 11) et étayée dans la Notice de mention recherche (vol. 2, p.10), sa définition se base sur les notions de biotope et de biocénose. D’une part, le biotope est compris comme un contexte physique Augustin Rosenstiehl, inerte géographiquement situé. Pour le définir, les champs 2020 d’étude adjacents à la géomorphologie sont mobilisés, et notamment la géographie, la géologie et l’hydrographie. D’autre part, la biocénose représente l’ensemble des êtres vivants, animaux et végétaux, qui habitent ce biotope. Ainsi défini, le milieu est un système qui correspond à l’interaction de la biocénose avec son biotope dans le temps. Dans ce système, la place de l’être humain doit être interrogée si l’on veut questionner les rapports des communautés humaines à leur milieu d’établissement. En effet, l’étude des milieux comme intuition de recherche se précise comme celle des milieux habités par les hommes. Aussi, par son caractère vivant, l’être humain est avant tout considéré comme partie intégrante de la biocénose. Par là, il s’agit d’abord de rejeter l’opposition du naturel à l’artificiel, intégrant l’idée que l’impact de la biocénose sur le biotope ne relève pas de l’artificialisation mais de la transformation d’un milieu donné.


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introduction

Dans le processus de transformation du milieu par les hommes, deux actes majeurs sont identifiés comme fondements de l’acte d’habiter : cultiver et construire. Par les pratiques agricoles et architecturales, les communautés humaines interagissent avec leur biotope et le reste de la biocénose. Par là, elles font d’un milieu donné un lieu de vie, devenant l’expression du milieu anthropisé. Si l’être humain est extrait du reste de la biocénose pour étudier exclusivement son rapport au milieu, c’est au regard de l’échelle des conséquences de ses transformations. La définition de l’Anthropocène comme « période actuelle des temps géologiques où les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète (biosphère) et les transforment à tous les niveaux » (Larousse, 2020) insiste sur cet écart d’échelle de transformations entre l’être humain et le reste de la biocénose. Ensuite, pour interroger les rapports des êtres humains au milieu qu’ils habitent, un processus de jugement de valeur doit être mis en place. Pour cela, c’est la notion d’écosystème qui est mobilisée : plus un écosystème est complexe, plus sa valeur intrinsèque et celle au sein d’un réseau d’autres écosystèmes est grande. Afin de définir une série de critères pour juger la complexité d’un écosystème donné, ce sont les zones humides — type d’écosystème parmi les plus complexes au monde — qui sont étudiées. Par l’étude des zones humides, il s’agit de révéler la valeur de l’influence des transformations opérées par les communautés humaines sur les milieux. En fonction de la valeur positive ou négative de leur transformation, les milieux peuvent ainsi faire preuve d’un processus respectivement dit d’épaississement ou d’érosion, relatif à la complexification ou la simplification de l’écosystème. Dès lors, l’objectif est de comprendre quels facteurs conditionnent la valeur d’une transformation opérée par les hommes sur un milieu donné.


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1 Mésologique Qui fait référence au milieu

Enfin, ce sont les notions de ressource et de paysage qui permettent le développement du propos. D’une part, la ressource qui est identifiée comme le facteur qui conditionne la valeur transformative précédemment nommée. Plus précisément, c’est la dualité entre ressource matérielle et immatérielle et son origine géographique qui est étudiée pour comprendre cette influence. Dès lors, on émet l’hypothèse que l’appartenance d’une ressource à un milieu donné pour sa transformation correspond à une complexification écosystémique, c’est-à-dire à l’épaississement du territoire. À l’inverse, on suppose que l’érosion du territoire est issue d’une transformation du milieu à partir de ressources qui n’en sont pas originaires. D’autre part, la notion de paysage est proposée comme clé de lecture du système mésologique1. Ici, le paysage est défini comme : « la présentation aux hommes de leur milieu ». Il s’agit de comprendre le paysage comme un concept exclusivement humain permettant aux individus de se représenter le milieu qu’ils habitent. Ici, le concept de manifeste paysager est proposé : il caractérise les composantes du paysage qui mobilisent des ressources issues du milieu. En d’autres termes, les manifestes du paysage représentent l’ensemble des éléments construits et cultivés qui expriment aux hommes les caractéristiques de leur milieu. Le concept de manifeste du paysage est proposé en réaction aux paysages contemporains. Faisant état de la globalisation des ressources pour la transformation des territoires à l’échelle de la planète, les paysages produits deviennent muets, inexpressifs au regard des habitants. En conséquence, on assiste à une crise systémique globale, touchant tant le domaine de l’environnement que celui des sciences sociales, traduisant finalement une forme de crise nouvelle ; une crise des milieux.


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introduction


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Figure 4 Auteure, Chapitre 3, Partie 2 du mémoire, 2020

En conclusion du mémoire, c’est le projet de paysage qui est proposé pour repenser le rapport des hommes aux milieux. Compris comme l’épaississement du territoire par la production de manifestes du paysage, il entend souligner la capacité des êtres humains à interpréter les conséquences de leurs actes transformatifs et à en adapter les modes. En ce sens, le mémoire d’initiation à la recherche, étayé par l’identification de ressources dans le cadre du stage recherche, propose un énoncé théorique pour le projet de fin d’études : par quels moyens le projet de paysage peut fédérer une conscience nouvelle du milieu ? Dans le cadre du mémoire, la Dombes est choisie comme milieu d’étude. Si ce territoire n’existe plus en tant qu’unité administrative, la force de l’identité collective permet à ses habitants comme aux autres communautés de le comprendre comme un milieu cohérent. De fait, c’est parce que le milieu dombiste transcende la représentation administrative pour exister comme une unité mésologique qu’il est un cas d’étude intéressant. De plus, sa spécificité de zone humide en fait un milieu d’autant plus pertinent dans l’étude de l’évolution de son écosystème. Au regard de ce constat, la Dombes est maintenue comme cas d’études dans le cadre du projet de fin d’études. En effet, les connaissances acquises au cours du mémoire représentent un premier socle de ressources pour construire le projet de fin d’études, et la recherche menée au cours du stage à propos du paysage dombiste permet d’étayer la connaissance de ces ressources matérielles comme immatérielles. Enfin, ayant grandi à la lisière de la Dombes et du Val de Saône, il s’agit également de réaliser un exercice complexe ; celui de concevoir un projet sur un territoire pour lequel j’ai une attache personnelle forte.


18

chapitre 1

Figure 5 Swisstopo, Carte du glacier du Rhône, 1882


CHAPITRE 1 LE MILIEU DOMBISTE

” Charles Avocat, 1975

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Contrairement aux apparences, la Dombes n’a plus rien de « naturel » et doit son existence même au travail des générations successives. C’est l’étang, œuvre de l’homme, qui a créé la Dombes que nous connaissons aujourd’hui, bel exemple d’adaptation réussie aux données d’un milieu original et, dans l’ensemble, ingrat.


20

chapitre 1

Bourg-en-Bresse

Mâcon

Villefranche-sur-Saône Ambérieux-en-Bugey

Lyon

10

20 km

Ain

Saône + 170M

+ 320M

Veyle

0

+ 220M


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1 | PARTIE 1 GÉOMORPHOLOGIE

Figure 6 Auteure, Géographie de la Dombes, 2020 Figure 7 Auteure, Relief de la Dombes d’ouest en est, 2020 « Les limites que la géologie imposerait à la Dombes sont donc facile à déterminer. Elle doit comprendre toute la partie du plateau qui fut autrefois occupée par le glacier. »

Située au nord de la ville de Lyon, la Dombes est une zone humide qui correspond au vaste plateau argileux étendu entre les Monts du Jura et le Massif Central. L’histoire géologique de la Dombes est intimement liée à celle du glacier du Rhône. En effet, ce sont les moraines — amas de débris rocheux transportés par les glaces — qui sont à l’origine de la formation du plateau dombiste. Ainsi, il domine la vallée du Rhône à une altitude de 50 à 100 mètres au dessus du niveau de Lyon, entouré à l’est, à l’ouest et au sud par des ruptures topographiques fortes que l’on nomme communément côtières.

Par l’étude de la topographie et de l’hydrographie actuelle, il est possible de proposer une première circonscription du milieu dombiste. En effet, chaque côtière est marquée par le cours d’un fleuve ou d’une rivière en contrebas : on trouve la rivière d’Ain à l’est, la Saône à l’ouest et le Rhône Lucien Gallois, 1892 au sud. C’est ce dernier coteau qui marque la topographie la plus abrupte : surnommé « Côtière de l’Ain » ou « Côtière Voir vol. 2 « Géologie : la de la Dombes », il marque le passage d’une altimétrie de nature des sols » 280 mètres — au niveau du plateau — à 170 mètres environs. Au nord, la limite topographique est bien moins marquée : présentant un abaissement lent du plateau jusqu’à la Bresse, c’est la rivière Veyle qui marque la limite entre la Dombes et la plaine bressane. Par son histoire géologique, la Dombes présente une grande homogénéité pédologique. Le sol du plateau dombiste est principalement constitué d’argiles, de sables et de galets. Plus précisément, l’ensemble est structuré par de la silice pure à l’état pulvérisé et de l’argile colloïdale aussi appelée « ultra-argile ». En d’autres termes, le sol dombiste est caractérisé par une granulométrie présentant une part de grains extrêmement fins dont l’influence sur la réaction pédologique du plateau est considérable.


22

chapitre 1

La Veyle

La Chalaronne

La Saône

L’Ain

+ 170M

+ 320M

+ 220M

Veyle

10 km

Ain

Saône

Le Rhône

+ 200M

+ 300M

+ 180M


partie 1

Figure 8 Auteure, Géographie de la Dombes, 2020 Figure 9 Auteure, Relief de la Dombes du nord au sud, 2020 « Cette dernière [l’argile colloïdale] ne représente guère plus que 5 à 6 % du total mais elle est susceptible d’absorber 16 fois son volume d’eau, de sorte que la Dombes sèche est un véritable buvard qui absorbe les petites pluies avec l’avidité d’une roche perméable tandis que la Dombes ”mouillée” interdit toute infiltration dès que l’argile est saturée : en un mot, le pays le plus perméable quand il est sec, le plus imperméable quand il est humide »

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En effet, c’est la géologie du plateau qui est à l’origine de la zone humide pour laquelle la Dombes est reconnue. Pour cause, la présence d’argiles confère aux sols une structure extrêmement variable en fonction de la quantité d’eau reçue. De fait, ils ont tendance soit à la sécheresse soit à l’hydromorphie : en période sèche, l’eau s’infiltre abondamment tandis qu’en période humide, les sols sont très rapidement saturés et l’eau ne peut pas s’infiltrer. De fait le milieu dombiste tire sa particularité de son hydrologie. Entourée de rivières, la Dombes n’est cependant traversée d’aucun cours d’eau dans son ensemble. Au centre du plateau seulement, la Chalaronne s’écoule depuis son affluent, la Brévonne, pour s’écouler vers le nord-ouest et se jeter dans la Saône. En conséquence, l’essentiel de l’eau du plateau provient des précipitations, la pluviométrie étant supérieure à la moyenne de la région lyonnaise.

