Guide API 2014-2015

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Liberté • Égalité • Fraternité

ÉLUS LOCAUX CONTRE LE SIDA

Quand la

discrimination se dédouble...

Dépasser les clivages pour des grandes causes, c'est possible !

ction

Le guide

2014-2015

nformation révention

Pour mieux comprendre les enjeux de la lutte contre le sida, les hépatites et les discriminations

Actes des XVIIIe États Généraux des Élus Locaux Contre le Sida


DIX-HUITIÈMES ÉTATS GÉNÉRAUX DES ÉLUS LOCAUX CONTRE LE SIDA

ÉLUS LOCAUX CONTRE LE SIDA

Actes des XVIIIe États Généraux des Élus Locaux Contre le Sida Mercredi 27 novembre 2013, Assemblée nationale

Quand la discrimination se dédouble...

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DIX-HUITIÈMES ÉTATS GÉNÉRAUX DES ÉLUS LOCAUX CONTRE LE SIDA

sommaire Actes des 18e États Généraux Intervention vidéo de M. François Hollande, Président de la République française .................................................................................................... 5 Intervention de M. Claude Bartolone, Président de l'Assemblée nationale ........................................................................................................... 7 Intervention de Mme Anne Hidalgo, Première adjointe au Maire de Paris ....................................................................................................... 9 Intervention de Mme Dominique Bertinotti, Ministre déléguée chargée de la Famille ....................................................................................... 11 Intervention du Pr Jean-Louis Touraine, Député du Rhône, président du groupe d'études sur le sida .................................. 12 Échanges thématiques animés par M. Dominique Thiéry, journaliste et documentariste • Femmes : maux et mots pour le dire ............................................................................................. 16 avec Mme Valérie Pécresse, Députée des Yvelines, Conseillère régionale, ancienne ministre • Les homosexuels : Rompre la transmission de la maladie, promouvoir la transmission de la lutte ........................................................................................ 21 avec Mme Marielle Rengot, Conseillère municipale déléguée à la santé de Lille • La pénalisation des clients ......................................................................................................................... 24 avec Mme Cécile Lhuillier, Act Up-Paris • Migrants, séropositivité et valeurs républicaines .......................................................... 27 avec M. Thierry Brigaud, Président de Médecins du Monde • La réduction des risques, un combat quotidien ............................................................... 33 avec Mme Elisabeth Avril, Médecin généraliste et directrice de Gaïa Paris • Présentation d'une enquête sur les jeunes et le VIH/sida .................................... 36 avec M. Daniel Philippot, Directeur des études politiques à l'Ifop Intervention de M. Jean-Luc Romero-Michel, Président d'ELCS ......................................................................................................................................................... 43 Clôture des XVIIIe États généraux d'ELCS, par Mme Anne Dorte Riggelsen, Ambassadeur du Danemark à Paris 2


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sommaire Guide API (Action Information Prévention) 2014-2015

::: Le VIH/sida et les hépatites virales en France

Chiffres clés du VIH/sida en France ................................................................................................. 47 Chiffres clés des hépatites virales en France .......................................................................... 47 Chiffres clés sur les drogues en France ......................................................................................... 48 Focus sur : • Le VIH/sida et les jeunes : un maillage d'information à resserer ............................................................................................. 49 • La gratuité du préservatif en débat ................................................................................................. 50 • Le dépistage du VIH : LA priorité .................................................................................................. 51 • La vie des personnes séropositives : précarité et isolement ............................... 53 • Les discriminations en France : une réalité à combattre ............................................ 53 • La réduction des risques en directions des usagers de drogues : une nécessaire innovation ................................................................................................................ 54

::: Le VIH/sida à l’international

Les chiffres clés du VIH/sida dans le monde ......................................................................... 58 Focus sur : • La liberté de circulation et d’établissement des PVVIH ...................................... 59

::: L e sida se soigne aussi par la politique :

Le principe fondateur d’ELCS .................................................................................................................. 61

::: La Gouvernance de l'association

Bureau ...................................................................................................................................................................................... 63 ::: Comment soutenir ELCS ? Manifeste .............................................................................................................................................................................. 65 Cotisation personnelle / adhésion / subvention - don ................................................... 67 Label « Ville engagée contre le sida » ............................................................................................... 69 Merci à nos partenaires ...................................................................................................................................... 71

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M. Jean-Luc Romero-Michel Président d’ELCS Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les élus, Madame l’Ambassadrice, Je souhaite remercier le Président de l’Assemblée nationale de nous recevoir ici. Il était de tradition depuis dix-huit ans qu’il y ait une alternance entre l’Assemblée nationale, le Sénat, la Mairie de Paris et le Conseil régional d’Île-de-France. Ces cinq dernières années, malheureusement il n’y a pas eu d’alternance puisque nous n’étions plus reçus à l’Assemblée nationale. Le sida n’intéresse plus grand monde alors qu’il n’y a jamais eu autant de gens qui ont vécu avec le sida. Il est important que les élus s’engagent. Nous sommes donc extrêmement touchés d’être dans cette maison aujourd’hui. Je veux remercier tout particulièrement Dominique Bertinotti d’être passée par amitié aujourd’hui. Je veux lui dire mon admiration pour le courage qu’elle a eu pendant le débat sur le mariage pour tous, face aux insultes qu’avec Christiane Taubira, elle a pu subir. Ce qu’elle a fait il y a quelques jours [révéler avoir un cancer, ndlr] est important, pour elle, mais surtout pour les autres. Donner un visage à la maladie est souvent essentiel. Elle a montré qu’on peut vivre avec une maladie, avec le sida, avec le cancer ; on peut travailler, même si ce n’est pas toujours facile. Il y a aujourd’hui beaucoup d’hommes et de femmes qui sont reconnaissants à Dominique Bertinotti pour ce qu’elle a fait. M. François Hollande Président de la République française Intervention vidéo Monsieur le Président, Cher Jean-Luc Romero, Mesdames, Messieurs, La lutte contre le sida engage tout notre pays. Les grandes associations, qui sont mobilisées, les élus locaux, que vous êtes, qui sont impliqués, et, à l’évidence, l’État. Quatre priorités nous animent. D’abord, la prévention. Plus de trente ans après le début de l’épidémie, nous restons encore avec un défaut de connaissance sur les risques de la transmission 5


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de la maladie. C’est inacceptable. Prévenir, c’est donc informer, mais c’est aussi dépister, et le plus tôt possible. Ce sera l’action de l’État dans les prochains mois. Ensuite, la deuxième priorité, c’est la recherche. Je me rendrai mardi prochain à l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales. Elle célèbre son vingt-cinquième anniversaire. Je réaffirmerai le soutien déterminé de la France à la recherche fondamentale et thérapeutique, à la recherche vaccinale, avec un seul but : l’éradication définitive du sida. En attendant, et c’est la troisième priorité, nous devons permettre l’accès de tous aux soins. Le sida est devenu, et c’est une grande réussite si l’on songe à ce qu’était la situation il y a quelques années, une pathologie chronique – faut-il encore que les malades soient pris en charge. Il est donc possible de vivre avec le sida. Mais dans le même temps que nous réalisons ces progrès, plus de 40 % des femmes enceintes séropositives en Afrique n’ont pas, elles, accès au traitement préventif de la transmission à l’enfant. Nous devons donc combattre toutes les injustices : injustices en France, injustices dans le monde. Et c’est pourquoi j’ai voulu que la France puisse maintenir sa dotation au Fonds mondial de lutte contre le sida pour les trois prochaines années. Cet effort, dans le contexte budgétaire que chacun connaît, représentera plus d’un milliard d’euros. C’est aussi notre intérêt d’avoir un monde où le sida puisse être combattu, et la France doit montrer l’exemple, c’est ce qu’elle a fait. Enfin, la dernière priorité, et c’est aussi ce que vous faites comme élus locaux, c’est la lutte contre les discriminations, celles qui frappent les personnes malades. Et en France, nous sommes un grand pays, nous sommes fiers de nos valeurs, et pourtant, les préjugés sont encore trop nombreux. Et c’est donc le rôle de chacun, d’abord à l’école, mais partout dans la société, de combattre justement tous ces jugements sur les personnes atteintes du sida. Et dans le monde, et j’en ai hélas la traduction dans trop de voyages que j’effectue, il y a des pays qui interdisent aux séropositifs et aux malades d’entrer sur leur territoire. Je vous l’annonce, la France s’élèvera toujours contre ces pratiques et fera en sorte que ces pays-là soient mis devant leurs responsabilités. Mesdames, Messieurs, cher Jean-Luc Romero, je vous souhaite, à travers cette réunion d’aujourd’hui, un bon travail. Un bon travail pour la société française qui doit vaincre pas simplement les maladies, mais aussi les préjugés. Je vous souhaite un bon travail pour une mobilisation que vous faites partout dans le monde, car la lutte contre le sida est un combat qui ne cessera qu’avec la fin de la maladie. Il appelle donc le rassemblement le plus large. Celui que vous démontrez aujourd’hui est de bon augure, et je vous en remercie. 6


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M. Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale Madame la Ministre, chère Dominique, Madame la Première adjointe de la Ville de Paris, chère Anne, Madame l’Ambassadeur, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le Président, cher Jean-Luc Romero, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les médecins, Mesdames et Messieurs les responsables associatifs, Mesdames et Messieurs, Je suis particulièrement heureux de vous accueillir à l’occasion de ces XVIIIe États généraux des Élus locaux contre le sida. Je le suis d’autant plus que l’Assemblée nationale n’avait pas eu l’occasion de vous recevoir depuis de longues années. Je salue les élus locaux, engagés pour plus de prévention, plus d’information, pour un meilleur accès au dépistage et aux soins. Je salue le personnel médical qui chaque jour accompagne les malades et fait progresser la recherche contre la maladie. Je salue également les responsables associatifs qui mobilisent les Français, les professionnels et les pouvoirs publics dans la lutte contre le VIH. Je salue enfin Jean-Luc Romero, président des Élus locaux contre le sida qui mobilise depuis des années les responsables politiques que nous sommes, quelles que soient nos sensibilités. Depuis plus de trente ans, vous menez une lutte sans merci contre le sida. Depuis plus de trente ans, toutes les victoires remportées sur le sida l’ont été grâce à votre militantisme et à votre engagement sans faille. Les médecins, les malades, leurs familles et leurs amis, la société civile et les élus, ont, chacun dans leur domaine, permis que la lutte contre le VIH et pour les droits des personnes vivant avec le VIH progressent. Soyez-en tous remerciés. Les résultats sont là : les progrès médicaux permettent de mieux vivre avec la maladie. Des avancées considérables ont été obtenues. Le sida est devenu, pour ceux qui ont accès aux soins, ce qui malheureusement n’est pas le cas de tous, une maladie que l’on appelle chronique. Certains sont concernés depuis plus de 20 ans et vivent aujourd’hui normalement. C’est une avancée, et on doit s’en réjouir. Mais, pourtant, ne nous trompons pas. Le combat doit se poursuivre. En France, la pandémie continue à progresser. Chaque année, 8 000 contaminations surviennent dans notre pays. Les chercheurs continuent leurs travaux et c’est tant mieux, mais bien entendu on ne gagnera pas la bataille contre le sida avec une approche uni7


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quement médicale. Car j’ai l’intime conviction que, plus que toute autre maladie, le sida appelle une réponse politique. Et je suis particulièrement heureux, en tant que Président de l’Assemblée nationale, maison de tous les citoyens, de vous accueillir pour cette journée que vous placez sous le signe de la lutte contre la discrimination. Le combat contre le VIH et le combat contre les discriminations sont en effet intimement liés. Ils ne cessent de se croiser. Les femmes, les homosexuels, les étrangers, les toxicomanes sont particulièrement touchés par les discriminations. Et la maladie se propage plus vite là où il y a discrimination et stigmatisation. Le sida trouve dans l’ignorance le terrain favorable à son développement. Vous le savez, je suis élu d’un département, la Seine-Saint-Denis, véritable département-monde, où se rencontrent de nombreuses identités et cultures. Ce brassage culturel est bien sûr une richesse, mais c’est également un facteur de vulnérabilité face à des épidémies mondialisées comme le VIH et les hépatites. Car, malheureusement, le VIH frappe prioritairement les populations les plus vulnérables, et notamment les personnes migrantes originaires d’Afrique subsaharienne. La lutte contre le sida est indissociable de la défense des droits des minorités, très représentées en banlieue. À cet égard, je me réjouis que la France ait pleinement rétabli l’Aide médicale d’État. Nous célébrions lundi la Journée mondiale pour les Droits des femmes. La lutte contre le sida, c’est aussi le combat pour les droits des femmes. Car, vous le savez, les femmes et les hommes ne sont pas égaux devant la maladie. Notamment parce qu’il est difficile de parler de prévention contre le sida sans évoquer le consentement et l’égalité dans le couple. La pandémie VIH s’est largement féminisée depuis 10 ans. Les chiffres sont cruels : aujourd’hui 51 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde sont des femmes. La lutte contre le sida, c’est aussi la lutte contre l’homophobie. D’ailleurs, la reconnaissance des couples de même sexe, avec le mariage pour tous, chère Dominique, doit beaucoup au mouvement de la lutte contre le sida. Le combat contre cette maladie s’est en effet accompagné d’un mouvement pour la liberté sexuelle et pour l’égalité des droits. Pour toutes ces raisons, la réponse que les pouvoirs publics et la société apportent à la pandémie doit conjuguer lutte contre les violences et les discriminations avec prévention, accès aux soins, et recherche. Il faut agir à l’école, dans l’entreprise, dans l’espace public, dans les services publics contre le sexisme et contre l’homophobie. Car, c’est paradoxal, mais l’arrivée des traitements a pu conduire à oublier le combat pour l’acceptation des malades dans notre société. Moins visibles, ceuxci devraient-ils aussi se taire ? Pour ma part, je ne l’accepte pas. Les personnes 8


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séropositives sont-elles encore considérées comme des sous-citoyens, des charges pour la société ? Je laisserai les différents intervenants nous dire ce qu’ils en pensent, mais une chose est sure : l’accès aux soins et les progrès de la recherche doivent s’accompagner d’une intégration complète des personnes séropositives dans toutes les sphères de la société. Le chemin est encore long. Laissez-moi vous donner un seul exemple : le taux de chômage des personnes séropositives est encore deux fois plus élevé que celui de la population générale. Ce n’est pas acceptable. Car, au-delà de la souffrance que cela représente pour la personne porteuse du virus et sans emploi pour cette seule raison, ces discriminations sont un frein considérable à la lutte contre la pandémie. Car comment peut-on dire à une personne : « Dépistez-vous ! » alors qu’elle sait que son statut de séropositif va être source de discriminations et de précarité ? C’est très difficile. Notre responsabilité collective, élus, associations, personnel médical, c’est de faire en sorte que les personnes séropositives puissent dire leur maladie sans risque de discriminations. C’est, je crois, la condition sine qua non de la réussite de la politique de prévention et de dépistage. Je vous souhaite un très bon après-midi de travail et de débat et que la lutte contre la maladie et pour l’égalité des droits continue et réussisse à montrer que cette maladie est encore hélas très présente. Quels que soient les progrès réalisés, rien ne doit permettre de la banaliser. Que l’on puisse, au travers cette idée de maladie chronique, la sortir de nos préoccupations serait une faute. Collectivement, nous devons l’éviter. Merci de votre attention. Mme Anne Hidalgo Première adjointe au Maire de Paris Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, cher Claude Bartolone, Madame la Ministre, chère Dominique Bertinotti, Monsieur le Président d’ELCS, cher Jean-Luc Romero, Je suis très heureuse d’être ici. C’est une présence fidèle, amicale, engagée, à tes côtés depuis maintenant très longtemps. C’est la présence de Paris, de l’ensemble des élus, que je salue – je vois beaucoup d’élus parisiens – mais je voudrais bien sûr aussi saluer tous les représentants de la Nation, tous les 9


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parlementaires qui sont ici ainsi que les présidents d’associations ainsi que toutes les personnes qui accompagnent ELCS dans cette lutte. Jean-Luc est un animateur infatigable de beaucoup de causes. Mais cette cause est la cause principale, la cause première, celle de tous les autres engagements qui sont les tiens. Lorsque tu as décidé, un jour, il y a longtemps, d’engager autour de toi des femmes et des hommes élus, quelle que soit leur appartenance politique – et ici nous sommes de toutes les formations politiques républicaines – lorsque tu as décidé de faire cela, c’était à la fois pour pousser un cri d’alerte, mais aussi pour mobiliser le monde politique sur la lutte contre cette maladie, parce qu’il y avait ce besoin au moment où tu l’as fait. Et en fait ce besoin est toujours là, c’est pour ça que nous sommes toujours là à tes côtés. Oui, il était nécessaire de mobiliser l’ensemble de la représentation politique, des élus locaux à la représentation nationale, aux côtés des associations, parce que le monde associatif, et notamment dans la lutte contre le sida, dans la prévention, dans l’accompagnement des malades, dans la lutte contre les discriminations que génère cette maladie, était à l’avant-garde. Je voudrais rendre hommage à toutes les associations qui sont ici présentes : celles qui ont commencé à travailler avec les chercheurs pour que la recherche fasse de la lutte contre le sida un enjeu premier, mais aussi les associations qui sont venues apporter leur soutien aux malades, parce que cette maladie n’est pas tout à fait comme les autres par les discriminations qu’elle génère. Beaucoup d’associations sont nées, aussi, avec le sida, pour accompagner les malades, le vieillissement des malades. Je voudrais rendre hommage à cette créativité associative, à ELCS, aux Petits bonheurs, association pour laquelle j’ai une affection particulière. Il était nécessaire qu’élus et associations travaillent ensemble pour lutter contre cette maladie. À Paris, depuis 2001, avec Bertrand Delanoë, nous en avons fait un enjeu et une priorité. Cette priorité s’est traduite par un soutien aux associations, un soutien financier, parce qu’il y a besoin de moyens pour pouvoir fonctionner, pour pouvoir être aux côtés des malades. Un soutien aussi à la recherche, avec la mobilisation, autour de nous, de celles et ceux qui sont engagées pour rechercher tout ce qu’il y a à savoir sur ce virus, tout ce qui peut permettre de le combattre ; la prévention : nous nous sommes engagés là aussi, sous l’impulsion des associations, très tôt, pour aider à la mise en place des lieux de prévention, et pour qu’on puisse se dépister – et il y a aujourd’hui une campagne pour se faire dépister « de cinq à sept » (sourires). L’engagement de la Ville sur ces lieux de dépistage aux côtés du monde médical, hospitalier et associatif, est quelque chose de très important. Nous engager en tant que Ville de Paris aussi pour faire reculer les discrimina10


