LA DOMBES, PAYSAGES D’UN MILIEU HABITÉ Exposition itinérante 20.06 - 00.00
REMERCIEMENTS
Ce travail de recherche est le produit d’un stage co-encadré par la commune de Saint-André-de-Corcy et le labotatoire de recherche LAURe. Il s’inscrit dans le cycle de Master 2 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon et participe à la construction d’une Mention recherche pour le diplôme de fin d’études. L’ensemble de cette production n’aurait été possible sans la bienveillance et le temps accordé par une multitude de personnes et de structures qu’il me tient à cœur de remercier. Tout d’abord, celles et ceux m’ayant donné de leur temps pour échanger à propos de cette thématique de recherche entre le mois de janvier et le mois de mars 2021 ; en particulier Isabelle Roussel, Christophe Mégard, Stéphanie Weber, l’équipe de Coopépoisson, Edouard Rolland, Aurélie Jarrin, Jean-Baptiste Menendez, Pierrick Chevillotte, Fabrice Lorut, Clément Dubost, Anaé Degache, Pierre Lévisse, Yannick Boissieux, Audrey Chevalier et Julien Béja. Ensuite, la Communauté de Commune de la Dombes pour son soutient financier, sans lequel l’ensemble de cette production ne pourrait être exposé. De même, le labotatoire de recherche LAURe et principalement Julie Cattant pour son suivi et ses conseils. Enfin et surtout, la commune de Saint-André-de-Corcy et son équipe pour son accueil, et tout particulièrement Yann Pampouilles pour sa pédagogie et son engagement dans ce travail.
Élisa Lefevre, Étudiante à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon elisa-lefevre@orange.fr
SOMMAIRE
Étang Bochet, INTRODUCTION Lapeyrouse, 19 janvier 2021 HYDROLOGIE, Le cycle de l’eau
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GÉOLOGIE, La structure des sols
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PISCICULTURE, Les étangs pêchés
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ÉLEVAGE, Le paysage bocager
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SYLVICULTURE, La forêt productive
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FERME, L’exploitation agricole
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RECYCLAGE, Les déchets valorisés
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TRANSFORMATION, Le cycle des productions
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CONSOMMATION, Les produits agricoles distribués
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RÉNOVATION, Le patrimoine bâti soigné
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CONSTRUCTION, L’habitat renouvelé
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LA DOMBES PAYSAGES D’UN MILIEU HABITÉ
Ce début de millénaire marque chez les sociétés humaines une forme d’introspection quant aux rapports à notre environnement. À propos de nos lieux de vie, force est de constater que les relations que nous entretenons avec eux ne sont que rarement positifs. Pour cause, les milieux habités deviennent peu à peu des simples supports pour les activités humaines, perdant à nos yeux leurs spécificités. En d’autres termes, notre manière de transformer les lieux se généralise à tous les territoires et ceux-ci en deviennent, de surcroît, banals. Pourtant, les spécificités locales ont longtemps dirigé nos manières d’habiter, et ce par le biais des pratiques agricoles et architecturales. En cultivant et construisant leurs milieux, les communautés humaines ont transformé les terres hostiles en lieux hospitaliers et productifs. La Dombes, en tant que territoire façonné par la main de l’homme, en est un exemple remarquable. Ce milieu humide, à l’origine marécageux, n’était pas conditionné pour accueillir une vie riche et diversifiée. Au fil des siècles, les paysans ont su transformer ces terres — parfois désertiques, parfois inondées — en un écosystème complexe d’une richesse incroyable. En comprenant les particularités géographiques du plateau, les habitants dombistes ont développé des pratiques agricoles et architecturales uniques pour transformer leur milieu. En apprenant à gérer l’eau, ils ont fait des contraintes géologique et hydrologique une véritable ressource pour transformer le territoire. En cette époque cruciale pour le devenir de nos sociétés, la compréhension des particularités des milieux que nous habitons semble la bienvenue. L’histoire de la Dombes habitée, témoin de l’évolution d’un milieu peu favorable au développement de la vie à une terre riche et féconde, aujourd’hui en proie à la même banalisation que les territoires globalisés, semble se présenter comme un point de départ pour repenser nos rapports au monde.
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HYDROLOGIE LE CYCLE DE L’EAU
Ruisseau de l’étang Bochet, Lapeyrouse, 19 janvier 2021
La Dombes est un territoire marqué par ses particularités hydrographiques. Elle se situe sur un vaste plateau dominant trois vallées : celle de la rivière d’Ain à l’Est, de la Saône à l’Ouest et du Rhône au Sud. Quant au Nord, c’est la rivière Veyle qui marque la frontière floue entre la Dombes et la Bresse. Dans ce contexte, l’hydrographie vient appuyer la singularité de ce milieu. Inscrit dans le bassin versant du fleuve Rhône, au sein duquel se trouve notamment la Saône, le plateau ne comprend aucune rivière le traversant dans son ensemble. Dans la partie centrale du plateau seulement, la Chalaronne prend sa source pour s’écouler vers le Nord-Ouest et venir se jeter dans la Saône. Ainsi, l’essentiel de l’eau présente sur le plateau provient des précipitations, avec une pluviométrie importante et supérieure à la moyenne de la région lyonnaise. Ainsi, bien que le plateau semble principalement plat, la topographie ne doit pourtant pas être négligée : l’eau pluviale, constituant la seule ressource en eau du territoire, le parcourt avant de s’écouler dans les rivières périphériques. Or, les particularités géologiques du plateau, combinées à la faible topographie dans ce bassin versant, conduisent le sol à se saturer fréquemment en eau : c’est l’hydromorphie. De fait, pour rendre leur milieu habitable, les dombistes ont appris à faire de cette contrainte hydrologique une véritable ressource pour le territoire. C’est ainsi qu’au cours du temps, les habitants ont développé des usages spécifiques aux particularités de leur milieu, des pratiques agricoles aux savoir-faire constructifs. En cela, le paysage de la Dombes telle qu’on le connaît aujourd’hui n’est que la manifestation des transformations successives du territoire par les habitants, sans lesquelles le milieu ne serait qu’un vaste marécage, hostile à toute forme de vie.