Par conséquent, les pluies ont tendance à saturer les sols et à transformer le plateau dombiste en un vaste marécage. En somme, le plateau des Dombes est une singularité dans le paysage lyonnais. Sa composition géologique, son climat et sa situation hydrographique rendent ce milieu très instable quant à l’hydrologie avec une tendance extrêmement variable au manque ou à l’abondance en Charles Avocat, 1975 eau.

Voir vol. 1, chap. 1, part. 1


24

chapitre 1


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1 | PARTIE 2 L’ÉTANG, MANIFESTE CULTIVÉ

Le paysage dombiste tel que nous l’observons aujourd’hui témoigne de nombreuses transformations par les hommes. Jusqu’au Moyen-Âge, la Dombes est recouverte par de vastes marais, alors appelés « lescheria ». À cette époque, Voir vol. 1, chap. 1, part. 3 l’ensemble du plateau représente un faible potentiel pour le développement des installations humaines. En effet, la variation extrême de la présence de l’eau dans ce milieu présage une difficile maîtrise du territoire, tant pour cultiver la terre que pour la construire.

Figure 10 Auteure, Pêche du LongeÉtang, 2021

Pourtant, malgré un portrait peu attrayant, les communautés humaines ayant investi ce territoire ne l’ont pas abandonné : bien au contraire, elles se sont mobilisées pour adapter ce milieu à leurs besoins, et ont également su s’adapter à lui. Aux fondements de l’anthropisation de la Dombes, une composante clé marque le paysage dombiste : l’étang. Ainsi, dans une Dombes marécageuse, les habitants ont su s’adapter à leur biotope en fondant l’ensemble de leur pratique agricole sur la pisciculture. Ce sont les paysans de l’époque gallo-romaine qui ont initié l’élevage de poisson. Les premières zones de pisciculture correspondent aux aires de dépression géologique, où l’eau provenant des eaux de pluie ne peut ni s’infiltrer (saturation des argiles) ni se vidanger naturellement (topographie circonscrite). Or, face à une hydrologie dépendant exclusivement des précipitations, cette pisciculture primitive est instable. Ainsi les paysans, incapables de soutenir une production régulière et maîtrisable, ont impulsé la création d’un système d’étangs plus complexe pour une meilleure maîtrise de l’eau. C’est au Moyen-Âge que les premiers étangs voient le jour. En construisant des superstructures de surface telles que des digues, des chaussées et des ouvrages de vidange, les paysans dombistes ont acquis une maîtrise beaucoup plus


26

chapitre 1

PÊCHE Le poisson est rassemblé au niveau de la pêcherie et pêché par les pisciculteurs

ASSEC L'étang vidé de son eau est mis en culture pour un cycle d'un an

VIDANGE La bonde est ouverte, l'étang se vide de son eau dans le fossé de dérivation

REMPLISSAGE L'étang en aval est rempli pour un nouveau cycle d'évolage

ÉVOLAGE L'étang est mis en eau pour un cycle de trois à cinq ans


partie 2

Figure 11 Alternance de l’assec et de l’évolage, auteure, 2020

27

grande de l’eau, passant ainsi d’un statut de risque à celui d’une ressource précieuse pour la production agricole. Au XIIIème siècle, la pratique piscicole se complexifie cette fois par la mise en place d’un système agro-piscicole, combinant l’élevage de poisson avec la culture céréalière.

« par volonté ou par hasard, on s’est aperçut que l’on pouvait cultiver avec profit le sol que les eaux stagnantes avaient abandonné après l’avoir enrichi en matières organiques et minérales »

En alternant dans le temps et dans l’espace des périodes de mise en eau et de culture de la terre, la production piscicole s’est vue complétée par celle de nombreuses autres denrées. Suivant un cycle triennal, l’étang est d’abord mis en eau pour permettre la croissance du poisson et l’enrichissement du sol en matière organique : c’est l’évolage. Au terme de cette période de deux à trois ans, l’eau est viCharles Avocat, 1975 dangée dans un étang situé en aval et la terre est cultivée pendant une année : c’est l’assec. Pendant cette période, Voir vol. 1, chap. 1, part. 2-3 les cultures aèrent le sol et minéralisent les matières organiques, ce qui rend la production piscicole d’autant plus productive le cycle suivant. Par la construction d’étangs, les habitants ont profondément transformé le paysage dombiste. En effet, l’assèchement d’une grande partie des terres s’est accompagné de la diversification de la flore sur les terres émergées. Finalement, l’activité agricole a produit un paysage nouveau, réunissant étangs et forêts, qui s’accompagne alors d’une diversité floristique et faunistique beaucoup plus importante que celle correspondant à un écosystème de marais. En somme, le développement de la coutume agro-piscicole a engendré la complexification de l’ensemble de l’écosystème dombiste, et ce en conséquence d’une transformation du milieu par la communauté humaine. En cela, l’histoire anthropique de la Dombes témoigne de la capacité des êtres humains à transformer leur milieu tout en participant à l’épaississement de leur territoire.


28

chapitre 1


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1 | PARTIE 3 LA FERME, MANIFESTE CONSTRUIT Figure 12 Ferme de Grange-Neuve à Francheleins, Philip Heckhausen, 2017 « Dans la Dombes, il existe d’importantes fermes indépendantes situées au milieu des champs. Elles réunissent les fonctions d’habitation, d’élevage et de stockage en une ferme commune carrée en U. » Roger Boltshauser, 2019 Voir vol. 1, chap. 1, part. 4

Si l’étang représente un manifeste agricole du milieu dombiste, la ferme en est un manifeste construit. En effet, de la même manière que la pratique piscicole est née des spécificités du territoire, l’architecture des fermes en Dombes témoigne d’un usage de ressources matérielles et immatérielles produites par le milieu. Toutefois, les fermes considérées comme expressives quant au spécificités dombistes sont celles dont la construction est antérieure à la seconde moitié du XXème siècle. Pour cause, dans le troisième chapitre du mémoire, la globalisation des ressources pour la transformation du territoire et en particulier pour la construction est associée à la période de reconstruction de l’après-guerre. En conséquence, il s’agit ici de considérer comme manifeste du paysage les bâtiments édifiés avant cette période, de toute évidence reconnaissables par un usage de ressources matérielles et de savoir-faire très spécifiques. Au cours du développement de la coutume agro-piscicole, la transformation agricole de la Dombes par ses paysans s’est accompagnée du second acte qui fonde la notion d’habiter : construire. Il s’agit ici d’interroger les formes traditionnelles de l’architecture agricole en Dombes et le rapport à son contexte mésologique. Comme énoncé précédemment, le territoire s’est rapidement vu maillé d’un réseau d’étangs. L’une des conséquences premières de cette structure spatiale se trouve dans la dispersion de l’habitat sur le territoire. En effet, l’architecture agricole nécessitant un accès rapide à l’espace cultivé, de nombreuses fermes ont été édifiées à l’écart des villages ; entre champs, forêts et étangs. Dispersées sur ce vaste plateau au climat parfois rude, la les fermes dombistes présentent une morphologie très homogène. Les nombreux bâtiments s’articulent autour d’une cour centrale, s’ouvrant parfois sur un ou deux pans


30

chapitre 1

13

1

2

3 4

14

5

1

6

8

15 7

13

12

9

11

10 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15

étable logement des chèvres habitation portique cour puits couvert porcherie fournil aire de battage chambre de domestique hangar écurie mare potager fumière

7


partie 3

Figure 13 Auteure, Plan d’une ferme de la Dombes au XXème siècle, 2020

31

vers l’espace cultivé. Le plus souvent, les murs externes de la ferme sont aveugles pour se protéger des vents d’hiver. En conséquence, le corps de ferme tire son éclairage et sa ventilation des petites ouvertures situées sur la cour. Généralement, les corps de ferme accueillent plusieurs foyers qui travaillent ensemble pour la production agro-piscicole. Etant donné l’éloignement des fermes aux villages environnants, la ferme est le théâtre de la communauté paysanne. La cour, support des nombreuses activités de stockage et de production, accueille la mise en commun des biens et des constructions au service de la communauté. Le four à pain ou la fumière sont utilisés par l’ensemble des membres de cette communauté fermière qui, exclue d’une part de la vie commune villageoise par l’isolement géographique, trouvent dans la ferme une forme de sociabilité nécessaire à la vie humaine. Au-delà de l’expressivité des fermes sur les rapports sociaux des paysans, leur architecture témoigne des ressources matérielles et immatérielles du milieu. En effet, en Dombes comme ailleurs, les bâtiments agricoles de l’avant-guerre sont des produits du territoire par leur caractère vernaculaire modeste. Par là, la difficulté du transport de matériaux et la faible diffusion de l’information à cette époque génère une architecture nécessairement locale. Dans l’architecture agricole de la Dombes, force est de constater que l’emploi du pisé fait coutume. Placés sur un soubassement minéral en galets liés par de la chaux et surmontés d’une charpente en chêne couverte de tuiles en terre cuite, les épais mur en pisé de la Dombes présentent les caractéristiques biotiques et abiotiques du milieu dombiste.


ITS FOURNIL

32

chapitre 1

FOURNIL

PIGEONNIER PIGEONNIER

SOUEPIGEONNIER À COCHONS ÉTABLE

ÉTABLE

PUITS PUITS

PUITS FOURNIL

SOUE GRENIER SOUE À COCHONS À COCHONS

GRENIER SOUE À COCHONS ÉTABLE

FOURNIL FOURNIL

FOURNIL


partie 3

Figure 14 Auteure, Bâtiments agricoles dombistes, 2020

33

Si l’ensemble du plateau de la Dombes est maillé de fermes tant similaires par leur typologie que par leur système constructif, c’est une réelle unité architecturale qui s’est formée au cours des siècles grâce au travail des communautés exploitantes. Conséquence directe de l’anthropisation du milieu, les formes vernaculaires de l’architecture rurale forment avec le système agro-piscicole une évolution singulière du milieu originel : elle se fonde sur la mobilisation conjointe de l’eau et de la terre par les hommes. En Dombes, l’acte habitant d’investir le milieu est tout aussi sensible à travers l’étude du système agricole que par celle des formes construites qui l’accompagnent. Les deux actes transformatifs du milieu que sont cultiver et construire révèlent en Dombes leur complémentarité : l’influence mutuelle de l’architecture et de l’agriculture, à travers le travail indissociable de l’eau et de la terre, constitue les fondements d’une communauté rurale.


