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IDENTITIES : PORTRAYING THE INTANGIBLE

« La photographie, en tant que forme d’expression personnelle, encourage les artistes à aller au-delà des observations superficielles et à se plonger dans leur passé, leurs expériences de vie ou leurs croyances. Les neuf photographes présentés expriment les subtilités de leur identité et s’efforcent de faire des déclarations honnêtes et significatives sur leur vie et leur environnement. »

Simon Santschi

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Il semble donc presque contradictoire de concevoir une exposition dans laquelle ce moyen artistique particulier cherche à aller au-delà de la simple apparence physique et à révéler les fissures du masque social soigneusement construit. Mais c’est précisément la nature confrontationnelle de l’appareil photo qui aide l’artiste à capter ces moments où le vrai Moi commence à transparaître et où le spectateur, ou spectatrice, est confronté aux luttes, aux traumatismes, aux désirs et aux conflits les plus intimes du modèle. La Kunsthalle Trier place l’intangible au centre de l’exposition et présente

ACADEMIE EUROPÉENNE D’ART DE TRÈVES

Kunsthalle Trier

les œuvres photographiques séduisantes de neuf artistes qui se définissent par leur approche personnelle et diversifiée du sujet, car ils vont au-delà de la surface pour discuter du thème de l’identité en tant que quête de soi et représentation de soi, en tant que découverte de soi.

Avec la conviction que « l’identité n’est pas négociée mais libérée », Akosua Viktoria Adu-Sanyah crée une rencontre visuelle profondément personnelle et en constante évolution, qui nous permet de nous plonger dans ses réflexions multiformes sur l’identité personnelle, les attentes, le racisme et l’espace intermédiaire. L’installation photographique Inherence : Poems of Non-Belonging montre, à travers ses diverses applications de la photographie et de la matérialité, la nature complexe qui constitue l’identité personnelle de chacun.

Les sculptures photographiques d’Alma Haser remettent en question les notions de beauté et d’auto-représentation en étendant les visages dans l’espace de la galerie. Ses extensions reconstruites en origami défient notre pensée normative, créant des impressions étranges. La photographie en noir et blanc Natalia Kepesz adopte une approche plus sentimentale. Ses images poétiques et ensorcelantes captent le sentiment d’incertitude et de solitude que l’on ressent à travers les yeux de sa fille Pola, tout en remettant en question sa propre définition de soi en dehors de sa maternité. Stefan Krauth utilise l’idée du self-fashioning à travers les moyens humoristiques des costumes et de la mise en scène. Selfie est une accumulation de grands tirages de Krauth jouant à se déguiser, confrontant les spectateurs à la fausseté du cliché encore répandu qui dit que «les vêtements font l’homme». Les portraits vidéo de Sanne Maes permettent une approche différente de la photographie en introduisant l’image en mouvement. Présentés sur des écrans de télévision encadrés, les portraits sont à moitié cachés par des taches d’encre inspirées du test de Rorschach, questionnant autant l’identité des modèles que révélant les impressions des spectateurs à leur égard. Le lac luxembourgeois de la

Haute-Sûre sert de toile de fond aux photographies pittoresques de Martine Pinnel. Baigné dans des tons sourds, le paysage froid reflète les turbulences intérieures de l’artiste et lui donne un aperçu inhabituellement personnel de sa santé mentale. Dans l’œuvre Identity I de Rebecca Racine Ramershoven, le voile est moins un moyen d’expression personnelle qu’un voilement de l’identité, un identifiant imposé par la société. En jouant avec les textiles et la texture, l’artiste dépeint l’effet étouffant que les attentes sociales peuvent avoir sur l’identité personnelle des personnes de couleur. Les rôles de genre, la sexualité et les luttes qui en découlent, imposées par les conventions sociales, sont le sujet des images révélatrices de Pit Reding. Soulignant le caractère sexué des jouets d’enfance, l’artiste luxembourgeois adopte une approche corporelle intime dans ces photographies jamais exposées auparavant. Les paysages urbains de Franziska Stünkel questionnent le rôle de notre environnement sur la formation de l’identité personnelle. Les bâtiments peuvent laisser une trace, une impression, tout comme son reflet est capté dans chaque bâtiment.

LUXEMBOURG PHOTOGRAPHY AWARD ( LUPA ) : DANIEL WAGENER ET LUPA MENTORSHIP : ROZAFA ELSHAN

Association œuvrant pour la promotion de la scène photographique liée au Luxembourg, Lët’z Arles poursuit, cette année encore, son soutien et son accompagnement à deux artistes, via deux prix distincts. Daniel Wagener et Rozafa

Elshan ont été sélectionnés par un jury d’experts comme lauréats, respectivement, du Luxembourg Photography Award (LUPA) et du LUPA mentorship.

Les 2 artistes ont eu des liens passés avec EMOP Luxembourg : Daniel Wagener a exposé ses travaux au LUCA lors d’EMOP 2019 et Rozafa Elshan a présenté son portfolio d’artiste en 2021.

Née en 1994, Rozafa Elshan est accueillie début 2023 au sein du nouveau programme de mentorat – résidence, proposé par Lët’z Arles en partenariat avec l’École Nationale Supérieure de la Photographie (ENSP) d’Arles. Durant 3 mois, elle bénéficie d’un accompagnement mentoré de l’ENSP avec master classes, workshops, sessions de travail collectif ou individuel et accès aux équipements techniques de l’ENSP. Ce mentorat-résidence, fondé sur l’approfondissement d’un projet de recherches et sur la professionnalisation d’une pratique artistique, donnera lieu à une future production : une exposition au Luxembourg et une première publication, en collaboration avec le Centre national de l’audiovisuel.

Lauréat du LUPA 2023, Daniel Wagener (né en 1988) présentera Opus incertum à la Chapelle de la Charité, dans le cadre de la 54e édition des Rencontres d’Arles. Avec son installation monumentale, pensée en résonance à cette chapelle baroque au décor chargé, l’artiste interroge la mémoire du temps et du lieu et les transformations sociales et fonctionnelles que l’édifice a subies. Il cherche à reconnecter le lieu à la contemporanéité. Emprunté à la maçonnerie romaine, le terme opus incertum signifie construire des murs à partir de petits blocs, de carreaux cassés, de briques variées. L’installation in-situ se compose d’un dispositif de racks industriels remplis d’images de « chantiers » contemporains, de visions urbaines, de traces de bâti du passé et du présent. Cet entrepôt modulaire de stockage d’images obstrue la vue de l’autel et devient l’interface plastique d’un nouveau culte de la consommation. L’artiste interroge la nature de l’icône dans notre société contemporaine et nous questionne sur l‘intersection du spirituel avec le matériel.

Documentant les épisodes de chantiers urbains et révélant ce qui n’est plus aperçu, opus incertum est aussi un hommage au travail collectif et à l’engagement de ces acteurs qui font société pendant les processus de construction, qui transmettent leurs méthodes et leur culture dans une solidarité exemplaire, tout en restant invisibles. Avec un trait d’humour indéniable, l’artiste réussit ainsi à créer une sublimation, une sublimation de l’utile.

Sous le commissariat de Danielle Igniti, l’exposition s’accompagne d’une publication dédiée et d’un retour au Luxembourg, sous une forme adaptée pour le Pomhouse du Centre national de l’audiovisuel, à partir de début

2024.

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