Élodie Berger - Mémoire 1

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Introduction

1. Les bidonvilles : histoire et constat en France et dans le monde a. L’histoire des bidonvilles Définition : origine et évolution du terme « bidonville » Histoire : premières apparitions et évolution du phénomène en Europe et dans les pays en voie de développement b. La situation en France Le mal logement en France en 2011 : Rapport de la fondation Abbé Pierre et de l’INSEE Les bidonvilles français : quelques exemples marquants c. Le cas du bidonville de Parilly Le peuple rom en Roumanie Situation lyonnaise Histoire et parcours résidentiel des habitants du bidonville de Parilly

2. Les modes d’appropriation de l’espace a. La question des marges urbaines Espaces interstitiels et délaissés urbains : une opportunité pour les « citadins disqualifiés » b. La question des limites Définition A l’échelle de la ville A l’échelle du camp A l’échelle du « clan Craiova »

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3. Les compétences des habitants

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a. Définition

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b. Dans la ville

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La création du camp : poser la première planche L’installation : les « réseaux d’interconnaissances » et les « communautés migrantes » Pérenniser l’installation et (sur)vivre au quotidien c. Dans le camp Au moment de l’installation La vie dans le bidonville au quotidien : l’habiter ensemble et les compétences d’aménagement d. Diffusion des compétences, la notion de réseau

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Conclusion

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Bibliographie

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Annexes

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1 Voir BELAADI, Brahim, « Le Bidonville : Histoire d’un concept », Revue des sciences humaines , Université Mohamed Khider Biskra, N°1, Novembre 2001, p. 207-213, www.webreview.dz/IMG/pdf/15.pdf, consulté le 02.05.2012 2 BRUNET, Roger, FERRAS, Robert, THÉRY, Hervé, Les mots de la géographie, dictionnaire critique, éd. Reclus, La Documentation Française, coll. Dynamiques du territoire, 2005, p. 67 3 BELAADI, Brahim, op. cit.

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Le Petit Larousse Grand Format, Paris, éd. Larousse, 1993 BARNET, Yann, Bidonvilles et architectes, mémoire de fin de deuxième cycle, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, Strasbourg, 2002-2003, http://yann.barnet.free.fr/bidonvilles/bidonvilles.htm, consulté le 02.05.2012 6 BELAADI, Brahim, op. cit. 7 BARNET, Yann, op. cit. 5

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BARNET, Yann, op. cit. Image de Jean POTTIER, photo-journaliste, extraite de http://pottier.jean.free.fr/CommentBidonville.htm, consulté le 07.05.12 17 source : bidonville-nanterre.arte.tv/, consulté le 07.05.2012

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18 Images de Gérald BLONCOURT extraites de http://www.bloncourt.net/pictures/temps_passe/diapo_01.html, consulté le 07.05.12 19 Images de Julien BELLER extraites de http://www.mouvements.info/Experience-intersticielle.html, consulté le 07.05.12

16


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Ouvrages - BOURDIEU, Pierre (dir.), La misère du monde, Paris, éd. Seuil, coll. Points, 1993 - BOUILLON, Florence, Les mondes du squat, Paris, éd. PUF, coll. Partage du savoir, 2009 - FIJALKOW, Yankel, Sociologie de la ville, Paris, éd. La Découverte, coll. Repères, 2002 - PETONNET, Colette, On est tous dans le brouillard, Paris, éd. Galilée, 1979 - PICHON, Pascale, Vivre dans la rue, sociologie des sans domicile fixe, Publication de l’Université de St Etienne, 2010 - BACHELARD, Gaston, La poétique de l’espace, éd. Quadrige/Puf, 1957 - SEGAUD, Marion, Anthropologie de l’espace, Habiter, fonder, distribuer, transformer, éd. Armand Colin, Paris, 2007 - RAYMOND, Henri, et al., L’habitat pavillonnaire, Paris, L’harmattan, 2001 - RAYMOND, Henri, L'Architecture, les aventures spatiales de la raison, Paris, Centre G. Pompidou, coll. Alors, 1984 Articles - LEGROS, Olivier, Les pouvoirs publics et les grands « bidonvilles roms » au nord de Paris (Aubervilliers, Saint-Denis, Saint-Ouen), EspacesTemps.net, Textuel, 27.09.2010 http://espacestemps.net/document8422.html, consulté le 04.01.2012 - BELAADI, Brahim, (2001) article, Le Bidonville : Histoire d’un concept, Revue des sciences humaines , Université Mohamed Khider Biskra, N°1, Novembre 2001, www.webreview.dz/IMG/pdf/15.pdf, consulté le 02.02.2012 - ZANINI, Piero, BONNIN, Philippe, « L comme Limite », dans Les cahiers de la recherche architecturale et urbaine n°20-21. L’espace anthropologique, 2007, p. 103-106 - REKACEWICZ, Philippe, Les Roms, un peuple européen, 29 juillet 2010, Le monde diplomatique, http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/roms, consulté le 04.05.2012 - PINSON, Daniel, « Du logement pour tous aux maisons en tout genre – ethnographie de l’habitat ouvrier en Basse-Loire », Paris, Les cahiers de la recherche architecturale, 1992, n°27-28 - BERRY-CHIKHAOUI, Isabelle, DEBOULET, Agnès, « Les compétences des citadins : enjeux et illustrations à propos du monde arabe », L’homme et la société, 2002, n°143-144, pp. 65-85 64

La bibliographie contient les ouvrages que j’ai cité et ceux que j’ai lu en partie pour construire mon mémoire.

49


Rapport - FONDATION Abbé Pierre, L’état du mal logement en France, 16ème rapport annuel, 2011 Mémoires - BARNET, Yann, Bidonvilles et architectes, mémoire de fin de deuxième cycle, Ecole d’Architecture de Strasbourg, 2002-2003, http://yann.barnet.free.fr/bidonvilles/bidonvilles.htm, consulté le 02.05.2012 - VANDERLICK, Benjamin, Une mondialisation par le BAN, DEA Villes et sociétés, Institut Lyonnais d’Urbanisme Lumière Lyon 2, juin 2004 Sites internet - http://www.le-cartographe.net/index.php/dossiers-carto/monde/67-bidonvilles, consulté le 07.05.2012 - http://pam.venissieux.org/+Camp-de-Roms-du-Puisoz-Incivilites+, consulté le 12.05.2012 - http://www.bloncourt.net/pictures/temps_passe/diapo_01.html, consulté le 07.05.2012 - http://www.mouvements.info/Experience-intersticielle.html, consulté le 07.05.2012 - http://pottier.jean.free.fr/CommentBidonville.htm, consulté le 07.05.2012 - bidonville-nanterre.arte.tv/, consulté le 07.05.2012 Dictionnaires - Le Petit Larousse Grand Format, Paris, 1993, éd. Larousse - BRUNET, Roger, FERRAS, Robert, THÉRY, Hervé, Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Reclus, La Documentation Française, coll. Dynamiques du territoire, 2005, p. 67, p. 81, p.83 3 SERFATY-GARZON, Perla, « L’appropriation », Dictionnaire critique de l’habitat et du logement, 2002 Cours - GIRARD, Muriel, Cours « Ville et logement », Habiter et compétences d’usage : appropriation et transformation, octobre 2011

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Enquête de terrain – LYON – décembre 2011/avril 2012 Notes de visite

1. Recherche d’un bidonville : 22/12/11 Le début est toujours difficile. Il faut déjà trouvé un site. Je fais le choix de travailler sur Lyon plutôt que sur Marseille pour des raisons pratiques. Je passe mes vacances de Noël à Lyon chez mes parents. C’est un moment où je pourrai me consacrer pleinement au mémoire. Je n’ai pas de cours la journée. J’ai du temps. Dans un premier temps je cherche sur internet en tapant « bidonvilles lyon » sur google. Les premiers résultats sont des articles qui relatent l’expulsion de camps de roms dans la périphérie de Lyon. Je note les quelques adresses que je trouve en me disant je vais aller voir s’il reste quelque chose sur le terrain depuis que les bidonvilles ont été rasés. Est ce qu’ils se sont réinstallés, etc… ? Les premières adresses que je trouve sur internet dans Lyon et ses alentours : -

rue Paul Bert, bidonville de roms, 3ème ardt, Lyon rue de la Soie, Villeurbanne Vaulx en Velin St Priest bidonville de Parilly, Vénissieux Part dieu, près des voies ferrées Gerland Feyzin

2. Première approche : 22/12/11 - 14h30 Le 22 décembre, je pars en voiture avec ma mère à la recherche d’un bidonville. Nous commençons par tourner autour du marché gare et de la sucrière. Sans succès. En fait c’est le quartier Confluence qui est en reconversion. S’il y avait des bidonvilles, ils ont sûrement été rasés pour « nettoyer » le quartier. Je n’aime pas employer ce terme là, il est péjoratif et dévalorisant pour les bidonvilles. Nous continuons donc en direction de Gerland. Nous tournons en voiture autour du stade et nous longeons le port Edouard Herriot. Pas de bidonville à l’horizon. Nous avançons en direction de Vénissieux. Nous prenons une bretelle d’accès pour Parilly. Là nous apercevons au loin un camp, des tentes, des cabanes… Nous nous rapprochons. J’ai une boule au ventre. Effectivement, c’est bien un bidonville. Qu’est ce qu’on fait, on s’arrête ? On regarde juste ? On dit bonjour ? Nous nous arrêtons sur le bord de la route. Deux vieilles femmes nous observent. Je les regarde par la fenêtre de la voiture. Je leur fais un signe de la main et je souris pour leur dire bonjour. Elles me répondent avec un grand sourire. Ca me rassure. Je me dis qu’on peut aller leur parler. Nous descendons de la voiture. Le camp est un peu en contrebas. Depuis la route nous surplombons. Nous nous approchons doucement. Les deux vieilles femmes nous regardent, attendent que nous disions quelque chose. Ma mère s’accroupit puis elle commence. Elle leur dit bonjour, et leur demande si elles ont besoin d’aide. Les femmes nous répondent que oui. Ma mère leur demande de quoi elles ont besoin. Elles nous répondent oui. Très vite nous comprenons qu’elles ne parlent pas bien français. Du coup ma mère leur demande si elles parlent français. Alors elles appellent quelqu’un d’autre. Un jeune homme arrive. Lui parle français. Sur le coup, il est un peu agressif, il demande « Qu’est ce qu’il y a ? Qu’est ce qu’il y a ? ». Alors on lui dit « Non non, rien, on vient juste voir si vous avez besoin d’aide, besoin de quelque chose… qu’est ce qu’on peut vous apportez pour vous aider ? ». Là il

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comprend qu’on ne veut pas leur faire de mal ou les expulser. Il nous répond plus tranquillement. Du coup, on arrive à discuter. On leur demande depuis combien de temps ils sont là, combien ils sont dans le camp, s’il y a des enfants… S’ils vont à l’école, etc… Il nous dit que ça fait 6 mois qu’ils habitent là. Ils sont roumains. Il y a une quinzaine de familles dans le camp. Il y a des enfants et ils vont à l’école. On lui demande aussi s’ils sont parfois embêtés par la police. Il nous répond qu’ils n’ont pas de soucis, que la police sait qu’ils sont installés là et que ça ne pose pas de problème. Et puis on lui demande s’il a des amis français. Il nous répond que non, pas encore mais qu’il espère en avoir un jour… Nous lui redemandons ensuite s’ils ont besoin de quelque chose, si on peut leur apporter des couvertures chaudes et des pulls pour passer l’hiver… Il nous répond que oui, tout ce qu’on peut leur apporter sera le bienvenu, des couvertures, des bottes, à manger, etc… Du coup on lui dit qu’on reviendra pour leur amener à manger… Il nous dit qu’il est d’accord. Pour finir, on se présente, et on lui demande son prénom. Il s’appelle Constantinescu. Il a 31 ans. Il est un des seuls qui parle français dans le camp. On se dit au revoir chaleureusement. Nous repartons en voyant des sourires sur les lèvres… Pendant cette première visite, nous ne sommes pas vraiment rentrées dans le bidonville. Nous sommes restées sur le bord de la route. Mais j’ai quand même pu observer certaines baraques. Elles sont faites en bois. Ce sont souvent des plaques d’agglo de chantier, du triply ou des palettes. C’est de la récupération. Les toits sont légèrement pentus. Ils sont fait avec de la tôle. Parfois il y a des bâches rajoutées. J’étais très étonnée de voir que les portes avaient des charnières. Je me demande d’où elles viennent… Comment ils les récupèrent ? Je décide d’y retourner le lendemain en me préparant une liste de questions et de points à aborder avec les habitants… - Depuis combien de temps êtes vous en France ? - Quand vous êtes arrivés, où dormiez vous ? - Comment et pourquoi avez vous choisi cet emplacement pour installer votre camp ? - Pour construire les maisons, où avez vous trouvé les matériaux ? C’est de la récup’ ? Les avez vous acheter ? - Avez vous des outils pour construire vos maisons ? Marteaux, clous, scie, etc… ? - Qui construit les maisons ? Est ce que tout le monde participe ? Est ce qu’il n’y a que les hommes qui les montent ? Y a-t-il des rôles définis ? - Dans les maisons, est ce que vous mangez ou est ce que vous dormez seulement ? Est-ce que vous vivez plutôt à l’extérieur ? Dans une pièce comment vous vivez ? - Est ce que vous mangez tous ensemble ? ou séparément ? Comment vous mangez ? - Comment vous trouvez de l’eau ? Premières recherches de problématiques : En quoi l’implantation d’un bidonville dans une ville révèle des stratégies dans les choix des habitants ? Comment s’installe-t-on dans une structure/ville existante quand on a rien ? Comment construit-on quand on a rien ? Est-il utile pour une ville de prévoir des zones d’habitats précaires ? Comment viabiliser une bretelle d’autoroute pour accueillir un camp de Roms ? 3. Deuxième jour : 23/12/11 – 15h30/16h Le lendemain, je fouille au fond de mes placards pour trouver des pulls et des couvertures que nous n’utilisons plus à la maison… Je fais quelques courses de nourriture (œufs, pâtes, oranges, huile…).

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Je repars pour amener tout ça aux roumains. Quand nous arrivons au bidonville (j’étais toujours avec ma mère), nous arrivons par l’autre côté. Nous pouvons nous garer sur une place de parking. Nous demandons à une petite fille qui fait la manche sur le bord de la route si nous pouvons voir Constantinescu. Elle nous dit qu’il n’est pas là, qu’il est parti passer noël chez sa cousine. Sa cousine habite dans un foyer sur Lyon… Du coup on demande à voir les deux mamans que nous avions vu la veille. Elle nous montre du doigt une femme. En fait c’est sa grand-mère mais ce n’est pas une des femmes que nous avons vu la veille. Nous commençons à discuter avec elle. Elle ne parle pas français. La petite fille tDinuit. Du coup nous discutons surtout avec la petite fille. Nous lui posons quelques questions… Ses frères et sœurs arrivent entre temps… Ses parents et ses grands-parents. Elle nous les présente. C’est une famille de quatre enfants, trois filles de 12, 10 et 8 ans et un fils de 6 ans : Mirela qui nous parle, Camelia, Andreea et Giovanni. Les hommes semblent un peu méfiants, ils restent en retrait et ils observent sans forcément comprendre tout ce que nous disons. Tous les enfants parlent français, ils traduisent pour leurs parents. Les enfants nous disent qu’ils vont à l’école à Gerland. On leur demande comment ça se passe. Ils nous racontent qu’ils se sont fait des copains, mais qu’au début c’était difficile parce que les autres avaient peur d’eux, parce qu’ils étaient étrangers. Ils nous racontent qu’ils ont parlé de noël en classe. Ils nous disent qu’ils fêtent noël et qu’ils croient au père noël. On leur demande s’ils croient en dieu et s’ils sont catholiques. Là les enfants demandent aux parents. Les parents nous disent qu’ils ne sont pas catholiques mais qu’ils sont papistes et que bien sûr ils croient en dieu. Puis on raconte aux enfants que je suis dans une école où on apprend à construire des maisons et que j’aimerais comprendre comment eux construisent leur propre maison. Ils nous expliquent que ce sont leur papa et leur grand-père qui ont construit leur maison. Mirela me tire la main pour m’emmener voir sa baraque. Mais je lui dis qu’il faut demander à sa maman si je peux y entrer. Finalement on lui demande où ils trouvent les matériaux, s’ils connaissent emmaüs (qui est juste à côté dans le quartier). Mirela nous explique que c’est de la récupération. Elle ne connaît pas emmaüs et de toutes façons, ils n’ont pas d’argent pour acheter. Enfin on va chercher les pulls et les couvertures dans la voiture pour leur donner. Ils ont l’air content et nous remercient chaleureusement. Mirela nous demande alors si on peut leur amener un sapin de noël et des boules parce qu’ils n’en ont pas. Je lui promets de revenir le lendemain avec un sapin. Elle me dit de demander la famille Traïla quand je viens. Elle me dit aussi qu’ils vont commencer la construction d’une nouvelle baraque et que je peux venir voir comment ils font. Nous nous disons au revoir et nous repartons. 4. Troisième jour : 24/12/11 – 16h30/17h à la tombée de la nuit Le troisième jour, je vais couper un petit sapin dans la forêt à côté de chez moi pour l’amener à Mirela. Je coupe des morceaux de palettes que je cloute en croix sous le tronc pour le faire tenir debout. Je prends quelques peluches que nous avions quand nous étions petits à la maison et que nous n’utilisons plus, pour les offrir aux enfants. Je repars. Quand j’arrive au bidonville, je le trouve étrangement calme. J’ai l’impression qu’une des baraques a disparu. Mirela m’avait dit qu’ils en construiraient une nouvelle, mais je ne vois rien. Les enfants que j’avais vu la veille n’étaient plus là. Je continue un peu plus loin à pied, et là je tombe sur deux femmes, je leur demande où est Mirela. Elles commencent à s’énerver en me disant que tout ce qu’on a apporté la veille (couvertures, pulls, etc…) n’a pas été partagé avec le reste des habitants, qu’ils ont tout gardé pour eux, que c’est comme quand le samu est passé. Ils n’ont rien pu avoir parce que les autres ont tout gardé, etc… Au bout d’un moment, il me semble qu’une des deux femmes qui nous parlent est une des femmes que j’ai rencontré le premier jour, à qui on avait dit qu’on reviendrait pour leur amener des vêtements et de la nourriture. En fait elle n’a rien eu. Elles nous supplient de revenir avec des couvertures et des choses à leur donner. Et elles nous disent de demander Victoria quand nous revenons. Victoria c’est une des deux