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tions : accompagner tes combats, nos combats, pour pouvoir voyager sans qu’il y ait des interdictions de séjour du fait de la maladie. Une ville comme Paris, c’est aussi son action internationale. La nôtre a été majeure. Il y a, en Afrique subsaharienne et ailleurs, encore une mortalité, et encore beaucoup d’enfants qui naissent porteurs du virus du sida. Or, on sait aujourd’hui que l’on peut enrayer cela. On peut permettre que plus aucun enfant ne naisse porteur du virus du sida, quelles que soient les conditions dans lesquelles sont ses parents, et en particulier la mère. Sur cette question de la solidarité internationale, nous nous sommes beaucoup mobilisés. La Ville de Paris a consacré des moyens importants, par exemple pour aider à créer des centres de prévention dans de nombreux pays, notamment au Bénin. Le rôle de la Ville de Paris à cette échelle internationale est crucial, parce que le maire est Président de l’Association internationale des maires francophones (AIMF). La semaine dernière, nous étions réunis à l’Hôtel de Ville de Paris avec le Congrès de l’AIMF et nous avions souhaité, pour cette Conférence de Paris, inviter le responsable de Onusida, qui nous a fait l’honneur d’être présent. Parce que nous considérons que l’action internationale de la Ville de Paris est indissociable de sa lutte contre le sida. Nous avons eu, à cette occasion, la possibilité de travailler avec tous les maires présents, et notamment ceux d’Afrique, pour continuer cette lutte contre le sida. Ce que nous a dit le représentant de Onusida, c’est que demain, effectivement, l’enjeu, c’est qu’aucun enfant ne naisse sur la planète atteint du virus du sida, même si sa mère en était porteuse. Et aujourd’hui, c’est possible. Cela nécessite cette mobilisation internationale, et les moyens que la France a décidé de continuer à consacrer, et cela nécessite aussi la mobilisation des maires et des élus locaux. Je voudrais vous dire que ce moment est toujours un moment très fort, où nous sommes nombreux, fidèles, et que Paris continuera à marquer sa fidélité à cette cause en étant présente dans ce combat contre le sida. Faire reculer la maladie et les discriminations, c’est un très beau combat pour l’humanité. Mme Dominique Bertinotti Ministre déléguée chargée de la Famille Je serai très brève. Je voudrais rappeler combien l’action conduite par ELCS a été déterminante, parce que la période où tout simplement dire que l’on avait le sida avait généré dans la société française des peurs, des fantasmes, des rejets terribles, et qui faisaient penser à l’historienne que je suis à des situations très lointaines 11


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de notre histoire où l’on isolait ceux qui étaient atteints de la peste ou de maladies aussi graves. Avec stupéfaction, on avait vu ressurgir ces mouvements d’exclusion terrible, où l’on pensait que simplement serrer la main de quelqu’un qui était atteint du sida suffisait à contaminer. Je veux faire part de mon expérience de maire du IVe arrondissement de la capitale. Nous avions décidé, il y a quatre ou cinq ans, de pouvoir installer un Centre de dépistage anonyme et gratuit (CDAG). Il nous fallait trouver 65 mètres carrés. Il y avait un rez-de-chaussée au bas d’un immeuble de l’arrondissement, que la Ville était prête à acquérir. Nous n’avons jamais pu l’acquérir parce que la copropriété a dit : « Pas de ça chez nous ! ». Nous n’avons pu le réaliser que parce que nous avions construit un immeuble de logements sociaux et que la Ville était totalement maître de l’utilisation de l’ensemble de cet immeuble. Nous l'avons installé en rez-de-chaussée, nous avons permis effectivement de faciliter la prévention, le dépistage, l’information. Je voulais rappeler cela parce que, effectivement vous avez mené ce combat pour tout simplement demander à ce que le citoyen, quel que soit son parcours de vie, puisse être considéré comme un citoyen à part entière. Aujourd’hui, on est entrés dans une phase où le sida fait un peu moins peur, mais où la société – le monde du travail, le monde des assurances, le monde de la finance – n’est pas encore prête à entendre que l’on peut très bien vivre, et ne pas être étiqueté en permanence avec la maladie que l’on peut traverser. C’est le sens de ma présence ici cet après-midi, pour vous dire combien il est important de continuer le combat, combien il est important que la société prenne ce regard nouveau. Cette action est encore plus déterminante et impérative sur des continents frappés durement dans leur chair, dans leur démographie. Plus que jamais, votre action est utile, indispensable, nécessaire, tout simplement, pour la dignité de l’être humain. Pr Jean-Louis Touraine Député du Rhône, président du groupe d’études sur le sida Je voudrais remercier Jean-Luc Romero pour son action inlassable depuis le tout début de l’épidémie – nous nous connaissons depuis cette époque. Je l’admire pour n’avoir jamais baissé les bras, alors qu’il a fallu traverser plusieurs phases diffi12


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ciles. Les années de plomb, au moment où le sida était une maladie mortelle et où l’espoir était très fugace (même si très rapidement des découvertes permettaient de progresser dans la science et la médecine), et puis les années heureuses de l’avènement de la trithérapie et de la possibilité d’offrir aux patients la survie en diminuant considérablement la charge virale et les méfaits du virus. À ce moment-là, les associations, qui commençaient à être en burn-out, ont vu cet espoir, ont repris confiance et ont dynamisé l’action de tous les militants contre le sida. Et puis, après, ça a été une nouvelle phase : nous nous sommes rendus compte ensemble que, certes, la survie était donnée aux patients, mais que ce n’était pas suffisant : il fallait leur donner la possibilité d’avoir une vie épanouie, et donc lutter contre les discriminations à l’emploi, au logement, à l’assurance, etc. Ce combat n’est toujours pas terminé. Il y a encore aujourd’hui des combats à mener. Auditionné par ce groupe parlementaire sur le sida, Jean-Luc Romero nous a rappelé, à nous les députés du groupe, qu’il y a des discriminations dans les soins aux corps des défunts séropositifs, dans l’accès à la Principauté d’Andorre, etc. Je voudrais aussi remercier le Président de la République : hier dans une cérémonie à l’occasion des 25 ans de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), il a confirmé formellement l’engagement de la France pour l’aide internationale, notamment le financement du Fonds mondial contre le sida, à une hauteur qui demeure très élevée, la deuxième du monde derrière les États-Unis – mais par tête d’habitant, c’est la première contribution mondiale ! Nous pouvons être fiers de cela. Il s’agit d’un milliard [d’euros] sur trois ans. Cette durée est importante pour les gens engagés, qu’il s’agisse de soignants ou de chercheurs ; c’est plus confortable comme horizon qu’un budget pour l’année. Ce à quoi s’ajoute l’engagement de la France dans le dispositif Unitaid, ce petit prélèvement quasiment indolore sur les transactions financières mais qui permet aussi de contribuer à ce combat ; c’est aussi le programme Esther ou encore beaucoup d’autres programmes par lesquels la France contribue par son Institut Pasteur et ses autres laboratoires de recherche et hôpitaux. Tout cela donne de la France la meilleure image qui soit dans le monde entier : une image de soutien aux malades, une image d’aide à la santé sur tous les territoires. Comme le rappelait 13


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le Président Hollande, ce n’est pas seulement un geste de solidarité. C’est aussi un geste d’intelligence en termes de santé publique, car bien sûr on ne vaincra pas le sida sur un continent. Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, tant qu’on laisse un foyer épidémique majeur quelque part, c’est une bombe qui peut à tout moment venir frapper le reste du monde. En effet, si je ne veux inquiéter personne, je suis obligé de vous dire que les virus du sida, dont il existe plusieurs familles que nous connaissons aujourd’hui et que nous savons contrôler avec nos antirétroviraux, ont une propension à muter qui est extraordinairement élevée. Rien ne nous met donc à l’abri d’un nouveau virus du sida qui pourrait être plus dangereux encore que ceux que nous connaissons aujourd’hui. Il est donc très important d’arriver à vaincre cette épidémie. Or, la victoire contre l’épidémie est possible avant même que ne soit découvert un jour un vaccin contre le sida. Il suffirait – mais c’est un enjeu important – d’identifier et de traiter la totalité les séropositifs. En effet, les personnes efficacement traitées ne sont presque plus contagieuses. Anne Hidalgo l’a dit : on peut maintenant, grâce à l’aide française et de la Ville de Paris, diminuer considérablement la transmission de la mère à l’enfant, mais on peut aussi empêcher la transmission [entre adultes] par le traitement le plus ubiquitaire qui soit. Aujourd’hui il y a encore 8 000 Français qui sont contaminés chaque année. C’est toujours trop, même si c’est en régression par rapport au passé. Nous pouvons le faire reculer. Il suffirait de dépister les 50 000 séropositifs en France porteurs du virus mais qui ignorent qu’ils l’ont et donc qui ne peuvent pas prendre de précautions, faute de savoir. Nous pouvons à cet égard remercier Mme la Ministre de la Santé, Marisol ­Touraine, qui est venue dans le groupe parlementaire sur le sida pour nous encourager à développer tous les tests de dépistage : les tests traditionnels, les nouveaux tests rapides, les tests rapides d’orientation diagnostique (Trods), les autotests... enfin tous les moyens qui permettent à chacun, en France de se dépister. Chacun doit avoir conscience que s’il n’a pas fait un test de dépistage récemment, il doit le faire, pour s’assurer qu’il n’a pas ce virus et donc qu’il ne peut pas le transmettre à son conjoint ou sa conjointe. Il y a là un effort énorme, mais il vaut la peine, car grâce à cela, nous arriverons à long terme à vaincre complètement l’épidémie de sida et il y aura alors un monde sans sida. Je sais que cela arrivera. Je suis certain que les plus jeunes d’entre nous verrons ce monde, et ce sera très important. Mais pour autant, le monde ne sera pas pareil après et avant. Parce que cette épidémie nous aura appris infiniment de choses : beaucoup de souffrances, certes, beaucoup de malheur, beaucoup de décès, beaucoup de drames, mais aussi beau14


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coup de progrès. Vous avez entendu tout à l’heure cette mobilisation que grâce à Jean-Luc et à d’autres acteurs associatifs, l’ensemble des personnes ont développé, ça a été la première fois que les associations ont eu un rôle aussi considérable dans la prise en charge médicale, thérapeutique, de recherche, de solidarité internationale. Mais aussi, ça a été l’apprentissage des moyens efficaces de lutte contre les discriminations vécues par certaines catégories de patients. Ça a aussi appris aux médecins et aux soignants à enfin avoir vis-à-vis de leurs malades un discours de vérité, ce qu’ils n’avaient pas il y a trente ans. C’est donc des progrès multiples. C’est le travail la main dans la main des chercheurs, des médecins, des infirmières, des responsables associatifs, de la population dans son entier et des responsables politiques qui mobilisent les moyens, les énergies, pour combattre en France et dans le monde cette épidémie. Mes vœux accompagnent Jean-Luc pour qu’au fil des années cet objectif soit de moins en moins lointain, que nous puissions nous réjouir de voir reculer le nombre de personnes atteintes par cette maladie. Je voudrais saluer l’industrie pharmaceutique, cette industrie souvent décriée car recherchant le profit, comme d’autres activités industrielles. Remarquons tout de même que pour la première fois, pour le sida, des médicaments ont été produits à prix coûtant, sans aucun bénéfice, pour qu’ils soient déployés dans les pays du Sud, en particulier en Afrique subsaharienne – ceci aussi avec l’aide des programmes de financement que j’ai cités ou de fondations telles que la Fondation Bill et Melinda Gates. Nous aurons beaucoup appris du sida. Tous les artistes, écrivains, intellectuels, qui ont décrit les phases initiales du sida, auront de très belles pages à écrire sur la victoire. Cette victoire ne devra pas seulement se réaliser en Amérique du Nord et en Europe occidentale, mais aussi dans des territoires plus défavorisés. C’est donc un mot d’enthousiasme que je veux transmettre et je remercie à nouveau tous les parlementaires qui s’impliquent dans cette réflexion, dans cette mobilisation des énergies et dans la poursuite d’un combat aux côtés de Jean-Luc Romero. Merci.

Diffusion du documentaire de Dominique Thiéry Un havre de paix pour les parents séropositifs produit pour le Magazine de la santé, France 5 15


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Échanges thématiques animés par M. Dominique Thiéry, journaliste et documentariste Femmes : maux et mots pour le dire Mme Valérie Pécresse Députée des Yvelines, conseillère régionale, ancienne ministre. Merci de me donner l’occasion de participer une nouvelle fois à ces États généraux d’Élus locaux contre le sida ; merci à Jean-Luc Romero, dont je voudrais saluer la constance de l’engagement. Il est à la fois paradoxal et tragique qu’il y ait toujours une omerta autour du sida plusieurs décennies après l’apparition de la maladie. Les chiffres sont inquiétants : 6 000 nouvelles contaminations par an en France, 150 000 malades... C’est dans la région dont je suis l’élue, l’Île-de-France, qu’ont lieu 40 % des nouvelles contaminations. Il ne faut pas baisser la garde. J’ai été sensibilisée dès l’adolescence à la question du sida, parce que j’avais dans ma famille un professeur de médecine, immunologiste, le Professeur Kazatchkine. Vous savez qu’il s’est mobilisé contre le sida dès son origine. Michel, mon oncle, nous a tous entraînés dans son combat contre la maladie. Quand je suis devenu Ministre [de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en 2007], j’ai été informée d’un chiffre incroyable pour ma génération : un étudiant sur deux ne met pas de préservatif. Nous avons décidé de réagir. Avec Christophe Dechavanne [animateur de télévision, ndlr], nous avons lancé l’opération « Un préservatif à 20 centimes d’euros », soit quatre à cinq fois moins cher que dans le commerce. C’était une première opération que nous avons lancée dans les universités pour sensibiliser les étudiants à cette problématique. Nous les hommes politiques et les femmes politiques nous devons rompre cette omerta. Une deuxième chose : il se trouve que j’étais Ministre de la Recherche quand Françoise Barré-Sinoussi a reçu le Prix Nobel avec Luc Montagnier pour la découverte du virus du sida. Ensemble, dans le cadre du Plan d’investissement d’avenir qui accompagnait le Plan de relance de l’économie, nous avons travaillé sur deux magnifiques projets de recherche. Je pense que peut-être, grâce à ces investissements, nous trouverons le vaccin pour le sida. Le premier projet c’est celui de l’Institut na16


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tional du vaccin, qui se trouve à l’Hôpital Henri-Mondor de Créteil. Il a été créé par le Professeur Lévy, qui est aujourd’hui au cabinet de ma successeure, Geneviève Fioraso. Cet institut est uniquement focalisé sur la découverte du vaccin. Françoise Barré-Sinoussi est la présidente d’honneur de l’Institut. Nous avons lancé un deuxième projet magnifique, qui a gagné le label Hôpital universitaire d’excellence. C’est le projet Polmit, du Professeur Raoult à la Timone à Marseille. Il va mettre en place le plus grand hôpital français de recherche sur les maladies infectieuses. Donc, sur les maladies infectieuses, sur le virus du sida, nous avons lancé il y a quelques années des projets dont il faut absolument assurer la pérennité, parce que ce sont des projets qui, j’en suis sure, parce que c’est ce que pense la communauté scientifique, permettront de trouver le vaccin. Mais il ne faut pas s’en remettre à cette perspective du vaccin : il faut vraiment se focaliser sur la prévention et sur les cas à risques. Vous avez choisi aujourd’hui de vous intéresser aux femmes. Je pense que c’est très important, parce que, ce que j’ai constaté aussi, c’est qu’il y a très peu de femmes dans les échantillons d’études sur le virus. On ne sait pas analyser les comportements des femmes qui deviennent séropositives. Il faut absolument qu’on ait des études épidémiologiques spécifiques sur les femmes. Et je pense que ce serait notre rôle à nous, les collectivités publiques, d’aider à financer ce type d’études. J’ajoute évidemment que le sujet est aussi, et nous l’avons vu dans le film, la question de la contamination mère-enfant. Grâce aux trithérapies, on évite désormais dans une grande majorité des cas cette contamination. Mais cette question des femmes atteintes du virus est une question de recherche à part entière et une question de prévention à part entière. Il faut absolument qu’on l’aborde comme telle. Et je vous remercie d’avoir mis l’éclairage sur ce sujet. Dans une maladie qu’elle-même on ne veut pas voir, la situation des femmes est encore plus sujette au silence et au déni. Donc merci pour elles. Dominique Thiéry Valérie Pécresse, vous avez écrit un livre qui s’appelle « Être une femme politique, c’est pas facile ! ». En quoi la situation des femmes séropositives est plus compliquée que celle des hommes séropositifs ? Peut-on faire le parallèle ? C’est toujours plus difficile d’être une femme... Valérie Pécresse C’est surtout, je vais le dire très franchement, que nous les femmes nous n’avons pas la même facilité à nous protéger. Le préservatif féminin est quelque chose 17