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MARES Les mares situées en amont des bassins versants jouent un rôle fondamental. Dispersées entre les parcelles agricoles, elles permettent d’épurer une part des eaux de ruissellement. Potentiellement contaminées par des produits phytosanitaires utilisés sur les cultures, les eaux sont en partie dépolluées avant de rejoindre les cours d’eau situés en aval. La restauration des mares est ainsi essentielle pour garantir une bonne qualité de l’eau des rivières. RIVIÈRES Les rivières de la Dombes prennent généralement leur source au niveau d’un étang. Elles sont dépendantes des pratiques agro-piscicoles : elles reçoivent la majorité de leur eau des vidanges d’étangs et du ruissellement sur les parcelles agricoles. De fait, leur débit est conséquent en hiver mais il est très faible en été, avec davantage de concentration en polluants, une température plus élevée et une évaporation importante. FAUNE AQUATIQUE Les cours d’eau sont habités par de nombreuses espèces de poissons, telles que des carpes issues des étangs ou des salmonidés comme la truite fario. Les barrages récurrents et la pêche de loisir privent les cours d’eau de populations naturelles. Pour maintenir ces espèces, le rempoissonnement des rivières avec des poissons élevés en étangs est fréquent. RIPISYLVE Le boisement de berges, aussi appelé ripisylve, est une composante essentielle de la rivière. Il constitue un corridor écologique majeur pour la faune. Il joue un rôle d’épuration, ralentit l’érosion des sols et constitue un habitat pour de nombreuses espèces terrestres et aquatiques. La remise en état des boisements de berge est une des actions principales de la restauration des rivières en Dombes. BASSIN VERSANT Un bassin versant est une portion de territoire drainée par un cours d’eau et ses affluents. Dans cet espace, les eaux de pluie s’écoulent sur les versants pour finalement converger vers un même point : l’exutoire. Les bassins versants sont délimités par une ligne géographique de partage des eaux. Chacun d’entre se subdivise en sous-bassins versants correspondant aux affluents du cours principal. Par exemple, le bassin versant de la Chalaronne est composé entre autres du sous bassin versant de la Brévonne, de la Calonne et du Relevant.
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GÉOLOGIE LA STRUCTURE DES SOLS
Chemin agricole, Lapeyrouse, 19 janvier 2021
La Dombes est un vaste plateau argileux s’étendant entre les monts du Jura et le Massif Central, à une centaine de mètres d’altitude au-dessus du niveau de Lyon. Au cours du temps, la succession des ères géologiques a conduit à une structure des sols très particulière. En effet, à la fin de l’ère Tertiaire (celle de la disparition des dinosaures), le climat devient considérablement plus froid et des glaciers envahissent les Alpes et le Jura. Sur le plateau, ces glaciers descendent des Alpes et s’avancent jusqu’à l’emplacement de la ville de Lyon : ils forment ce que l’on nomme le glacier du Rhône. Ce glacier forme alors un barrage sur la Saône, et la partie nord du plateau, en amont de ce barrage, est recouverte par une immense étendue d’eau. Lorsque ce glacier fond, l’ensemble des matières jusque là maintenues en suspension se déposent. Ces amas de débris rocheux transportés par les glaces, appelés moraines, surélèvent alors la partie sud du plateau. Au terme de ces épisodes géologiques, le plateau dombiste est alors constitué d’argiles, de sables, de galets ainsi que de ces moraines. Or, la présence de l’argile a une conséquence majeure sur la réaction du plateau face aux eaux pluviales : elle est susceptible d’absorber 16 fois son volume d’eau, de sorte que la Dombes en période sèche absorbe les petites pluies tandis que la Dombes en période humide empêche toute infiltration d’eau lorsque l’argile est saturée. De fait, si le plateau dombiste a une forte tendance à être saturé en eau, il est très sensible à la quantité d’eau qu’il reçoit et est également souvent asséché. Cette spécificité géologique, à l’origine de la zone humide que l’on connaît aujourd’hui, impacte considérablement les pratiques agricoles et architecturales du territoire. Ainsi, à l’image des paysages passés, les transformations contemporaines du territoire doivent prendre en compte ces spécificités pour produire un nouveau paysage local en cohérence avec son milieu.
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MATIÈRES GÉOSOURCÉES La nature du sol est à l’origine de techniques constructives spécifiques au territoire dombiste. L’argile, utilisée crue ou cuite, peut être combinée aux galets, aux sables et aux graviers présents dans le sol pour produire une part des matériaux de construction locaux. Ces matières, puisées dans le sol et employées par les habitants pour construire leurs lieux de vie, sont dites « géosourcées ». EXTRACTION Les matières puisées dans le sol transforment nos paysages. En Dombes, l’extraction donne souvent lieu à une dépression géologique qui se remplit d’eau au cours du temps, une mare par exemple. Aujourd’hui, l’extraction de matière n’est pas toujours nécessaire : les matériaux comme la terre, les briques ou les galets issus de constructions anciennes peuvent être réemployés dans de nouveaux chantiers et intégrer ainsi un nouveau cycle de vie. RUISSELLEMENT Le sol limono-argileux a tendance à se saturer en eau en période hivernale. Contrairement à d’autres région de France, les eaux ne s’imprègnent pas dans le sol mais s’écoulent d’amont en aval des bassins versants, captant les matières polluantes du sol sur leur passage, telles que les phytosanitaires ou les bactéries fécales. On parle alors de transfert horizontal par ruissellement. ZONE HUMIDE La structure du sol induit une importante stagnation de l’eau dans les creux topographiques. Ainsi, la Dombes est une zone humide, c’est-à-dire un milieu où l’eau est la principale source d’influence sur l’écosystème associé. À l’échelle de la planète, les zones humides conditionnent notre vie sur Terre. Elles assurent des fonctions hydrologiques, biologiques ou physiques majeures. Pourtant, elles sont en grande régression et il est urgent de les restaurer et de les préserver. PRATIQUES AGRICOLES La géologie du plateau dombiste conditionne ses pratiques agricoles. Les cultures étant très limitées et peu productives dans un marécage, l’organisation du territoire en étangs, champs, prairies et forêts a permis de rendre fertiles ces terres, à l’origine très pauvres et difficilement cultivables. Par la combinaison du travail de la terre avec celui de l’eau, les paysans ont créé les écosystèmes complexes pour lesquels ont reconnaît la Dombes. Aussi, l’évolution des pratiques agricoles conditionne grandement celle de l’ensemble du milieu.
