Élodie Berger - Mémoire 2

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LES COMMUNAUTÉS ROMS DE BUCAREST FORMES D’HABITAT ET POLITIQUES PUBLIQUES /( &$6 '8 /$& 9Ä&Ä5(67, (7 '8 48$57,(5 )(5(17$5,

Elodie Berger Arlette Hérat, DIRECTRICE DE MÉMOIRE



REMERCIEMENTS

Merci à Arlette HÊrat pour son aide dans l’accomplissement de ce travail, même à distance. Merci à Andrei, dont le nom a ÊtÊ changÊ pour des raisons GH FRQߑGHQWLDOLW HW 6RSKLH SRXU OHXU DFFRPSDJQHPHQW VXU le(s) terrain(s). Et un grand merci à tous les roumains que j’ai rencontrÊ pendant mon sÊjour et qui ont acceptÊ de s’entretenir avec moi consciemment ou non au sujet des roms.

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SOMMAIRE

Remerciements

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RĂŠsumĂŠ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 1. EnquĂŞte de terrain : dĂŠcouverte et analyse de deux formes d’habitats prĂŠcaires Ă Bucarest . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13 /H ODF 9Ă…FĂ…UHVWL XQH IRUPH G‍ڕ‏KDELWDW SURSUH DX[ FRPPXQDXWÂŤV roms dans un espace en transition - Le quartier Ferentari, une sĂŠgrĂŠgation forte installĂŠe sous le rĂŠgime de Ceausescu et aujourd’hui renforcĂŠe par des limites physiques, symboliques et sociales 2. Les logiques de la politique de logement ĂŠtatiste sous le rĂŠgime dictatorial de Ceausescu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 - Rappels historiques : les grands projets d’amĂŠnagement urbain pendant la pĂŠriode Ceausescu en Roumanie et Ă Bucarest - Les roms Ă l’Est pendant la pĂŠriode communiste, une tentative d’intĂŠgration faussĂŠe ? - L’après Ceausescu, processus de rĂŠtrocession et logiques de marchĂŠ 3. La situation contemporaine : consĂŠquences d’une mobilitĂŠ exacerbĂŠe et d’une visibilitĂŠ accrue ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Conclusion

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Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

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RÉSUMÉ / Les roms sont aujourd’hui de plus en plus visibles dans nos pays occidentaux, mis sur le devant de la scène par les médias et dans l’espace urbain. C’est une population que l’on ne peut pas ignorer bien que les politiques publiques cherchent souvent à les faire disparaître. Un retour au point de départ, c’est-à-dire dans leur(s) pays d’origine, ici en locurrence en Roumanie, est un PR\HQ HIߑFDFH GH FRPSUHQGUH OHXUV PRGHV G‫ڕ‬KDELWHU d’une part en fonction de l’évolution historique des politiques nationales à leur égard et d’autre part en fonction de l’impact des migrations au sein de l’Europe.

MOTS-CLÉS

Roms Habitat précaire Bucarest Ceausescu Ségrégation/Intégration Politique publique 7


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Introduction $XMRXUG‍ڕ‏KXL SDUWRXW HQ (XURSH OHV GLIß‘FXOWÂŤV VRFLR ĂŠconomiques (emploi, santĂŠ, logement, scolarisation) auxquelles se heurtent les populations roms sont, comme le dit Samuel DelĂŠpine, ÂŤportĂŠes sur le devant des scènes mĂŠdiatiques et politiquesÂť. Selon lui elles ont, avec la chute des Etats communistes Ă l’est de l’Europe au dĂŠbut des annĂŠes 1990, ÂŤservi de “prĂŠtextesâ€? Ă l’Êmergence d’une “question româ€? Ă l’Êchelle europĂŠenne, voire d’un “problème româ€? qui nĂŠcessite que l’on s’y attaque, et qui exige des rĂŠsultats.Âť1 En France, nous en avons entendu parler quasi hebdomadairement dans les journaux tĂŠlĂŠvisĂŠs pendant les mois qui ont suivi le dernier changement de prĂŠsidence en mai 2012. Cette ÂŤquestion romÂť rendue de plus en plus visible par les mĂŠdias fait dĂŠbat, suscite Ă la fois une certaine forme d’agressivitĂŠ directe ou indirecte de la part d’habitants, voisins de campements roms, d’hommes politiques et d’autre part une certaine compassion de la part de bĂŠnĂŠvoles, d’associations d’aide humanitaire, etc... Selon les secteurs, les collectivitĂŠs locales hĂŠsitent ainsi entre politique du rejet et mesures d’aides ou de soutien. '(/(3,1( 6DPXHO Atlas des tziganes, Le dessous de la question rom, Paris, ĂŠd. Autrement, 2012, p. 6 2. BERGER, Elodie, L’habitat prĂŠcaire, Marges urbaines et compĂŠtences des habitants en situation de vulnĂŠrabilitĂŠ, le cas d’un campement rom Ă Lyon, PÂŤPRLUH GH ß‘Q GH HU F\FOH (16$ 0DUVHLOOH 2011-2012, 89 p.

Le mĂŠmoire prĂŠsentĂŠ ici s’inscrit dans la continuitĂŠ d’un travail de recherche sur dix mois qui avait dĂŠmarrĂŠ en septembre 2011 dans le cadre de l’Êcole d’architecture de Marseille2. A cette ĂŠpoque, mon intĂŠrĂŞt pour la question de l’habitat prĂŠcaire m’avait amenĂŠe Ă mener un travail d’enquĂŞte de terrain au sein d’un bidonville de la banlieue lyonnaise. C’est Ă cette occasion que j’ai rencontrĂŠ pour la première fois 9


OH SHXSOH URP -‍ڕ‏DL HIß’HXUÂŤ GHV IUDJPHQWV GH O‍ڕ‏KLVWRLUH de la vie, de la culture et du quotidien de quelques familles dans une de nos agglomĂŠrations françaises. Actuellement en ĂŠchange universitaire Ă Bucarest je souhaite dĂŠcouvrir, d’un point de vue gĂŠographique, l’autre cĂ´tĂŠ de la ÂŤquestion romÂť. C’est dans ce contexte que s’inscrit ce bref travail de recherche qui s’est ĂŠtendu sur quatre mois. Pour des questions pragmatiques, il se limitera territorialement parlant Ă la ville de Bucarest, dans un contexte urbain oĂš les modes d’habiter des communautĂŠs roms sont très diffĂŠrents de ceux des communautĂŠs qui vivent dans des zones rurales.3 1RXV QRXV LQWÂŤUHVVHURQV DX[ PRGHV G‍ڕ‏KDELWHU GHV roms dans leur pays d’origine au prisme de l’Êvolution des politiques nationales Ă leur ĂŠgard et de l’impact des migrations au sein de l’Europe. Dès lors nous pouvons nous demander comment se pose la question de l’intĂŠgration des roms dans leur pays d’origine ? Quelles sont les diffĂŠrentes formes d’habitat des communautĂŠs roms de la capitale roumaine ? Comment ont-elles ĂŠvoluĂŠes dans l’histoire politique du pays, notamment pendant et après la dictature de Ceausescu, qui a fortement marquĂŠ le peuple roumain ? Comment la ÂŤplus grande minoritĂŠ d’EuropeÂť4 s’estelle adaptĂŠe ou non aux politiques de logement ĂŠtatiste du pays ? Existe-t-il des migrations internes spatio-temporelles entre ces diffĂŠrentes formes G‍ڕ‏KDELWDW " (Qß‘Q OHV URPV RQW LOV VXLWH ¢ OHXU expĂŠrience d’habitat insalubre en Europe occidentale et suite Ă un retour dans leur pays d’origine (forcĂŠ ou non), importĂŠ de nouveaux modes d’habiter ? Autrement dit, est ce que les formes de survivances dĂŠveloppĂŠes par les roms dans des villes de marchĂŠ (en France par exemple) se retrouvent Ă Bucarest aujourd’hui ? 10

3. Sur ce point, voir %(5(6&8 &Ă…WĂ…OLQ Locuirea si saracia extrema, Cazul romilor, Housing and extreme poverty, the case of Roma comunities, Bucuresti, ed. univ. Ion Mincu, 2006, pp. 35-44 4. Expression nĂŠe lors de l’entrĂŠe de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union EuropĂŠenne en 2007, *8(67 0LOHQD 1$&8 Alexandra, “Roms en Bulgarie, Roms en Roumanie - quelle intĂŠgration?â€?, MĂŠditerranĂŠe [En ligne], 110 | 2008, mis en ligne le 01 janvier 2010, consultĂŠ le 03 dĂŠcembre 2013. URL : http://mediterranee. revues.org/548, p.1


Ma dĂŠmarche a d’abord consistĂŠ en la dĂŠcouverte des diffĂŠrentes formes d’habitat des communautĂŠs roms de Bucarest, Ă travers une sĂŠrie de visites sur le terrain. De lĂ ont surgi de nouvelles questions auxquelles nous essaierons de rĂŠpondre Ă travers la mise en parallèle du travail d’observation sur le terrain et d’un travail de lectures bibliographiques d’Êtudes dĂŠjĂ menĂŠes sur le sujet, dans la perspective d’articuler analyse spatiale et analyse temporelle, de relier forme d’habitat et politique publique. (Qß‘Q MH GRLV UHFRQQD°WUH TXH PRQ WUDYDLO D VRXYHQW ĂŠtĂŠ alimentĂŠ ĂŠgalement par des tĂŠmoignages de personnes rencontrĂŠes lors de mon sĂŠjour Ă Bucarest, ĂŠtudiants (en architecture ou dans d’autres disciplines) et professeurs principalement mais aussi d’autres habitants de la capitale roumaine. Des tĂŠmoignages prĂŠcieux, parfois un peu violents dans les mots parce TXH OH VXMHW mÄĽLJDQL} HVW WUÂŞV VHQVLEOH LFL PDLV TXL m’ont souvent apportĂŠ des rĂŠponses très intĂŠressantes aux questions que je me posais. C’est dans mes ĂŠchanges avec ces gens lĂ que j’ai mesurĂŠ l’importance des informations que je recevais dans une simple conversation autour d’un cafĂŠ ou dans les escaliers de l’universitĂŠ. Ainsi, le travail initial d’observation sur le terrain, relativement naĂŻf, a ĂŠtĂŠ pris pour explorer et reconnaĂŽtre les formes d’habitat avant de les approfondir Ă travers d’autres mĂŠthodes. Chacune de celles-ci (terrain, bibliographie et tĂŠmoignages) m’a permis de recueillir de l’information, poser des TXHVWLRQV SXLV YDOLGHU RX LQß‘UPHU OHV K\SRWKÂŞVHV ĂŠmises. 1RXV GÂŤFRXYULURQV GDQV XQ SUHPLHU WHPSV OHV GHX[ types d’habitat principaux des communautĂŠs roms de Bucarest Ă travers un journal de bord rĂŠdigĂŠ suite aux visites sur le terrain. Dans un second temps, nous ferons un retour historique sur les diffĂŠrentes logiques de la politique de logement mise en place sous le 11


régime de Ceausescu pour comprendre pourquoi et comment les roms ont-ils subi l’évolution des politiques QDWLRQDOHV ¢ OHXU «JDUG 1RXV WHQWHURQV HQߑQ GH revenir sur la situation contemporaine et d’apporter des éléments explicatifs. Suite à la compréhension du contexte socio-économique historique de l’époque communiste, nous chercherons donc à savoir si les formes d’habitat actuelles des communautés roms à Bucarest résultent de cette rupture politique et d’une mobilité externe accrue avec le changement de régime politique.

