TITRE: KHEIRA AUTEUR: Xengab FEEDBACKS: nlalami@live.fr
C'est vrai que suggérer est quelque chose de très joli et de très puissant dans le fond. Mylene Farmer
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- KHEIRA réveille- toi il est l'heure de nourrir les poules et sortir les chèvres. - J'arrive maman. Kheira émergea péniblement du sommeil. Elle se frotta vigoureusement les yeux pour bien se réveiller. Elle sortit dehors pour se laver en puisant dans un fût dont l'eau était glacée. Il faisait très froid en cet hiver de l'année 1954. La guerre était déclarée depuis un mois contre les occupants de l'Algérie. Mais Kheira ne s'en souciait point, de la guerre elle ne recevait que quelques échos d'un des voisins qui possédait une radio. A 9 ans on ne peut véritablement avoir conscience de l'impact d'un tel événement. Elle habitait avec sa famille
un village perdu dans la
montagne de la commune de Friha. Elle pénétra dans la cuisine qui donnait sur la cour. La famille de Kheira était très pauvre hormis quelques poules et quelques chèvres ils ne possédaient rien. Sa mère avait cultivé un petit potager d'où elle puisait les légumes nécessaires à leur nourriture. Les poules donnaient des oeufs et les chèvres du lait avec lequel sa mère faisait du fromage que son père allait vendre au marché du village. Il était rare où le père consentait à garder quelques oeufs pour leur déjeuner, les jours de fête. Voila l'univers dans lequel Kheira évoluait. L'enfant était très dégourdie, elle menait tôt le matin les chèvres au pâturage et les défendait corps et âmes. Kheira avait une seule particularité elle fonçait toujours droit devant elle sans faire attention aux pieds - de - poules bosses et cailloux qui longeaient le chemin qu'elle empruntait, ce qui lui valait des chutes spectaculaires et régulières ses genoux ses mains son front et ses coudes étaient souvent maculés de sang. Sa mère avait beau la mettre en garde rien n'y faisait, elle allait toujours insouciante du danger. D'ailleurs elle ne sentait plus la douleur causée par les hématomes ou autres écorchures, elle s'y était habituée. Et c’est ainsi qu’elle grandit dans cette maisonnée éloignée de tout. Elle avait 17 ans lorsqu'elle entendit les youyous et les cris de joie fuser de toutes parts. La guerre était finie, elle en fut heureuse car la guerre lui avait pris son père et nombre de ses oncles et cousins, des villages voisins, visités par l'ennemi. Un an plus tard, elle était assise sur une pierre près de l'entrée de la maison, quand elle entendit des voix venant du chemin. Elle plissa les yeux pour voir qui arrivait, les visites étaient si rare dans ce village perdu en haut de la montagne, car les routes étaient impraticables et il fallait grimper une pente abrupte. Elle
comprit enfin grâce au cri de joie de sa mère que c'était son cousin et sa tante d'Alger: "- Ma chère soeur, tu es enfin venue! Et ton fils c'est un homme maintenant. Cela fait si longtemps. Mais entrez, entrez donc vous avez l'air exténué. - Et pour cause, nous avons laissé la voiture en bas de la colline et nous avons continué à pied, c'est éreintant en plus avec mes rhumatismes. Comment vas- tu ma soeur et voila Kheira, viens m'embrasser ma fille tu es devenue si jolie! N’est ce pas Brahim. - Oui, mère elle est d'une beauté à couper le souffle. Je suis heureux de te revoir ma tante. - Vous avez une voiture, cria la soeur étonnée car en ces temps, rares étaient ceux qui en possédaient. - Oui, c'est une Dauphine que Brahim vient d'acheter, dit- elle en regardant fièrement