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femmes. Elle parle un peu français. On finit par donner le sapin aux enfants qui étaient là autour, ce sont ceux de Victoria. Du coup on demande où sont passés les autres enfants que nous avons vu la veille. Victoria nous dit qu’ils sont allés dormir au samu avec leurs parents. Comme j’ai l’impression qu’il manque une baraque dans le camp, je me demande s’ils ne se sont pas carrément fait virer par les autres habitants parce qu’ils n’ont pas partagé les couvertures et la nourriture que nous leur avons amené… Nous nous disons au revoir et je promets aux femmes de revenir après noël pour leur amener des choses. Je repars un peu déçue. J’essaie de comprendre ce qu’il s’est passé. Je constate qu’ils ne sont pas tous solidaires entre eux dans le camp. Je me sens un peu coupable pour Victoria et sa maman qui n’ont rien eu… 5. Quatrième jour : 28/12/11 – 19h30 de nuit Après noël, je repars pour emmener pulls chauds, couvertures et chaussures à Victoria et sa famille. Il fait nuit. J’appréhende un peu. Je me demande qu’est ce que je vais bien pouvoir trouver en arrivant sur place. De loin, depuis la voiture je ne vois rien. J’ai peur qu’ils se soient fait expulsés. Et puis en fait, en me rapprochant je vois un feu. Des hommes se sont installés autour d’un feu. Quand nous arrivons (ma mère et moi), il se ruent vers nous pour nous prendre les pulls que nous avons dans les mains. Alors je leur dis, non, on vient voir Victoria. Nous continuons notre chemin. Nous rentrons dans le bidonville pour aller à la rencontre de Victoria. Tout est noir, j’ai l’impression d’être rentrée chez quelqu’un. L’espace entre les baraques est si restreint que j’ai le sentiment d’être dans un couloir de chambres. Au sol, il y a un tapis, à côté un canapé. Nous appelons Victoria. Des gens sortent d’une baraque, des hommes, des femmes, des enfants. Toutes générations confondues. Nous demandons à voir Victoria. Ils vont la chercher. Elle nous reconnaît. Elle nous dit qu’elle va « comme ci comme ça ». Elle semble transie de froid. Nous lui donnons pulls, couverture. Toute sa famille est là. Peut-être des amis aussi, je discute avec l’un d’eux. Il me dit qu’il a 30 ans. Je lui demande s’il serait d’accord de me montrer comment il fait pour construire sa maison. Là il me dit qu’il ne sait pas construire une maison. « Dès qu’il y a un coup de vent, tout tombe. C’est pas une maison. C’est une baraque. » Ils n’emploient pas le terme de « maison » pour parler de leur habitat. Ils parlent vraiment de « baraque ». Ils nous ont reçu très chaleureusement. Nous leur disons au revoir pour repartir. C’est la première fois que j’ai le sentiment de devoir leur dire au revoir plutôt que le contraire. Cette fois-ci c’est nous qui sommes partis et pas eux qui sont rentrés chez eux. Problématiques : Comment trouver une problématique ? A partir d’un paradoxe ? - Premier paradoxe : la fragilité, le côté éphémère des constructions par rapport à la durée d’installation (6 mois) On observe que malgré la fragilité des constructions, elles sont relativement durables puisque les habitants sont installés depuis 6 mois. - Deuxième paradoxe : le fait qu’il n’y ait pas de murs pour délimiter les espaces et l’intimité qui se crée tout de même entre les baraques On observe que malgré le fait qu’il n’y ait pas de murs pour délimiter les espaces à l’extérieur, il y a une forte intimité qui se crée. Hypothèses : Le camp semble être divisé en deux parties. Une qui s’est installée il y a 6 mois dont j’ai rencontré les habitants le premier jour. Et une plus récente (qui date d’un mois selon Mirela), dont j’ai rencontré les habitants le deuxième jour. Il semble que ces deux groupes se soient

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installés à côté pour des questions pratiques mais qu’ils ne communiquent pas ensemble et qu’il n’y a pas d’entraide entre eux. Le deuxième groupe, qui est arrivé après, a un accès plus direct à la route. Le premier groupe est un peu en retrait, dans un renfoncement, en contrebas de la route. Donc il peut moins profiter des occasions qui se présentent (quand le samu passe pour distribuer de la nourriture ou des couvertures par exemple…) Ca semble être un objet de litiges entre les deux groupes. Jusqu’à maintenant je n’ai rencontré que des personnes différentes à chaque fois. Donc il m’est difficile d’établir un contact durable. Je n’ai pas encore vraiment pu rentrer dans le bidonville. Je suis toujours restée un peu sur le bord de la route. 6. Cinquième jour : 18/01/12 – 15h30/16h De retour de Marseille, je file au bidonville. J’espère qu’ils se souviendront de moi, ça fait longtemps que je ne leur ai pas rendu visite… Ma mère y est allée une fois quand j’étais sur Marseille pour maintenir le contact. Elle a pu discuter avec Victoria, elle voudrait des rideaux. Du coup, je pars pour lui amener des rideaux « grands qui tombent jusque par terre » comme elle l’avait précisé. Quand j’arrive au bidonville, le premier groupe est réuni autour d’un feu. Je leur dis bonjour et je continue mon chemin. Ils ne se ruent pas vers moi pour me prendre ce que j’ai dans les mains. Je rentre dans l’autre partie du bidonville. Personne. Tout est désert. Pas d’âme qui vive. Du coup je prends le temps d’observer, sans entrer dans les baraques ! Je ne suis pas chez moi. Ma première impression : je suis effarée par la quantité d’objets qui m’entourent, c’est un amas, une accumulation d’objets. Je me dit que c’est une impression dûe au fait qu’ils n’ont pas de meubles, d’armoires pour tout ranger. Tout est sorti, empilé, rangé… Il y a sûrement une logique de rangement, de tri. Les baraques ont généralement un petit auvent qui protège l’entrée, et sous lequel sont stockés des réserves (lait, œufs, etc…), de la vaisselle (casseroles…) Il y a parfois un petit meuble (qui fait étagères) sur lequel sont posés tous ces objets. Je suppose que ça permet de protéger du sol boueux. Mais il y a aussi un tapis au sol, complètement imbibé d’eau quand il pleut mais qui permet au moins d’éviter d’avoir les pieds dans la gadoue avant d’entrer dans la baraque. Je remarque par ailleurs qu’une des baraques a une petite cheminée qui sort du toit. Yaurait-il un poêle à l’intérieur ? Peut-être que c’est un des moyens que les habitants ont trouvés pour se chauffer… Je ne reste pas très longtemps parce que je ne suis pas chez moi. Je ne veux pas rester chez eux en leur absence… Donc je fais vite demi-tour et je repars. En repassant devant le premier groupe, je ne m’attarde pas parce que les rideaux que j’ai dans les mains ne sont pas pour eux. J’ai peur de les fâcher si je m’arrête sans rien leur donner. 7. Sixième jour : 21/01/12 – 13h J’y retourne trois jours plus tard… Avec des rideaux, des draps et deux bouteilles de cocacola. (ils nous ont dit qu’ils aimaient ça une fois…) Quand j’arrive, je suis avec ma mère, nous allons voir Victoria. Quand nous entrons dans le bidonville (c’est un peu casse-gueule : il pleut, le sol est boueux et très glissant) une jeune fille sort de la première baraque. Pendant un instant je crois voir Victoria. Elle lui ressemble comme deux gouttes d’eau. C’est sa fille, j’en suis sûre. On lui demande où est Victoria. Elle va la chercher. Pour ça elle retourne dans la baraque. Elle appelle sa mère. Nous attendons devant la porte. Victoria sort, elle est en train de fumer une cigarette. On se dit bonjour chaleureusement. On lui dit qu’on a amené des rideaux et des draps. Elle a l’air contente. Mais elle a du mal a sourire franchement. On sent que c’est dur. Je me demande si elle ne fait pas une dépression. Victoria a trois enfants, deux garçons (un de 4 ans, un de 10 ans) et une fille (de 13 ans). Elle a raconté à ma mère (quand j’étais sur Marseille) qu’elle était venue en France avec son mari et ses enfants, qu’elle avait des papiers. Mais il est parti avec une autre, et avec les papiers… Du coup elle est de nouveau dans la merde. Et puis elle m’explique qu’elle est dans ce camp depuis 2 mois. Avant elle était dans un autre camp

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à St Priest. Ca faisait 8 mois qu’elle était installée là bas avec ses enfants. Elle avait eu le temps de s’installer correctement là bas. Et puis c’est la police qui les a expulsés. Elle me dit que c’est très dur de changer de camp. Il faut reprendre ses repères, tout reconstruire. On repart de zéro à chaque fois. C’est terrible. Elle s’est installée là à Vénissieux parce qu’il y avait déjà son frère. (En fait Constantinescu, c’est son nom de famille et celui de son frère, le garçon que j’ai rencontré le premier jour, elle m’a dit son prénom mais je ne m’en souviens plus) Quand je lui ai demandé pourquoi ils avaient choisi cet emplacement à Vénissieux, comment ils avaient décidé de s’installer là. Elle m’a dit, en haussant les épaules « bah, parce qu’il y avait de la place »… Elle m’explique alors qu’ils vont peut-être à nouveau se faire expulser au mois de mars. La police est passée avant-hier pour leur annoncer qu’il y aurait un jugement au mois de mars qui déciderait si oui ou non ils pourraient rester à cet emplacement. Désarroi et découragement sur le visage de Victoria. On lui demande ce qu’elle va faire s’ils sont expulsés… Elle nous dit en haussant les épaules, « bah je vais chercher un nouveau camp »… Je lui dis qu’on est passé au camp mercredi après-midi mais qu’il n’y avait personne. Je lui demande où elle était… Elle me dit qu’elle était allée à carrefour avec ses enfants pour se réchauffer parce qu’il faisait très très froid. On lui donne les draps, les rideaux… Et on lui propose d’aller faire des courses au carrefour. Elle est un peu hésitante au début, puis elle accepte. On lui dit « on t’attend à la voiture ». Sa fille, Mirela, vient avec nous elle aussi. Victoria, après être allée poser ses rideaux chez elle, revient avec un long manteau blanc et un petit sac à main en bandoulière autour de l’épaule. Elle a des nouvelles baskets. Elle nous dit que c’est la maîtresse de Mirela qui lui a donné. Et puis elle nous dit aussi qu’elle a un numéro de téléphone. C’est la maîtresse de Mirela qui lui a donné un portable. Du coup on le note sur un bout de papier 06.58.62.10.70. Mirela nous explique qu’elle va au collège à St Priest. Elle nous dit qu’elle n’a pas de copines. Mais que la prof est gentille avec elle. On lui demande comment elle va au collège à St Priest : elle prend le bus numéro C25. Elle a un abonnement. Dans la voiture, on demande à Mirela si elle se souvient de sa vie en Roumanie. Elle ne répond pas, on insiste un peu… toujours pas de réponse. Elle détourne le regard, ça a l’air de la déranger. On change de sujet… J’avoue que les centres commerciaux, c’est vraiment pas mon truc. Mais là c’est pire que tout, un samedi après midi en période de soldes… quand on cherche à acheter « l’essentiel », le « minimum vital »… c’est dur… On prend des légumes (choux, pommes de terre…), du pain, du savon, du shamppoing, des serviettes hygiénique, etc… On laisse le soin à Victoria de choisir ses produits. Et Mirela nous demande du pétrole, pour chauffer sa baraque. Ils ont un poêle mais ils ne l’utilisent pas parce qu’ils n’ont pas d’argent pour acheter du pétrole. Du coup on va chercher un bidon de 25 litres. Je lui demande pendant combien de temps il peuvent chauffer avec ça. Elle me dit « je sais pas, on en achète jamais »… J’étais impressionnée de voir que Mirela savait très bien où se trouvait le pétrole dans le magasin. Je ne savais pas du tout dans quel rayon c’était, alors je l’ai suivie. Elle savait pertinemment où c’était. Et Victoria connaissait bien les rayons aussi, elle savait très bien quels étaient les produits les moins chers… On passe à la caisse puis on remmène Victoria et Mirela au campement. Elles ont un sens de l’orientation assez impressionnant. Ma mère et moi sommes un peu perdues au niveau des embranchements de routes, d’autoroutes, etc… C’est un coin de Lyon qu’on ne connaît pas très bien. Du coup c’est Victoria qui nous indique la route. (d’ailleurs sur le parking de carrefour, immense, c’est elle qui se souvient parfaitement où est garée la voiture, elle a pensé à regarder le numéro correspondant au rang où nous nous sommes garées). Quand on arrive devant le camp, tous les habitants nous regardent. On décharge la voiture… sous leurs yeux. J’ai un peu peur de créer un conflit mais tout se passe bien. J’aide

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Mirela et Victoria à emmener leurs courses jusque dans leur baraque. Dans la baraque, il y a un jeune homme, que j’ai déjà rencontré une fois où j’étais venue. Il me dit de rentrer, du coup je viens sur le pas de la porte. C’est la première fois que je m’approche autant d’une de leur baraque ! A l’intérieur c’est minuscule. On sent une différence de température par rapport à l’extérieur (il fait plus chaud à l’intérieur). Par terre, un plancher surélevé du sol extérieur. Et un petit lit, avec une couverture à fleurs qui le recouvre. Un tissu blanc est tendu au plafond et accroché aux murs. Il donne un côté « chambre » à la baraque. C’est comme un petit cocon, un petit nid, minuscule. Le jeune homme me propose gentiment une clémentine à manger, je refuse… C’est pas moi qui ai faim, c’est lui ! Je ressors pour dire au revoir à Victoria et Mirela, je leur fais une bise et je leur souhaite bon courage… Et le jeune me dit en rigolant « et moi ? moi aussi je veux un mimi ! ». Alors je lui fais une bise aussi. Victoria demande à Mirela de me raccompagner jusqu’à la voiture. Ma mère m’attend au volant. Un homme du camp d’à côté vient demander une cigarette à ma mère. Puis il dit quelque chose à Mirela en roumain… je ne comprends pas. Je m’adresse à Mirela, je lui demande « qu’est-ce qu’il t’a dit ? », elle me dit qu’il voulait savoir qu’est ce qu’elle faisait dans la voiture avec nous… 8. Septième jour : 25/01/12 – 17h30/18h Aujourd’hui je décide d’aller seule au campement. Mon but est d’arriver à entrer chez Victoria, et à partager un moment avec elle… Un peu plus longtemps que d’habitude. Pour arriver au campement, je ne prends pas le même chemin que d’habitude, j’arrive face au camp (pas sur le côté). J’observe, j’essaie de comprendre, de loin, comment se matérialise la séparation entre les deux clans. Je ne vois pas très bien. J’ai l’impression qu’il n’y a pas de barrière ou de clotûre, c’est juste l’orientation des baraques qui fait la limite entre les deux camps. Je vois que cette limite se fait quand même au niveau d’un poteau électrique, un lampadaire situé sur le trottoir. Je ne sais pas si l’installation des baraques s’est faite en fonction de la position de ce lampadaire, mais il semble que c’est à ce niveau là que se fait la séparation. La séparation n’est pas matérielle. Elle est symbolique. Je me gare, je m’approche du camp, un homme (une quarantaine d’années je dirais) est là sur le trottoir, un petit garçon court et joue avec un ballon dans la gadoue et puis il fait la manche auprès des voitures qui attendent au feu rouge. Je m’approche pour dire bonjour, je sers la main au monsieur, je l’ai déjà vu plusieurs fois pendant mes visites. Je lui demande si Victoria est là et si je peux la voir. Il me dit qu’elle est allée à carrefour « pour manger »… Je me demande bien ce que ça peut vouloir dire, est-ce qu’elle y va pour faire des courses, avec quel argent ? est-ce qu’elle y va pour manger ce qu’elle trouve dans les rayons, discrètement ? est-ce qu’elle y va pour mendier à l’entrée du magasin ?… Puis je lui demande si Mirela est là, sa fille. Il me dit qu’elle est aussi à carrefour… Je n’insiste pas plus. Du coup je lui dis « mais tu es tout seul là ? ». Il a l’air de garder le camp : il est debout à l’entrée, les bras croisés, les jambes bien ancrées dans le sol, derrière la bordure du trottoir, sur la terre. Moi je reste sur la partie goudronnée. J’ai l’impression que c’est la bordure du trottoir qui marque l’entrée dans le camp. Quand on met un pied sur la terre, on y est. Une jeune fille arrive, je l’ai déjà vue elle aussi plusieurs fois, je la reconnais facilement parce qu’elle a le nez cassé. On se dit bonjour, je lui demande comment elle va, et puis en fait, elle ne comprend pas tout ce que je dis, elle se tourne vers le monsieur à chaque fois pour qu’il lui traduise ce que je dis. Je reprends ma discussion avec le monsieur. Je lui demande si le petit garçon qui est là est son fils, il me dit que oui. Il court de partout et il tend la main à chaque fois qu’une voiture s’arrête au feu. A un moment, une jeune femme ouvre sa fenêtre et lui donne des petits gâteaux au chocolat, il est trop content, il crie de joie ! J’essaie de discuter avec le monsieur, je lui demande quand est-ce que Victoria doit revenir, il ne sait pas trop… Je lui demande comment fonctionne le camp. Il ne comprend pas ma question, il me dit qu’il ne parle pas très bien français. J’ai du mal à communiquer avec lui.

