La newsletter mars 2006 Expérimentation, tel est le sujet qui se dégage de cette troisième édition de [dizajn]. Au Centre Culturel Français de Milan, avec une interview de Federica Sala, commissaire de l’exposition « RLD », un titre engagé et provocateur. Expérimentation, avec le design culinaire, un sujet récurrent, d’un intérêt croissant depuis une dizaine d’années, alors que l’on se souvient des modèles de pâtes créés pour Panzani par Philippe Starck et Nemo, il y a près de vingt ans déjà. Expérimentation, encore, avec les projets de recherche du CRAFT. D.W
Page 1 [L’entretien] Avec Federica Sala :commissaire de l’exposition RLD
Pages 2 et 3 [Le thème] Design culinaire: Donner du sens au goût
[L’événement]
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Le CRAFT officialise son label « Editions »
[L’agenda] Les rendez-vous incontournables
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[dizajn] La newsletter est éditée par l’Ensci-Les Ateliers, Directeur de la publication: Emmanuel Fessy, Rédactrice en chef: Dominique Wagner, Conception graphique: c-album
[L’entretien]
Un design expérimental Le Centre culturel français de Milan présente « La République Libre du Design » (RLD), une exposition en marge du Salon du meuble, qui propose d’explorer d’autres territoires du design. Federica Sala, commissaire de ’exposition, en explique le contenu. [d] Pourquoi ce titre provocateur de République Libre du Design ? Faut-il être nécessairement militant pour parler de design ? Nous voulions surtout montrer combien le design investit aujourd’hui de nouveaux territoires et qu’il ne se réduit pas au mobilier, bien que nous exposions pendant le salon du meuble. C’est même justement lors d'une occasion très officielle comme celle-ci que nous devons le faire. Nous voulions nous interroger sur les nouvelles frontières du design. Il ne s’agit pas de faire du militantisme mais les pistes de réflexion, proposées par ces designers, dérangent en même temps qu’elles questionnent. L’installation lumineuse d'Arik Levy avec son potentiel émotionnel, le projet sensoriel et interactif de Electronic Shadow avec ses réflexions désenchantées sur l’habitat, l’invasion murale de Domestic avec l’Arborescence de François Azambourg, le jardin artifciel, axé sur nos conditions de vie contemporaine, cultivé par les étudiants de l’Ensci avec Romain Cuvellier, le travail critique sur le confort et les territoires du design préconisé par Olivier Peyricot : tout peut être vu par le prisme du design. Le monde évolue, les designers ont de multiples centres d’intérêt et c’est tant mieux. [d] Vous présentez les projets de l’exposition comme des installations et non comme des scénographies, est-ce volontaire ?
([d] Quelle image avez-vous de la créativité en France aujourd’hui ? Elle est effervescente. Le design y est traité d’une manière beaucoup plus large qu’en Italie. On sort des sentiers battus. Beaucoup de jeunes designers, en France, se mettent à leur compte. Cela arrive évidement aussi en Italie, mais moins souvent et avec plus de difficultés. Il est en général plus difficile pour les jeunes Italiens de sortir du circuit des agences de designers reconnus que d’y rester pendant de nombreuses années, parfois comme associés. Mais ce qui est, au départ, une chance pour eux -apprendre de leurs aînésse résume ensuite à un immobilisme et à un manque de prise de risques. Bien sûr les éditeurs restent, en grande majorité, italiens, mais très peu de jeunes designers italiens émergent et les éditeurs travaillent de plus en plus avec des designers étrangers. C'est d'ailleurs un point positif, c’est le reflet du monde actuel et des possibilités offertes aujourd’hui par la communication. Néanmoins, j’aimerais bien voir en Italie des écoles comme on en trouve ailleurs ou un organisme comme le V.I.A en France. Propos recueillis par Dominique Wagner Du 5 avril au 4 mai 2006, à La galerie du Centre Culturel Français de Milan Corso magenta 63, Milan L’Exposition RLD présente 5 installations -Arborescence, de François Azambourg pour la collection Vynil de Domestic -Organ, une installation lumineuse de Arik Levy /L design - Le jardin artificiel, 6 projets conçus et réalisés par des élèves de l’Ensci *encadrés par Romain Cuvellier - Plateaux Vivre Nu, une installation engagée par Olivier Peyricot - Camera Obscura par Electronic Shadow Deux autres événements sont accueillis également par Le Centre Culturel français de Milan : - Plaques sensibles, 80 divertissements, en Corian, l’exposition de la revue Intramuros, déjà présentée au Centre Pompidou à Paris.