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1. EnquĂŞte de terrain : dĂŠcouverte et analyse de deux formes d’habitats prĂŠcaires Ă Bucarest /H ODF 9Ă…FĂ…UHVWL XQH IRUPH G‍ڕ‏KDELWDW SURSUH DX[ communautĂŠs roms dans un espace en transition 0D GÂŤFRXYHUWH GX ODF 9Ă…FĂ…UHVWL D ÂŤWÂŤ UHODWLYHPHQW rapide après mon arrivĂŠe Ă Bucarest, parce que c’est le premier endroit dont on m’a parlĂŠ au sujet des roms de la capitale. Le journal de bord qui suit, prĂŠsente de manière assez descriptive de ce que j’ai vu et ce que j’ai senti lors de mes visites. Il raconte la dĂŠcouverte d’une forme d’habitat que nous connaissons plus ou moins en France, bien que la situation dans la ville et le contexte de ces constructions soient très diffĂŠrents de celles qui existent chez nous. Depuis mon arrivĂŠe Ă Bucarest, je suis Ă la recherche des ÂŤromsÂť de Roumanie. OĂš sont-ils ? Comment vivent-ils ? Quelle est leur statut/situation dans leur pays d’origine ? Existe-t-il beaucoup de discrimination envers eux ? Je commence Ă en parler autour de moi. Quand des ĂŠtudiants roumains me demandent pourquoi je suis venue ĂŠtudier Ă Bucarest, on retombe toujours sur le thème des roms... qui fait dĂŠbat. J’entends un peu tout et son contraire‌ Certains ĂŠtudiants de l’Êcole d’architecture (milieu sĂťrement un peu ellististe) me disent qu’il n’y a pas vraiment de discrimination et que les roms ont la possibilitĂŠ de s’intĂŠgrer Ă la sociĂŠtĂŠ roumaine (ĂŠducation, santĂŠ, etc‌) Par ailleurs, beaucoup de roumains me disent ÂŤles roms ne sont pas des roumains !Âť ou ÂŤici, nous ne 13


sommes pas tous des romsÂť. Parfois certains ont tendance Ă s’excuser pour ÂŤle mal que font les roms en FranceÂť. Il semble effectivement qu’ici la population est bien au courant de ce qu’il se passe dans nos pays d’Europe de l’ouest et subit parfois de plein fouet la mauvaise rĂŠputation de leur pays Ă l’Êtranger. J’ai quelques amis roumains ĂŠtudiants Ă l’Êcole d’architecture qui sont partis dans le cadre du programme erasmus en France pendant un an. Ils ont WRXV GHV DQHFGRWHV ¢ UDFRQWHU GHV UÂŤß’H[LRQV SDUIRLV idiotes voire racistes qu’ils ont pu entendre durant leur sĂŠjour. Ce genre d’ÊvĂŠnements, qui peuvent paraĂŽtre DQRGLQV JÂŤQÂŞUH ß‘QDOHPHQW DX VHLQ GX SHXSOH URXPDLQ une certaine forme de haine envers les communautĂŠs roms de Roumanie.

Ci-contre, situation gĂŠographique du lac 9Ă…FĂ…UHVWL ¢ %XFDUHVW

Plus tard des amis portugais et français, aussi ĂŠtudiants Ă l’Êcole d’architecture de Bucarest, me SDUOHQW GX ODF 9Ă…FĂ…UHVWL GH PDQLÂŞUH UHODWLYHPHQW YDJXH PDLV VXIß‘VDPPHQW SRXU UHWHQLU PRQ DWWHQWLRQ ÂŤIl semblerait que ce lac soit habitĂŠ par des roms.Âť Je 14


cherche à comprendre, comment peuvent-ils vivre au milieu de l’eau ? Qu’est ce que cet endroit en plein cœur de la capitale roumaine ? Mon ami portugais a déjà vu l’endroit : «Non, a priori c’est un ancien projet GH &HDXVHVFX TXL Q‫ڕ‬D MDPDLV «W« ߑQL &D GHYDLW ¬WUH une sorte de piscine ou un centre sportif… Tout le bord du lac a été bétonné. Puis il a été laissé à l’abandon.» Mon amie française a vu il y a quelques années un reportage sur la chaîne Arte à ce sujet : «Il semblerait que ce lac se soit transformé en un véritable écosystème R» VRQW Q«HV XQH IDXQH HW XQH ߒRUH QRXYHOOHV » J’apprends par la suite que les roms habiteraient au milieu de la végétation «cachés», «protégés» du reste de la ville. Je commence déjà à avoir des images dans la tête. J’imagine une véritable forêt (végétation haute) au cœur de la ville. J’imagine également, comme me l’avait décrit mon ami portugais, une colline à franchir pour arriver sur le site… Une colline qui fait frontière entre la ville et le lac. J’imagine aussi que les habitants se sont installés sur des «morceaux de terre» (îlots) qui émergent du lac.

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Samedi 16 novembre 2013, il est midi. Je dÊcide alors de m’y rendre. Mon amie Sophie, VRXKDLWH P‍ڕ‏DFFRPSDJQHU 1RXV QRXV UHQGRQV WRXWHV OHV GHX[ VXU OH VLWH 1RXV SUHQRQV OH PWUR GHSXLV OH FHQWUH GH %XFDUHVW 1RXV DUULYRQV DX VXG GX ODF VWDWLRQ 3LDļD 6XGXOXL

C’est jour de marchĂŠ dans le quartier, donc beaucoup GH PRXYHPHQW G‍ڕ‏DJLWDWLRQ GH ß’X[ GH SHUVRQQHV GH YÂŤKLFXOHV 1RXV WUDYHUVRQV OH JUDQG ERXOHYDUG Ä RVHDXD 2OWHQLWHL SRXU QRXV UDSSURFKHU GX ODF 'HV grandes barres d’immeubles longent le boulevard. 1RXV SDVVRQV HQWUH GHX[ G‍ڕ‏HQWUH HOOHV (W QRXV arrivons dans un quartier rĂŠsidentiel très calme (qui fait contraste avec l’agitation du grand boulevard que nous venons de traverser). Beaucoup de vĂŠhicules en stationnement sur les trottoirs. Quelques personnes qui vont Ă pieds. Plus loin, nous commençons Ă apercevoir des fonds de cours privĂŠes fermĂŠes par des clĂ´tures hautes et RSDTXHV 2Q QH SHXW SDV YRLU GHUULÂŞUH 1RXV VXSSRVRQV DYRLU OD OLPLWH DYHF OH ODF 1RXV ORQJHRQV 16


les maisons jusqu’à pouvoir trouver une entrÊe sur ce lac. Soudain, il n’y a plus de maisons, c’est une grande clôture mÊtallique qui continue. Elle est interrompue à un endroit. C’est l’entrÊe sur le lac.

L’entrĂŠe sur le lac, fermĂŠ par une barrière mĂŠtallique ClichĂŠ Elodie Berger – 16.11.13.

Au sol, l’entrĂŠe est marquĂŠe par un chemin qui s’est creusĂŠ dans la terre avec le temps et le passage de SHUVRQQHV ¢ SLHGV 1RXV YR\RQV XQ KRPPH VRUWLU GH derrière la clĂ´ture. Il nous regarde. Je continue mon chemin en faisant mine d’être sĂťre de moi. Sophie de PÂŹPH 1RXV DYDQŠRQV VDQV WURS VDYRLU FH TXL QRXV attend derrière la clĂ´ture. Petit Ă petit nous dĂŠcouvrons XQ VSHFWDFOH ¢ FRXSHU OH VRXIß’H 1RXV DUULYRQV DX sommet d’un pan inclinĂŠ de bĂŠton... immense, qui tombe dans le lac, une sorte de no man’s land Ă perte de vue, avec en fond et en tout petit le skyline des immeubles de Bucarest. Je me rends compte que ce Q‍ڕ‏HVW SDV XQ ODF -H QH YRLV SDV G‍ڕ‏HDX 1RXV REVHUYRQV en silence. 1RXV FRPPHQŠRQV ¢ ORQJHU OH ODF 1RXV PDUFKRQV VXU XQ FKHPLQ GH WHUUH TXL OH VXUSORPEH 1RXV apercevons de loin deux baraques. Elles sont relativement ĂŠloignĂŠes l’une de l’autre. Mais visibles. Il fait beau. Des gens sont dehors. Des enfants 17


semblent jouer. Les baraques sont petites mais ont des fenêtres, une porte d’entrée, et une cheminée.

Photo prise depuis le petit chemin en terre qui surplombe le lac Cliché Elodie Berger – 16.11.13

1RXV PDUFKRQV O¢ MXVTX‫ڕ‬¢ FH TXH QRXV WRPELRQV QH] ¢ QH] DYHF XQ FKLHQ DJUHVVLI 1RXV Q‫ڕ‬LURQV SDV SOXV ORLQ FHWWH IRLV FL 1RXV VRPPHV REOLJ«HV GH UHEURXVVHU chemin. Car nous sommes «coincées» entre le pan de béton et la clôture métallique. Au retour, nous croisons deux papis saouls, dont un qui est à vélo. Ils nous saluent chaleureusement. De loin nous voyons également un jeune homme arrivant à pieds depuis les baraques. Il grimpe le pan de béton et passe par GHVVXV OH PXUHW TXL ORQJH OH FKHPLQ HQ WHUUH 1RXV ralentissons le pas pour le laisser passer devant mais nous nous retrouvons à peu près à son niveau au même moment. Il nous regarde. Soutient son regard

3DQRUDPD VXU OH ODF 9ÅFÅUHVWL ‫& ڏ‬OLFK« (ORGLH %HUJHU ‫ ڏ‬ 18


pendant une seconde. Puis continue son chemin. 1RXV UHVVRUWRQV PXHV SDU FH TXH QRXV DYRQV YX Le paysage dÊsolÊ est marquant, impressionnant. Le silence aussi. Puis nous revenons sur le grand boulevard, bruyant, en mouvement. Je rÊalise alors que cette bande d’immeubles rÊsidentiels est un rÊel tampon avec la ville. Tampon sensoriel (visuel, auditif‌). Il est une des limites physiques entre la ville et le lac. En reprenant le grand boulevard en sens inverse, nous atteignons le centre commercial Sun Plaza qui se situe au sud ouest du lac. De l’autre côtÊ nous retrouvons la même zone verte dÊlaissÊe au cœur de la ville.