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C’est la barrière de la langue. Mais je parviens tout de même à obtenir quelques informations : il me dit qu’il y a cinq familles ici. Etonnée, je lui demande de me redire ce qu’il vient de m’annoncer. J’imagine qu’il y a plus de familles que ça, du coup il me dit : « si, si, il y a cinq baraques, cinq familles »… Alors je lui fais comprendre que ça m’étonne en lui montrant l’autre partie du camp : il me dit « oui, c’est séparé »… Donc je lui demande pourquoi ils sont séparés. Là il m’explique que les autres viennent de tel endroit en Roumanie et eux, viennent d’un autre endroit (il m’a donné les noms des villes ou des régions d’où ils viennent mais je ne les ai pas retenus). Je me dis que la prochaine fois je peux essayer d’y aller avec une carte de la Roumanie et qu’ils sauront peut-être me dire précisément d’où ils viennent. Enfin je lui demande s’il a un poêle lui aussi dans sa baraque, comme les autres… Il ne comprend pas le mot, alors j’essaie de lui faire comprendre avec des gestes, en lui montrant les cheminées, il a l’air de mieux comprendre, et il me dit « ah oui, fuoco » ou quelque chose comme ça… Je traduis ça par « feu », le feu. Je pense qu’on a fini par se comprendre, il m’a dit que oui il en avait un (mais je n’en suis pas sûre). Si ça se trouve, on a tous les deux parlé de choses complètement différentes. Je finis par lui dire au revoir, et je salue la jeune fille qui était là. Je dis au revoir au petit garçon, son père lui dit de me faire coucou et il me dit « ciao »… En repartant, je me dis que je vais aller faire un tour sur le parking du carrefour pour voir si je trouve Victoria, ou au moins pour voir ce qu’elle fait, quand elle est au carrefour. Je vais mener mon enquête. Sur le parking de carrefour, je regarde vers les entrées pour voir si elle ne fait pas la manche, je ne la vois pas. Je me gare, je rentre à l’intérieur, je cherche un peu dans la galerie marchande pour voir si elle n’est pas tout simplement assise sur un banc, si elle est là pour se réchauffer, puis je cherche un peu dans les rayons. Sans succès. Je n’y reste pas très longtemps. Je me dis que j’ai quand même peu d’espoir de la trouver dans une grande surface. Et puis si ça se trouve elle est déjà sur le chemin du retour, pour rentrer au camp, bien que je ne l’ai pas vue sur la route… Ce qu’il y a de sûr c’est qu’elle ne mendie pas à l’entrée du magasin. Je n’y ai pas vu de roumains. Peut-être qu’ils ont déjà essayé et qu’ils se sont fait virés… Je n’en sais rien… Je repars. 9. Huitième jour : 09/02/12 – 23h de nuit Ce soir là, je rentre de Marseille en train. Ma mère me récupère à la gare et nous filons au camp. Nous voulons le voir fonctionner de nuit et nous avons prévenu Victoria que nous passerons tard dans la soirée. Elle m’a appelé au téléphone la veille pour me dire que son fils était malade… Ma mère doit ensuite partir une semaine en vacances alors nous décidons de lui amener deux bidons de pétrole d’avance pour la semaine qui vient. Quand nous arrivons au camp, tout est calme. Il fait nuit. L’entrée dans le camp est sombre. Seul un lampadaire éclaire le trottoir. Nous allons toqué à la porte de la baraque de Victoria. Personne ne répond. Nous insistons un peu… Toujours pas de réponse. Ma mère tente d’ouvrir la porte. Derrière, des coussins et des couvertures sont par terre. Il n’y a personne. Tout semble désert. On se demande alors où a bien pu passer Victoria. Je l’appelle sur son portable. Elle répond, je lui dis que je suis devant sa porte… Elle me dit qu’elle arrive. Là nous la voyons sortir d’une autre baraque. Elle porte un t-shirt à ma mère. Nous allons à sa rencontre. Nous lui déposons les bidons de pétrole dans l’entrée de la baraque, sous le auvent. Là nous lui demandons comment va son fils. Il est « très malade », mais là il dort, il est couché. Alors on lui demande « mais tu as changé de baraque ? »… Elle nous dit, « oui, les autres sont repartis en Roumanie ». Elle nous explique que du coup, elle s’est intallée là, dans cette baraque avec ses enfants, parce qu’elle est plus grande. L’entretien est bref, parce qu’il fait froid et que nous l’avons réveillée. Nous nous disons au revoir. Nous promettons de repasser bientôt. Puis nous repartons. Victoria rentre se coucher dans la baraque. Dans la voiture, ma mère me dit se souvenir de la dernière fois qu’elle est venue au camp. C’était il y a quelques jours. Elle avait vu un des fils de Victoria taper avec un marteau sur la

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porte de la baraque dans laquelle ils sont depuis cette nuit. Il essayait en fait de casser le cadenas qui fermait la porte… Nous pensons qu’ils se sont installés là sans rien demander à personne, en forçant la porte… Mais pourquoi était-elle fermée par un cadenas si ses occupants étaient censés être rentrés en Roumanie ? 10. Neuvième jour : 25/02/12 – 17h30/18h Victoria est absente. J’avais des bottes à lui donner pour son fils. Mais je suis venue dans l’objectif de prendre un maximum d’informations concernant l’aménagement du bidonville, de l’espace et la construction des baraques. Cette partie du camp est calme. Victoria n’est pas là. Quand j’arrive, un homme s’interpose et me demande ce que je fais là. Je lui explique (je suis avec ma mère) que je viens voir Victoria. Il me dis qu’elle est partie à la déchetterie chercher à manger. Et puis je lui demande d’où il vient, je ne le connaîs pas. Je ne l’ai jamais rencontré encore. Il ne comprend pas très bien ce que je lui dis. Il me dis qu’il ne parle pas bien le français. La conversation ne dure pas très longtemps parce qu’on ne se comprend pas. Du coup, il part (il sort du camp… s’en va en direction de l’autre camp). En fait, il fait partie de l’autre camp. Je me demande ce qu’il faisait de ce côté là sachant qu’il n’était pas chez lui. Est-il venu rendre visite à ses voisins ? Ou est-il venu chercher quelque chose en leur absence ? Je ne sais pas. Comme il s’éloigne, je rentre dans le bidonville pour aller frapper à la porte de Victoria. Personne. Le camp est vide. Il y a de l’animation de l’autre côté, mais pas ici. Alors j’en profite pour prendre quelques photos, des baraques… Et pour dessiner un plan du bidonville. Ou du moins, de cette partie du bidonville. La limite entre les deux parties du camp se fait vraiment au niveau de l’orientation des baraques. L’une tourne le dos, l’autre regarde. Ces deux baraques sont installées « têtes bêches » et, alignées, forment un petit chemin, étroit, qui crée la limite. Lorsque je dessine, une jeune femme sort d’une des baraques, elle me regarde, se demande un peu ce que je fais, je lui dis que je cherche Victoria. Elle me dit qu’elle n’est pas là, elle retourne dans sa baraque et referme la porte… Je suis tranquille. En fait, toutes les baraques ne sont pas vides. Il y a des gens dedans mais je me promène entre les baraques, je fais un plan, quelques photos, et je ne me fais pas jeter. Quand j’ai fini, je pars en direction de la deuxième partie du camp : en fait chaque partie du camp a sa propre entrée depuis la route. Donc je sors de la première partie du camp, je retourne sur le trottoir et je me rapproche de la deuxième partie. Il y a du monde. Des hommes et des enfants principalement. Tous sont occupés. Certains travaillent sur des palettes en bois (à grands coups de marteau), d’autres jouent au ping pong (ils se sont aménagés une table de ping pong avec des planches en bois et ils jouent), les enfants jouent ensemble (d’ailleurs je constate qu’un des fils de Victoria est là, il joue avec les enfants de l’autre partie du camp. Visiblement, eux n’ont pas de scrupules à se mélanger, ils jouent ensemble, sur une petite voiture à roulettes en plastique)… Enfin les plus âgés sont là, assis, et se reposent… Un homme vient vers nous, je l’ai déjà rencontré au début, lors de mes premières visites au bidonville. Il est assez âgé, la peau un peu usée par le temps, les traits du visage marqués. On commence à discuter, il est difficile à comprendre, on lui demande comment il va… Et d’où il vient. Pour comprendre pourquoi il y a cette séparation entre les deux parties du camp, si c’est parce qu’il y a des regroupements par communes d’origine ou pas ? Lui nous dit qu’il vient de Bucarest… Il nous montre du doigt sur la carte qu’on a amené (j’ai ramené l’atlas avec moi). Là un autre homme s’approche, une tête nouvelle. Je ne l’ai jamais vu. Lui nous dit que la plupart des habitants de ce camp viennent de Craiova et de Severin. Alors on lui pose des questions, on lui demande d’où il vient. Il nous explique qu’il habite en Italie, qu’il est venu ici 15 jours en vacances pour voir sa famille. Il ne parle pas très bien français mais parle plutôt italien. Alors nous échangeons en italien. Il m’explique que la vie est mieux en Italie, plus facile. Il a trouvé un boulot, la vie est moins chère, etc… Nous échangeons comme ça pendant un quart d’heure, en italien. Puis nous repartons.

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11. Dixième jour : 04/03/2012 – 14h30/15h Je vais seule au bidonville. De loin dans la voiture j’aperçois le camp. Il est toujours là. Je me dis que c’est une des dernières visites que je vais pouvoir effectuer. Après ils vont sûrement être expulsés. A la date du 15 mars… Je vois beaucoup de monde à l’extérieur. Il fait beau, tout le monde vaque à ses occupations. Quand j’arrive, je revois un jeune homme de 30 ans que j’avais déjà vu une ou deux fois. Il est assis à l’entrée du camp, face à un homme d’un certain âge, français. Ils discutent. Quand le jeune homme me voit, il viens m’accueillir, il me craque la bise. Et tout de suite, il me demande si je viens voir Victoria. Alors je lui dis oui. Il me répond qu’elle est près du feu, parce qu’il fait froid. Je lui demande si je peux y aller… Il me dit « oui oui bien sûr » et il m’accompagne vers Victoria. Quand elle me voit, elle vient me faire la bise elle aussi. Ce jour là je suis venue les mains vides. Juste pour discuter. Partager un moment avec elle. Alors on commence à discuter autour du feu. Pendant une demi-heure, trois quart d’heure… Ma mère est passée mercredi pour la voir et elles se sont donné rendez-vous lundi matin pour aller à la CAF ensemble. Donc je lui en reparle… Je lui dis de bien penser à prendre ses papiers pour aller à la CAF… Je lui demande aussi si ma mère lui a donné les bottes (que j’ai trouvées chez emmaüs) pour son fils. Elle me dit que oui mais elles sont encore un peu grandes. Je lui demande s’il va mieux. Est ce qu’il est encore malade ? Est-il rentré de Roumanie ? Avec son frère ? Apparemment oui, il s’est fait soigné en Roumanie, on lui a donné des médicaments, etc… Il a fait l’aller retour en Roumanie avec son frère (le frère de Victoria), qui a 20 ans. Je lui demande si son frère a des enfants… Elle me dit « non, il est jeune, il a 20 ans ! » Je voudrais savoir s’il est là. Est ce que je peux le voir ? Je ne l’ai jamais rencontré je crois… Elle me dit que non parce qu’il est parti faire la manche. Il n’est pas là. Du coup, j’en profite pour lui demander si ça marche bien la manche… Est ce que les gens donnent facilement. Elle me dit « non, maximum 4-5 euros dans la journée » Comme il y a beaucoup de gens dehors ce jour là, je lui demande si elle connaît tout le monde. Elle me dit « non, juste une famille », et elle me montre une dame accroupie près du feu. Elle a l’air de s’occuper du feu, elle fait brûler des câbles électriques pour faire fondre le plastique, puis récupère le cuivre en le faisant refroidir dans une bassine d’eau à côté. A priori, cette dame est la femme du monsieur que j’avais rencontré une fois où Victoria n’était pas là. Victoria m’explique que c’était ses voisins en Roumanie. Là bas, ils vivaient dans une petite maison, aussi petite que les baraques du bidonville, mais en dur, en « pierre ». Elle serait venue en France avec cette famille. Ils ont d’abord vécu à St Priest ensemble et ils sont venus à Parilly après ensemble aussi. Apparemment ces deux familles se connaissent très bien. Depuis la Roumanie… La grande baraque qu’avait occupée Victoria ces dernières semaines est à nouveau occupée par eux. Alors je demande à Victoria si elle s’est réinstallée dans sa petite baraque, à l’entrée. Elle me dit que oui… Puis je lui redemande pourquoi tu es venue en France ? Et là elle me dit que c’est parce que c’est plus facile ici. En Roumanie, il n’y a pas de boulot, pas d’allocations familiales, RIEN, RIEN… « Ah… mais dis moi, toi tu es rom ou gadjé ? » Elle me dit, « moi je suis rom ». Je lui demande si tout le monde dans le camp est rom aussi, elle me dit que oui. Et je lui demande s’il y a beaucoup de racisme dans son pays d’origine. Elle me dit que oui il y a beaucoup de discrimination. Après je lui demande de m’expliquer quelle est la différence entre rom et gadjé… Elle me dit que rom c’est « comme les gitans », gadjé c’est « pas rom ». Je cherche ensuite à savoir pourquoi elle est venue à Lyon. Pourquoi pas à Paris, Marseille ou Strasbourg ? Là elle me dit que c’était pour la CAF parce que c’était tout au nom de son mari. Alors j’essaie de comprendre, je lui demande de m’expliquer son arrivée en France, « tu étais avec ton mari et tes enfants ? » Et je la questionne un peu sur son passage à la frontière, etc… Est ce qu’elle avait un visa touristique ? Elle me dit que non. Alors je lui parle du droit d’asile. Elle n’a pas fait de demande de droit d’asile. « A la frontière, on a juste montré nos papiers d’identité et c’était

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bon, on est passé. » J’essaie de savoir ensuite si elle a pu avoir des allocations familiales pour ses enfants. Elle me dit que oui mais que c’est tout au nom de son mari. Ils avaient 125 euros par mois pour les deux enfants, Mirela et Dorin. Là je me demande comment est ce qu’elle récupérait l’argent qu’elle touchait… « Tu avais un compte bancaire ? Ou on te donnait l’argent en liquide ? » Elle me dit alors que c’était sur un livret au nom de son mari. Mais il est parti avec une autre femme, du coup, elle n’a plus d’allocations familiales pour ses enfants. Mais elle a ouvert un nouveau livret à son nom. « Ah bon ? t’as un livret ? » Elle me dit oui ! à la banque postale. Alors, curieuse, je lui demande si elle a une carte pour retirer de l’argent, une carte bancaire… Là je la vois partir vers sa baraque, elle me dit « attends… », elle va chercher son sac à main. Elle sort son porte feuille… De son porte feuille elle sort une carte de retrait à son nom à la BP : Mlle Victoria Constantinescu. Puis elle m’explique qu’à la CAF, il y a un dossier pour Mirela et Dorin, mais pas pour le petit. Alors je lui dis que j’espère que ça va bien se passer demain matin avec ma mère, etc… « je ne sais pas si vous allez pouvoir obtenir quelque chose, mais il faut demander… » On regarde le feu… La dame qui brûlait les câbles électriques est toujours là, elle continue. Je demande alors à Victoria où est ce qu’ils les trouvent ces câbles électriques… Elle me dit « tout à la déchetterie ». Là, une femme bien habillée, bien coiffée, bien maquillée, s’approche… Elle a un pantalon noir, avec des petite ballerines, une veste en jean, et un sac à main… Elle a un rouge à lèvres bien rouge, du mascara et des boucles d’oreilles couleur or. Elle arrive et discute avec Victoria en roumain. Je ne comprends rien évidemment… Puis la dame me demande « vous êtes française ? » Alors je lui réponds oui puis je lui demande si elle habite là. Elle me dit que non, elle habite en fait à Vaise, dans un appartement, et elle a un travail. C’est des amis français qui l’ont aidé. Alors je lui demande si elle a de la famille qui habite là dans ce camp à Parilly. Elle me dit non c’est juste des amis. Elle vient leur rendre visite de temps en temps. Je lui dis que je suis heureuse de voir qu’elle a réussi à s’en sortir. Alors elle me remercie, me dit au revoir et puis repart… Je reprends ma conversation avec Victoria. Puis au bout d’un moment, je lui dis que je vais devoir repartir. Je lui dis d’embrasser ses enfants de ma part, puis je repars. Là le monsieur français qui était assis à l’entrée du camp m’interpelle. Il me dit bonjour, et me dit « il faut les aider » on discute 5 min, c’est la première fois que je vois un français au camp. Puis je repars, on se dit au revoir. Victoria m’accompagne jusque sur le « pas de la porte », le trottoir… Elle me fait une bise pour me dire au revoir, je traverse la route pour aller chercher la voiture. Je repars. En m’éloignant, je vois côté champ, qu’il y a beaucoup, beaucoup de monde autour d’un feu. Et puis il y a une voiture garée, les portières sont ouvertes, il y a de la musique qui sort de l’autoradio… 12. Onzième jour : 25/03/2012 – 17h30/18h Je vais au bidonville après trois semaines sans visite. Qu’est ce que je vais trouver ? Les roms ont-ils été expulsés ? Quand j’arrive, le camp est encore là. Il fait beau. Tout le monde est dehors. Beaucoup d’enfants jouent dehors sur le trottoir. Je m’approche, je vois Victoria et sa fille et beaucoup d’autres familles autour. Je viens discuter avec Victoria. La discussion est relativement courte ce jour là parce que je me rends compte que Victoria est coincée dans ses mensonges. Je sais des choses sur elle (que j’ai appris pendant mon entretien avec Mireille) mais elle ne le sait pas. Du coup la conversation ne va pas bien loin. Je me rends compte que je suis dans une impasse avec elle. Je ne tiens pas forcément à lui dire que j’ai rencontré Mireille parce que je veux qu’elle fasse bien la différence entre les services sociaux et association et moi-même. Je ne voudrais pas qu’elle me confonde. Du coup je ne lui en parle pas mais elle continue à me raconter une histoire complètement romancée. Je ne sais pas quoi faire…

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Mon enquête s’arrête par là… parce que je dois rentrer sur Marseille pour la fin de l’année, et puis parce que je suppose qu’ils vont être expulsés dans peu de temps. En fait j’avais un peu prévu d’arrêter mon enquête de terrain au mmt où ils seraient expulsés parce que je n’aurais plus eu de terrain d’analyse. Mais pour l’instant ils sont toujours en place. Alors je continue à avoir des contacts avec Victoria par téléphone.