34

chapitre 2

Figure 15 D66, auteure, 2021


CHAPITRE 2 L’ÉROSION DU MILIEU

Charles Avocat, 1975

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« L’impact de l’homme sur le milieu dans lequel il vit et travaille apparaît rarement à brève échéance ; il s’agit plutôt d’une série de transformations partielles dont aucune, prise isolément, n’a valeur de dégradation. C’est à partir d’un certain seuil qu’il faut s’efforcer de définir chaque fois, l’ensemble qui est significatif et peu, à terme, entrainer une rupture d’équilibre et de péjoration. »


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chapitre 2


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2 | PARTIE 1 UN PAYSAGE MUET

Figure 16 Auteure, Lotissement de Monthieux, 2021 « J’ai découvert qu’il n’est pas bien difficile de faire passer ce sentiment d’appartenance spontané à une perception des caractéristiques biotiques d’une région, pour autant que les gens soient assez conscients des spécificités locales. » Kirkpatrick Sale, 2018

Au travers de l’histoire anthropique de la Dombes, la capacité des hommes à complexifier leur écosystème est appuyée. En ce sens, les manifestes du paysage que sont l’étang et la ferme attestent de l’épaississement du milieu dombiste suite à sa transformation par les communautés humaines. Pourtant, l’évolution contemporaine de l’écosystème semble témoigner d’une orientation toute autre pour le territoire : sa simplification, appuyée par des marqueurs tels que la réduction drastique de la biodiversité ou la dégradation de la qualité de l’eau, atteste d’un phénomène d’érosion du milieu. Pour cause, l’unification des pratiques agricoles et constructives à l’échelle du pays, voire du monde. D’une part, la révolution des pratiques culturales, représentée par la mécanisation et l’emploi d’intrants chimiques, met en péril les coutumes agro-piscicoles. D’autre part, la globalisation des matériaux autant que celle des technicités pour la construction des lieux de vie symbolise l’abandon des matières et des savoir-faire locaux. En cela, c’est l’abandon conjoint des ressources agricoles et architecturales produites par le milieu dombiste, au profit d’une globalisation des pratiques à l’échelle de l’ensemble des territoires habités, qui est à l’origine de ce processus de dégradation écosystémique. En conséquence de l’usage de ressources globalisées, le paysage dombiste devient muet. En effet, ce paysage évolue au gré des transformations humaines ; or, il n’atteste le plus souvent aujourd’hui que de ses similitudes avec de nombreuses campagnes françaises. Si quelques manifestes du milieu subsistent dans ce vaste paysage devenu banal, ceux-ci sont mis en péril par un désintérêt commun et surtout par l’absence de leur renouvellement. Or, au-delà des dégradations de l’écosystème à travers celles de son biotope et de sa biocénose, c’est sur les conséquences humaines qu’il faut porter notre attention.


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chapitre 2


partie 1

Figure 17 Auteure, Lapeyrouse, 2021 « La déterritorialisation est aussi marquée par l’amnésie des savoirs et des compétences liés au processus de construction de la ville et du territoire. » Alberto Magnaghi, 2014

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En effet, les conséquences de notre attitude transformative contemporaine sur l’environnement sont bien connues. Cependant, la place de l’être humain comme une composante même de la biocénose pousse à interroger l’impact de cette banalisation des territoires sur l’existence humaine elle-même. En replaçant les communautés humaines au cœur du système mésologique, force est de constater que l’érosion des écosystèmes s’accompagne de celle de la condition humaine. En Dombes comme ailleurs, les individus sont confrontés à un processus de perte d’identité par la disparition d’ancrages géographiques, phénomène que l’école territorialiste nomme « déterritorialisation ». Face à ce phénomène lui-aussi globalisé d’érosion de l’identité individuelle, les rapports entre individualité et communauté doivent être questionnés. En effet, il s’avère que la richesse de l’identité individuelle se construit sur le sentiment de communauté. Or, lorsque celui-ci n’est plus fédéré par un milieu — et ce parce que son paysage n’est plus éloquent — alors le sentiment d’ancrage géographique s’effondre. En d’autres termes, le sentiment de déterritorialisation est un symptôme de la disparition des communautés habitantes, elle-même témoignant du processus d’érosion territoriale. Par conséquent, c’est en comprenant les conditions de la dissolution d’une communauté que le projet de paysage peut prétendre à la construction d’une conscience nouvelle ; celle du milieu.


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chapitre 2


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2 | PARTIE 2 LA DISSOLUTION DE LA COMMUNAUTÉ PISCICOLE Figure 18 Pêche du Longe-Étang, auteure, 21 janvier 2021 « Voilà une trajectoire historique unique, celle d’un groupe social qui était le tout d’une société, et qui n’en est plus qu’une fraction très réduite. Les paysans étaient le cœur des campagnes ; ils sont maintenant un acteur parmi d’autres de la ruralité. Ils forment un monde en soi, ils ne sont plus qu’une catégorie socioprofessionnelle. »

Pour interroger les conditions d’érosion du milieu dombiste, il est nécessaire de comprendre le désancrage géographique de ses habitants. Pour cela, c’est la communauté piscicole qui doit être étudiée. En effet, cette communauté habitante est le produit des coutumes agro-piscicoles, elles-mêmes conditionnées par les manifestes du paysage que sont l’étang et la ferme. En ce sens, pour comprendre en quoi les coutumes agricoles et architecturales de la Dombes sont en péril, il s’agit de mettre en lumière l’effacement du sentiment de communauté fédéré par la pratique de la pisciculture en Dombes.

Par le passé, les conditions très rudes du milieu dombiste, combinées au développement d’un usage spécifique de l’eau et de la terre, ont initié le regroupement des paysans autour d’une pratique commune ; la pisciculture. Cette pratique, répandue et développée dans le temps et l’esBruno Hérault, 2016 pace, a conduit à la construction d’une coutume renforcée par la création d’un droit coutumier de ces pratiques agro-piscicoles. Par là, une communauté paysanne s’est fondée par la réunion des agro-pisciculteurs, intimement liés à ces pratiques, et de la communauté villageoise dont le quotidien est rythmé par la coutume piscicole, et ce par le biais de ses productions. En effet, si l’ensemble du paysage construit témoigne de l’importance passée de la pisciculture en Dombes, le mode de vie de ses habitants en est aussi largement impacté. Par le passé, la communauté piscicole s’est fondée sur l’usage et la production des étangs. D’une part, la particularité du droit en Dombes, qui veut que la propriété de l’eau soit dissociée de la propriété de la terre, implique une nécessaire conciliation et d’intense rapports sociaux entre les différents propriétaires d’un même chapelet d’étang. D’autre part, l’activité piscicole peut largement compter sur le soutient de la population lyonnaise pour la consom-


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chapitre 2


partie 2

Figure 19 Auteure, Pêche du LongeÉtang, 21 janvier 2021

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mation quotidienne du poisson, lors des jours maigres imposés par l’Eglise. Or, cet usage autant que la valeur des productions piscicoles sont aujourd’hui mises à mal par la globalisation des ressources et des modes de vie. D’un côté, les politiques agricoles communes ont fortement incité les propriétaires à abandonner le cycle traditionnel assec-évolage. Cela se traduit soit par l’abandon de l’entretien de l’étang, avec une mise en eau continue et une absence de production piscicole ; soit par l’assèchement définitif de l’étang, ce qui induit l’absence de fertilisation des terres par l’évolage et donc la nécessité d’utiliser des intrants chimiques. Or, parce que chaque étang est dépendant de la gestion des autres situés en amont, tous subissent les conséquences de cette rupture du cycle triennal. De fait, un grand nombre de propriétaires choisissent d’isoler leur étang du réseau pour travailler de manière indépendante : par conséquent, les échanges entre les différents acteurs de la filière piscicole, pourtant très riches par le passé, sont aujourd’hui réduits au silence. De l’autre côté, les productions des étangs ont largement perdu de leur valeur : la régression de la place de la religion dans les foyers au cours des dernières décennies, associée à l’existence d’un marché nouveau de poisson à l’échelle internationale, conduit indéniablement à la fragilisation de l’économie dombiste. La carpe, poisson d’une grande valeur par le passé, est dépréciée par la population lyonnaise autant que par les habitants dombistes. De fait, elle est délaissée au profit d’un mode de consommation lui-aussi globalisé. En somme, si l’individualité habitante est mise en péril par l’érosion du territoire dombiste, c’est parce que la communauté piscicole n’est plus fédérée par l’usage et les productions de l’étang.


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chapitre 2


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2 | PARTIE 3 DE LA COMMUNAUTÉ AU BIEN COMMUN Figure 20 Auteure, Étang de Monthieux, 2020 « Elinor Ostrom pense les communs au carrefour de trois entités : une communauté, une ressource et l’ensemble des règles qu’elle édicte à son entour pour inscrire sa gestion sur le long terme. » Léa Eynaud, 2019

Dans la construction de l’identité individuelle, le sentiment de communauté est fondamental. Or, lorsque cette communauté se dissout, il est nécessaire de comprendre les conditions de ce processus d’érosion. À l’origine de toute communauté, il y a une notion majeure : celle de l’intérêt commun. Aussi, si la fragilité de la filière piscicole vient d’être mise en lumière à travers celle de l’usage de l’étang et ses productions, il faut ainsi comprendre ces deux tenants de la pisciculture comme les composantes d’un intérêt commun. Par là, on constate que c’est l’intérêt du groupe habitant dombiste pour la pratique et production piscicole qui s’est dissolu, entraînant avec lui la déconstruction du sentiment de communauté. Au début des années 1990, Elinor Ostrum met en lumière les rapports entre la communauté et la notion de « commun ». D’après sa définition, le commun peut être entendu comme la mise en place de règles d’accès et de partage d’une ressource - matérielle ou immatérielle - par une communauté donnée. En d’autres termes, la communauté se fédère autour d’un bien commun, alors perçu comme une ressource par les habitants qui en organisent ensemble la gouvernance sur un territoire. Par là, on comprend que l’érosion du milieu dombiste est intimement lié à la disparition des communs et du droit coutumier qui régissait leur usage. Or, si celle-ci induit la dissolution de la communauté dombiste, cela signifie que l’une des ressources de la pisciculture est en crise. Au regard de l’évolution de l’écosystème dombiste, on peut en déduire que c’est l’eau, ressource fondamentale et précieuse pour la pisciculture et donc pour le milieu dombiste, qui est le bien commun mettant en péril la communauté piscicole. En cela, il s’agit désormais de comprendre en quoi la ressource hydrique est fragilisée et de quelle manière cela influence la crise de la filière piscicole.


