I think in pink

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“ I THINK IN PINK” * 1* MATIÈRE ROSE -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* OPI- Vernis à ongles - couleur #205241 “I Think In Pink”


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Mémoire de fin d’études Gwladys GAUGRY Sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE Ensci-Les ateliers Design Textile 2014 -------------------------------------


AVANT - PROPOS

Passés les doutes et appréhensions diverses, c’est tout naturellement que le rose apparut comme une évidence. Cette couleur qui depuis toujours m’attire et me fascine inconsciemment, colore l’univers dans lequel je vis et obsède tout ce que je fais, est donc devenue le sujet de mon mémoire de fin d’études. Consciente de mon addiction parfois mal comprise par mon entourage et de la diversité des préjugés liés à cette couleur, je suis entrée dans le rose avec folie et détermination, pleine d’entrain pour découvrir cette couleur que je côtoie quotidiennement sans réellement savoir pourquoi. Pour questionner le rose, il m’a tout d’abord fallu en sortir, ou tout du moins le regarder différemment. Le considérer en tant que tel et non pas essentiellement comme “ma couleur”. Evidemment l’attirance naturelle que j’ai pour elle m’a beaucoup aidé et m’a permis, avec un certain étonnement, de ne jamais me lasser. J’ai en effet traversé ce mémoire avec toujours la même envie d’apprendre, de découvrir et de rendre compte, à ma façon, d’un univers et d’une couleur qui s’est avérée bien plus riche que je ne l’imaginais. J’ai également pris cette épreuve, dès le début, comme un potentiel moyen de m’exorciser et de me questionner sur les raisons de mon attraction pour cette couleur. Evidemment, j’ai énormément appris, découvert, et trouvé des pistes pour expliquer cette forme d’addiction. Pourtant, je ne peux toujours pas, à ce jour, écrire les raisons de ma passion. Je m’en suis donc remise à cette déduction. Ma passion pour le rose s’est manifestée déja toute petite puis s’est confirmée à l’adolescence et se poursuit encore aujourd’hui. J’en ai donc déduit qu’elle ne


cesserait pas de si tôt et continuera de colorer mon quotidien et peut-être même de signer mon travail en tant que designer. J’ai également pris conscience que comme toute passion, la mienne obéit à des règles qui échappent à la raison et en ce sens ne nécessitent pas d’être justifiée pour être vécue pleinement et spontanément. Je vous laisse donc entrer dans le rose. Avec folie ou raison, découvrir le portrait d’une couleur qui ne peut laisser indifférent.


INTRODUCTION Le rose est une couleur, il appartient au monde du visuel, à celui de l’image, de l’apparence, omniprésent dans notre société. Il est soumis au regard de l’individu. En ce sens c’est une matière sensible et dépendante de l’interprétation et des goûts de chacun. C’est une couleur utilisée dans la création pour ses multiples propriétés. Elle a une forte symbolique qui s’est construite au fil de son histoire et qui malheureusement la dessert quelque peu aujourd’hui. Dans le but de comprendre les multiples facettes de cette couleur pas comme les autres, le sujet a été traité dans sa globalité. C’est avec la conscience des contradictions et paradoxes inhérents à la symbolique du rose, qu’une attention particulière a été portée sur une ambiguïté significative. Celle-ci explique les jugements que l’on peut porter sur le rose. Il s’agit de la question suivante : “Comment et pourquoi le rose, à la base une couleur naturelle, est-il devenu le symbole de l’artificiel ?” Le rose a donc été exploré à partir de cette question, puis par extension l’approche s’est élargie afin de dresser le portrait de cette couleur, de ses origines à ses symboliques en passant par ses usages pour finalement dénoncer la mauvaise réputation du rose. En effet, les conventions ont la vie dure et font de cette couleur une couleur souvent mal jugée. En création textile, elle est soumise aux modes mais également aux préjugés. Le rose reste une couleur qui a trait au féminin. Toutefois elle peut s’inscrire dans de nombreux autres domaines et être extrèmement modulable. La question du naturel / artificiel prend également


tout son sens dans la création textile. En effet, le textile a depuis toujours joué un rôle très important dans la diffusion des nouvelles matières et couleurs. C’est de ce domaine que proviennent un grand nombre de recherches et d’innovations et notamment en ce qui concerne la couleur. La démarche pour mener à bien cette exploration colorée à donc été de porter des regards croisés entre les divers aspects de la couleur, d’analyser les disciplines et les domaines d’application, de retracer le parcours de cette couleur pour en extraire les fondamentaux. Cette recherche est racontée sous la forme de neuf livrets indépendants les uns des autres. Chacun traite d’un aspect du sujet afin de rendre compte de l’approche multisectorielle. L’objectif est de donner à saisir chaque facette indépendamment les unes des autres. Voici les neufs approches qui ont été étudiées. Premièrement le livret “I think in pink” rassemble l’avantpropos, l’introduction, le plan, la bibliographie et la conclusion pour commencer et finir la lecture du mémoire. Le second livret “Sweet memories” est une approche purement historique qui esquisse l’histoire du rose. Le sondage “Rose confidentiel” réalisé auprès de 134 personnes offre une étude d’opinion et un recueil de regards permettant d’entrer dans le rose de manière sensible. La lecture se prolonge avec le livret “Rose in tension” présentant une analyse historique et un regard scientifique sur la couleur qui met en exergue l’ambivalence naturel / artificiel du rose. Une analyse anthropologique, “Baby Doll”, complète l’étude en apportant un questionnement sur le genre et la dimension sexuée du rose. Ensuite sous un angle culturel, “Pink-spiration” présente une sélection d’exemples qui donnent une place particulière au rose dans la création. Le rose est abordé enfin sous un angle plutôt sociologique en examinant sa présence dans l’espace public. Cela est retransmis par une cartographie du rose dans Paris, “Pink in Paris”. Pour compléter l’étude, l’affiche “Fall in rose” offre une approche matérielle qui replace le rose dans le secteur du textile.

Pour finir “Pink fever” offre une approche sémantique de la couleur en analysant comment sont donnés les noms des teintes et en dressant un nuancier du rose ainsi qu’un abécédaire. Il résulte de ce recueil de livrets la volonté de rendre compte de la richesse d’une couleur. L’itinéraire de réflexion s’est construit à la manière d’un parcours. Un parcours entre les nuances, les mots, les époques, les âges, les sexes, les préjugés, les symboles. Un parcours qui forme un territoire fertile que le lecteur est invité à découvrir.


SOMMAIRE


“I think in pink” 1* Matière rose

“Pink-spiration” 6* Rose création

--------------------Avant-propos Introduction au mémoire Sommaire Bibliographie Conclusion du mémoire

“Sweet memories” 2* Historique

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“ Rose confidentiel” 3* Sondage ---------------------

Introduction * Le rose vous aimez? * Qu’est-ce que le rose pour vous? * Une chose qui pour vous est forcément rose ? * Racontez moi un souvenir rose Synthèse

“Baby doll” 5* Une couleur de genre ---------------------

Introduction * Image de la féminité * Couleur de l’éducation des filles * Le “Gender marketing” * Couleur de l’homosexualité * Quelle place dans notre société actuelle? Conclusion

“Rose in tension” 4* Naturel / Artificiel

--------------------Introduction * Photographie * Architecture * Installation * Design * Mode * Art * Communication

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Introduction 1- Le rose, une couleur * Le rose et les systèmes de représentation des couleurs * Naturel vs Artificiel 2- Le rose naturel *Le rose présent naturellement *Colorer naturellement *Caractéristiques d’un rose naturel 3- Le rose artificiel * Histoire * Artifice ?

“ Pink in Paris” 7* Cartographie

--------------------Introduction Plan * Belleville * XVème * Montmartre * Rivoli/Marais * Buttes Chaumont

“Fall in rose” 8* Textile

--------------------Introduction 1- Etablir une gamme * Les éléments contextuels * Les éléments d’équilibre * L’influence du secteur 2 - Interview : coloriste

“ Pink Fever” 9* Lexique

--------------------Introduction * Lexique des termes les plus courants * Familles de couleurs Poster abécédaire


BIBLIOGRAPHIE


* OUVRAGES Philip Ball “Histoire vivante des couleurs : 5000 ans de peinture racontée par les pigments” Editions Hazan, Paris, 2005 Claire Bardainne et Vincenzo Susca “Récréations : Galaxies de l’imaginaire postmoderne” CNRS éditions, Paris, 2009 David Batchelor “La peur de la couleur” Editions Autrement Frontières, Paris, 2000 Jean Baudrillard “Le système des objets” Editions Tel Gallimard, 1978 Elisabeth Brémond “L’intelligence de la couleur” Editions Albin Michel, Paris, 2002 Dominique Cardon et Gaëtan du Chatenet “Guide des teintures naturelles” Editions Delachaux et Niestlé, 1990 Anne Dafflon Novelle “Filles-garçons : Socialisation différenciée?” Editions PUG, collection “Vies sociales”, 2006 François Delamare et Bernard Guineau “Les matériaux de la couleur” Editions Découvertes Gallimard, 1999 Maurice Déribéré “Que sais-je? La couleur” Editions Presses Universitaires de France, 1964

Tom Fraser et Adam Banks “Couleur, le guide le plus complet” Editions Evergreen, 2005 John Gage “La couleur dans l’art” Editions Thames & Hudson l’univers de l’art, 2006 Colette Guillemard “Le dico des mots de la couleur” Editions du seuil, avril 1998 Clive Hallett et Amanda Johnston “Mode : Guide des textiles Les fibres naturelles Editions Eyrolles, 2010 Eva Heller “Psychologie de la couleur, effet et symbolique” Editions Pyramyd, 2009 Johannes Itten “Art de la couleur” Editions Dessain et Tolra, Paris, 1961 Edition abrégée Dessain et Tolra, Paris, 1986 Jean-Philippe Lenclos et Dominique Lenclos “Couleurs du monde, géographie de la couleur” Editions Le Moniteur, 1999 “ Les couleurs de la France, Maisons et paysages” Editions Le Moniteur, 1990 Les livres du conservatoire “ Parlons couleur ! Langage - codes - création “ Editions Edisud, 2006 Annie Mollard-Desfour “Le dictionnaire des mots et expressions de couleur : Le rose“ CNRS éditions, Paris, 2002


* ARTICLES Barbara Nemitz “PINK The exposed color in contemporary art and culture” Editions Hatje Cantz, 2006 Michel Pastoureau “Dictionnaire des couleurs de notre temps” Editions Bonneton, 1992 “Les couleurs de nos souvenirs” Editions du Seuil, Sept 2010 “Jésus chez le teinturier, couleurs et teintures dans l’occident médiéval” Editions Le léopard d’or, 1997 Michel Pastoureau et Dominique Simonet “ Le petit livre des couleurs” Editions du Panama, 2005 Jean Petit, Jacques Roire, Henri Valot “ Des liants et des couleurs” Erec éditeur (2eme édition revue et augmentée), 2006 Serge Platel et Robert Gillard “Technologie de la peinture” Editions Casteilla, 1983 Jenny Udale “Les essentiels stylisme: Textile et mode” Editions Pyramyd, 2009 Anne Varichon “ Couleurs, pigments et teintures dans les mains des peuples” Editions Seuil, 2000 Yona Zerldis Mcdonough “BarbieTM” Editions Assouline, 2008

Angélique Cimelière “Rose vs bleu : pourquoi filles et garçons ne s’éduquent pas de la même manière” Le nouvel Observateur, Le plus, 8 Mars 2013 Source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/536326pourquoi-filles-et-garcons-ne-s-eduquent-pas-de-la-mememaniere.html Marlène Quintard “La carte bancaire féminine qui réveille les stéréotypes” Libération, 22 Août 2012 Source : http://www.liberation.fr/societe/2012/08/22/ la-carte-bancaire-feminine-qui-reveille-les-stereotypes_840965 Les dossiers du CNRS “Chimie et beauté” Source : http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doschim/decouv/couleurs/materiaux_photochromes.html Léa Lejeune “Et si on enseignait l’égalité hommes-femmes dès la crèche ?” Rue89.com, le 2 février 2012 Source : http://www.rue89.com/rue69/2012/02/02/et-si-enseignait-legalite-hommes-femmes-des-la-creche-229009?sort_ by=thread&sort_order=ASC&items_per_page=50&page=1 L. R. “Les stéréotypes filles-garçons se forment dès la crèche” Magasine ELLE, Mars 2013 Source : http://www.elle.fr/Societe/News/Les-stereotypesfilles-garcons-se-forment-des-la-creche-2414092 Catherine Vincent “Poupées roses et autos bleues” Lemonde.fr, 7 Aout 2009 Source : http://www.lemonde.fr/vous/article/2009/08/06/poupees-roses-et-autos-bleues_1226243_3238.html


CONCLUSION Cette collection de livrets offre une vision globale du rose. La manière dont cette recherche est retranscrite reflète comment celle-ci s’est construite. Interroger différents secteurs d’activités, s’intéresser aux nombreuses facettes de la couleur a permis de mettre en éxergue les caractéristiques du rose et ainsi d’en comprendre les enjeux. Il est donc bon, finalement, d’appuyer sur le caractère contrasté, multiple et ambigu du rose. Il est aussi nécessaire d’insister sur la regrettable persévérance de la convention rose féminin, bleu masculin qui, malgré une évolution considérable, continue de stigmatiser le rose. Emprunt de très fortes connotations héritées au fil de son histoire, le rose est cloisonné dans un système de signes et de référents. Il est, dans l’imaginaire collectif une couleur autant féminine, douce, sucrée, romantique, naturelle, que mièvre, sensuelle et sexuelle, érotique, artificielle et superficielle. Comment interpréter cette ambivalence? Comment accorder ces deux aspects naturel et artificiel? Relativement présent autour de nous, le rose a conquis une multitude de domaines (design, communication, marketing, mode..) car il ne laisse pas indifférent, tantôt adoré, parfois jusqu’à l’excès, tantôt détesté, le rose est gage de réactions. L’origine de la couleur semble être un aspect essentiel pour comprendre celle-ci. En effet savoir comment sont fabriquées les couleurs, d’où elles viennent, comment les techniques et la chimie réinterprètent, transforment et créent, semble donner des clefs pour répondre à la question de la couleur et plus particulièrement du rose dans notre société d’aujourd’hui et de demain.