son fils, il est médecin et il possède son propre cabinet. - J'en suis très contente pour toi, allez venez vous reposer à l'intérieur. Kheira va préparer du thé, prends de la menthe dans le potager, choisis la plus parfumée. - Oui, mère. - Elle est timide notre petite Kheira, elle ne parle pas beaucoup. - Oui, surtout depuis la mort de son pauvre père, elle est toute la journée assise sur sa pierre, celle sur laquelle il fumait son tabac en lui parlant de la guerre. - Cette guerre a fait trop de victimes. Brahim aussi est très malheureux d'avoir perdu le sien, mais que pouvons nous y faire c'était notre destin. - Si nous lui parlons de ce pourquoi nous sommes venus maman? Les interrompit son fils
- Tu as raison mon fils, répondit sa mère et se tournant vers sa soeur, elle lui prit la main et se lança. Ma soeur si nous sommes là c'est pour demander la main de ta fille pour mon Brahim. Elle ne manquera de rien sois en sûre, de plus elle habitera la capitale tu te rends compte? Alors qu'est ce que tu en dis? - Heu... oui, en effet c'est une aubaine pour elle, et... Elle s'interrompe un instant en jetant un coup d'oeil à Brahim qui était d'une laideur à "couper le souffle". Les yeux porcins la fixaient avec anxiété, sa lèvre inférieure était si proéminente que la salive s'y logeait comme dans une bassine lorsqu'il parlait, et son nez avait la forme d'un groin. Mais en pensant à Kheira si étourdie et si pauvre, elle se dit que ce serait bien pour elle de connaître enfin l'aisance. Et c'est avec un sentiment de culpabilité et de regret qu'elle sourit enfin à sa soeur, eh bien, d'accord, je sais que vous allez prendre bien soin d'elle, trouvera - t - elle mieux que sa tante et son cousin? - Tu fais le bon choix pour elle ma tendre soeur. Tu sais elle habitera seule, Brahim possède sa propre villa à Saint Eugène et c'est là que se trouve son cabinet. Moi j'habite plus loin avec mon nouveau mari, à la rue D'Isly. Elle poussa un youyou strident lorsque Kheira s'avança en tenant précautionneusement le plateau. Sa mère le lui prit des mains et lui annonça la nouvelle. Kheira ne comprit pas au juste ce qui se tramait, tout ce qu'elle savait, c’est que le mariage était une fête qui se célébrait bruyamment elle y avait déjà assisté, donc elle resta de marbre et s'assit près de sa tante qui la prit dans ses bras et l'appela ma fille. - Bon puisque tout est conclu entre nous; nous célébrerons le mariage à la fin du mois. Inutile d'attendre trop longtemps. - Tu es d'accord ma fille.
- Oui, mère, puisque tu le veux, je le veux aussi, je ferais comme tu voudras. - Tu en es sûre... - Puisqu'elle te le dit, l'interrompe sa soeur pressée de caser son fils dont aucune femme n'avait voulu à Alger, voila cinquante mille francs pour préparer la noce, le dîner etc. Nous viendrons le dernier mercredi de ce moi et nous l'emmènerons le lendemain. Ne lui achète rien, Brahim s'en chargera une fois qu'elle sera installée à Alger. Trois semaines plus tard, Kheira très excitée se retrouva sur la route qui menait vers la capitale, c'était la première fois qu'elle montait dans une voiture et elle était ivre de bonheur car cette voiture lui appartenait un peu puisqu'elle allait habiter avec son propriétaire. Elle pénétra dans sa nouvelle demeure suivie des femmes qui lançaient des youyous en concert. On l'assit sur le grand lit nuptiale, sa mère l'embrassa, puis on la laissa là, seule. Brahim entra doucement presque timidement. La mariée, "sa femme, comme il aima le penser, l’intimidait, elle était si belle dans sa robe immaculée. Il