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Samedi 30 novembre 2013, 16h30. Ce jour lĂ j’y retourne seule mais je pars trop tard de chez moi et je me fais rattraper par la tombĂŠe de la nuit. En hiver le soleil se couche sur le coup des 16:30 - 17:00‌ Il est cinq heures moins dix quand j’atteins le lac. Je dĂŠcide d’arriver par l’angle nordouest cette fois-ci. Mon ami portugais m’avait parlĂŠ d’une ÂŤcollineÂť entre la ville et le lac. Je veux aller voir ça. Et puis Ă cet endroit lĂ il y a aussi le canal‌ Je suis curieuse de voir comment se fait la frontière entre le lac et la ville.

J’arrive donc en mĂŠtro Ă la station Tineretului. Je commence Ă marcher en direction du lac. Je longe le parc Tineretului jusqu’à rencontrer une rue perpendiculaire Ă celle que j’empreinte, la calea 9Ă…FĂ…UHVWL HW RÂť XQH SDVVHUHOOH HVW HQ FRQVWUXFWLRQ ,O y a beaucoup de circulation. Les phares des voitures se mĂŠlangent aux lumières de la ville et Ă celles du chantier. Pourtant la route est sombre‌ Il faut regarder oĂš on met les pieds.

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Je longe le chantier pour arriver au niveau du canal. Il n’y a pas de trottoir‌ Il faut un peu jongler entre les voitures‌ Quand j’atteins le canal, je bifurque en direction du lac. La rue est d’un coup beaucoup plus calme. Des camions de chantier sont stationnĂŠs sur le WURWWRLU MH PDUFKH VXU OD URXWH -H ORQJH ß‘QDOHPHQW OH canal jusqu’au pied des tours qui font l’angle du lac. Derrière la butte de terre qui s’Êlève devant moi se cache le lac.

Dans l’obscuritÊ de la nuit je ne vois que sa silhouette. Assez haute, impressionnante. Depuis la rue, elle fait PXU MH QH SHX[ GRQF SDV YRLU OH ODF -H PH IDXߑOH HQWUH les tours pour aller voir. C’est un ensemble d’immeubles rÊsidentiels tout neuf : le Asmita Gardens. Au pied tout est propre, goudronnÊ, nickel... 21


Des gardiens gèrent l’entrĂŠe du parking. Je me demande qui habite là ‌ Et quelle vue ont les habitants sur le lac !!! L’image ci-dessous5, prise depuis le toit d’une des tours, nous en donne un aperçu.

Une clĂ´ture marque la limite de propriĂŠtĂŠ de la rĂŠsidence. Derrière celle-ci s’Êlève la butte de terre qui semble continuer sur toute la longueur du lac. Je dĂŠcide alors de monter au sommet. LĂ oĂš la clĂ´ture s’arrĂŞte, il y a quelques sentiers creusĂŠs par le passage rĂŠgulier de personnes. J’entame l’ascension. Je me demande si quelqu’un va me dire quelque chose, si c’est interdit‌ Un des gardiens de la rĂŠsidence est lĂ . Mais rien. Je monte. Le sol est recouvert de neige par endroits‌ Ca glisse, c’est boueux. Petit Ă petit je dĂŠcouvre un VSHFWDFOH ÂŤSRXVWRXß’DQW GH O‍ڕ‏DXWUH FÂśWÂŤ /RUVTXH M‍ڕ‏DUULYH DX VRPPHW MH Q‍ڕ‏HQWHQGV TXH PRQ VRXIß’H rapide et mon cĹ“ur qui s’est emballĂŠ, un peu Ă cause de l’effort mais surtout Ă cause d’un certain mĂŠlange de peur et d’excitation. Le spectacle ne me laisse pas indiffĂŠrente, comme la première fois que j’y suis allĂŠe. D’un cĂ´tĂŠ, le silence et le calme de la nuit sont assez pesants et de l’autre, j’entends et je sens l’agitation nocturne de la ville. En face de moi je devine dans l’obscuritĂŠ cette ĂŠtendue de vĂŠgĂŠtation Ă perte de vue. A mes pieds, l’immense pan de bĂŠton de Ceausescu qui fait le tour du lac. Il fait froid. Mais je reste une vingtaine de minutes au sommet Ă observer. 22

5. source : http:// rezistenta.net/2012/09/ avem-inca-o-delta-ce-facem-cu-ea-2. html#comments, consultĂŠ le 08.11.13


Je cherche du regard une quelconque présence humaine. Je ne vois personne. Il n’y a pas de mouvement. Je cherche aussi s’il y a des chiens parce que j’en ai un peu peur... Mais il n’y en a pas. Je décide de rester par là à observer cette limite physique impressionnante entre le lac et la ville. Il fait nuit, je ne souhaite pas m’aventurer seule plus loin. Je dessine sur un petit carnet sorti de ma poche. Je croque, je schématise ce que je vois. Puis je redescends pour continuer mon analyse au niveau de la route. Quand je commence à sentir mes doigts se congeler un à un, je rentre à pieds jusque chez moi en longeant le canal.

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Samedi 4 dĂŠcembre 2013, 14h. Je me suis arrangĂŠe pour revenir sur le site avec mon ami portugais cette fois-ci. Il veut bien m’accompagner SRXU \ UHQWUHU 1RXV DUULYRQV HQ PÂŤWUR MXVTX‍ڕ‏¢ Tineretului. Puis nous longeons le parc, jusqu’au pied des tours de logements. Elles sont au nombre de sept. J’ai entendu dire que c’Êtait une rĂŠsidence de luxe. Je suis donc très impressionnĂŠe par la proximitĂŠ de ces deux mondes complètement opposĂŠs par leur nature, OHXU VWDWXW OHXU FDUDFWÂŞUH 1RXV WUDYHUVRQV OD rĂŠsidence et nous grimpons au sommet de la ÂŤcollineÂť. J’ai alors un moment d’hĂŠsitation avant de descendre sur le pan de bĂŠton. Je regarde Ă nouveau le paysage qui s’offre Ă moi, de jour cette fois-ci. Mon ami n’hĂŠsite pas une seule seconde, il descend et me dit ÂŤtu viens ?Âť ,O PH ODLVVH ß‘QDOHPHQW SDVVHU HQ SUHPLHU 8Q 24


sentier, à Êchelle humaine, est dessinÊ par le passage rÊgulier de personnes. Autour, tout est vÊgÊtation ou zone d’eau.

1RXV PDUFKRQV HW QRXV QRXV HQIRQŠRQV GDQV OHV profondeurs du lac. DĂŠjĂ nous avons oubliĂŠ la ville, OHV EUXLWV O‍ڕ‏DJLWDWLRQ OD FLUFXODWLRQ 1RXV Q‍ڕ‏HQWHQGRQV SOXV ULHQ 1RXV DSHUFHYRQV GH WHPSV HQ WHPSV OHV tĂŞtes d’immeubles hauts qui dĂŠpassent au dessus du pan de bĂŠton et des enseignes publicitaires ĂŠnormes, FRORUÂŤHV TXL VRQW ß‘[ÂŤHV VXU OHV WRLWV GHV FHQWUHV commerciaux. Très vite nous devinons au milieu de la vĂŠgĂŠtation une première baraque de roms. Elle est installĂŠe contre un ensemble d’arbres, relativement cachĂŠe. Depuis le sentier, nous ne pouvons l’apercevoir que par morceaux. A ÂŤl’entrĂŠe de la propriĂŠtĂŠÂť, des chiens semblent monter la garde. Ils sont agressifs et nous dissuadent de nous rapprocher. Je dis ÂŤl’entrĂŠe de la propriĂŠtĂŠÂť parce que j’ai l’impression qu’elle est amĂŠnagĂŠe comme telle : la vĂŠgĂŠtation est plus courte, comme si l’herbe avait ĂŠtĂŠ tondue et me laisse penser 25


que c’est ÂŤl’entrĂŠe du jardinÂť qui mène Ă la baraque. 1RXV FRQWLQXRQV QRWUH FKHPLQ /¢ OH VHQWLHU D SULV GH la largeur et il semblerait que des voitures aient dĂŠjĂ circulĂŠ ici car nous retrouvons dans le sol les traces de pneus de la largeur d’un vĂŠhicule. Plus loin, nous apercevons un homme qui transporte un tas de bois et de branchages sur son ĂŠpaule. Quand nous arrivons Ă sa hauteur, il nous demande en roumain si QRXV DYRQV XQH FLJDUHWWH 1RXV UÂŤSRQGRQV TXH QRQ mais il se rend compte que nous sommes ĂŠtrangers. Il nous demande alors Ă nouveau en anglais ÂŤSmoke ?Âť 1RXV GRQQRQV OD PÂŹPH UÂŤSRQVH mNo, no sorryÂť. Puis il trace sa route. Je le regarde partir au loin et je vois qu’il bifurque au niveau de la baraque que nous avions vu cinq minutes plus tĂ´t. Il doit sĂťrement KDELWHU O¢â€Ť ڢ‏1RXV FRQWLQXRQV 1RXV IDLVRQV XQH SHWLWH ERXFOH ORUVTXH QRXV YR\RQV XQH ÂŤWHQGXH G‍ڕ‏HDX 1RXV nous rapprochons. Les hautes herbes sont ĂŠcrasĂŠes par endroits. Mon ami me dit que la première fois qu’il ĂŠtait venu, il avait vu de loin des hommes pĂŞcher dans des petites barques. Il semblerait que ce ÂŤlac 9Ă…FĂ…UHVWL} VRLW FRQQX SDU FHUWDLQV EXFDUHVWRLV SRXU O‍ڕ‏H[HUFLFH GH OD SÂŹFKH‍ ڢ‏1RWUH SURPHQDGH FRQWLQXHUD MXVTX‍ڕ‏¢ OD WRPEÂŤH GH OD QXLW 1RXV DVVLVWRQV ¢ XQ FRXFKHU GH VROHLO PDJQLß‘TXH VXU OHV GLIIÂŤUHQWHV ĂŠtendues d’eau qui jalonnent notre parcours. Les FRXOHXUV FKDXGHV GX FLHO VH UHß’ÂŞWHQW VXU O‍ڕ‏HDX immobile et sans ride. Il n’y a pas de vent mais il commence Ă faire très très froid. Je pense Ă cet homme que nous avons rencontrĂŠ plus tĂ´t dans l’après-midi et qui rentrait chez lui avec du bois pour VH FKDXIIHU 1RXV QH YHUURQV SDV G‍ڕ‏DXWUHV EDUDTXHV en chemin. Du moins il n’y en a pas de ce cĂ´tĂŠ du lac. 1RXV WHUPLQRQV QRWUH SDUFRXUV GDQV O‍ڕ‏DQJOH QRUG HVW GX ODF 1RXV UHPRQWRQV OH SDQ GH EÂŤWRQ SRXU UHSDVVHU de l’autre cĂ´tĂŠ, cĂ´tĂŠ ville. Dans cet angle, il y a un escalier en bĂŠton qui nous permet de redescendre au niveau de la route. Pour rentrer nous longeons la colline de terre et le canal jusqu’à la prochaine station 26


de mÊtro. De ce côtÊ l’agitation reprend, il y a EHDXFRXS GH FLUFXODWLRQ 1RXV PDUFKRQV HQWUH OD colline et les voitures.

6. voir BERGER, Elodie, op. cit.