Après avoir étudié les couleurs naturelles on peut se demander quel avenir ont-elles dans notre société portée par la vitesse, l’accélération de toute chose, la précision, la production en masse ? En terme de couleur revenir à un système plus naturel comme le prône l’écologie semble être utopique. Dominique Cardon, spécialiste de la teinture naturelle, souligne le caractère néfaste d’un développement trop important de la teinture naturelle : “la teinture (qui ne s’adresse d’ailleurs qu’à un champ réduit de la couleur) est beaucoup trop friande en ressource végétale et animale et serait donc une catastrophe écologique si elle devait remplacer les teintures synthétiques.”1 Le rose, mais également toutes les autres couleurs artificielles doivent alors s’adapter aux nouveaux enjeux de la couleur et être plus respectueuses de l’environnement. Aujourd’hui une prise de conscience et beaucoup d’efforts sont faits par la chimie pour réduire l’impact écologique de la filière textile et notamment de la teinture. Mais dans notre monde gouverné par l’argent et le profit, il est difficile pour des marques de rester concurrentielles en utilisant ces produits plus respectueux mais aussi plus chers. S’il est un domaine précurseur à ce niveau c’est celui de l’enfance, plus soucieux de la qualité et de l’impact des produits. Ce milieu est réglementé par de nombreuses normes, comme l’obligation d’utiliser des encres plus respectueuses dites Azo free, c’est-à-dire sans composés azoïques. L’enjeu est également de sortir le rose des clichés qui lui sont associés et qui lui collent à la peau. En effet, le rose fait encore très souvent référence au féminin et la convention rose pour les filles / bleu pour les garçons persiste, ce qui la dessert et l’empêche parfois d’être mixte. Pourtant la multitude d’images associées au rose en fait sa richesse et sa modularité. Le rose est une couleur forte et pleine de sensibilité qui tend à se diversifier. De nombreux créateurs renouvellent ces usages et abolissent les conventions. Avec subtilité, ils magnifient cette couleur, pleine d’émotion, évocatrice et sensible. C’est le cas par exemple du couple de designer Scholten & Baijing qui utilise la couleur et le rose comme fondement de leurs projets, l’intégrant à l’essence même de leur création pour en dévoiler, selon eux que l’essentiel. 1 Dominique Cardon et Gaëtan du Chatenet “Guide des teintures naturelles”, Editions Delachaux et Niestlé, 1990

Il s’agit également de mener une réflexion de fond et à grande échelle sur les couleurs et leur utilisation. C’est ce qu’entreprend depuis 1976 le CFC (Centre Français de la Couleur) en proposant un espace d’échange favorisant une réflexion interdisciplinaire et interculturelle sur la couleur. Ils ont pour missions l’information (documentations, revues, lettres d’informations, conférences), la recherche et la formation. Cette collection de livrets a montré la diversité et l’étendue des sujets que soulève le rose. Du naturel à l’artificiel le rose a été exploré à travers sa matérialité, des pigments aux colorants, de la teinture à l’impression, des fleurs aux animaux, de la mode à la communication, des jouets aux textiles en passant même par l’alimentation. Le rose a dévoilé ses multiples supports. Aujourd’hui il fait face à de nouveaux enjeux. A l’heure du numérique, des tablettes et des smartphones la couleur n’est plus ni naturelle ni même artificielle, elle se consomme sur écran, à une vitesse éclair et dans des millions de nuances, partout, tout le temps. Elle devient immatérielle. Pour autant se détache-t-elle de ses aspirations au naturel ou à l’artificiel ? Garde-t’elle un pied dans le monde palpable et matériel ? On peut alors se demander quelle sera la place du rose dans cette nouvelle ère de dématérialisation ?


REMERCIEMENTS

Je remercie toutes celles et ceux qui ont permis à cet ouvrage de voir le jour. En premier lieu, je remercie Cloé PitiotFontaine, ma directrice de mémoire, qui a su à chaque instant capter mes idées et m’encourager à les réaliser. Je tiens à remarquer la manière avec laquelle elle m’a motivée à chacune de nos rencontres. Je remercie également l’équipe pédagogique et plus particulièrement Sophie Coiffier, coordinatrice de la phase mémoire en design textile, de nous avoir accompagnées dans cette période pas toujours facile à vivre pour nous toutes. Je remercie les personnes qui m’ont entourée durant ces six mois, toute ma promotion et plus particulièrement ma “Dream Crew” composée de Daniela Alves, Sophie Fougeray, Joana Gobin et Pauline Taillandier. Sans elles, la bonne humeur et la motivation auraient peut être fait défaut, même dans un monde tout rose. Je remercie aussi mes parents et ma famille pour leur soutien, leurs interventions et leurs relectures. Je remercie tous ceux qui ont effectué une relecture attentive particulièrement Romain Jung et Elodie Esteves ainsi que mes amis pour leurs interventions, leurs commentaires et leurs encouragements et tous ceux pour qui, le rose, un jour, a attiré leur attention et m’en ont fait part.


“ SWEET MEMORIES” * 2* HISTORIQUE -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* OPI - Vernis à ongles - NLR31 - Sweet Memories


XIIIème Siècle (1200-1300)

Vème - XVème Siècle (Moyen Âge)

XIVeme- XVeme Siècle (Fin Moyen Âge)

XVIIème Siècle (vers 1600)

L’enfant Jésus est représenté sur les tableaux vêtu d’une tunique rose.

Le rose est le symbole de la virilité chez les hommes.

A la fin du Moyen Âge les teinturiers apprennent à mieux utiliser le “Brésil” bois colorant rouge longtemps accusé de fournir de “fausses couleurs” car elles ne tenaient pas au lavage. Ils sauront en tirer des tons très lumineux s’inscrivant dans la gamme des orangés et roses. S’ensuivra une vogue soudaine pour le rose dans le vêtement princier, masculin et féminin, au tournant des XIVème et XVème siècles.

Début de la peinture Baroque. Sur les tableaux de cette époque, les jeunes enfants sont souvent peints avec de longues robes de dentelle de couleur rose, “ce rouge pour enfants” appelé aussi le “petit rouge”.

1668

1720- 1775 (Période Rococo)

1721-1764

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Lors d’une fouille archéologique sur des sites médiévaux et en particulier au château de Melun-sur-Yièvre est retrouvée une coquille de peintre contenant des pigments roses contitués d’un mélange de rouge vermillon et de blanc de craie.

L’alchimiste Cassius trouve pour les arts du feu une couleur à base d’or, un rose-violet de structure ultra fine, colloïdale, engendré par l’or, l’étain et le chlore. Ce rose devient célèbre sous le nom de “pourpre de Cassius”. Il est utilisé pour colorer le verre et la porcelaine.

Prédominance de couleurs pastel, dont le rose, à la Cour de France.

Madame de Pompadour initie la mode du rose et du bleu clair. Le rose Pompadour, un rose lilas qui tend vers le mauve, est créé spécialement par Philippe Xhrouet au sein des Manufactures Royales de Sèvres.


XIX ème Siècle (1800-1900)

fin XIXème Siècle ( 1850-1890)

1858

Années 1880

1888 (depuis 1888)

1920 (années 20’)

Le Financial Times, le plus célèbre quotidien financier du monde est imprimé sur du papier rose, tout comme la Gazetta dello Sport, ces deux journaux ont un lectorat exclusivement masculin.

Apparition de la convention “bleu pour les garçons, rose pour les filles”.La couleur pour les vêtements de bébé ne se généralise qu’après 1920, lorsqu’il devient possible de fabriquer des tissus de couleur qui peuvent bouillir. L’image du bébé change, avec la naissance du marketing. Le bébé se sexualise, bleu pour les garçons, rose pour les filles.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------L’enfant Jésus est toujours représenté sur les tableaux vêtu d’une tunique rose.

Découverte des premières teintures chimiques à base d’aniline.

Synthèse de la “Fuschine” ou “Magenta” qui tire son nom de la bataille de Magenta en Italie, la même année, par François-Emmanuel Verguin à Lyon. Il l’obtient en chauffant de l’aniline avec du tétrachlorure d’étain. Verguin dépose un brevet le 2 février 1858.

Suite aux découvertes des pigments synthétiques les fabricants de “couleurs fines pour artistes” tels que Winsor & Newton en Angleterre ou Lefranc en France proposent à leur clientèle toute une gamme de couleurs vives d’origine artificielle dont le rose d’alizarine. Hélas ces couleurs sont loin d’être aussi solides que celles à base de composés minéraux. C’est l’exemple des laques géranium rose vif commandées par Van Gogh au cours des année 18881889 qui ont vite tourné au bleu pâle dans plusieurs de ses toiles sous l’action de la lumière. De même pour les laques roses employées par Gauguin.


1923

1931

1939 - 1945 (Seconde Guerre mondiale)

1948

1930-1950

1958

Le rose fille s’est imposé, sauf dans les endroits de forte tradition catholique, où le bleu ciel, couleur de la Vierge Marie perdura plus encore. Toutefois la mode des couleurs distinctes pour bébés (bleu ciel et rose) atteint son apogée.

Scandale des ballets roses, affaires de moeurs concernant des notables et des jeunes filles mineures. Le rose revêt un caractère pervers.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Premier roman “Jigsaw” de Barbara Cartland célèbre auteur britannique de romans d’amour et aussi connu pour son addiction au rose, son allure excentrique toujours vêtue de couleurs roses pastel ou bonbon.

Shocking Pink, nouvelle couleur obtenue à partir de magenta et d’une touche de blanc est lancée par Elsa Schiaparelli, créatrice de mode liée aux surréalistes.

Port du triangle rose comme signe distinctif des homosexuels. Ce symbole devient alors celui de l’homosexualité.

L’enseigne Tati est créée par Jules Ouaki, de par son logo et ses slogans le rose Tati est devenu synonyme de “ pas cher ”.


18 juin 1958

1964

1980

1981

Création du dessin animé “La panthère rose” de Friz Freleng.

L’engouement pour les couleurs layette commence à s’essouffler.

Apparition du minitel et du minitel rose service de messagerie érotique.

2000

2005

2011

La prestigieuse équipe parisienne de rugby le Stade Français qui depuis plus d’un siècle jouait en maillot bleu adopte le maillot rose, couleur classée aux antipodes de la virilité masculine des rugbymen. Le succès commercial est signé par Adidas.

Pantone LCC élit le rose comme couleur de l’ année 2011.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Mariage de Brigitte Bardot dans sa mythique robe Vichy rose.

L’orange, couleur très à la mode sur des articles en plastique bon marché subit une désaffection croissante des clients, les fabricants utilisent alors beaucoup le fuchsia qui se voit associé à des produits bon marché.

Le fond de l’air est rose, “réenchantement” sur fond de croissance économique plus ou moins retrouvée. Il est partout, sur les tables, dans le prêt-àporter, dans les jardins où la rose retrouve son rang de première dame, dans la création contemporaine où il est traité avec ou sans ironie.


“ ROSE CONFIDENTIEL” * 3* SONDAGE -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* Chanel - Vernis à ongles n°491 - Rose confidentiel


J’ai choisi de réaliser un questionnaire pour recueillir différents avis sur la notion du rose. Cette couleur touche tout le monde, nous sommes en contact permanent avec celle-ci et pouvons donc avoir un avis à donner, des souvenirs à raconter, des référents à transmettre. A travers des questions choisies, j’ai souhaité faire emmerger des généralités, des points communs, confirmer certaines affirmations, et ouvrir ma réflexion de manière dynamique.


••• • 134 • personnes ont répondu à ce questionnaire.