sentit un désir impérieux naître pour cette blonde créature de rêve. Maladroitement, il n'avait aucune expérience du sexe, et avec une gauche brusquerie, il la déshabilla et la pénétra brutalement. Une douleur fulgurante lui déchira les entrailles. Elle se retint de crier en mordant son poing jusqu'au sang. Sa mère lui avait expliqué, la veille, la chose en la suppliant de ne pas crier pour ne pas lui faire honte. Quand son mari se retira d'elle, elle en fut si soulagée qu'un soupir lui échappa. Son mari, en parfait ignorant, cru qu'il l'avait comblée. Deux mois passèrent ainsi. Voyant que la maladresse de sa femme ne s'arrangeait point, il engageât une femme à tout faire. Il était si amoureux de sa femme qu'il acceptait
tout les désagréments dus à sa gaucherie, pourvu que le soir venu il la retrouve tendre, souple et chaude dans ses bras. Il avait compris l'handicape de sa femme, mais ne voulait en aucun cas y remédier. " - Vous avez attrapé une bonne grippe Salima. Je vous prescris les médicaments, je vous conseille quelques jours de repos et vous revenez me voir dans une semaine. - Merci, docteur et à la semaine prochaine." Une semaine plus tard Brahim put constater que Salima avait complètement guéri. Une idée lui traversa l'esprit. Salima était d'une rare élégance, avait de la classe et s'habillait avec un goût exquis. S'il n'était pas amoureux de sa blonde épouse il le serait certainement de cette bombe brune aux yeux gris. Il hésita un moment puis se lança: "- Salima? Puis - je vous demander un service? - Bien sûr, si c'est en mon pouvoir. - Je pense que oui, si ça ne vous dérange pas. Voila depuis deux mois que je suis marié je n'ai pas eu le temps d'emmener ma femme faire des courses pour sa garde robe, je travaille tous les jours jusqu'à des heures très tardives je n'ai donc aucune minute à moi. Donc si vous pouvez l'accompagner je vous serai très reconnaissant d'autant plus que je vois que vous avez un goût infaillible. Salima hésita un instant à accepter cette requête, elle se dit que la femme de Brahim devait être un vrai boudin vu la laideur de son mari. Finalement elle se décida. - D'accord je veux bien, je suis libre cet après - midi. Je pourrai passer la prendre vers 13 heures trente, ça nous laissera le temps de faire les boutiques. Ca vous va?
- C'est parfait. Je lui demanderai d'être prête, merci je vous devrai une fière chandelle. - Je vous en prie, ce n'est rien. A tout à l'heure docteur. Dans sa voiture, Salima s'en voulut d'avoir accepté si vite. Mais elle se dit qu'après tout ce ne serait que pour un après - midi et qu'elle n'avait réellement rien à faire ce jour là. De plus Brahim était vraiment très gentil. A treize heures trente précise, Salima se gara devant la villa. Comme Brahim était en consultation, c'est son assistance qui alla chercher Kheira. Salima reçu un choc en voyant une très belle jeune femme s'avancer vers elle en souriant. Salima en fut si bouleversée qu'elle balbutia un bonjour inintelligible en serrant la main que lui tendait Kheira. - Bonjour, madame c'est si gentil à vous de m'emmener faire les boutiques. - Heu... Je vous en prie appelez-moi Salima, c'est un réel plaisir pour moi. Elle ne mentait pas car la flèche de Cupidon venait de l'atteindre en plein coeur. - Vous avez une voiture, s'extasia Kheira, je suis si contente, j'adore rouler et Brahim qui en possède une, n'a jamais le temps de me promener. - Eh bien je serai votre chauffeur quand vous le désirerez. - Merci, vous êtes vraiment adorable. - Vous parlez très bien le français qui vous l'a appris. - Je l'ai appris chez les pères blancs. Une des religieuses m'avait prise en affection et m'a appris à parler, à lire et à écrire le français. Je lui dois beaucoup car sans elle je serais une parfaite ignorante. Mais j'écris très mal et ça elle n'a jamais pu y remédier Kheira trébucha sur la dernière marche du perron, Salima la retint de justesse en lui enserrant la taille. Une onde électrique la