L'année dernière, avec Ora-Ïto Museum, nous avions confié au designer le soin de réaliser la scénographie de l'exposition, sans insister sur les produits et les marques pour lesquelles il travaillait. Cette année nous avons fait l'inverse, avec la volonté de nous éloigner encore un peu plus du design « traditionnel », dans une vision plus artistique qu’industrielle. Nous avons voulu montrer un type d’approche diversifiée, à travers une sélection de créateurs qui, même en travaillant pour des éditeurs, ont su garder un côté très expérimental avec des productions parallèles d'une grande valeur artistique et critique.
- The Corian‚ Garden de Michael Young et Katrin Petursdottir Young *Parallèlement à cette exposition, l’Ensci est présente, du 5 au 10 avril, au Salone Internazionale del Mobile (Satellite, Pavillon 26, stand B55). Elle propose une forêt de travaux d’élèves, symbolisée par un arbre aux multiples ramifications, clin d’œil au thème exploré pour le Centre Culturel Français, et informe les visiteurs sur son projet pédagogique.
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[Le thème]
Donner du sens au goût La « cuisine » révèle les différentes pratiques culturelles, les habitudes, les changements de comportement, l’évolution des modes de vie. Elle est objet de désir, de plaisir, d’échanges et d’exaltation des cinq sens. Elle contient à la fois le mangeur, le manger et le cuisinier, et aiguise par là-même, l’intérêt des designers. Peu à peu, ils investissent le domaine culinaire. Ils portent un regard critique sur l’acte de manger, proposent des projets manifestes et des pistes de réflexion. Chacun, à sa manière de designer, expérimente des méthodologies. Un gâteau au chocolat en forme d’énorme part individuelle (Yann Pennor’s avec Pierre Hermé), un biscuitcorolle chocolaté à poser sur une tasse à café ou un cake aux Smarties (Radi Designers), une trilogie pâtissière en l’honneur de la ville de Nancy (Stéphane Bureau avec Stéphane Marchal), des sandwichs et des pains pour une Boulangerie-Epicerie (Patrick Jouin avec Alain Ducasse), un biscuit-couvercle travaillé comme de la céramique (Florence Doléac)… Depuis une dizaine d’années, la pâtisserie et ses chefs attirent les designers et leurs travaux communs se multiplient comme des petits pains. Si tous ces designers sont des généralistes, Marc Brétillot, lui, travaille essentiellement sur le sujet alimentaire. Il l’aborde par la matière, lui qui enseignait auparavant les matériaux. L’intention du créateur, de même que l’aspect sensitif, ludique, mais aussi subversif du design culinaire constituent des approches nécessaires. « Piquer un aliment sur une fourchette, le suspendre, le cueillir en hauteur, manger par terre… Nos positions vis-à-vis de la nourriture impliquent des comportements différents (…) », dit Marc Brétillot. Il met en scène la nourriture, préconise des modes de dégustation pour des banques ou des industries cosmétiques. Il travaille également avec des artisans des métiers de bouche et les chambres des métiers. Il crée, fin 1999 à l’ESAD de Reims, un atelier de design culinaire de plus en plus prisé par les étudiants. Il concentre ses thèmes dans un ouvrage (2004) intitulé « Design culinaire, le manifeste ». De son côté, le designer catalan Marti Guixé porte une réflexion sur ce que l’on absorbe au quotidien et de quelle manière. Il expose, en 1999, Pharma-Food, un projet de création culinaire qui propose une autre façon de se nourrir à travers l’inhalation de microparticules vitaminées, une sorte de musli volatil comme il le définit lui-même. Quelques années après, plus conceptuel encore, il tente de déconstruire le repas traditionnel et rompt avec les codes établis. Avec l’exposition Food-Facility, présentée fin 2005 à Amsterdam, il brise l’espace temporel et les frontières territoriales et s’inspire du modèle Google en utilisant la même approche immatérielle. Un lieu-cantine si vide et sans aucun repère qu’il s’apparente à un espace virtuel. Il n’y a pas de cuisine. Les plats, choisis et commandés par les hôtes, proviennent d’autres cuisines et sont rapportés par des coursiers casqués. Un espace vide de décor et totalement décontextualisé, où l’on peut manger toutes les cuisines du monde. L’adéquation entre le lieu et l’acte de manger, ainsi que le plaisir que l’on en a, prennent ici toute leur dimension.