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d’encore un peu tabou, difficile d’usage, et pas forcément facile à imposer à son partenaire. Donc c’est plus difficile pour une femme de se protéger, c’est plus difficile pour une femme d’aborder ces problèmes puisqu’elle est obligée de demander à son partenaire de se protéger lui-même. Cette question est source d’une vraie inégalité homme/femme, taboue. L’autre sujet, c’est la maternité : une femme atteinte du virus se sentira fragilisée dans sa relation à l’autre, surtout si elle veut être mère. Et ça on ne doit pas l’accepter d’autant plus que l’usage des trithérapies en amont peut permettre à ces femmes d’être mère dans de bonnes conditions. Dominique Thiéry Vous parliez des préservatifs à 20 centimes. Pourquoi le préservatif féminin est si cher ? Pourquoi la politique de la santé n’est pas assez forte sur ce sujet ? Valérie Pécresse Je ne suis pas Ministre de la Santé ! J’ai le souvenir de Roselyne Bachelot inaugurant des distributeurs de préservatifs féminins dans le métro. Mais le problème est aussi celui des comportements individuels, on adopte ou pas un type de protection... Tout est une question sociale... Dominique Thiéry Est-ce qu’il n’y a pas une responsabilité des politiques : manque de campagnes d’affichages, etc. ? Valérie Pécresse Si ! Je crois qu’on consomme 30 millions de préservatifs de moins que lorsque j’étais moi-même étudiante. À l’époque l’épidémie dévastait la France. Il faut en permanence tirer des sonnettes d’alarme, comme le fait Jean-Luc Romero. Et il faut le faire aussi médiatiquement. Mme Eva Sommerlatte de l’association le Comité des Familles Le sujet m’interpelle, le film aussi. Je voudrais parler d’une situation très difficile : celle des femmes enceintes qui apprennent leur séropositivité en cours de grossesse. Ce sont souvent des femmes sans papiers, sans logement... À l’associa18


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tion, nous avons un projet, le projet Grandes sœurs. En partenariat avec les médecins, des femmes qui sont passées par là les aident. On est une petite association, on a toujours besoin de soutien et on est actuellement en train de se battre pour avoir un local plus adapté à notre action à Paris. Valérie Pécresse Merci de votre témoignage bouleversant. Vous devriez écrire à tous les parlementaires, qui disposent d’une réserve parlementaire qui permet de financer des associations qui travaillent au plan national. Je m’occuperai de faire, notamment auprès des femmes parlementaires, la publicité du travail remarquable qui est le vôtre. Pascale Je suis une personne contaminée. Je me permets de vous suggérer, en ce qui concerne la prévention, de reprendre le film de M. Thiéry, pour montrer la difficulté de vivre avec le sida. Moi j’ai 50 ans, je suis contaminée depuis l’âge de 20 ans. Il faut dire les problèmes : on est discriminés dans le monde du travail si on ne s’en cache pas, on finit de toute façon par être mis au placard si on s’en cache, on ne peut pas toujours avoir d’enfants car même si on ne transmet pas le virus, on n’est pas sûr de pouvoir accompagner son enfant jusqu’à l’âge adulte... Il faut mettre l’accent là-dessus dans les campagnes de prévention. Valérie Pécresse Vous avez tout à fait raison. Merci pour ce témoignage. Jacques Bancal intervenant en milieu scolaire Mon fils est mort du sida. J’interviens une cinquantaine de fois par an en milieu scolaire. Je constate aussi que le préservatif n’est pas mis par les lycéens et les étudiants. Mais pourquoi ? C’est aussi à cause de l’alcool ! Avec l’alcool on oublie tout. Il faudrait moderniser le leitmotiv « Sortez couverts ! »... Valérie Pécresse C’est aussi quelque chose que j’ai vécu en tant que Ministre de l’Enseignement supérieur : effectivement l’alcool est un fléau pour les jeunes. Dans les campagnes 19


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de prévention, on parle d’échec scolaire, de morts au volant, des accidents, on parle des viols, mais c’est vrai, et vous avez raison, il faut qu’on parle de l’alcool, et des autres drogues d’ailleurs, et de leurs conséquences sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles. Dominique Thiéry Est-ce que les politiques français oublient le sujet du sida ? Valérie Pécresse Oui, à quelques exceptions près, je crois que le sida n’est pas perçu dans sa vraie gravité. Jacques Chirac, qui connaissait bien l’Afrique, avait fait de la pandémie de sida un de ses combats, aux côtés de Line Renaud. Nicolas Sarkozy aussi, avec Carla Bruni qui a été marquée par la maladie [le frère de l’épouse du Président, Virginio Bruni Tedeschi, est mort du sida, ndlr]. Donc certains hommes politiques ont fait du sida une grande cause nationale. Mais ça reste encore très tabou, a fortiori dans les territoires ruraux. Et en politique, comme tous les milieux professionnels exigeants, il faut être en bonne santé, performant... Regardez Dominique Bertinotti et son cancer : elle a tu son cancer pendant son débat à l’Assemblée ! J’ai caché moi-même ma grossesse – même si la grossesse n’est pas une maladie. Cécile Lhuillier Act Up-Paris Mme Pécresse, vous êtes députée. Vous allez être amenée dans les jours qui viennent à discuter et à prendre position sur la proposition de loi de Maud Olivier, dite « loi pour lutter contre le système prostitutionnel ». Une des mesures-phares de ce texte est la pénalisation des clients, une mesure qui – de l’avis de l’ensemble des structures de lutte contre le sida, de santé et de santé communautaire – va exposer les travailleuses du sexe, non seulement à des violences, mais à des contaminations. En effet, cette mesure entraverait le travail des associations de prévention et éloignerait les prostituées des structures de dépistage. Une majorité des travailleuses du sexe sont des femmes, quelle sera votre position ? Mme Valérie Pécresse Dans cette proposition, il y a de bonnes et de mauvaises choses. De bonnes choses dans la lutte contre les réseaux d’esclavage sexuel. Comme le gouvernement, je 20


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suis pour durcir la lutte contre les proxénètes. En revanche, la pénalisation du client me laisse perplexe. Dans ce texte, on va à la fois permettre à nouveau le racolage sur la voie publique et pénaliser le client: je ne comprends pas la logique ! La pénalisation des clients, je n’y crois pas. Et je suis d’accord avec vous, elle risque de remettre dans la clandestinité un certain nombre de pratiques. Et je pense qu’on aura du mal à être efficace sur la pénalisation du client. Les homosexuels : rompre la transmission de la maladie, promouvoir la transmission de la lutte Mme Marielle Rengot conseillère municipale déléguée à la santé à Lille À Lille, nous abordons le sujet de la transmission du sida chez les homosexuels à la fois par la question de la prévention, avec ma délégation, et par celle de la lutte contre les discriminations, avec la délégation de ma collègue Dalila Dendouga.

Marielle Rengot & Dominique Thiéry

Un groupe du Conseil municipal d’enfants a mené une action d’information sur le sujet de la transmission du sida au Planning familial.

Nos actions, c’est avant tout un état d’esprit de tolérance et d’ouverture: avant le mariage pour tous, nous avons célébré des Pacs en mairie. J’en ai fait quelques uns moi-même. Je voudrais d’abord rappeler que la santé n’est pas une compétence obligatoire des municipalités. J’ai fait adhérer la ville à ELCS et à une autre association nationale, Élus, santé publique et territoires. Cela se joue également au niveau des communautés de communes, des pays et des agglos. À Lille, nous avons 4 échangeurs-récupérateurs de seringues. Leur mise en place a été un véritable combat pour les faire accepter à la population. Aujourd’hui ils fonctionnent très bien, et il est intéressant de souligner que nous récupérons plus de seringues que nous n’en distribuons. 21


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J’ai voulu engager la ville dans l’expérimentation des Trods et nous avons été l’une des 5 villes pionnières. Aujourd’hui, les Trods sont généralisés sur l’ensemble du pays. Et puis, un soutien à l’ensemble des associations LGBT : LGBT car il y a aussi les trans’ et les bisexuels, qui sont des populations fragiles à accompagner. Nous avons la chance d’avoir à Lille deux maisons de santé pluriprofessionnelle, dont une des deux avec le Dr Bertrand Riff, qui réalise quasiment 90 % d’accès aux soins des personnes LGBT de l’agglomération. Nous avons aussi des associations et des groupements d’associations avec lesquelles nous travaillons très régulièrement : l’Égide, Aides, les Flamands roses... Un soutien politique, financier, la mise à disposition de salles... Un soutien méthodologique également : notre directrice de la santé accompagne toutes les associations dans l’écriture de projet. Dominique Thiéry Avez-vous senti une montée du climat homophobe avec le débat sur le mariage pour tous ? Marielle Rengot Oui. Les auteurs d’une agression dans un des bars gays de Lille, le Vice & Versa, sont jugés aujourd’hui. Nous sommes allés soutenir les propriétaires du bar en allant passer une soirée là-bas. C’est un combat de tous les jours, nous avons participé à toutes les manifestations de soutien [au mariage pour tous]. Il faut commencer dès le plus jeune âge, dès la maternelle. Quand on met en place des actions, il faut s’adresser à la fois à la communauté homosexuelle et à l’ensemble de la population. Dominique Thiéry Est-ce compliqué de parler sida et communauté homosexuelle, sans pour autant associer ces deux thèmes en permanence ? Marielle Rengot Vous avez raison. C’est aussi la manière dont on regarde la sexualité dans notre société... Je suis aussi conseillère conjugale et familiale. J’ai mis en place dans chaque quartier les Pôles ressources santé, des instances de rencontre entre les médecins libéraux, les associations et la Ville. Un des groupes a travaillé sur la 22


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vie sexuelle et affective avec une infirmière libérale. Les partenaires de nos quartiers, notamment les associations de jeunes, seront sensibilisés à la question de la sexualité, y compris la découverte de l’homosexualité, pour lutter contre le fort taux de suicide des homosexuels. Je voudrais aussi parler des contaminations chez les personnes adultes divorcées : elles redécouvrent une sexualité hors mariage et sont contaminées par le sida car elles ne sont pas informées. Nous abordons aussi ce sujet dans nos groupes de travail Vie sexuelle et affective. Femme dans la salle Je suis Camerounaise et membre du Comité des familles. Quand on parle du VIH, on parle aussi des homos. Les homos, chez nous en Afrique, on ne les voit même pas. C’est ici [en Europe] qu’on parle beaucoup des homos. Étant mariée, tu ne sais même pas si ton mari est homo ou pas. Quand tu arrives ici, et qu’on t’annonce que tu as déjà le virus, tu ne sais pas comment tu as été contaminée, et ton mari est invisible. Maintenant, on entend dire « mettez le préservatif ». En Afrique, le préservatif, c’est pour la contraception, puisque le sida est vu comme quelque chose qui concerne uniquement les homos et que les homos ne sont pas visibles. Même quand il y a des campagnes de dépistage, il n’y a personne car les gens ne se sentent pas concernés, surtout quand ils sont mariés... Alors que les hommes mariés vont voir les filles libres... Marielle Rengot Vous avez raison. L’information doit s’adresser à tout le monde. Le sida doit être abordé par tous les acteurs, y compris les associations de quartier. Caroline Huguin de l’association Élu-es contre les violences faites aux femmes (ECVF) On parlait de l’invisibilité des femmes, je voudrais parler aussi de l’invisibilité des femmes lesbiennes. Il n’y a quasiment aucune recherche sur les transmissions entre femmes, et c’est une question que les élus devraient prendre en compte dans leur soutien à la recherche. Marielle Rengot Vous avez tout à fait raison. Je voudrais évoquer un projet qui malheureusement n’a pas vu le jour. La Maison de santé de Moulins [quartier populaire du sud de 23


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Lille, ndlr] avait travaillé à un projet sur l’accès au dépistage du cancer du sein chez les lesbiennes, car elles vont moins voir le gynéco que les femmes hétéros. J’avais soutenu un dossier de financement, mais cela n’a pas abouti. Vous avez raison, il ne faut pas négliger la santé des femmes lesbiennes. Dominique Thiéry D’après le Net Gay Baromètre, les relations non protégées progressent... Le chiffre est passé de 43 % à 55 % entre 2009 et aujourd’hui... Quelle est l’explication ? Et en même temps, ce sont les gays qui se protègent le plus... Marielle Rengot Effectivement, l’idée se répand dans notre société qu’on ne meurt plus du sida. Il faut montrer la manière dont on vit avec le sida, ce n’est pas facile du tout... La prévention, il ne suffit pas d’en parler, il faut la construire. Bernard Bassama Je suis une personne vivant avec le VIH. C’est vrai, il faut distribuer des préservatifs, c’est bien. On peut aussi encourager à la fidélité, à limiter le nombre de partenaires, et pourquoi pas faire des efforts de chasteté. Marielle Rengot Nous avons mis en place le Label Bar Modère ta teuf : nous mettons à disposition dans les bars des bouchons d’oreille et des préservatifs. Le personnel est formé aux gestes de première urgence, à la résolution de conflit. Les cafetiers s’engagent à donner des verres d’eau, à ne pas resservir des jeunes ivres... La distribution fonctionne bien. Je ne ferai pas de commentaire sur la fidélité, mais on peut encourager le préservatif en général. Lors d’une première rencontre, et aussi éventuellement lors d’une infidélité... Je n’émettrai pas d’avis là-dessus... (sourires). La pénalisation des clients Mme Cécile Lhuillier Act Up-Paris J’interviens sur la pénalisation des clients des prostituées et travailleuses du sexe. 24


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Comme je le rappelais à Mme Pécresse, c’est une question d’actualité. Merci beaucoup à Jean-Luc Romero et à ELCS de nous avoir laissé un espace de parole. Les discussions sur le texte de loi commenceront ce soir, se poursuivront vendredi, et les députés se prononceront la semaine prochaine sur la loi. La proposition de loi comprend deux volets : un volet « social » mis en avant par les partisanes et partisans de la loi mais notoirement insuffisant. La loi prévoit par exemple de donner aux travailleuses du sexe migrantes des titres de séjour de six mois – des titres de séjour précaires, donc. L’obtention de ces titres de séjour est conditionnée à l’arrêt de la prostitution. Il faudra qu’elles entament des démarches, qui seront contrôlées par des associations agréées. Six mois de titre de séjour, ça veut dire six mois pour maîtriser la langue française, trouver un travail... C’est clairement une fausse mesure sociale. Le gros de la loi, c’est le volet répressif, qui place les forces de l’ordre au cœur du dispositif, avec notamment la pénalisation du client. L’ensemble des associations de santé, de santé communautaire et de lutte contre le sida y sont opposées, puisque c’est une fois de plus une disposition qui va éloigner les premières concernées des dispositifs de soin, d’accès aux droits, de dépistage, de prévention. Mettre la police sur les lieux de prostitution, ça poussera les travailleurs du sexe à se cacher, à travailler de manière isolée, cela les rendra donc plus vulnérables aux violences : violences policières, violences de certains clients, violences des racketteurs. Cela va diminuer leur capacité à imposer le préservatif puisqu’une travailleuse du sexe qui a dix clients par jour peut négocier ses pratiques, ses tarifs et imposer le port de la capote. Quand elle n’aura plus que trois clients, son loyer n’aura pas baissé pour autant, elle aura besoin des mêmes ressources, donc il y aura un relâchement des pratiques safe. La seule chose positive dans cette proposition de loi, c’est l’abrogation du délit de racolage public. Le problème c’est que l’unanimité n’est pas de mise sur cette question et que certains parlementaires opteraient plutôt pour la seule abrogation du délit de racolage passif. Les associations ne sont pas seules à attester du danger de la pénalisation des clients : le Plan national de lutte contre le VIH 2010-2014, mis en place sous l’égide de Roselyne Bachelot – qui est pourtant une fervente abolitionniste – prévoit diverses actions, dont l’action P5 : « Communiquer et agir auprès des clients : augmenter les connaissances des clients en matière de risques sexuels, diminuer les demandes de rapports non protégés, sensibiliser au respect des prostituées ». À aucun moment il n’est question de mesure répressive, que ce soit une contravention ou un délit. Maud Olivier a expliqué que sa volonté première était d’impliquer 25