paralysa sur place, les bras toujours autour de la taille fine et souple de sa protégée qui ne faisait rien pour se dégager, Salima se reprit et conduisit la jeune femme vers son véhicule et l'aida à s'installer. Elle se félicitait intérieurement d'avoir accepté de conduire cette madone en ville. Elles passèrent l'après - midi à courir les boutiques de la rue D'Isly. Elles avaient les bras chargés de sacs quand Salima l'entraîna à la terrasse d'un salon de thé, elles s’y reposèrent en sirotant des boissons fraîches. Un détail avait frappé Salima. Kheira lui présentait à chaque fois qu'elles passaient à la caisse une liasse de billet avec un sourire contrit. Et lorsqu'elle lui demandait si tel ou tel article lui plaisait, Kheira plissait les yeux en sa direction puis finissait par lui dire à chaque fois " je te fais confiance, choisis pour moi. Tu es bien placée pour savoir ce qui plaira à Brahim puisque toi aussi tu es de la capitale ». Une question brûlait les lèvres de Salima elle prit son courage à deux mains et la posa. - Kheira, pourquoi as- tu épousé le docteur Brahim? Tu es si belle et il est si... si laid. Elle adopta le tutoiement qui la rapprochait de la jeune femme. - Ah oui, tu me trouve belle? Kheira en fit de même, après tout elles étaient devenues amies du moins elle l'espérait. Elle ne connaissait personne et Brahim était toute la journée dans on cabinet cela lui ferait du bien d'avoir quelqu'un à qui parler - Tu es époustouflante de beauté. Mais tu n'as pas répondu à ma question. - En fait c'est mon cousin maternel. Ma mère m'avait assuré que je serais très heureuse et que c'était la meilleure solution pour moi, nous sommes si pauvres, alors j'ai accepté et j'en suis heureuse puisque cela m'a permis de te connaître.
- Oh merci, tu es adorable Kheira. - Je le pense vraiment tu sais, et je suis contente que l'on se tutoie cela prouve que nous sommes amies? N’est ce pas Salima nous sommes amie pas vrai? Salima? - Pardon oui bien sur que nous le sommes. Kheira acceptestu de venir avec moi chez une amie j'aimerai vérifier quelque chose. - Oui, bien sur mais il ne faudra pas trop tarder je ne veux pas que Brahim s'inquiète. - Ne t'en fais pas pour ça? Ce sera rapide. Et Brahim sait que ça prend du temps de courir les boutiques et il n'est que 15 heures 45. - Je te suis alors. Salima l'emmena chez une de ses amies qui était ophtalmologue et lui demanda si elle pouvait les recevoir sur le champ. - Oui, bien sur je n'ai plus de patients, amène ton amie je la reçois tout de suite. - Viens Kheira elle veut bien nous recevoir tout de suite, ditelle à la jeune femme qui l'attendait dans la salle d'attente. Elle la prit par la main et l'entraîna vers la salle d'examen, je vais rester avec toi. - Qui est cette femme Salima? et pourquoi dois- je venir. - Elle est ophtalmologue, et je crois que tu as besoin d'un examen oculaire, car je crois Kheira que tu ne vois pas très bien, et elle va nous le dire après t'avoir examiné. - Qu'est ce qui te fait croire que je vois mal? - Des détails qui ne trompent pas, de toutes les manières tu ne perds rien. - Bon eh bien si tu le dis allons voir.