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Entretien avec Mireille, de l’association CLASSES, 05/03/2012 – 10h Nous avons rendez-vous dans une brasserie en face du grand marché couvert, sur le boulevard des Etats-Unis. Il y a plus de deux heures d’entretien (2h et 15min). M : Y avait un bruit qui courait sur le pourquoi… qu’a fait courir des policiers mardi dernier comme quoi ils seraient expulsés aujourd’hui, donc dans ce cas là on essaie d’être présent pour éviter des violences policières ou pour être témoin ou… bon, on fait strictement rien malheureusement bon. donc ce matin, comme y avait ce bruit qui courait, moi j’y suis allée, voyez…et j’m’étais dit si jamais… E : Là vous en venez ? M : Oui, enfin ça fait un petit moment que je suis revenue quand même, donc si y avait eu quelque chose, j’aurais pas pu… enfin j’aurais appelé avant quoi. E : D’accord mais d’ailleurs j’ai l’impression que … Enfin là Victoria me disait que en fait ils viennent tous les 2 ou 3 jours la police nan ? M : Ah bah la police elle passe régulièrement. Par contre ils savent pas tellement bien distinguer police nationale et police municipale. Donc c’est pas la même chose, parce que s’ils sont expulsés ce sera par la police nationale, par contre le bruit qui court là on a pas réussi à… j’arrive jamais à savoir si c’est la police… parce que des fois ils voient un huissier pour eux c’est la police… mais là c’est pas un huissier, ils mont dit c’est mardi dernier y a des policiers, alors lesquels je ne sais pas, nationale ou municipale, donc c’est pas la même chose, qui ont fait courir le bruit qu’ils seraient expulsés aujourd’hui, maintenant ce matin, le bruit courait que ça serait peut-être le 7 ou peut-être le 15, donc en fait, on n’en sait rien… E : Mais de toutes façons, y a une trêve hivernale jusqu’au 15 mars ? M : euh… jusqu’au 2 avril le plan froid était jusqu’au 2 avril, mais ceci dit, ça c’est le préfet qui décide, ceci dit, ils pourraient déjà être expulsés, et rien ne l’empêche de les expulser aujourd’hui, ni le 15, voyez, donc il y a une incertitude totale… oui, oui, sans relogement, ils relogent pas. Donc par exemple aujourd’hui… E : Mais ils peuvent expulser pendant la trêve hivernale… ? M : Ben c’est à dire qu’ils ne rentrent pas dans ce cadre là parce qu’en fait ils sont sur un squat. E : Ah d’accord, ils ne sont pas locataires. M : Voilà c’est ça exactement. C’est un squat total. E : D’accord, du coup, de ce fait, ils peuvent être expulsés même en plein hiver… M : Oui, ah ben, on se gêne pas d’ailleurs. Ah et puis d’ailleurs y a, je sais pas si vous avez vu dans la région, y a eu un incendie dans un squat à Vaulx-en-Velin. Là bon, ils ont été relogés quelques jours dans un gymnase donc la mairie a bougé, etc… et puis la semaine dernière ceux qui restent parce qu’alors y en a qui s’évaporent dans la nature on sait pas ce qu’ils deviennent, y en a qui sont réembarqués parce que la police débarque et distribue des OQTF (Ordre de Quitter le Territoire Français), et il en restait une soixantaine, ben la soixantaine a été viré avec femmes enfants, ça a été une vraie exode, c’est un vrai scandale, jetés à la rue… Ah oui, oui, puis eux, c’est ce qui les attend. Et puis ils n’ont pas de relogement, c’est ça aussi le problème… Donc si vous voulez, ce squat là, au départ, bon paraît-il qu’il y avait 200 cabanes avant, mais moi je les avais pas vues… je les ai jamais vues, parce qu’il y avait plein de buissons autour… Voilà. Là en fait c’est un terrain qui appartient au groupe Leroy Merlin, qui a un projet pour dans quelques années, donc on n’en a rien à faire pour l’instant, et le terrain qui est devant là, il est loué. E : Le pré là ? M : Oui le pré, le grand champ, il est cultivé, il est loué pour l’instant à quelqu’un, que je ne connais pas, mais enfin… que j’ai déjà vu sur son tracteur. Il est ensemancé, il est loué. Mais eux ils sont en bordure, ils gênent absolument pas le pré, quoi… E : Oui, ils sont dans un interstice… ni sur le champ, ni sur la route quoi… M : Voilà c’est ça, à la lisière et cette lisière, tout ça appartient à Leroy Merlin qui pour l’instant a un projet à long terme, donc si vous voulez, bon, ils gênent personne. La

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commune, ils sont eux, ceux que j’ai vu, c’était un groupe qui était de l’autre côté du périphérique, avenue Viviani, sur la butte, y avait déjà quelques cabanes depuis déjà presque un an. Donc ils ont été expulsés au mois de septembre, là quand il y a eu les grandes expulsions, à la mi-septembre, parce que la rentrée scolaire venait de se faire, donc à peu près 10-15 jours après. Donc de cette butte Viviani, ils sont allés après à St Priest, tous ces gens là ont été traqués par la police parce qu’ils partent avec leurs trucs, c’est facile de les suivre, ils ont nulle part donc ils ont été traqués et puis pour finir, ils se sont retrouvés là. Donc ça c’était le premier groupe. Puis y en a eu d’autres qui sont arrivés qui avaient été expulsés dans la même période, qui étaient sur d’autres squats à Lyon, qui avaient été dans le 7ème, place de l’esser, donc y en avait quelques uns qui se sont retrouvés là aussi. Donc au départ, y avait, un, deux, trois… quatre… ils étaient surtout sous tentes avec une petite cabane, c’est tout, ils étaient quelques uns au départ, voilà, donc arrivés de différents squats avec des expulsions, mais surtout le groupe principal, il venait de la butte Viviani qui était en face. E : Et alors ce groupe principal, c’était qui ? C’était les Constantinescu ou pas ? M : Oui, voilà, le groupe principal, c’était les Constantinescu, et puis y avait aussi ceux qui venaient du squat de l’esser je crois, enfin je ne sais pas exactement d’où ils arrivaient, d’autres squats, qui étaient les Moldoveanu, m’enfin faut pas mettre des noms, hein, voilà vous voyez ce que je veux dire… Donc y a eu un groupe comme ça. La mairie a incité le propriétaire, la mairie communiste a incité le propriétaire Leroy Merlin, parce que c’est le propriétaire qui doit entamé une action en justice, auprès du tribunal administratif, voilà, pour l’expulsion, pour faire un réferé. Donc ça a démarré en septembre, mais bon je sais pas la date exacte. Donc après, après y a une famille qui a été avertie, qui a reçu les papiers, voilà, et donc après ça suit son cours, donc forcément le tribunal, comme c’est un terrain privé, squatté, le tribunal dit toujours que y a expulsion, et puis après y a un délai, à partir du moment où c’est notifié, y a au moins un délai de 2 mois pour l’expulsion, donc là ils devraient être expulsés déjà depuis belle lurette, mais avec la trêve hivernale, le préfet quand même, qui est responsable du plan froid, qui théoriquement doit reloger toute personne quelque soit sa situation, avec ou sans papiers, il doit reloger toute personne, il avait pas intérêt à les expulser, voilà, donc c’est pour ça qu’on se dit, le préfet n’expulsera pas jusqu’au plan froid. Ceci dit, il en a expulsé quand même, ceux qui étaient dans les gymnases, théoriquement ça ne serait pas ça. Bon, normalement j’aurais dû manifester là bas, avec mes pancartes, mais bon, enfin bref, c’est ça qui se passe donc, c’est pour ça que maintenant à tout moment, si le préfet le décide, ben… c’est pour ça, ça pouvait être ce matin, voilà. Moi j’m’étais dit, ils vont leur ficher la paix jusqu’à fin mars, début avril, mais bon comme y avait eu un re-doux, bon alors il regarde sa température le préfet. Voilà la situation, donc ça c’était les premiers, et puis après sont arrivées d’autres personnes, y avait des tentes tout ça, y avait des jeunes, y a beaucoup de mouvement, voyez… Y a des jeunes qui sont partis, qui ont trouvé à se loger dans le 9ème, après on les voit plus, puis qui ont trouvé des petits travaux au noir, voilà, bon. Et puis sont venus d’autres, une cabane, d’autres gens aussi qui avaient été sur la butte Viviani, et qui sont venus se rajouter là, pendant un moment on les voit plus, voyez, ça circule, et là ça a été pendant un bon moment comme ça. Et puis alors, c’est jusque pendant les vacances entre Noël et jour de l’an, y avait 9 cabanes, à Parilly, jusqu’à Noël, pendant les vacances, y avait 9 cabanes pour finir… E : Oui, moi j’ai commencé mon enquête à ce moment là. M : Oui y avait 9 cabanes… E : C’était le 22 ou 23 décembre, la première fois que j’y suis allée. M : Voilà ben il devait y avoir 9 cabanes. Y avait le groupe de Constantinescu là, et puis les deux cabanes qui étaient sur la gauche, voilà y en avait 2 et puis une au milieu, voilà. Une au milieu qui faisait un peu le lien entre les deux voilà, comme ça. Donc ça faisait, moi j’avais calculé qu’il devait y avoir 9 cabanes, si mon souvenir est bon. Et entre noël et nouvel an, sont arrivées justement toutes ces caravanes sur la gauche, et ceux là, alors tout ce que j’ai pu savoir, y en avait au moins deux de ces caravanes qui arrivaient du squat d’Oullins, où y avait une école qui avait été squattée, je sais pas si vous aviez suivi… c’est-à-dire que y avait une école, euh…pas une école, une ancienne école qui appartient à un promoteur

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immobilier, et y avait des gens qui avaient squatté là, et ce promoteur immobilier d’ailleurs, c’est assez intéressant, on l’a incité à faire évacuer les gens qui étaient chez lui en somme, et lui il a dit non, tant qu’il n’y a pas de relogement. C’était courageux. Donc il a dit non. Et d’ailleurs mais y avait ces deux caravanes qui paraît-il étaient là mais qui se sont rajoutées après. Parce que après, entre guillemets, ce squat d’Oullins, grâce à ce monsieur, qui s’est battu avec la mairie d’Oullins, qui voulait les faire expulser et tout… enfin qui craignait etc… Donc il s’est battu et pour finir, y a un projet avec la préfecture et Forum Réfugiés qui est une association, pour que ces gens là, avec d’autres, qui sont maintenant à Gerland, sur un squat à Gerland, où il y a l’église catholique, parce que ils se sont réfugiés sous le parking d’une église catholique St Antoine à Gerland, donc l’église catholique a demandé au préfet aussi d’intervenir, donc pour ces deux squats là, je vous le dis, je sais pas si ça vous intéresse, mais comme on parle des deux provenances… Ces deux squats là pour finir, y a un projet qui est intéressant, qui a été monté, donc avec la préfecture, y aura un dossier FSE, Forum Réfugiés sera l’association pour une expérience, donc ça compte à peu près 100 personnes, c’est un projet sur deux ans… avec relogement, insertion, c’est-à-dire travail sur la santé, la scolarisation, l’alphabétisation, les cours de français et la recherche de travail… voilà alors là c’est un vrai projet mais ça concerne cent personnes. E : D’accord, donc ça concerne cent personnes, sur le squat d’Oullins et de Gerland ? M : Voilà voilà, qui sont à l’initiative de deux personnes privées en fait, l’église catholique, j’imagine, enfin je connais pas le détail, et puis ce responsable là, qui a réussi à faire bouger la région, nous c’est ce qu’on aurait voulu qui soit fait pour tous les Rroms, c’est entre 800 et 1000, bon mais là… Et donc c’est sur deux ans, avec interdiction qu’il y ait une personne de plus ou de moins, qui rentre là dedans, et donc ces deux caravanes qui sont maintenant là, sont arrivées sur le squat d’Oullins mais après le recensement donc ils n’ont pas été pris en compte… E : D’accord, donc, y avait que les cent personnes et eux, non. M : Voilà, donc eux, ils sont venus s’installer là, et puis c’est un autre groupe familial, ils ont plus ou moins un lien de parenté, donc les autres je sais pas où ils étaient, ils étaient déjà dans la région parce que j’ai vu une fois, y en a ça fait déjà plusieurs années qu’ils sont en France et qui étaient dans la région, vers St Bonnet de Mure, enfin, ils étaient tous par là quoi, mais comment ils se sont retrouvés là, ils ont des liens de parenté tous ces gens là. Et puis après, alors si vous voulez, moi je suis ça parce que la première vague, j’avais suivi les scolarisations, j’avais scolarisé ceux que je pouvais scolariser qui ne l’étaient pas, ça en faisait 4. Quatre enfants, trois au collège Colette Alain, au collège Colette à St Priest, et puis y avait un petit mais qui était déjà scolarisé sur la butte Viviani, à l’école Parilly, parce qu’il y allait à pieds, voilà. Et puis tous les autres ils étaient déjà scolarisés et ils allaient à l’école dans le 1er arrondissement à Doisneau ou alors ils étaient en âge du collège et en âge du collège moi, ceux qui ont déjà 15 ans, à 15 ans y a plus de places et puis analphabètes… donc c’est très restreint et en milieu d’année comme ça, y avait déjà plus de places, d’ailleurs je savais pas comment faire, voilà, j’étais en recherche, en train de chercher des solutions. Donc quand est arrivée la deuxième vague des caravanes et tout ça, c’est pour ça que je finis par les connaître bien, là aussi on a scolarisé 9 enfants. E : Ils venaient des caravanes ? M : Oui, des caravanes auxquelles se sont adjoints les cabanes parce que vous avez vu, ils ont monté des cabanes, ils ont mis les caravanes, mais je sais pas comment ils sont arrivés, ils sont arrivés entre noël et jour de l’an, moi j’y étais pas moi, alors quand je suis arrivée début janvier, j’étais toute joyeuse et là, oulàlà mon dieu… et donc après j’ai vu qu’ils construisent des cabanes autour, je ne sais pas comment, parce que, elles m’ont l’air quand même bien pourries ces caravanes, elles m’ont pas l’air transportables… E : Oui elles ont plus leur potentiel de mobilité. Elles peuvent plus rouler. M : Oui, voilà mobilité, elles sont pas mobiles, mais enfin elles ont été transportées alors je ne sais pas… E : Je ne sais pas moi non plus en fait, comme je suis venue moi justement pendant les vacances de noël, j’ai dû venir le 22 décembre, le 23, le 24 et puis peut-être que le 26 ou le 27 hop elles étaient là.

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M : Voilà, c’est entre noël et nouvel an, absolument. Oui parce que moi, pendant deux-trois jours j’y suis pas allée, et effectivement quand je suis revenue, alors là je me suis dit mais comment ils ont pu faire pour s’installer… Et puis donc au début, après il ont ajouté des cabanes tout autour, quoi pour agrandir leur truc, en ayant comme base, les caravanes. Et voilà, donc nous, on a scolarisé encore 9 gamins et puis le 7 février, une partie des Constantinescu, les 5 cabanes, là bas, du côté de Victoria, y a 5 cabanes qui se sont vidées, parce que ils avaient demandé le retour à l’aide humanitaire, par l’OFII… E : Retour à l’aide humanitaire ? M : Oui, ils ont fait la demande de retour d’aide humanitaire. E : Et alors c’est quoi ça ? M : Eh bien, c’est une demande qu’on fait auprès de l’OFII, l’Office Français d’Immigration et de l’Intégration, et si c’est accepté, et ben y a le retour gratuit en avion en Roumanie, donc y a un charter à peu près tous les mois, donc là y en avait un le 7 février, donc le 7 février pratiquement tout ce groupe là, les 5 cabanes se sont vidées. E : Mais pourquoi ils demandent un retour en Roumanie ? M : Eh bien, parce qu’ils savaient pas comment… Parce qu’ils vivent dans l’angoisse, parce qu’il faisait très froid, parce qu’ils avaient faim, parce qu’ils avaient tout… et puis peut-être aussi parce qu’ils ont la nostalgie du pays… et ils se disent que ça leur fait un voyage en Roumanie… E : Mais c’est un retour où ils savent qu’ils reviennent après ? M : Ah bah oui bien sûr ! E : D’accord, ils demandent un aller-retour, en fait ? M : Non, ils demandent pas l’aller-retour, ils sont pas censés revenir, mais ils reviennent. C’est pour ça, tout le monde le sait, et c’est une grande hypocrisie. E : Et oui, parce qu’on leur paye leur retour… (la serveuse de la brasserie arrive, nous interrompt quelques minutes pour débarasser la table…) M : Mais ça n’a rien à voir avec l’architecture tout ça ? (rires) E : Non, non, mais attendez, c’est très très intéressant tout ça… M : Donc là tout le monde le sait, donc par exemple demain y a un charter demain matin, donc c’est pour ça qu’à chaque fois qu’il y a un charter, y a ceux qui demandent le retour d’aide humanitaire, mais après faut remplir l’avion. Donc c’est pour ça qu’il y a des expulsions et que la police vient pour distribuer des OQTF, Ordre de Quitter le Territoire Français, à qui mieux mieux, ce qui fait que les gens sont paniqués. Et puis après, finalement, une fois qu’il y a expulsion, ou bien c’est eux même qui vont demander le retour, ou bien une fois qu’il y a expulsion, ils ne savent pas quoi faire, alors la police donne des conseils, ils orientent… C’est peut-être pas…comment dire… formaliser, enfin verbaliser, oraliser… Enfin, c’est pas dit, mais c’est de l’incitation pour les aider au retour. Donc à ce moment là, le 7 février, ça s’est vidé là. Donc ça a été quelques jours. E : Oui j’ai vu… Et d’ailleurs Victoria a changé de cabane… M : Oui elle est partie à côté. Elle a quitté sa cabane parce que en fait c’était sa même famille. Puis il y a d’autres gens qui commençaient à arriver. Et puis pendant les petites vacances de février, sont arrivées encore d’autres familles. Moi j’en ai vu au moins trois familles, et là, de ce que je sais, c’était des gens qui étaient dans le Val de Marne, à Noisy-je sais plus quoi, Noisy le Sec… Ils ont été expulsés le 11 février, ça j’avais entendu à la télé… Y a eu un grand camp de roms, en plein février, début février quand il faisait le plus froid, qui a été massacré, expulsé, c’est à dire qu’ils ont tout rasé. E : Oui donc en fait, la trêve hivernale… M : Voilà, ben ça dépend du préfet, donc le préfet il fait tout ce qu’il veut. Donc là cette année le préfet de cette année, par rapport aux années précédentes, et il faut dire que à Lyon il y a quand même un grand mouvement associatif et que l’église catholique a aussi un grand pouvoir, elle est très liée avec le pouvoir en place, et elle a beaucoup d’influence. Et puis Lyon c’est une grande ville et en même temps c’est quand même provincial. Tout le monde

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se connaît dans le milieu associatif. Donc il y a quand même des mouvements… Et toutes les associations se battent pour que les choses changent pour ces gens là. C’est pas normal… hein ? quelque soit la politique derrière, les causes et les raisons… Quand il y a des gens comme ça à la rue… E : Et alors vous, vous faites partie de l’association CLASSES ? M : Oui CLASSES, Collectif Lyonnais d’Aide à la Scolarisation et au Soutien des Enfants des Squats, enfin dans ce genre là… normalement si j’avais été moins sotte, j’aurais amené un document. J’ai un mail si vous voulez. E : C’est pas grave, oui éventuellement donnez moi votre e-mail… M : Oui alors Donc cet hiver le préfet Carenco qui a été changé l’année dernière, ça fait pas tellement longtemps, bon au niveau du plan froid, il y eu un progrès quand même. Mais il a pas ouvert assez de places, malgré tout. Parce que l’année dernière par exemple il y a eu un gymnase d’ouvert et c’était abominable les conditions dans le gymnase, et ils changeaient de place tous les dix jours parce que les gymnases sont utilisés par les écoles et les clubs sportifs donc les gens étaient obligés de changer de place tous les dix jours, c’était invivable et puis il y avait beaucoup beaucoup moins de places. Là il s’y est pris quand même assez tôt, il a ouvert, y a eu des progrès mais bon c’était pas complet, y a eu quand même une centaine de personnes qui étaient à la rue qui n’ont pas eu de réponse, on sait pas ce qu’ils sont devenus… parce qu’il faut passer par le 115, c’est le 115 qui gère ça et y a pas assez de places… Donc vous avez entendu toutes ces manifestations, le président du 115 à Paris, etc…Le 115 c’est pour toute la France, vous savez les professionnels de l’urgence sociale avaient fait la grève et manifesté. Et puis pendant un moment… voilà pour dénoncer justement, avant le grand froid, pour dénoncer un manque de places, mais effectivement il a manqué quand même de la place. Cette année y a eu un progrès de fait, par exemple y a eu ce projet qui est en place avec Forum Réfugié et donc les deux squats d’Oullins et de Gerland. Y a une structure qui a été ouverte par le préfet à Fontaine…sur Saône peut-être, je sais pas, où là il a ouvert une ancienne maison de retraite, paraît-il que c’est bien, c’est géré par l’armée du Salut et ils sont suivis, ils espèrent mettre en place quelque chose de perenne. Sur Vénissieux, pas loin du squat de Parilly, dans le même quartier, ils ont ouvert des bungalows, combien ils sont… 80 environ…je sais pas exactement, voilà. Par contre ils ne peuvent pas manger sur place là bas… enfin bref je ferme la parenthèse. Donc ces gens qui ont été expulsés du squat de Parilly, ils se sont retrouvés là donc moi j’ai compté au moins 100 familles. Alors dans un dénuement pas possible… des femmes enceintes, des bébés de 7 mois, 4 mois… un monsieur qui a le bras dans le plâtre…enfin heureusement qu’il y a Médecins du monde quand même qui circule… bon bref, et puis dimanche dernier, il y a une partie de ceux qui…moi ils m’avaient dit ils reviendront mais moi je pensais qu’ils reviendraient, le squat serait parti déjà ! Bah y a une partie qui est déjà là. Comme ça Victoria elle est plus dans la grande cabane, elle est revenue dans sa cabane, là dans la cabane là. Et donc vous voyez y a des mouvements. Y a une famille qu’il faut que j’aille voir, parce que je ne les vois plus, je ne sais pas s’ils sont encore là, alors c’est une famille qui… y a un besoin parce qu’il y a un enfant de 18 ans, un gamin de 15, et deux jumeaux de 12 et un bébé de 4 mois et le mari a le bras dans le plâtre et la maman était… ils étaient dans un dénuement… Je suis passée deux-trois fois spécialement pour eux et puis je les ai pas vus. Alors je ne sais pas… Bon enfin voilà, voilà les personnes qui sont là pour l’instant. A savoir que sur le squat il y a quand même, entre autre il y a trois cabanes, qui étaient là initialement, au début, ils sont arrivés peu après les Constantinescu, ils sont arrivés peut-être huit, quinze jours après. Ils ont demandé eux l’aide au 115 pendant l’hiver, donc il y a une famille où il y avait deux-trois enfants, un couple avec deux-trois enfants, ils ont été hébergés justement à Fontaine, ils sont très très bien et je sais que là ils sont pris en charge. Donc, au début, ils revenaient le week-end, parce que les gosses vont à l’école à Doisneau dans le 1er et puis là je les vois pratiquement plus, ils viennent de temps en temps. Et puis il y avait l’autre famille, les doudouianoumarin, dont j’ai d’ailleurs scolarisé deux gamines, y a deux jumelles aussi et y a deux petits qui sont scolarisés aussi à Doisneau. Et bien, ces personnes là sont hébergées au 115 depuis début décembre dans les mobil-homes de