Suite Ă cette visite, j’ai l’impression que contrairement ¢ FH TXH MH FUR\DLV DX GÂŤEXW OH ODF 9Ă…FĂ…UHVWL Q‍ڕ‏HVW SDV le lieu principal de vie des roms Ă Bucarest. On retrouve parsemĂŠes au milieu de la vĂŠgĂŠtation quelques baraques telles qu’on les connaĂŽt dans les bidonvilles de France, construites Ă base de planches en bois, tĂ´le, carton, bâches plastique, etc‌6 Cependant il me semble qu’elles n’existent pas en QRPEUH WUÂŞV VLJQLß‘FDWLI SRXU ÂŤWDEOLU XQH JÂŤQÂŤUDOLWÂŤ VXU le ÂŤlogement typeÂť des roms Ă Bucarest. Par ailleurs au cours de mes recherches sur le statut DFWXHO GX ODF 9Ă…FĂ…UHVWL MH PH UHQGV FRPSWH TXH F‍ڕ‏HVW 27


un lieu qui devient de plus en plus connu pour nombre de biologistes qui font des recherches sur la nouvelle IDXQH HW ß’RUH ,O VHPEOHUDLW TXH GHSXLV TXH OH ODF DLW ĂŠtĂŠ laissĂŠ Ă l’abandon suite Ă la chute de Ceausescu, se soit dĂŠveloppĂŠ un ĂŠcosystème qui regroupe approximativement 90 espèces d’oiseaux rares, d’autres espèces de poissons, d’animaux ou de plantes qui existent au Delta du Danube. Aujourd’hui, FHUWDLQV DSSHOOHQW OH ODF 9Ă…FĂ…UHVWL OH m'HOWD GH BucarestÂť. Depuis juin 2012, grâce Ă ce phĂŠnomène QDWXUHO H[WUDRUGLQDLUH OH ODF 9Ă…FĂ…UHVWL D ÂŤWÂŤ GÂŤFODUÂŤ par le ministre de l’environnement, Rovana Plumb, zone naturelle protĂŠgĂŠe.7 Samedi 7 dĂŠcembre 2013, 16h. Ce jour lĂ , je suis allĂŠe me promener avec deux amis (Ignacio, espagnol et Sophie) dans le parc Tineretului que nous ne connaissions pas. Comme nous ĂŠtions Ă FÂśWÂŤ GX ODF 9Ă…FĂ…UHVWL MH OHXU HQ DL SDUOÂŤ HW OHXU DL SURSRVÂŤ G‍ڕ‏DOOHU YRLU‍ ڢ‏1RXV DUULYRQV GRQF GHSXLV OH parc, sur le cĂ´tĂŠ ouest. Je propose de tracer tout droit en traversant le

7. Source internet : http://m.adevarul.ro/news/ bucuresti/lacul-vacarestiputea-declarat-arie-protejata-1 _50bdf10a7c42d5a663d089c7/index. html, consultĂŠ le 12.12.13 28


boulevard et la bande verte qui longe le lac pour ĂŠviter de repasser au mĂŞme endroit que les deux fois SUÂŤFÂŤGHQWHV 1RXV SDVVRQV VXU OH WURWWRLU G‍ڕ‏HQ IDFH Une clĂ´ture basse vient fermer cette bande verte. 1RXV SDVVRQV SDU GHVVXV 'HUULÂŞUH OH WHUUDLQ VHPEOH ĂŞtre complètement abandonnĂŠ, avec une vĂŠgĂŠtation VDXYDJH 1RXV DYDQŠRQV‍ ڢ‏3XLV ß‘QDOHPHQW QRXV apercevons tout près, des baraques. Plusieurs baraques, presque un campement. Plus nous avançons, plus nous avons l’impression que nous allons arriver chez quelqu’un : amĂŠnagement d’un chemin d’accès, ordures au sol, vĂŠgĂŠtation plus courte, etc... Je veux continuer mais mes deux DFFRPSDJQDWHXUV QH YHXOHQW SDV 1RXV IDLVRQV GRQF demi-tour‌ Et nous passons Ă nouveau au pied des WRXUV GH ORJHPHQWV -H OHXU PRQWUH OH ODF 1RXV QH restons que peu de temps sur place. Puis nous repartons pour prendre le mĂŠtro. Cette courte visite m’a permis de voir ce qu’il se passe cĂ´tĂŠ ouest du lac et de comprendre comment se fait la limite avec le parc Tineretului et le reste de la ville.

8. source : RIBOUT, Benjamin, article, “Le lac 9Ă…FĂ…UHVWL ¢ SHUWH G‍ڕ‏HDX‍ ڙ‏ Revue Regard n° 56, juil-oct 2012, http:// URXPDQLH YL]Dß’H FRP ß‘OHV documents/ee14c866a35984466d79d25f.pdf, p. 8, consultĂŠ le 07 fĂŠvrier 14

/‍ڕ‏KLVWRLUH GX ODF 9Ă…FĂ…UHVWL PÂŤULWH XQ SHX G‍ڕ‏DWWHQWLRQ parce que c’est ce qui lui confère aujourd’hui ce statut si particulier. Les bucarestois l’appellent le ÂŤlac d’accumulation 9Ă…FĂ…UHVWL} ,O ÂŤWDLW GHVWLQÂŤ ¢ GHYHQLU XQ ODF HQ SOHLQH agglomĂŠration dans le but de rĂŠguler le niveau des HDX[ HW QRWDPPHQW GX ß’HXYH 'DPERYLÄĽD &H SURMHW devait aussi comprendre une base sportive. La rĂŠvolution roumaine de 1989 a entraĂŽnĂŠ l’abandon du projet qui avait dĂŠbutĂŠ en 1986. L’un des gros chantiers de l’Êpoque communiste avait entraĂŽnĂŠ la GÂŤPROLWLRQ GX PRQDVWÂŞUH 9Ă…FĂ…UHVWL GH DQV XWLOLVÂŤ longtemps comme prison. Son emplacement ĂŠtait celui du mall Sun Plaza actuel.8 &H ODF DUWLß‘FLHO DXUDLW ÂŤWÂŤ UHPSOL TX‍ڕ‏XQH VHXOH IRLV puis se serait alimentĂŠ de sources souterraines. Ceci peut expliquer en partie que la nature ait repris ses 29


droits et que se soit formé un véritable écosystème. Depuis la déclaration en juin 2012 par le ministre de l’environnement comme zone naturelle protégée, il semble pourtant ne pas encore avoir été investi. C’est donc un espace en transition qui garde cependant un côté encore «laissé à l’abandon»… qui permet aux roms de s’y installer. Le travail d’observation et de relevé, croquis, photos, cartographie, réalisé sur le terrain nous a permis de décrire les limites du lac à l’échelle de la ville : elles sont topographiques, physiques ou symboliques (ensemble de barres d’immeubles, canal, colline de terre, pan de mur de béton incliné, végétation, clôtures, grand boulevard, etc…). Ceci nous montre ELHQ O‫ڕ‬HVSDFH GX ODF 9ÅFÅUHVWL FRPPH XQ HVSDFH assez hermétique au reste de la ville qui permet à ses habitants de s’y installer illégalement. 1RXV SRXYRQV DLQVL PHWWUH HQ SDUDOOªOH FHV observations avec le phénomène de bidonvilisation que nous connaissons en France. Les baraques FRQVWUXLWHV SDU OHV KDELWDQWV GX ODF 9ÅFÅUHVWL VH rapprochent très fortement, dans l’utilisation des matériaux de construction, de celles que nous connaissons dans les interstices urbains de nos agglomérations françaises. Comme nous l’avons vu dans le journal de bord, les roms utilisent des matériaux de récupération et construisent à partir de rien, c’est-à-dire sur un terrain vide, un abri fermé leur permettant de répondre aux besoins les plus fondamentaux de l’habiter. Les deux images ci-contre9 nous montrent des baraques du lac 9ÅFÅUHVWL Il existe cependant une grande différence entre les constructions des baraques de Bucarest et celles de nos villes françaises. C’est peut-être parce que O‫ڕ‬HVSDFH GX ODF 9ÅFÅUHVWL HVW WUªV YDVWH TXH FH phénomène se produit : les baraques sont très éloignées les unes des autres. 30

9. source IMG 1 : http:// iqool.ro/expeditie-pe-laculvacaresti/, consulté le 08.11.13 IMG 2 : http://adevarul.ro/ news/bucuresti/ vacaresti-balta-vacaresti-1 _ 52064953c7b855ff56c3da18/index.html, consulté le 08.11.13


Chaque baraque a un espace libre assez important autour d’elle. Ceci s’oppose complètement à ce qu’il se passe dans les marges urbaines en France, où les roms ont besoin de s’installer en groupe pour pouvoir occuper un terrain. Ils doivent partager des terrains très étroits (interstices urbains, bretelles d’autoroutes, etc…) pour pouvoir prétendre s’établir pendant un temps à un endroit.

IMG 1

IMG 2 31


/H TXDUWLHU )HUHQWDUL XQH VÂŤJUÂŤJDWLRQ IRUWH LQVWDOOÂŤH VRXV OH UÂŤJLPH GH &HDXVHVFX HW DXMRXUG‍ڕ‏KXL UHQIRUFÂŤH SDU GHV OLPLWHV SK\VLTXHV V\PEROLTXHV HW VRFLDOHV Mon travail de dĂŠcouverte du quartier Ferentari a pu se faire grâce Ă l’accompagnement d’un ĂŠtudiant roumain. Malheureusement, par manque de temps, je n’ai pu rĂŠalisĂŠ qu’une seule visite sur le site. Suite Ă cela ce sont mes lectures qui m’ont permis d’obtenir plus d’informations sur la composition typologique et sociale du quartier, la nature des logements et les modes d’habiter des communautĂŠs roms. Mon journal de bord prĂŠsente cette visite de manière assez descriptive, assez naĂŻve aussi, sans chercher Ă analyser dans un premier temps ce qui a ĂŠtĂŠ perçu. Il raconte la dĂŠcouverte d’un ghetto, comme espace fermĂŠ, ou autrement dit comme une vĂŠritable enclave dans la ville, avec des limites physiques très fortes. J’Êtais un peu prise pour une folle par certains ĂŠtudiants de l’Êcole d’architecture ou certains bucarestois avec qui j’avais tentĂŠ d’aborder le sujet. Finalement c’est un jeune roumain que j’ai rencontrĂŠ le samedi qui prĂŠcĂŠdait ma visite qui a acceptĂŠ de m’accompagner. J’ai discutĂŠ avec lui ce soir lĂ parce qu’il ĂŠtait très intriguĂŠ Ă l’idĂŠe que je vienne faire une partie de mes ĂŠtudes Ă Bucarest (alors que ÂŤc’est mieux en France, c’est ĂŠvident !Âť)... Il est aussi ĂŠtudiant Ă l’Êcole d’architecture. Je lui raconte ce que je viens faire lĂ puis il semble ĂŞtre intĂŠressĂŠ. On en vient Ă parler de Ferentari. Il accepte sans hĂŠsitation. Il me dit qu’il n’a jamais ĂŠtĂŠ lĂ -bas mais qu’il a envie G‍ڕ‏DOOHU YRLU HW SXLV LO D GHV DPLV URPV 1RXV ß‘[RQV XQH date, trois jours après‌ 32


Mercredi 11 décembre 2013,entre 10h et 15h. 1RXV QRXV UHWURXYRQV ¢ O‫ڕ‬HQWU«H GH O‫ڕ‬XQLYHUVLW« YHUV 10h du matin puis nous décidons de nous rendre sur SODFH HQ WUDQVSRUWV HQ FRPPXQ 1RXV FKHUFKRQV ¢ prendre le tram. Andrei demande à des gens qui attendent à l’arrêt si c’est bien ce tram là qui va a Ferentari. On nous dit qu’il n’y a plus de tram qui va là bas… Ils ne savent pas trop comment on y va… Peutêtre faut-il prendre un bus mais lequel ? et où se prend-il ? Personne n’a l’air de savoir… Je propose à Andrei de prendre le métro jusqu’à la station la plus proche de Ferentari puis de marcher ensuite. Il accepte, nous nous y rendons comme ça, depuis la station Eroii Revolutiei.