MERCI


AGE MOYEN DES PARTICIPANTS

98 Femmes 73% 27%

36 Hommes

14 ans 16 ans 17 ans 18 ans 19 ans 20 ans 21 ans 22 ans 23 ans 24 ans 25 ans 26 ans 27 ans 29 ans 30 ans 34 ans 35 ans 37 ans 40 ans 41 ans 42 ans 44 ans 45 ans 50 ans 51 ans 52 ans 56 ans 70 ans

00

05

10

15

20


8

90

7

76 18

1 ACTIFS

9

Secteurs d’activités

34

ETUDIANTS

2 2

RETRAITÉS

9 NON DEFINIS

DESIGN dont textile, produit, paysage, architecture, communication, coloriste LYCÉE COMMERCE GESTION / COMPTABILITE ENSEIGNEMENT MARKETING DIVERS dont audivisuel, artisanat, immobilier, mécanique, ingénieurie, médecine, social


“ J’en adore certains et en déteste d’autres” Marina, 20 ans, designer

78%

14% 11%

3%

14%

“ J’aime parce qu’elle est ce type de couleur qui a totalement été codifiée par la société ” Mario, 24 ans, designer

LE ROSE VOUS AIMEZ ? J’ADORE J’AIME JE SUIS INDIFFERENT JE N’AIME PAS JE DETESTE

Toutefois 20% s’accordent à dire que cela dépend du rose.

“ Je l’aime dans toutes ses nuances mais il ne faut pas qu’il soit vulgaire, surtout ” Marion, 27 ans, designer textile


Globalement la couleur rose est une couleur appréciée par le panel qui a répondu au questionnaire. Mais les réponses sont souvent nuancées par un “cela dépend” qui met en évidence le caractère double et ambigu de cette couleur. En effet, une petite chose peut la faire basculer d’un univers à un autre. Un peu plus de blanc, un peu plus de rouge, une pointe de bleu et le rose change de visage, évolue vers d’autres espaces, d’autres référents symboliques.


•••

Qu’est-ce que le rose pour vous ? •••

FEMININ

• Les qualificatifs les plus cités •

FILLE


Gourmandise L’ENFANCE

“ Un peu de poésie dans un monde très gris”

LES FLEURS La gaieté

UNE COULEUR DOUCE

Agnès, 24 ans, designer

“ Il représente pour les hommes un moyen d’afficher une confiance en soi, une façon de se démarquer du commun des mortels” Jean, 22 ans, étudiant commerce

Sucré BARBIE “Le rose représente pour moi une sorte de rêve de princesse et de prince charmant ”

Les bonbons FRAICHEUR

La joie

Marion, 17 ans, lycéenne


Qualificatifs cités au moins une fois :

La délicatesse LES FLEURS

Anne-Laure, designer

FLASHY Dynamisme

UNE COULEUR DOUCE Sucré

“ C’est un moyen de différencier les filles des garçons dès leur naissance et donc d’appliquer un modèle de valeurs et de comportements à la fille -future femmeet ce au détriment de la notion d’égalité homme-femme ”

Un brin de folie

“ Entre le violet et le rouge mais avec du brouillard épais ” Martin, designer

“Il est dur de se forger une opinion sur quelque chose d’autant connoté ” Violette, 18 ans, design

SENSUELLE “Cela m’évoque un monde imaginaire “

Une fleur symbole d’amour

Violette, 18 ans, design


Qualificatifs cités au moins une fois :

PÉTILLANTE Le printemps et l’été

SEXE Provoquante

Naïve Positive FRAGILITE Cheap

Bonheur

GIRLY

“ C’est bien souvent une couleur kitsh que j’associerais tout de suite au bas de gamme, au vulgaire ” Pauline, 23 ans, design

“ Une couleur qui peut être extrêmement jolie ou affreuse ” Anne, 56 ans, architecte

“Cela évoque pour moi la couleur de la peau (rose pâle, rose jaune, rose brun...) c’est très humain comme couleur, c’est tendre” Anaïs, 25 ans, design

“Le ciel quand le jour se lève ou se couche ”

Plaisir

Violette, 18 ans, design

VULGAIRE


“ L’envie de s’envoler dans un tourbillon de nuages roses “

Qualificatifs cités au moins une fois :

Toulouse

Kitsh ÉMOTION

INNOCENCE

Michelle, 70 ans, retraitée

“ Malheureusement la couleur des filles “ Agnès, 40 ans, créatrice

Calme

TENDRE

“ Une couleur qui n’appartient pas à l’arc-en-ciel, comme le marron, donc à bannir “ Azilis, 29 ans, design

POÉTIQUE

Vitalité SUPERFICIEL

Chaleureuse

Très connoté

“C’est une nuance de rouge mais beaucoup moins agressive” Elise, 25 ans, architecte

“ Une fausse couleur “ Guillaume, 17 ans, lycéen


A la question “Qu’est ce que le rose pour vous?” Certains voient en lui une liste d’adjectifs qualificatifs, d’autres simplement une couleur, ni plus ni moins qu’un mélange de blanc et de rouge et d’autres encore voient la diversité de ses sens et l’ambiguïté de ses connotations. La liste des adjectifs pour la qualifier est longue mais nous pouvons noter l’omniprésence de références à l’univers féminin.


•••

Une chose qui pour vous est forcément rose ?

Barbie, symbole du rose, arrive à la première place avec 12 citations.

La barbe à papa est également une référence en terme de rose, elle est citée 9 fois.

••• La chambre de petite fille, avec 9 citations, est la référence décoration.

Le cochon cité 7 fois dépasse tous les autres animaux.


Ils ont été cités 7 fois :

Le papier toilette

Les bonbons Le Malabar, cité 7 fois, le chewing gum rose le plus connu.

Les jouets de petites filles sont cités 7 fois.

RIEN

n’est forcément rose pour 6 personnes.

Les fraises Tagada Les fleurs

L’univers de bébé est cité 5 fois.


Gwladys Pour 4 personnes je suis forcément rose. La panthère rose est citée 4 fois, l’icône rose de la télé.

Un sex toy est pour 3 personnes toujours rose.

Le rouge à lèvre donne à 3 personnes les lèvres rosées.

Le jambon est cité 4 fois. Le coeur est cité 3 fois. Les ballerines de danseuses sont citées 3 fois.

Pour 3 hommes le polo Lacoste est une référence.


Un préservatif est toujours rose pour 3 personnes.

Le chamallow est cité 2 fois. Pour 2 personnes le vernis à ongle doit être rose.

L’élephant pour 2 personnes est rose, signe de forte hallucination.

Le flamant rose est cité par 2 personnes.

Les framboises sont roses pour une personne.

La robe de princesse est 2 fois citée.

Le triangle rose est un symbole fort pour une personne.


Ils ont tous été cités une fois :

La Vie La bouche

Une Bimbo

Une glace

Une crevette Un tutu de danseuse

Une bougie

Du blush pour les joues


La liste des objets forcément rose pour le panel peut être révélatrice de son utilisation dans notre société. En effet, une majorité des objets désignés sont des produits industriels, artificiels, symboles de notre société de consommation comme par exemple la Barbie, les bonbons, les cosmétiques. Beaucoup d’objets cités peuvent être jugés “agréables”, comme la glace, les coeurs ou les fleurs. Cela sous-entend alors que le rose trouve un écho positif en nous. Cette question révèle également la diversité des produits et des sentiments auxquels renvoit la couleur rose. En effet, pour cette même question il n’est pas garanti d’obtenir autant d’objets différents pour une autre couleur.


•••

Racontez moi un souvenir rose •••

Des souvenirs roses on en a tous, et c’est aussi en cela que cette couleur est incroyable, elle nous emmène dans des univers multiples. Souvenirs d’enfance, d’adolescence... Visions bucoliques ou terre-à-terre. Voici une sélection des souvenirs les plus séduisants.


“ Les mouchoirs en tissu de ma grand mère, toujours sous l’oreiller. Et du coup les draps à rayures rose et blanc de mon lit chez elle. Un univers tout doux et confortable. Et aussi, dans ses deux maisons que j’ai connues elle tenait à avoir sa salle de bain tout en rose! ” Mathilde, 25 ans, Design textile


“ J’adorais aller au magasin Repetto avec ma grand-mère qui chaque année m’offrait un produit du magasin pour Noël...J’adore toujours y aller et admirer toutes ces nuances de rose poudré et chair qui me plongent dans mes souvenirs de petite fille.” Chrystelle, 29 ans, Design textile


“ Le rose qui m’a marqué est celui des hortensias que l’on trouvait chez ma grand-mère, il n’y avait aucune fleur, sauf des énormes buissons d’hortensias, avec des teintes de roses variées, d’un fuchsia, à un rose légèrement grisé. ” Margaux, 24 ans, Designer coloriste


“ Le rose m’a marqué lors de mon voyage au Japon, l’adulation pour “Hello Kitty” et ses produits dérivés. Un jour, je suis entrée dans un restaurant entièrement rose, rempli de statuts d’Hello Kitty, et des femmes habillées de rose aussi. ” Lucille, 23 ans, Architecture


“ A Valparaiso, au Chili, les maisons sont de toutes les couleurs mais je trouvais que les roses étaient les plus belles. ” Anaïs, 23 ans, Design


“ Quand j’étais petit, je confondais les couleurs, enfin certaines. Le rouge et le rose par exemple. Un jour alors que la maîtresse nous avait demandé de calculer le périmètre du rectangle rouge, je levais ma main et demandais où se trouvait le rectangle en question, ne voyant sur ma page que ce rectangle rose. La maîtresse a cru que je me moquais d’elle et me gronda. ” Jéremy, 24 ans, Design


“ Ma tenue de tennis blanche toute neuve lavée avec un torchon rouge. ” Romain, 29 ans, Design


“ Le ciel qui s’embrase en rose saumon à la tombée du jour.” Juliette, 22 ans, Design


“ Un jour où ma grand-mère m’avait offert un chapeau en osier rose framboise et où je suis allée cueillir des framboises avec elle dans son jardin... Donc je pense à la couleur mais aussi au contact de l’osier, au velouté des framboises, à leur goût et à la gentillesse et la douceur de ma grand-mère.” Chloé, 19 ans, Design


“ Oh oui tous nos jouets de petites filles étaient roses (Poly Pocket, Barbie, robes de princesses, barbe à papa). On vivait dans un monde tout rose.” Pauline, 23 ans, Design textile


“ Toutes mes Barbies étaient habillées en rose et je passais des heures à jouer avec elles dans ma chambre. ” Marion, 17 ans, Lycéenne


“ Mon doudou, mon “lapin rose” qui me rappelle de bons souvenirs, mais aussi ma chambre rose et blanche, qui est absolument adorable avec du recul, mais que j’ai pourtant détesté pendant mes années “Je ne veux plus être une gentille petite fille”. Donc après une période de conflit total avec le rose, j’ai appris à l’aimer de nouveau ! ” Alice, 18 ans, Lycéenne


“ Je me souviens des moments où, petite, et durant 25 ans, je prenais mon bain dans cette grande baignoire en céramique rose!!! Je plongeais dans un monde imaginaire incroyable!!! Test de poussée d’Archimède avec une bouteille de shampoing vide, lavage des gants de toilette collés sur le carrelage avec ma sœur, plongée sous-marine avec un fond “rose” bien sûr, concours de mousse, pédalo pieds contre pieds, premier test de “rasage” de jambes, découverte et soin du corps... Bref, cette baignoire rose a été pour moi une véritable histoire : tour à tour salle de chant, institut de beauté, terrain de sports, laboratoire d’expériences en tout genre, salle de détente et de réconfort, océan imaginaire...et toujours de ne jamais vouloir en ressortir.... Mon souvenir rose, c’est tout simplement la baignoire de ma jeunesse!! ” Christelle, 43 ans, Commerce


“ Une branche de camélia qui fleurit dans le petit jardin de la maison à la fin de l’hiver.” Etienne, 26 ans, Sellier


“ Ma meilleure amie ne s’habillait qu’ en rose, c’était assez étrange, de la tête au pied, et un jour elle s’est teint aussi les cheveux en rose électrique, elle était devenue “ Marion rose” pour tout le monde. Comme quoi c’est vraiment une couleur qui rend accro.” Camille, 24 ans, Design


“ Les maisons de Sauzon, village de Belle-Île-en-Mer...” Anne-Laure, Design


“ Mon premier rouge à lèvres fuchsia reçu pour mes 6 ans. ” Cosette, 20 ans, Paysagiste


“ Les Barbies, raison pour laquelle je déteste cette couleur. ” France, 22 ans, Design


“ Les lagunes colorées dans le Salar d’Uyuni en Bolivie : quand j’ai vu ce paysage de camaïeux roses. Je me suis demandée pourquoi tout le monde n’avait pas un poster de ce lieu dans sa chambre. Magnifique! ” Marie, 30 ans, Design


En observant la liste des souvenirs racontés, nous pouvons nous rendre compte qu’une majorité est liée à l’enfance. Le rose faisant généralement appel à des objets concrets que l’on a possédés, à l’univers d’une personne de notre famille ou encore à un moment marquant. Les souvenirs peuvent être aussi liés au souvenir d’un moment heureux, d’un paysage merveilleux. Quelque chose qui continue de nous faire rêver actuellement.