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les clients. Il y a pourtant d’autres manières de les impliquer, avec des actions spécifiques en leur direction. Des actions ont ainsi été menées à Lille. Les prostituées distribuaient du matériel de prévention et des petites cartes avec des informations sur les risques sexuels. Une action qui n’a pas duré, faute de financement. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a également publié un rapport, intitulé « Prostitutions : enjeux sanitaires ». On notera que le mot prostitutions est au pluriel. En effet, bien que les abolitionnistes se prévalent souvent de ce rapport, un de ses grands axes, c’est de contester la nécessité d’une politique unique face à un phénomène pluriel. Le rapport Igas réaffirme que les risques spécifiques ne sont pas intrinsèques à l’activité prostitutionnelle, mais tiennent plutôt aux conditions d’exercice. L’Igas réaffirme l’isolement et la clandestinité apparaissent comme des facteurs d’aggravation des risques. Le Conseil national du sida, dans son avis de 2010, préconisait de renforcer les droits, de promouvoir une approche globale (sanitaire, sociale et culturelle) et de soutenir les démarches communautaires. La proposition de loi va exactement dans le sens contraire du renforcement des droits : il s’agit d’octroyer des droits insuffisants moyennant l’arrêt d’une activité qui reste légale, d’un point de vue strictement juridique. Sur le soutien aux démarches communautaires, le Haut conseil à l’égalité hommesfemmes, qui est composé en grande partie d’abolitionnistes, a rendu un avis. [L’ancienne députée et présidente du Haut conseil] Danielle Bousquet y préconise que ne soient associés au contrôle de sortie de la prostitution que les associations abolitionnistes. Ce qui écarte des petites structures sans expertise comme Médecins du monde [ton ironique, ndlr]. Enfin, le Rapport Morlat sur les personnes vivant avec le VIH recommande une application la plus rapide possible des recommandations de l’avis du Conseil national du sida d’il y a 3 ans. Au niveau international, le Programme de développement des Nations unies (Pnud) : « La dépénalisation constitue la première étape vers la réalisation de meilleures conditions de travail avec pour corollaire la réduction des risques liés au VIH. » Une recommandation : « Abroger les lois qui interdisent aux adultes consentants d’être clients ou acteurs du commerce du sexe, ainsi que celles qui l’interdisent. » Je terminerai sur le processus législatif. Déjà, la loi se base sur le chiffre de 20 000 prostituées. Il s’agit des chiffres de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), donc en aucun cas le chiffre de la réalité de l’activité. C’est le chiffre des arrestations. 26


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Cette proposition de loi (PPL) se fera forcément à budget constant, donc avec une répartition différente de budgets déjà existants, qui sont trop faibles – je vous rappelle qu’on est en période d’austérité. Il n’y aura pas un euro de plus. Mme Najat Vallaud-Belkacem, Ministre des Droits des femmes – puisque cette question de la prostitution est restée cantonnée à ce ministère comme si ce n’était pas aussi une question de santé publique – a annoncé le déblocage d’un fond de 10 à 20 millions d’euros. Une place en Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), c’est 12 000 € par an et par personne. Donc en prenant la fourchette haute, on va pouvoir reloger 1 600 putes. La PPL a été examinée dans le cadre d’une commission spéciale. Pourquoi pas dans le cadre de la Commission des affaires sociales ? Peut-être parce que sa présidente, Catherine Lemorton s’est positionnée publiquement contre la pénalisation des clients... Il y a eu un passage en force : le texte va être discuté notamment vendredi soir. Les personnes qui sont ici et qui sont intéressées par les thématiques LGBT se souviendront du vote du Pacs. Moi ça me le rappelle étrangement... [Le soir du vendredi 9 octobre 1988, le pacte de civil de solidarité était rejeté par l’Assemblée nationale. Exceptionnellement, les députés de l’opposition de droite étaient plus nombreux que ceux de la majorité de gauche. Les séances du vendredi soir sont rares, ce jour étant en théorie réservé pour que les députés le passent en circonscription, ndlr] Il y a eu des pressions au sein des partis. Act Up-Paris a sollicité Jean-Louis Touraine pour être auditionné par le groupe sida à l’Assemblée sur cette question. La réponse de Jean-Louis Touraine a été claire : après consultation de Catherine Coutelle et de Ségolène Neuville, il a été estimé qu’Act Up-Paris ayant déjà été auditionné par la Commission spéciale, ce n’était pas la peine qu’elle soit reçue aussi par le groupe sida. Pour finir, on veut croire que la position de Marisol Touraine, qui est complètement irresponsable, est aussi le fruit de pressions en interne. C’est une catastrophe sanitaire qui se profile au profit d’une idéologie. Ce n’est pas du féminisme. Migrants, séropositivité et valeurs républicaines M. Thierry Brigaud Président de Médecins du Monde (MdM) Bonjour à toutes et à tous, merci pour cette invitation. La question « migration et santé » est une relation qui mobilise beaucoup Médecins du Monde en France, 27


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en Europe et à l’étranger. À Bamako (Mali), nous travaillons en partenariat avec une association qui s’appelle AME. Cela ne signifie pas « Aide médicale d’État » mais « Association des Maliens expulsés ». Je crois que c’est un étrange clin d’œil, sans doute très parlant, sur la relation des migrants avec leur santé. À partir d’un constat de terrain, nous menons à Médecins du Monde une réflexion sur le droit des humains à circuler en bonne santé. La migration est un phénomène mondial qui pourrait être lu comme une chance, une opportunité. On pourrait parler d’une dynamique gagnant-gagnant-gagnant : le pays d’origine, la personne qui migre, le pays d’accueil. Pour commencer, quelques chiffres issus des Observatoires de la santé des missions de Médecins du Monde. Seuls 6 % des migrants dans nos centres de santé en Europe donnent comme première raison de leur migration des problèmes de santé – ce qui veut dire que 94 % des migrants ne migrent pas pour des raisons de santé. Donc il y en a marre d’entendre des gens qui disent toujours le contraire, qui racontent des mensonges ! La santé n’est donc pas un déterminant pour expliquer les phénomènes migratoires. Autre chiffre : 67 % des personnes reçues dans nos centres de santé en France méconnaissent leur statut de sérologie concernant le VIH. Ce phénomène est encore plus important si l’on parle des hommes originaires du Maghreb et d’Asie âgés de moins de 20 ans ou de plus de 60 ans. Il existe donc une grande méconnaissance du statut sérologique. C’est la raison pour laquelle tout le travail de prévention et de dépistage est important à faire pour les populations les plus vulnérables. Il faut redire que la migration est un fait social porté par des hommes et des femmes qui se pensent en bonne santé et qui tentent cette traversée pour fuir des situations inextricables de pauvreté et de violence. On parle dans la littérature scientifique d’un effet « immigrant en bonne santé », tout comme on parle d’un « effet travailleur sain » : au moment de la migration, la personne est en bonne santé. Après quelques années dans le pays d’accueil, la santé des migrants se dégrade. La migration devient ainsi un des facteurs pour expliquer les inégalités sociales de santé. Certains auteurs, pour qualifier cette dégradation, parlent du paradoxe de l’assimilation. Face ce phénomène, la réponse française pour améliorer la santé des migrants est elle-même paradoxale. L’Aide médicale d’État (AME) donne des droits à la santé pour les étrangers qui sont sans papiers. C’est un dispositif généreux. Il est souvent remis en question par des personnes qui jouent sur la peur des étrangers pour glaner quelques voix. Nous savons pourtant, depuis le rapport de l’Igas rendu à Mme Roselyne Bachelot [alors Ministre de la Santé, ndlr] en 2010, qu’il n’y avait pas de dérives de santé. 28


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Les inspecteurs de l’Igas recommandaient également la fusion de l’AME dans la Couverture maladie universelle (CMU). C’est une vieille demande de Médecins du Monde. Nous pensons qu’il serait important qu’il n’y ait qu’un seul système, celui de la CMU. Aujourd’hui, environ 250 000 personnes ont des droits ouverts à l’AME et on estime entre 150 000 et 200 000 personnes qui n’ont [fait valoir] aucun droit à la santé. Il y a une difficulté à établir une domiciliation, étape nécessaire pour l’ouverture de droits. À Paris, nous suivons 250 Maliens qui ont fui la Libye au moment de la guerre. Ils sont entre Paris et Montreuil mais aucune mairie ne veut les domicilier. J’appelle les élus à faciliter la domiciliation pour l’AME. Le droit des étrangers malades à obtenir une carte de séjour, si dans leur pays d’origine le traitement n’était effectivement pas disponible, a été restreint par le gouvernement précédent. Actuellement, des discussions sont menées avec le Ministère de l’Intérieur concernant l’évolution de ce droit pour les étrangers gravement malades. Pour Médecins du Monde, il est important qu’un avis médical soit donné par les médecins des Agences régionales de santé (ARS) pour protéger à la fois le secret médical et être sûr que ces médecins sont bel et bien indépendants du Ministère de l’Intérieur [les ARS dépendent du Ministère de la Santé, ndlr]. De plus, il serait important pour les porteurs de maladies chroniques comme le VIH d’avoir accès à des titres de séjour pluriannuels. Sinon, des patients font des « allers-retours » entre CMU et AME. Ces ruptures de couverture entraînent des ruptures de soin. Depuis deux ans, nous faisons des tests rapides d’orientation diagnostiques (Trods) à l’intérieur des centres de Médecins du Monde. Il paraît important que l’on puisse faire des Trods non seulement sur le VIH, mais aussi sur les hépatites B et C, ainsi que pour la tuberculose. Nous demandons à ce que ces Trods soient disponibles et légalisés. Sur la pénalisation des clients, comme Act Up, nous pensons que c’est une très mauvaise idée. Pénaliser les clients mettra en danger les personnes qui se prostituent. Nous avons montré qu’après l’instauration du délit de racolage [passif en 2003, ndlr], il y a eu plus de violences, plus de difficultés à travailler auprès des personnes se prostituant, qui sont particulièrement vulnérables. Nous en suivons 20 000, qui pour la plupart sont sans papiers. Bien sûr, il faut lutter contre la traite, mais pénaliser les clients risque avant tout de mettre en danger les personnes se prostituant. Quelques unes de nos recommandations sont donc : faciliter l’accès aux droits et l’accès aux soins, en fusionnant l’AME dans la CMU, faciliter la domiciliation des personnes sans papiers ; retourner à un droit au séjour des étrangers malades 29


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généreux qui soit un exemple pour toute l’Europe ; faciliter l’usage des Trods ; supprimer le délit de racolage, mais sans pénaliser les clients. M. Stéphane Gatignon maire de Sevran, conseiller régional d’Île-de-France Je suis élu de Seine-Saint-Denis, un territoire où il y a plus de nationalités qu’il n’y a de pays à l’Onu ! À Sevran, pour 51 000 habitants, on a 73 nationalités. Une population également très jeune puisque 24 % de la population a moins de 14 ans. Il existe différents problèmes, on en entend parler, qui sont des problèmes de société mais aussi de budget... On est donc sur une terre d’accueil. L’uniStéphane Gatignon & Thierry Brigaud versalisme à la française concerne aussi la santé. Mais même quand on a l’AME, à l’hôpital, on vous demande une pièce d’identité... Il y a une peur de l’étranger qui rôde dans la société française. Le malaise est dans cette contradiction entre l’universalisme et une fermeture sociale. Ce sont souvent des raisons financières qui sont évoquées pour restreindre ces droits, mais, cela a été dit, la santé n’est pas une raison de la migration. On constate en Seine-Saint-Denis une forte évolution du type de patients du sida : ce sont aujourd’hui des gens qui viennent d’Afrique, qui ont « remplacé » les toxicomanes par voie intraveineuse. Les approches sont donc différentes. Je voudrais aborder la question des foyers de travailleurs migrants. Il y en a 3 à Sevran, qui représentent 950 chambres. Ces foyers sont devenus des résidences sociales : je me suis battu pour faire démolir et reconstruire ces foyers. Mais maintenant j’ai plus de problèmes entre les structures gérantes et les comités de résidents : les gestionnaires aimeraient remplacer les migrants par d’autres types de population. Je le vois aussi à Aulnay-sous-Bois. Il y a la question de la prostitution dans les foyers et hors des foyers dans les quartiers. Elle est très importante, mais pour certains elle n’existe pas. Et peut-être plus encore qu’ailleurs, puisqu’on est en banlieue, avec une population particulière, et le poids de tout un tas de choses, y compris le religieux. 30


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Ce n’est pas le sujet du jour, mais je voudrais parler de la vision d’une République « une et indivisible »... Je dis parfois que la République, cela fait longtemps qu’elle nous a quittés ! Les gens ont d’autres visions de la structure de la société qui fait qu’on n’est plus trop sur ce modèle. Par ailleurs, la place des femmes est également de plus en plus importante dans l’épidémie, notamment en Seine-Saint-Denis... Dans les médias, on parle peu de la question du sida dans les quartiers. Il faut s’y intéresser, notamment en termes des évolutions, y compris culturelles. Mme Danièle Hoffman-Rispal Députée de Paris, membre d’ELCS Je voudrais d’abord revenir sur les foyers. L’Assemblée a demandé à un groupe transpartisan, que j’ai présidé, une mission sur les personnes âgées migrantes. Nous avons observé leurs conditions de vie, notamment les 14 000 qui sont dans les foyers. On ne peut pas vivre en foyer à 65 comme à 20 ans ! Notre rapport a beaucoup de propositions, que nous avons présentées notamment à Mme Marisol Touraine, Ministre de la Santé, et à Mme Cécile Duflot, Ministre du Logement. Mais je voulais intervenir sur un autre sujet : la loi sur la prostitution. J’ai beaucoup hésité sur la question de la pénalisation des clients. Je connais bien la prostitution puisque j’ai travaillé comme vendeuse-comptable dans le Sentier, rue Blondel, pendant 25 ans de ma vie. Je voyais les prostituées tous les jours, c’étaient mes copines ! Les clients, c’était amusant, ils devenaient rouges quand ils croisaient leur cousine... Donc il y a 20 ans je n’aurais pas dit « il faut pénaliser »... Mais aujourd’hui, je suis députée de Belleville. La prostitution, à Belleville aujourd’hui, c’est autre chose. Il y a trois ou quatre ans, les flics ont trouvé une gamine sourde et muette, impossible de savoir son âge. Les flics l’ont envoyée aux associations pour essayer de la sortir des griffes des mafias. Toutes les jeunes Asiatiques que je vois sur le faubourg du Temple, toutes les Roms sur le boulevard de Belleville... C’est de la traite d’êtres humains ! Ce sont des réseaux mafieux. Donc j’ai évolué sur la question, difficilement, parce que je suis quelqu’un qui aime les libertés à fond la caisse en général. Mais sur ce sujet, en termes de santé publique, excusez-moi, une jeune femme qui est pénétrée 40 fois par jour, elle en sort avec des problèmes de santé ! Il faut aujourd’hui mettre les grands moyens. La pénalisation est efficace en Suède. En Allemagne et aux Pays-Bas, les réseaux continuent à avancer ! Je ne suis pas une fada de la pénalisation du client par envie. Mais je n’en peux plus de voir des gamines de 16 ans battues, esquintées, pénétrées de nombreuses fois par jour... Voilà, je voulais juste vous apporter un peu de contradiction ! 31


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Thierry Brigaud Médecins du Monde Laissez-moi vous porter à mon tour la contradiction. Médecins du Monde travaille à Belleville avec un bus, le Lotus Bus, où nous recevons beaucoup de prostituées d’origine chinoise. Nous avions constaté une augmentation des violences suite au délit de racolage passif, et nous craignons qu’en pénalisant le client, on ne règle pas le problème de la traite, qui vous préoccupe et nous préoccupe tout autant. Être contre la pénalisation ce n’est pas être pour la traite. Ce que nous disons, c’est que la pénalisation va faire que ces dames vont se cacher encore plus pour se prostituer. Donc je crois que c’est une mauvaise idée. Mme Maria Andréos Association Diagonale Île-de-France Nous menons des actions avec les prostituées. Effectivement, je crains que la pénalisation des clients n’entraîne rien si ce n’est de repousser les prostituées plus loin. Le vrai combat, c’est celui contre les réseaux ! Il ne faut pas se tromper de combat ! M. Solomon Kapere Association Sida Info Service (SIS) Je suis de SIS et travaille aussi avec African Gay and Lesbian Organization Against Homophobia. Je voudrais savoir si Médecins du Monde (MdM) a des programmes pour travailler en Afrique sur la santé des personnes lesbiennes, gays, bis et trans (LGBT). Il y a un gros problème sur ce sujet en Afrique : on n’arrive pas à trouver des organisations internationales pour travailler dessus, pour des raisons politiques. Est-ce qu’il y a possibilité de travailler avec MdM sur cette question ? M. Thierry Brigaud Président de Médecins du Monde Je laisserai mon collègue Olivier Maguet répondre. Je voudrais dire que les systèmes de santé sont en train de se dégrader dans certains pays africains comme 32