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1RXV VRUWRQV GX PÂŤWUR QRXV MHWRQV XQ GHUQLHU FRXS d’œil Ă la carte pour voir dans quelle direction nous devons aller. Puis nous nous promettons mutuellement de ne plus la sortir de la poche jusqu’à ce que nous terminions notre tour. Andrei me prĂŠvient aussi que les chiens sont connus dans le quartier pour ĂŞtre DJUHVVLIV 1RXV SDUORQV UHODWLYHPHQW GRXFHPHQW sans pour autant chuchoter. Les rues sont très calmes, elles ont l’air de se rĂŠveiller‌ Le soleil est lĂ mais il fait très froid‌ Ce que je vais dire a peut-ĂŞtre ses airs un peu naĂŻfs mais je sens qu’on est quand mĂŞme ÂŤblindĂŠÂť, dans le sens oĂš nous nous sommes prĂŠparĂŠs chacun de notre cĂ´tĂŠ pour ÂŤaffronterÂť le froid et la pauvretĂŠ. VĂŞtements sombres, grosses groles, un peu dĂŠgueu, blouson bien fermĂŠ jusqu’en haut et gants et bonnet sur la tĂŞte pour Andrei ! Evidemment, pas de sac Ă main ou d’appareil photo. 1RXV QRXV DWWHQGRQV ¢ WRXW 1RXV DWWHQGRQV WRXW 1RXV PDUFKRQV WUDQTXLOOHPHQW OD UHVSLUDWLRQ OHQWH 1RXV FRPPHQŠRQV ¢ UHQLß’HU VXU OH FKHPLQ 'X FRXS Andrei s’arrĂŞte dans une petite ĂŠchoppe pour acheter deux paquets de mouchoirs. C’est la seule de la rue j’ai l’impression‌ Elle semble avoir ĂŠtĂŠ ouverte dans la cour d’une maison. Le quartier n’est constituĂŠ d’ailleurs que de maisons individuelles qui semblent avoir ĂŠtĂŠ construites par les habitants eux-mĂŞmes‌ sur des parcelles de petite taille, plus ou moins identiques. Elles sont toujours clĂ´turĂŠes, avec un portail puis une petite cour ou un jardin Ă l’entrĂŠe. 1RXV QRXV HQIRQŠRQV WRXMRXUV SOXV ORLQ GDQV OH TXDUWLHU nous nous ĂŠloignons progressivement du grand boulevard SDU OHTXHO QRXV VRPPHV DUULYÂŤV 1RXV DOORQV RÂť ERQ nous semble. Quand nous arrivons Ă une intersection, nous choisissons la direction un peu en fonction de ce que nous voyons, de ce que nous sentons‌ en essayant bien sĂťr de ne jamais revenir sur nos pas. Plusieurs fois Andrei me demande ÂŤmais qu’est ce tu cherches en venant lĂ ?Âť Je ne sais pas trop quoi 34


rÊpondre au dÊbut‌ Je lui dis on m’a dit que c’Êtait le quartier des roms ici‌ Alors je veux voir comment c’est, comment ils vivent et puis j’ai lu dans un article trouvÊ sur internet que c’Êtait le quartier ghetto rom de Bucarest‌10

10. GUEST, Milena, 1$&8 $OH[DQGUD RS FLW p. 108 11. source : image extraite de Google Street View

Dans une rue, nous apercevons tout au bout une barrière noire immense qui bouche complètement la YXH HW OH SDVVDJH 1RXV DOORQV YRLU SDU FXULRVLWÂŤ 0RL je me dis ŠD \ HVW RQ DUULYH SHXW ÂŹWUH ¢ OD OLPLWH GX ghetto‌ J’imagine le ghetto comme quelque chose de très fermĂŠ, du coup, selon l’idĂŠe que j’en ai, il doit y avoir des barrières, un mur ou quelque chose qui cerne le lieu, qui en fait une enclave dans la ville. Donc je me dis que ce pourrait bien ĂŞtre derrière cet obstacle que dĂŠmarre le ghetto rom de Bucarest. Finalement, en collant le nez sur la barrière nous pouvons voir par un petit trou ce qu’il y a derrière‌ C’est un immense terrain vague. Il semble ĂŞtre en chantier, des hommes y travaillent au volant de leurs machines (tractopelle, pelleteuse, etc‌) 1RXV FRQWLQXRQV GRQF QRWUH SURPHQDGH GDQV OHV rues du quartier‌ nous longeons de temps Ă autre la palissade noire‌ puis nous nous en ĂŠloignons Ă nouveau quand nous repassons dans une rue parallèle. 3HX GH WHPSV DSUÂŞV QRXV YR\RQV GÂŤß‘OHU VRXV QRV yeux une voiture aux vitres noires et trois hommes qui marchent devant, en plein milieu de la route. L’un d’entre eux porte une croix, l’autre un bĂŠnitier. Le vĂŠhicule klaxonne comme pour annoncer son passage dans le quartier. Certains voisins sortent sur le pas de la porte ou sur le trottoir. Andrei m’explique que c’est une cĂŠrĂŠmonie funĂŠraire. ÂŤQuelqu’un est mort, c’est traditionnellement comme ça qu’on lui rend hommage.} 1RXV UHJDUGRQV OH FRUWÂŞJH SDVVHU ,O \ D WUÂŞV SHX GH PRQGH 1RXV FRQWLQXRQV /D UXH VH resserre au bout puis dĂŠbouche sur un espace plus large un peu confus (voir l’image ci-après11). 35


A cet endroit, la rue doit bifurquer subitement sur la droite parce qu’elle est coupée par un énorme tuyau de métal qui repose au sol (voir l’image ci-dessous12). Derrière, j’aperçois le sommet de blocs tout gris qui semblent être dans un terrible état d’insalubrité. Avec Andrei, nous nous regardons puis nous regardons un petit escalier de métal qui passe par dessus le tuyau. 1RXV QRXV HQ DSSURFKRQV

Là je me dis que nous sommes vraiment arrivés au ghetto. J’ai l’impression d’avoir attendu quelque chose pendant toute la promenade. Quelque chose qui n’arrivait pas. Le quartier était trop tranquille à mon goût. La succession de petites maisons individuelles ne me semblait pas pouvoir former un ghetto. Et puis 36

12. source : image extraite de Google Street View


je me demandais si tout le quartier ĂŠtait ghetto selon ce que j’avais entendu dire ou si ça devait se rĂŠsumer Ă quelques parties du quartier. Je commençais Ă avoir un ĂŠlĂŠment de rĂŠponse. Ce que j’avais traversĂŠ jusqu’à maintenant ne pouvait clairement pas ĂŞtre un ghetto. Par contre la vision de ce tuyau qui barrait complètement la route et qui enfermait un ensemble d’immeubles insalubres me laissait penser que c’Êtait lĂ le dĂŠbut d’une vĂŠritable enclave dans la ville, d’un espace littĂŠralement fermĂŠ. Je m’engage alors dans le petit escalier, je monte deux marches pour regarder ce qu’il y a derrière (la hauteur du tuyau ne me permettant pas d’apercevoir ce qu’il s’y cache depuis le niveau de la rue). J’ai une sensation bizarre quand je vois la quantitĂŠ d’ordures qui longe le tuyau de l’autre cĂ´tĂŠ, les rues en terre, des vieilles voitures stationnĂŠes, qui semblent ĂŞtre abandonnĂŠes. J’ai besoin de faire demi-tour. Andrei qui attendait sĂťrement mes premières rĂŠactions me regarde avec des grands yeux et me demande, avec un ton un peu affolĂŠ, ÂŤQuoi ? Qu’est ce qu’il y a ? Qu’est ce qu’il s’est passĂŠ ? Qu’est ce que tu as vu ?Âť Moi je lui dis ÂŤNon, non rien‌ C’est juste que‌ je sais pas si on peut y aller‌ Je sais pas si une fois qu’on sera passĂŠ de l’autre cĂ´tĂŠ, on pourra en ressortir‌ ou du moins en ressortir indemne.Âť Il passe alors devant moi, monte les trois premières marches de l’escalier, jette un coup d’œil de l’autre cĂ´tĂŠ, puis me dit, ÂŤbon, il n’y a personne, on y va ?Âť. -H OH VXLV 1RXV QRXV HQJDJHRQV HQWUH OHV EORFV JULV Les chemins sont de terre. Il n’y a pas beaucoup de monde, mais quand nous arrivons au cĹ“ur du ÂŤghettoÂť, c’est Ă dire dans une petite cour centrale autour de laquelle s’articulent les blocs, nous rencontrons des gens. Je suppose que ce sont des roms. Ils ont tous une couleur de peau mate. Les femmes ont des robes traditionnelles avec des tissus très colorĂŠs. Des KRPPHV VRQW O¢ DXVVL HQ WUDLQ GH EULFROHU 1RXV passons lentement sans nous arrĂŞter, cependant. 37


Carte du parcours effectué lors de la visite sur le terrain et mise en évidence de la zone «ghetto» traversée.

-H SURߑWH GH FHW LQVWDQW SRXU MHWHU XQ FRXS G‫ڕ‬ĕLO DX[ LPPHXEOHV -H WURXYH OHV ID©DGHV PDJQLߑTXHV certes, elles ont une couleur bleu ciel bien sale mais surtout, chaque balcon est différent de l’autre. Il n’y en a pas deux qui se ressemblent. Ils sont fermés. Je suppose que c’est «la pièce en plus» dans l’appartement. J’imagine que ceux-ci sont tellement petits par rapport au nombre de personnes qui y vit que chaque famille a réalisé sa propre extension. C’est pourquoi tous les balcons ont des dimensions et des profondeurs différentes. Certains sont fermés par du verre, d’autres par du bois et la structure semble être toujours métallique. Il y a des vêtements qui sèchent aux fenêtres. D’autres ont des plantes vertes suspendues. Il y a des rideaux aussi. Chaque balcon a une personnalité différente. Parfois ce ne sont pas des balcons mais simplement des extensions de 38


fenĂŞtres pour faire comme un espace de rangement ou peut-ĂŞtre pour permettre de mieux se protĂŠger du froid en hiver et de la chaleur en ĂŠtĂŠ, en crĂŠant une sorte de double vitrage ou de double peau.