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PISCICULTURE LES ÉTANGS PÊCHÉS
Pêche du Longe-Étang, Joyeux, 21 février 2021
Jusqu’au Moyen-Âge, la Dombes est un marécage recouvert de vastes forêts. À cette époque, l’ensemble du plateau représente un faible potentiel pour le développement des installations humaines. En effet, la variation extrême de la présence de l’eau dans ce milieu présage une difficile maîtrise du territoire, tant pour cultiver la terre que pour l’habiter : desséchée en été, inondée en hiver, ce milieu laisse difficilement entrevoir les signes d’une terre fertile et hospitalière. Pourtant, malgré un portrait peu attrayant, les habitants de ce territoire ne l’ont pas abandonné : bien au contraire, ils se sont mobilisés pour adapter ce milieu à leurs besoins, et ont également su s’adapter à lui. À travers la pisciculture, ils ont profondément transformé le milieu dombiste, et avec lui son paysage. Les premiers étangs sont en fait des « lescheres », des dépressions géologiques naturelles dans lesquelles sont élevés des poissons. Inspirés de cette première pisciculture paysanne, les ordres religieux du XIIIème développent un modèle agro-piscicole basé sur l’alternance de la mise en eau et de la culture en assec de l’étang. Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, de nombreux étangs sont creusés, notamment sous l’impulsion de la noblesse lyonnaise attirée par une source de revenu certaine. Mais progressivement, la Dombes est dévastée par le paludisme : à la fin du XVIIIème siècle, les États Généraux ordonnent l’assèchement des étangs. Malgré des contestations locales, près de la moitié des étangs est convertie en culture permanente. Aujourd’hui, plus de 10 000 hectares d’étangs sont toujours en eau. Pourtant, la moitié n’est plus pêchée : la filière piscicole est en danger. Or, parce que le système agro-piscicole est le fondement du territoire dombiste habité, il est nécessaire que la pisciculture soit soutenue localement pour garantir la bonne santé de l’écosystème dombiste, et avec lui la vie de ses habitants.
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L’ÉVOLAGE La phase pendant laquelle l’étang est en eau s’appelle l’évolage : elle dure de quatre à cinq ans. La première année concerne la mise en eau et l’empoissonnage : les alevins (très jeunes poissons) de différentes espèces et de différents âges sont introduits. Durant les années qui suivent, les poissons grossissent, la flore se développe et l’ensemble du vivant génère de la matière organique qui imprègne le sol. ÉCOSYSTÈME L’étang constitue un micro-écosystème caractérisé par une faune et une flore spécifique. Parmi les poissons, on peut citer la carpe, le brochet, la tanche, la perche, le sandre ou les poissons blancs. Ils cohabitent avec une flore spécifique, des végétaux aquatiques et subaquatiques, arbustes et arbres de bordure tels le que chêne ou le bouleau, et d’autres animaux comme les oiseaux, les insectes ou les rongeurs. VÉGÉTATION La végétation de ceinture d’étang est nécessaire au bon déroulé de l’évolage. Elle constitue un milieu diversifié offrant aux poissons un lieu d’alimentation et de reproduction. Elle est également habitée par d’autres espèces animales, en particulier par des oiseaux pendant la nidification. LA CHAUSSÉE La chaussée d’étang est une digue artificielle formée d’argile et située en aval de l’étang. C’est cet ouvrage qui empêche l’eau de s’échapper. Avec le temps, les digues sont dégradées par la flore ou la faune, par exemple par les racines des arbres ou les ragondins. Il faut donc les entretenir régulièrement en période d’assec, parfois même les reconstruire si l’étang n’a pas été mis en eau pendant une longue période. LA PÊCHE La pêche est réalisée lorsque l’étang est pratiquement vide, chaque année pendant les mois d’automne et d’hiver : par l’écoulement de l’eau dans le bief, l’ensemble du poisson est rassemblé dans la partie située en amont du thou appelée pêcherie et collecté par les pisciculteurs. Triés par espèce et par taille, ils sont divisés en deux catégories : la consommation et l’empoissonnement, à destination des autres étangs ou des rivières.
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AGRICULTURE LES SOLS CULTIVÉS
Champs, Lapeyrouse, 19 janvier 2021
Depuis les premières installations humaines, la Dombes est un milieu cultivé. Initiée par la création des étangs puis par l’alternance du cycle assec-évolage, l’agriculture dombiste est extrêmement complexe et marquée par des coutumes agricoles spécifiques à cette zone humide. Toutefois, ces pratiques n’ont cessé d’évoluer : largement orientées vers la pisciculture jusqu’au XXème siècle, elles prennent un tournant majeur après la Seconde Guerre Mondiale. À cette époque, une nouvelle révolution agricole impacte tout autant la Dombes que le reste de la France : utilisation d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires, généralisation de la mécanisation et de la motorisation, réduction de la masse agricole et augmentation de la taille des exploitations. On assiste au remembrement rural : les parcelles agricoles sont fusionnées, les haies sont abattues pour faciliter l’utilisation des machines, les fossés disparaissent. En même temps que les pratiques agricoles se transforment, les modes de consommation évoluent : la carpe est dépréciée, la pisciculture est de moins en moins rentable. Le paysage de la Dombes change radicalement, l’économie piscicole laissant place aux grandes cultures céréalières soutenues par la Politique Agricole Commune. Or, au cœur de cette révolution agricole majeure, la Dombes a su conserver une part des pratiques agricoles spécifiques à son contexte de zone humide. Aujourd’hui, face à de nombreux enjeux climatiques et environnementaux, un tournant majeur s’opère dans les modes de culture du territoire : la polyculture-élevage s’affirme, la pêche des étangs est encouragée, le cycle assec-évolage se restaure peu à peu. De même, on observe un renouveau du paysage bocager illustré par le retour des fossés et des haies bocagères. De nouvelles techniques culturales, issues du milieu et inspirées des évolutions mondiales, s’installent et marquent le paysage de la Dombes du XXIème siècle.