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la République centrafricaine (RCA), où des patients VIH n’ont plus accès à leurs traitements. À Goma, en République démocratique du Congo – où il y a eu beaucoup de violence notamment commises par le mouvement M23 – on ne peut pas prendre en charge de nouveaux patients. M. Olivier Maguet Médecins du Monde On est toujours sur le même problème, dans le fond : il y a des lois qui rendent malades. Nous partageons votre constat, mais au regard de nos moyens, qui ne sont pas extensibles, nous avons choisi de nous concentrer en Afrique sur les usagers de drogues par voie intraveineuse. Nous serons présents dans 15 jours au Cap (Afrique du Sud) à la Conférence de lutte contre le sida et les IST pour promouvoir les politiques de réductions des risques. Mais, comme vous le savez, il y a d’autres réseaux qui travaillent sur cette question, comme Africagay, et nous travaillons en lien avec eux. La réduction des risques, un combat quotidien Mme Elisabeth Avril Médecin généraliste et directrice de Gaïa Paris L’association Gaïa Paris gère des établissements médicosociaux qui sont les anciens programmes de réductions des risques de Médecins du Monde. Je vais me pencher sur les récents événements relatifs à la salle de consommation à moindres risques. Axée sur la prohibition totale et la répression, la loi de 1970 met dans le même sac toutes les drogues et punit leur simple usage d’une peine de prison allant jusqu’à un an et d’une amende de 3 750 euros. Jugée désuète par la plupart des spécialistes, cette loi n’a pas empêché le développement d’une consommation de masse et d’une économie souterraine. Depuis la fin des années 1980, on sait que la politique de réduction des risques se développe assez péniblement en France, d’abord sous la pression de l’épidémie de VIH/sida, puis actuellement sous la pression de l’épidémie d’hépatite C. Le seul argument audible par l’opinion publique, surtout aux dires de nos politiques, c’est celui de la santé publique : la peur de la contagion. Par contre, la précarisation des usagers, les incarcérations itératives, 33


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la désaffiliation sociale et les maladies mentales liées aux traumatismes variés apportées par la vie à la rue et la vie de délinquant sont très peu prises en compte dans les politiques de réduction des risques. La politique française de santé publique vis-à-vis des usagers de drogue est basée sur un malentendu. Nous, les intervenants de proximité, ceux qui travaillent dans les Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues (Caarud) et dans les Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), sommes pris dans des injonctions contradictoires. Je m’explique : on doit considérer l’usager de drogue comme un malade, on l’intègre dans un système de soins égalitaire, on recueille son avis ou celui de ses représentants (dans la loi de 2002, il est question du droits des malades), et en même temps on doit « oublier » que l’usager de drogue est un criminel au regard de la loi. Or, oublier cela est impossible pour nous. Nous voyons notre travail constamment remis en question par cette pénalisation. Sur le terrain, les forces de l’ordre procèdent régulièrement à des campagnes de harcèlement des usagers à la rue, harcèlement qui se reporte sur parfois sur les équipes de terrain, au prétexte que la loi pénale est plus forte que la loi qui encadre nos actions, la loi de santé publique de 2004. On ne peut pas l’oublier non plus quand les usagers se retrouvent en garde à vue pendant des jours entiers sans leur traitement de substitution, sans accès aux soins alors qu’ils ne sont que consommateurs, quand ils sont incarcérés pour des peines souvent courtes, peines qui rompent souvent la continuité des prises en charge, quand la plupart des usagers qui sortent de prison sont sans traitement ni relais et se retrouvent, de fait, encore plus précaires qu’avant leur incarcération. À Paris, on note une diminution du nombre de seringues usagées récupérées : les usagers n’osent plus revenir vers nous avec. La loi du 9 août 2004, qui permet le développement et la reconnaissance de nos actions de réduction des risques, présente ses limites. On en a vu un exemple fracassant avec l’avis du Conseil d’État sur le projet de salle de consommation à Paris. Cet avis disait que le projet « méconnaît l’interdiction pénalement sanctionnée de l’usage de stupéfiant du Code de la santé publique » et ne trouve pas une base légale suffisante dans ce code. Ce Code dispose [pourtant] que la politique de réduction des risques vise à prévenir des infections (VIH, VHC, VHB), la mortalité par surdose et les dommages sociaux et psychologiques liés à la toxicomanie. Et [justement], les responsables politiques de notre pays devraient s’intéresser à la proposition suivante. Des programmes permettent de sauver des vies, de réduire le nombre d’overdoses mortelles, de diminuer le nombre de contaminations virales VIH et VHC, d’améliorer la santé publique, d’augmenter l’accès au traitement des 34


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addictions en promouvant l’entrée dans le soin et de diminuer les coûts de santé et les nuisances environnementales liés à la consommation. Ces programmes, ce sont les salles de consommation supervisée, également appelés salle de consommation à moindres risques. Mais malheureusement nous allons encore passer un 1er décembre sans ce type de dispositif en France. Et pourquoi ? Il semble pourtant que ces résultats soient intéressants. Souhaitent-ils satisfaire des opposants qui n’avancent jamais de preuves ? À Vancouver (Canada), la salle de consommation fait l’objet d’attaques infondées. Or plus d’une trentaine d’études scientifiques indépendantes ont démontré que ces politiques, y compris les salles de consommation, réduisaient les méfaits liés à l’usage de drogue, et n’encourageaient pas à la poursuite de la consommation. D’ailleurs, nos voisins ne s’y sont pas trompés. Très récemment, la Suède, la Finlande, la Norvège et la Grèce ont ouvert des salles de consommation de drogue, sans même prévoir d’évaluation scientifique, car ces pays partent du principe que les programmes de RdR sont une composante essentielle de la lutte contre l’usage de drogues. Tristement, le débat idéologique autour de la réduction des risques et des salles de consommation en France continue, malgré toutes les preuves de l’efficacité de ces politiques. Au nom d’une loi totalement obsolète, celle de 1970, les usagers de drogues vont rester dans la rue, les morts vont continuer d’advenir et les riverains vont continuer à se sentir en insécurité. Nous, les intervenants qui travaillons dans la réduction des risques et le secteur hospitalier, espérons que l’année 2014 sera celle du courage politique, au-delà des clivages et des intérêts électoraux, pour améliorer la santé des usagers de drogue. Je vous remercie de votre attention. Dominique Thiéry Dans les années 1990, il y avait environ 30 % de cas VIH qui concernait les usagers de drogue, aujourd’hui ils sont à moins de 2 %. Et pourtant le regard sur l’usager ne change pas, alors que la prévention est réussie. Elisabeth Avril Effectivement, je ne connais pas de mesure de santé publique qui ait été aussi efficace, et il n’y a pas eu de publicité positive par rapport à ça. L’usager de drogue est toujours considéré comme un ennemi public. 35


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Dominique Thiéry La bataille n’est-elle pas aujourd’hui pour lutter contre l’hépatite C, qui touche 60 % des usagers de drogue ? Elisabeth Avril L’enquête Coquelicot 2004 de l’Institut de veille sanitaire (InVS) avait montré que 60 % avait été en contact avec le virus de l’hépatite C, un chiffre qui est tombé à 40 % en 2011. Cela a donc diminué, mais ça reste préoccupant. On peut aussi se contaminer par voie nasale, c’est peu connu du grand public. Dominique Thiéry Il faudrait un courage politique pour réformer la loi de 1970, est-ce que c’est possible ? Elisabeth Avril On l’espère. Dans le cadre de la Global Commission, des anciens chefs d’État travaillent sur cette question et prennent clairement position contre la prohibition. Ce débat ne prend pas en France, alors que plus de 10 millions de Français fument du cannabis d’après les chiffres de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Présentation d’une enquête sur les jeunes et le VIH / sida. M. Damien Philippot Directeur des études politiques à l’Ifop L’enquête que je vais vous présenter a été réalisée par Ifop et Maximiles pour Sidaction et Élus Locaux Contre le Sida. Elle porte sur l’information des jeunes vis-à-vis du VIH-sida. Elle a le mérite, sur certains indicateurs, de permettre des comparatifs avec des études réalisées dans le passé, et donc mesurer des évolutions des comportements. C’est une enquête qui a été menée auprès d’un échantillon de 604 personnes âgées de 15 à 24 ans, 36


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selon la méthode des quotas. Les interviews ont eu lieu en ligne du 14 au 19 novembre 2013. La première question porte sur le niveau d’information des jeunes sur le VIH. Le total des jeunes qui se déclarent bien informés est de 86 %, c’est un taux qui est stable par rapport au passé. C’est un score qui peut paraître encourageant, élevé, mais qui doit être nuancé à plusieurs titres. D’abord, il n’y a pas d’amélioration, et ensuite, dans le détail, seuls 18 % se déclarent « très bien informés ». Et ce taux est en net recul de 8 points par rapport à la dernière mesure. 89 % se disent bien informés quand ils ont suivi une information scolaire, 61 % quand ce n’est pas le cas. Il y a donc un rôle crucial de l’information scolaire dans la connaissance du VIH. Quand on cherche à connaître le niveau d’information sur différents points précis, on voit qu’on obtient des scores très perfectibles. 64 % des jeunes se disent bien informés sur les lieux où l’on peut se faire dépister pour savoir si on a le virus du sida – un score relativement stable depuis 2007. 63 % se disent bien informés sur l’existence ou l’intérêt d’un préservatif féminin. Un chiffre stable également, avec un fort écart entre les réponses des jeunes femmes et les réponses des jeunes hommes, celles-ci s’estimant mieux informées. En ce qui concerne l’existence d’un traitement d’urgence post-exposition (TPE) en cas de risque, nous avons un chiffre similaire : 61 %. Mais il y a sur ce point une progression de l’information (46 % en 2007, 49 % en 2009 et 58 % en 2012). Pour la première fois cette année, nous avons testé l’item de l’information sur les traitements pour les personnes séropositives. 51 % s’estiment bien informés sur ce point. Sur chacun de ces aspects, l’information s’améliore avec l’âge des répondants. Quelles sont les sources de cette information des jeunes ? Internet reste en tête, cité par 32 % des répondants, et les réseaux sociaux sont cités par 6 %. Les médias traditionnels (télé, radio, presse écrite) continuent de jouer un rôle important (23 %, en baisse). Même phénomène de baisse concernant les parents (20 %), le médecin (19 %) et le médecin ou l’infirmier scolaire (15 %). Quant aux rôles des enseignants (14 %) et des associations de lutte contre le sida (12 %), ils sont en progression. Ce qui est surtout inquiétant, c’est la part de répondants qui affirment ne jamais aller chercher d’information sur le sida (17 %, + 6 points). Le bénéfice d’une information à l’école est important, nous l’avons dit. 89 % ont bénéficié d’un enseignement ou d’un moment d’information sur le sida au cours de leur scolarité (49 % au moins une fois, 40 % plusieurs fois). C’est en agglomération parisienne que les jeunes disent avoir été le moins informés, et en zones rurales que cette information a été le mieux dispensée. Qui a délivré cette 37


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information ? C’est de plus en plus un intervenant extérieur (47 %, + 7 points). Des interventions souvent marquantes pour les élèves, on le sait. Abordons maintenant les comportements et leurs représentations. 27 % des jeunes disent systématiquement ou la plupart du temps aborder la question du VIH avec un nouveau ou une nouvelle partenaire, un chiffre stable. 23 % le font occasionnellement, 19 % jamais. Enfin, 31 % des répondants disent ne pas avoir de relations sexuelles. Les évolutions sont faibles, donc le sujet reste assez tabou. 15 % des filles en parlent systématiquement, 9 % des garçons seulement. Avec l’avancée en âge, sans surprise, le taux de ceux qui disent ne pas avoir de relations sexuelles diminue. Mais ce qui est assez préoccupant, c’est de voir que la part de ceux qui disent ne jamais discuter du VIH augmente avec l’âge (11 % pour les 15-18 ans, 20 % pour les 19-20 ans, et 28 % pour les 21-24 ans). Nous avons aussi voulu savoir quand l’usage du préservatif était abandonné avec un partenaire sexuel (régulier). 6 % déclarent le faire après une semaine, 20 % après un mois, ce qui est assez rapide, 38 % après 6 mois. 28 % déclarent ne jamais arrêter l’usage du préservatif, et 8 % ne sont pas directement concernés puisqu’ils n’ont pas un ou une partenaire unique. La base de ces chiffres est l’ensemble des répondants ayant des relations sexuelles, soit 69 % de l’échantillon global. Le taux de personnes qui déclarent ne jamais abandonner le préservatif baisse avec l’âge : 37 % des 15-18 ans, pour 23 % chez les 21-24 ans. La dernière question de l’enquête porte sur les représentations associées au sida. On voit des éléments positifs, et d’autres qui sont plus inquiétants. Les jeunes savent à 90 % qu’il existe des médicaments pour continuer de vivre avec le sida, mais 81 % déclarent « le sida me fait peur ». Certaines idées reçues continuent à avoir la vie dure : 35 % pensent qu’il y a de moins en moins de contaminations chez les 15-24 ans ; 32 % disent « J’ai moins de risques que les autres d’être contaminé par le virus du sida », un chiffre en forte progression (+ 10 points par rapport à 2007) ; 22 % croient qu’il existe des médicaments pour guérir du sida ; 12 % pensent qu’on peut savoir si une personne est séropositive au VIH en la regardant bien (+ 7 points). Le niveau d’information des jeunes n’a pas tendance à progresser, voire à tendance à baisser en intensité, et peut s’accompagner de clichés qui brouillent les perceptions. On s’aperçoit de plus que les jeunes hommes partagent plus communément ces idées reçues que les jeunes femmes. Je vous remercie de votre attention.

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M. Jean-Luc Romero-Michel Président d’ELCS Cher amis, C’est toujours un grand plaisir que de vous retrouver à l’occasion de ces traditionnels États généraux d’Élus Locaux Contre le Sida. C’est la dix-huitième fois que nous nous retrouvons. Je vais faire un constat global, celui de notre pays, celui d’une France abîmée. Il ne s’agit pas de faire de la politique politicienne. ELCS peut s’enorgueillir de compter une gouvernance composée d’élus de tous bords, et cela a été est confirmé par l’Assemblée générale qui s’est tenue aujourd’hui. Toutes les mouvances sont représentées et cela fait la richesse de notre association. On l’a souvent dit, le sida n’est ni de droite, ni de gauche, il frappe aveuglément. Il est important que nous travaillions tous ensemble. On assiste dans ce pays à la montée du racisme, à un dénigrement machiste, à un déferlement homophobe sans précédent. Une parole libérée, véhiculée par des outils de communication débridés, le tout venant aussi bien du citoyen que des élus de la République. Au vu du nombre de ces débordements, personne ne peut plaider la simple maladresse, ou l’erreur : il s’agit bien d’un mouvement profond, d’une volonté délibérée de diviser la société entre ceux qui seraient convenables, avec un sens de la morale et des valeurs, et les autres, les pervers, les détraqués, les profiteurs. Tout ceci évidemment m’effraie, et je crois vous effraie aussi : comme malade, dont on dit que je coûterais cher à la société, comme homosexuel, dont on dit que je serais contre-nature, ou comme fils d’immigré, dont on dit que je profiterais de la France. Face à la montée de l’extrémisme dans les esprits, quid de la France pays des droits de l’Homme ? Quid de notre devise Liberté, égalité, fraternité, si fièrement proclamée, mais qui a pourtant du plomb dans l’aile ? Ne nous y trompons pas. Le respect des libertés individuelles ne s’inscrit pas dans un courant individualiste, mais bien dans l’intérêt général. À l’inverse, le moralisme que certains promeuvent sous couvert de spiritualité n’est que volonté presque sectaire s’assurer la mainmise sur notre esprit et sur nos corps. Élus Locaux Contre le Sida doit prendre sa place dans ce combat pour une France plus juste et plus humaine. Car, nous ne le savons que trop bien, le lien est très clair, et largement documenté, entre respect des droits de l’Homme et prévention du sida. Il n’est pas seulement question ici de sérophobie, phénomène toujours aussi important et fort, à cause notamment d’un niveau d’information pas suffisamment élevé, Damien Philippot en a parlé, qui est 39


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source de fausses idées, de stigmatisation. On peut élargir ici le débat à la question de la double discrimination. Je prendrai deux exemples thématiques : les LGBT et les usagers de drogue. Sur les LGBT, ai-je besoin de rappeler le contexte que nous vivons depuis maintenant plusieurs mois ? Ce déferlement homophobe sans précédent, cette homophobie complètement décomplexée depuis le débat sur l’ouverture du mariage pour toutes et pour tous, ces attaques incessantes sous couvert du débat démocratique dont aiment se draper ses pires ennemis : c’est bel et bien, non pas un débat, mais un tsunami d’homophobie haineuse pour laquelle l’homosexualité est contre-nature, impensable et inacceptable. Rappelez-vous que certains ont prédit, pas loin d’ici d’ailleurs, la fin de la civilisation si le mariage était ouvert aux couples de même sexe. Cela fait maintenant quelques mois, a priori, tout se passe bien, l’Assemblée nationale est toujours à sa place ! Aujourd’hui, notre civilisation n’a pas été mise danger par plus d’amour, plus de protection, plus de respect des différences, mais par la haine, l’exclusion, le rejet des différences et la bêtise de certains qui défilent en bêlant. Permettez-moi de citer quelques-uns des insultes, menaces et appels aux meurtres que, comme beaucoup d’entre vous, je reçois au quotidien, notamment sur Twitter, qui décidément ne veut pas faire le ménage sur son réseau : « Une pourriture qui mériterait d’être pendue ! », « J’aimerais t’euthanasier au 9 millimètres », « On peut aussi rêver d’une lapidation de l’immonde Romero en place publique en Iran. » L’Iran, n’est-ce pas là que Mme Boutin, voilée, était reçue par les médias ? Vous conviendrez qu’il n’est pas utile que je vous commente cette prose pour laquelle j’ai d’ailleurs saisi le Procureur de la République. Mais si les militants, dont je fais partie, peuvent « supporter » cela, qu’en est-il des jeunes en pleine construction, fragilisés par la découverte d’une différence pourtant bien naturelle. Je vous rappelle ce terrible chiffre : les jeunes homosexuels ont 13 fois plus de risques de faire une tentative de suicide que les jeunes hétérosexuels. Les représentants des associations de terrain présents dans la salle peuvent témoigner de cette situation, et nul doute qu’ils confirmeront les conséquences fortes sur les jeunes homosexuels du débat sur le mariage pour tous. Le lien est évident entre octroi de droits, estime de soi et prévention du sida. Je ne vais pas revenir sur les multiples études qui existent affirmant que les droits LGBTI sont une composante essentielle d’une politique de lutte contre le VIH/sida efficace. En matière de lutte contre le sida en direction des gays, nul doute que les réponses sanitaires doivent de manière totalement nécessaire se doubler d’une réponse sociétale. Je ne veux pas clore ce chapitre sans évoquer ce qui se passe en 40