émanent du rose.

SYNTHÈSE

La diversité des réponses mais aussi leurs similitudes confirment que le rose a une place particulière dans l’esprit des gens. C’est une couleur gorgée de symboles, du monde féminin à celui de l’enfance, des sucreries au maquillage le rose s’étend sur un large spectre de référents, à ce point qu’il évoque toujours quelque chose. De nombreux objets industriels ont été cités mais aussi des éléments naturels, comme les fleurs ou certains animaux. Les souvenirs sont aussi nombreux. Cette couleur touche tout le monde, aimé ou non, le rose ne laisse pas indifférent. Pour beaucoup, tout est question de dosage, de balance, d’harmonie et de goût. Evoquant tout et son contraire, le rose peut être contradictoire et occupe une si large gamme qu’il semble pouvoir s’adapter à toutes situations. De part la multiplicité de ses sens et des choses auxquelles elle fait penser, la couleur rose a une place importante dans la littérature et la poésie. La lecture de l’ouvrage d’Annie Mollard-Desfour1 a permis de relier les conclusions de ce questionnaire à des exemples littéraires. En effet, chaque aspect du rose soulevé par les réponses récoltées peut être rattaché à des citations d’oeuvres d’auteurs, de poètes, d’artistes. On peut alors remarquer la constance de certaines connotations notamment celles de la féminité et de l’intime que l’on retrouve chez Marcel Proust2 .Il décrit dans l’extrait suivant, un rose dans ses plus fines nuances associant le teint d’une jeune fille aux couleurs des fleurs. Il exacerbe à travers celles-ci la sentimentalité, le romantisme et aussi la gourmandise qui 1 Annie Mollard-Desfour, “Le dictionnaire des mots et expressions de couleur : Rose” Cnrs Editions, Paris, 2002 2 Marcel Proust, “A l’ombre des jeunes filles en fleurs” dans “A la recherche du temps perdu”, 1918, p.888

“Je regardais les joues d’Albertine pendant qu’elle me parlait et je me demandais quel parfum, quel goût elles pouvaient avoir: ce jour-là elles étaient non pas fraîches, mais lisses, d’un rose uni, violacé, crémeux, comme certaines roses qui ont un vernis de cire. J’étais passionné pour elles comme on l’est parfois pour une espèce de fleurs.” Du rose de la féminité romantique au rose de la féminité sensuelle il n’y a qu’un pas. Alphonse Boudard3 nous parle de désirs, d’une féminité idéalisée et fantasmée qui se manifeste par un souvenir rose. “ Encore avec ses bas, son porte-jarretelles...mon ardeur n’attendait plus! Ça vous marque ces dessous féminins qui vous ensorcellent dans votre jeunesse... ces franfreluches roses.” Le rose s’exprime également à travers des souvenirs d’enfance, sucrés, suaves, odorants et doux comme celui des gommes ou du papier buvard référence à une époque révolue dont parle avec nostalgie Marie Rouanet4. “ Ecrire sur le cahier immaculé était une fête, passer le gras du doigt sur le lisse de la règle neuve, renifler l’odeur de l’éponge de caoutchouc, se caresser du rose de la gomme était un plaisir renouvelé dix fois par jour jusqu’à ce que la nouveauté fut épuisée. La folie, c’était les buvards. Ils ont gardé pour moi, aujourd’hui encore où l’on s’en sert si peu, toute la magie d’une époque où l’on écrivait à la plume avec une encre qui mettait longtemps à sécher, où le crayon à bille n’existait pas, où l’achat d’un stylo-plume était un évènement. Ce rectangle d’un rose suave - plus rarement d’une autre couleur -, cette matière pelucheuse, veloutée, à la fois tissu et papier, paraissait au début si admirable que je n’osais pas en éponger l’encre et préférais souffler sur ma page de cahier.”

Le rose et la rose sont également présents en poésie. Par exemple dans le célèbre poème de Pierre de Ronsard “Mignonne, allons 3 Alphonse Boudard, “ Les enfants de choeur”, 1982, p. 197-198 4 Marie Rouanet, “Nous les filles”, 1990, p. 220


voir si la rose”5

“À Cassandre

Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait desclose Sa robe de pourpre au Soleil, A point perdu, ceste vesprée, Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil. Las ! voyez comme en peu d’espace, Mignonne, elle a dessus la place Las, las, ses beautés laissé choir ! O vraiment marâtre Nature, Puis qu’une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir ! Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que votre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse : Comme à cette fleur la vieillesse Fera ternir votre beauté.” Ici la rose symbolise la féminité et renvoit donc à Cassandre que Ronsard souhaite séduire. A travers l’image de la fleur il parle de la fuite du temps et fait une leçon à cette jeune fille: “cueillez, cueillez votre jeunesse”, indique qu’il faut profiter du jour. A l’image de la rose qui fane puis sèche, on ne peut échapper à son destin, à la vieillesse puis à la mort. Le rose déchaine des passions et certains entretiennent des rapports fusionnels avec cette couleur. C’est le cas de Marcel Duchamp qui en 1920 invente le personnage de Rrose Sélavy, anagramme de la locution “la vie en rose”. Ce personnage n’est autre que lui travesti en femme et immortalisé par le photographe Man Ray. Rrose Sélavy sera reprise par Robert Desnos, poète français qui rejoind le courant des surréalistes. Il reprend ce personnage fictif dans des contrepèteries (jeu de mots consistant à permuter certains phonèmes, lettres ou syllabes d’une phrase afin d’en obtenir une nouvelle) approximatives, 5 Pierre de Ronsard, “Mignonne, allons voir si la rose”, “Odes”: I, 17 , 1545

poétiques et érotiques. Comme par exemple: “Rrose Sélavy connaît bien le marchand du sel.”, mar- et sel créent Marcel et du et -chand donne Duchamp. Rrose Sélavy interroge l’ambiguïté des apparences, l’identité et le genre à travers l’art et le langage. Le rose déchaine également une passion à notre époque. L’exemple de Fabien Ouaki, PDG de Tati, montre combien le rose, emblématique de son entreprise, fait partie intégrante de sa vie. Il se qualifie lui-même “d’hypersensible au rose”. Dans le dictionnaire du rose6 , son texte original montre l’intensité de son rapport au rose. “ Le ROSE m’appartient! Non! Le ROSE “NOUS” appartient! à moi, à ma famille, aux employés, à tous ceux qui travaillent pour ou chez Tati. Depuis ma plus tendre enfance, le ROSE a toujours existé, partie intégrante de ma mémoire, associée à l’image du magasin où nous allions mes frères et moi “jouer à la marchande”. Le magasin de papa était ROSE, les vendeuses étaient en blouses ROSES, les sacs étaient ROSES, les murs étaient ROSES. LE ROSE EST A NOUS! Plus tard, quand Tati est devenu un phénomène de mode, leader du discount, le ROSE, notre ROSE est devenu naturellement synonyme de “pas cher”. Dès que je vois du rose, ma parano se réveille. Pas le rose de la layette pour petite fille, que je juge trop fadasse, et qui n’est pas vraiment du rose pour moi. Ni celui de la “bibliothèque rose”, légitime, puisqu’il était là avant nous. Ni ce “vieux rose” aussi blanchâtre et poussiéreux que l’esprit de ceux qui l’utilisent pour l’ameublement de leur chambre à coucher. NON! Le ROSE, le vrai, le dur, le nôtre, le seul. Le ROSE de la joie du travail bien fait, celui de la reconnaissance sociale, celui de l’accès au bonheur d’acheter, de pouvoir acheter, ROSE du plaisir d’acheter. Non, ici, on compte, on calcule, on espère juste qu’après le nécessaire il restera de quoi répondre à l’inutile, indispensable au bonheur. Le ROSE de l’argent si difficile à gagner, le ROSE de la bonne affaire, le ROSE du travail bien fait. Le ROSE de la féminité, la vraie! Celle que les femmes peuvent 6 Annie Mollard-Desfour, “Le dictionnaire des mots et expressions de couleur : Rose” Cnrs Editions, Paris, 2002, p.218


revendiquer, le ROSE qui serait comme un grand panneau : “Réservée aux femmes”. Le ROSE de la joie, de l’évènement, comme une fête foraine, comme un gros jouet de Noël que l’on aurait rêvé d’avoir. Je souffre d’hypersensibilité au ROSE. Ce n’est pas une maladie grave, certes, mais qui provoque toutefois quelques désagréments. En effet, la moindre couverture de magazine, la moindre pub, affiche, vitrine, le moindre sac attirent mon regard pour peu qu’il soit “Rose Tati”. Alors, je scrute, soupèse, hausse le sourcil. J’évalue le culot. J’imagine le détournement. J’observe le vol. Je m’indigne à l’appropriation du ROSE, mais vite résigné car dépourvu d’un arsenal de défense qui me permettrait de faire connaître mes droits naturels sur le ROSE, je médite sur l’injustice humaine, sur la justice divine (au fait! Quelle est la couleur de Dieu? Le ROSE?), sur l’impermanence du monde et surtout des couleurs... Pour ce qui est du vichy, aux références aquatiques... et autres, il n’est là que pour nous permettre d’obtenir du rose. Prenez un rouge bien dur, un blanc bien franc; mélangez tout ça avec des lignes; reculez vous, et hop! ... Miracle: le rouge, plus le blanc, plus le motif géométrique aquatique..., vieux comme le monde, donne du ROSE. Ce ROSE qui, pour finir sur une petite note poétique et sérieuse, est à mes yeux la couleur de l’unité humaine: rouge du sang, uni au blanc de la pureté, ROSE donc, couleur de l’Amour entre les Hommes...”

Et vous, qu’est-ce que vous évoque le rose?


“ ROSE IN TENSION” * 4* NATUREL / ARTIFICIEL -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* YSL - Rouge Volupté Shine - N° 17 Rose in tension


INTRODUCTION

Au regard des diverses lectures concernant le rose il s’avère que cette couleur n’occupe pas la même place que les autres. On parle très peu d’elle de manière “scientifique” et peu d’auteurs ont vraiment défini sa place par rapport aux autres couleurs. Tantôt inexistante, tantôt “sous-rouge”, tantôt associée directement au rouge elle n’émerge que très rarement comme couleur en tant que telle. Si le rose représente un champ immense, une multitude de teintes et de nuances il est pourtant difficile de retrouver cette abondance dans les écrits. Pour le situer au milieu de toutes les théories généralistes, il semble tout d’abord nécessaire de faire un point sur la couleur en général : de quoi est-elle constituée, les différentes théories qui s’y réfèrent, la différence entre lumière et matière. Dès la genèse de ce mémoire une thématique est apparue comme maîtresse dans le traitement de ce sujet : l’ambivalence naturel / artificiel. En effet, ces deux aspects du rose peuvent être mis en relation et expliquent certains points de vue sur cette couleur. Ce livret aura pour but de traiter de la fabrication de la couleur rose parmi les autres couleurs et d’en définir sa place. Il aura pour autre objectif d’analyser d’un côté le rose naturel, d’où vient-il, comment est-il fabriqué, dans quoi le retrouve-t-on et à quoi fait-il penser? Quand au rose artificiel, ce livret cherche à savoir quand est-il apparu, comment est-il fabriqué et dans quels domaines est-il présent, à quoi renvoie-t-il et comment est-il considéré ?