Devant cet engouement pour le design culinaire, Enivrance, premier bureau de style alimentaire, voit le jour en 2002. En 2004, le Salone Internazionale de Milan crée l’événement à travers plusieurs expositions autour du thème de la nourriture « Dining Design » et « Street Dining design » avec la participation de designers internationaux. Marketing, tendance ou réalité ? Récemment, la région du Tarn-et-Garonne, commande à Stéphanie Sagot, co-fondatrice de la Cellule Eat Design (référence au Eat-Art ) avec Emmanuelle Becquemin, une étude de faisabilité pour un centre de création d’art et de design appliqués à l’alimentation. Objectif : inviter designers, artistes et chercheurs à travailler sur des projets liés à l’alimentation et susciter des rencontres entre industriels et artisans de la région avec des créateurs. Si le bâtiment (1000 m2) reste à construire, La Cuisine, c’est son nom, lance déjà un programme de résidences/exposition dont les résultats devraient être visibles cet été (de juin à septembre), lors d’une exposition au Centre des arts, du goût et de la table, à l’Abbaye de Belleperche. Le projet, intitulé « Bouchées doubles », propose de réunir 10 binômes designer/artisan pour réaliser 10 produits. Le fruit de ce travail sera ensuite commercialisé chez les artisans participant au projet. Parmi les designers pressentis pour « Bouchées doubles », Florence Doléac, qui a également réalisé le logo de La Cuisine, Marc Brétillot, Stéphane Bureaux, Stéphanie Sagot et Emmanuelle Becquemin, Rodolphe Dognieux, Hugues Desbrousse, Mathieu Chollet et Vincent Cuzin. Les cinq derniers étant tous de jeunes designers diplômés de l’Ensci en 2002. Marc Brétillot devrait travailler avec un boucher. Ce qui n’est pas pour lui déplaire : « L’univers de la viande est un sujet à polémique et cela m’intéresse. » Et il ajoute, « S’il est encore difficile de travailler avec des chefs, en revanche, les chambres de métiers montrent un vif intérêt à faire réaliser des études sur de nouveaux produits comme des pains, de la charcuterie… Ils ont des moyens que les artisans n’ont pas. » Stéphane Bureaux sera associé à un boulanger. Lui qui a déjà travaillé avec un pâtissier n’est pas mécontent. « Je ne fais pas de cuisine, j’agis comme un designer et ce qui m’intéresse avant tout c’est un travail global sur un projet. » Pour 2007, il prépare une exposition de design culinaire, avec la collaboration de cuisiniers, à la galerie Fraich’Attitude, à Paris. La même qui avait déjà exposé la Cellule Eat Design en janvier 2005. Un thème qui n’en finit pas de faire des émules. Pour conférer une dimension universelle à la cuisine, à l’égal de la musique, le jeune designer Guilhem Chéron prépare un ouvrage, pour les éditions Solar (sortie prévue en septembre 2006), intitulé « 50 recettes pour atelier de cuisine ». Des recettes de cuisine écrites selon un système de représentation graphique semblable à celui de la partition musicale. Une lecture universelle avec, selon l’auteur, « une approche plus conforme à l’acte de cuisiner ». Dominique Wagner
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[Le thème]
À voir Du 18 avril au 13 mai 2006 Fou de cuisine, une exposition de Martine Camillieri, proposée par Claude Deloffre et le Bon Marché, une installation de 5 autels oniriquesironiques dédiés aux emphases culinaires de notre époque. Du 9 mai au 11 juin 2006, 15 square de Vergennes, 75015 Paris Quand est-ce qu’on mange ? Matières nourricières/Eat Art Une exposition organisée par Materio qui invite des artistes et des designers sur le thème de la nourriture. Avec pour partenaire privilégié la galerie Fraich’Attitude. L’événement sera complété par un colloque sur trois jours (11 au 13 juin). À lire Casseroles, amour et crises, Ce que cuisiner veut dire Par Jean-Claude Kaufmann (éd. Armand Colin/2005)
La trilogie commémorative de Stéphane Bureaux avec le pâtissier Stéphane Marchal à Nancy
Pavé Gruber, Bureaux/Marchal
Jean Lamour, Bureaux/Marchal
Hommage à J.Prouvé, Bureaux/Marchal
Logo de La Cuisine, design: Fl.Doléac
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[L’événement]