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Russie, à quelques mois de l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver à Sotchi, ce qui va se passer en 2022 lors du Mondial de football au Qatar, un pays qui interdit de territoire les personnes séropositives, ce que le Koweït prépare en matière de test pour déceler l’homosexualité de ses visiteurs – un test, tiens !,vieux souvenir d’une époque de barbarie... Le second exemple que je voudrais prendre est celui des usagers de drogue et de la politique de réduction des risques. Je ne vais pas revenir sur l’historique de cette politique, légalisée depuis quelques années. Je voudrais toutefois avoir une pensée pour Michèle Barzach, qui vit actuellement des moments difficiles [Médecin et Ministre de la Santé de 1986 à 1988, Michèle Barzach a introduit en France une série de mesures de réduction des risques comme la publicité pour les préservatifs et la vente libre de seringues en pharmacie, ndlr]. Nous en connaissons tous les excellents résultats. L’association Gaïa nous les a rappelés. Disons simplement que cette politique est une politique de santé, sociétale, mais aussi citoyenne. Il faut affirmer que l’usager a, comme n’importe quel citoyen, le droit à la santé, et bien sûr à la dignité. Le débat sur l’expérimentation des salles de consommation à moindres risques a été au cœur de l’actualité, avec le « stop » qu’a représenté l’avis consultatif du Conseil d’État. Cela a permis de mettre au cœur de l’agenda médiatique et politique, cela faisait longtemps que ce n’était pas arrivé, la RdR, avec ses défis, notamment face au VHC. Toutes les études démontrent l’efficacité de cette politique. Alors qu’est-ce qui bloque ? La vision de l’usager, injecteur qui serait forcément un délinquant en marge de la société ? Le rôle des associations est aussi de faire changer le regard sur l’usager. C’est un citoyen qui a des droits, notamment le droit à la santé et à la dignité. Je souscris totalement ce qui a été dit par l’association Gaïa. Il y a trois axes : extension, approfondissement de la RdR, réforme de la loi de 1970. Quand je parle de l’extension, je pense au milieu carcéral. Oui, il y a des usagers de drogue en prison et ils ont droit au respect de leurs droits à la santé. Les taux de prévalence au VIH et au VHC y sont très élevés et préoccupants : 2 % pour le VIH, 5 % pour le VHC. Face à ce constat, l’offre de RdR est bien trop faible par rapport au milieu libre. Un accès très inégal aux traitements de substitution, un accès à l’eau de Javel non systématique, des programmes d’échanges de seringues totalement inexistants. En second lieu, il nous faut approfondir la politique de RdR et ses outils. La salle de consommation à moindres risques est un outil qui pourrait compléter un panel en fonction de besoins constatés et après un diagnostic local précis. Mais les acteurs de terrain réfléchissent aussi à d’autres systèmes. Je ne prendrai que deux 41


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exemples : le premier, la prescription d’héroïne sous contrôle médical. J’ai souvent discuté avec le docteur [Daniele] Zullino à Genève (Suisse) et je suis convaincu de la pertinence de ce type de programmes. Pour rappel, dans le cadre du référendum du 30 novembre 2008, les Suisses ont appuyé à 68 % une révision de la législation sur les stupéfiants allant dans ce sens, avec un score de 76 % à Genève, ville pilote d’une telle expérimentation. Le second outil, c’est le programme Éducation aux risques liés à l’injection (Erli), avec la possibilité de manière officielle d’accompagner l’injection dans les Caarud. Je pose la question : de celui qui refuse les nouveaux outils de RdR, ou de celui qui s’injecte des drogues, qui est le plus irresponsable des deux ? Le problème est bien là : la loi de 1970 érige l’usager en tant que délinquant et entraîne une surpopulation carcérale, situation qui empêche une véritable politique de prévention efficace. Cette guerre à la drogue est un échec dont il faut absolument sortir. Il n’y a qu’une solution : réformer la loi de 70. J’ai pris ces deux exemples thématiques à dessein pour montrer les liens entre respect et promotion des droits de l’Homme et prévention du VIH/sida. Le trait d’union, c’est l’action politique : « Le sida se soigne aussi par la politique », comme j’ai l’habitude de le dire. L’investissement de tous les élus, de droite et de gauche, locaux et nationaux, est nécessaire. Oui, le local peut faire beaucoup dans la lutte contre le sida. Les élus locaux ont toute légitimité pour intervenir. En mars 2014 se tiendront des élections municipales. Des élections au cours desquelles ELCS va lancer un questionnaire sous forme d’appel composé de plusieurs engagements de campagne. Il s’agira de bases de travail, et non pas seulement des promesses de campagne. Plus largement, ELCS continuera ce « bruit de fond », indispensable, via notamment la création d’un maillage de villes ayant candidaté et obtenu le label Ville engagée contre le sida. Béthune et Montpellier vont bientôt obtenir ce label. Notre but est de créer un véritable réseau de villes engagées contre le sida, et de créer ainsi un corpus de bonnes pratiques. J’ai peur de cette France divisée. Sincèrement, comme jamais dans ma vie. Pourtant, j’ai bien sûr de l’espoir. Nous devons nous unir autour de notre devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité. Nous devons nous en servir comme le socle pour créer une nouvelle société où l’Autre, quelle que soit sa différence ou son origine, aura les mêmes droits et les mêmes devoirs, une société où toutes les maladies seront prises en charge de façon égale, où la liberté de chacun, dès lors qu’elle ne remet pas en cause l’équilibre global, sera protégée, une société, tout simplement, plus humaine. Je vous remercie.

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Son Excellence Mme Anne Dorte Riggelsen Ambassadeur du Danemark à Paris Bonsoir à tous, Merci de m’avoir invitée à vous dire quelques mots aujourd’hui. Je suis d’autant plus émue d’être ici que je suis en très bonne compagnie. Car vous vous battez pour une noble cause, malheureusement nécessaire. Depuis le début des années 1980, le sida a affecté la vie de plus de 30 millions de personnes. Le sida a un impact profond non seulement sur la vie de la personne infectée, mais plus largement sur sa famille et sur la communauté entière dont elle fait partie. Je le sais malheureusement de première main comme plusieurs de mes amis ont succombé au sida. Ceci m’a profondément touchée et c’est une raison de plus pour laquelle je suis émue d’être ici. La lutte contre le sida nous concerne tous. Heureusement, dans cette lutte, il y a aussi de l’espoir et même du positif. La lutte globale contre le sida est l’histoire d’un effort extraordinaire qui montre qu’il est possible pour la communauté internationale de faire de vraies avancées pour résoudre des catastrophes globales. Dans ce contexte, le Danemark fournit environ 1 milliard de couronnes soit environ 135 millions d’euros chaque année pour la lutte contre le sida. Grâce à ce financement, nous appuyons comme la France le travail des organisations internationales telles que l’Onusida et le Fonds mondial contre le sida. Nous travaillons également avec les autorités nationales de nombreux pays en voie de développement pour renforcer leur système de santé pour traiter efficacement la prévention et le soin du VIH. Même si nous revenons de loin dans la lutte contre le sida, nous n’y sommes pas encore. La transmission du VIH continue et dans certains pays on voit même une augmentation de l’incidence du VIH : beaucoup reste à faire. Vous avez centré le débat aujourd’hui autour du thème « Quand la discrimination se dédouble », je trouve que c’est un thème tout à fait primordial car afin de lutter pleinement contre le sida, nous devons aussi tenir compte des obstacles tels que la discrimination et la stigmatisation. Parmi ceux qui ont été touchés par le sida, les homosexuels ont été particulièrement stigmatisés. Au Danemark, qui a été le premier pays à reconnaître le Pacs, une loi instaurant le mariage pour tous à l’Hôtel de ville comme à l’église a été

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adoptée, dans le calme. Et en dépit des événements de cet été, ceci est heureusement le cas aussi en France comme d’ailleurs un peu partout dans le monde occidental. Mais il reste beaucoup à faire, notamment à l’Est comme au Sud, pour terminer la stigmatisation liée au sida. Car lutter contre le sida, c’est se battre sur deux fronts : contre la maladie elle-même, et contre les préjugés qui malheureusement l’entourent encore. On perd des amis, mais quelque fois on se fait des amis. Cher Jean-Luc, merci de m’avoir invitée. Je vous remercie de votre attention.

Chants du Chœur Mélo Men

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Le VIH/sida et les hépatites virales en France Chiffres clés du VIH/sida en France (source : InVS) • 6400 découvertes de séropositivité en 2012. - 42 % concernent des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). - 23 % des femmes hétérosexuelles nées à l’étranger, pour les trois quarts en Afrique subsaharienne. - 15 % des hommes hétérosexuels nés à l’étranger, pour les trois quarts en Afrique subsaharienne. - 10 % des hommes hétérosexuels nés en France. - 7 % des femmes hétérosexuelles nées en France. - 1 % des usagers de drogues. • Nombre de découvertes chez les HSH : + 14 % depuis 2011. 47 % des HSH sont diagnostiqués séropositifs dans les six mois qui suivent leur contamination. • 1500 cas de sida ont été déclarés en France en 2012. 24 % chez les HSH. 68 % chez les hétérosexuels. 61 % de ces diagnostics ont été posés chez des personnes non dépistées et 23 % chez des personnes dépistées mais non traitées. • 150 000 personnes sont séropositives en France. • 50 000 personnes ignorent leur séropositivité.

Chiffres clés des hépatites virales en France • 280 000 personnes contaminées par le VHB. • 360 000 personnes contaminées par le VHC. • 45 % des personnes infectées par le VHB n’ont pas connaissance de leur statut. • 43 % des personnes infectées par le VHC n’ont pas connaissance de leur statut. • Via le diagnostic et les traitements, le VHB peut être contrôlé chez 80 % des patients et guéri pour 70 % des personnes infectées par le VHC. • Augmentation des moyens alloués par l’ANRS sur les hépatites : 22 % en 2012 contre 5 % en 2005. 47


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Chiffres clés sur les drogues en France (source : OFDT) Cannabis • 41,5 % des jeunes de 17 ans ont expérimenté le cannabis et 6,5 % sont des fumeurs réguliers. • 32,8 % des adultes de 18 à 64 ans ont expérimenté le cannabis et 2,1 % sont des fumeurs réguliers. • En 2011, les jeunes Français âgés de 15-16 ans sont les plus gros consommateurs de cannabis en Europe. • 122 439 interpellations pour usage de cannabis / 90 % des interpellations pour usage de stupéfiants. Leur nombre a été multiplié par cinq depuis le début des années 1990. Cocaïne, héroïne, opaciés • 3,0 % des jeunes de 17 ans ont expérimenté la cocaïne, contre 3,8 % des adultes. • À 17 ans, 0,9 % des jeunes ont expérimenté l’héroïne, contre 1,2 % des adultes. • 281 000 « usagers problématiques de drogues ». • 60 000 personnes vues dans les structures de réduction des risques pour usagers de drogue. • 170 000 personnes bénéficiant de prescriptions de traitement de substitution aux opiacés. • Parmi les usagers de drogues injecteurs (au moins une fois dans la vie), prévalence du VIH : 6,2 % à 7,4 %, du VHC : 33,3 % à 46,0. • 392 décès par surdoses. • 75 décès par sida d’usagers injecteurs. • 7 255 interpellations pour usage d’héroïne. • 4 679 interpellations pour usage de cocaïne ou de crack. Drogues de synthèse • 1,9 % des jeunes de 17 ans ont expérimenté l’ecstasy et 2,7 % des adultes. • 60 nouveaux produits de synthèse répertoriés entre 2008 et 2012.

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Focus sur

Le VIH/sida et les jeunes : un maillage d’information à resserrer

Le sida est devenu une maladie chronique : depuis 1996, la mise sur le marché de traitements efficaces a permis de retarder l’apparition des premiers symptômes et de retarder l’évolution de la maladie. Ce faisant, les jeunes qui ont commencé leur vie sexuelle après 1996, n’ont pas connu les « années noires » du sida et n’ont pas le même rapport à la maladie. Aujourd’hui, même si l’on constate une protection toujours élevée lors des premiers rapports sexuels, il n’en reste pas moins que les connaissances sur les modes de transmission de la maladie sont moins bonnes qu’auparavant. L’usage du préservatif est toujours très élevé pour qui est du premier rapport sexuel, elle l’est moins ensuite. Les résultats d’une enquête SMEREP menée en 2014, indiquent que près d’un étudiant sur trois (30 %) ayant des rapports sexuels déclare ne « jamais » utiliser de préservatifs. Et ils ne sont que 41 % à y avoir recours systématiquement, selon l’enquête. Plus globalement l’efficacité du préservatif est remise en cause pour la première fois : l’enquête KABP de 2010 indique que même si la croyance en l’efficacité du préservatif pour se protéger du VIH est importante, elle n’est aussi absolue (la part des répondants qui considèrent le préservatif comme seulement « plutôt efficace » est en augmentation constante). Ces faits posent donc la question de l’information sur le VIH, l’assimilation des connaissances. Une enquête IFOP/Sidaction/ELCS a été publiée autour de la Journée mondiale de lutte contre le sida. Elle montre que 86 % des jeunes Français déclarent être bien informés sur le virus du sida, ses modes de transmission, ses traitements et sa prévention. S’ils sont 68 % à se dire « plutôt bien informés » (+ 9 points par rapport à 2012), ils ne sont cependant plus que 18 % à estimer qu’ils sont « très bien informés » (- 8 points), signe d’une moindre « densité » du niveau d’information des jeunes. Dans le même temps, la proportion de jeunes se déclarant « mal informés » reste stable, passant de 15 à 14 %, et aucun jeune interrogé ne se déclare « très mal informé » sur le VIH. Si ces scores restent encourageants, ils cachent des disparités importantes, notamment en termes d’éducation scolaire sur le sujet. La connaissance des enjeux relatifs au VIH est ainsi nettement plus élevée auprès des personnes qui ont bénéficié d’une information scolaire sur ce thème (89 %) que parmi les autres interviewés (61 %). Les jeunes qui ont bénéficié à plusieurs reprises d’une information sur 49


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le VIH dans le cadre scolaire sont les plus nombreux (98 %) à se déclarer bien informés. L’analyse du niveau d’information sur différents éléments relatifs à la prévention et au traitement du VIH montre, en revanche, que les jeunes sont moins prompts à se dire bien informés. Dans le détail, le niveau d’information s’avère plus élevé en ce qui concerne les lieux où aller se faire dépister (64 %, + 1 point), l’existence et l’intérêt des préservatifs féminins (63 %, - 2 points), logiquement davantage connus par les jeunes femmes (69 %, soit toujours ce même écart de 11 points avec les hommes observé dans la vague précédente), ainsi que l’existence d’un traitement d’urgence si on a pris un risque (61 %, en progression de 3 points par rapport à l’année dernière). Le niveau d’information est plus bas en ce qui concerne les traitements pour les personnes séropositives. Alors qu’ils n’avaient pas été interrogés sur ce point dans les précédentes vagues de l’enquête, les jeunes sont seulement un peu plus de la moitié (51 %) à affirmer être bien informés sur ces traitements. L’ensemble de ces données démontrent bien l’importance d’une politique volontariste menée par les élus sur l’éducation à la vie affective et sexuelle en milieu scolaire et hors scolaire.