Image montrant les balcons des immeubles du ghetto ÂŤIacob AndreiÂť13

Avec Andrei, nous traversons cette zone de blocs puis nous ressortons de l’autre côtÊ, dans une rue plus grande, à nouveau goudronnÊe. J’ai le sentiment alors d’avoir atteint mon premier objectif‌ Mettre un pied dans ce que je croyais être le ghetto rom de Ferentari. DÊcouvrir la m]RQH JKHWWR} GH )HUHQWDUL 1RXV DYRQV IURLG QRXV SUHQRQV OH FKHPLQ GX UHWRXU 1RXV PDUFKRQV HQ GLUHFWLRQ de la ligne de tram. Puis nous regagnons le centre de Bucarest.

13. source : image extraite de Google Street View

Suite Ă cette visite sur le terrain, nous avons pu, Ă l’Êchelle de la zone du ÂŤghetto Iacob AndreiÂť, dĂŠcrire de manière plus ou moins prĂŠcise les limites et les caractĂŠristiques des logements qui ont ĂŠtĂŠ vus. Ceci nous informe en partie sur les modes d’habiter de la population rom qui y vit. 1RXV YHUURQV HQ WURLVLÂŞPH SDUWLH XQH GÂŤß‘QLWLRQ SOXV gĂŠnĂŠrale du ÂŤghettoÂť - liĂŠe au constat de sĂŠgrĂŠgation spatiale Ă Bucarest - qui nous amènera Ă nous poser la question de savoir si l’on peut ou pas caractĂŠriser le quartier Ferentari comme tel. Puis nous dĂŠcouvrirons Ă travers son histoire que Ferentari est en fait composĂŠ de plusieurs zones, communĂŠment appelĂŠes ÂŤghettoÂť dont Iacob Andrei fait partie. 39


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/HV ORJLTXHV GH OD SROLWLTXH GH ORJHPHQW ÂŤWDWLVWH VRXV OH UÂŤJLPH GLFWDWRULDO GH &HDXVHVFX 5DSSHOV KLVWRULTXHV OHV JUDQGV SURMHWV G‍ڕ‏DPÂŤQDJHPHQW XUEDLQ SHQGDQW OD SÂŤULRGH &HDXVHVFX HQ Roumanie et Ă Bucarest Il semble essentiel de faire un retour en arrière sur l’histoire politique de la Roumanie pour comprendre pourquoi et comment les populations roms ont subi l’Êvolution des politiques nationales Ă leur ĂŠgard.

1$( 0LUHOD 0DULDQD ERDELI, George, “La ville de Bucarest, espace de (post)transition entre restructuration et ĂŠtalement urbainâ€?, MĂŠditerranĂŠe [En ligne], 110 | 2008, mis en ligne le 01 janvier 2010, consultĂŠ le 23 dĂŠcembre 2013. URL : http://mediterranee. revues.org/530, p. 56

A l’Êpoque communiste, l’amĂŠnagement urbain et la gouvernance des villes sont du ressort de l’Etat seul. Celui-ci se rend propriĂŠtaire des terres et maisons construites avant 1945 par dĂŠcret. Les grandes phases de transformation de la pĂŠriode socialiste (1948-1977, 1977-1989) vont marquer très fortement la morphologie urbaine actuelle de Bucarest. ÂŤLes tours de barres de 6-10 ĂŠtages s’imposent dans le nouveau paysage urbain [dans les annĂŠes 1950.] [‌] Les dĂŠcennies 1960-1970 offrent aux citoyens l’illusion d’une prospĂŠritĂŠ et d’un standard de vie ĂŠlevĂŠ.Âť14 Les logiques foncières (accroissement du prix de terrains donc construction de grands ensembles rĂŠsidentiels) vont ĂŠgalement provoquer ces transformations urbaines. Cette pĂŠriode est rĂŠgie par les grands plans de systĂŠmatisation. La pĂŠriode 1970-1977 est nommĂŠe ÂŤdeuxième systĂŠmatisationÂť. Elle est marquĂŠe par des constructions de mauvaise qualitĂŠ dues Ă la forte demande en logements et Ă la pression immobilière. (Qß‘Q OD SÂŤULRGH HVW FRQQXH SRXU OHV grandes mutilations opĂŠrĂŠes sur le centre-ville.

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La politique de systématisation du territoire menée par l’Etat communiste a donc eu pour conséquence la destruction massive de quartiers historiques en villes et de villages en milieu rural avec relogement forcé des habitants (tous y compris les populations roms) dans des blocs d’appartements collectifs. C’est la vision égalitariste des styles et des modes de vie qui a conduit à la promotion exclusive de l’habitat collectif. Ainsi les politiques égalitaristes poussées à l’extrême de l’Etat communiste ont dissimulé des drames (peur, faim, pénurie, etc…) qui ont touché et marqué (encore aujourd’hui) la population entière.

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/HV URPV ¢ O‍(ڕ‏VW SHQGDQW OD SÂŤULRGH FRPPXQLVWH XQH WHQWDWLYH G‍ڕ‏LQWÂŤJUDWLRQ IDXVVÂŤH "

Recensement gÊnÊral de la population roumaine : 1930, 1966, 1992. DonnÊes rÊactualisÊes selon les limites administratives actuelles par l’Institut national de statistiques de Roumanie (2002)18

'(/‹3,1( 6DPXHO op. cit., p. 22 16. Ibid., p. 23 17. Ibid. 18. Ibid.

Les Etats communistes de l’Est ont un objectif commun dès les annĂŠes 1950 : sĂŠdentariser les roms encore nomades, l’objectif ĂŠtant leur assimilation dans le système collectiviste. Cependant les mesures prises sont relativement discrètes car ces politiques de sĂŠdentarisation forcĂŠe ne forment pas un sujet majeur pour les Etats concernĂŠs. ÂŤLa Roumanie attendra 1977 pour lĂŠgifĂŠrer sur le thèmeÂť15 . Ainsi, les pouvoirs communistes mettent en place diffĂŠrentes mĂŠthodes d’intĂŠgration : Ă la classe ouvrière, Ă l’Êcole ou dans certains programmes de logement. ÂŤOr et bien que certaines familles tsiganes y trouvent leur compte, ces tentatives d’assimilation forcĂŠe se rĂŠvèlent globalement dĂŠsastreuses pour les Roms des pays de l’Est.Âť16 Samuel DelĂŠpine nous parle dans son ouvrage de la manière dont les roms n’occupent pas les mĂŞmes statuts que le reste de la population Ă l’Êpoque communiste. Ainsi ils sont rĂŠduits Ă ÂŤeffectuer des tâches subalternes, sont prĂŠsents Ă l’Êcole mais souvent discriminĂŠs.Âť17 Il ĂŠvoque ĂŠgalement la nĂŠgation de leur culture qui a affectĂŠ beaucoup d’entre eux. Cependant bien que celle-ci ait quand mĂŞme pu survivre Ă travers les annĂŠes, les phĂŠnomènes d’exclusion, ÂŤdĂŠjĂ sĂŠculairesÂť selon Samuel DelĂŠpine, se sont accentuĂŠs. A l’appui des donnĂŠes ci-contre concernant le recensement des roms dans la population roumaine en 1930, 1966 et 1992, Samuel DelĂŠpine dĂŠmontre que la rĂŠalitĂŠ ĂŠtait masquĂŠe par l’orientation des statistiques sous le rĂŠgime communiste. C’est ce qu’il 43


appelle une ÂŤprĂŠtendue intĂŠgration par l’invisibilitĂŠÂť : ÂŤDans sa volontĂŠ d’assimiler les Roms, le gouvernement communiste roumain avait donc commencĂŠ par sous-estimer leur nombre.Âť19 ÂŤAinsi la sĂŠdentarisation des Roms, que ce soit dans les villes ou dans les campagnes, est suivie par leur â€?intĂŠgrationâ€? au plus bas de l’Êchelle sociale. Sur le plan spatial les nouvelles dispositions des communistes accĂŠlèrent la dissĂŠmination des Roms sur les territoires nationaux et favorisent leur concentration locale.Âť20 Le groupe est donc restĂŠ très YLVLEOH WRXW HQ ÂŤWDQW FRQß‘QÂŤ GDQV OHV PDUJHV territoriales. Les lĂŠgislations Ă l’Êpoque communiste ont donc fonctionnĂŠ souvent selon ÂŤune politique de façadeÂť21 Dß‘Q G‍ڕ‏mentretenir un simulacre d’intĂŠgrationÂť22.

'(/‹3,1( 6DPXHO op. cit., p. 23 20. GUEST, Milena, 1$&8 $OH[DQGUD RS FLW p. 106 21. Ibid. 22. Ibid. 44


/‍ڕ‏DSUªV &HDXVHVFX SURFHVVXV GH UWURFHVVLRQ HW ORJLTXHV GH PDUFK

1$( 0LUHOD 0DULDQD ERDELI, George, op. cit., p. 57 24. Ibid. %(5(6&8 &Ă…WĂ…OLQ op. Cit., p. 35

La pĂŠriode post-1989 est marquĂŠe par un creusement des disparitĂŠs sociales, une accentuation de la pauvretĂŠ, et un manque de volontĂŠ politique. Ceci est G½ VHORQ 0LUHOD 0DULDQD 1DH HW *HRUJH (UGHOL ¢ GHV dysfonctionnements, ÂŤtergiversations lĂŠgislatives et Ă un processus tardif et lent de privatisation.Âť23 Dès 1990, le processus de rĂŠtrocession des biens se met en place. Les roumains voient gĂŠnĂŠralement ce changement comme ÂŤO‍ڕ‏DFFRPSOLVVHPHQW G‍ڕ‏XQ UÂŹYHÂť24. Ils peuvent racheter leur propre appartement Ă un prix dĂŠrisoire grâce Ă la dĂŠvalorisation du Leu. Seulement ce processus de rĂŠtrocession est très lent et très peu d’anciens propriĂŠtaires arrivent Ă obtenir gain de cause. De plus, ce processus de restitution et de privatisation des biens nationalisĂŠs ne fait qu’agrandir la marginalitĂŠ ĂŠconomique des roms qui ne possèdent pas de biens fonciers et immobiliers propres. On peut alors supposer que le laps de temps assez important pendant lequel les logements restent abandonnĂŠs permet aux familles roms de s’y installer. C’est ce qu’il se passe dans les centres historiques notamment, phĂŠnomène très bien dĂŠcrit et analysĂŠ par Catalin Berescu dans son ouvrage sur le logement et l’extrĂŞme pauvretĂŠ : ÂŤThe demolitions before the construction of Ceausescu’s civic centers also created conditions for such communities due to the abandoned houses. Most of the time they are inhabited semiillegally or illegally being characterized and governed by this initial formulaÂť25. Les consĂŠquences de tels ĂŠvĂŠnements socio-politiques 45


sont un ĂŠtalement urbain chaotique et l’Êmergence de nouveaux quartiers dans la capitale bucarestoise. Aujourd’hui, Bucarest semble toujours ĂŞtre en transition, bien que le rythme se soit accĂŠlĂŠrĂŠ notamment après l’an 2000 : ÂŤJusqu’à l’an 2000, les investissements immobiliers sont peu nombreux, VLWXDWLRQ GXH QRWDPPHQW ¢ OD PÂŤß‘DQFH GHV PLOLHX[ d’affaires face au cadre lĂŠgislatif qui rĂŠglemente les transactions. Après l’an 2000, les grandes entreprises VH GÂŤFLGHQW ¢ LQYHVWLU ¢ O‍ڕ‏LQWÂŤULHXU GH OD YLOOH Dß‘Q G‍ڕ‏H[SORLWHU DX PD[LPXP OH FRHIß‘FLHQW G‍ڕ‏RFFXSDWLRQ GX sol, au dĂŠtriment des espaces verts. De nouvelles tours modernes voient le jour‌26 ÂŤ/D G\QDPLTXH ß‘QDQFLÂŞUH LQFLWH OHV SURPRWHXUV HW OHV investisseurs Ă convoiter toutes les zones pavillonnaires et Ă acquĂŠrir tout près des voies sur berge ou Ă proximitĂŠ des lacs et ĂŠtangsÂť.27 C’est exactement ce qu’il se passe avec l’ensemble de tours de logements Asmita Gardens ou le nouveau FHQWUH FRPPHUFLDO 6XQ 3OD]D ¢ FÂśWÂŤ GX ODF 9Ă…FĂ…UHVWL