Après un long et minutieux examen, l'ophtalmologue conclut que Kheira était atteinte d'une myopie très avancée. - Vous ne vous êtes jamais rendu compte que vous voyez flou? demanda la praticienne. - Je ne comprends pas, je ne savais pas que je voyais flou, je pensais que tout le monde était comme moi. - Non, Kheira, il y a effectivement des personnes dans le même cas que vous et c'est pour cette raison qu'elles portent des lunettes. Votre vue est très faible et elle est devenu de plus en plus faible avec l'âge. - Vous avez raison, quand j'étais petite je lisais plus facilement qu'aujourd'hui mais je pensais vraiment que c'était normal. C'est peut être pour ça que je tombe tout le temps depuis que je suis en âge de marcher finit- elle en souriant. - Ce n'est pas grave nous allons corriger votre vue avec des lunettes que vous porterez toute la journée et que vous n'ôterez qu'au moment du coucher. - Je vais porter des lunettes? Comme mon mari. - Oui, répondit Salima, comme Brahim. Salima remercia son amie, et munie de l'ordonnance elle emmena Kheira chez l'opticien. Elle choisit une monture en écaille qui mettait en valeur le visage angélique de son amie. - Quand seront-elles prêtes monsieur? - Dans une semaine répondit l'opticien. - Très bien nous reviendrons dans une semaine. Viens Kheira on s'en va. Merci monsieur, à la semaine prochaine. - Kheira, implora Salima un posant un long regard sur la jeune femme dés qu'elles furent dans la voiture, promets moi de ne rien dire à Brahim de cette visite, on va lui faire la surprise la semaine prochaine. En fait Salima avait comprit le manège du docteur. Il
avait sûrement comprit pourquoi sa femme était si maladroite mais avait peur d'y remédier craignant que sa femme ne voit à quel point il était laid. Tu ne lui en parleras pas n'est ce pas? - Promis ce sera notre secret, assura- t- elle en jetant un regard complice vers son amie qui lui rendit son magnifique sourire. - Oui, ce sera notre grand secret. Elle était désolée que sa nouvelle complice ne puisse la voir aussi nettement qu'elle la voyait, elle. Heureusement que Kheira retrouvera une meilleure vue dans quelques jours à peine, se dit- elle comment va- t - elle réagir en découvrant le visage hideux de celui qui partageait sa couche ? À cette évocation Salima ressentit les affres de la jalousie pour cet homme qui vivait avec la femme qu'elle aimait déjà. Une semaine plus tard, Salima vint chercher Kheira qui lui avait cruellement manquée, elle était si heureuse de la revoir. Celle - ci portait le tailleur qu'elle avait choisi pour elle et avançait vers elle un sourire heureux aux lèvres, elle était si belle que le coeur de Salima fit un bond prodigieux dans sa poitrine. Brahim se précipita vers elle. - Merci beaucoup Salima vous avez fait de ma femme une vraie star de cinéma. - Oui, c'est une très belle femme, je dirais même qu'elle ressemble beaucoup à Greta Garbo. - Qui est Greta Garbo? interrogea Kheira ravie d'entendre un compliment de la bouche de son amie. Elle attendait ce moment depuis la veille au soir, quand Salima l'a appelée pour lui rappeler leur rendez- vous. Depuis ce moment son coeur dansait la samba à chaque fois qu'elle y pensait. - C'est une grande actrice américaine et elle est très belle tout comme toi, on l'appelait "la divine" et elle l'est tout comme toi, répondit Salima. Vous ne trouvez pas docteur qu'elle lui ressemble?
- Maintenant que vous le dite en effet elle lui ressemble. Amusez- vous bien et ne rentrez pas trop tard. - C'est promis, je vous la ramène vers 17 heures. - Très bien à tout à l'heure. - Je regrette un peu d'avoir menti à Brahim en prétextant cette visite chez ta mère, dit la jeune femme aussitôt que Salima avait démarré. - Rassure - toi ma chérie nous irons effectivement chez moi après avoir récupéré les lunettes tu vois tu ne lui as pas menti. - Alors tout va bien, répliqua Kheira qui avait rougi de plaisir quand Salima l'a appelée ma chérie, elle se sentait si bien avec son amie qu'elle aurait voulu ne jamais la quitter. Quand dans un silence religieux Salima ajusta la monture sur le nez de son amie celle - ci la regarda avec un air extasié. - Oh Salima c'est inouï je n'arrive pas à le croire tout est si net à présent. Je vois bien et je te vois enfin toi, tu es si belle. Et c'est grâce à toi. Merci, oh merci ma tendre amie jamais je n'oublierai ce que tu viens de faire pour moi. Elle se jeta dans ses bras émue aux larmes. - J'en suis heureuse pour toi mon coeur, si heureuse ! Viens j'ai hâte de te présenter à ma famille. Elles payèrent l'opticien puis allèrent chez Salima, sa mère les attendait pour prendre le café. Kheira pris congé de son amie en la serrant longuement sur son coeur qui débordait de joie et de reconnaissance. - Ta mère et ta soeur sont adorables Salima. Merci, Salima, merci pour tout. Je suis si heureuse de t'avoir connue. - Moi aussi je suis heureuse ma chérie, si heureuse si tu savais. - Salima?