1* Le rose, une couleur


* Le rose et les systèmes de représentation des couleurs Le champ chromatique du rose est vaste et pourtant on le retrouve très peu dans les systèmes de classification des couleurs. Le rose occupe un espace allant de la limite du rouge à celle du blanc mais il tend également vers d’autres couleurs voisines : le violet, l’orange, le jaune. On trouve des dénominations pour chaque tendance vers l’une ou l’autre de ces couleurs. Selon Annie Mollard-Desfour le rose se révèle problèmatique d’un point de vue physique mais aussi linguistique. En effet, dès le latin, le champ du rouge a été scindé en deux. D’un coté le rouge et de l’autre le “rouge clair” ou rose qui a alors été désigné par le terme “roseus” à l’origine du mot rose actuel. De même pour le Grec avec “rhodon”. Depuis longtemps, le rose a une existence autonome vis-à-vis des autres couleurs en terme d’usage, de vocabulaire et de symbolique. Toutefois ce n’est pas le cas au niveau de la physique où le rose est considéré comme un rouge clair et n’a pas d’existence propre. Annie Mollard-Desfour soulève le fait que “le rose ne peut appartenir au rouge, non pour des raisons de colorimétrie, mais à cause des sens figurés opposés de ces deux couleurs qui témoignent de la vitalité du rose et de sa lexicalisation comme champ de couleur à part entière”1. Les deux couleurs qui le composent, le rouge et le blanc, sont opposées autant sur le plan colorimétrique que symbolique. Ce qui est rouge ne peut être blanc et les sens associés au rouge sont complètement différents de ceux associés au blanc. D’où l’ambiguïté de la place de ce rose parmi toute les autres couleurs.

sa couleur dépend de la lumière qui l’éclaire et des longueurs d’ondes qu’il absorde et renvoie. Cela est lié à la composition des matières. L’intensité des longueurs d’ondes visibles est comprise entre 400 nm à 700 nm, du violet au rouge. Le rose n’est pas présent dans le spectre continu, car situé entre le rouge et le violet, les deux extrémités opposées du spectre. Deux types de synthèse existent pour décomposer la lumière blanche. La synthèse additive qui concerne la couleur lumière (écrans cathodiques, LCD, vidéoprojecteurs...). Elle décompose la lumière en faisceaux lumineux de couleurs primaires Rouge, Vert et Bleu. La superposition de ces trois couleurs donne une lumière blanche. La synthèse soustractive, quant à elle, est basée, sur l’absorption des longueurs d’ondes par la matière. Elle concerne les objets qui nous entourent, la peinture, l’imprimerie etc.. Les trois couleurs de base sont le Jaune, le Cyan et le Magenta. Le mélange de ces trois couleurs donne du Noir. Le rose apparaît à travers le magenta (qui peut être considéré comme un rose). C’est là une grande complexité, car l’autonomie du rose (ou magenta) n’est pas constante dans tous les systèmes de mesure. Pourtant il fait partie des couleurs de base des deux synthèses, additive et soustractive, connues par une majorité de la population depuis toujours. Dans certains systèmes il n’a plus cette place et est même parfois absent. C’est le cas par exemple pour les cercles chromatiques de Goethe (1810) ou de Chevreul (1839) et d’autres systèmes de représentation des couleurs.

La couleur est un ensemble caractérisé par des phénomènes physiques et des phénomènes optiques. Elle est basée sur la lumière. Un objet n’a pas de couleur propre, 1 Annie Mollard-Desfour , “Le dictionnaire des mots et expressions de couleur : Le rose “ CNRS éditions, Paris, 2002, p.22

Synthèse Additive

Synthèse Soustractive


Trois facteurs permettent de mesurer, qualifier, situer une couleur. C’est à partir de ces trois facteurs que sont fondés la plupart des modèles de représentation de la couleur. - La longueur d’onde dominante, c’est-à-dire la teinte dominante (Bleu, Vert, Rouge...). - La luminosité ou clarté qui correspond à la position de la couleur sur l’axe Blanc / Noir, c’est ce qui définit si une couleur est claire ou foncée. - La saturation qui correspond à la vivacité d’une couleur. Plus une couleur est saturée plus elle est pure. En ajoutant du noir ou du blanc on désature la couleur, qui est alors rompue. La saturation correspond donc au pourcentage de noir et / ou de blanc qui rend une couleur vive, pâle, terne etc. Au cours de l’histoire, de nombreux chimistes, physiciens ou artistes se sont intéressés, à la mesure de la couleur, à sa représentation et à sa classification. La tâche n’est pas simple et il n’existe, aujourd’hui, aucun système universel qui puisse être appliqué à toute forme de production (industrielle, artistique, etc..) mais une multitude de systèmes appliqués à des domaines particuliers, dans des zones géographiques particulières. La tâche serait beaucoup trop longue et sûrement hors sujet de tous les exposer. Mais il convient d’en présenter quelques-uns, importants, pour mieux comprendre les enjeux de la couleur actuellement.

Chevreul croyait ainsi avoir résolu par une méthode incontestable le problème de la définition et de la nomination des couleurs. Pourtant le rose est absent de sa classification. Il ne semble pas lui donner une place singulière dans ses cercles chromatiques, ne s’attachant qu’aux sept couleurs fondamentales dont est exclu le rose. Il est en effet certain que ses cercles ont rendu d’immenses services tant aux industriels qu’aux peintres. Les travaux de Cheuvreul ont servi entre autres de base aux néo-impressionistes tant attachés à la question de la perception des couleurs, jusqu’au jour où la découverte des couleurs artificielles et en premier lieu de l’aniline fit apparaître des nuances brillantes, d’un éclat incomparable, et qui échappaient à ces cercles chromatiques. Chevreul est toujours resté convaincu que les multiples nuances de la nature pouvaient s’exprimer par des nombres, en ce sens, on peut dire qu’il aura été un visionnaire et que le développement de la colorimétrie lui donnera raison par la suite.

La théorie des couleurs de Michel Eugène Chevreul

Chevreul entreprit un long classement des couleurs auquel peuvent être rapportées toutes les couleurs que la nature et les arts produisent. Il publie en 1839 la ”loi du contraste simultané des couleurs”. Il répertorie sous forme d’un disque, constitué de parts de plus en plus divisées, les couleurs qu’il appelle les sept couleurs fondamentales (rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet, indigo). Chaque nuance est ensuite modifiée graduellement dans son intensité. A chaque fois un peu plus foncé, il obtient un répertoire de dix cercles chromatiques composés de 14 420 tons.

1er cercle chromatique de Mr. Chevreul présentant les couleurs franches

5ème cercle chromatique de Mr. Chevreul renfermant les couleurs rabattues à 4/10 de noir


Le nuancier NCS Le nuancier NCS, Natural Color System, est une méthode de classification des couleurs inventée par l’Institut Scandinave de la Couleur dans les années 1960. Le codage des couleurs NCS se décompose en 3 parties : - La teneur en noir. - La saturation. - La recherche de la teinte. C’est un système en trois dimensions basé sur la correspondance d’une couleur donnée avec les six couleurs fondamentales, W (blanc), S (noir), Y (jaune), R (rouge), B (bleu), G (green). Il s’exprime par un code de pourcentage donnant les trois informations nécessaires à l’obtention d’une couleur. Le rose est présent dans ce système au même titre que les autres couleurs. Il est représenté sur un large spectre allant du rouge au blanc, dégradé proportionnellement selon le codage des couleurs, mais aussi jusqu’aux frontières des oranges et des violets. Ce système, basé sur la manière dont notre oeil perçoit les couleurs, est assez simple à comprendre et à utiliser. Il est très complet et permet de regrouper différents types de produits.

Le nuancier Pantone Pantone est une petite société fondée en 1866 qui produisait à l’origine des nuanciers pour les fabricants de cosmétiques. Lawrence Herbert, l’actuel président, rejoignit Pantone en 1956 et racheta la société en 1962. Il y développa son premier système de couleurs Pantone Matching System ou PMS pour l’impression. Le nuancier Pantone est l’outil de référence en matière de couleur pour l’industrie graphique, l’imprimerie et désormais le textile. En effet c’est un système qui permet notamment de combler les failles du système d’impression en CMJN. Pantone repose sur l’idée de proposer un nuancier de couleurs pures pour l’impression. Les couleurs sont créées et mélangées avant l’impression, assurant alors une teinte constante contrairement à l’impression en quadrichromie basée sur la superposition du Cyan, Magenta, Jaune et Noir, et qui est sujette à des variations (trames, encrage, machines etc..). Le principe de création des couleurs repose sur quinze couleurs de base, les encres sont alors mélangées pour créer différentes teintes. Les références Pantone donnent les informations sur ces mélanges de couleurs qui sont normalisés et référencés dans un échantillonnage appelé aussi Pantonier. Le nuancier Pantone se veut être un outil universel de référence. Il est utilisé dans de nombreux domaines et devient un langage universel pour parler de couleur, tant en imprimerie que dans le textile. En effet, Pantone propose plusieurs nuanciers. Le Pantone C (coated), pour le papier couché ou encore le Pantone for Fashion and Home, pour le textile. Il existe également des systèmes de conversion pour faire des ponts entre les nuanciers. Avec plus de huit cent teintes pour chaque nuancier, le rose a une place importante. Chaque rose a donc une référence chiffrée et un nom. Le rose “Honeysuckle” 18-2120 a été élu par Pantone couleur de l’année 2011, influençant alors de nombreuses tendances dans la mode, le design, le graphisme et la cosmétique. Le rose revient régulièrement en position de favorite parmi les couleurs Pantone.


Les sept contrastes de couleurs de Johnnes Itten “L’art de la couleur”1 de Johannes Itten est un manifeste sur la couleur. Professeur à l’école du Bauhaus, il est l’auteur de nombreux ouvrages théoriques et artistiques. Ouvrage clef pour la compréhension des phénomènes de la couleur “L’art de la couleur” enseigne, entre autres, la notion de contraste de couleur. En effet tout ce que nous perçevons par nos sens s’effectue par des comparaisons, de formes, de couleurs ou encore de proportions. Il est donc essentiel de savoir que nous perçevons une couleur par rapport aux autres couleurs qui l’entourent et que cela influe sur la perception que l’on a de cette couleur. Itten définit sept contrastes de couleur qui permettent de mieux comprendre les interactions entre les couleurs pour ainsi les perçevoir et les utiliser au mieux. Le contraste de la couleur en soi: C’est le contraste le plus simple, celui qui éloigne notamment les couleurs pures comme les couleurs primaires (le jaune, le rouge et le bleu). L’effet est toujours franc, puissant et net. Le contraste clair-obscur : C’est le contraste des valeurs. Du noir au blanc, du clair au foncé. Le contraste chaud-froid : C’est le contraste de température entre les couleurs, entre les couleurs chaudes (rouges, roses, oranges) et froides (bleus, violets, verts). L’appréciation d’une température de couleur se fait par contraste avec les couleurs voisines. Une couleur paraîtra plus ou moins chaude ou froide selon son environnement. Le contraste des complémentaires : Itten désigne par complémentaires deux couleurs pigmentaires qui mélangées donne du gris foncé neutre. Par exemple le rouge et le vert, le jaune et le violet. Le contraste des complémentaires est essentiel car il vient de la capacité de l’oeil à créer une image résiduaire de la couleur complémentaire de celle observée, ce contraste vient accentuer la luminosité.

1 Johannes Itten, “Art de la couleur”, Edition abrégée Dessain et Tolra, Paris, 1986, p.33 à p.63

Le contraste simultané : Ce contraste nait du phénomène qui fait que notre oeil pour une couleur donnée, exige simultanément sa complémentaire. Il est donc étroitement lié aux complémentaires. Il en résulte une vibration, une sensation d’excitation dynamique. Le contraste de qualité : C’est l’opposition entre une couleur saturée et lumineuse, et une couleur terne et sans éclat. Les couleurs perdent leur luminosité dès qu’elles sont éclaircies ou assombries. Il est obtenu par gradation entre la teinte pure et le mélange d’un gris neutre de même degré de clarté. Le contraste de quantité : Ce contraste concerne les rapports de grandeur de deux ou plusieurs couleurs (grand-petit, beaucoup-peu). La proportion d’une couleur sur une autre modifie l’intensité et le degré de luminosité.


* Naturel vs Artificiel

Il existe de nombreuses façons de mettre en couleur une surface, un volume ou encore une matière. Nos objets, nos écrans, nos vêtements, la nature, les animaux, l’architecture... tout ce qui nous entoure a une couleur et cette couleur est apportée d’une manière bien spécifique. Il y a deux manières de colorer. L’une est naturelle, les éléments dans la nature ont leur propre couleur. L’autre est artificielle, c’est l’Homme qui donne la couleur à un élément volontairement, grâce à des procédés plus ou moins naturels. Dans ce cas nous pouvons distinguer les couleurs naturelles des couleurs artificielles. En effet chaque couleur a une source physique renvoyant à sa composition et à la manière dont elle est créée. Elle a également une source symbolique faisant appel aux sens connotés qui peuvent dégager un aspect plutôt naturel ou plutôt artificiel. C’est alors qu’il peut se créer une ambiguité entre ces deux notions. Entrent en jeu le pouvoir de la technique à reproduire la nature et le pouvoir de la nature à inspirer la création. Car l’homme n’a-t-il pas de cesse d’observer et d’imiter la nature ? Un rose présent dans la nature, par exemple celui d’une fleur de cerisier peut être reproduit artificiellement notamment grâce aux systèmes de mesure des couleurs. On peut alors se demander quels sont les éléments qui différencient ces deux roses. Lors de nos recherches et notamment à la suite d’un questionnaire (cf. livret “Rose Confidentiel”, 2* Sondage), il s’est avéré qu’il y avait bien dans l’esprit des gens une différence entre couleur naturelle et couleur artificielle. Celle-ci est certainement dictée par de nombreux clichés : par exemple un rose très vif, très soutenu ne peut se trouver dans la nature, mais aussi que pour

est alors dans l’esprit des gens majoritairement artificiel. Lorsque l’on parle de rose, deux sentiments paradoxaux se distinguent. D’un coté cette couleur renvoie à la douceur, à la féminité, à la joie tout comme à des sentiments positifs, mélioratifs. D’un autre coté, le rose évoque des clichés, les “fifilles”, la culture “cheap” qui peut aller jusqu’à l’écœurement, des sentiments plutôt péjoratifs. D’ou vient ce paradoxe ? L’ambiguité des connotations de cette couleur vient probablement des idées, des images, des produits auxquels elle fait référence. Nous avons en tête deux images du rose. L’une naturelle, faisant échos aux roses des fleurs, à la douceur, à la peau, à nos souvenirs d’enfance, l’autre artificielle, celle du rose des Barbies, du plastique, des objets de consommation à outrance et d’une couleur essentiellement “réservée” aux filles. La différenciation naturel / artificiel peut expliquer l’ambiguité de cette couleur. Mais alors quest-ce qu’un rose naturel et qu’est-ce qu’un rose artificiel ? Plusieurs pistes peuvent être explorées. Tout d’abord on pourrait dire que toutes les couleurs sont dans la nature, donc que tous les roses peuvent être naturels. Les fleurs produisent un nuancier de roses très important du plus pâle au plus soutenu, les animaux également nous offrent une riche palette (flamants, oiseaux, crevettes..) , tout comme les minéraux qui arborent une large gamme de roses. Alors d’ou viendrait cette différenciation naturel / artificiel? Lorsque l’on pense rose, on pense également à tous les objets, vêtements, accessoires qui nous entourent, et qui renvoient à la consommation. Tous ces objets roses ont pour point commun d’avoir été colorés par l’industrie, c’est-à-dire, que la couleur a été choisie par quelqu’un et créée artificiellement pour être appliquée sur une surface. On est alors face à un univers tout à fait différent, créé de toute pièce, deux facettes de la couleur rose qui s’opposent. Il semble alors fondamental d’éclaircir cette distinction entre naturel et artificiel, qui selon moi fait la richesse de cette couleur. C’est cette ambivalence des référents, tantôt extrèmement naturels, le ciel rosé d’un soir de mai, tantôt extrèmement artificiels, le rose barbie d’un vernis à ongle, qui fait de cette couleur une couleur controversée, une couleur qui fascine, émeut ou rebute.