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VIDANGE La vidange met un terme à la phase d’évolage. Engagée par l’ouverture du thou, l’eau se vide dans l’étang situé en aval ou dans un fossé de dérivation. Il faut compter en général plus de huit jours pour que l’étang soit complètement vide. POLYCULTURE Les vastes étendues de champs permettent une production agricole conséquente. La rotation des cultures favorise une meilleure santé du sol : au fil des saisons, les semences se succèdent et enrichissent la terre. On peut voir pousser une grande variétés de cultures, alliant des céréales comme l’orge ou le blé, des oléagineux tels que le colza ou des protéagineux comme la féverole. On peut également trouver des cultures légumières et fruitières. FOSSÉS Les fossés sont des ouvrages fondamentaux pour la bonne circulation de l’eau sur le territoire. Leur entretien est nécessaire pour garantir leur bon fonctionnement : leur curage, l’entretien de la ripisylve (végétation de bordure aquatique) et le débroussaillage régulier favorisent la diversité de la faune, améliorent la qualité de l’eau et facilite sa circulation. TRAVAUX La phase d’assec est l’occasion de faire les travaux d’entretien de l’étang, comme la réparation des digues ou des prises d’eau. Elle permet également de broyer la végétation de ceinture pour éviter le phénomène d’atterrissement sur les berges. ASSEC Lorsque l’étang est complètement pêché et vidé de son eau, la phase d’assec débute. Il est d’abord mis à sécher pour que la boue se transforme en terre, puis semé dès le printemps. Les cultures, le plus souvent céréalières, aèrent le sol et minéralisent les matières organiques pendant une à deux années. Cela favorise aussi la productivité de l’étang lors de la phase d’évolage suivante.
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ÉLEVAGE LE PAYSAGE BOCAGER
Le Maréage, Monthieux, 19 janvier 2021
L’élevage d’animaux a toujours existé en Dombes. Parallèlement à l’élevage extensif de poissons, l’économie agricole s’est en partie construite sur les vaches à viande et à lait, ainsi que les volailles. De même, elle est largement influencée par l’économie équestre, à l’origine grâce aux chevaux de trait et aujourd’hui diversifiée par l’équitation de sport, de loisir ou de travail. Or, la fin du XXème siècle a fortement fragilisé ces filières d’élevage, particulièrement au cours des épisodes de vache folle et de grippe aviaire. En conséquence, la moitié Sud du plateau s’est largement reconvertie en grandes cultures céréalières, le maïs étant devenu la culture majoritaire du territoire. Cette diminution de l’élevage a conduit à la disparition d’une grande quantité de prairies, pourtant fondamentales pour les écosystèmes. Quant à elle, la partie Nord est restée un lieu majeur pour la polyculture-élevage. Ce système de production agricole combine des cultures (destinées à la vente ou à l’alimentation des animaux) et l’élevage. Ce type d’agriculture tend vers l’agroécologie lorsqu’il met en cycle les différentes productions, à l’échelle d’une seule ou d’un groupe d’exploitations. Par exemple, lorsque le grain cultivé sert à nourrir les animaux et que les déjections animales fertilisent les champs en retour. Cette dynamique peut être organisée à plusieurs niveau : au sein d’une même ferme, entre plusieurs exploitations agricoles organisées en coopératives ou par le biais d’une plateforme de compostage par exemple. La polyculture-élevage favorise le maintient du paysage bocager, alternant étangs, champs et prairies séparés par des haies, des fossés et des bois. De nouvelles pratiques agricoles en lien avec l’élevage émergent en Dombes, comme le renouveau de la traction animale. On retrouve par exemple des débardages au cheval dans les forêts.
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FILIÈRES Les terres agricoles produisent une grande quantité de matière organique. Brute ou transformée, une importante part des productions sert à l’alimentation des êtres humains et des animaux d’élevage tandis qu’une autre est réemployée dans les cultures, en paillage ou en engrais par exemple. Rares pour le moment, des filières agricoles à destination d’autres secteurs pourraient être développées. Par exemple, le chanvre est un excellent matériau de construction, il peut aussi être utilisé dans l’industrie textile, la papeterie ou les biocarburants. HAIES BOCAGÈRES Les haies bocagères sont composées de différentes essences d’arbres et d’arbustes avec une zone herbacée à leur pied. Ces haies diversifiées sont d’importants lieux de vie pour la faune. Elles sont aussi très bénéfiques pour les parcelles agricoles : elles favorisent entre autres la présence d’animaux auxiliaires et servent de barrière naturelle pour l’élevage. CHEMINS PÉDESTRES Au cours du siècle dernier, une grande partie des chemins pédestres ont été supprimés ou fermés. Pourtant, ils permettent de relier les hameaux et les villages, assurant loisir, santé et sécurité pour les habitants. La réouverture et l’entretien des chemins donne alors place à une redécouverte du territoire à travers celle de son paysage agricole. MARES Les mares ont un statut fondamental dans l’espace agricole. Elles assurent de nombreuses fonctions telles que l’épuration des eaux ou la lutte contre l’érosion des sols. Elles sont des abreuvoirs pour les animaux d’élevage, tandis qu’elles offrent refuge, lieu de reproduction, d’alimentation et de vie à de nombreuses espèces animales et végétales. Ainsi, elles représentent des continuités écologiques essentielles pour la diversité locale. PRAIRIES Les prairies sont des cultures de plantes fourragères en place pendant plusieurs années. Elles sont essentiellement composées de graminées et de légumineuses, destinées soit à la fauche soit à la pâture des animaux. Dans ce cas, les animaux élevés se nourrissent des végétaux sur place. Pourtant fondamentales pour la biodiversité, les prairies sont menacées par le boisement et surtout par la périurbanisation, notamment avec la construction effrénée de lotissements.
