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ARENDT & ART
(Vienne), Maren Lübbke-Tidow (Berlin), Rui Prata (Lisbonne). Dans le jury attribuant le prix, Verena Kaspar Eisert, ex-curatrice de Kunst Haus Wien a été remplacée par Félix Hoffmann, nouveau directeur de Foto Wien à Vienne.
Après Rethinking Nature (2021), l’équipe curatoriale d’EMOP a choisi le thème de Rethinking Identity pour son édition 2023. Parmi une quarantaine de positions artistiques proposées et discutées par les curateurs du réseau EMOP dans le cadre de ce thème, les cinq artistes suivants, qui vivent et travaillent tous en Europe, sont nominés pour le EMOP Arendt Award 2023 : Cihan Çakmak, Ulla Deventer, Jojo Gronostay, Lívia Melzi et Karolina Wojtas.
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Le lancement de l’exposition et la remise de l’Award ont lieu au cours du Mois Européen de la Photographie au Luxembourg.
Rethinking Identity
Lorsque nous parlons d’identité, nous nous référons à un ensemble complexe d’expériences individuelles, relationnelles, culturelles, sociales voire même politiques.
C’est autour de ces questionnements identitaires que les artistes sélectionnés pour l’édition 2023 proposent des œuvres photographiques et vidéographiques qui dépassent souvent le cadre bidimensionnel de l’image afin de confronter le spectateur/regardeur à l’œuvre tout en créant une relation particulière entre eux. Les cinq artistes nominés pour l’ Award sur le thème Rethinking Identity tout en empruntant des chemins différents, à travers des ré-interprétations singulières, dépassent tous les clichés classiques de l’identité. Avec une vision subjective et individuelle, Cihan Çakmak aborde les réminiscences d’une fracture identitaire kurde en créant des situations oniriques qui défient la fragmentation sociale et l’isolement qu’elle a subis.
Alors que Ulla Deventer, en utilisant le corps féminin comme instrument de pouvoir, puise à la fois dans la documentation photographique et l’installation d’art contemporain pour déconstruire les stéréotypes sur la prostitution ou dénoncer les violences sexuelles.
Les représentations de soi déconstruites et les perceptions fragmentaires du corps de Karolina Wojtas créent de nouvelles fictions qui interrogent les concepts de temps et d’espace dans une perspective sociale et relationnelle. La critique du système scolaire polonais et de l’éducation générale est abordée de façon caustique.
Dans un autre registre, le travail de Lívia Melzi confronte l’archive et les représentations autour de l’identité à travers ses recherches sur les capes Tupinambá (des tribus guerrières Tupi de la côte brésilienne) utilisées à l’origine pour des rituels anthropophages.
La question de l’identité culturelle se mêle à des éléments autobiographiques dans l’œuvre multimédia de Jojo Gronostay (né en Allemagne avec des racines ghanéennes). Objets et images d’objets et fragments de corps sont dé-contextualisés et présentés à une échelle inhabituelle jouant sur les interrelations entre colonialisme et capitalisme.
Ces positionnements artistiques émergents expriment différents types d’identités, qu’elles soient individuelles, familiales, culturelles ou territoriales dans des langages contemporains qui ouvrent le champ de la photographie à d’autres médias.
Paul di Felice
RETHINKING IDENTITY, FAMILY, COMMUNITY
Le cycle d’expositions des curateurs de l’EMoP, commencé par « Rethinking Nature » (2021), se poursuit avec le thème de « Rethinking Identity » pour l’édition de 2023. Ce thème vaste, mais important sous toutes ses facettes, est plus que jamais d’actualité dans le contexte de la photographie contemporaine. Aujourd’hui, le rôle de la photographie et de sa diffusion sur les réseaux sociaux dans la construction et la déconstruction des identités est devenu crucial. Il est d’autant plus intéressant de voir comment les artistes réinterprètent ces images.
En effet, « repenser l’identité » dans la création contemporaine peut nous amener à emprunter différents chemins qui vont au-delà des stéréotypes et des clichés classiques. Aujourd’hui, ces mutations d’identités, qu’elles soient individuelles, culturelles ou territoriales s’expriment à travers des questionnements artistiques qui abordent de nouvelles typologies de ce concept. Dans le cadre du festival, nous avons, comme pour les éditions précédentes, regroupé des artistes selon des sous-thèmes significatifs. Ainsi, les notions de famille et de communauté dans la recherche identitaire sont présentes dans la sélection des six artistes qui investissent les lieux du Cercle Cité. Ici, l’idée d’appartenance et d’intimité véhiculée par les transmutations de l’image privée et de l’image publique trouve de nouvelles visualisations en relation avec les comportements actuels face aux concepts traditionnels de la famille et aux nouveaux mouvements communautaires.
À la recherche de protection au sein de la famille (au sens large) et du besoin d’une certaine communauté pour exister, Ulla Deventer utilise la photographie, la vidéo et l’installation pour aborder de façon interdisciplinaire les thèmes tabous sur la violence au quotidien.
Pour cela, elle utilise la métaphore du cheval maltraité, pour montrer que face à notre existence isolée et notre incapacité de créer des liens, nous devons repenser la question identitaire en interrogeant notre vivre ensemble. Marquée par l’arrivée de son frère à l’âge de 13 ans, Karolina Wojtas montre à travers ses photo-installations comment la rivalité fraternelle a influencé sa quête identitaire. En le choisissant comme un des protagonistes de ses mises en scènes grotesques, elle évoque dans la confrontation dérisoire entre le Moi et l’autre et le dialogue ludique entre le sujet et l’objet, une sorte d’aliénation avec l’environnement familial tout en critiquant en général l’éducation en Pologne.
On retrouve cette autodérision sous une autre forme aussi dans les tableaux vivants humoristiques de l’artiste finlandaise Emma Sarpaniemi. Dans sa pratique photographique, elle joue sur l’image de la féminité en explorant les relations complices avec ses modèles amies.
À travers des images issues de son univers onirique, Cihan Çakmak enquête sur ses origines kurdes tout en posant les questions du genre face à une culture traditionnelle et patriarcale de cette communauté. Sa quête artistique est une façon de raconter son histoire, entre identité kurde et allemande, tout en se libérant des stéréotypes.
Dans le travail multimédia de Jojo Gronostay, le thème de l’identité se réfère souvent à ses origines africaines. Inspiré par la mode et l’architecture, il a créé une collection de vêtements usés, trouvés au marché d’Accra au Ghana, intitulée Dead White Men’s Clothes. Déclinée sous différentes formes artistiques allant de la photographie et la sculpture à l’installation, celle-ci renvoie aux questions d’identité, de néocolonialisme et de mondialisation.
Chez Lisa Kohl, les réflexions autour de la globalisation et des migrations ne sont pas exprimées de manière directe, mais se traduisent par une approche artistique sensible et poétique . La thématique de l’identité en transition et la rencontre avec l’autre dans la situation d’exilé, est abordée par l’artiste sous forme de traces métonymiques témoignant de ces passages et bouleversements difficiles.
Paul di Felice
L’exposition a été initiée dans le cadre d’une collaboration internationale de Café-Crème asbl sous le titre de « Rethinking Identity » du réseau EMoP (European Month of Photography asbl) regroupant les institutions dédiées à la photographie de six capitales européennes (Berlin, Bruxelles, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne).
ARTISTES