- Oui, chérie. - Voudrais tu venir déjeuner avec moi demain, Brahim est toujours absent la journée et je déjeune toujours seule. - Avec plaisir Kheira. - Oh, que je suis heureuse j'ai hâte que demain arrive. Viens vers 11 heures nous aurons ainsi le temps de discuter tu veux bien? - D'accord à demain alors. Kheira! appela- t elle la jeune femme qui s'apprêtait à rentrer chez elle. Celle - ci se retourna brusquement un sourire radieux aux lèvres. Je t'aime Kheira. Elle démarra en trombe laissant une Kheira bouleversée par cette déclaration. Brahim le lui disait souvent lorsqu'il se retirait d'elle après avoir joui mais jamais elle n'aurait pensé que c'était venant de la bouche d'une femme que ces mots la remueraient jusqu'au fond de son âme. Cela avait provoqué une véritable irruption volcanique dans son corps. Alors que dits par son mari, ils la laissaient de marbre. Elle était même toujours pressée qu'il en finisse au plus vite. Serait- il possible que l'amour qu'elle aurait du ressentir pour son mari ne soit éveillé par son amie. Elle monta vers sa chambre la tête pleine des images de l'après - midi et son coeur palpitant de bonheur mais son esprit craignait le pire. Elle observa sa chambre avec des yeux nouveaux elle la trouva belle et décorée avec goût. Lorsque plus tard Brahim entra dans la chambre, il stoppa net son élan et resta sur le seuil. - Brahim, cria la jeune femme de son lit, je te vois si bien à présent, n'est ce pas merveilleux et dire que tout le monde me croyait gauche et maladroite alors que j'étais myope. Grâce à Salima je ne trébucherai plus. Nous voulions te faire la surprise, ne rien te dire jusqu'à ce que tu me vois porter mes lunettes. Mais entre donc pourquoi restes - tu devant cette porte, puis le voyant hésiter elle fit la moue, tu n'es pas content pour moi?
- Mais si bien sûr c'est merveilleux pour toi. Vous n'êtes donc pas partie chez ses parents? - Si, j'ai pris le café avec sa mère et sa soeur, elles sont charmantes.
Elles
m’ont
même
demandé
de
te
saluer
chaleureusement. - Bon, tu peux les enlever maintenant tu ne vas quand même pas dormir avec. - Non, bien sur. Elle les ôta et les mit sur sa table de chevet. Elle se félicita d'avoir continué son badinage sans montrer à son mari combien elle fut choquée de le découvrir si horriblement laid. Elle avait regardé tous les gens avec avidité depuis qu'elle avait quitté l'opticien. Aucun des hommes qu'elle avait dévisagé n'était aussi hideux que son époux. Quand il éteignit la lumière et qu'elle le sentit s'approcher d'elle, elle réprima une grimace de dégoût. Mais elle prit son mal en patience et supporta ses assauts. Heureusement qu'il jouit vite dans son ventre. Elle put donc rapidement se retourner vers le mur pour penser à Salima. Dès que le visage de son amie vint à son esprit elle ressentit un pincement dans son estomac. Elle attribua ceci au bonheur d'avoir connu une femme si exceptionnelle. Celle - ci avait bouleversé sa vie, rien ne présageait dans sa vie la rencontre d'une telle amie. Elle était si heureuse de la revoir le lendemain qu'elle souhaita vite s'endormir pour que le jour vint plus vite. Brahim de son côté pensait que Salima aurait pu lui demander son avis. "Mais après tout, pensa- t- il, peut être qu'elle voulait vraiment me faire une surprise en rendant la vue à Kheira". Il se traita d'égoïste, il n'était pas mauvais bougre au fond, il aurait du lui même emmener sa femme chez un ophtalmologue depuis longtemps. Mais il avait si peur que son épouse ne découvre le
Quasimodo qu'il était et qu'il la révulse. Mais apparemment il n'en était rien, puisqu'il elle n'avait pas semblé choquée ou horrifié, elle lui avait parlé sans que son visage ne trahisse le moindre dégoût. Rassuré, il se promit de remercier Salima à la première occasion. Finalement il était heureux qu'elle soit devenue l'amie de Kheira, celle - ci semblait plus gaie depuis qu'elle l'avait rencontrée. Quand elle se réveillât le lendemain matin, Kheira était si bouleversée par le rêve qu'elle avait fait qu'elle en eut le souffle coupé. Elle était avec Salima dans sa chambre, cette dernière s'était rapproché d'elle et lui avait donné le baiser le plus passionné de toute son existence. Elle ressentait encore, pourtant elle était bien réveillée, les