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SYLVICULTURE LA FORÊT PRODUCTIVE
Lisière de forêt, Lapeyrouse, 19 janvier 2021
Le département de l’Ain compte près de 200 000 hectares de forêts, ce qui représente plus d’un tiers de la surface du territoire. Sur cette surface boisée, 190 000 hectares sont des forêts productives, c’est-à-dire entretenues et exploitées pour leur bois. Toutefois, il faut noter que cette proportion varie fortement entre la partie montagneuse et la partie de plaine du département. En effet, la majeure partie des forêts exploitées se situent à l’Est de la rivière d’Ain, dans le secteur du Bugey, où se trouve une majorité de forêts communales résineuses. Dans la Dombes, cette tendance s’inverse largement : il y a moins de forêts, celles-ci sont surtout constituées de feuillus et 99% d’entre elles sont privées. La forêt dombiste est beaucoup moins exploitée que la forêt de montagne. Pour cause, les bois sont morcelés en un grand nombre de parcelles et divisés entre les propriétaires, ce qui rend la gestion collective complexe. À l’inverse de l’Est Aindinois, la culture agricole dombiste se tourne davantage vers les champs et les prairies que vers l’espace forestier. Aujourd’hui, une grande partie des propriétaires considère que la forêt n’est pas une source de revenu ; de fait, elle est surtout utilisée comme terrain de chasse. Pourtant, les forêts de la Dombes présentent un incroyable potentiel de production. De nombreuses essences d’arbres sont utilisables en bois d’œuvre pour la construction, et les plus petites parties peuvent être valorisées en bois de chauffage. De plus, au-delà du revenu financier conséquent généré par la production sylvicole, la coupe fréquente permet d’entretenir la forêt et la rendre davantage productive. Cela permet également d’augmenter les bénéfices de la forêt pour son écosystème plus vaste, entre champs, étangs, prairies et villages.
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ESSENCES L’essence la plus présente aujourd’hui est le chêne commun, aussi appelé « chêne de pays » ou « chêne français ». Pour la Dombes, si le chêne commun ne constitue pas le plus grand volume de bois extrait des forêts, il représente 60 à 70% du volume économique produit. Le reste du bois évacué des forêts n’est pas ou peu valorisé. Il est principalement composé de trembles, de frênes, de bouleaux, de châtaigniers, de charmes, de noisetiers. PRODUCTION DE BOIS Les essences de bois dombistes peuvent être valorisées en bois d’œuvre, d’industrie et d’énergie. Par exemple, le chêne est très recherché pour les menuiseries, le hêtre est un bois d’aménagement intérieur, les peupliers sont valorisables en emballages. Quant aux petits bois, ils peuvent servir au chauffage local par le biais de chaufferies collectives ou de systèmes de chauffages individuels récents. DÉBARDAGE AU CHEVAL Cette technique de sylviculture consiste à transporter des arbres abattus à la force d’un cheval, depuis la zone de coupe vers le lieu de dépôt. Plus respectueuse des sols, cette technique est particulièrement adaptée aux zones humides. Le cheval adhère mieux au sol qu’un tracteur, ne provoque pas de tassement des sols et favorise la régénération de la forêt en ne détruisant pas les jeunes pousses. Enfin, cette pratique permet d’accéder aux lieux inaccessibles pour les engins motorisés. FUTAIE IRRÉGULIÈRE La futaie irrégulière est un mode de gestion forestière. Ici, la forêt est composée d’une grande diversité d’arbres à différents stades d’évolution. Toutes les pousses qui ont le potentiel de grandir sont conservées et des coupes régulières sont réalisées sur les grands arbres. Cela crée des trouées dans la canopée et apporte la lumière nécessaire aux jeunes arbres pour grandir. POINTS D’EAU Les points d’eau en forêt sont très importants pour que la faune sauvage puisse s’abreuver. On trouve des mares forestières naturelles dans la plupart des forêts dombistes dues à la structure du sol, et quelques unes sont crées par les propriétaires. Les fossés représentent aussi des points d’eau ponctuels, tout autant que les ornières de chemins abandonnés. Aussi, la proximité d’une forêt avec un étang est très bénéfique.
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FERME L’EXPLOITATION AGRICOLE
Ferme, Joyeux, 21 janvier 2021
Si les surfaces urbanisées se sont fortement développées depuis un demi-siècle, le territoire dombiste reste largement dominé par l’agriculture. En effet, seulement 6% des terres sont urbanisées tandis que le reste de l’espace est occupé par des champs, des étangs et des bois (d’après le SCoT de la Dombes, 2016). Ce paysage rural est marqué par la présence des très nombreuses exploitations agricoles, constituées des bâtiments de ferme et de l’ensemble des terres qu’elles cultivent. Le plus souvent, les structures agricoles sont installées dans d’anciens corps de ferme rénovés, les bâtiments contemporains jouxtant les bâtisses anciennes. Par leur nombre conséquent, les fermes sont les précieux témoins de la mutation des pratiques agricoles et architecturales du territoire. Elles révèlent l’évolution des ressources pour construire et cultiver le milieu, mais également celle des modes de vie de ses habitants. Si les progrès techniques et la globalisation des ressources pour l’agriculture se ressentent à travers celle de l’outillage ou les modes de culture, ils sont surtout signifiés par la forme des exploitations agricoles elles-mêmes. En effet, leur nombre et leur taille a fortement changé depuis un demi-siècle : les fermes sont plus grandes et moins nombreuses, tandis que la main d’œuvre a drastiquement diminué. De même, la disparition des communs souligne une individualisation des modes de vie, au niveau du fonctionnement de la ferme comme celle du village. On peut citer l’abandon du four à pain, des greniers ou des moulins collectif ; la coopérative agricole restant l’une des rares traces contemporaines d’un mode de production basé sur la communauté. Finalement, il apparaît nécessaire de questionner l’échelle de transformation et de distribution des productions agricoles : face aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux de notre siècle, repenser nos systèmes de production agricole dans une dynamique orientée vers l’échelle du territoire semble porter un sens nouveau ; celui du bien commun.
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FUMIER Le fumier est constitué de différents déchets organiques. Il est composé de lisier, c’est-à-dire des excréments solides et des urines d’animaux, ainsi que de litière faite de paille. Il peut être utilisé frais ou après avoir subi un processus de compostage. Épandu dans les cultures, le fumier permet entre autres la fertilisation naturelle des terres agricoles, l’amélioration de leur structure et leur meilleure rétention de l’eau. HANGAR Les nouveaux bâtiments agricoles témoignent de l’évolution des matériaux employés dans l’architecture. À l’image de tous les territoires ruraux, les matériaux locaux dombistes ont été remplacé par des ressources délocalisées, provenant parfois d’un autre continent. Si les matières locales étaient auparavant les plus accessibles, c’est aujourd’hui des matériaux comme le métal et le béton qui les ont remplacé dans les constructions bon marché. ANCIENNE GRANGE Les bâtiments agricoles anciens témoignent des ressources locales du territoire. Par le passé, les paysans ne pouvaient pas se permettre l’importation trop coûteuse de matières : ils construisaient avec les matériaux locaux. En Dombes, les constructions en pisé attestent de la présence d’argiles, de galets et de sable dans le sol ; de même que les charpentes en bois confirme l’exploitation passée des forêts sur le territoire. VENTE DIRECTE Les productions des exploitations agricoles sont parfois transformées et distribuées sur place. La vente directe de ces produits, comme des légumes, des yaourts ou du pain, permet une source de revenus conséquente pour les agriculteurs tout en garantissant aux habitants la qualité et l’origine des produits. Elle crée aussi des liens humains et une confiance partagée entre les producteurs et la clientèle locale.