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Vénissieux. Mais eux par contre, ils reviennent dans la journée parce que dans les mobilhomes, ils sont virés à partir de 10-11 heures du matin jusque vers 5h du soir, enfin, ça dépend où… peut-être 10h jusqu’à 15h enfin, c’est variable. E : Mais ils sont hébergés à l’année ? M : Oui, oui et puis ils peuvent pas cuisiner. Bon ils ont quand même des douches, des toilettes. Ils ont donc l’eau chaude, et dans ces mobil-homes il y a des… ce serait intéressant que vous alliez voir là bas, parce que ces mobil-homes, à la fin de la trêve hivernale, ils seront débarrassés. C’est pas pérenne. Même si madame le maire, Michèle Picard, a demandé au préfet lors d’une réunion avec les maires que cette mission soit pérennisée. Mais on ne se fait pas d’illusions… Par contre le problème, c’est qu’on peut pas cuisiner, voilà. Donc il y a une famille, si vous voulez, elle, même si le squat avait été viré, expulsé aujourd’hui, elle avait quand même un moyen de… E : de dormir… M : Oui, oui voilà. Et puis bon, moi j’ai vu quand même une sacrée différence avec les familles, comme par exemple de Victoria qui n’ont pas cette possibilité, et ceux là parce qu’ils dorment bien, on dort bien là. Donc c’est vrai qu’ils étaient reposés, détendus… et puis ils retrouvaient le sourire, ils étaient propres, ils étaient bien habillés, enfin… donc c’est quand même quelque chose de très important. Vous avez vu, sur le squat, il n’y a pas d’eau… Bon voilà, il y a ça, et puis il y a une autre famille, qui est dans une cabane aussi où il y avait le grand-père, la grand-mère… les grands-parents et trois petites filles. Et eux aussi sont au 115. E : Ah oui je vois lesquels c’est. M : Oui il y a Mirela, Andreea et Camelia… Voilà, et eux, dans leur famille, leurs parents avaient deux enfants en bas âge, ils sont restés en Roumanie, et pour l’instant ces trois gamines sont à la charge des grands-parents. E : Ahh d’accord... M : Voilà, du grand-père et de la grand-mère, donc c’est le grand-père et la grand-mère qui ont monté cette cabane, et eux ils…parce qu’il y a une partie de ces gens qui ferraillent, c’est-à-dire qu’ils vont à la déchetterie et puis il y en a de plus en plus, ils vont cherché, puis ils cassent, ils revendent à une société de… je sais pas où, ils m’avaient dit Oullins, mais c’est peut-être ailleurs, ils revendent la ferraille pour 13 centimes je crois le kilo, c’est pas énorme et puis ils récupèrent le cuivre aussi dans des… E : Oui j’ai vu qu’ils brûlaient des câbles électriques pour faire fondre le plastique et récupérer le cuivre. M : Ah oui voilà, ils font ça oui… Bon la police sait tout ça, parce que elle tourne tous les jours. La police municipale avec la mairie, ils passent souvent sur le terrain, ils sont tous connus quoi ! Et… puis qu’est ce que je peux dire encore… en gros c’est ça les personnes qui sont là pour l’instant. Donc, ah oui donc cette famille, les trois gamines avec les grandsparents, donc elle aussi depuis le début… E : Mais alors leurs parents sont là ? Parce que je les avais rencontrés… M : Non, non… E : Ils sont repartis en Roumanie ? M : Ah non, je les ai jamais vus… E : Ah bon ? M : Non, mais c’est possible, hein... Je les ai jamais vus, mais c’est possible… E : Moi j’ai vu un couple et elles m’ont dit que c’était leurs parents. M : Ah bon alors vous avez eu de la chance… parce que il y a un couple avec deux petits garçons, deux bébés, enfin un bébé qui est né fin 2009, donc qui a 2 ans. Et puis un gamin qui doit avoir 6 ans maintenant…entre 5 et 6 ans. Mais autrement, donc dans cette cabane, au départ, ils étaient là, mais seulement ils étaient hébergés dans un hôtel… enfin hôtel entre guillemets hein ! à la Croix-Rousse et puis après ils ont été hébergés, donc toujours par le 115, dans une maison d’habitation à Vaise. Et donc, les grands-parents avec ces trois gamines, bon ils viennent de temps en temps la journée, et ils retournent le soir au 115. E : Donc tous les soirs ils y retournent…

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M : Oui, oui voilà, mais au départ il n’y avait qu’eux dans cette grande cabane, et ils l’ont gardé longtemps que pour ferrailler. Par exemple ils allaient chercher à la déchetterie, ils stockaient là, ils fermaient et puis c’était leur lieu de travail. Et puis après sont arrivés des gens de leur famille, donc là il y a des gens de la famille qui sont arrivés et qui dorment là. Et puis il y a des gens qui vont, qui viennent, parce que moi dans le grand froid, y avait un couple qui m’avait demandé le 115, j’avais essayé de les avoir, et je les ai plus revu moi depuis. Voilà en gros. E : Oui ça bouge pas mal… M : Oui ça bouge énormément. E : D’accord, il y a deux-trois familles qui restent mais sinon… M : Voilà, oui oui, et puis il y a beaucoup d’enfants en bas âge, il y a des bébés, il y a quatre femmes enceintes… E : Alors je me demandais, comment elles font pour accoucher ? M : … euh il y a le système PASSES, ou alors il y a Médecins du Monde. C’est un système social justement où il y a une assistante sociale qui monte les dossiers, qui s’occupe des indigents en somme. Voilà, donc, par exemple à Grange Blanche, il y en a un… A Venissieux, j’ai su qu’il y en avait un… Y en a dans tous les hôpitaux, moi je connais celui là, celui de Grange Blanche. Et il y a Médecins du Monde qui passe régulièrement sur le squat et puis il y a des gens comme moi aussi qui passent… E : Et alors vous, vous passez tous les combien ? M : Ah, moi presque tous les jours, des fois presque trois fois par jour, et puis des fois, bon le week-end, j’essaie de moins y aller, par exemple pendant les vacances de février parce que je m’occupe de gamins d’autres squats depuis un moment… j’y suis pas allée pendant trois jours et quand je suis revenue, j’ai retrouvé la moitié des Constantinescu. Il y a toujours quelque chose qui change. Mais disons que sur ce squat, c’est moi qui connais le mieux la situation. Donc c’est moi qui vais plaider à la mairie, ils m’ont repéré à Médecins du Monde… Donc maintenant, je fais un peu le lien. E : Et Médecins du Monde ils viennent aussi… ? M : Bah eux ils viennent très souvent. Et puis la mairie par exemple, parce que pendant le grand froid là, parce que eux, ils allaient cherché l’eau à l’école de Parilly, l’école primaire de Parilly, c’est quand même loin. Oui parce que y a pas d’eau sur le squat ni froide, ni chaude. Y a ni eau, ni électricité, ni rien du tout. Donc eux ils vont s’approvisionner avec des seaux à l’école de Parilly. Donc c’est assez loin, je sais pas combien, 500 mètres ! Et donc pendant le grand froid, à cause du grand froid, l’eau est coupée dans les… comment ça s’appelle… E : Dans les tuyaux, les canalisations… M : Dans les bornes à incendie, c’est là qu’ils vont cherché l’eau. E : Pendant le grand froid ? M : Non, tout le temps. En général, ils vont près des bornes à incendie parce que c’est de l’eau potable. Mais pendant le grand froid c’est coupé. Donc y avait plus du tout d’eau. Ils n’avaient plus d’eau. Il y a des gens qui me connaissaient, ils sont venus chercher de l’eau chez moi. Et ils sont allés aussi au centre social par exemple de Parilly. Il y a une directrice qui est vraiment sympathique entre nous… E : Alors vous me dites qu’ils vont chercher l’eau ou à l’école de Parilly ou dans des bornes à incendie ? M : Non, c’est pas à l’école de Parilly, c’est devant l’école de Parilly. C’était un raccourci. Parce que y a une borne. La borne la plus proche, elle est là bas. Ils vont chercher l’eau là bas. Et donc pendant l’hiver, tout ça pour dire que quand l’eau a été coupée, ils n’avaient plus rien, donc ils sont allés au centre social qui est un peu plus loin que l’école de Parilly et ils sont allés demander de l’eau. Et puis ils sont allés chez moi. Et la directrice du centre social a averti la mairie et la mairie, pendant le grand froid, une fois tous les trois jours, elle a dit vous distribuez des bouteilles d’eau. Voilà. Et comme j’étais un peu connue là, ils m’ont demandé d’aider à la distribution, parce que la première fois, ils ont débarrassé comme ça puis tout le monde… Y en a qui ont ramassé puis d’autres qui n’en n’ont pas eu. Donc après on a fait la distribution. Donc ce que je veux dire, c’est que la mairie, bon elle est pas pour

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l’implantation des squats, elle fait tout pour les virer mais là elle a quand même mis de l’eau dans son vin… Et puis elle a fait passer à ce moment là des camions bennes pour retirer les ordures, mais c’est récent. Malheureusement c’est récent, parce qu’à ce moment là, eux ils disent que c’était avant, mais moi j’ai pas remarqué mais les gens vont mettre leurs bagages, leurs trucs en bordure, là c’est la commune, c’est les agents de la commune qui ont dû leur expliquer, moi j’ai pas eu à le faire, où mettre leurs déchets… Comme sur ce squat là, ils ferraillent beaucoup, il y a des choses invraisemblables à débarrasser. Moi, y a une semaine, j’ai vu deux fois le camion dans la semaine, il a dit qu’il passerait trois fois dans la semaine, d’après la mairie. Donc la mairie a fait des distributions pendant que l’eau était coupée. C’était bien largement insuffisant, parce que deux bouteilles par personne pour trois jours, pour boire, cuisiner, se laver, nettoyer ses habits, enfin vous imaginez… Mais enfin, c’était quand même mieux que rien, elle a fait la distribution d’eau puis quoi encore… qu’est ce qu’elle a fait ? Elle a mis un peu d’eau dans son vin et puis elle est passée voir si les poêles à mazout qu’ils ont, s’ils fonctionnaient bien. Ils ont vu des petits défauts puis ils les ont fait réparer. Voilà, et puis le TOP c’est un service municipal de police qui passe, bon qui regarde… En plus de la police municipale, de la police nationale, ils passent toujours pour voir… Et puis paraît-il qu’il y a une assistante sociale qui serait venue, mais ça c’est la mairie qui dit, moi j’en n’ai pas eu écho…Mais bon je vois pas pourquoi je vais pas les croire… Et puis en plus, on a été reçu par le collectif Rroms mais ça c’était à l’initiative de CLASSES déjà depuis un certain temps, on a été reçu par des techniciens de la mairie, pour faire le point justement de ce qu’on pouvait faire avec tout ça… Nous on a demandé qu’ils soient relogés ou alors qu’ils ne soient pas expulsés avant fin juin pour que les enfants qui sont scolarisés puissent finir la scolarisation. Bon alors ça, c’est comme ça qu’on a su que madame la maire, qui est Michèle Picard (maire de Vénissieux), a participé à une réunion chez le préfet avec différents maires de la communauté urbaine, on sait pas exactement lesquels, s’ils y étaient tous ou pas… elle a demandé paraît-il la pérennité des bungalows. E : Les bungalows à Vénissieux ? M : Oui, mais bon elle a pas eu l’écho favorable. Disons qu’elle a mis un peu d’eau dans son vin, voilà… Et puis elle nous a facilité aussi, enfin la mairie, l’accès au secours populaire, pour aller chercher des vêtements, etc… parce que moi j’y suis allée plusieurs fois avec des familles et on n’est pas forcément toujours bien reçu. Il y a des gens très très biens, charmants là bas, mais des fois, c’est pas évident. Parce qu’ils vendent quand même en partie les habits pour refaire de l’argent, c’est dans le bien humanitaire, mais bon, ils sont toujours méfiants quand ils voient arriver des rroms, etc… Enfin moi c’est mon expérience, parce que j’ai amené justement, en 2009, j’avais amené la famille avec les trois petites gamines là, qui étaient toutes petites et qui étaient au mois de novembre où la température avait chuté et où il faisait 7-8°, elles étaient en tongues, bras nus enfin habillées en été… Elles avaient froid donc j’avais une voiture à l’époque, je les avais amenées… J’avais vu comment j’avais été accueillie. On avait pu quand même les habiller mais on m’avait dit faut passer par une assistante sociale, etc… E : Oui, bon y a un moment où, quand ils ont froid, ils ont froid, faut leur mettre un pull sur le dos… M : Voilà, après ceci dit, le fait qu’on passe par la mairie, ça a été plus facile pour moi de passer. Mais ceci dit dedans il y a des personnes qui sont absolument admirable et que j’admire parce que le boulot qu’elles font… Après on est très très bien accueilli quand même. Mais y en a une ou deux qui gèrent le truc. Mais ça, ça c’est spécial à ça, entre nous… Mais donc pour dire que le petit coup de pouce de la mairie, des fois c’est pas grand chose, mais ça facilite beaucoup de choses, la bonne volonté vous voyez… Et puis le centre social aussi, donc la mairie elle a facilité les scolarisations, les domiciliations, voilà. Parce que jusqu’à l’année dernière fallait en faire beaucoup plus pour y arriver. La scolarisation c’est un droit. Et les maires des communes quelles qu’elles soient, ont le devoir de veiller à la scolarisation de tous les enfants jusqu’à 16 ans dans leur commune. Et puis veiller à ce que les autres soient scolarisés jusqu’à 16 ans je veux dire… Parce que de 11 ans à 16 ans c’est le collège, enfin la mairie n’est pas tenue de les scolariser mais elle doit veiller à ce qu’ils soient scolarisés, mais en primaire et en maternelle, elle doit les scolariser. La maternelle c’est pas

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obligatoire, mais pour les primaires, l’école élémentaire. Jusqu’alors la mairie de Vénissieux, j’avais beau demander, je désespérais… Et là ils ont ouvert des petites salles… Alors je me suis dit, quand on va arriver avec neuf gamins là début janvier, en plus, les écoles sont surchargées, comment on va faire… C’est pour ça d’ailleurs que les gosses sont pas scolarisés à l’école de Parilly, les neuf là, mais à Charles Perrault, donc on prend le métro, le tram et les trajets sont… avec des gamins… Donc CLASSES, notre association paye les cartes TCL. Et la mairie a accepté donc pour quatre familles, la domiciliation. Donc ce qui fait qu’on va pouvoir faire les dossiers AME, l’Aide Médicale d’Etat. Bon voilà, rien d’architecture… C’est un peu en vrac quoi… E : Et vous, ça fait combien de temps que vous êtes dans cette association CLASSES ? M : Ca fait pas longtemps parce que… vraiment où j’ai adhéré à l’association c’était au mois de mars 2011. Mais j’ai connu CLASSES, voyez là en face, il y a des hommes, une famille, ils viennent les jours de marché principalement, donc moi je fais mon marché là, donc je les voyais déjà depuis un moment, puis un jour ils m’ont demandé de l’aide pour un papier à lire, c’était au mois d’août 2010, donc ils me demandaient de les aider parce qu’ils avaient justement une procédure auprès du tribunal administratif, ils allaient être expulsés, ils étaient dans le 7ème et ils me demandaient en fait d’être leur avocat. Je leur ai dit, c’est pas possible, donc du coup, en voulant chercher un avocat, je suis passée à la CIMADE parce que je connais qui s’occupe du faisceau juridique et puis ensuite ils m’ont orientée sur le suivi à l’ALPIL et c’est comme ça que j’ai connu CLASSES… …On a reçu dernièrement, il y a une enquête qui avait été faite, sur les roms en Ile-deFrance qui avait été financée et commandée par la préfecture d’Ile-de-France. Et on a reçu le rapport et là ça raconte un peu l’histoire. Si ça vous intéresse, je peux vous l’envoyer. Mais je l’ai pas lu encore, on l’a reçu y a trois jours. Donc là ce sont des roms. Donc le peuple Rom, il a été, je sais qu’au départ les turcs sont allés en Inde et ils ont ramené des esclaves et y avait des roms. Et après ils se sont un peu disséminés partout en Europe. Mais par exemple les tsiganes, les gitans, tout ça ce sont des roms. C’est simplement le nom qui change. Roms, Tsiganes dans le sud, Gitans, et puis qu’est ce qu’il y a encore… Manouches… C’est le même peuple mais qui prend des noms différents. E : D’accord, ils ont des noms différents en fonction des régions d’où ils viennent. M : Voilà exactement, voilà et par exemple ceux d’Europe qui se sont plus ou moins occidentalisés, ça a donné les Gens du Voyage, ce qu’on appelle les Gens du Voyage qui se sont sédentarisés et puis qui sont encore en France et qui sont des français, qui parlent français… Je sais pas s’ils parlent encore leur langue, ça j’en sais rien. Mais donc par contre, ils ont une langue commune, qu’ils viennent de Bulgarie, de Serbie ou de Roumanie, ils parlent le Rromanii. Et par contre c’est des peuples qui ont été réduits en esclavage pendant longtemps alors différemment, pendant la deuxième guerre mondiale ça a été abominable parce que Hitler, la Shoah des juifs a été aussi pour les roms dont on ne parle pas. Et notamment en Roumanie, y avait un maréchal, dont je ne me souviens plus du nom, mais qui a collaboré avec Hitler, et qui les a fait arrêté, mis dans des camps de concentration dans l’est du pays pendant longtemps. Et y a même 250 enfants roms qui ont servi de cobaye pour les gaz qui ont été mis ensuite dans les fours crématoires, dans les camps de concentration pour l’extermination des juifs et des roms. Parce qu’on entend pas, parce qu’en fait, ils sont souvent illettrés, analphabètes… donc y en a très très peu qui arrivent à s’en sortir. Mais y en a hein… Par exemple avec Viviane Reding à la commission y a eu… j’irai chercher sur internet, Viviane Reding, son équipe… Vous verrez il y a une dame qui s’occupe de la discrimination et elle est rom. Rom roumaine. Viviane Reding (elle m’épelle le nom), elle a fait parler d’elle en 2010 parce que justement elle avait dénoncé ce que faisait la France vis à vis des roms. Elle s’est fait taper dessus par tout le monde. Et donc c’est resté un peuple… Ils sont très famille, c’est pour ça, on a des groupes familiaux et que si ici on fait quelque chose pour… Moi par exemple j’ai un petit peu ce problème entre guillemets avec une famille que je suis depuis août 2010, c’est qu’au départ il y avait un petit noyau puis après je me suis rendue compte en fait, c’est la famille, ils sont 8 frères et sœurs, les parents y en a plus, mais ils se déplacent ensemble plus ou moins, tout le temps… Et là c’est le

