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LIDIA KOSTANEK

Discours inaugural

Lucile Hitier

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Chers artistes, élus, amis,

Quelle joie de vous retrouver tous ce soir pour vivre cette nouvelle aventure à l’arTsenal !

Comme vous le savez chaque année depuis 2018, nous vous proposons des expositions estivales tournées vers des thématiques Art et société. Vous pourrez d’ailleurs retrouver à la librairie les catalogues de ces expositions qui vous manquent !

Après Nous sommes contemporains qui proposait de traiter un panorama de problématiques contemporaines, comme un sommaire des diverses expositions à venir, Les champs des possibles abordait les liens intrinsèques entre les vivants ; comme une ode aux habitants de la planète, puis dernièrement Curiosités vagabondes posait la question de la place de l’art dans le quotidien et inversement...

Pour cette nouvelle exposition intitulée Mettre au monde par Amélie Adamo et moi-même, co-commissaires de cette exposition, nous nous sommes associées pour vous proposer d’élargir la notion de création et de créativité à la sphère intime et familiale des artistes. Car oui, pour un artiste, travailler, c’est comme pour tout à chacun d’entre nous : planifier, budgéter, entreprendre, compiler, douter, se laisser surprendre, déplacer selon les opportunités, bref... créer ! Cette exposition est pour Amélie comme pour moi, un point de rencontre entre deux professionnelles de l’art : une commissaire indépendante, maman et une directrice de Centre d’art, maman aussi. Avec Amélie, nous nous sommes rencontrées il y a deux ans autour de l’exposition Inspirées - Acte 1 - Peinture. J’avais appelé Amélie pour son expertise sur la peinture contemporaine afin de contextualiser l’exposition à l’arTsenal et l’inviter à produire la préface du catalogue d’exposition. Au fur et à mesure de nos échanges, nous avons partagé cette graine que nous portions chacune de notre côté sur une exposition que chacune - sans jamais l’avoir fait - souhaitait produire. Une exposition qui enfin donnerait une légitimité aux artistes hommes, comme femmes, de diffuser le travail que chacun d’eux, plus ou moins secrètement développaient au contact de leur projet de famille, ou au contact de leurs enfants.

Alors oui, Mettre au monde se conçoit avant tout comme une ode à la vie et propose de mettre en lumière des artistes qui ont dédié leur pratique - à un moment de leur vie - à leur relation à l’enfant, au corps habité, au corps nourricier ou à la pratique artistique à quatre mains. Car non, être parent quand on est artiste, ce n’est pas impossible, et c’est aussi le cas pour un père artiste et pour une mère artiste !

Dans l’imagerie populaire, on fantasme « la vie d’artiste » : bohème, instable, solitaire ou communautaire. Corvéable à merci, disponible le soir, les week-ends, les artistes se doivent de mener une vie de cigales et de vivre de peu de choses. Alors bien souvent, les parents n’encouragent pas leurs enfants à s’investir dans une voie artistique et quand finalement celui-ci l’entreprend, ils craignent pour lui et lui transmettent leurs craintes. Ainsi, à son tour et pour ne pas avoir à imposer son mode de vie à quelconque progéniture... l’artiste, finalement, ne s’autorise qu’à

donner vie à ses propres œuvres. Heureusement, nous n’en sommes plus là !

Cette exposition est née du désir de montrer que depuis quelques années des espaces de résidences sont ouverts aux familles d’artistes, des Centres d’art créent des partenariats avec des crèches pour permettre aux jeunes pères et mères de se rendre en atelier/workshop avec leurs jeunes enfants. Tous les pays d’Europe s’organisent pour légiférer des conditions sociales mieux organisées et une rémunération plus juste aux artistes. On voit sur les réseaux sociaux, de plus en plus d’artistes hommes ou femmes qui dévoilent leur vie privée, leur babybump, leur enfant barbouillé de chocolat ou leur œuvre faite à quatre mains avec leur enfant, sans avoir peur d’être critiqué ou de freiner leurs carrières.