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RECYCLAGE LES DÉCHETS VALORISÉS
Plateforme de compostage, Baneins, 27 février 2021
La vie d’un territoire, par le biais des activités agricoles et constructives de ses habitants, génère un volume important de déchets au quotidien. Les déchetteries locales en témoignent : chaque jour, des tonnes de matière sont collectées et finissent pour la plupart incinérées. Parmi elles, les déchets organiques ont une place centrale. Il s’agit des résidus d’origine animale ou végétale qui peuvent être dégradés par des micro-organismes. Or, si ces amas de déchets sont aujourd’hui transformés en énergie par combustion directe (incinération), ils pourraient être réintégrés directement dans le cycle de production d’où ils proviennent. Par exemple, les déjections animales peuvent être réemployées en amendements organiques permettant d’améliorer la qualité des sols cultivés. De même, les déchets verts peuvent produire un compost utilisable comme engrais naturel, destiné à nourrir les plantes et à augmenter la qualité des cultures. La pratique de valorisation des déchets n’est pas nouvelle : les paysans ont toujours réemployé ces matières dans leurs cultures, par le biais du fumier par exemple. Néanmoins, il s’agit aujourd’hui de réinterpréter ces coutumes traditionnelles à une échelle collective. Ainsi, cette valorisation des déchets organiques à l’échelle du territoire permettrait de désencombrer les chaufferies collectives. Celles-ci pourraient alors valoriser le bois de chauffage issu des forêts dombistes, pour l’instant inutilisé. Cette dynamique s’inscrit dans le processus d’évolution des pratiques agricoles face aux enjeux climatiques, réduisant ainsi la quantité d’intrants d’origine chimique. Enfin dans le domaine de la construction, des déchets peuvent également être valorisés. Les terres d’excavation de chantier en Dombes, majoritairement composées d’argiles, ou les déchets bois de déconstruction peuvent être valorisés dans les constructions neuves, directement ou par le biais de transformations locales.
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RESSOURCES Les professionnels comme les particuliers produisent une grande quantité de déchets verts valorisables au quotidien. Fumier, branches d’arbres, restes de cantines ou vieilles cagettes d’épicerie, tous ces déchets peuvent être acheminés sur une plateforme avant d’être transformés en nouvelles ressources et réintégrés dans un cycle territorial. DISTRIBUTION Une fois les déchets valorisés, ils peuvent réintégrer un circuit local par le biais du secteur professionnel ou particulier. Les agriculteurs peuvent nourrir leur sol avec les amendements organiques, les habitants peuvent se chauffer avec les plaquettes de bois tandis que les communes peuvent valoriser le compost dans les plantations printanières. COMPOSTAGE L’objectif du compost est d’améliorer la structure du sol, d’augmenter sa quantité d’humus et ainsi sa capacité de rétention d’eau et d’éléments fertilisants. Plus le sol est vivant et structuré, meilleure est sa capacité à capter et conserver tous les éléments qui lui sont donnés, y compris l’eau. DÉCHETS BOIS Les déchets bois sont en partie broyés, par exemple pour fabriquer des panneaux d’ameublement. Ils peuvent aussi être valorisés en énergie, comme pour la partie grossière du compost. On retrouve des réseaux de chaleur à l’échelle des immeubles ou des lotissements alimentés par des chaufferies collectives, et des systèmes de chauffage individuels comme les poêles à bois. AMENDEMENTS ORGANIQUES À partir d’effluents d’élevage (comme des fientes de poules) ou des déchets d’ateliers de transformation (tels que le marc de raisin), on obtient des matières concentrées en azote ammoniacal ou en carbone. Ces matières peuvent être utilisées dans les culture pour améliorer la structure du sol. Cette valorisation s’inscrit dans le retour au sol des matières organiques incité par la polyculture-élevage.
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TRANSFORMATION LE CYCLE DES PRODUCTIONS
Trémie agricole coopérative, Birieux, 9 novembre 2020
Si les manières de cultiver le sol dombiste ont évolué, la destination des productions agricoles aussi. Il y a encore un demi siècle, les exploitations agricoles dombistes produisaient la majeure partie de l’alimentation locale. En particulier pour la pisciculture, les territoires voisins et surtout le bassin lyonnais garantissaient un revenu régulier aux exploitants dombistes. Depuis les fermes jusqu’aux bourgs, les produits étaient récoltés, transformés, échangés et consommés à une échelle extrêmement locale. Or en quelques décennies, c’est l’ensemble du système de distribution des productions agricoles qui a changé. Aujourd’hui, la majorité des exploitations agricoles voit sa production collectée, transformée et distribuée à une échelle infiniment plus vaste que son territoire. Sur le plan économique, ces mêmes exploitations sont dirigées par les cours mondiaux : de nombreuses fermes vivent dans l’incertitude constante de la viabilité de leur activité et ne sont plus en mesure de maîtriser les circuits suivis par leurs productions. En Dombes, l’une des conséquence majeure de cette mutation du système agricole est la disparition des ateliers de transformation. En effet, la plus grande partie des produits issus de l’agriculture sont vendus à des collecteurs qui transforment et distribuent à l’échelle du pays, voire plus loin encore. En parallèle de cette économie globalisée, quelques producteurs maintiennent et développent les circuits courts avec une transformation et une distribution extrêmement locale, par le biais de magasins de producteurs ou de vente directe à la ferme. À mi-chemin entre le « tout local » et le « tout global », la Dombes et les territoires voisins gagneraient à développer leurs structures de transformation et de distribution pour garantir l’origine, la qualité et la diversité des produits proposés aux habitants tout en replaçant les liens de confiance entre producteurs et consommateurs au cœur de cette nouvelle dynamique de production.