2* Le rose naturel Le rose est prÊsent dans la nature, de la terre jusqu’au ciel, le rose trouve sa place parmi les fleurs, les animaux, les minÊraux...



*Le rose présent naturellement Fleurs Le rose c’est “La rose” du latin Rosa, qui donne son nom à la couleur. Cette fleur, la reine des fleurs, est support d’une grande richesse de symboles. Par sa floraison, son épanouissement puis sa flétritude, la rose, aux nuances délicates et variables, fragiles et éphémères est associée à la beauté et donc à la féminité. La rose c’est aussi l’image ancestrale de la rose dans laquelle sont censées naître les petites filles, à l’inverse des petits garçons censés naître dans les choux. Les fleurs offrent une multitude de couleurs et de nuances de roses en particulier. D’un point de vue chimique, les fleurs possèdent trois pigments qui interragissent entre eux : la chlorophylle, les caroténoïdes et les flavonoïdes. Ce sont les anthocyanes (pigments dissous dans le suc cellulaire des plantes et de structures chimiques très voisines de celles des flavonoïdes, sources de teintures jaunes) qui donnent entre autres une couleur rouge ou rose aux pétales. La plupart des teintes rouges, violettes et bleues des fleurs et des fruits du monde entier sont dues à ces pigments contenus dans la structure des cellules mais aussi à l’acidité du milieu (pH) de la plante. Il est d’ailleurs possible par modification de l’acidité des sols d’agir, par des réactions en chaîne, sur la couleur des fleurs. Toutes les nuances que l’on retrouve dans les plantes ont donc naturellement été nommées par le nom de ces plantes, c’est ainsi que l’on trouve des roses magnolia, fleur de pêcher, pétale de rose, bougainvilliée ou encore fuchsia.


Animaux De nombreux animaux affichent une chair, un plumage ou encore un pelage de couleur rose. Le rose chez ces animaux est dû à un pigment nommé l’astaxanthine. C’est une molécule appartenant à la famille des caroténoïdes. C’est le pigment responsable de la couleur du flamant rose, de l’ibis rouge, du crabe, du homard, de l’écrevisse, de la langouste, du saumon, de la daurade ou encore de la crevette. Toutefois dans certains cas, ce n’est que lors de l’ébouillantage, des crevettes par exemple, que la chaîne de la protéine astaxanthine se déroule et révèle sa couleur. Le flamant rose obtient ce pigment grâce à sa nourriture principale. C’est une espèce de mini-crevette, l’Artemia salina, qui elle-même se nourrit d’une micro-algue, la Dunaliella salina, qui dispose d’une forte concentration en pigment rose-rouge (astaxanthine) pour protéger sa chlorophylle dans des milieux très salés. La couleur est donnée naturellement par la chaîne alimentaire de ces animaux basée sur un même micro-organisme qui produit ce colorant pour se protéger de son milieu de vie. On peut également observer cela dans le Lac Rose situé au Sénégal. C’est un lagon peu profond et très salé qui tient sa couleur de la cyanobactérie. Cet organisme microscopique fabrique un pigment rouge afin de résister à la concentration trés élévée en sel de l’eau de ce lac. L’astaxanthine est également utilisée comme colorant naturel dans notre alimentation. Il permet par exemple de rendre les saumons encore plus rosés. Tous ces animaux roses ont évidemment donné naissance à des noms de nuances caractéristiques du rose comme rose crevette, rose flamant ou encore rose saumon.


Minéraux La couleur rose est présente naturellement dans certains minéraux par le biais du manganèse. C’est le cas par exemple de la Rhodonite et de la Rhodochrosite, minéraux d’un rose très soutenu, mais aussi des roses plus pâles, comme la Kunzite ou le Quartz rose. Les couleurs des roches sont dues au comportement des ions métalliques qui constituent les pierres. Selon qu’ils sont présents en grande ou petite quantité, la manière dont ils se structurent ou interagissent les uns avec les autres par différents transferts, permet au rose de s’exprimer différemment. David Batchelor1 parle d’éclat et de luminosité : “ Avec les pierres, la couleur est active, elle est vivante. La couleur se projette, elle n’est pas le revêtement passif d’un objet inerte ; la lumière semble émaner de l’intérieur ; la couleur semble avoir sa propre source d’énergie”. Utilisés depuis toujours pour l’ornement et la joaillerie, les gemmes (pierres précieuses) offrent une large gamme de couleurs et d’aspects (mat, brillant, irisé, nacré..). Le corail est une autre forme de minéral qui est à l’origine organique. C’est une structure squelettique formée par de petits animaux marins, les polypes. Le squelette de corail est composé de carbonate de calcium dur, coloré par des pigments caroténoïdes. C’est pourquoi il est de couleur rose, rose-orangé, rouge-orangé plus ou moins soutenu. Il a donné son nom à la couleur corail.

1 David Batchelor “La peur de la couleur” Editions Autrement Frontières, 2001


Corps humain Le rose c’est la couleur de la peau, des muqueuses. Le rose de la peau des bébés, de la peau des jeunes femmes... Les vaisseaux sanguins qui irriguent le corps donnent la teinte rosée à la peau. Filtré par l’épiderme le sang rouge est atténué par le derme et la quantité de mélanine qu’il contient. La mélanine est le pigment qui détermine la teinte de la peau, qui varie selon le type et la concentration. Le rose est par conséquent associé au corps, à la peau et donc à la beauté, à la légèreté d’un teint frais, fin, mais ses teintes sont aussi éphémères car la peau change. On devient rouge de honte quand nos joues rosissent suite à un excès d’émotion. La peau vieillit des tons pâles et frais des peaux de bébés aux tons grisés, tachetés des peaux plus âgées. Le rose renvoie à la chair et à la nudité et donc par extension à la sensualité et l’érotisme. Le rose devient rose du sexe féminin, des muqueuses et s’ancre dans un registre plus sexualisé. C’est ainsi qu’il est associé à la pornographie, aux sex-shop. Le corps, par lequel se propagent toutes les émotions humaines offre donc une multitude de connotations liées au rose, des plus tendres aux plus “hard”.


*Colorer naturellement Le rose est présent naturellement sans intervention de l’homme dans la nature, et ce qui colore la nature peut servir à colorer des éléments, des matériaux, des textiles. Toutefois ce n’est pas obligatoirement ce qui est rose dans la nature qui donnera une teinture rose, en effet, certaines plantes tinctoriales ne sont pas roses mais permettent de teindre en rose. Jusqu’au XIXème siècle, presque toutes les teintures étaient des “produits naturels”, c’est-à-dire des substances organiques issues d’animaux, de plantes ou de minéraux. Elles pouvaient aussi bien servir à la confection de colorants, de pigments ou encore de laques. Les colorants naturels demandent beaucoup de préparation. Les matières tinctoriales doivent être séchées, broyées puis hachées. Elles macèrent ensuite quelques jours dans un peu d’eau pour permettre l’extraction des composés solubles. Ce n’est qu’après décoction que la solution permettra la teinture à proprement dite. Le colorant est une substance soluble qui transfère sa couleur par voie liquide au milieu qui le reçoit. La teinture consiste à faire absorber un colorant à un support (textile, bois, cheveux). Pour exemple la garance, la gaude, l’indigo, le pastel, la cochenille sont tous des colorants naturels. Ceux-ci peuvent être d’origine végétale, animale ou minérale.

Il n’y a, à proprement parler, pas de produits naturels connus pour donner du rose comme pourrait l’être l’indigo pour le bleu. Toutefois les liants utilisés pour donner du rouge servaient également à concevoir des couleurs roses par dilution, estompage et autres techniques pour désaturer ou éclaircir une teinte. Il est donc probable que des textiles aient été teints avec de la pourpre de “Tyr”, du rouge de Garance, du rouge Vermillon ou de la Cochenille et qu’ils aient arboré par la suite de magnifiques roses. C’est le cas par exemple du “brésil”, un bois rougeâtre importé d’Asie au XIIème siècle, pour lequel les teinturiers ne savaient pas encore très bien faire pénétrer la matière colorante dans les fibres du tissus. Longtemps il aura donc la réputation de faire de “fausses couleurs”, qui ne tiennent pas. Mais à la fin du Moyen-Age les teinturiers apprendront à mieux l’utiliser et sauront en extraire des tons très lumineux, s’inscrivant dans la gamme des orangés et des roses. Registre des plantes permettant de teindre en rose1. - Le Carthame des teinturiers : Les fleurs de cette herbe donnent des tons de “cerise”, “nacarat”, “ponceau”. Des couleurs “parmi les plus fines, les plus belles, les plus délicates qu’un teinturier pût obtenir” selon AG Perkin. Le rouge de carthame, réduit en poudre et additionné de talc, était le fard à joues favori de nos aîeules, sous le nom de “vermillon d’espagne”. Il est encore utilisé en cosmétologie en parallèle des colorants synthétiques.

Le pigment quelle que soit son origine est insoluble dans le milieu qu’il colore. Il se présente sous forme de poudre et se mélange à une colle, un liant, pour recouvrir un support, une surface. Il permet de fabriquer la peinture.

- L’aspérule odorante, famille des rubiacées européennes : Ses racines sont utilisées pour obtenir toute une gamme de roses orangés, variant suivant la quantité de racine employée, l’âge des plantes et la nature du sol. Toutes ces teintes sont solides à la lumière et au lavage.

La laque est un pigment formé d’un colorant précipité et fixé sur un grain solide. On parle par exemple de la “laque de Garance”.

- Le caille-lait ou gaillets, famille des rubiacées européennes : Les tons obtenus tirent généralement plutôt vers le corail et le rose saumon, ils sont très solides. 1 Dominique Cardon et Gaëtan du Chatenet “Guide des teintures naturelles”, Editions Delachaux et Niestlé, 1990


- Le prunellier prunus spinosa L. Rosacea : La peau des prunelles contient des hétérosides, du cyanidol (prunicyanoside) et du delphinidol qui sont les principes tinctoriaux de cette plante. Il donne de bons résultats sur la soie. La couleur obtenue est un très joli rose pâle, toutefois un peu fragile au lavage. - Le raisin d’amérique Phytolaccaceae : Présence combiné du pigment phytolaccanoside, représentant 95% du pouvoir colorant des baies et de l’anthocyane qui explique le fort pouvoir colorant de cette baie. Les couleurs obtenues sont des rouges carmins et un rose fuschia splendide, malheureusement assez peu solides à la lumière et au lavage. La teinture végétale est une technique ancestrale qui donne de très belles teintes mais qui manque de stabilité et de durabilité. C’est aussi un savoir-faire très friand de matières colorantes. Dominique Cardon manifeste sa lucidité quant à l’avenir de la teinture végétale dans notre société actuelle : “Non seulement nous sommes maintenant beaucoup plus nombreux sur Terre, mais en plus notre consommation en textile de tous usages s’est accrue de façon considérable. D’un point de vue écologique, l’utilisation massive des plantes et des animaux en teinture serait d’autant plus catastrophique qu’il en faut beaucoup : entre la moitié et la même quantité de plante que de fibre à teindre, pesée sèche et des centaines d’insectes ou de coquillages pour teindre le moindre bout de tissus. Alors quelle peut encore être maintenant, et à plus forte raison dans le futur, la place des plantes et des animaux tinctoriaux dans la société humaine ? “1

1 Dominique Cardon et Gaëtan du Chatenet “Guide des teintures naturelles”, Editions Delachaux et Niestlé, 1990

*Caractéristiques d’un rose naturel Le rapport à la temporalité Un des traits fondamentaux qui permet de qualifier une couleur de naturelle est son rapport à la temporalité. En effet, nous entretenons avec la temporalité et surtout la pérénité une relation quasi inévitable. Or n’est ce pas le propre d’une couleur naturelle de s’estomper, de s’effacer ou de ternir ? Les couleurs qui nous entourent se doivent de durer dans le temps, et si elles ne le font pas alors on nous vend des produits pour qu’elles restent éclatantes. C’est par exemple le cas de nos vêtements, personne ne souhaite que les couleurs de son tee-shirt s’estompent alors des lessives spéciales permettent de conserver et de raviver les couleurs. Il serait là question de culture, “Ces dimensions temporelles sont spécifiques de la culture occidentale et sont l’héritage des valeurs ancestrales. Les civilisations non-occidentales n’entretiennent pas ce type de rapport à la permanence chromatique, acceptant les transformations naturelles de l’apparence des choses, sans leur accorder quelque jugement de dévalorisation affective.”1 Il est essentiel de bien préciser que chaque culture a un rapport différent à la couleur et que les référents ne sont pas les mêmes pour tous. En effet l’image que l’on se fait de la nature et que l’on en a dépend de nos expériences propres, de notre éducation.