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chapitre 2


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2 | PARTIE 4 L’EAU, FRAGILITÉ D’UN BIEN COMMUN Figure 21 Ivan Shishkin, The dark wood, 1876 « À partir des années 1960, le lessivage des sols sur lesquels sont épandus des engrais industriels ou fossiles en excès contribue à la dégradation des écosystèmes aquatiques. » Augustin Rosenstiehl, 2020 « Ici, même nécessité d’une régulation que pour le sol cultivable de manière à préserver cette ressource qualitativement et quantitativement. » Claude Raffestin, 2019

Dès lors, on comprend l’eau comme le premier bien commun qui fédère la communauté piscicole. Or, comme énoncé plus tôt, l’eau est également un témoin de la dégradation de l’écosystème dombiste depuis la fin du siècle dernier. En effet, l’étude du biotope dombiste révèle un affaiblissement conjoint de la quantité et de la qualité de l’eau, devenant ainsi des indicateurs fondamentaux pour juger de l’état de l’écosystème. D’une part, la quantité d’eau est un indicateur de l’érosion du milieu. Etant donné que la ressource hydrique en Dombes provient exclusivement des précipitations, la moindre perturbation pluviométrique a des conséquences drastiques pour l’état de l’écosystème. Or, dans un contexte trop connu de dérégulation climatique, force est de constater que la Dombes n’est pas épargnée. En effet, depuis deux décennies, les rapports sur les ravages de la sécheresse en Dombes se multiplient. Si la pluviométrie annuelle n’a pas évolué de manière drastique, c’est plutôt la dérégulation de la quantité d’eau reçue en fonction des saisons qui pose problème. L’accentuation des contrastes entre un hiver très humide et un été très sec rend le remplissage des étangs très difficile en période sèche. Or, c’est en été que l’eau s’évapore le plus, condamnant les pisciculteurs à sacrifier une partie des étangs pour maintenir les autres en état de fonctionnement. Malgré cette décision, une grande partie du poisson meurt avant la fin du cycle d’évolage et les productions piscicoles sont très faibles. D’autre part, la qualité de l’eau témoigne également de ce processus d’érosion. En effet, les indicateurs de polluants relevés dans l’eau des rivières et des étangs attestent d’une importante dégradation de la qualité hydrique. Pour cause, l’usage des intrants chimiques dans les grandes cultures du plateau dombiste a été fortement augmenté ces dernières décennies. Or, parce que le sol a tendance à


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chapitre 2


partie 4

Figure 22 Auteure, Étang Bochet, 2021 « De nombreuses approches se sont en effet largement attachées à démontrer le rôle central de l’eau dans l’organisation et l’appropriation de l’espace, dans la construction des représentations collectives et individuelles ou encore dans la structuration des relations sociales et économiques des sociétés locales. »

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se saturer en eau, les pluies ne s’infiltrent pas mais ruissellent de l’amont vers l’aval des bassins versants. Dans leur parcours, elles se chargent en polluants chimiques et en matières organiques qui dégradent la qualité de l’eau, et avec elle celle des écosystèmes qui en dépendent. L’une des conséquence majeure se trouve dans le rendement de la production piscicole et dans l’état des cours d’eau : la flore et la faune aquatique, parmi laquelle on trouve les poissons élevés dans les étangs, sont particulièrement touchés par cette pollution et beaucoup d’espèces végétales et animales sont en péril.

En somme, l’état actuel de la qualité et de la quantité d’eau en Dombes révèle la fragilité de cette ressource. Or, le caractère fédérateur de ce bien commun pour la communauté piscicole ne doit pas être négligé pour proposer une nouvelle manière de transformer le milieu. En ce sens, Stéphane Ghiotti, 2006 le projet de paysage énoncé en début de propos doit être produit en faveur de ce bien commun piscicole : l’eau. Par là, il doit accueillir la construction d’une nouvelle communauté autour de ce renouveau du commun. En d’autres termes, le projet agricole - compris comme l’acte de cultiver — doit favoriser le renouveau de l’eau comme bien commun ; le projet architectural - entendu comme l’acte de construire — doit accompagner la fédération d’une nouvelle communauté piscicole.


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chapitre 3

Figure 23 Auteure, Étang de Monthieux, 2020


CHAPITRE 3 À LA SOURCE DU BIEN COMMUN

” Sébastien Marot, 2020

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Car on ne développe jamais aussi bien la faculté de créer, d’entretenir et de conserver une chose lorsque celle-ci, fragilisée à l’extrême, frappée de rareté ou d’extinction, menace à tout instant de s’évaporer.


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chapitre 3

La Veyle

La Chalaronne

La Saône

L’Ain

Le Rhône

10 km


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3 | PARTIE 1 LE BASSIN VERSANT DE LA CHALARONNE Figure 24 Auteure, Situation du bassin versant de la Chalaronne dans la Dombes, 2021 « La Nature avait fait elle-même le partage du globe dès son origine ; elle avait divisé sa surface en une infinité de parties et les avait séparées les unes des autres par des barrières que la durée des temps et toutes les interventions humaines ne pourront jamais détruire. »

L’eau, identifiée comme le bien commun fondateur de la communauté piscicole, est dégradée. Pour cause, c’est sa mauvaise qualité et sa faible quantité, induites par la mutation des pratiques agricoles, les dérégulations climatiques ainsi que l’abandon du système assec-évolage, qui dégrade l’écosystème dombiste. Aussi le projet de paysage, dont la vocation est de complexifier l’écosystème par la production d’un manifeste du milieu, doit être conçu en faveur d’une meilleure qualité et d’une gestion de la quantité de l’eau sur le territoire.

Pour cela, l’échelle du bassin versant se présente comme un outil pertinent pour concevoir le renouveau de la communauté piscicole. En traitant cette problématique sur une portion de territoire circonscrit, la proposition apportée peut ainsi être envisagée dans sa multiplicité, c’est-àdire adaptée à l’échelle d’autres bassins versants dans la Jean-Nicolas Buache, 1998 Dombes. Comme énoncé plus tôt, la Chalaronne prend sa source au cœur de la Dombes. Elle s’écoule au nord-ouest du plateau et termine son cours dans la Saône. Plus encore que certains affluents, la qualité de l’eau de la Chalaronne est médiocre. Canalisée sur certaines portions, entourée de grandes cultures, elle reçoit les eaux polluées de l’ensemble de son bassin versant. En été plus encore, les coefficients de pollution sont importants : la majeure partie de l’eau de pluie est stockée par les étangs, ce qui augmente la concentration des polluants dans le peu d’eau restant. Or, parce qu’une grande partie de ses berges sont aménagées, la ripisylve (végétation de bordure) se fait rare, ses capacités d’épuration sont donc très faibles.


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chapitre 3

Exutoire

La Chalaronne

Étang du Grand Glareins

Monthieux

La Brévonne

5 km


partie 1

Figure 25 Auteure, Le bassin versant de la Chalaronne, 2021

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L’ambition du projet de paysage ne se trouve pas dans la radicalité. En effet, les conséquences de la globalisation des modes transformatifs prouve bien que l’application indifférenciée d’une méthode sur un ensemble de portions de territoire n’a pour conséquence que l’érosion du milieu. Au contraire, c’est par la reconnaissance des spécificités d’un lieu et l’adaptation de cette méthode à ses caractéristiques que l’on peut prétendre à l’épaississement du territoire. De fait, il ne s’agit pas de proposer un projet de paysage sur l’ensemble du bassin versant de la Chalaronne, mais plutôt de travailler sur un lieu restreint en imaginant les conséquences de cette intervention sur l’ensemble du territoire. Le lieu choisi se trouve à l’est du village de Monthieux. Cette commune correspond au point le plus en amont du bassin versant : c’est là que la Brévonne prend sa source pour alimenter la Chalaronne. Il s’agit d’un cours d’eau discret, dont l’apparence rappelle celle d’un fossé. Prenant sa source à l’étang de Monthieux, la Brévonne traverse le village avant de parcourir champs, bois et prairies, jusqu’à l’étang du Grand Glareins qu’elle alimente. Au sortir de cet étang, l’eau s’écoule dans la Chalaronne et on considère, par là, que la Brévonne est son premier affluent.


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chapitre 3


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3 | PARTIE 2 LA BRÉVONNE, MANIFESTE EN PUISSANCE Figure 26 Auteure, La Brévonne à Monthieux, 2020

Aussi, c’est à la Brévonne que l’on s’intéresse pour proposer un projet de paysage. Bien qu’elle soit située en amont de bassin versant, la Brévonne présente une qualité d’eau très mauvaise. Dès sa sortie de l’étang de Monthieux, l’eau est canalisée entre les parcelles du village. Lorsque les habitations laissent place aux prairies, la Brévonne s’écoule de manière rectiligne entre les parcelles cultivées, recueillant ponctuellement l’eau des fossés alentours. Située au point le plus bas du relief périphérique, le lit de la Brévonne reçoit l’ensemble des eaux de ruissellement des cultures environnantes. Or, la Brévonne ne présente aucune capacité d’amélioration de la qualité de l’eau. L’absence de végétation de bordure ôte au cours d’eau sa fonction d’épuration. Par conséquent, la Brévonne reçoit des eaux de médiocre qualité qu’elle n’est pas en capacité d’épurer : ainsi, elle se contente de canaliser une eau polluée jusqu’à la Chalaronne. De même, elle n’est l’habitat d’aucune biodiversité faunistique comme floristique. En effet, l’association d’une eau polluée avec l’absence de ripisylve rend la Brévonne hostile à la vie animale, au-delà de l’élevage. Pourtant, les rivières sont des zones humides fondamentales pour le développement de la flore et de la faune sauvage. Elles constituent des corridors écologiques majeurs et représentent une composante essentielle pour le maintient de la biodiversité, et ce par leur potentiel d’habitat, de lieu d’alimentation et de reproduction. En somme, la Brévonne n’est aujourd’hui qu’un support de circulation de l’eau sans aucune fonction écosystémique. D’une part, elle n’assure ni le stockage ni l’épuration de l’eau ; d’autre part, elle n’accueille aucune diversité biologique. Par là, la Brévonne est représentative de l’état général du bassin versant de la Chalaronne.