sensations qu'avaient provoqué dans tout son corps ce langoureux baiser. Pourtant ce n'était qu'un rêve. Jamais son mari n'avait réussi à lui faire ressentir cet émoi si violent. Elle remercia le ciel que Brahim soit déjà partie pour son cabinet, elle aurait eu honte de lui présenter son visage fiévreux. Kheira rougit de plaisir et de confusion lorsque Salima fut introduite dans le salon où elle l'attendait. Elle était gênée par son rêve et triturait son mouchoir avec embarras. Salima sentit ce changement dans le comportement de son amie, celle - ci fuyait son regard en le portant sur son mouchoir Elle l'avait rapidement embrassée sur les joues puis s'était détournée. Salima crut que c'était sa déclaration de la veille qui avait provoqué ce revirement. De plus Kheira ne portait pas ses lunettes. - Mets tes lunettes Kheira, je veux que tu me voies et que tu me regardes. - Oui, si tu veux, elle les chaussa et rougit de plus belle en posant son regard dans celui de la jeune femme qui la regardait tristement.
- Est ce parce que je t'ai dit ce que je ressentais hier que tu es ainsi aujourd'hui? Tu m'en veux Kheira, je n'aurais pas du. Je suis désolée si je t'ai... - Oh non, l'interrompit Kheira, tu te trompes, ce que tu m'as dit hier m'a émue... plus que tu ne le crois. - Alors qu'est ce qui t'arrive? Interrogea Salima agacée par l'air gênée de son amie, tu es bizarre. - Salima, j'ai fais un drôle de rêve cette nuit, et j'avoue que j'en ai un peu honte. Je ne sais pas pourquoi. - Raconte! - Je ne sais pas si j'oserais, j'ai peur de ta réaction, je crains que tu ne m'en veuille et je n'ai pas envie de te perdre. - Tu crois vraiment que je vais t'en vouloir simplement à cause d'un rêve qui est indépendant de ta volonté ? C'est mal me connaître Kheira. Je pensais vraiment qu'on était amies et que de ce fait tu me dirais tout comme moi je ne te cacherais rien. - Nous sommes amie bien sûr, se défendit la jeune femme avec ferveur, et j'espère que nous le serons toujours. Sans toi je perds ma raison de vivre Salima. Tu pensais vraiment ce que tu m'as dit hier avant de partir. - Oui, je le pensais et je le pense encore, tu vois tu peux tout me dire sans honte aucune. - Eh bien, j'ai rêvé que tu m'embrassais, elle rougit violemment, et j'ai adoré ça, finit- elle dans un murmure en se tournant vers la fenêtre. Pour toute réponse Salima se rapprocha doucement d'elle, la retourna vers elle et sans mot dire prit son visage entre ses mains et sans la quitter du regard posa ses lèvres sur les siennes et l'embrassa avec passion. Leurs bouches se quittaient et se retrouvaient dans un jeu troublant qui exacerbait leurs désirs d'aller
plus loin dans cette exploration. Lorsque leurs langues se touchèrent Kheira laissa échapper un sourd gémissement, ce contacte agit comme une onde électrique qui traversait ses veines en remplaçant son sang. Ebranlée et éperdue de désir Kheira se colla étroitement contre son amante, pétrissant son dos de ses mains en des gestes de désespoir qui trahissaient son envie de conclure. Lorsque Salima la lâcha enfin, Keira enfouit son visage brûlant dans le coup de sa compagne frustrée que celle - ci se soit brusquement arrêtée de nourrir ses lèvres. - Salima, C'est la première fois que mon corps se réveille de la sorte, j'ignorais qu'il avait une vie enfoui tout au fond de moi et là je sens qu'il réclame son dû. J'en ai le ventre tout retourné, finit- elle en regardant cette fois Salima droit dans les yeux pour lui signifier qu'elle n'avait plus honte. - Vraiment, mon amour?! Brahim ne t'embrasse donc pas? - Si, mais cela me laisse froide comme un glaçon, il me pénètre, il bouge en moi, il râle et se retire mais je ne ressens absolument aucune sensation. En tout cas il n'a jamais provoqué ce bouleversement en moi. Avec toi je me sens pousser des ailes tellement je suis heureuse. Je ressens comme un appel dans mon ventre. - Là, tu veux dire, demanda Salima en plaquant sa main contre l'intimité de la jeune femme, ce qui arracha à cette dernière un gémissement rauque. - Oh oui, mon Dieu qu'est ce qui m'arrive je me sens toute drôle, Salima tu m'as ensorcelée. Elle posa sa main contre celle de son amie et appuya dessus en une invite muette. Elle souhaitait que son amie calme ses sens exacerbés.