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HABITANTS En multipliant les points de transformation et de vente des productions, les habitants peuvent à nouveau soutenir les filières locales en favorisant les circuits courts. Avec une offre diversifiée de produits, la majeure partie des flux de matière pourrait retrouver une échelle régionale, de la production à la consommation en passant par la valorisation des déchets. MAGASIN Les exploitants peuvent vendre leurs produits bruts et transformés dans des magasins de producteurs, offrant ainsi une grande diversité de produits locaux aux habitants. En maillant le territoire, ces magasins mettent en valeur les spécificités régionales tout en proposant une nouvelle manière de s’alimenter. APPROVISIONNEMENT Les magasins et ateliers locaux réunissent plusieurs types d’exploitations agricoles. En combinant des matières premières variées comme des légumes et des céréales, la diversité des produits transformé est accrue. Ils permettent aussi de soutenir d’autres activités : la filière sylvicole peut être valorisée en fumant la carpe avec du hêtre ou du chêne local. TRANSFORMATION Les ateliers de transformation peuvent être autonomes ou partagés par plusieurs exploitants réunis en coopérative. Ils permettent de valoriser localement les productions agricoles en fabriquant une diversité de produits comme des yaourts, de l’huile, de la bière ou des confitures. DISTRIBUTION Les produits bruts ou transformés peuvent être intégrés à un circuit local de consommation. Distribués en circuit court ou dans les plus grands bassins de vie voisins, ces denrées sont garantes d’une qualité certaine par les faibles temps de transport et soutiennent l’économie régionale.
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CONSOMMATION LES PRODUITS AGRICOLES DISTRIBUÉS Ferme, Baneins, 27 février 2021
La manière de consommer au quotidien influence profondément l’orientation de nos sociétés. Par le choix des produits consommés au quotidien, l’impact des habitants sur le territoire dans lequel ils vivent est extrêmement variable. En consommant des produits issus de filières locales — des fruits pour une confiture au bois pour un abri de jardin — c’est l’économie de l’ensemble du territoire qui est soutenue. Or, au-delà du seul impact économique de ces choix de consommation, il faut souligner l’influence de nos modes de vie sur le paysage dans lequel on évolue. En effet, une pratique comme la pisciculture ne peut garantir la diversité des écosystèmes dombistes si le poisson produit n’est pas consommé sur le territoire. Dans ce contexte, les habitants et les foyers ne peuvent pas être les seuls acteurs du changement : l’ensemble des entités consommatrices doit être investie. En ce sens, les structures locales privées comme publiques peuvent s’investir, telles que les municipalités ou les établissements scolaires et de santé. Des maisons de retraite aux écoles primaires en passant par les mairies, le choix de l’approvisionnement en produits issus du territoire plutôt que provenant de loin est significatif. Par exemple, les crèches peuvent cuisiner de la viande élevée sur le territoire, les municipalités peuvent choisir un bois local pour les aménagements de la commune, les restaurants d’entreprises peuvent servir des compotes fabriquées dans un atelier voisin. Si l’ensemble de ces changements peut sembler anodin, il tirera sa force d’un investissement et d’une organisation collective. De toute évidence, la mutation du mode de vie des habitants doit être impulsée par les instances territoriales en mesure de réorganiser l’ensemble des filières, de l’échelle nationale à celle des structures locales. Par là, c’est une vie infiniment plus vertueuse pour les milieux habités qui peut être imaginée.
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MARE PÉDAGOGIQUE La mare est un micro-milieu reproduisant la dynamique des zones humides à l’échelle de la Dombes. Aussi, elles représentent un cas d’étude très intéressant pour enseigner aux enfants le fonctionnement de leur territoire. En comprenant l’écosystème dans lequel ils évoluent, ils seront davantage sensibles à la manière dont ils le transforment. CANTINE SCOLAIRE Par leur nombre, les cantines scolaires peuvent avoir un réel impact sur l’agriculture locale. En établissant des contrats avec des producteurs du territoire voire de la commune, elles garantissent une alimentation plus saine et vertueuse. Aussi, en consommant au quotidien des produits issus de leur environnement, les enfants seront en mesure de reconnaître ses spécificités et de les valoriser à leur tour. COUR D’ÉCOLE À l’image des cours d’école, les lieux qui sont utilisés seulement une partie de la journée peuvent être utilisés pour des évènements de vente directe, comme les AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) en fin de journée. CUISINE SUR PLACE La restauration collective peut intégrer davantage de produits bruts et locaux dans la préparation des repas. En modérant la quantité de plats préparés et en cuisinant davantage sur place, le pouvoir des collectivités sur le choix des produits distribués est accentué.
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RÉNOVATION LE PATRIMOINE BÂTI SOIGNÉ
Étable de Grange-Volet, Saint-André-de-Corcy, 23 février 2021
La Dombes présente un patrimoine bâti unique, témoin du mode de vie de nos ancêtres. Églises, châteaux, maisons de villages et surtout fermes à cour jonchent le plateau, entre bourgs et terres cultivées. Ils cohabitent avec un patrimoine architectural contemporain, caractérisé par des matériaux et des techniques constructives nouvelles. Le bâti ancien se distingue par l’usage de ressources locales telles que l’argile, le sable, le bois, le galet ou la chaux. Associées à ces matériaux, on trouve des techniques de mise en oeuvre spécifiques, largement dépendantes du coût de construction. Les ouvrages nobles, comme les châteaux et maisons fortes, sont souvent construits en carrons, grosses briques de terre cuite caractéristiques de la Dombes. Pour des bâtiments plus riches, il arrive même qu’on importe des pierres de régions voisines : c’est souvent le cas des églises. Quant aux ouvrages plus modestes et plus nombreux tels que les bâtiments agricoles, la construction en pisé fait coutume. En effet, la terre crue est très souvent présente sur le lieu de la construction et ne nécessite pas de transformation. De plus, son extraction laisse généralement place à un étang ou une mare, ce qui est bénéfique à l’agriculture. Aujourd’hui, une part importante de ces bâtiment est encore debout. Néanmoins, leur état de conservation n’est pas toujours bon. Certains sont laissés à l’abandon, les aléas du temps dégradant profondément l’état des murs ou des charpentes, tandis que d’autres sont rénovés et réhabilités. Pourtant, la rénovation ne garantit pas toujours le bon état du bâtiment : l’application des pratiques constructives contemporaines sur des bâtiments anciens a parfois des conséquences désastreuses. Aussi, c’est en comprenant les pratiques traditionnelles que l’on peut transformer les traces du passé à l’aide des savoirs acquis à notre époque : c’est par la diversité de ces constructions que naît la spécificité de notre paysage.