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chapitre 3

Étang de Monthieux

Village de Monthieux

La Brévonne

Prairies de Monthieux

Hameau du Maréage


partie 2

Figure 27 La Brévonne à Monthieux, photographie satellite, 2020

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Si le rôle de la Brévonne dans le fonctionnement de l’écosystème dombiste est insensible, sa fonction de manifeste pour les habitants l’est de même. Coulant entre les parcelles de prairies dès le début de son cours, l’accès physique des habitants de Monthieux à la Brévonne est impossible. En effet, l’ensemble de parcelles d’élevage situées à l’est du centre-bourg forment une enclave inaccessible par les individus. De même, la discrétion de la rivière par sa faible largeur et l’absence de végétation rend difficile la visibilité depuis le village, la route ou les chemins pédestres. En cela, le cycle de l’eau est effacé par les limites parcellaires, quant à elles mises en valeur par la présence de haies et de clôtures. Pourtant, le passé témoigne d’une représentation toute autre du parcours de l’eau à Monthieux. D’après la carte de l’État Major de 1886, un chemin suivait le cours de la Brévonne depuis le village jusqu’au hameau du Maréage. De cette manière, il proposait un cheminement piéton offrant aux individus une présentation tant du travail agricole sur les terres traversées que du parcours de l’eau sur cette portion du territoire dombiste. En ce sens, la suppression du cheminement au profit de l’exclusivité agricole prive la partie non agricultrice des habitants d’une part de leur paysage. De fait, si le paysage associé à la Brévonne est inexpressif par l’absence de ses fonctions écosystémiques, il l’est également par l’impossible accès visuel comme physique des habitants à son cours.


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chapitre 3


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3 | PARTIE 3 DU MILIEU AU LIEU, PROBLÉMATIQUE Figure 28 Jean Pierre François Lamorinière, Loneliness, landscape near Schilde, 1871 « Toute mutation agroéconomique est une mutation du territoire entendu comme un espace et une société. » Augustin Rosenstiehl, 2020

Énoncé plus tôt, le projet de paysage est un exercice de transformation du territoire dans une intention d’épaississement du milieu dombiste. Ici, il s’intéresse à la Brévonne comme une composante du paysage dont l’influence écosystémique se situe à l’échelle du bassin versant. Or, ce cours d’eau est caractérisé comme peu expressif quant au milieu dombiste : son rapport à la ressource en eau, bien commun pour la pisciculture, n’est que de la canaliser. Il n’offre ni sa mise en valeur, ni son soin. Dès lors, la Brévonne se présente comme un point de départ pour repenser les lieux qui l’accueillent. La commune de Monthieux, par son rapport à la Brévonne, devient le lieu du projet de fin d’études. Si la problématique de la dégradation de l’eau est commune à la majeure partie des cours d’eau dombistes, c’est dans ce lieu précis qu’une proposition de projet sera faite. Par conséquent, le projet de paysage doit se fonder sur la problématique du milieu tout en questionnant les particularités du lieu circonscrit dans lequel il s’installe. Par là, le projet entend construire un récit étroitement lié au lieu de projet tout en proposant des pistes pour la production de manifestes paysagers ailleurs dans la Dombes. En réponse à l’énoncé théorique du mémoire, une première problématique est exprimée : par quels moyens le projet de paysage, compris comme l’épaississement d’un milieu par l’effet conjoint de l’agriculture et de l’architecture, peutil fédérer une conscience nouvelle du milieu dombiste ? Face au propos tenu jusqu’ici, cette problématique peut être précisée : de quelle manière le projet de paysage, entendu comme la complexification d’un écosystème par l’influence conjointe de l’agriculture et de l’architecture, peut-il soutenir la communauté piscicole et en fédérer une conscience nouvelle du milieu dombiste ?


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chapitre 3


partie 3

Figure 29 Auteure, Les prairies de Monthieux, 2020

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Dès lors, le projet de paysage propose à Monthieux une transformation des lieux en vue de complexifier l’écosystème. Si cette complexification se situe à l’échelle d’une portion d’espace circonscrite, son influence doit être sensible à l’échelle du bassin versant. Par le biais d’une transformation agricole et architecturale de cette portion de territoire, c’est l’eau - bien commun piscicole - qui sera mobilisée comme fil conducteur du projet. En somme, le projet de paysage est motivé par l’amélioration de l’écosystème associé à la Brévonne en vue de fédérer une communauté agro-piscicole et, en cela, prétendre à la conscience nouvelle du milieu par ses habitants. Pour cela, les deux derniers chapitres concerneront la transformation des lieux par le projet de paysage, dans un premier temps par la proposition d’un manifeste agricole, dans un second temps par celle d’un manifeste architectural. Si le projet n’est pas exposé dans son ensemble, c’est plutôt les intentions et les ressources du projet de fin d’études qui seront développées.


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chapitre 4

Figure 30 Auteure, La Brévonne à Monthieux, 2020


CHAPITRE 4 UN MANIFESTE CULTIVÉ

” Georges Descombes, 2014

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Restaurer l’écosystème d’une rivière, c’est restaurer tout le paysage, le transformer, en tout cas le déformer.


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chapitre 4


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4 | PARTIE 1 DES MÉANDRES AU CHEMINEMENT Le projet agricole s’intéresse à une portion de territoire circonscrite du bassin versant pour espérer influencer positivement l’aval. Pour cela, nous nous intéresserons aux prairies de Monthieux en ce qu’elles sont le premier lieu d’écoulement de la Brévonne à sa sortie de l’étang (cf. par« La réorganisation des tie 2). Il s’agit de transformer cet ensemble prairial pour anciens terrains de proposer un redessin du cycle de l’eau, depuis les parculture fait disparaitre celles cultivées environnantes jusqu’au lit de la Brévonne.

Figure 31 Ivan Shishkin, Rain in an oak forest, 1891

la majeure partie des chemins vicinaux et autres sentiers ruraux, empêchant désormais ces réseaux ancestraux de relier les fermes, villages et bourgs, les rendant donc impropres à la promenade et à la découverte. »

Ici, l’objectif du projet agricole est de complexifier l’écosystème en place par le biais de ressources telles que le chemin, le bocage et la mare. Associées à d’autres outils transformant notamment la lisière, les types de culture ou le parcours de l’eau, il s’agit de ménager cette portion de terres pour en proposer un usage plus riche, en conservant la fonction première de production agricole tout en proposant des fonctions nouvelles telles que l’épuration et Augustin Rosenstiehl, 2020 le stockage de l’eau.

Voir vol. 2 : « Hydrologie : le cycle de l’eau »

D’abord, la première intervention concerne le redessin du lit de la Brévonne. En effet, ce cours d’eau présente aujourd’hui un tracé très rectiligne qui répond à la seule fonction de limite entre les différentes parcelles de prairies. Or, bien qu’il s’agisse d’un cours d’eau modeste par ses proportions, l’absence de méandres est une faiblesse. Comme détaillé dans la section « Hydrologie : le cycle de l’eau » du volume 2, le cours d’une rivière tire sa complexité d’un méandrement prononcé : il crée une diversité de profils et de types de berges, fait nuancer le débit de l’eau et ainsi accueille une flore dense et variée. En retraçant le lit de la Brévonne, elle s’adapte mieux aux conditions topographiques de l’ensemble prairial et elle est en mesure d’accueillir une bien plus grande richesse faunistique et floristique.


73.78.100

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chapitre 4

Parcelle boisée

Chemin pédestre sur l’ancien lit de la Brévonne

Prairie


partie 1

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Ensuite, le redessin de la Brévonne permet le tracé d’un chemin pédestre traversant les prairies de Monthieux. Grâce à la modification du lit du cours d’eau, ce cheminement peut ainsi prendre place au niveau de son ancien lit. Ici, le projet prend pour référence la renaturation de la rivière Aire par l’architecte et paysagiste Georges Des« L’empreinte, c’est une combes à Genève. Dans le cadre de ce projet, la trace de trace qui dure. » l’ancien canal est conservée par l’aménagement d’un jarGeorges Descombes, 2014 din et d’un chemin qui l’accompagne, tandis que le nouveau lit de la rivière se développe dans les champs.

Figure 32 Auteure, Sections paysagères : la parcelle boisée, le chemin pédestre et la prairie, 2021

En conservant le bras mort de la Brévonne et en y installant le nouveau cheminement, la trace de la rivière est conservée tout en produisant un écosystème plus complexe. Le chemin croise ponctuellement le nouveau cours de la Brévonne, offrant un regard aux passants sur le cours de l’eau tout en installant une distance suffisante le reste du temps pour voir s’installer la faune sauvage. De plus, l’ancien lit de la rivière complexifie la zone humide en place, offrant un réservoir d’eau très favorable au développement de la flore et de la faune. En somme, cette première intervention, composée du tracé d’un nouveau lit pour la Brévonne et de l’installation d’un cheminement pédestre, fonde les bases des transformations agricoles. Par la complexification du cours de l’eau, le biotope est en place pour accueillir une nouvelle diversité biologique. De même, la diversification de la zone humide permet une première réponse à la problématique de quantité et de qualité de l’eau. Enfin, la traversée de l’espace prairial depuis le village jusqu’au hameau du Maréage laisse entrevoir une nouvelle présentation du paysage dombiste aux habitants.