- Tu as tout simplement envie de faire l'amour ma chérie, ma petite colombe, moi aussi j'ai envie de toi, tout de suite, tellement envie que j'en ai mal. - Viens, cria presque Kheira, en prenant la main de Salima qu'elle serra fortement en l'entraînant vers l'étage. Elle était pressée de sentir le corps nu de Salima contre le sien. - Ton mari ne va pas venir n'est ce pas? - Oh mon Dieu j'ai oublié Farroudja, tu me rends folle Salima. Ne bouge pas je vais lui dire de servir Brahim de tout laisser dans la cuisine et de partir. Aujourd'hui, je ne tiens pas du tout à être dérangée par qui que ce soit. Elle embrassa son amie avec avidité avant de descendre. Elle remonta très vite et ferma la porte à clé. Salima qui regardait la rue à travers le rideau de la fenêtre se retourna et la reçut dans ses bras. Tout en s'embrassant passionnément elles se déshabillèrent à la hâte et se jetèrent sur le lit leurs corps étroitement soudés. Salima laissa errer ses mains sur le corps tendre et offert qui se cabrait ver elles. Lorsqu'elle eut atteint le mont de venus elle appuya ses caresses, Kheira gémissait les yeux clos elle savourait le rythme savant de ces mains qui lui faisait tant de bien. Soudain un plaisir fulgurant la saisit et la laissa pantelante et haletante. - C'est ce que j'aurais dû ressentir avec Brahim n'est ce pas ? demanda-t - elle doucement lorsqu'elle eut retrouvé son souffle. - Oui ma jolie sirène, tu es si belle quand tu jouis que je suis très heureuse d'avoir pour moi toute seule le privilège de le voir. Tu vois cela me rassure et donc je n'aurai pas à subir les affres de la jalousie. Savoir que tu as jouis pour la première fois dans mes bras me rends plus forte et plus heureuse. - Ma mère m'en avait vaguement parlé avant mon mariage, commença- t - elle en caressant la ferme poitrine de Salima,. Elle
m'avait dit que passée la douleur du premier soir " tu en redemanderas" ce sont ses mots. J’ai attendu vainement mais rien ne vint pour moi chaque soir c'était un devoir de laisser Brahim haleter sur moi. Mais Là! Là! Salima, j'ai compris ce que voulait dire ma mère. Salima, haleta- t- elle en se coulant de tout son long contre la jeune femme, j'en redemande déjà. Fais-moi encore l'amour et laisse-moi t'aimer à mon tour. Tu m'as ouvert les portes du Paradis et c'est avec toi que je veux y demeurer pour toujours. - Je t'aime Kheira. - Je t'aime aussi Salima tellement si tu savais, répliqua- t- elle émue aux larmes. Je t'aimerai toujours. Leur baiser eut un goût salé et il scella leur union. En replongeant dans les délices de l'amour, Kheira sentit qu'elle venait de renaître à la vie. Fin