1$( 0LUHOD 0DULDQD ERDELI, George, op. cit., p. 57 27. Ibid. p. 59 46


3. La situation contemporaine : consĂŠquences d’une mobilitĂŠ exacerbĂŠe et d’une visibilitĂŠ accrue ? Le phĂŠnomène de migration de roms depuis les pays de l’Est vers l’ouest de l’Europe n’est pas nouveau. 'HSXLV OD ß‘Q GH OD 6HFRQGH *XHUUH PRQGLDOH XQ mouvement migratoire global (c’est-Ă -dire pas VSÂŤFLß‘TXHPHQW URPV PÂŹPH V‍ڕ‏LOV HQ IRQW SDUWLH G‍ڕ‏HVW ¢ O‍ڕ‏RXHVW VH GÂŤYHORSSH HW HVW DFFHQWXÂŤ DYHF OD ß‘Q GHV UÂŤJLPHV FRPPXQLVWHV 6DPXHO 'HOÂŤSLQH GÂŤß‘QLW cependant plusieurs caractĂŠristiques ÂŤromsÂť de ce mouvement migratoire : l’aspect familial de la PLJUDWLRQ TXL HQJHQGUH GHV GLIß‘FXOWÂŤV HOOHV DXVVL FRQVLGÂŤUÂŤHV FRPPH VSÂŤFLß‘TXHV DX[ URPV (scolarisation des enfants, question de logement ou de santĂŠ, etc...), le fait que bien souvent les familles migrantes soient originaires d’une mĂŞme ville, mais aussi la pauvretĂŠ, voire la misère et le peu de TXDOLß‘FDWLRQ GHV URPV PLJUDQWV &HV FDUDFWÂŤULVWLTXHV RQW DERXWL ¢ O‍ڕ‏LGHQWLß‘FDWLRQ G‍ڕ‏XQH mPLJUDWLRQ URP} facilitĂŠe par sa grande visibilitĂŠ dans l’espace urbain et par le fait qu’elle ait ĂŠtĂŠ fortement mĂŠdiatisĂŠ ces GHUQLÂŞUHV DQQÂŤHV (OOH D DLQVL ÂŤWÂŤ LGHQWLß‘ÂŤ ¢ WRUW selon Samuel DelĂŠpine, comme ÂŤromÂť : ÂŤDe cette LGHQWLß‘FDWLRQ VSÂŤFLß‘TXH D UÂŤVXOWÂŤ OD FUÂŤDWLRQ G‍ڕ‏XQ â€?problème public româ€?, entraĂŽnant dans son sillage l’Êmergence, le dĂŠveloppement, voire la mise en oeuvre de politiques de rejet un peu partout en Europe.Âť28

'(/‹3,1( 6DPXHO op. cit., p. 80

Les motifs de migration des roms peuvent ĂŞtre très divers selon Alain Reyniers : ÂŤfuir une discrimination ethnique qui a touchĂŠ le demandeur d’asile ou l’un de 47


ses proches ; faire des affaires avec l’intention de retourner au pays ; ĂŠchapper Ă une paupĂŠrisation totale sans dĂŠvelopper aucun projet de retour.Âť29 On peut alors distinguer un autre mouvement migratoire - celui essentiellement dirigĂŠ des pays de l’Est vers les pays de l’Ouest, occultant très largement le second ÂŤplus circulaire, explicitement ĂŠconomiqueÂť30. Certains roms aujourd’hui entreprennent en effet, ÂŤun troisième ou un quatrième voyage temporaire en Occident, investissant ici ce qu’il ont gagnĂŠ lĂ -basÂť31. Dès lors, nous pouvons supposer que les formes d’habitat actuelles Ă Bucarest sont en lien avec cette ÂŤnouvelle mobilitĂŠÂť. Peut-ĂŞtre que ces formes G‍ڕ‏KDELWDW GÂŤß‘QLHV HQ SUHPLÂŞUH SDUWLH UÂŤVXOWHQW partiellement de ce mouvement migratoire circulaire. D’abord ĂŠconomique, celui-ci deviendrait physique lorsque les roms rentrent au pays pour un temps dĂŠterminĂŠ ou de manière permanente. Ainsi les EDUDTXHV GX ODF 9Ă…FĂ…UHVWL TXL SUÂŤVHQWHQW GH JUDQGHV similitudes avec les baraques des campements roms de France seraient issues d’un phĂŠnomène de bidonvilisation renaissant suite au retour de familles roms d’Europe occidentale. Une des consĂŠquences les plus remarquables de cette ÂŤnouvelle mobilitĂŠÂť Ă Bucarest est la marginalisation spatiale des communautĂŠs roms. La carte ci-contre nous fait part de ce fait qui persiste dans le temps.

',0,1(6&8 'DQD (dir.), Visibles mais peu nombreux, Les circulations migratoires roumaines, Paris, Êd. de la Maison des Sciences de l’Homme, 2003, p. 57 30. Ibid. p. 59 31. Ibid. p. 51 48


'(/‹3,1( 6DPXHO op. cit., p. 53 33. Ibid.

ÂŤLa localisation pĂŠriphĂŠrique des â€?quartiers romsâ€? Ă Bucarest, s’explique par le coĂťt du foncier, mais surtout par une marginalisation spatiale dĂŠjĂ ancienne.Âť32 ÂŤIsolement gĂŠographique et isolement social vont de pair, jusqu’à ce que se dessinent de vĂŠritables ghettos. Lorsque ces espaces sont proches d’autres espaces urbanisĂŠs, il n’est pas rare que les Roms soient exclus par les autoritĂŠs municipales, ou que celles-ci construisent des murs de sĂŠparation pour isoler le â€?quartier româ€? du reste de la ville. [Dans de tels cas], l’Union EuropĂŠenne intervient parfois, mais ces actes de sĂŠgrĂŠgation peuvent ĂŠgalement prospĂŠrer dans une certaine indiffĂŠrence.Âť33 La carte de Bucarest ci-après nous montre les diffĂŠrentes ÂŤzones ghettosÂť du quartier Ferentari, qui se trouve au sud de la capitale. Ces zones ont des noms diffĂŠrents : Amurgului, Aleea Livezilor, Zabrauti 49


et Iacob Andrei. A travers cette carte, les auteurs font le constat d’une sĂŠgrĂŠgation urbaine très forte Ă Bucarest. Aujourd’hui, on peut voir surgir dans l’homogĂŠnĂŠitĂŠ du quartier Ferentari plusieurs unitĂŠs de blocs, qui tranchent avec la typologie des petites maisons individuelles. C’est cela qui, entre autre, caractĂŠrise ces vraies enclaves dans le quartier. Ces immeubles standardisĂŠs ont ÂŤTXDWUH ÂŤWDJHV VDQV DXFXQH Ę€QLWLRQ FKHPLQ GH WHUUH EDWWXH DPRQFHOOHPHQW GČşRUGXUHV Âť34 Et ce sont ces zones qui sont maintenant communĂŠment appelĂŠes ÂŤghettosÂť.

ÂŤThe Map of Bucharest Urban Segregation : Empirical EvidenceÂť35

A l’Êpoque, elles abritaient une population modeste mais qui Êchappait à l’extrême pauvretÊ. Ceux qui ont eu les moyens ont dÊmÊnagÊ pour Êviter la cohabitation avec une population appauvrie, dans des immeubles dÊpourvus de propriÊtaires qui sont 50

34. GUEST, Milena, 1$&8 $OH[DQGUD RS FLW p. 110 VRXUFH 0,21(/ 9LRUHO 1(*87 6LOYLX 7KH socio-spatial dimension of the Bucharest ghettos, Transylvanian Review of Administrative Sciences, 1r ( SS


36. GUEST, Milena, 1$&8 $OH[DQGUD RS FLW p. 110 37. Ibid. 38. Ibid. %(5(6&8 &Ă…WĂ…OLQ GDQV %27212*8 Florin (coord.), ibid., p. 39

soumis Ă une dĂŠgradation rapide. ÂŤLa sĂŠgrĂŠgation que la rĂŠpartition ĂŠtatique des logements Ă l’Êpoque communiste avait ĂŠtablie s’est trouvĂŠe renforcĂŠe.Âť36 D’autres critères dĂŠcrits par Milena Guest et Alexandra 1DFX GDQV OHXU DUWLFOH VXU OD TXHVWLRQ GH O‍ڕ‏LQWÂŤJUDWLRQ desroms en Bulgarie et en Roumanie, nous permettent de dĂŠmontrer le caractère fermĂŠ, enclos et hermĂŠtique de ces zones ÂŤghettoÂť du quartier Ferentari. Elles ĂŠvoquent d’une part les problèmes de connexion aux rĂŠseaux d’approvisionnement en eau et ĂŠlectricitĂŠ puis, d’autre part, ceux liĂŠs aux services de ÂŤqualitĂŠ visiblement infĂŠrieure Ă la moyenne de la ville de BucarestÂť37 ou quasi inexistants de transports en commun, de santĂŠ ou d’Êducation. A l’intĂŠrieur du quartier, les commerces se rĂŠduisent gĂŠnĂŠralement Ă de ÂŤpetites ĂŠchoppes ouvertes dans les cours des maisons ou au pied des immeublesÂť ou Ă des ÂŤĂŠtals de fortune [‌] installĂŠs par des habitantsÂť38 qui achètent au marchĂŠ et revendent au quartier. Il semble par ailleurs essentiel de noter que Ferentari est un quartier mixte : ÂŤThe area [‌] is known to be a Roma ghetto. Despite the stereotype, based on the idea that all the residents of Ferentari are Roma, the ethnic mix background of residents is quite diverse, with permanent residents being mainly poor workers and rural migrants.Âť39 Ainsi, sa composition ethnique n’est pas essentiellement rom, contrairement Ă ce qui est dit par les habitants de Bucarest, en gĂŠnĂŠral. Il est aussi intĂŠressant de se poser la question de savoir si l’on peut vraiment considĂŠrer que Ferentari est un ghetto, comme le nomment gĂŠnĂŠralement les bucarestois. /D TXHVWLRQ HVW LFL VHXOHPHQW HIß’HXUÂŤH -H PH SHUPHW d’Êvoquer ce point parce que j’ai traversĂŠ au cours de mon enquĂŞte de terrain, une petite partie de cette zone nommĂŠe ÂŤghetto Iacob AndreiÂť, mais je suis convaincue que le sujet mĂŠrite d’être traitĂŠ Ă part entière en dehors du cadre de ce travail. 6HORQ OD GÂŤß‘QLWLRQ KLVWRULTXH GH /RÂąF :DFTXDQW OH 51