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chapitre 4


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4 | PARTIE 2 L’ÉPAISSEUR DU BOCAGE

Figure 33 Emilio Sánchez-Perrier, Winter in Andalusia, 1880 « Les remembrements successifs des terres font disparaître la majeure partie des aménagements naturels (haies, bosquets, etc.) qui structuraient un paysage complexe, fait d’imbrications. » Augustin Rosenstiehl, 2020 Voir vol. 2 : « Agriculture : les sols cultivés » et « Élevage : le paysage bocager »

Suite au redessin du lit de la rivière et du tracé d’un chemin pédestre, le second cycle d’intervention concerne la densification du paysage bocager. Avant les travaux de remembrement qu’ont subi les parcelles agricoles françaises au XXème siècle, le paysage dombiste était identifiable par ses nombreuses haies bocagères. Or, pour favoriser la mécanisation agricole, ce paysage a radicalement muté : les haies ont été arrachées, les fossés comblés les chemins agricoles condamnés. Pourtant, les bocages jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement des écosystèmes. En effet, ils sont favorables à la biodiversité et, dans un même temps, au rendement des cultures. Leurs bénéfices agricoles concernent notamment la protection du vent pour les cultures, l’apport d’insectes auxiliaires limitant les ravageurs ainsi que la maîtrise et l’épuration de l’eau par la présence des fossés. En conséquence, l’absence de haie produit l’effet inverse sur la production agricole. Les rendements sont amoindris tandis que la faune et la flore sauvage sont très limitées. De même, et l’histoire de l’assèchement des étangs en témoigne, la présence des haies favorise la production d’humus sur le sol, avec pour conséquence principale la limitation du ruissellement de l’eau. En d’autres termes, les haies bocagères préviennent du lessivage des sols en période humide, et favorisent ainsi l’épuration et le stockage de l’eau de pluie avant leur arrivée dans les rivières. De fait, le redessin du paysage bocager participe à la complexification de l’écosystème en Dombes. Aidé par une restructuration du parcellaire — établi dans une utopie juridique l’autorisant — le redessin des lisières agricoles s’inscrit dans une dynamique d’amélioration du cycle de l’eau sur cet ensemble prairial. Toutefois, le paysage boca-


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chapitre 4

Haie bocagère

Bande maraîchère

Chemin agricole


partie 2

Figure 34 Auteure, Sections paysagères : la haie bocagère, la bande maraîchère et le chemin agricole, 2021

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ger ne se compose pas seulement des haies : il s’accompagne de chemins agricoles et de fossés. Les chemins agricoles et les fossés naissent de l’affirmation des limites parcellaires. Or, si les prairies de Monthieux sont aujourd’hui d’une taille raisonnable au regard des parcelles, l’usage réel de ces limites est tout autre. En effet, de nombreuses parcelles appartiennent à un même propriétaire, ce qui autorise l’effacement des limites. Pourtant, lorsque les lisières sont affirmées, elles offrent de réels potentiels pour la pratique agricole. De fait, la mise en place des haies permet l’aménagement de chemins praticables par les engins agricoles, ainsi que celui de fossés permettant une meilleure maîtrise du cycle de l’eau. Finalement, cette seconde série d’interventions entend complexifier l’écosystème prairial par le biais du paysage bocager. Par l’intermédiaire de haies diversifiées, de chemins agricoles et de fossés, il s’agit de rendre le nouveau circuit de l’eau bénéfique tant pour la pratique agricole que pour l’ensemble de l’écosystème. Par ce biais, l’ensemble prairial enclavé devient perméable tant pour les hommes que pour la faune sauvage. Dès lors, la production d’un paysage bocager laisse entrevoir la diversification possible des modes culturaux sur ces terres, aujourd’hui difficilement imaginable par le lessivage des sols et les vents forts fragilisant les petites cultures.


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chapitre 4


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4 | PARTIE 3 RALENTIR, LA POÉTIQUE DE LA MARE Figure 35 Konstantin Kryzhitsky, The bog, 1885

Enfin, une troisième série d’interventions permet d’accroître le degré de complexité des prairies de Monthieux. Ici, l’aménagement interroge la capacité des systèmes culturaux eux-mêmes à épurer et stocker l’eau. En effet, le projet agricole vise à prouver un potentiel symbiotique entre les pratiques agricoles et l’écosystème dans lequel il s’inscrit. De fait, il s’agit de comprendre par quels moyens l’agriculture est en mesure d’impacter positivement de cycle hydrique, et ce en bénéficiant réciproquement d’une meilleure productivité. En ce sens, il s’agit de transformer l’unité prairiale par la diversification des modes culturaux. En effet, si les prairies sont précieuses pour les écosystèmes, c’est surtout leur interrelation avec d’autres modes de production qui est bénéfique. En s’inspirant de la polyculture-élevage traditionnelle en Dombes, il s’agit de conserver les bénéfices des prairies tout en les combinant avec d’autres modes de production. Pour diversifier les modes de culture à Monthieux, plusieurs ressources sont employées : le maraîchage, le pré-verger et la mare. Le maraîchage, d’abord, s’installe en lisière du groupe de parcelles. Nécessitant une surface limitée pour garantir son accès par les travailleurs agricoles, il s’installe entre les parcelles habitées et est rendu accessible par la route autant que par les nouveaux chemins agricoles. Si le maraîchage n’est pas une spécificité ancestrale du milieu dombiste, son absence marque profondément les productions agricoles tandis que les quelques exploitations en place prouvent bien sa viabilité en Dombes. Les pré-vergers, ensuite, représentent une complexification des prairies déjà présentes. En combinant l’élevage d’animaux avec la mise en place de vergers, ce mode de culture caractéristique de l’agroforesterie est un bel


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chapitre 4

Pré-verger

Mare

Nouveau lit de la Brévonne


partie 3

Figure 36 Auteure, Sections paysagères : le pré-verger, la mare et le nouveau lit de la Brévonne, 2021

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exemple d’un fonctionnement symbiotique de l’agriculture. D’une part, les prairies ralentissent le ruissellement de l’eau par la production d’humus par les arbres. D’autre part, la présence d’animaux est bénéfique pour la croissance des arbres. Densifiant certaines prairies existantes, les pré-verger complètent les fonctions d’épuration et de stockage de l’eau de pluie. Les mares, enfin, sont des ouvrages fondamentaux de ce projet agricole. Très nombreuses dans les champs, les prairies et les forêts, leur présence est intimement liée à la nature des sols. De la même manière que les étangs, l’eau stagne par la saturation des argiles. Par le détournement des eaux de ruissellement par le biais des fossés jusqu’aux mares, l’eau de pluie est stockée et épurée par la flore avant son rejet dans la rivière. Finalement, le projet agricole se fonde sur la diversification des types d’agriculture au service d’un écosystème plus riche, dont la complexité provient directement d’un nouveau cycle de l’eau. En combinant différents modes de culture avec des aménagements tels que des fossés, des chemins, des haies ou des mares l’ensemble prairial de Monthieux représente un micro-milieu qui, malgré son échelle restreinte, est bénéfique pour l’ensemble du bassin versant par l’amélioration de la qualité de l’eau. En optant pour la lenteur des écoulements, l’eau de pluie chemine de fossé en mare avant d’atteindre le cours d’eau. D’un chenal uniquement support de pollution, la Brévonne se métamorphose en une source de diversité écosystémique, garante de l’eau comme bien commun pour l’ensemble de la communauté dombiste.


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chapitre 5

Figure 37 Auteure, Grange-Volet, 2021


CHAPITRE 5 UN MANIFESTE CONSTRUIT

” Lucien Kroll, 2012

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Le paysagisme, lui, est holiste de naissance et lorsque l’architecture s’y fond, elle devient aussitôt outil de civilisation.


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chapitre 5


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5 | PARTIE 1 LES USAGES DE LA COMMUNAUTÉ Figure 38 Teo Nguyen, Untitled 46, 2019

Dans le cadre de ce projet de paysage, l’acte agricole vise l’épaississement du milieu par l’aménagement de la Brévonne et de son ensemble prairial. Cette intervention entend rendre à la ressource en eau son statut de bien commun, et ce par le biais de son soin. Par là, le projet agricole répond à la problématique énoncée en rétablissant le bien commun nécessaire pour fédérer la communauté piscicole. Au terme de l’exposé de cette intervention agricole, c’est le projet architectural qui doit être défini. Présenté comme le second acte dans la construction d’un lieu de vie pour l’homme, ce projet d’architecture doit s’inscrire dans la dynamique amorcée par l’intervention agricole. Dans ce même lieu, son intérêt est cette fois d’accompagner le renouveau de la communauté piscicole. En ce sens, l’architecture proposée doit être en mesure de structurer cette nouvelle communauté. Dès lors, ce projet doit répondre à plusieurs enjeux. D’abord, le renouveau de la pisciculture ne peut exister que par le retour des échanges entre les agro-pisciculteurs, de même qu’avec les habitants. De fait, le projet doit être en mesure d’accueillir ces nouvelles sociabilités communautaires. Ensuite, la production piscicole intensifiée doit trouver un lieu de valorisation. Aussi, le projet doit proposer des espaces de transformation, de consommation et de distribution de ces nouvelles productions agro-piscicoles. Enfin, ce renouveau communautaire doit être entendu dans sa vulnérabilité : le projet, en tant que manifeste, doit être expressif quant à la fragilité de l’eau comme bien commun. Aussi, cette architecture doit s’inscrire dans la même dynamique de complexification écosystémique que l’intervention agricole, œuvrant pour le renouveau d’une population cultivatrice par le biais de son éducation.


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chapitre 5

RESSOURCE EN EAU bien commun piscicole fragile

SOIN complexification de l’écosystème

RENOUVEAU DE LA PISCICULTURE fédération d’une nouvelle communauté piscicole

+ SOCIABILITÉS

+ PRODUCTIONS

+ ACTEURS

permettre et induire de nouveaux échanges entre les acteurs de la filière

accueillir l’intensification de l’activité piscicole à tous les niveaux de la filière

accompagner la formation de nouveaux acteurs conscients du milieu

FOYER DE VALORISATION PISCICOLE ferme ouverte

LOGEMENTS SAISONNIERS

FOYER AGRICOLE

ATELIER DE TRANSFORMATION

accueillir des travailleurs saisonniers ou en formation

restauration collective, formation et réunion des acteurs de la filière

transformation et vente des productions de la filière


partie 1

Figure 39 Auteure, Du projet agricole à l’architecture, 2021

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Pour créer des espaces à partir de ces enjeux, ils doivent être traduits en l’expression concrète d’un usage. Aussi, à chaque enjeu correspond une proposition de spatialisation par le biais d’un programme. D’abord, les sociabilités nouvelles de la communauté peuvent se traduire de différentes manières. Il faut d’une part qu’elles puissent être accueillies, d’autre part qu’elles soient induites par l’usage lui-même. Pour cela, le foyer agricole est proposé comme réponse : intégrant une cantine, des salles de réunion et de formation, les travailleurs de la filière agro-piscicole peuvent se réunir de manière formelle autant qu’informelle ; en fonction de leurs besoins. Ensuite, l’intensification de la production piscicole peut être soutenue par l’installation d’un atelier de transformation des produits issus de cette filière. Très rare en Dombes, l’artisanat de la transformation alimentaire est pourtant nécessaire pour permettre la consommation des produits locaux. Dans cette même dynamique, un magasin de producteurs assure la distribution individuelle des produits, tandis que la cantine du foyer agricole favorise la consommation par le biais de la restauration collective. Enfin, le renouveau d’une population cultivatrice est le produit de l’éducation agricole. Pour répondre à cet enjeu, la combinaison de logements saisonniers avec les salles de formations du foyer peut assurer l’apprentissage théorique autant que pratique des différents modes culturaux en Dombes. De même, la mise en commun d’espaces comme le salon dans ces logements incite vivement aux sociabilités entre les saisonniers.