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cercle des Constantinescu, même s’il y a des zizanies des fois entre eux, ou des problèmes, ça peut arriver comme dans toute famille, ils sont quand même solidaires entre familles… E : Oui, il y a une solidarité dans les familles mais pas forcément… M : …d’une famille à une autre, voilà c’est ça. Ils se connaissent… Pour les biens matériels, bah c’est comme nous, chacun pour soi, mais par contre je pense que chez les gens ça change… E : Mais là dans le camp, y a vraiment plusieurs clans non ? M : Voilà, voilà… E : Il y a plusieurs entrées dans le bidonville… M : Oui voilà, d’abord, il y a les Constantinescu d’un côté de la rue, y avait le groupe au départ Moldoveanu et puis les Cosma, c’est les gamines là… Et puis après sont venues se rajouter toutes les caravanes là, et c’est un autre groupe familiale, ils ont des liens familiaux et puis les derniers qui sont arrivés qui sont un peu disséminés de partout… parce que y en a dans les derniers arrivés qui ont été expulsés, qui sont arrivés avec pratiquement rien, dans un dénuement abominable…qui sont arrivés en février là, qui ont été expulsés du Val de Marne, notamment y a une famille, j’espère qu’ils ont trouvé à se loger… alors ceux là, ils sont maintenant disséminés, ils ont pris les places là où ils ont pu trouvé. Ils ont amélioré quelques cabanes… E : C’est ceux qui viennent du Val de Marne ? M : Voilà, voilà, donc il y a au moins trois familles à ma connaissance, mais il y en a peutêtre d’autres que j’ai pas vues, parce que bon par exemple, si on vient le soir ils font un feu de camp, là y a beaucoup de monde. Au début, moi j’étais arrivée un soir, j’ai vu ça, tous les gamins, j’ai dit, oh là lààà, comment on va les scolariser ? C’est compliqué… Et en fait, y en a beaucoup qui viennent mais c’est de la famille… ils sont alentours hébergés… et notamment y a une petite gamine grande comme ça qui s’appelle Francia qui parle en français presque couramment, elle est formidable, elle est venue discuter là avec moi… Et donc là y a des fois le soir des gens qui ne sont pas du campement, donc des fois, c’est difficile suivant l’heure à laquelle on arrive de savoir qui est là et qui…il faut un moment pour se rendre compte. Mais maintenant je commence à mieux cerner… Mais enfin, je connais pas tout le monde hein ! Mais presque tout le monde… E : Et alors la première fois que vous êtes arrivée au camp, vous avez fait comment ? Quand vous êtes arrivée pour la première fois, vous étiez déjà dans l’association ? M : Ah oui oui oui, parce que là, ce squat là, ce sont ceux qui étaient sur la butte Viviani, ils sont partis là de l’autre côté, et moi, par exemple Victoria, elle a deux enfants. E : Ah non, elle en a trois. M : Ah bon ? Ah bah je le connais pas le troisième. E : Ah alors vous c’est lesquels que vous connaissez ? Mirela ? M : Mirela et Dorin. E : Voilà, et elle a un petit qui a 4 ou 5 ans qui s’appelle Ioan… M : Ah Ioan ? C’est pas son… parce que je connais un petit comme ça mais on m’a dit que c’était son… Moi je le vois avec une autre famille. C’est un neveu. Ou un petit cousin. E : Ah bon ? M : Oui parce que vous avez vu où elle est Victoria… ? E : Oui bah elle a la cabane qui est vraiment devant l’entrée. M : En premier voilà, c’est ça. A gauche, vous descendez, au fin fond y a une mini-cabane, là quand vous étiez arrivée au début, et bien il n’y avait que cette mini-cabane, y avait la grand-mère qui fait 1,50 m avec Dorin et Mirela. Et les deux parents, Victoria avec son mari, sont arrivés juste avant Noël. E : Depuis le 7 décembre elle m’a dit… M : Voilà, et eux pendant un moment ils ont vécu tous les 5 dans la mini-cabane, et la minicabane, elle a été montée par la grand-mère avec Dorin et Mirela. Avant il y avait des tentes avec des jeunes ados qui tournaient d’ailleurs autour de Mirela… Je sais pas si elle a pas mis un peu les barrière, elle a 13 ans la gamine, hein… Bon enfin… Et puis c’est la grandmère qui s’occupait de tout, et donc après, donc ils ont dormi à cinq dans cette mini-cabane pendant bien quinze jours parce qu’ils ont bien mis quinze jours à trois semaines pour faire

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la cabane de devant, et là dans la cabane de devant habitent maintenant Victoria avec Cipriane son mari et Mirela. E : Mais elle n’est plus avec son mari… M : Mais si. Si, si, je les vois tout le temps, Cipriane, c’est son mari. E : Comment vous dites ? M : Cipriane, (elle m’épelle le nom), Cipriane Dinu et elle, elle s’appelle Constantinescu. E : Ah d’accord, parce que moi, elle m’a expliqué que son mari était parti avec une autre femme et que du coup, elle se retrouvait toute seule à élever ses enfants. M : Bah… Elle raconte des bobards…ou alors c’est pas la même… E : Ou alors c’est pas la même… M : Mais nan, mais si elle vous a dit que Dorin et Mirela c’était ses enfants… Nan nan nan nan nan, bah alors là, je connais par cœur ! Je suis obligée de savoir ! Nan, nan, elle a son mari, qui est très gentil d’ailleurs… Elle vit avec son mari et Mirela. Et dans la petite cabane, y a la grand-mère, mais peut-être des fois on comprend pas… des fois ils disent oui, oui… des fois je me suis dit mince, ils me racontent des bobards ou je comprend pas ? et puis après des fois je me rend compte que je comprends pas bien… et puis des fois sans comprendre, ils disent oui, oui… Au début si on n’est pas très en lien… Mais bon, là… donc dans la petite cabane, y a la grand-mère, c’est-à-dire la mère de Victoria avec Dorin… dans la petite cabane, et Victoria, avec son mari Cipriane et Mirela ils sont là. Ils ont que deux enfants, et le petit dont vous parlez est dans la grande cabane, à droite, voilà et il y a un grand garçon aussi, qui est bien sympa, qui s’appelle Mihai. Il y a des grands ados, enfin il y a des jeunes qui seraient à scolariser mais bon, pour l’instant comme je sais qu’ils vont être virés, et puis au collège il y a pas de places. Alors j’avais emmené deux jeunes ados à l’église à Gerland, l’église St Antoine, là où il y a le projet avec Forum Réfugié et Oullins, parce que ils campent dans un parking mais actuellement à l’église. L’église a ouvert une grande salle, où donc ils peuvent recevoir les enfants, les familles. Et il y a le camion de l’ASET, c’est une école ambulante avec des cours… E : D’accord, c’est un camion ? M : Voilà, il y a deux camions comme ça, qui circulent sur les squats… et donc quand il y avait ces jeunes, il restait ces 2-3 jeunes dont Mirela aussi (Cosma) qui n’est pas scolarisée. E : Mirela ? M : Oui, de la famille Cosma. E : Ah bon ? Elle est pas scolarisée ? Pourtant elle parle bien français… M : Oui parce qu’elle a été scolarisée mais elle n’y allait pas. Et puis bon toutes les expulsions et tout puis comme elle c’était l’aînée… c’est dommage parce que ces gamines… C’est vraiment dommage…vraiment dommage… Et elle était au collège Raoul Dufy, puis comme elle y était pas, elle a été radiée quoi, ce qui est normal aussi… Elle est pas assez assidue. Puis bon, c’est malheureux parce que cette gamine… bah Georgette avait dit qu’elle essayerait de la faire réinscrire à Raoul Dufy puis apparemment elle y est pas arrivée ou elle a pas eu le temps ou je sais pas, mais enfin bref… Bon moi je lui avais proposé qu’elle aille en attendant à l’ASET parce que c’est bien mais elle a pas voulu. Par contre j’avais emmené Mihai et Arturo. Mihai Constantinescu voilà. C’est un grand garçon bien sympa mais qui participe déjà à la vie économique de la famille et puis eux donc ils m’avaient dit il y avait deux petits, il y avait ce petit garçon de 5 ans qui est donc bien de la famille de Victoria mais qui n’est pas son fils enfin à ma connaissance… E : D’accord donc qui s’appelle Ioan c’est ça ? M : Non, non, je sais pas comment il s’appelle, je sais pas… Constantinescu peut-être… Mais là j’ai pas le papier, mais je crois que ce sont des Constantinescu. E : Mais là le petit il était malade là y a pas longtemps ? M : Ah ça je sais pas, j’ai pas vu, mais on parle peut-être pas du même hein… On parle peut-être pas du même… C’est un petit qui est mignon comme tout, qui a des bottes qui lui vont jusque là… E : Oui, qui sont trop grandes… M : Oui… qui sont trop grandes… puis qui est barbouillé tout le temps, il a le sourire jusqu’aux oreilles…

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E : Oui… M : Oui je vois bien ben c’est le gamin, j’avais trouvé de la place à… E : C’est le fils de Victoria. M : Non, non c’est son cousin je pense, cousin ou neveu, je sais pas… Ca m’a été expliqué mais je ne me souviens plus. Et donc là bien avant qu’ils partent, qu’ils retournent en Roumanie, on avait rendez-vous avec la section du 8ème parce que y a des gens qui ont voulu s’impliquer là sur ce squat, il y a les droits de l’homme de la section du 8ème il y a des dames qui voulaient nous aider. Donc on avait été d’accord pour scolariser le gamin et une petite fille qui était dans une autre cabane, celle qui est le plus en bas à gauche, bon, qui a le même âge que le gamin. Moi j’avais donc pris rendez-vous le soir, et ils m’ont dit oui, on y va à l’école. Donc on a un rendez-vous le lendemain, puis quand on est arrivé ce jour là ils m’ont dit on repart en Roumanie, mais ils m’avaient dit mais quand on revient on les scolarise. Donc ça serait à faire mais moi je leur dis quoi… surtout en maternelle, enfin je sais pas… Mais moi pour l’instant… et puis y a tellement d’autres choses ah là là… Les domiciliations, les AME… Cet après-midi, à Victoria, je lui fais une carte TCL. Vendredi je l’ai emmenée à une agence à Perrache, pour lui montrer où c’était d’abord et puis pour savoir qu’est ce que c’était. Donc on a su et puis ce qu’il fallait faire pour avoir le tarif réduit. Donc il fallait voir une assistante sociale. Donc je l’ai emmenée au CCAS à la mairie de Vénissieux et on a de nouveau rendez-vous cet après-midi. Donc j’espère qu’elle y sera d’ailleurs… Puis elle a aussi un souci, enfin bref, il a fallu l’envoyer… je pense qu’elle est enceinte… E : Victoria ? M : Oui enfin bon c’est entre nous ça, c’est pas… mais y a plein de choses… Au début, je m’étais dit je m’occupe pas d’elle parce que Médecins du Monde s’en est occupé particulièrement donc j’ai dit je m’en occupe pas. Mais quand elle m’a demandé pour la carte TCL, ça ne relevait de rien ni de personne. Donc j’ai dit, bon ben, je vais l’emmener. Puis de fil en aiguille ça amène à aller voir une assistante sociale, etc… je me suis quand même embringuée avec cette Victoria. Parce que bon… Voyez… c’est terrible tout ce qu’il y a à faire… Et puis en plus bon, c’est un travail… Bon au niveau des scolarisations c’est terrible, parce qu’il y a un investissement, des enseignants aussi dans les écoles, c’est formidable, puis bon ils vont commencer un mois, deux mois, trois mois… E : Oui moi souvent, Victoria me parle de la maîtresse de Mirela, donc sa fille. Elle a une prof qui… M : Nan mais, est ce qu’on parle bien de la même Victoria ? Je me pose la question… parce que Mirela elle a 13 ans, elle est au collège Alain à St Fons. J’ai toutes les peines du monde, elle est… elle n’y va pas… Tant qu’il n’y a pas eu ses parents, moi je l’ai scolarisée c’était en octobre, enfin elle était déjà inscrite depuis septembre, parce qu’en fait l’année dernière elle était déjà au collège, bon elle n’y allait pas. Quand j’ai fait connaissance avec la famille sur la butte, c’était les seuls enfants scolarisés à ce moment là. Donc j’ai aussi fait scolarisé Dorin, il y est allé tout de suite. Il y a eu un problème au moment de l’expulsion, pendant quinze jours… il y a eu une perturbation mais il a continué à aller à l’école lui, tout seul, il pouvait y aller à pieds. E : Il a 10 ans lui non ?. M : Oui voilà, il va sur ses 11 ans d’ailleurs. D’ailleurs l’année prochaine faudrait qu’il soit au collège, autre problème… Et puis il sait pas lire et écrire, quoi… il sait même pas l’alphabet je crois bien… Et Mirela donc était déjà inscrite l’année dernière mais elle n’y allait pratiquement pas. Donc moi j’ai permis de maintenir son inscription au collège. Donc elle pouvait y aller. Elle n’y est pas allée. Elle y est allée à partir du moment où j’ai scolarisé les deux gamines à côté, c’est des jumelles qui sont de son âge, qui sont de la famille Moldoveanu là voilà… Donc elles ont été copines, à ce moment là, elle y est allée. Jusqu’un peu avant noël et comme ses parents sont revenus ça a été fini, en janvier elle n’y est pratiquement pas allée, en février pas du tout et puis maintenant toujours pas. Alors moi le collège a pris en charge les cartes TCL mais moi je fais l’avance, après c’est CLASSES qui refacture et puis le collège remboursera. On a réussi à obtenir par l’assistante sociale du collège une aide, un petit fond pour ces gamines, du fond social du collège, 50 euros aussi pour avoir des habits, des vêtements de sport. Et c’est moi qui suis allée les acheter avec

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elles, oh là là, dans un magasin spécial, Leclerc, je ne sais plus… et elles sont très suivies. Parce que le collège Alain, vraiment… je suis en lien vraiment très proche avec la directrice, avec l’assistante sociale, avec l’infirmière, avec l’enseignante, enfin, vraiment on est très bien accueilli, on discute bien, etc… Bon on essaie de la tirer cette gamine mais on n’y arrive pas, on a fait tout ce qu’on a pu… Moi je sais exactement quand elle est présente ou absente, elle n’y est jamais. Donc là au mois de mars, j’ai pas renouvelé la carte TCL, c’est pas la peine. Mais par contre les deux gamines, les deux autres, qui allaient très bien, qui étaient toutes fo-folles, complètement excitées, qui n’y allaient pas souvent, qui arrivaient en retard… c’était épouvantable au collège, mais avec le sourire ! elles étaient pas méchantes mais elles étaient complètement… comment dire, destructurées on va dire, elles n’avaient pas eu l’habitude. Et bien, depuis janvier, elles vont dans les bungalows et ça a complètement changé. On les a prises, on avait fait une réunion avec la directrice, etc… Mirela aussi et sa maman Victoria étaient venues avant noël mais alors la gamine n’y va pas, c’est dommage. Parce qu’elle apprend vite Mirela, et puis elle est plutôt sérieuse… Elle a la bonne attitude pour apprendre quand elle est à l’école. Mais elle y va pas. La seule chose qu’il faut lui dire vas à l’école, vas au collège. Mais je me demande si on parle de la même Victoria, moi j’en connais qu’une de Victoria moi… E : Oui mais moi aussi… C’est bien celle qui a la baraque dans l’entrée ? M : Oui, oui bah voilà c’est ça, oui on est en plein dedans là, oui, oui c’est ça ! Et puis bon, Mirela et Dorin y en n’a pas 36 hein ! Oui enfin y a la petite Mirela Cosma mais… E : Oui c’est pas la même, on est bien d’accord. M : C’est pas la même et puis y a Andreea, Camelia… E : Voilà y a les trois d’un côté… M : Y a les Cosma et les Constantinescu. C’est pas du tout les mêmes familles. Ils se connaissaient pas avant… Enfin si ils se sont connus parce que les Cosma, ils étaient aussi sur la butte Viviani à un moment… Après avoir été expulsés… Enfin bon… Je sais pas ce que vous pouvez tirer de tout ça ! E : et alors est ce que vous savez comment, s’il y a une organisation particulière dans le camp, s’il y a un chef de camp… ? M : Non. E : Non, les familles se sont installées là, comme ça… ? M : Oui et voilà après y a le chef de famille… E : Il y a quand même des règles de base ? On se respecte, on ne va pas chez l’autre… M : Ah oui, oui… Là où il y a les problèmes, c’est plutôt dans les familles. Par exemple, mais là c’est particulier. Par exemple dans la famille de Victoria, c’est Victoria qui pose problème par rapport à sa maman, il y a une relation de mère-fille terrible… E : Et la maman de Victoria, elle est là dans le camp ? M : Oui qui parle pas français. Elle est formidable… C’est elle qui a pris en charge… Elle est haute comme trois pommes. Elle était là… Euh… entre nous, Victoria a été incarcérée pendant je sais pas combien de temps, enfin je connais pas l’histoire d’avant mais pour des broutilles, elle était incarcérée à Corba. E : Elle a été incarcérée ? M : Oui. Mais ça c’était pour un rien du tout… pour avoir fait la manche, etc… parce qu’ils étaient à Marseille avant, mais ça faut pas lui dire, hein faut pas… E : Non non non, je comptais pas lui en parler ! M : Moi j’ai su que c’était pour des broutilles hein, E : Mais elle a été aussi à Marseille ? M : Avant, avant. Ca c’est ce que j’ai su. Mais maintenant c’est peut-être faux, moi j’y étais pas… c’est ce que j’ai su de son histoire avant, mais moi j’ai pas posé de questions. Donc c’est ce que j’ai… des bribes que j’ai entendu… qui disaient que… C’est la grand-mère qui m’avait raconté que en fait, pendant presque un an, donc quand ils étaient là, ils l’ont fait venir de Roumanie pour s’occuper des gamins. Et moi effectivement, quand j’ai rencontré, sur la butte Viviani, donc de l’autre côté du périph’, là, parce que y avait un petit bois avec pleins de buissons à côté, c’était bien caché, on les voyait pas. Bon après le temps passait. Y avait ce groupe Constantinescu, y avait dans une petite cabane, y avait effectivement la