ghetto est une ÂŤinstitution de fermeture et de contrĂ´les ethniquesÂť40. Il discerne quatre ĂŠlĂŠments constitutifs du ghetto : ÂŤOH VWLJPDWH OD FRQWUDLQWH OH FRQß‘QHPHQW spatial et l’emboĂŽtement institutionnelÂť41. Selon lui, ÂŤpour qu’Êmerge un ghetto, il faut, tout d’abord, que le FRQß‘QHPHQW VSDWLDO VRLW LPSRVÂŤ HW TX‍ڕ‏LO HQJOREH SHX ou prou tous les domaines de l’existence et, ensuite, que s’y superpose une palette distinctive d’institutions duplicatives qui permettent au groupe ainsi cloĂŽtrĂŠ de se perpĂŠtuer dans les limites du pĂŠrimètre qui lui est assignĂŠ.Âť42 Par ailleurs il fait rĂŠfĂŠrence dans son article Ă plusieurs autres auteurs qui se sont ĂŠgalement penchĂŠ sur la question et qui font allusion aux roms d’Europe de l’Est : ÂŤIl est un seul cas sur le vieux continent qui s’apparente aujourd’hui Ă une dynamique classique de ghettoĂŻsation selon les quatre dimensions VSÂŤFLß‘ÂŤHV LFL OHV 5RPV G‍(ڕ‏XURSH GH O‍(ڕ‏VW DSUÂŞV l’effondrement des sociĂŠtĂŠs sous hĂŠgĂŠmonie soviĂŠtique et la â€?transitionâ€? Ă l’Êconomie de marchĂŠ.Âť43 Dans l’Êtude menĂŠe par Florin Botonogu sur Ferentari, Florina Presada tente ĂŠgalement de rĂŠpondre Ă cette TXHVWLRQ HQ GRQQDQW ¢ OD IRLV XQH GÂŤß‘QLWLRQ GX JKHWWR et les caractĂŠristiques du quartier Ferentari : ÂŤThe community’s relations with the outside world are mainly characterized by segregation, and are accompanied by common suffering reported vis-a-vis their stigmatized social status. In the public perception, Ferentari is already designated as a ghetto and the community is more and more marginalized in relation to the external social environment.Âť44 La composition actuelle du quartier Ferentari rĂŠsulte de la construction dans les annĂŠes antĂŠrieures, pendant, après la seconde guerre mondiale et sous le rĂŠgime de Ceausescu. Ferentari est un quartier composĂŠ gĂŠnĂŠralement de petites villas individuelles, qui datent des annĂŠes 1940, disposĂŠe sur des lots de taille plus ou moins identiques. ÂŤL’Êpoque Ceausescu introduit des 52

:$&48$17 /RÂąF “Les deux visages du ghetto. Construire un concept sociologiqueâ€?, Actes de la recherche en sciences sociales 2005/5, 160, p. 4-21, http://www. cairn.info/revue-actes-dela-recherche-en-sciencessociales-2005-5.htm, consultĂŠ le 02 janvier 2014, p. 8 41. Ibid., p. 10 42. Ibid., p. 16 1LFRODH *KHRUJKH (1991), Ivan Szelenyi et Janos Ladanyi (2004), GDQV :$&48$17 /RÂąF op. cit., p. 16 44. PRESADA, Florina, GDQV %27212*8 Florin, op. cit., p. 83


changements, notamment la construction de dizaines GH ‍ڙ‏EORFV‍ ڙ‏GH WURLVLÂŞPH FDWÂŤJRULH SRXU IDLUH RIß‘FH GH foyers pour ouvriers ou de studios pour familles modestes (et qui constituent aujourd’hui la â€?zone ghettoâ€?)Âť45. Ce quartier est restĂŠ quasiment dans le mĂŞme ĂŠtat aujourd’hui. En effet, les autoritĂŠs du rĂŠgime de Ceausescu ont privilĂŠgiĂŠ le centre pour la rĂŠalisation des grands projets urbains ÂŤqui comprenaient la refonte du tissu urbain et la dĂŠmolition des maisons individuelles, remplacĂŠes par des blocsÂť46. Il me semble que c’est une erreur de nommer le TXDUWLHU )HUHQWDUL mJKHWWR} 1RXV DYRQV GÂŤFRXYHUW ¢ l’Êchelle du quartier et Ă travers son histoire, qu’il est en fait composĂŠ de plusieurs zones appelĂŠes ÂŤghettosÂť. Par ailleurs les bucarestois considèrent aussi de manière abusive que Ferentari est le ÂŤquartier romÂť de la capitale roumaine. Comme le dit /RÂąF :DFTXDQW RQ QH SHXW SDV DVVLPLOHU mJKHWWR} HW ÂŤethnicitĂŠÂť de manière aussi systĂŠmatique. Si l’on peut se permettre d’appeler ces poches de pauvretĂŠ de Ferentari des ÂŤghettosÂť, alors ce sont avant tout des ÂŤghettos de pauvretĂŠÂť et non des ÂŤghettos ethniquesÂť. Ceci rejoint ĂŠgalement le propos de 6DPXHO 'HOÂŤSLQH FRQFHUQDQW O‍ڕ‏LGHQWLß‘FDWLRQ DEXVLYH d’une ÂŤmigration romÂť.

45. GUEST, Milena, 1$&8 $OH[DQGUD RS FLW p. 110 46. Ibid. ',0,1(6&8 'DQD (dir.), op. cit., p. 54

En Roumanie, une des consĂŠquences de cette nouvelle mobilitĂŠ et de sa visibilitĂŠ renforcĂŠe par une mĂŠdiatisation exagĂŠrĂŠe, est le reproche qu’on fait aux roms de ÂŤGRQQHU XQH LPDJH GÂŤSORUDEOH GX SD\V sale, archaĂŻque, livrĂŠ Ă l’affairisme et Ă l’anarchieÂť47. /D VWLJPDWLVDWLRQ GHV URPV HVW DPSOLß‘ÂŤH SDU FHWWH visibilitĂŠ organisĂŠe par les mĂŠdias, qui rĂŠsulte de la construction de la fameuse ÂŤquestion romÂť par les politiciens de l’Europe entière. De cette stigmatisation dĂŠcoule une xĂŠnophobie toujours grandissante qui a pour consĂŠquence la marginalisation persistante (car 53


elle n’est pas nouvelle) des communautés roms dans les villes d’Europe de l’Ouest mais aussi à Bucarest, dans leur pays d’origine.

54


Conclusion

',0,1(6&8 'DQD (dir.), op. cit., p. 62 %(5(6&8 &Ă…WĂ…OLQ op. cit., p. 23

ÂŤEntre la nĂŠcessitĂŠ de maintenir une vie communautaire, FKDUSHQWH GH OHXU ÂŤGLß‘FH VRFLDO HW FHOOH G‍ڕ‏FKDSSHU WDQW bien que mal aux politiques de rejet, les Roms ont dĂŠveloppĂŠ suivant les circonstances, et en ordre dispersĂŠ, des stratĂŠgies diverses de visibilitĂŠ ou d’invisibilitĂŠ.Âť48 Les raisons qui poussent les communautĂŠs roms Ă se dĂŠplacer sont multiples. D’abord parce qu’ils sont historiquement nomades puis pour fuir une discrimination sĂŠculaire (ÂŤWe would like to mention their slavery, holocaust, deportation, ousting, demolition, moving out of traditional settlements.Âť49), leur mouvement migratoire a toujours ĂŠtĂŠ des pays de l’Est vers les pays de l’Ouest de l’Europe. Au cours des deux dernières dĂŠcennies, un nouveau mouvement migratoire, circulaire et ĂŠconomique, a cependant fait son apparition. A Bucarest, il existe deux formes d’habitat principales propres aux communautĂŠs roms : les baraques telles TXH FHOOHV GX ODF 9Ă…FĂ…UHVWL HW OHV DQFLHQV EORFV d’appartements communistes qui forment des poches de pauvretĂŠ appelĂŠes ÂŤzones ghettoÂť tel que dans le quartier Ferentari. Chacune de ces formes semble rĂŠsultĂŠe de migrations spatio-temporelles diffĂŠrentes. Les baraques apparaissent sans doute après les dĂŠplacements des communautĂŠs roms en Europe occidentale. Les blocs d’appartements des ÂŤzones ghettosÂť quant Ă eux, ont WUDYHUVÂŤ O‍ڕ‏KLVWRLUH SROLWLTXH GX SD\V 1ÂŤV VRXV OH UÂŤJLPH communiste, ils ont subi un processus de ghettoĂŻsation au cours des vingt dernières annĂŠes seulement. Ainsi, concernant les communautĂŠs roms de Bucarest, 55


nous pouvons ĂŠtablir un lien entre les formes d’habitat, les politiques publiques et les phĂŠnomènes migratoires. Aujourd’hui en Europe, ÂŤles politiques nationales rĂŠvèlent gĂŠnĂŠralement un rejet des Tsiganes qui ne dit pas son nom, quand certains mouvements extrĂŠmistes se rĂŠvèlent, eux, ouvertement anti-Tsiganes. Quoiqu’il en soit, aucune autre population, aucun autre groupe ethnique ne fait l’objet d’une politique particulière en (XURSH /HV ‍ڙ‏5RPV‍ ڙ‏VRQW OHV VHXOV ¢ ÂŹWUH FRQVLGÂŤUÂŤV comme une minoritĂŠ ethnique transnationale Ă part entière.Âť50 Ainsi, puisque les roms sont ÂŤvisibles mais peu nombreuxÂť comme le dit Dana Diminescu en ĂŠvoquant les migrants roumains, n’est-il pas possible GH UHYRLU OHV UÂŤß’H[LRQV VXU OHXU mLQFOXVLRQ} DX PRGH de fonctionnement des sociĂŠtĂŠs majoritaires ? Et cela ne doit-il pas passer tout d’abord par une vĂŠritable intĂŠgration spatiale des roms ? Le regard que j’ai portĂŠ sur les roms au cours de mon bref sĂŠjour Ă Bucarest ne prĂŠtend pas apporter des solutions ou des recommandations Ă la ÂŤquestion romÂť. C’est un constat, sans doute un peu rapide, fait sur leur situation dans un contexte urbain de leur pays d’origine.

'(/‹3,1( 6DPXHO op. cit., p. 7 56


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