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PROTÉGER LE PISÉ Essentiellement composé d’argile, le pisé est extrêmement sensible à l’eau. Dans le cas de rénovations, l’application d’un enduit est très importante pour préserver les murs anciens fragilisés par les intempéries. Cependant, l’enduit doit laisser l’eau s’évaporer : avec un enduit étanche comme le ciment, l’eau est bloquée dans le mur et l’humidité fragilise la structure. Au contraire, un enduit naturel à la chaux laisse l’eau s’échapper du mur et garantit la durabilité de l’ouvrage. OUVERTURE Les bâtiments anciens présentent des ouvertures très spécifiques liées à la nature des murs. Souvent marquées par un linteau en bois ou en carrons, parfois même surmontées d’un arc de décharge, elles révèlent l’incapacité du pisé à supporter une force de traction : par exemple, de porter son propre poids lorsqu’il est situé au dessus du vide d’une fenêtre. COUVERTURE La couverture est un élément fondamental pour la pérennité d’un bâtiment. Traditionnellement réalisée en tuiles de terre cuites localement, elle est généralement supportée par une charpente traditionnelle en bois de section importante, le plus souvent en chêne. Lorsque le débord de toiture est suffisamment important pour protéger les murs des fortes pluies, le pisé peut être laissé apparent. CHAUFFAGE AU BOIS Dans le cas de bâtiments isolés qui ne peuvent pas être reliés à un système de chauffage collectif, le chauffage au bois est une bonne alternative. Toutefois, il faut opter pour un poêle ou une chaudière récente dont les émissions en particules dans l’atmosphère sont faibles. En s’approvisionnant avec un bois issu de forêts locales durablement gérées, on obtient un bilan énergétique largement meilleur qu’avec des énergies fossiles. AMÉNAGER LES ABORDS Des interstices comme les rues de lotissements, souvent banales et froides, peuvent muter en lieux vivants et agréables. Avec le soutient des collectivités et des propriétaires, l’aménagement paysager et la désartificialisation par le biais de plantations, de noues paysagères ou de mobiliers peut permettre de transformer ces délaissés en espaces de convivialité.
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CONSTRUCTION L’HABITAT RENOUVELÉ
Route de Saint-Marcel, Monthieux, 23 février 2021
La Dombes, comme de nombreux territoires ruraux, subit une importante pression des zones urbaines périphériques. Depuis une cinquantaine d’années, les villages et petites villes voient de nombreuses constructions neuves sortir de terre à une vitesse effrénée. Zones pavillonnaires, artisanales, industrielles, commerciales ou parcs technologiques remplacent les terres agricoles, augmentant la population locale et réduisant les capacités productives du territoire. Les constructions récentes attestent d’une mutation de notre manière de bâtir la Dombes : les matériaux et les techniques constructives ont changé. Les parpaings ont remplacé les carrons, la tôle a succédé à la terre crue : les matières autrefois d’origine locale ont été abandonnées, tandis que l’usage de matériaux et techniques constructives importées est devenu commun. Or, au-delà de la seule mémoire du patrimoine local, les conséquences de cette mutation des ressources pour la construction sont profondes. En effet, en employant les mêmes ressources matérielles et les mêmes savoir-faire que d’autres régions de France voire du monde, la Dombes subit une importante banalisation de son paysage. Ainsi, elle observe la disparition de savoir-faire ancestraux tout en générant d’importants dégâts environnementaux par l’usage de matières importées et polluantes, des procédés de construction à la fin de vie des bâtiments. Pourtant, cette situation n’est pas irréversible : à travers la reconnaissance des ressources locales et la mise en place de nouvelles filières, la construction en Dombes pourrait évoluer rapidement vers un fonctionnement vertueux. En combinant ces filières avec le secteur de l’agriculture, les moyens pourraient être décuplés. En associant les savoirs traditionnels aux compétences contemporaines, le territoire pourrait évoluer vers une transformation consciente de son paysage. Laissant derrière lui le banal, il pourrait accueillir une dynamique architecturale bénéfique, tout autant pour les habitants que pour le milieu qu’ils habitent.
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PISÉ PRÉFABRIQUÉ Actuellement, une nouvelle filière de construction en terre se met en place en France. Des techniques constructives contemporaines telles que la préfabrication du pisé permettent une réduction considérable des coûts de construction. Avec une augmentation de la demande et la formation des artisans, le pisé pourrait remplacer une part des matériaux importés en Dombes, conférant aux constructions neuves un caractère cyclique et une grande durabilité. CHAUFFAGE COLLECTIF Dans les groupements de maisons comme dans immeubles, les systèmes de chauffage collectifs sont simples à mettre en place. Alimentant des dizaine voire des centaines de logements, les chaufferies collectives valorisent le bois de forêt qui n’est pas utilisable en bois d’œuvre ainsi que les déchets bois issus des déchetteries de particuliers ou de professionnels. BOIS Le bois est un matériau de construction extrêmement polyvalent. De la charpente à la menuiserie, de l’ossature à l’agencement intérieur, il offre de grandes qualités spatiales et esthétiques tout en soutenant une filière déjà en place. Ainsi, en choisissant des essences locales, on valorise ressources du territoire tout en réduisant l’impact environnemental de la construction. JARDIN PRODUCTIF Les jardins de lotissements sont d’incroyables espaces libres pour une micro-agriculture. En reproduisant la dynamique agricole à petite échelle, ils apportent des qualités esthétiques incontestables tout en favorisant la biodiversité locale. Potager, petits animaux, mare, fleurs ou encore arbres fruitiers transforment les pelouses stériles et uniformes en terres productives uniques. LISIÈRE Véritables frontières entre le monde cultivé et le monde habité, les lisières ont un rôle à jouer dans l’hybridation du territoire rural. En passant d’une haie franche et austère à une végétation diversifiée et non systématique, le paysage agricole s’ouvre au regard et la lisière devient à nouveau un lieu de vie pour la faune et la flore.