La gratuité du préservatif en débat

Alors que 6.000 nouveaux cas de séropositivité au VIH sont découverts chaque année, se pose forcément la question de l’accès aux moyens de prévention notamment le préservatif. Aujourd’hui, la grande majorité des préservatifs proviennent du secteur marchand (selon l’enquête de la LMDE du 1er décembre 2012, près de 80 % des préservatifs obtenus par les étudiants ont été payés). Faire payer un outil de prévention ne va pas de soi : la baisse drastique du coût unitaire a déjà été mise en œuvre (20 cents le préservatif) mais ELCS demande à aller encore plus loin et réclame la gratuité du préservatif. Ce type de gratuité serait justifiée sur le plan sanitaire et a déjà fait ses preuves : à titre d’exemple, les seringues sont ainsi distribuées aux usagers de drogues pour éviter les contaminations au VIH ou à l’hépatite C. Ce faisant, il apparaît justifié, sur le plan d’une logique de santé publique efficace et pragmatique, le remboursement d’un outil dont le but est d’éviter la contamination par une maladie mortelle. Cette mesure serait économiquement viable : la prévention, c’est coût-efficace ! Prévenir une contamination au VIH emporte un poids financier bien moindre que de devoir traiter une personne toute sa vie. La gratuité des préservatifs, outre le 50


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fait d’être une mesure de santé efficace, serait l’expression par l’État de son rôle de bon gestionnaire des finances publiques. Cette mesure serait totalement réalisable et existe d’ailleurs déjà avec le Syndicat national des entreprises gaies (SNEG) qui a déjà passé un accord avec l’État pour que soient mis à disposition gratuitement dans les boîtes, bars et saunas gays des préservatifs et du gel, en échange de la mobilisation d’agents de prévention. Pour la mise en œuvre de cette logique de santé publique couplée à une logique de bon gestionnaire, l’État pourrait mettre en place deux systèmes : - La mise en place de la gratuité totale via des contrats passés entre État et fabricants et mise à disposition dans les lieux publics (mairies, gymnases, hôtels des impôts, centres de la sécurité sociale...) comme dans les cafés, les restaurants et les pharmacies. - Le remboursement des préservatifs via une prescription faite par un médecin pour les personnes séropositives et pour ceux pour qui le coût est un réel obstacle comme les jeunes de moins de 25 ans et les personnes vivant avec les minima sociaux.

Le dépistage du VIH : LA priorité

Le dépistage du VIH est une démarche volontaire lié au consentement de la personne. Il n’y a pas de dépistage forcé ou fait à l’insu et sans le consentement. Le test n’est obligatoire que dans quelques rares cas: dons de sang, d’organes, de sperme, d’ovocytes et de lait. En France, l’activité de dépistage du VIH est très important avec près de 5 millions de tests réalisés par an. Le dépistage a un intérêt sur le plan tant individuel que collectif. Sur le plan individuel, le dépistage de l’infection à VIH permet de bénéficier d’une discussion au plus près de ses pratiques et de conseils de prévention personnalisée. En cas de découverte d’une séropositivité, cela permet d’accéder à la prise en charge la plus précoce possible. Sur le plan collectif, le dépistage limite la propagation de l’épidémie par la responsabilisation des personnes vivant avec le VIH et par l’action des ARV sur la transmission du VIH (la prise d’un traitement antirétroviral efficace rend la charge virale indétectable et baisse donc automatiquement le risque de transmission du VIH). Le dépistage est l’une des priorités du Plan national de lutte contre le VIH et les IST 2010-2014. L’objectif énoncé est de réduire tant le retard au diagnostic (près de la moitié des personnes découvrant leur séropositivité le font à un stade trop tardif) que le nombre important des personnes ignorant leur séropositivité (50 000 51


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personnes en France). Cet objectif repose sur trois axes d’intervention : - la proposition de test par les professionnels de santé dans le cadre de recours aux soins (concrètement, une proposition de dépistage est proposée par le médecin généraliste ou par les services de premier secours), - le développement des tests rapides, en direction des populations à forte incidence (HSH et migrants), - la rénovation du dispositif de dépistage pour une prise en compte plus large de la santé sexuelle. L’utilisation des tests rapides et une offre de proximité sont aussi préconisées. Cette approche est aussi bien justifiée sur le plan de la santé publique que sur le plan économique. La mise à disposition des autotests de dépistage du VIH a longtemps été l’objet de débats en France. Se posait notamment la question de leur fiabilité et de l’isolement de la personne devant l’éventuelle découverte d’une séropositivité. Pour ce qui est de la fiabilité, la technique a beaucoup évolué ; aujourd’hui, le nouveau test OraQuick in-Home HIV, a fait l’objet d’une évaluation approfondie et sa fiabilité a été prouvée : 98 % pour un test négatif et 93 % pour un test positif. Après deux avis défavorables (1998 et 2004), fin 2012, le CNS se prononce pour l’utilisation des autotests du VIH compte tenu de l’évolution des stratégies de dépistage du VIH en France, des enjeux liés à une offre de dépistage plus adaptée et de l’évolution des performances des autotests. Le Comité national consultatif d’éthique (CCNE), début 2013, rend également un avis favorable à leur commercialisation. La dernière enquête – KABP (2010) comportait une question sur l’autotest (à cette date, l’autotest n’était pas disponible) : en population générale française, l’enquête montre un haut niveau d’adhésion à l’autotest en général (86,6 % des hommes et 83,3 % des femmes) et pour soi-même (75 % des hommes et 69,8 % des femmes). Pour ce qui est des HSH, en 2009, une enquête en ligne avait été menée : 30 % connaissaient l’existence des autotests et 86,5 % étaient intéressés par cette forme d’accès au dépistage . Aujourd’hui, la position des pouvoirs publics français quant à l’autotest est très claire : «L’année 2014 sera celle de la mise en place des autotests [de dépistage du VIH]. J’ai donné le feu vert à la demande des autorisations nécessaires pour ces autotests qui permettront à une population limitée mais bien identifiée de pouvoir pratiquer des tests.», a déclaré le 7 novembre 2013, Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, devant une commission parlementaire. 52


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La vie des personnes séropositives : précarité et isolement

L’enquête Vespa2 a pour objet de donner un aperçu précis des conditions de vie des personnes touchées par le VIH aussi bien sur les aspects sanitaires, sociaux, économiques que comportementaux. Elle fait suite à une première enquête datée de 2003, quels en sont les premiers enseignements ? Le pourcentage de personnes sous traitement a augmenté de 83,2 % en 2003 à 93,3 % en 2011. Le vieillissement de la population séropositive suivie à l’hôpital est confirmé : l’âge moyen est passé de 41 ans en 2003 à 49 ans en 2011. La précarité et l’isolement touchent de plein fouet les personnes séropositives : 31,5 % ne parviennent pas à faire face à leurs besoins sans s’endetter. Une personne sur cinq rencontre des difficultés à se nourrir au quotidien par manque d’argent. 40 % des personnes interrogées vivent seules (55 % chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes). Pour ce qui est de l’emploi, la situation est très difficile : le niveau d’activité des personnes touchées est très inférieur à celui de la population générale. 58,5 % des personnes interrogées travaillent et 13 % sont à la recherche d’un emploi.

Les discriminations en France : une réalité à combattre

Alors que cela fait plus de 30 ans que le combat contre le VIH/sida est engagé, la discrimination envers les personnes séropositives reste à un niveau très élevé. Elle repose sur les préjugés, la méconnaissance et le jugement moral et de valeurs. Les discriminations : une réalité vécue par les personnes séropositives Enquête de Sida info droit – 2010 : Plus d’une personne sur deux (54,2 %) pense avoir déjà été discriminée du fait de sa séropositivité. Près de la moitié des personnes interrogées (48 %) rapportent une situation vécue comme discriminante dans le domaine de la santé. Une discrimination assumée ‒ Enquête KABP ‒ 2010 : 73 % des franciliens interrogés estiment que pour éviter les discriminations une personne séropositive a raison de garder son diagnostic secret. Moins de 20 % des répondants auraient des relations sexuelles protégées avec une personne ­séropositive. 53


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Une stigmatisation due à la méconnaissance : Moins on connait une maladie, plus on a peur de son porteur : en 2010, 21 % des jeunes pensent que le VIH peut être transmis par une piqûre de moustique. Cette méconnaissance des modes de transmission entraîne automatiquement une peur irraisonnée de la contamination. Ces données démontrent, s’il en était encore besoin, l’urgence à œuvrer au plus près des personnes touchées contre une maladie dont le poids social est toujours très dur à supporter.

La réduction des risques en directions des usagers de drogues : une nécessaire innovation

La politique de réduction des risques (RDR) basée sur l’information, l’accès au matériel stérile et les traitements de substitution est une des politique de santé les plus efficaces : elle a notamment permis une baisse très importante des contaminations au VIH chez les usagers de drogues (- de 2 % aujourd’hui). Cette politique a été légalisée par la loi du 13 août 2004 et une centaine de CAARUD ont été créés depuis 2005. Au niveau international, la déclaration de Vienne de 2010 a clairement élevé la RDR comme solution face à des politiques répressives dont les impacts sont très limités sur le plan sanitaire et social. Aujourd’hui, clairement, les défis sont : la précarité et l’hépatite C. Ainsi, la prévalence au VHC s’établit à près de 60 % et la prévalence de la co-infection VIH/ VHC est une des plus élevées en Europe. La précarité est extrêmement problématique au sein des usagers de CAARUD : 21 % ne disposent d’aucun revenu 54 % d’un revenu social uniquement. Face à cela, la solution est bel et bien l’approfondissement de la politique de RDR et cela passe notamment par l’expérimentation de salles de consommation à moindre risque. Il existe actuellement plus de 90 salles de consommation dans le monde dont la grande majorité en Europe. Le premier de ces centres à avoir obtenu une autorisation légale s’est ouvert en Suisse à Berne en 1986. Dans la décennie suivante, plusieurs pays européens (Pays-Bas, Allemagne, Espagne) ont suivi cet exemple, ainsi que l’Australie et le Canada. Elles ont été créées suite au constat que les dispositifs de RDR (échange de seringues etc) ne touchaient pas une population d’usagers de drogues particulièrement précarisée. Ce type de structure accueille en priorité les consommateurs d’héroïne ou de cocaïne par injection qui viennent avec leur drogue. La structure ne fournit en aucun cas de drogue. L’intérêt est la sécurité sanitaire : la salle de consommation permet 54


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de réduire principalement les risques d’infection au VIH ou VHC, en fournissant un lieu propre et sécurisé, des seringues, sous la surveillance de personnel médical pour prévenir notamment toute overdose. La SCMR permet à l’usager de ne pas s’injecter dans la rue. Ce faisant, ce type de structure a un intérêt en termes de santé publique puisqu’elle permet une prévention de la contamination au VHC et au VIH mais également en termes de sécurité publique (notamment quant à l’absence de matériel d’injection sur la voie publique). Le débat en France sur cette question est compliqué. En voici la chronologie : - 8 et 9 juin 2009 : le Conseil de Paris s’est montré favorable à l’ouverture d’un débat sur les salles de consommation. - 4 novembre 2009 : Roselyne Bachelot annonce qu’elle est favorable à l’expérimentation des salles de consommation et qu’une expertise collective est menée par l’Inserm sur le sujet. - 20 juillet 2010 : Roselyne Bachelot déclare vouloir entamer une concertation avec les élus des communes afin de mettre en place les axes préconisés par l’expertise. Parallèlement, la Mildt s’oppose à la création de ce type de structure. - 11 août 2010 : François Fillon déclare que « la priorité du gouvernement est de réduire la consommation des drogues en France, non de l’accompagner voire de l’organiser », et que les salles de consommations ne « sont ni utiles, ni souhaitables ». - 12 août 2010 : Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, se déclare pour l’ouverture d’une salle de consommation dans la ville de Marseille. - 2 octobre 2010 : l’Inserm publie son expertise en faveur de l’ouverture des SCMR. - 5 octobre 2010 : l’Assemblée nationale et le Sénat décident de créer une mission d’information parlementaire sur cette question. - décembre 2010, le conseil régional d’Île-de-France vote, pour le budget 2011, un financement supplémentaire de 300 000 euros pour l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque. - 13 janvier 2011 : l’Académie de Médecine affirme son opposition à l’ouverture de SCMR. - 6 avril 2011 : le CNS affirme son adhésion au projet. - 22 octobre 2012 : Marisol Touraine Ministre des affaires sociales et de la Santé s’est déclaré favorable à l’expérimentation des salles de consommation. - 10 décembre 2012 : le Conseil de Paris adopte l’attribution d’une subvention de 38 000 € à l’association Gaïa pour l’ouverture d’une SCMR à Paris. 55


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- 5 février 2013 : Jean-Marc Ayrault donne son feu vert pour l’expérimentation d’une salle de consommation à moindre risque. La Mildt est chargée de cette expérimentation. - Juin 2013 : un lieu dans Paris pour ouvrir la première salle de consommation est trouvé, au 39 boulevard de la Chapelle dans le quartier de la Gare du Nord dans le 10e arrdt de Paris. - 24 juillet 2013 : La Haute Autorité de Santé rend un avis favorable à l’expérimentation d’une salle de consommation à moindre risque. - 8 octobre 2013 : le Conseil d’État donne un avis défavorable à l’expérimentation d’une salle de consommation à moindre risque. Il demande « au gouvernement d’inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique ». Le débat est compliqué, certes, mais cette expérimentation est nécessaire. Les évaluations faites montrent toutes l’intérêt sanitaire et social de ce type de structure. Si elles respectent des principes simples de transparence, elles seront totalement intégrées par le voisinage. À titre d’exemple, dans le cadre du référendum tenu le 30 novembre 2008, la Suisse a appuyé à 68 % la révision de la loi sur les stupéfiants basé sur quatre piliers dont les salles de consommation à moindre risque et le traitement avec prescription d’héroïne. À 76 % même, à Genève, ville pilote de cette politique efficace et pragmatique. Les innovations en matière de RDR peuvent aussi prendre d’autres formes, notamment la délivrance d’héroïne sous contrôle médicalisé. Les innovations peuvent aussi viser d’autres publics : ainsi, un collectif d’associations a élaboré un outil de réduction des risques, « Kit Base », pour l’usage de crack fumé. Cet outil est issu de l’expérience de ces associations auprès des usagers accompagnés et vise à limiter le risque de blessures et la transmission virale ; l’outil a récemment reçu un avis favorable de la part de la Direction Générale de la Santé. Outre l’innovation en termes d’outils, il nous faut penser la RDR en termes de champ d’application. La prévalence du VIH en prison est très inquiétante puisqu’elle est estimée à 2 %. Pour l’hépatite C, c’est pire puisque la prévalence est estimée à 4,8 %. Face à ce constat, l’offre de RDR est bien trop faible par rapport au milieu libre : un accès très inégal aux traitements de substitution, un accès à l’eau de javel non systématique, des programmes d’échange de seringues inexistant... Instaurer une vraie politique de RDR en prison, c’est une nécessité : d’une part parce que cela répondrait à un vrai besoin sanitaire et d’autre part, parce que cela permettrait de respecter la loi, celle du 4 mars 2002 relative aux droits des malades qui reconnaît dans son article L110-1 que « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous les moyens disponibles au 56


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bénéfice de toute personne (...) les autorités sanitaires (...) contribuent à garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé » et ainsi « assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible ». Ce droit fondamental à la santé qui comprend donc l’accès aux dispositifs de RDR ne peut trouver sa limite au seul prétexte qu’il s’agirait du monde carcéral.

La dignité... même devant la mort ! Aujourd’hui, en France, les soins funéraires sont interdits aux personnes séropositives ou touchées par une hépatite virale. Cela signifie concrètement la mère, que le frère, que le fils de cette personne n’aura pas le droit de lui rendre un dernier hommage... Cette réglementation est inhumaine pour les proches et inutile pour les thanatopracteurs. Voilà pourquoi le Conseil national du sida, le Haut Conseil à la santé publique, le Défenseur des droits, l’IGAS demandent la levée de cette interdiction. Voilà pourquoi près de 100 000 personnes ayant signé la pétition lancée par ELCS fin 2013 réclament la dignité pour les malades. La ministre des affaires sociales et de la santé a finalement annoncé la levée de cette interdiction pour 2016. À ELCS, nous restons prudents : trop de promesses non tenues.

Notre mobilisation ne faiblira pas !

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Le VIH/sida à l’international Les chiffres clés du VIH/sida dans le monde (source : ONUSIDA) • 35,3 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde. • 17,8 millions d’enfants ont perdu un père, une mère ou les deux à cause du sida. • 2,3 millions de nouvelles infections à VIH. • Baisse de 33 % des nouvelles infections depuis 2001. • Baisse de 52 % des nouvelles infections chez les enfants depuis 2001. • 9,7 millions de personnes ont accès aux traitements. • 28,6 millions de personnes sont éligibles aux traitements. • 1,6 millions de décès dus au sida en 2013. • Baisse de 29 % des décès liés au sida depuis 2005.

Sur le plan financier

Au niveau mondial • 18,9 milliards de dollards US sont alloués à ce combat. • Les besoins sont estimés entre 22 et 24 milliards de dollards US. Contribution de la France • 360 millions d’euros par an au Fonds Mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme, dont 5 % sont réservés à l’apport d’expertise auprès des pays francophones pour appuyer la mise en œuvre des subventions du Fonds mondial (dispositif géré par France expertise internationale) ; • 110 millions d’euros par an à la facilité internationale d’achat de médicaments UNITAID, grâce à la solidarité de chaque passager aérien (taxe de solidarité sur les billets d’avion) ; • Plus de 2 millions d’euros par an via les contributions au Programme commun des Nations unies sur le Sida (ONUSIDA) et ses co-sponsors ; • 44 millions d’euros par an à l’aide bilatérale contre le VIH/sida, notamment à travers les projets financés par l’Agence Française de Développement (AFD) et la coopération hospitalière (GIP ESTHER « Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique Hospitalière En Réseau »).