Car oui, la vie de famille, la parentalité, n’est pas ouverte qu’aux autres et que oui, lorsqu’on est artiste et parent, on peut continuer à produire, à faire des expositions, à faire des résidences en choisissant librement d’intégrer ou non cette nouvelle corde dans leur univers artistique. Car être parent, ce n’est pas une fin en soi, c’est une grande joie oui, pleine de crises et de doutes, c’est certain, un casse-tête, une évidence ! Mais il est possible à chacun de positionner le curseur où il le souhaite, et non, devenir mère ou père, ne fait pas de nous des êtres uniquement accaparés par cette nouvelle vie qui arrive ou qui est là ; il est toujours ouvert à chacun de choisir de s’épanouir et de s’exprimer à travers ce pour quoi il est sur cette planète, en produisant, en créant et pourquoi pas, en exposant !

Cette exposition donnera naissance à plusieurs rendezvous de création parents-enfants à quatre mains autant qu’à des journées portes ouvertes et de recherche sur l’équilibre juste à trouver entre vie professionnelle et vie privée et les cadres sociaux à faire évoluer pour le trouver.

L.H

Ci-dessus : Vue en situation de la visite privée de l’exposition Mettre au monde à l’occasion de la journée d’accueil de “Taxi tram” et “la navette de l’art” (visites itinérantes) programmée par les réseaux arts visuels des régions Ile-deFrance et Centre Val-de-Loire

Ci-contre, vue de l’exposition Mettre au monde, avec de gauche à droite : Charlotte Salvaneix, Lost in pattern 4, 2018, Acrylique et huile sur papier - 41 x 31 cm ; Lidia Kostanek, La cuirasse, 2019, Céramique - 42 x 33 x 19 cm ; Charlotte Salvaneix, L’heure du bain, 2018, Encre et huile sur papier - 46 x 36 cm

Lidia Kostanek

Née en 1975 à Tomaszow Mazowiecki en Pologne, Lidia Kostanek vit et travaille à Lambesc dans le sud de la France. Lidia Kostanek arrive en France en 2003 après un diplôme en spécialité illustration obtenu à l’École des Beaux-Arts de Varsovie. Avant de découvrir le volume et la céramique, sa pratique s’orientait sur les métiers de l’illustration et du design graphique. Aujourd’hui, elle développe un univers autour de la conscience du corps humain, de l’identité féminine et du genre.

Lidia Kostanek bénéficie d’une visibilité en France et à l’étranger. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions collectives et personnelles dont LANIAKEA #II qui s’est tenue début 2022 à la Fondation La RUCHE Seydoux de Paris, Mises à nu à la galerie Le Rayon Vert à Nantes en 2019, Sorcières ! la même année à l’espace d’art contemporain H2M de Bourg-en-Bresse, Polak Artysta Ceramik en 2018 lors de la triennale de Bolesławiec en Pologne, et Miroir céramique au Musée de Carouge en Suisse en 2017.

Artiste graveur et céramiste, son travail prend racine dans son intimité et son enfance en Pologne où elle se positionne en regardeur d’un monde gangréné par la peur de la différence et les inégalités entre hommes et femmes. En opposition à ses expériences personnelles, elle présente à travers ses œuvres, une figuration transgressive et profondément revendicatrice. Celle d’un corps féminin libérée de sa pudeur, représentatif des bouleversements psychologiques, anatomiques et hormonaux dont chaque femme fait l’expérience lors du passage de l’enfance à l’âge adulte. Chez Lidia Kostanek, le corps est morcelé comme pour se concentrer sur la véracité anatomique et la force iconographique d’un seul élément. Elle réalise des portraits, des bustes, des vulves, des pieds, mais ne donne jamais à voir le corps en entier. Proche des pratiques surréalistes du collage et de l’accumulation, elle n’hésite pas à démultiplier et à recomposer la forme choisie pour mieux servir son propos. Malgré leur dimension sensuelle prédominante, chaque élément du corps représenté dans l’œuvre de Lidia Kostanek est mis en tension par des effets de craquelures, mousse, moisissures, coulures sur la surface, déconstruisant ainsi peu à peu le fantasme du corps lisse, épuré, désirable. Ici, l’anatomie féminine n’est pas révélée pour faire plaisir à l’œil, elle questionne plutôt la féminité et la masculinité de manière introspective à travers un prisme plus scientifique à la limite de l’organique animal et végétal.

Pour elle, la céramique est un terrain d’expérimentations et d’amusement. Grès, faïence, porcelaine, elle adapte son matériau à la texture souhaitée selon son propos incorporant parfois des éléments divers tels que la terre, la mousse et des matières liquides.

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