1 “Parlons couleur ! Langage - codes - création “ de Les livres du conservatoire, Edisud, 2006


Le rapport à la matière Une autre caractéristique qui revient souvent lorsque l’on parle d’un rose naturel est l’aspect de la matière qui porte la couleur. En effet, selon la texture, la matière, la lumière de la surface colorée, le rose n’aura pas le même aspect. Il semblerait dans les esprits qu’une couleur naturelle soit plus souvent associée a une surface irrégulière, rugueuse plutôt qu’à un aspect lisse ou brillant. La granulosité d’une matière piège la lumière et fait naître une certaine richesse de la surface colorée. Il en résulte des changements d’apparence selon si l’objet est vu de près ou de loin, sous un angle particulier. Michel Pastoureau émet à ce propos un jugement très catégorique. Dans le “Dictionnaire des couleurs de notre temps”1 il parle de sa perception du rose : “Comme les violets, les tons roses fabriqués par l’homme me semblent compter parmi les couleurs les plus désagréables à l’oeil. Ils entretiennent de ce fait des relations étroites avec la vulgarité et le mauvais goût. Du moins pour moi. Les seuls roses qui ne m’agressent pas sont ceux de la nature. Ils sont rares et rarement monochromes. Peut-être est-ce là le secret des couleurs : très peu d’entre elles supportent d’être unies.” Il soulève alors la différence entre une couleur unie, une surface monochrome, lisse et sans aspérité à une matière dont la couleur n’est pas régulière mais composée de multiples nuances, de reliefs et d’irrégularités. Dans la nature les couleurs sont mêlées, panachées, dégradées jamais plates ni uniformes. Le rose naturel est pour beaucoup synonyme de matière, de tons doux, délavés... Il est alors plus relié à quelque chose d’éphémère, la couleur d’une fleur qui passe, le sang qui irrigue les veines et teint la peau, les joues roses d’émotion. Des référents qui appartiennent plus au domaine du sensible et qui apparaissent donc plus naturels, authentiques, vrais.

1 Michel Pastoureau, “Dictionnaire des couleurs de notre temps” Edition Bonneton, 1992


3* Le rose artificiel


* Histoire “La chimie est l’art de (...) produire plusieurs substances plus appropriées aux différents arts que ne le sont les produits naturels.” William Cullen, chimiste (vers 1766). L’aventure des couleurs synthétiques débute en 1856 avec la découverte, suite à un accident de laboratoire, du premier colorant chimique. C’est William Henry Perkin, jeune assistant au Royal College of Chemistry, qui découvre lors d’une manipulation sur un dérivé de goudron, l’aniline. Il réalise qu’une fois cristallisée, cette substance donne une couleur violette, capable de teindre du textile. C’est un soyeux lyonnais qui s’intéresse le premier à cette découverte qui changera alors définitivement la manière de créer des couleurs. Il fait produire industriellement ce colorant sous le nom de Mauvéine. Le premier colorant de synthèse est né et s’ensuit une multitude de recherches. C’est peu de temps après Perkin, en 1858, que le français FrançoisEmmanuel Verguin invente la fuchsine. Il utilise également l’aniline qu’il chauffe avec du tétrachlorure d’étain. Le mélange donne une couleur fuchsia, le premier rose artificiel voit le jour. Verguin dépose le brevet le 2 février 1858 et en 1859 les frères Renard, teinturiers lyonnais, rachètent l’invention et créent une société nommée “La Fuchsine” pour fabriquer ce colorant. La fuchsine est aussi appelée Magenta1. Au même moment deux allemands, Carl Graebe et Carl Liebermann, employés chez BASF2, trouvent un moyen d’obtenir de l’alizarine, le pigment responsable de la couleur rouge de la garance, par procédé chimique à partir de l’anthracène.

1 Nom de la ville d’Italie, Magenta, où les troupes françaises et italiennes vainquirent les Autrichiens en 1859, le colorant venant d’être découvert et la bataille étant particulièrement sanglante elle donna son nom à l’ancienne Fuchsine. 2 BASF : Groupe de chimie allemand reconnue dans le monde entier.

“Chaudière servant à la fabrication du rouge d’aniline (fuchsine)”. Les merveilles de l’industrie ou, Description des principales industries modernes / par Louis Figuier. - Paris : Furne, Jouvet, [1873-1877]. - Tome II


Ces trois découvertes marquèrent l’histoire. En effet le mauve et le magenta sont des teintes synthétiques, des composés qui n’existent pas dans la nature, et qui furent découverts par hasard. L’alizarine, d’un autre coté, est un produit naturel. La création de l’alizarine synthétique montre que les chimistes organiques sont devenus les égaux de la nature, et que les teintures naturelles, qui avaient été les piliers de la coloration des textiles depuis l’Antiquité, ne nécessitent plus pour être fabriquées, plusieurs milliers de fois leurs poids de matière animale ou végétale. Le naturel et l’artificiel se sont rejoints. Un siècle plus tard, et la révolution industrielle en marche, c’est le plastique qui fait son apparition. L’entre deux guerres peut être considéré comme l’époque de prise de conscience de l’importance du plastique. Il intègre tout les domaines et notamment celui du textile par la réalisation du Nylon en 1938 de Du Pont De Nemours. C’est également la société Du Pont De Nemours qui dépose en 1955 les premiers brevets des pigments synthétiques de la famille des quinacridones. Ces pigments donnent des rouges, rouges violets et rouges orangés permettant de concevoir de nombreuses teintes roses par coupage avec du blanc de titane ou des gels gloss. Il s’ensuit une multiplication et un développement considérable des pigments synthétiques qu’il est trop fastidieux de traiter ici mais qui ont eu une grande incidence sur nos couleurs d’aujourd’hui. Les couleurs synthétiques sont plus stables, et proposent une plus large gamme de couleurs. Le début du XXème siècle voit l’offre se diversifier et on assiste à une popularisation des couleurs synthétiques permettant de varier les qualités et les supports de la couleur. Cela ne manquera pas d’inspirer la mode, la cosmétique, le design et de nombreuses autres sphères de la création. On assiste à une augmentation de la présence du rose dans tous ces domaines. A partir des années 50, période d’après-guerre, c’est le boom des natalités, le retour à la prospérité et le début de la société de consommation avec l’expansion du marketing et de la publicité. Le rose devient alors une couleur populaire que l’on trouve aussi bien dans l’électroménager, le mobilier, la mode que dans les

cosmétiques. L’ère du synthétique est en marche, les produits industriels inondent le marché. On trouve de plus en plus de matériaux totalement issus de la chimie, comme les plastiques, les tissus synthétiques (polyester, polyamide, acrylique), la couleur suit ces évolutions et affirme ses caractéristiques propres.


fraise. Et que la fraise et la menthe ça n’a rien à voir.”1

* Artifice ? Donner des caractéristiques à une couleur artificielle est une chose peu aisée. En effet nous sommes aujourd’hui en contact avec des miliers de couleurs et peu d’entre elles sont naturelles. Pourtant certaines nous apparaissent plus ou moins naturelles ou artificielles que d’autres. Dans les esprits, l’artificiel est lié à des teintes très vives, saturées, mais il est tout à fait possible de trouver des “imitations” de couleurs naturelles résultant de la chimie. Il est donc très subjectif de classer les couleurs et de les ranger dans des “cases”. Il naît alors une ambiguité entre ces deux aspects de la couleur et pourtant c’est bien là que se joue le jugement de valeur de la couleur. L’artificiel étant lié au superficiel, à l’artifice, qualifier une couleur d’artificielle peut être associé à une idée dépréciative de celle-ci. Alors que le naturel renvoie à la nature, à quelque chose qui échappe à l’homme et parfois le dépasse. L’artificiel, lui, fait écho à ce que l’homme peut créer lui-même grâce à la machine, à la technique, au savoir-faire etc... L’artifice est sujet à controverse et divise. L’artificiel entretien une relation étroite avec le faux, les apparences, le superficiel. En terme de couleur cela peut revenir à cacher par des moyens divers un matériau pour lui attribuer de nouvelles caractéristiques. Ces caractéristiques peuvent être esthétiques (rendre plus beau, changer d’aspect, inscrire dans une mode), sensibles (changer le goût d’une chose, induire des associations, tromper les sens) ou symbolique (renvoyer à un univers annexe, un caractère différent). Pour illustrer ce propos prenons l’exemple d’un bonbon à la fraise, il n’a pas nécessairement besoin d’être rose pour avoir le goût de la fraise, pourtant dans les esprits un bonbon rose doit être à la fraise et vice-versa. “Hier. J’ai mangé un bonbon rose. Rose et blanc en fait. Et il était à la menthe. J’étais très déçue parce que je m’attendais à de la

La couleur peut aussi cacher la véritable nature d’une personne. C’est le cas du maquillage, du rose fond de teint aux rose à joue en passant par le rose à lèvres. Baudelaire dans “Eloge du maquillage” extrait du “Peintre de la vie moderne”2 fait l’éloge de l’artifice, de la parure et du maquillage et célèbre la couleur. Selon lui, en se maquillant, une femme se “spiritualise” : elle prouve par ce geste l’existence en elle d’un esprit qui cherche à échapper au caractère strictement animal, corporel, matériel de sa nature. Il est rare de trouver, chez des auteurs, une telle ferveur pour l’artifice qui est plus souvent considéré comme un vecteur d’illusions, un moyen de déguiser, de tromper. “Artificiel : produit par la technique, par l’activité humaine finalisée et non par la nature. Créé par la pensée humaine. Créé par la vie sociale, la civilisation, et considéré comme non nécessaire.”3 Il en résulte donc vis-à-vis des couleurs et des roses en particulier un jugement de valeur qui se fait entre une couleur naturelle et une couleur artificielle. Ce jugement est sujet à deux influences. La première influence correspond aux idées préconçues, par exemple qu’un rose trop vif ne peut pas être naturel car il est trop associé à l’idée que l’on se fait de quelque chose de chimique. La deuxième se rapporte à ce à quoi fait référence la couleur, à quels objets types, à quels univers elle appartient, par exemble le rose Barbie, catalogué immédiatement comme artificiel. L’évaluation est alors de l’ordre du sensible. Elle est suggérée par les cultures et les symboliques des couleurs qui s’y rattachent. La dénomination des teintes, en empruntant à la nature, aux animaux, à des objets fabriqués, à des idées et des symboles, ouvre également un espace de connotations et d’images référentes entrainant une possible classification, intentionnelle ou non, des multiples teintes de rose.

1 Kenza, 19ans, interview le 27 Mars 2013 2 Charles Baudelaire, “Peintre de la vie moderne”, chap. XI “Eloge du maquillage, 1863 3 Dictionnaire Le nouveau petit robert, Edition 2000, Paris


Le rose fluo : l’ultra-rose Le rose fluo peut être considéré comme le rose le plus artificiel qui existe. Pourtant c’est un phénomène à l’origine naturel mais qui est largement repris par la chimie. Les pigments fluorescents sont constitués de colorants fluorescents dissous dans un polymère transparent, incolore et solide. La fluorescence est un phénomène de luminescence qui comprend deux phases. La première est une phase d’excitation des électrons de la substance par absorbtion de l’énergie. La seconde est une phase de restitution de l’énergie absorbée sous forme lumineuse. Les matières colorantes fluorescentes absorbent en plus de leurs rayonnements visibles, des rayonnements ultra-violets pour les réémettre en lumière visible ; c’est pourquoi ils sont particulièrement éclatants sous une lumière noire. Pour l’œil qui ne perçoit pas ce rayonnement ultra-violet, il en résulte un rendement supérieur à l’unité, une sensation de forte saturation et de grande vivacité. Par exemple un feutre rose fluo réfléchit les rayonnements roses comme un objet rose normal mais réémet aussi sur une longueur d’onde correspondant au rose tous les rayonnements colorés d’une longueur d’onde inférieure au rose. Le pigment en cause réémet donc plus de rose qu’il n’en reçoit. Le fluo est donc un phénomène à part entière que l’on ne peut reproduire par mélange de couleurs, il semble alors nous dépasser, nous échapper, n’étant pas “maîtrisable”. Ces pigments sont apparus sur le marché publicitaire au début des années 50 et sont énormément utilisés depuis la fin des années 80 dans la mode et le design.