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grand-mère, Mirela et Dorin. Et la grand-mère allait deux fois par semaine, le lundi et le samedi avec les mioches, enfin avec les gosses, à Corba, donc elle avait le droit de visite de 4 à 6. Et donc moi j’ai vu le père et la mère que début décembre. Mais du mois d’août jusqu’à décembre, la grand-mère était toute seule et paraît-il ça durait depuis un moment quoi. Parce que moi quand j’ai découvert la butte Viviani ça faisait déjà un moment qu’ils étaient sur la butte. Et moi, je les ai pas découverts tout de suite, parce que je les voyais pas. Donc la grand-mère s’est occupée des gosses pendant tout ce temps. E : D’accord et elle est pas retournée en Roumanie ? M : Non, elle est toujours là… E : Parce que moi Victoria m’avait dit à un moment que sa maman était toujours en Roumanie, que son père était mort mais que sa mère était restée en Roumanie… M : Oui, son père est décédé oui… Il y a cinq ans. E : Oui c’est ça. M : Oui oui la grand-mère est veuve. E : Et elle m’expliquait que sa mère était restée en Roumanie… M : Pas du tout. E : …et que du coup de temps en temps il fallait qu’elle l’appelle et que… M : Et ben elle ment. E : Ah bah c’est possible… M : Non non non mais ça c’est sûr ! Moi après j’ai su par Médecins du Monde en fait… Elle est très suivie par Médecins du Monde, et puis y a d’autres associations qui s’occupent pour les prisonniers… Voilà… Notamment pour aider pour avoir le droit de visite, etc… Bon c’est pour des broutilles hein, c’est peut-être parce qu’elle faisait la manche… et puis c’est vrai qu’à Marseille y a eu beaucoup de racisme et que avec Gaudin, les gens de droite et d’extrême droite… Y a quand même beaucoup de boulot, c’est quand même des associations, l’église catholique qui influence… donc y a quand même un contre pouvoir un peu… donc y a des choses quand même… autant il y a des choses qui peuvent se faire, mais ça va quand même pas au bout. Et c’est vrai qu’à Marseille, ils sont allés loin par rapport aux incarcérations, pour un oui ou pour un non… mettre des trucs… enfin bon. E : Donc elle aurait été à Marseille alors… M : Oui elle aurait été à Marseille, ça c’est la grand-mère qui me l’avait dit. J’avais compris ça hein… Maintenant, ça a pas été écrit, je l’ai pas fait répété, je l’ai entendu une fois. Y a longtemps, c’est la grand-mère, quand j’ai fait connaissance avec elle, qui m’avait raconté ça… Moi je voulais pas savoir pourquoi, ni comment, j’ai pas à savoir, voilà… Après c’est une bribe que j’ai entendu par ci par là… Et ça m’est arrivé sans le vouloir quoi, moi j’ai jamais questionné, le pourquoi du comment… C’est pas mon problème. Mais bon par contre, par rapport à Victoria la grand-mère est là mais justement on est tous à penser la même chose, nous qui connaissons, la fille est ingrate vis à vis de sa mère. Moi je l’ai vu, hein, moi je l’ai vu cette grand-mère puis elle est formidable. Comment elle a aidé, parce que elle est venue pour la scolarisation de sa petite fille et de son petit fils. Et d’ailleurs son petit fils désire vivre avec sa maman, y a un lien très spécial entre eux. Mais personnellement, moi Victoria j’ai rendez-vous cet après-midi, j’y vais je vais pas lui jeter la pierre ni rien mais ce que j’ai compris c’est que c’est une fille unique apparemment elle a pas d’autres enfants alors est ce qu’elle a pas été élevée, bon à la dure quand même, mais dans une relation mère-fille un peu gâtée… j’en sais rien, comme on peut avoir des enfants un peu gâtés, un peu égoïstes… Ca arrive, donc dans ce contexte là on est surpris mais oui. Ca c’est ce qui m’a été dit par Médecins du Monde, on est plusieurs à le dire, à lui dire mais il faut t’occuper de ta maman, c’est pas normal… Voilà, c’est pas normal… Après les relations, je sais pas ce qu’elles ont après mais moi je vois comment la grand-mère s’est occupée des enfants et puis avec sa fille, ce qu’elle me disait, ce qu’elle a fait, moi je l’ai vu, je l’ai vu, c’est pas du bobard… c’est vrai. Puis je sais bien comment elle était la grand-mère puis je sais bien ce qu’elle dit et ce qu’elle ne dit pas. Jamais elle a dit du mal, même moi je l’ai vu pleurer, j’ai essayé de lui… Euh… elle m’a jamais dit du mal de son gendre, elle m’a dit du bien. Il est gentil, elle m’a dit, c’est ma fille. Ma fille elle me parle pas, elle est pas gentille et elle sait pas pourquoi. Alors ou est ce qu’elle sait puis elle veut pas me le dire mais ça…

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E : D’accord, et alors pareil cette histoire de mari c’est bizarre parce que moi Victoria m’a dit que son mari l’avait quitté, qu’il était parti avec une autre femme et qu’il était parti avec les allocations familiales de la CAF et que du coup elle touchait plus rien… M : Bah, moi le père là de Mirela et de Dorin, moi je le connais… E : D’accord, il est au camp ? M : Oui et ils vivent ensemble. E : Alors je sais pas ce qu’elle m’a raconté… M : C’est vrai qu’ils n’ont plus de CAF, ça c’est vrai… Mais la CAF, moi je l’ai vu parce que c’est lui qui m’a demandé, en fait, il touchait… le dossier de CAF était à son nom, jusque début août. 125 euros par mois. Et moi début décembre il m’a demandé si je pouvais faire quelque chose, il m’avait donné un papier, en fait c’était pas renouvelé parce qu’il avait pas fait sa déclaration 2010. Bon je pouvais pas m’en occuper tout de suite. Comme j’ai internet, pour finir, quand j’ai eu le numéro et tout, j’ai regardé. Il est pas radié, c’est simplement qu’il faut qu’il fasse sa déclaration. Je lui ai dit, vas faire ta déclaration, puis il a pas voulu le faire, puis il l’a pas fait. Et puis l’autre jour là pour la carte TCL, j’étais avec Victoria, elle m’a dit oh bah non, c’est moi qui vais y aller avec quelqu’un à la CAF ce matin pour mettre le dossier à mon nom. E : Là ce matin ? M : Oui. C’est ce qu’elle m’a dit. E : D’accord. M : C’était peut-être avec vous ? E : Alors non, par contre c’était peut-être avec ma maman parce que je suis allée au camp avec ma maman les premières fois pour pas y aller toute seule… Et en fait elle avait demandé à ma mère si elle pouvait aller à la CAF avec elle. M : Ahh bah c’est peut-être ça… Bah je sais pas ce que ça va donné parce que… E : Mais au final, ce matin Victoria m’a téléphoné pour me dire en fait j’y vais avec la maîtresse de Mirela. M : Ah bon ? E : Oui, oui c’est ce qu’elle m’a dit. M : De Mirela ou Dorin ? E : De Mirela. M : Ah bon bah très bien… E : Alors elle me parle de la maîtresse de Mirela. Elle me dit que c’est la maîtresse de Mirela qui lui a passé le téléphone portable et qui lui recharge son téléphone… M : Ah bah peut-être… E : Du coup je la joins par téléphone, et ce matin elle m’a appelé pour me dire en fait ce matin je vais à la CAF faire un changement de domicile avec la maîtresse de Mirela, et donc elle m’a dit, dis à ta maman de pas venir. M : Ah bah peut-être… parce que… E : Au final, ma mère n’y est pas allée. M : Ah oui, ah bon d’accord, bah c’est bien si elle y est allée avec… mais la maîtresse, ah oui bon la maîtresse… E : Oui peut-être qu’elle dit maîtresse mais que c’est quelqu’un d’autre… M : Oui, voilà, oui oui oui… C’est possible ! De toutes façons cette dame, Madame Coupand est très bien. Et c’est vrai qu’à un moment donné, elle m’avait demandé si elle pouvait allée sur le squat pour faire je sais pas quoi, bon vu le contexte et tout… Et c’est pas la place de l’enseignant. Je pense qu’il faut que… tu vois ce que je veux dire ? E : Oui, vous voulez dire qu’il faut que chacun ait son rôle. M : Oui, voilà chacun son rôle, c’est pour ça que je suis étonnée que… Et puis en plus elle n’y va pas mais… Est ce qu’elle est passée, qu’elle l’a croisée, c’est possible… Parce qu’on peut passer puis qu’elle se soit arrêtée pour parler, ou alors je suis surprise, nan mais pourquoi pas, c’est possible ! Ou alors elle a raconté… Oui c’est possible ! Je sais pas… E : Donc a priori ce matin elle y est allée, mais du coup pas avec ma maman, avec la maîtresse de Mirela…

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M : Oui, nan mais c’est possible, je saurai cet après-midi… Moi, je… La CAF c’est pas un organisme facile ! E : Oui j’imagine… M : Parce que déjà changer de nom comme ça, ça me paraît… E : Là elle m’a expliqué qu’elle voulait changer de nom parce que… M : …parce que son mari ne s’en occupe pas et je comprends le pourquoi. E : …parce que c’était au nom de son mari et que son mari était parti… M : Non non le mari est là mais il veut pas s’en occuper. Donc moi je veux bien les aider, j’étais même prête à l’emmener mais un jour il me disait oui, après il m’a dit non puis je sais pas… E : Mais il ressemble à quoi son mari ? M : Bah c’est un petit monsieur, il est pas très grand, il est bien sympa. E : Beau garçon ? M : Oui. E : Une trentaine d’années ? M : Oui. E : Ah oui bah je vois qui c’est. Je les ai déjà vus ensemble… M : Oui oui c’est son mari. E : …mais pour moi c’est un ami quoi… elle m’avait fait comprendre que c’était pas son mari, que c’était un ami. M : Non non ou alors est ce qu’elle a eu un mari avant et qu’elle en a un deuxième, c’est possible, c’est très courant… Mais par contre c’est bien le père, puis sur les papiers, parce que moi je vois les papiers d’identité pour la scolarisation, j’ai les documents, donc c’est bien les parents. Est ce qu’elle en a eu un avant… Non non non… E : Et donc il s’appellerait… M : Il s’appelle Dinu. E : Cipriane ? M : Cipriane, voilà c’est ça. C’est son mari. Et les enfants s’appellent Mirela Dinu comme le papa, donc c’est l’aînée, et Dorin c’est Constantinescu, comme la maman. Mais c’est courant, ça choque pas parce que c’est courant. E : Et alors Dorin, c’est D-O-R-I-N ? M : Oui voilà c’est ça, ils disent « DORINE » E : Ah oui « DORINE CONSTANTINESCU » M : Oui voilà… mais donc moi ce qui m’étonne dans cette histoire de CAF, moi ce que je leur conseillais mais qu’ils n’ont pas trop suivi comme conseil, peut-être qu’ils ont des éléments que moi je n’ai pas, c’était que…parce qu’ils avaient reçu une lettre au mois de novembre, comme quoi il fallait qu’ils fassent la déclaration de 2010. Donc moi je lui ai conseillé d’aller la faire, moi je pouvais pas la faire pour lui. Puis j’avais regardé sur internet parce qu’il m’avait donné son mot de passe, il n’était pas radié, parce qu’il aurait pu être radié…non c’était… E : Oui c’est juste parce qu’il manquait un papier… M : Voilà, voilà, bon. Moi ce que je lui conseillais, c’était de d’abord faire cette opération et après de demander le changement de nom. Enfin voilà bon, moi je leur jette pas la pierre parce qu’ils se débrouillent comme ils peuvent… Vous voyez ce que je veux dire… Au début ça m’a choqué parce que par exemple dans d’autres familles, c’est pour ça, je me disais mais ils me racontent un petit bobard ou quoi ? et en fait après je me disais mais des fois c’est peut-être moi qui ai mal compris et y a des fois c’est eux qui ont pas compris… Ils disent oui oui… E : Oui bah y a la barrière de la langue qui fait que de temps en temps on a du mal à se comprendre. M : Oui même quand c’est dans leur intérêt oui oui puis après je me suis dit bah… après maintenant je vois comment ça fonctionne, le nombre de fois où ils me disent oui oui puis au bout d’un moment on se dit, non il avait pas compris… E : Oui… Et est ce que vous avez des infos sur ce qui va advenir du camp ?

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M : Oui. C’est-à-dire que fin mars, début avril ils seront expulsés c’est sûr. Là j’ai aucun espoir, ce serait vraiment un miracle. Bon nous le jour de la réunion du collectif roms, dont je ne fait pas partie, mais la présidente de CLASSES m’avait invitée, donc moi c’est quelqu’un que j’ai écouté, j’ai dit mais est ce que vous pourriez pas au moins appuyer la demande auprès du préfet parce que s’ils veulent ils peuvent… pour qu’au moins, bon on n’a pas envie que cela perdure parce que c’est une vie abominable, vous avez ce matin là comme il a plu, c’est abominable. E : Oui, ils vivent dans la boue… M : Donc c’est pas un truc qu’on va demander coûte que coûte pour que ça reste mais par contre au moins trois mois pour que les scolarisations se finissent, pour que les enfants aillent à l’école… et puis j’avais demandé aussi parce que c’est aussi le travail des enseignants, des maîtresses à Charles Perrault, tout ça, qui est formidable… et puis tous les enseignants là autour, les directeurs, le centre social aussi… Oui y a quatre enfants, pendant les petites vacances grâce au centre social et la mairie a donné son accord pour payer les cantines, y a deux enfants qui y sont allés régulièrement notamment Dorin, alors qu’il n’allait plus à l’école. Bah voilà c’est ça… Alors qu’il n’allait plus à l’école… On s’est dit finalement ça va lui mettre le pied à l’étrier. Il est devenu bien copain avec à côté le petit Alberto. E : Ahh oui parce que j’ai vu que justement y avait pas de communication entre les deux clans, par contre les enfants se mélangent sans problème. M : Oui mais c’est récent, ça commence. Enfin les deux grandes Mirela et les gamines, ça a été tout de suite, mais Dorin avec Alberto c’est relativement récent. Puis maintenant il commence à y avoir des relations entre les grands et c’est vrai que par exemple Mihai, le grand garçon qui est le grand frère du petit qui est pas scolarisé qui est mignon comme tout, et bien maintenant il est copain avec Arturo au bout, qui est de l’autre côté dans les caravanes, les nouvelles caravanes arrivées. Puis maintenant y a des parents qui commencent à faire connaissance. C’est récent quoi. D’ailleurs, comme s’est fait ce camp, y a vraiment ceux qui sont à droite dans le trou. E : Ce sont les Constantinescu. M : Voilà oui, bah surtout ceux qui sont en bas à droite dans le trou et les cabanes du fond là, faut vraiment dégringoler… ils voient pas ceux qui sont en haut et même moi y avait des cabanes que j’ai pas vues… parce que la première distribution d’eau à laquelle j’ai participé y a une femme qui m’a dit non non y a personne là bas, j’ai pas vu, en fait y en avait. Et j’avais pas vu parce que y avait une double rangée et je ne voyais que les caravanes avec les cabanes et y avait une double rangée que je n’avais pas vue. Alors j’en ai découvert derrière… Alors au niveau architecture y a une expérience dans Rhône-Alpes qui est DOMICI. Ca, ça s’est fait sur Villeurbanne avec une association, je me souviens plus du nom, dans le cadre du plan froid et ça c’est une expérience intéressante parce que celui qui a mis à disposition des mobil-homes équipés, c’est aussi celui qui a équipé toutes les aires des gens du voyage en France. Et ce monsieur voulait faire équipe avec des associations pour voir s’il pouvait, alors donc ils seront démantelés et repliables et il voulait voir s’il pouvait multiplier ça et mettre à disposition des gens, alors bon c’est une expérience il faut discuter tout ça… Donc c’était jumelé avec des bâtiments vides qui ont été mis à disposition du plan froid par le préfet donc là dans les bâtiments fermes y avait donc une cantine, y avait des douches, des WC, une petite salle pour les enfants pour jouer, les petits enfants, et puis un accueil possible, voilà, avec ces mobil-homes, mais qui étaient biens, ils étaient biens ces mobilhomes sauf qu’on peut pas cuisiner, j’en ai visité. Et donc c’est des mobil-homes relativement faciles à monter et dépliables et bien conçus et pas trop chers. Et ça pourrait être une solution dans le futur parce qu’il manque justement… à la place des gymnases, etc… si ces situations doivent perdurer, essayer de mettre ça en place et cette société serait prête, alors ils font travailler en partie les russes, et puis en Ukraine. Donc c’est vrai qu’ils arrivent à avoir des prix pas chers… E : Des prix pas chers ?