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chapitre 5


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5 | PARTIE 2 LA FERME OUVERTE, THÉÂTRE DU BIEN COMMUN Figure 40 Une ferme à cour dans la Dombes, photographie satellite, 2021

L’ensemble des usages définis, ils doivent être entendus comme un tout composant le projet d’architecture. Répondant aux usages de la nouvelle communauté piscicole, ce projet est conçu comme une ferme dans sa réinterprétation des usages offerts par la ferme traditionnelle dombiste. Toutefois, le projet se détache d’une conception trop proche des formes construites existantes, et ce par son caractère de ferme « ouverte ». La ferme ouverte tire sa spécificité de ses usagers : représentés d’une part par les pisciculteurs et les agriculteurs actifs et en formation, d’autre part par les habitants qui ne travaillent pas dans la filière agro-piscicole, ils forment un groupe d’acteurs dont les interactions riches et complexes doivent être accompagnées. Or, parce que les habitants non agriculteurs n’ont que peu d’occasions d’accéder aux fermes de la Dombes - que ce soit visuellement comme physiquement - la ferme ouverte cherche à induire de nouveaux rapports sociaux entre les différents acteurs de la filière : producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs. Si cette ferme ouverte se distingue des formes vernaculaires dombistes, elle les rejoint au travers de la cour. En effet, comme énoncé dans le premier chapitre, la cour traditionnelle est le théâtre de l’usage commun des ressources. Aussi, la cour est une composante fédératrice de la communauté par la présentation des biens communs qu’elle autorise. Or, parce que c’est l’eau qui est entendue comme le premier bien commun piscicole, alors la cour doit devenir le théâtre de son soin. Ainsi, c’est par le dessin architectural qu’il s’agit de mettre en scène l’eau dans cette ferme ouverte, tout en induisant son soin par l’épuration et le stockage. La ferme se voulant ouverte par la diversité des acteurs qu’elle accueille, elle doit également l’être par son archi-


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chapitre 5

GSEducationalVersion GSPublisherVersion 692.58.63.100

Source de la Brévonne

Mares d’épuration

Pré-verger

Bande Parcelle du projet maraîchère d’architecture


partie 2

Figure 41 Auteure, Parcelle du projet d’architecture suivant l’intervention agricole, 2021

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tectonique. Pour cela, c’est l’oxymore que contient la notion de « ferme ouverte » qui sert de fondement pour l’architecture. D’un côté, la « ferme » en Dombes renvoie à un groupement de bâtiments austère et peu perméable par le regard, depuis l’extérieur comme depuis la cour. De l’autre côté, l’ouverture souhaitée se comprend autant d’un point de vue métaphorique (l’ouverture à tous les acteurs) que spatial (l’ouverture physique du bâtiment). En ce sens, le projet doit d’une part exprimer son usage depuis l’extérieur en évoquant les fermes traditionnelles peu perméables, d’autre part traduire cette posture d’ouverture depuis l’intérieur. Aussi, cela peut se traduire par la rareté des percées visuelles depuis les abords de la ferme, alors assimilée aux fermes traditionnelles et comprise dans son usage agricole, tandis que la cour peut s’ouvrir sur les différentes composantes du paysage environnant à l’aide d’un cadrage produit par l’implantation des bâtiments. Enfin, pour définir le lieu précis d’implantation du projet, la Brévonne est ici aussi employée comme fil conducteur. Aussi, si la ferme ouverte doit s’implanter à proximité de la route pour garantir son accessibilité, elle doit également mettre en valeur la Brévonne. Par conséquent, c’est sur la partie la plus à l’est de l’ensemble prairial, à la jonction entre la Brévonne, la route et le chemin pédestre, que la ferme s’implante (fig. 41). Marquant l’arrivée du nouveau chemin pédestre au hameau du Maréage, la ferme affirme de nouvelles polarités entre le centre du village et ses exploitations agricoles, dispersées entre champs et étangs. Elle prend ses distances avec les habitations du hameau pour affirmer, à l’image des fermes isolées, son statut d’entité fédératrice d’une communauté nouvelle. La Brévonne, dont le cours peut à nouveau être cheminé, vient ainsi relier le village à ce nouveau foyer de valorisation piscicole.


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chapitre 5


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5 | PARTIE 3 CONSTRUIRE LES RESSOURCES DU MILIEU Pour concevoir le projet d’architecture, le milieu doit être une ressource. Pour cause, la définition des manifestes paysagers, entendus comme l’expression du milieu par leur forme construire ou cultivée, veut que le paysage soit l’expression même du milieu aux êtres humains. Aussi, « La matière capable une place importante doit être donnée aux ressources mad’évoquer un lieu térielles comme immatérielles originaires de la Dombes.

Figure 42 Boltshauser Architekten, Schoolpavillon Allenmoos, 2011

particulier, et les savoirs liés à la transformation de cette matière, ont disparu de la majorité de nos constructions. »

Toutefois, une clarification doit être apportée quant à l’exclusivité locale. Dans une société forgée sur les échanges télématiques et où les frontières s’effacent, la valorisation des spécificités d’un lieu sert l’épaississement du terriBernard Quirot, 2019 toire. Néanmoins, un fonctionnement autarcique, qui se baserait sur l’exclusivité de la ressource locale, conduirait Voir vol. 1 : chap. 1, part 1 et à la négation de nos évolutions sociétales. Aussi, c’est la 4, ainsi que chap. 3, part. 1 juste balance entre l’usage des ressources spécifiques du milieu et leur interprétation dans un contexte beaucoup plus vaste qui semble pertinent. En effet, si la Dombes présente des savoir-faire et des matériaux particuliers, d’autres lieux de la planète possèdent - par la similitude de leurs biotopes - des ressources semblables. Aussi, il est d’autant plus bénéfique de s’intéresser à la manière dont les autres communautés mobilisent, ailleurs, ces ressources pour en produire un manifeste du paysage exprimant aussi le rôle des échanges immatériels à notre époque. Finalement, c’est par l’adaptation de savoirs et de compétences diversifiées aux ressources que possède un territoire que les communautés pourront complexifier leur écosystème tout en enrichissant les relations entre les différents territoires. Aussi, il s’agit de proposer une architecture qui mobilise les matériaux présents en Dombes et qui réinterprète une part de ses savoir-faire, tout en s’intéressant à la manière dont d’autres territoires mettent en œuvre ces ressources


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chapitre 5


partie 3

Figure 43 Série de détails 1 : Martin Rauch, Centre ornithologique suisse, 2015 2-3 : Martin Rauch, Maison Rauch, 2008 1:40ème « La culture du pisé a disparue avec la disparition de la culture paysanne. » Martin Rauch, 2019

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et en proposent d’autres modes constructifs. Aussi, si les usages proposés par le projet et la notion de « ferme ouverte » sont les deux premiers fondements de cet acte de construire, alors le choix d’un système constructif est le troisième. D’abord, comme l’expriment les bâtiments agricoles anciens, la Dombes présente une terre particulièrement adaptée à la construction en pisé. Or, la densification récente des recherches autour de cette technique constructive laisse entrevoir une réinterprétation de ce savoir-faire, et notamment celles réalisées en France, en Suisse et en Autriche. Pour cela, ce sont en particulier les travaux de Martin Rauch et de Roger Boltshauser, soutenus par le travail de nombreux chercheurs, qui sont mobilisés comme référence pour proposer le système constructif du projet. De plus, la terre peut également être employée cuite, et ce par le biais de briques ou de tuiles, de la même manière qu’on les trouve dans les fermes traditionnelles sous forme de « carrons » ou dans les projets de Martin Rauch, en couvertine ou en erosion check entre les couches de pisé. Ensuite, traditionnellement associé à la terre dans la construction, le bois est également une ressource de la Dombes. Elle est d’ailleurs étudiée dans la section « Sylviculture : la forêt productive » du volume 2. S’il est trop peu valorisé aujourd’hui, le bois pourrait reprendre la place qu’il occupait par le passé dans les constructions contemporaines. Plus spécifiquement, les forêts dombistes produisent des essences de feuillus valorisables autant en bois d’oeuvre, comme le chêne, qu’en aménagement ; c’est le cas du bouleau, du tremble, du frêne, de l’érable, du châtaignier, du charme et du noisetier. Aussi, c’est pour la structure des dalles et les menuiseries que le bois est employé dans le projet.


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chapitre 5


partie 3

Figure 44 Boltshauser Architekten, Prototype pour Saint-Gall, 2017

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Enfin, l’usage du béton dans le projet symbolise plus qu’ailleurs la réunion des ressources locales avec les savoir-faire issus d’autres territoires. Critiqué à juste titre dans son utilisation indifférenciée et parfois irrationnelle, le béton pourrait pourtant constituer une ressource pérenne dès lors que son usage se justifie par une nécessité constructive. En Dombes, la granulométrie des sols présente, par la présence de moraines dans l’histoire géologique, des granulats propices à la construction en béton. Or, l’un des renouveau de la construction en pisé se trouve dans le remplacement des soubassements mixtes (galets, pierres, chaux, brique) en murs de béton. Le béton, défini parfois comme une forme contemporaine de la pierre, peut ainsi bénéficier d’un traitement aussi noble par son calepinage. C’est finalement le béton qui permet de représenter l’eau, bien commun, au coeur du projet d’architecture. En accompagnant son cours depuis sa collecte en toiture jusqu’à une mare d’épuration en passant par le socle minéral que représente la cour, le béton remplit une fonction que le pisé ou le bois ne peuvent faire. En somme, chacun de ces trois matériaux - la terre crue, le bois et le béton - remplissent une fonction spécifique pour le bâtiment. Leur usage témoigne des ressources matérielles et immatérielles que propose le milieu tout en affirmant l’influence extérieure sur la manière de les mettre en œuvre. Ensemble, ils réinterprètent l’expression monolithique des fermes traditionnelles tout en proposant un dialogue fort avec le paysage dombiste, tant par les vues directes que le projet offre que par son statut de manifeste pour une conscience nouvelle du milieu.


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atlas de références


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ATLAS DE RÉFÉRENCES

” Anne Fremy, 2016

Pour l’architecte, l’interprétation a pour objectif et conséquence la transposition et le transfert des signes et des images dans son projet qui se constitue dans la coalescence entre ses aspirations intimes et les données venues de l’extérieur.