Le CRAFT officialise son label « Éditions » à Milan Le Centre de Recherche sur les Arts du Feu et de la Terre présente, avec la collaboration de la Galleria Blanchaert à Milan, une douzaine de projets réalisés en série limitée et mis en vente sous le label « Editions CRAFT ». La collaboration entre les créateurs (artistes et designers) présents dans l’exposition et le CRAFT est plutôt ancienne, un travail de longue haleine. Question : que faire de tous ces travaux restés à l’état de prototypes ? À l’évidence, les réaliser en petite série, les éditer et les commercialiser. « C’est un projet que nous avions déjà depuis deux ou trois ans, raconte Nestor Perkal, directeur du CRAFT. Devant l’intérêt croissant pour nos collections, l’idée d’éditer ces projets de recherche arrivait comme une évidence, une suite logique de notre travail. » L’édition est un moyen pour le CRAFT de « booster », de tester et de produire ses travaux, une manière de répondre aux multiples demandes des collectionneurs intéressés qui ne savent pas où les trouver, c’est également un moyen financier supplémentaire pour réinvestir dans la recherche. Car ce type d’ouvrage coûte cher. « La table de Jean-François Dingjian, réalisée en carbure de silicium, n’aurait jamais pu voir le jour sans le partenariat avec l’entreprise Boostec, spécialisée dans la production de miroirs pour satellites de grande dimension », explique Nestor Perkal. Mais éditer ne signifie pas, pour le CRAFT, rentrer dans un réseau de distribution classique. « Nous préférons établir des partenariats ponctuels, ou passer par les circuits culturels comme les galeries et les institutions culturelles (la galerie Chez Valentin ou la Villa Noailles /France, Le Grand Hornu Image / Belgique, la Galleria Blanchaert / Italie…). Une politique d’édition présentée récemment de manière officieuse, avec la collection Ceram X de Pierre Charpin, lors d’une exposition qui lui était consacrée, au Grand Hornu Image, en Belgique. Aujourd’hui, le CRAFT officialise en quelque sorte son « Label CRAFT » avec cet événement à Milan, à la Galleria Blanchaert, pendant le salon du meuble ». Parmi les projets les plus récents présentés dans l’exposition : - « Ceram X » de Pierre Charpin, une collection de 15 boîtes et vases au décor érotique, objets d’usage ou support de narration… - « Lignas et Ovalo » de Nestor Perkal, des lampes travaillées à partir de la transparence de la matière, dans la lignée du modèle « Buis » déjà édité par Artcodif - « Les mots sont des ombres » de Anne et Patrick Poirier, un lustre composé de 31 feuilles de porcelaine très fines, un objet de lumière en suspension où le thème de la mémoire et de la trace est exprimé par des textes gravés sur les feuilles - « Paysage de table » de Jean-François Dingjian, un ensemble d’objets -table, centre de table, bol et saladier- qui se répondent et parlent un même langage, en utilisant des techniques et des matériaux différents. D.W
Les éditions du CRAFT Du 5 au 21 avril Galleria Blanchaert Piazza S.Ambrogio 4 Milan
photos Morgane Le Gall
Ceram X, Pierre Charpin/CRAFT
Paysage de table, J.F.Dingjian/CRAFT
Lignas&Ovalo, N.Perkal/CRAFT
Les mots sont des ombres, Poirier/CRAFT
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[L’agenda]
Expos
Spécial Milan 2006
Platform de Pierrre Charpin Jusqu’au 22 avril Galerie Kreo 22 rue Duchefdelaville, Paris 75013
La République Libre du Design, Centre Culturel Français de Milan Du 5 avril au 4 mai
Female Form- Celabrating finiish women designers Jusqu’au 30 avril Designmuseo-Helsinki, Finlande www.designmuseum.fi Plateaux Vivre nu, Olivier Peyricot
Curiosité, une collection de l’étrange Matières, couleurs et textures accompagnées des créations artistiques Exposition produite par Materio 15 Square de Vergennes, Paris 75015 Camera Obscura, Electronic Shadow
Vous avez dit Design ? Jusqu’au 4 juin Mudac Place de la Cathédrale 6, Lausanne www.mudac.ch Plastic fantastic, le plastique à travers Le Jardin artificiel de les créations de grands designers l’Ensci internationaux Jusqu’au 7 mai Maison du Danemark 142 avenue des Champs Elysées, Paris 8e Kris Kabel (designer/Droog Design) Du 21 avril au 28 mai Tools Galerie 119 rue du Temple, Paris 75003
Ivy, O.Dambrune&M.Excoffon Forêt d’intérieur, Y.Ollivier&V.Augustin
Designer’s Days Du 8 au 10 juin Parcours parisien du design effectué, cette année, sur le thème du voyage www.designersdays.com Kaduc, Denis Pellerin
Rezo, C.Colin&J.Delmas La mauvaise herve, L.Dorel&C.Delaini
Robin, D.Pellerin
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