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M : Bah c’est moins cher que la main d’œuvre en France, donc ils ont une partie de leur matériel après ils construisent ces mobil-homes… Là ils sont pas mal faits, enfin bref. Ca c’est une expérience où ça touche un peu l’architecture. E : Et alors les matériaux quand ils construisent leur baraque vous savez d’où ils viennent ? M : Oui. E : Est ce que vous pouvez me raconter ? M : Oui. C’est n’importe quoi, n’importe où, des déchets, notamment ça démarre beaucoup avec les palettes, les palettes. Donc ils les récupèrent un peu de partout, c’est-à-dire, près des magasins, les grandes surfaces, ils vont les chercher bon y en a quelques uns qui ont des véhicules et puis y a des gens qui apportent aussi, y a des gens d’associations qui amènent des affaires etc… C’est de la débrouille de partout. C’est fait de bric et de broc. Vous voyez, c’est des déchetteries, des gens qui apportent, qui donnent, des vêtements, le Secours Populaire, les Resto’ du Cœur pour manger quand y en a mais les Resto’ du Cœurs ils donnent de moins en moins parce qu’il y a tellement de pauvreté en France que voilà… Donc là vraiment, ils ont faim là. Là y a deux jours Victoria elle avait pas mangé depuis la veille. Et ça je la crois parce que y a d’autres familles qui n’avaient rien. Moi si j’avais eu une voiture je serais allée faire un plein à carrefour, mais à pieds aller à carrefour… E : Oui c’est un peu galère… M : Oui c’est de bric et de broc, de tout ce qu’ils trouvent partout, hein… Dans les déchetteries. E : Et alors les déchetteries elles sont où ? Parce qu’ils y vont comment ? Ils y vont à pieds ? M : Bah ils prennent le tram, les transports en commun souvent, y en a un ou deux qui ont des camions ou des trucs mais ils sont pas là tout le temps… Y a des vieux véhicules, ils sont toujours en train de bricoler, d’essayer de réparer quelque chose, ils démontent pour remonter… enfin voilà, c’est la débrouille. E : Et les déchetteries elles sont où ? Parce que des fois ils nous disent, on va à la déchetterie… M : Bah y en a de partout… y en a même qui vont jusqu’à Tassin. E : A Tassin ? M : Ils vont même jusqu’à Tassin. E : Ah bon ? M : Oui parce qu’en fait, comme ils sont de plus en plus nombreux, chacun après, bah j’y étais avant, ils ont leur place, c’est comme pour les places de la manche, chacun... après des fois pour les déchetteries c’est un peu pareil. Le premier arrivé, et ceux qui ont l’habitude lâchent pas le morceau. Et c’est un peu pareil pour les déchetteries. Y en a par exemple, y en a une qui est dans le 7ème, je la vois pas loin des bains douches de… c’est quand même assez loin mais bon… E : Ils font tout en tram quoi ? M : En tram, à pieds, ils se tapent des grandes distances… C’est pour ça que les poussettes, elles servent à ça. E : Et dans Lyon y en a beaucoup des gars qui poussent leur petite poussette et qui font les poubelles ? M : Oui c’est ça, oui y en a… Enfin les poubelles j’ai pas trop remarqué mais c’est plutôt les déchetteries. Mais bon, moi je suis pas vraiment à Lyon, je suis un peu à l’extérieur, donc j’ai pas trop remarqué les poubelles, mais bon dans les déchetteries et puis ils regardent, ils ramassent, ils font la manche, et puis y a les gens qui apportent, par exemple y a le Secours Populaire, et puis il y a des gens qui apportent des vêtements, des gens qui apportent à manger, certains, pas beaucoup mais ça arrive… pas très souvent… et puis je sais pas, ils se débrouillent… E : Et puis la manche ça paye pas trop non plus… M : Non non et puis c’est quotidien. Bon si vous avez besoin d’informations par exemple si je retrouve sur DOMICI, je suis pas sûre qu’on trouve parce que c’est pas le nom de la société. Echange de mails…

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M : Mais c’est le lien avec l’architecture, je comprends toujours pas… C’est pour ça l’expérience DOMICI bungalows ça par contre, ça peut être un élément important dans votre travail… E : Et en fait, c’est vrai que c’est difficile à cerner… M : Oui, c’est pas de l’architecture… c’est une solution…temporaire… Mais pourquoi vous avez voulu travailler là dessus ? E : Alors pourquoi j’ai voulu travailler sur ce sujet ? euh… D’abord parce que, en fait moi ce que je crois c’est qu’un architecte, le rôle de l’architecte c’est de permettre à des gens d’avoir un toit sur la tête. Or ce que je crois qu’il faut savoir, c’est que bah aujourd’hui il y a tant de millions de personnes dans le monde qui n’ont pas de toit sur la tête. Et peut-être plus tard, je sais pas, dans le cadre de mon métier, je peux essayer de développer des modèles d’habitat minimum qui pourraient permettre à des gens sans ressources de vivre dans de meilleures conditions. M : Et bah moi dans tout ça, il faut vous réapproprier ce monsieur de DOMICI avec l’expérience qui a été menée, c’est le premier en France pour le plan froid qui prendra fin normalement fin mars, il faut que je recherche dans mes mails. Et je vous enverrai un mail… E : Oui et puis l’idée c’est déjà de comprendre pourquoi ces gens sont à la rue, comment ils vivent et… mais bon pour l’instant on est dans le cadre de la recherche. M : Oui oui oui oui, bah pourquoi ils sont à la rue, parce que l’Europe ne s’en occupe pas. Y a des fonds, Viviane Reding en 2010, c’est ce qu’elle disait, y a des fonds mais qui ne sont pas utilisés. Alors ceux qui vont en Roumanie, ils détournés parce qu’ils y a une énorme corruption sur place donc il n’y a presque rien qui revient pour les roms. Et dans ceux qui seraient les pays qui accueillent les roms et bah comme dit Viviane Reding, ils se précipitent pas pour chercher les fonds. Alors là par exemple, il y aura des fonds de l’Europe, il y a le FSE le Fond Social Européen, il faut que ce soit le dossier d’une collectivité territoriale qui soit un projet soutenu par une collectivité territoriale donc là ça va être minimum pour cent personnes, donc sur Lyon, alors qu’on aurait bien pu faire le projet, moi j’envisageais ça pour les 800 à 1000 qu’il y a ! Ca coûterait rien… Mais bon, ils veulent surtout pas. Avec tout ce qu’il y a derrière… E : Alors vous dites 800 à 1 000, c’est sur Lyon ? M : Oui sur la région lyonnaise oui. Voilà, c’est fluctuant mais à l’heure actuelle, on les estime à peu près à ce nombre là. Bon, donc c’est pas la mer à boire ! Et puis au niveau de la France on avait estimer, y avait des chiffres comme ça, qui étaient donnés par différents pays, si ça va à 10 000/12 000 ou 15 000 c’est la mer à boire ! Enfin c’est le maximum je veux dire… Donc ça serait envisageable, donc ça c’est des chiffres qu’on trouve chez Viviane Reding, là faut aller fouiller, ça donne une idée. Mais c’est qu’il n’y a pas de volonté politique au niveau de Bruxelles parce que d’abord c’est un parlement de droite et d’extrême droite et ils s’en fichent des pauvres et surtout des roumains… alors là c’est la dernière roue de la charrette… Et puis en France c’est pareil, si on va dans le programme de Hollande bah y a rien là dessus… (Petite parenthèse politique…) M : Pour l’instant pour cette pauvreté y a pas une solution, y en a plusieurs, cette expérience de DOMICI il faut être réaliste. Moi j’avais pensé que ce système pourrait être bien comme à Haïti quand il y a des grosses catastrophes… d’avoir une possibilité, une solution temporaire, mais qui dure, et qui soit acceptable, mais là malheureusement j’ai bien l’impression qu’on en prend le chemin ici… et puis là par exemple, le genre de bâtiments qu’il a fait, pour un prix moindre, c’est jumelé avec ceux qui gèrent tout ce qu’il y a autour, donc c’est un partenariat, et il y a en même temps un accompagnement des personnes, un diagnostic qui sera fait à la fin du plan froid, pour savoir ce que ça a donné. Donc les gens qui participent, qui ont été hébergé par DOMICI et cette association bénéficient d’un diagnostic social, au niveau santé, au niveau travail, etc… Donc ça c’est intéressant pour vous… De toutes façons y aura un bilan à la fin. Ce serait bien que ça se développe…

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E : Oui mais à la fois, si ça se développe, ça veut aussi dire qu’on accepte la situation telle qu’elle est. M : Oui exactement et moi personnellement je trouve qu’en région Rhône-Alpes où il y a beaucoup de bâtiments qui appartiennent à la Courly, à l’Etat, etc… et qui sont vides, ça serait mieux de loger les gens là… et de travailler sur un projet comme ça. Mais là il y a aucune volonté, enfin c’est même pas qu’il n’y a aucune volonté, y a une volonté contraire. Donc là par exemple dans ce projet avec la préfecture, Forum Réfugié et les deux squats, ils ont bien précisé qu’il n’y aurait pas une personne de plus qui se rajouterait donc y a des gens qui peuvent venir d’autres squats par exemple les deux caravanes, elles n’ont pas été prises dans le programme. Et le projet il est pour deux ans, et comme par hasard ça tombe pile poil sur dans deux ans, ils auront le droit de travailler les roumains et les bulgares, parce que pour l’instant il y a des textes qui sont appliqués en France, c’est pas dans tous les pays, les pays européens ont la faculté d’appliquer cette mesure qui concerne le travail. Bon ça gêne l’emploi en France, en réalité ça ne gêne pas, y a eu tout un rapport d’une commission à Bruxelles pour démontrer que ces mesures là n’étaient pas valables mais bon pour l’instant l’Etat français ne veut pas retirer ces mesures. Tous les pays européens ne l’appliquent pas. Voilà y en a beaucoup qui ne l’appliquent pas. J’avais le chiffre mais je ne l’ai plus en tête, y a un grand nombre qui ne l’applique pas mais la France si. Jusqu’en janvier 2014, ils n’ont pas le droit de travailler. Cet été moi je voulais faire embaucher pour les vendanges des personnes, tout un groupe familial, j’ai pas pu en faire embaucher un ! A cause de cette loi parce qu’ils sont obligés de faire une déclaration à l’OFII, d’avoir une carte de séjour, enfin ça fait des tas de démarches que finalement j’ai pas pu faire embaucher… Alors que ils avaient besoin de 15 000 à 30 000 personnes pour les vendanges en RhôneAlpes, donc ils ont choisi des étudiants de partout de toute l’Europe, de la France et de l’Europe, d’Espagne, etc… et là pour ces gens, pères de famille avec enfants, on n’a pas pu les faire embaucher… Le Secours Catholique a pu faire embaucher deux ou trois personnes parce qu’ils avaient la carte du Secours Catholique. C’est « Sésame ouvre toi » quoi ! Et encore il a pas pu en faire embaucher des tonnes et des tonnes… Enfin moi ça m’a fait mal au cœur de voir ça… C’était bien pour les étudiants mais quand même là, c’est une discrimination terrible… E : Et vous, vous êtes bénévole ? M : Oui oui E : Parce que vous êtes à la retraite ? M : Oui, moi je suis à la retraite. E : Et avant vous faisiez quoi ? M : Bah pendant 10 ans, j’ai été pratiquement au chômage mais avant j’étais responsable dans une société qui travaillait dans le textile. E : Et pourquoi vous êtes vous intéressée à ça alors ? M : Moi déjà parce que j’ai déjà des origines un peu… On était déjà quand même sensible aux autres… Je viens d’une famille de pasteurs, donc c’est une tradition familiale quoi un peu… On a toujours reçu chez nous des tas de gens, tous les ans, dans le salon, y avait des pauvres, y avait des algériens, des bagnards, etc… Donc déjà y a une tradition familiale et puis après j’étais dans mon travail, j’avais été membre d’une association d’accompagnement des personnes en fin de vie, sur Lyon. Et puis après quand j’ai dû quitté mon emploi, enfin etc… j’avais voulu m’orienter en gérontologie et puis après on voulait monter une structure pour faire de l’aide à domicile parce que les finances étaient soi-disant bloquées et on les a pas toujours parce qu’on voulait quelque chose de bien spécial on avait une idée bien précise de comment on voulait faire fonctionner pour les personnes âgées, etc… et du coup je me suis retrouvée à la maison à accompagner plutôt mon père et ma tante donc pendant deux-trois ans je suis restée coincée à la maison, et puis après quand mes parents sont décédés, tout ça, je me suis retrouvée avec du temps et puis j’ai répondu à la demande, la demande ben vous allez trois portes plus loin dans l’angle et puis voilà, je suis pas allée les chercher, ils sont venus à moi. Puis c’est comme ça que au lieu de m’occuper des personnes âgées, je m’occupe des roms. Et puis dans mon quartier là, il y a eu beaucoup de camps de roms, voilà y avait les usines qui ont fermées en 2009 donc c’est là que j’ai connu

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les Cosma et puis après les gamins que je voyais pas à l’école… Ce qui fait que quand j’ai rencontré CLASSES, ben c’était parti quoi ! Quand j’ai vu que y avait une structure qui aidait… E : Alors ça fait depuis combien de temps que vous travaillez avec les roms ? Ca fait deux ans ? M : Non, non même pas, ça fait un an et demi quoi ! Mais ça s’est fait peu à peu… Et puis une fois qu’on met le doigt dans l’engrenage… Moi ça me révolte. Mais c’est vrai que la première des choses, c’est un toit, c’est le toit, c’est le logement. Ca c’est la première des revendications à avoir. Si y a pas le logement, y a pas de stabilité, y a rien derrière, y a rien, la déstabilisation psychologique, sociale… c’est terrible… Là ce matin y avait une manifestation « pour un toit, un logement, un toit c’est un droit pour tous », c’est cette population rom qui n’a pas de toit, qui vit dans des squats… E : Vous parlez de squat. Pourquoi vous parlez de squat et pas de bidonville ou de campement ? Vous faites une différence ? M : Non, c’est parce que c’est le mot à la mode puis bidonville… je sais pas… ça a une connotation un peu favela, tout ça… et ça rejette tout le monde alors que le squat ça a pas la même connotation. E : D’accord… M : C’est vrai je ne m’étais jamais posé la question… E : Je vous demande ça parce que moi je parle de bidonville et vous, vous parlez de squat. Parce que le squat ça peut aussi être un squat dans un immeuble… M : Oui oui tout à fait, ou dans des maisons abandonnées… E : …alors que le bidonville c’est vraiment la construction de baraques… M : Oui voilà, c’est un squat d’un terrain. E : C’est le squat d’un terrain oui… M : C’est un squat d’un terrain où on monte des cabanes de bric et de broc… par contre par exemple y a une expérience à la Feyssine, sur un squat. Et la les gens ont monté des vraies cabanes… E : Des baraques ? M : Oui, même des beaux chalets, et là y a une expérience, notamment avec la présidente de CLASSES, qui est Elisabeth si vous voulez la rencontrer, ça c’est intéressant, Eloïse, c’est la présidente de CLASSES. Je vous enverrai tout ça. La présentation de CLASSES, y a ses coordonnées… C’est elle qui s’occupe de ce squat de Feyssine, elle essaie d’obtenir la pérennité de ces lieux, l’idée est justement, là d’ailleurs on commence à toucher un peu l’architecture. Y a DOMICI et là y a cette expérience là qui voudrait pouvoir conserver ces lieux, ce terrain, et que sur ces lieux ils puissent construire eux même, leur chalet, leur cabane mais qu’ils participent. Mais elle veut faire quelque chose de bien, et qu’ils puissent construire eux-mêmes. L’idée c’est qu’ils puissent construire eux-mêmes leur chalet et qu’il y ait un suivi sur ce terrain, un travail au niveau du travail, de la scolarisation, etc… Il y a une autre personne qui est là, c’est Emilie Dupuis, qui est une maîtresse, justement spécialisée pour les enfants étrangers qui sont illettrés ou analphabètes. Avec Eloïse, c’est elle qui porte ce projet là. E : Je l’ai vu ce camp, je suis passée devant, en passant en voiture à côté, et ça m’a vraiment marqué, y a vraiment une cohérence. Toutes les baraques sont construites de la même façon, c’est vraiment un petit village. M : Oui voilà c’est ça et là ce qu’on souhaiterait, bon le terrain apparemment il est au Grand Lyon, à la Courly, donc elle, elle se bat pour essayer d’obtenir ce terrain, si j’ai bien compris et puis de la conserver au moins deux ans, pour décrocher un projet justement avec des associations qui travaillent sur le français, il y a aussi plein de choses par exemple avec Forum Réfugié, là y aurait ce projet là, donc là c’est les gens eux mêmes qui construiraient leur terrain. E : …oui, mais là avec un vrai projet et des baraques qui tiennent la route… M : Oui c’est ça effectivement, mais pour l’instant qu’est ce qui s’est passé, c’est que bon, ils sont donc sur un squat, il y a eu un référé, etc… bon ça c’est la présidente de CLASSES qui essaie de promouvoir ce projet, mais bon elle a bien de la peine, et qu’est ce qui s’est passé,

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c’est que la police est venue, elle a distribué des OQTF à tout le monde, donc on est allé à la CIMADE qui a expliqué le fonctionnement donc qui va faire un recourt… Donc on va faire un recourt via la CIMADE mais ça n’empêche pas parce que y a un mois pour faire un recourt après un OQTF, donc ils ont tout de suite fait un recourt mais ça n’empêche pas que, pendant ce laps de temps, ils peuvent quand même être arrêtés et mis en centre de rétention et à ce moment là, le centre de rétention a 48 heures pour déclarer s’ils sont évacués ou s’ils peuvent être comment dire… libérés, entre guillemets… Donc là tous ces gens qui avaient reçu des OQTF sur le terrain, finalement, ils ont préféré repartir d’eux même en Roumanie, donc c’est à moitié vide là pour l’instant, mais faut pas le dire parce qu’ils ont peur que d’autres viennent s’installer dans leurs cabanes. Et donc là pour l’instant c’est en suspend. Mais ça c’est Eloïse de CLASSES qui s’en occupe… Donc vous voyez y a des projets comme ça sauf que y a pas de volonté, c’est les associations ou des personnes individuellement qui poussent, les pouvoirs publics font le minimum, y a pas de volonté. Et tant que y a pas de volonté, on fait vivre une misère terrible à tous ces gens là, moi c’est ce que j’essais de défendre, si on le fait pour les roms, on va le faire pour nous, pour les français et pour les autres. De toutes façons l’argent qui est dépensé pour les expulsions, les voyages en avion, ça pourrait être pour autre chose… Alors bon, on ne revient pas sur la scolarisation obligatoire, etc… mais bon, ça ne donne rien du tout parce que les gosses ils sont… On fait des illettrés, des analphabètes parce que même ceux qui ont la chance de pouvoir un petit peu y aller, ils ne peuvent pas avoir une scolarité, vous voyez bien les petites Cosma… E : Bah oui oui et puis bon, ils sont expulsés, ils changent de camps… M : oui voilà, pendant un moment y a plus rien, puis après on revient alors on change de tout, d’école, même de professeur, de… ça pour les primaires ça va encore à peu près mais pour le collège alors c’est terrible… manque de place, complètement inadapté… quand on arrive à en mettre dans des classes c’est complètement inadapté, même ceux qui sont dans des NSA, scolarisés ou non auparavant, y en a trois dans toute la région Rhône-Alpes pour au moins 120 élèves… Et puis c’est pas adapté vraiment, même pour ceux qui sont les plus adaptés… Et y a pas de volonté, donc on est en train de faire des illettrés, et puis y a ceux qui vont sortir du système, à 16 ans qui n’auront jamais été scolarisés. Voilà… je sais pas ce que je pourrais vous dire de plus… (rires)

FIN

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