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atlas de références

01 Boltshauser Architekten, Schoolpavillon Allenmoos, 2011. Démonstration et régulation de l’érosion du pisé. 02 Récita Architecture, Exploitation maraîchère à Le Vilhain, 2019-2021. Réunion des différents acteurs d’une filière autour de la transformation alimentaire. 03 Alfonso Cuaron, Roma, 2018 (film). Représentation de l’eau au cœur de la cour, lieu théâtre des relations sociales du film. 04 Bernardo Bader, Alpine Sport Zentrum, 2018. Ventilation naturelle assurée par un ouvrant plein en bois accompagnant le vitrage fixe. 05 Sebastian Erazo, Peasant Furniture — Armchair. Réinterprétation d’un savoir-faire paysan dans l’artisanat contemporain. 06 Louis Kahn, Salt Lake Institute, 1965. Démonstration du parcours de l’eau par le calepinage du sol minéral. 07 Boris Bouchet Architectes, Conservatoire de musique du Pradet, 2020. Expression du statut d’un bâtiment par le dessin de son entrée. 08 Eduardo Brito, Penumbria, 2016 (film). Questionnement de l’ancrage des habitants à leur lieu de vie, rapport à la notion de « nativité » par rapport à celle de l’« origine » 09 Gion A. Caminada, Tegia da Vaut, 2013. Intention de fédérer une communauté habitante autour de la construction d’un projet par la valorisation de l’artisanat local. Création d’un foyer pour les habitants du village. 10 Gion A. Caminada, Mädcheninternat Kloster Disentis, 2001–2004. Mettre en commun les espaces de vie collective autour d’un foyer central. 11 Edward Burtynsky, Oil Fields 27, 2004. Démonstration de l’échelle de l’influence humaine sur les milieux exploités pour leurs ressources matérielles, aujourd’hui uniquement considérés pour leurs ressources. 12 Aires Matteus Associados, Casa No Tempo, 2014. Mise en valeur de la centralité du foyer par l’abaissement du sol. 13 Bakker et Blanc, Sébeillon, 2015. Représentation du circuit de l’eau au cœur de l’îlot. 14 Gujan + Pally architeckten, Martin Rauch, Maison de vacances Plazza Pintgia, 2013. Valorisation de la capacité d’inertie du pisé par le biais d’une cheminée.


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15 Nowness, Il Capo, 2015 (film). Expression de l’attitude humaine vis-à-vis des de l’exploitation des milieux pour leurs ressources. 16 Auteure, Le Beaujolais vu depuis la Dombes, 2018. Ancrage personnel au lieu de mon enfance. 17 Georges Descombes, Parc de Sauvy, 1980–1986. Tracé d’un chemin rencontrant ponctuellement la rivière d’Aire, rapport du projet à la mémoire des empreintes laissées par les cours d’eau. 18 Atkinson Architecture, Zachary House, 1996-1999. Représentation de la cheminée comme un élément fédérateur du foyer. 19 Al Jawad Pike, King’s Grove, 2015. Mise en valeur de l’ouverture par le dessin d’un cadre en bois dans l’épaisseur du mur. 20 Clément Cogitore, Bragino, 2017 (film). Dissolution d’une communauté habitante. 21 Gion A. Caminada, Mädcheninternat Kloster Disentis, 2001–2004. Mise en valeur de l’épaisseur du mur par une assise au niveau de la fenêtre. 22 Patrick Geddes, Section de vallée, 1923. Considération de la ville et du territoire comme un ensemble pour résoudre les problèmes urbains, environnementaux et sociaux liés au progrès économique et technologique. 23 Barozzi Veiga, Ribera del Duoro, 2006-2011. Articulation des monolithes autour d’une cour centrale pour dégager des vues sur le paysage environnant. 24 Bernard Quirot Architecte et Associés, Maison de Santé à Vezelay, 2014. Implantation des bâtiments cadrant des vues vers le paysage environnant. 25 Martin Rauch, Maison Rauch, 2008. Dessin d’un linteau disparaissant dans le pisé, expression d’un savoir-faire contemporain pour la construction en terre. 26 :mlzd architekten, Centre ornithologique suisse, 2010-2015. Mise en tension de monolithes en pisé. 27 Bernardo Bader, Alpine Sport Zentrum, 2018. Affirmation de la présence d’un linteau tout en proposant un dessin masquant son débord. 28 Nicolas Duclos, Dammartin en Goële, 2019. Démonstration de l’inexpressivité des paysages ruraux et péri-urbains par le reportage photographique.


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conclusion


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CONCLUSION

” Kirkpatrick Sale, 1985

« Mais une utopie n’est rien d’autre qu’une conception de l’avenir, la genèse de demain, l’articulation présente d’un futur possible. »


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conclusion


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Figure 45 David-Eugène Girin, Ciel sur la Dombes, 1887 « La consummation est à la consommation ce que l’exploitation est à la production. » Claude Raffestin, 2019

En somme, ce projet de paysage se positionne comme l’une des réponses possibles à la problématique énoncée : de quelle manière le projet de paysage, entendu comme la complexification d’un écosystème par l’influence conjointe de l’agriculture et de l’architecture, peut-il soutenir la communauté piscicole et en fédérer une conscience nouvelle du milieu dombiste ? Par le biais des interventions agricoles d’abord, il espère impacter l’écosystème dépendant de la Brévonne en le complexifiant. En traitant conjointement les enjeux de stockage, de qualité et de représentation de l’eau sur l’ensemble prairial, il s’agit de redonner à l’agriculture son rôle premier, celui de garant de la complexité des écosystèmes : « Les pratiques agricoles sont vues et comprises de tous, la connaissance du vivant étant acquise essentiellement par le biais des pratiques culturales quotidiennes. La nature, les lieux de vie et la culture du sol forment un tout. » (Rosenstiehl, 2020) Par le soin de l’eau, la Dombes peut ainsi accueillir le renouveau de la pisciculture. Ensuite, l’intervention architecturale se place comme un soutien de cette complexification écosystémique. Fédérée par le soin de son bien commun, la nouvelle communauté dombiste trouve en la ferme ouverte un lieu capable d’accompagner cette régénération du sentiment d’appartenance au milieu. Conscient des ressources dombistes autant que de l’influence des autres milieux, ce projet d’architecture entend proposer une nouvelle manifestation du milieu dombiste, tant dans son usage que son architectonique. En somme, par le retour de la coutume piscicole, le milieu pourrait ainsi voir renaître un paysage expressif de ses spécificités. À propos de cette posture, les propos d’Alberto Magnaghi son éloquents : « Le retour n’est pas un retour au passé, mais un retour à la construction des futures conditions de vie sur terre. » (Magnaghi, 2014)


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conclusion

En choisissant l’ensemble prairial de Monthieux comme lieu de projet, l’objectif du projet est pluriel. D’abord, il s’agit de proposer une approche du projet d’architecture qui se veut influente de son territoire, et pas seulement d’un espace circonscrit. D’une part, la conception par le bassin versant s’inscrit dans une mouvance contemporaine qui transcende l’approche exclusivement administrative des limites territoriales pour leur transformation. D’autre part, elle appuie le rôle de la ressource en eau dans les relations entre les écosystèmes, et par là celles des communautés humaines. Si la Brévonne à Monthieux est introduite comme l’un des points de départ possibles pour le projet, il n’est toutefois pas question d’en comprendre un abandon des caractéristiques propres aux lieux. En définissant la Dombes comme un milieu, il faut néanmoins rappeler qu’elle est constituée d’un ensemble de lieux dont les spécificités varient d’un point à un autre. Aussi, c’est en prenant en compte les caractéristiques propres à la Brévonne de Monthieux tout en la comprenant dans les plus grands territoires que sont le bassin versant, la Dombes et finalement le réseau d’autres milieux que constitue la planète que le projet d’architecture veut questionner la pratique contemporaine de l’architecture. Pour conclure ce projet de cycle de Master, il s’agit de revenir sur l’ensemble de ce que ce travail laisse entrevoir pour la construction d’une posture architecturale. Tout d’abord, il est pour moi l’opportunité d’adopter un point de vue de recherche en architecture. En composant le projet de fin d’études à partir de l’énoncé théorique qu’est le mémoire d’initiation à la recherche, la conception du projet d’architecture s’est vue largement impactée par les hypothèses et les postulats produits par la recherche. Or, parce que le mémoire se fonde sur une volonté de transdisciplinarité, alors le projet en va de même. En ce sens, ce travail m’apporte une opportunité de concevoir l’architecture


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en interrogeant le sens même de la transdisciplinarité, et tout particulièrement sa confrontation aux disciplines de la géographie, des sciences de l’environnement et de l’agriculture, qui, je crois, devrait plus que toute autre être considérée comme influence première de l’architecture. Ensuite, ce projet m’a permis d’interroger le rôle de l’architecture dans la transformation des milieux habités par les êtres humains. Au regard des conséquences de nos activités contemporaines, ma première intuition était de considérer l’architecture comme en partie responsable et, par là, l’unique réponse devait être de cesser ces activités de transformation. Pourtant, au terme de ce travail, il me semble que notre rôle vis-à-vis des milieux ne se trouve pas dans une posture de préservation. Comme exprimé par Claude Raffestin dans son ouvrage Pour une géographie des pouvoirs en 2019 à propos d’une posture préservationniste, l’arrêt immédiat de toutes nos activités transformatrices - propres à notre nature d’êtres vivants - n’est pas souhaitable en ce qu’il laisserait présager une intensification des activités pour le futur. Aussi, il me semble que c’est en comprenant notre place comme partie intégrante d’une biocénose, ainsi composante d’un écosystème complexe, que les communautés humaines seront en mesure d’évoluer dans un milieu sans forcément lui nuire. Finalement, ce projet de cycle de Master m’a permis de déconstruire le postulat fataliste voulant que l’être humain est nécessairement néfaste pour son environnement. Par les notions croisées de milieu et d’homéostasie, je souhaite défendre l’idée que la distinction de l’être humain avec le reste du monde vivant ne se trouve pas dans l’opposition du naturel à l’artificiel, mais plutôt dans sa capacité intrinsèque de rétroaction ; en d’autres termes sa faculté à comprendre les conséquences de ses transformations sur son écosystème et d’en adapter les modes transformatifs.


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conclusion


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Figure 46 Auteure, Étang Bochet, 2021

En ce sens, la pratique de l’architecture doit, à mon sens, en aller de même. Toute intervention à un moment donné est le produit d’un besoin exprimé par une communauté ou par sa dissolution. Aussi, il ne s’agit pas de blâmer nos actions passées mais plutôt d’en comprendre les résurgences contemporaines pour en adapter, aujourd’hui, notre pratique. Dans l’attente de nouvelles expériences professionnelles en architecture pour les années à venir, j’aime à croire qu’il est encore possible de changer notre rapport au monde vivant en employant l’architecture comme un outil ; celui de la construction de nos lieux de vie œuvrant, par là, à une conscience nouvelle de nos milieux.


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références bibliographiques


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