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Focus sur

La liberté de circulation et d’établissement des PVVIH En 2013, 40 pays appliquent encore des restrictions à la liberté de circulation et d’établissement des personnes vivant avec le VIH. Face à cette situation, ELCS mène depuis plusieurs années déjà un intense lobbying contre ces restrictions, aussi inhumaines que dangereuses, tant le plan individuel que collectif. Ces restrictions constituent une atteinte grave aux droits humains. Tout d’abord, au regard de la personne qui découvrirait sa séropositivité via un test imposé à l’entrée (quid du suivi de la personne quant au choc psychologique engendré ? Quid du conseling ?). Également pour la personne qui se sait touchée : une expulsion du territoire est forcément traumatisante. Refuser l’admission ou l’installation d’une personne séropositive au seul motif de son statut sérologique renvoie à une vision totalement perverse du malade : le séropositif comme vecteur de maladie, comme possible contaminateur. Cela ne fait que renforcer le niveau de stigmatisation et de discrimination à l’encontre des personnes vivant avec le VIH et, décourager tant les nationaux que les étrangers d’avoir recours aux services de prévention, de dépistage et de prise en charge du VIH. Ces restrictions ont également des effets dramatiques sur l’efficacité des politiques de santé. Elle met à mal les fondements de toute politique de prévention qui repose tant sur les personnes touchées que les personnes séronégatives, c’est ce qui se nomme la notion de responsabilité partagée, notion que les associations défendent, notamment le Conseil national du sida. Il faut l’affirmer haut et fort : les personnes séronégatives comme séropositives sont responsables de leur propre prévention et cette affirmation est toujours plus vraie au regard des évolutions de la lutte qui fait du traitement un outil majeur de prévention. Au-delà de leur inefficacité, de telles restrictions peuvent se révéler contre-productive et être la cause d’une baisse de la vigilance et de pratiques à risques en hausse. Comment ? Tout simplement en créant un sentiment de fausse sécurité, en laissant à penser que le sida est une maladie d’étrangers et que le VIH vient de l’extérieur. Ce raisonnement peut mettre à mal des années de politique de prévention basées sur la connaissance de la maladie, l’éducation, la responsabilisation individuelle et collective. Lutter contre le sida en luttant contre les malades et non contre la maladie est une erreur fatale qui met en péril la politique de lutte contre le sida et conduit clairement à une moins bonne protection de la santé publique. 59


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L’argument économique qui voudrait que ces restrictions soient justifiées par le contrôle des dépenses de santé est d’une part faux, d’autre part insupportable. Faux car la personne séropositive est un acteur de la société qui contribue à sa richesse en travaillant et en payant des impôts. Sa venue permettra souvent de pallier un manque de mains d’œuvre ou un manque de personnel dans tel ou tel secteur de l’économie. De plus compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie des personnes touchées, il est impossible d’affirmer que les séropositifs coûteront davantage qu’ils n’apporteront de bénéfices au cours de leur séjour. Insupportable au regard de la vision que cela révèle de la personne touchée par le VIH/sida. Malade = charge financière. Depuis des années, ELCS martète ce message. La Chine et les États-Unis ont modifié leur législation : à quand les 40 autres ?

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Le sida se soigne aussi par la politique : le principe fondateur d’ÉLCS

Présentation d’Elus Locaux Contre le Sida L’association ELCS (Élus Locaux Contre le Sida) est une association à but non lucratif et apolitique. L’association soutient et met en place des actions d’information et de prévention à destination des élus mais aussi auprès des patients et du grand public dans un but de prévention, d’information et d’action. « Le sida n’est ni de droite ni de gauche » : partant de cette idée simple, l’association ELCS a été créée en 1995 par Jean-Luc Romero-Michel, premier et seul élu à avoir parlé publiquement de sa séropositivité. Unique dans le paysage associatif, cette association regroupe des élus français de tous bords politiques ! Notre association n’est rattachée à aucun parti ou mouvement politique : sur une question aussi importante, il est nécessaire de dépasser les clivages. Au-delà de la question du VIH/sida, nous travaillons aussi sur la question des IST, des hépatites, de la réduction des risques en direction des usagers de drogues et de la lutte contre les discriminations. Nous œuvrons pour une prévention et une information plus efficace que ce soit auprès du grand public que des publics les plus vulnérables, nous combattons les inégalités et les injustices touchant les personnes vivant avec le VIH/sida ou une hépatite et nous sommes force de proposition pour la réalisation d’actions innovantes. Notre liberté, c’est notre force ! Aujourd’hui, plus de 16 000 élus de toutes tendances ont signé le manifeste d’ELCS qui crée une obligation morale de résultat, les engageant à se mobiliser dans ce combat pour la vie. ELCS œuvre au cœur des régions avec l’organisation de tables-rondes départementales et régionales sur le VIH/sida, réunions qui sont destinées à rencontrer – et également à faire se rencontrer – les acteurs locaux de la lutte contre le sida, les élus locaux et le monde médical (vous pouvez suivre nos tables-rondes partout en France sur elcs.fr ou avec le hashtag #TourDeFranceContreLeSida). Au cours 61


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de ces réunions (notre Tour de France... mais contre le sida !), qui sont les plus importantes manifestations d’élus contre le sida organisées depuis le début de l’épidémie, les intervenants font le point sur la situation dans chacun des départements visités, sur les actions développées par les collectivités locales mais aussi et surtout réfléchissent à la mise en place de projets communs. Chaque fin d’année, autour de la Journée mondiale de lutte contre le sida, sont organisés les États Généraux, manifestation qui permet de dresser le bilan des politiques publiques en matière de lutte contre le sida et d’être force de proposition via des solutions innovantes pour le futur. Ces États Généraux sont le cadre d’intervention de nombreuses personnalités françaises et internationales notamment de nombreux ministres mais aussi, au plus haut sommet de l’État français dont le Président de la République (2007-2012), Nicolas Sarkozy, mais aussi du Président de la République actuel, François Hollande. Informer les patients et le grand public est aussi une mission quotidienne d’ELCS, avec par exemple, le site www.aids-sida-discriminations.fr: un site d’information pour les voyageurs séropositifs ainsi qu’un outil de plaidoyer pour la liberté de circulation et d’établissement des personnes vivant avec le VIH/sida. Pour plus de visibilité, nous avons lancé en 2012, le label « Ville engagée contre le sida » pour que les villes les plus engagés dans cette lutte puissent, après acceptation de leur dossier, afficher fièrement leur soutien dans ce combat pour la vie. Notre association, est organisée en réseau, composée en délégations régionales et départementales. Les publications de l’association sont : ELCS Infos (lettre d’information trimestrielle), les Actes / Guide annuel et diverses publications à destination des élus, patients, professionnels et du grand public.

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La Gouvernance de l’association Élu par la 9e Assemblée Générale de l’association, à l’Assemblée Nationale en novembre 2013. Président

Jean-Luc ROMERO-MICHEL Conseiller régional (Apparenté PS) d’Île-de-France, Maire-Adjoint du 12e arrond. de Paris, Membre du Conseil National du Sida

Secrétaire Général

Patrick TEISSÈRE, Adjoint du Maire (UMP) du Havre

Trésorier

Philippe LOHÉAC Trésorier du Crips Île-de-France

Vice-présidents

Eddie AÏT, Conseiller régional délégué (PRG) d’Île-de-France

Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Maire (UMP) de Puteaux

Roxane DECORTE, Conseillère (UMP) de Paris, 2008-2014

Philippe DUCLOUX, Conseiller (PS) de Paris, Conseiller du 11e arrond. de Paris

Julie NOUVION, Conseillère régionale (EELV) d’Île-de-France

François QUESTE, Conseiller municipal (PS) de Béthune, 2008-2014, cadre infirmier

Fabien ROBERT, Adjoint au maire (Modem) de Bordeaux

Michèle VOISIN, Adjointe au maire (UMP) de St-Laurent-du-Var, 2008-2014 63


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Secrétaires Généraux adjoints

Christine FREY, Conseillère régionale (PS) d’Île-de-France, Conseillère du 3e arrond. de Paris

Elisabeth RAMEL, Conseillère municipale (PS) déléguée de Strasbourg, 2008-2014, responsable associative

Laurent ROSAIN, Adjoint au Maire (SE) d’Annecy, 2008-2014

Ludovic PIRON, Collaborateur de cabinet

André STAUT, Directeur d’agence d’événementiel

Michèle PARION, Assistante parlementaire

Paul SIMONET, Conseiller municipal (UMP) de Cannes, 2008-2014, Médecin

Nicolas NOGUIER, Président de l’association Le Refuge

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Comment soutenir ELCS ? Manifeste d’Élus Locaux Contre le Sida ÉLUS LOCAUX CONTRE LE SIDA

Élu(e) local(e), je m’engage à : 1. S ensibiliser mes citoyens sur la nécessité de la prévention contre le sida et sur la solidarité à l’égard des personnes séropositives ou ayant déclaré la maladie, 2. M ettre en œuvre une politique de lutte contre le sida planifiée sur la durée de mon mandat et dans la collectivité locale dont je suis élu(e). Cette politique sera définie en concertation avec les pouvoirs publics, les intervenants locaux, les associations nationales et locales de lutte contre le sida. Nom : .................................................................................................... Prénom :...................................................................................... . Mandat(s) électif(s) : .............................................................................................................................................................................. Collectivité locale :................................................................................................................................................................................... Adresse : ................................................................................................................................................................................................................ Code Postal : .............................................................................. Ville : ................................................................................................ Téléphone : ................................................................................... Télécopie :.................................................................................. Courriel : ........................................................................................ @ .......................................................................................................... Les coordonnées ci-dessus sont : Fait à : ................................................ le :

o personnelles (de préférence) o celles de ma collectivité locale d’élection o professionnelles ....................................................

Signature :

À retourner à Élus Locaux Contre le Sida (ELCS) - 84, rue Quincampoix - 75003 Paris 65


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Comment soutenir ELCS ? Par la COTISATION, l’ADHÉSION ou la SUBVENTION

Ces trois modes de soutien à notre association sont dissociables mais compatibles. COTISATION PERSONNELLE

La cotisation personnelle - élu(e) ou non élu(e) Depuis la création de l’association, vos cotisations ont permis de continuer et d’amplifier notre action de terrain, de mobiliser les élus locaux comme nationaux dans un contexte difficile, à la prévention et à l’information sur le sida. L’association ELCS est ouverte à tous, aux élus comme aux non élus. En tant que cotisant, vous recevrez en priorité notre lettre d’information ELCS Infos, les actes des États Généraux – pour mieux comprendre les enjeux de la lutte contre le sida et les chiffres clés, ainsi que l’ensemble de nos publications. ADHÉSION COLLECTIVITÉ

L’adhésion collectivité (ville, agglomération, département, région) ou entreprise Les collectivités peuvent également adhérer à Élus Locaux Contre le Sida. En tant que collectivité adhérente à Élus Locaux Contre le Sida, vous recevrez en priorité, notre lettre d’information ELCS Infos, les actes des États Généraux – pour mieux comprendre les enjeux de la lutte contre le sida, ainsi que les chiffres clés , ainsi que l’ensemble de nos publications. Adhérer à ELCS c’est 3 points positifs !

 Vous vous engagez dans la lutte contre le sida, en soutenant notre association et nos actions de terrain.

 En

tant que collectivité adhérente, un permanent d’ELCS répondra à vos questions en priorité par téléphone au 01.42.72.36.46. ou sur rendez-vous au siège de l’association.

 Vous devenez un partenaire de notre association pour agir auprès de vos habitants sur les questions de la lutte contre VIH/Sida. 67


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par Zeil 68


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SUBVENTION / DON

Voter une subvention à ELCS ! Depuis la création d’ELCS en 1995, les subventions des collectivités locales (ville, agglomération, département, région) ont permis de maintenir notre action de terrain sur l’ensemble du territoire français, y compris en outre-mer. Les subventions des collectivités locales représentent plus de la moitié du budget de l’association. Sans elles, ELCS n’existe plus ! Si vous votez une subvention à notre association, vous avez les mêmes avantages qu’une collectivité adhérente. Bulletins téléchargeable sur elcs.fr

ELCS (Élus Locaux Contre le Sida) 84, rue Quincampoix - 75003 Paris Renseignements au 01.42.72.36.46. ou par courriel : contact@elcs.fr Label « Ville engagée contre le sida »

« Ville engagée contre le sida » est un label créé et décerné par l’association ELCS pour les villes engagées dans le domaine de la lutte contre le sida, selon plusieurs critères. Pour devenir « ville engagée » vous devez :

 Soutenir la lutte contre le sida, en acceptant le principe de notre manifeste « Manifeste des Élus Locaux Contre le Sida ».

 Soutenir notre action, en étant déjà collectivité adhérente ou en votant une subvention à notre association.

 Déposer votre dossier (sur demande auprès d’ELCS) qui sera examiné lors d’un bureau national d’ELCS composé d’élus de droite comme de gauche.

Découvrez la liste sur elcs.fr / Rubrique Ville Engagée contre le sida 69


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Remerciements

M. le Président de la République, M. François HOLLANDE pour son message lors des 18e États Généraux, Mme Marisol TOURAINE, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, pour son soutien dans la sortie du guide / actes, Bertrand DELANOË, Rémi FERAUD, Anne HIDALGO Mme Valérie TRIERWEILER, Alain FOUCHÉ, Jean-Paul HUCHON, Alain JUPPÉ, pour leur constant soutien, à Sheila, notre présidente d’honneur pour sa constante et efficace action sur le terrain, aux côtés d’ELCS à nos amis, qui se sont mobilisé pour la pétition sur les soins funéraires pour tous, dont notamment : Nikos ALIAGAS, Antoine DE CAUNES, Laeticia HALLYDAY, Brigitte LAHAIE, Juliette, Stone, Laurence BOCCOLINI, Charlotte VALANDREY, Jean-Marc MORANDINI Pascale BERLANDIER, Jonathan DENIS, Jacqueline JENCQUEL, Julien HOREL, Geoffroy KRICH, Frédéric LATOUR, Franck LAGUILLIEZ, Christophe MICHEL, Michel MICHEL, Claire PECQUEUR, Dominique THIÉRY, Bastien VIBERT-VICHET, les dévoués collaborateurs et bénévoles d’ELCS à Hubert, mort du sida le 9 mai 1994.

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Merci à nos partenaires 2012/2013 Le président, le trésorier, les membres du bureau, les adhérents d’Élus Locaux Contre le Sida remercient leurs partenaires financiers pour leur soutien. Nos principaux partenaires financiers :

Conseil régional d’Île-de-France, Ministère des Affaires sociales et de la Santé (Direction Générale de la Santé), département de Paris. Villes adhérentes (ou partenaires financiers) : Annecy, Aubervilliers, Béthune, Bobigny, Bordeaux, Carrières-sous-Poissy, Clichy, Le Havre, Levallois-Perret, Lille, Livry-Gargan, Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Nevers, Nice, Pau, Paris, Perpignan, Puteaux, Taverny, Vigneux-sur-Seine, Villepinte. Les régions partenaires : Île-de-France, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les départements partenaires : Bouches-du-Rhône, Essonne, Paris, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val d’Oise, Vienne, Yvelines. Les entreprises partenaires : Abbvie, Banana Café, Laboratoire du Chemin Vert, Janssen Cilag, Pfizer, Roche, LG Com, Gilead. Les médias partenaires Yagg.com, Décision Santé, Acteurs publics.

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Crédits photographiques : Philippe Escalier Prise de notes et transcription des États Généraux : Fabien CARLAT

Dépôt légal : Juin 2014 Imprimerie Arlys - Tél. 01 34 53 62 69

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ES PA TIT HÉ

Actes des XVIIIe Etats Généraux des Elus Locaux Contre le Sida, incluant Le Guide Api 2014-2015 des Elus Locaux Contre le Sida : Pour mieux comprendre les enjeux de la lutte contre le sida, les hépatites et contre les discriminations. En effet, lorsque le politique baisse la garde par manque de courage, la maladie regagne du terrain. Lorsque les femmes et les hommes politiques font preuve de frilosité, la maladie progresse. L’élu, parce qu’il est « en première ligne », parce qu’il à une vraie capacité d’écoute et d’action, a une véritable légitimité à intervenir dans cette lutte pour la vie. L’engagement dans ce combat est, plus qu’une responsabilité, un vrai devoir. Aujourd’hui, plus de 16 000 élus ont rejoints ELCS : c’est beaucoup et peu à la fois. Alors que près de 6 000 de nos concitoyens sont contaminés chaque année par ce virus, nous avons de plus en plus besoin du politique. En effet, au-delà du combat médical, le sida est devenu une maladie porteuse de discriminations. Les Etats Généraux des Elus Locaux Contre le Sida dressent le bilan d’une année de tables rondes et font, chaque année, le point sur les politiques locales et nationales de lutte contre le sida, les hépatites et contre les discriminations. Ce livre restitue le compte-rendu intégral des XVIIIe Etats Généraux, organisés le mercredi 27 novembre 2013 à l’Assemblée Nationale, sous le haut patronage de François Hollande, Président de la République, ainsi que Le Guide Api 2014-2015.

ElusContreSida www.aids-sida-discriminations.fr www.elcs.fr

SHEILA et Jean-Luc ROMERO-MICHEL Présidente d'honneur et Président d’ELCS

Action • Prévention • Information

Photo : Franck Laguilliez

ID

A

DI SC IS R R D T IM R IN AT IO NS S

Quand la discrimination se dédouble…


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