Barbie : la légende rose Barbie est la première poupée adulte, dotée de tous les attributs féminins, et d’une garde robe impressionnante. Elle voit le jour en 1959 grâce à Ruth Handler et Elliot Handler, fondateurs de Mattel, et s’appelle Barbie diminutif de Barbara Millicent. Barbie a tout de suite marqué les esprits et est devenue une légende. Avec sa poitrine opulente, sa taille fine, ses longues jambes, ses cheveux blonds et ses multiples tenues elle va totalement à l’encontre des codes des poupées de l’époque. Elle est la première poupée au corps et aux activités d’adulte et véhicule une image de la femme fantasmée aux mensurations parfaites mais totalement inhumaines. Dès ses débuts le rose est omniprésent dans son univers et devient le symbole de cette poupée star. Vêtements, maquillage, objets, voitures mais aussi logo et objets dérivés, tout est rose. Ce rose si caractéristique de Barbie devient un terme à part entière du vocabulaire pour désigner une couleur rose. Il est le symbole d’identité de cette poupée et est ancré dans notre société. Mais la poupée Barbie est aussi sujette à controverse. Elle peut être jugée dégradante pour l’image de la femme, incitatrice de dérives pour les petites filles. Elle est symbole de l’artifice, du faux, avec ses fausses proportions, ses faux cheveux, ses habits synthétiques et ses multiples personnalités. Barbie et son univers ont contribué à la vulgarisation du rose. En effet, on est ici au paroxysme du rose artificiel associé à l’ultra-féminité. Cette poupée, diffusée sur la planète entière, véhicule alors l’idée du rose faux, fabriqué, bon marché et parfois vulgaire. Sujet aux nombreux clichés associés à Barbie, comme ces femmes assimilées au stéréotype de la blonde à l’intelligence limitée et au comportement superficiel que l’on appelle Bimbo, le rose est devenu symbole de l’artificiel. Barbie contribue à la possible mauvaise image du rose, une couleur souvent jugée “too much”, “kitsch”, mauvais goût car chargée de symboles qui peuvent être dévalorisants.


* Iconographie - Page 5 Schéma synthèse additive et soustractive Source : http://3d-tpe-3d.e-monsite.com - Page 7 Cercles chromatiques de Mr. Chevreul Source : Les livres du conservatoire,“Parlons couleur ! Langage - codes - création”, Edisud, 2006, p.25 et p.77 - Page 8 Schéma nuancier NCS Source : Les livres du conservatoire,“Parlons couleur ! Langage - codes - création”, Edisud, 2006, p.86-87 - Page 16-17 Fleurs séchées Photos prises par mes soins - Page 19 Pivoines Source : http://roesia.tumblr.com/ - Page 21 Flamants roses © Ken Stigler, 21/01/2007 Source : http://www.flickr.com/photos/stigs/405003765/in/photostream/lightbox/ - Page 23 Minerais et pierres semi-précieuses Sources : www.palaminerals.commineral et gemcal.com

- Page 25 Grain de peau de bébé © Philonomad Source : http://forum.nikonpassion.com/ - Page 31 Craies © Maureen Bond, 17/06/2007 Source : http://www.flickr.com/photos/maureenbond/2643627612/in/photostream - Page 35 “Chaudière servant à la fabrication du rouge d’aniline (fuchsine)” Source : Les merveilles de l’industrie ou, Description des principales industries modernes / par Louis Figuier. Paris : Furne, Jouvet, [1873-1877], Tome II Fond bibliographique de la bibliothèque de la faculté de droit et des sciences sociales de l’université de Séville - Page 37 Pigments purs Photo prise par mes soins - Page 41 Pigments fluo Source : http://colorare.fr/boutique/les-pigments-fluos/ - Page 43 Barbie Photo prise par mes soins


“ BABY DOLL” * 5* UNE COULEUR DE GENRE -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* Yves Saint Laurent - Crème de Blush - 09 Baby Doll


INTRODUCTION

Le rose est communément attribué à la féminité, il est sûrement la couleur la plus en résonance avec le genre de toutes les couleurs. Il est entre autre, symbole de tendresse, de douceur, de bonheur, de romantisme et d’amour. Il se voit associé aux filles. Le rapprochement est dû à l’image de la rose des contes pour enfants, dans laquelle naissent les petites filles à l’inverse des petits garçons qui naissent dans les choux. L’image est donc bien là, ancrée dans les esprits : “le rose c’est pour les filles!”. Ce livret questionne donc ce stéréotype : quand le rose se fait couleur d’un genre. D’ou vient cette convention et a-t-elle toujours existé ? Nous verrons que la couleur rose déclenche des passions, et qu’elle est au coeur d’enjeux de société très actuels.


l’avènement de la femme naturelle avec la tendance “Nude”. Le rose se veut doux, naturel et onirique exaltant ainsi la beauté pure et sincère de la féminité. Le rose est peau, pale, blush, beigerosé, “ultra soft”. Il perd tout caractère agressif et subversif.

* Image de la féminité Le rose, c’est symboliquement la Femme. La femme sous toutes ses facettes, de la jeunesse à la vieillesse, de la tendresse à la sensualité, de la sagesse à l’érotisme, le rose exalte le large spectre de l’identité féminine. En effet, de part la diversité de ses teintes, le rose est associé à une multitude d’images, d’idées, de sentiments... C’est une couleur largement utilisée dans des sphères communément dites “à caractère féminin” comme la cosmétique, la mode ou encore la décoration. Le rose c’est l’image historique de la femme délicate, féminine avec pour symbole le plus fort cette fleur, la Rose. Cette reine des fleurs célébre la beauté qu’incarne la femme. La féminité est alors liée à l’idée de douceur, de délicatesse, de la fleur qui s’épanouit puis fane. Une image somme toute assez datée mais qui persiste dans les esprits. D’un autre coté, c’est aussi la couleur de la chair nue, des organes génitaux. Elle est alors reliée à la notion de sexualité et de sensualité auxquelles font référence, encore aujourd’hui, de nombreux produits et peut alors se retrouver associée à des images très connotées comme la pornographie. Le rose c’est aussi, depuis la naissance de Barbie en 1959, l’image de la femme belle, séductrice, consommatrice. Une femme-objet qui pose la question de l’identité féminine. Avec l’image de Barbie et de cette “femme multiple”, idéalisée et sexualisée, le rose divise et perd de son caractère mièvre et naïf pour entrer dans le rose “shocking” et se faire plus controversé.

Plus récemment encore, depuis quelques années, c’est

Toutes ces images sont véhiculées par les médias, la presse, la télévision et l’internet. Partout et en permanence la société renvoie l’image de la féminité rêvée, idéalisée. Le rose participe alors à cette image de la féminité transmise par notre société occidentale. Les connotations liées au rose sont donc diverses et variées. A la croisée du rouge et du blanc, c’est une couleur qui oscille dans des univers aussi riches que contradictoires. Les tendances l’ont alors bien compris, le rose est une couleur qui ne laisse pas indifférent. Elle est alors manipulée, scénarisée afin de transmettre une image d’une féminité multiple, complexe et en constante évolution. Le rose fait ainsi partie d’un langage, d’un système de signes qui façonnent la société.


* Couleur de l’éducation des filles A peine le sexe du futur enfant connu, se pose déja la question de son éducation. Du choix de la couleur de sa chambre, de ses vêtements, de ses jouets ou de ses futures ambitions professionnelles, les clichés et les stéréotypes sont tenaces. Rose et sensibilité pour les filles, bleu et combativité pour les garçons. Bleu et rose sont alors les couleurs d’un marquage qui, dès la naissance ancre l’être dans un rôle social. Pourtant cela n’a pas toujours été le cas, et la convention rose pour les filles, bleu pour les garçons est plutôt récente. “Psychologie de la couleur”1 d’Eva Heller le résume assez bien. En effet, dans la symbolique européenne ancienne le rose est un “petit rouge”. Dans la mesure où le rouge était une couleur masculine, le rose surnommé “rouge pour enfants” était associé aux jeunes garçons. A l’inverse le bleu, associé à la Vierge Marie, était utilisé pour les petites filles. Il n’est donc pas rare de voir des petits garçons, dans des tableaux du XIIIème siècle au XIXème siècle, vêtus de robes roses, les robes n’étant pas non plus nécessairement consacrées aux petites filles. Aussi, jusqu’en 1900, la majorité des vêtements pour bébés étaient blancs, en effet il faut attendre les années 1920 pour voir se généraliser la couleur sur les vêtements pour bébés. Les progrès techniques permettent alors de faire bouillir des tissus colorés, ce qui n’était pas le cas auparavant. La convention “rose pour les filles”, “bleu pour les garçons” n’est apparue qu’après la première guerre mondiale, dans les années 20. Le regard de la société sur l’enfance connut un tournant à cette époque. La mode juvénile apparut et dura de nombreuses années, c’est l’avènement de la layette, les femmes se mirent à tricoter pour leurs enfants. La convention des couleurs attribuées s’intensifie alors et atteint son apogée dans les années 50 pour s’essouffler avec la remise en question de la 1 Eva Heller, “Psychologie de la couleur, effet et symbolique”, Edition Pyramyd, 2009

société et les révolutions de 1968. Elle reprit du service dans les années 80 avec l’apparition du marketing. En effet, suite à mai 68 et à la révolution sexuelle, les distinctions hommes / femmes s’estompent. Les rôles filles / garçons évoluèrent vers une homogénéité tendant à un équilibre et une répartition égalitaire. A contrepied de cette ambiguité, les couleurs et en particulier le rose, devinrent des outils de marketing pour le ciblage. Plus les distinctions sont minces plus le marketing marque, classe et on assiste alors à une “rosification” du monde du jouet amenée par des marques comme Mattel avec la poupée Barbie. Dès la naissance et jusque tard, le rose est présent dans l’éducation des filles. Il est de surcroît l’élément qui permet aux autres de reconnaître le sexe du bébé. Cela s’observe dans tous les milieux, toutefois il faut noter qu’aujourd’hui la tendance va plutôt à l’encontre de cette convention et qu’il n’est plus rare de

1937 Galeries Lafayette L’élégance enfantine


voir des exemples contredisant ce stéréotype. Nous en verrons un peu plus loin les exemples. Il est toutefois ancré dans les esprits que le rose est réservé aux filles. Le questionnaire ( cf. Livret “Rose Confidentiel”, Sondage) auquel ont répondu 134 personnes montre notamment que pour plus de 50% des personnes interrogées le rose est une couleur de fille, qui symbolise la “fille” pour 27 d’entre eux et la “féminité” pour 27 autres. Se pose alors la question de l’inné ou de l’acquis dans l’identification sexuelle. En effet, on peut se demander si tout ce qui a trait à l’éducation des enfants influence la construction de soi et l’identification à l’un ou l’autre des sexes. Naissons-nous homme ou femme ou le devenons-nous? C’est une question très actuelle et si large que je tenterai simplement d’identifier et d’analyser quelle place la couleur rose tient-elle dans ce débat. Car, en effet, le rose trouve une place particulière qui illustre la puissance et la durabilité des codes et des symboles.

1* Polly pocket

Illustrons cela par une sélection de jouets d’enfants attribués aux filles. Notons les caractéristiques qui reviennent le plus et semblent se jouer des stéréotypes féminins. 1* Polly pocket : Petits univers contenus dans une sorte de coquillage en plastique. De l’extérieur, les couleurs sont pastel, beaucoup de rose. Les formes sont arrondies, douces et faciles à prendre en main. A l’intérieur ce sont des univers variés allant de l’écurie à la nurserie en passant par le salon de coiffure et les princesses. Le tout est tapissé de paillettes, de coeurs, de fleurs, un microunivers féérique à manipuler avec minutie.

2* Nintendo DS lite

2* Nintendo DS lite : Les jeux vidéos n’échappent pas à la “rosification” pour séduire les petites filles. Ici la Nintendo DS se pare d’un rose bonbon très doux et Nintendo multiplie sa gamme de jeux destinés aux petites filles. Elle peuvent alors virtuellement élever des petits chiens, jouer à la styliste ou faire évoluer leurs princesses Disney. 3* Barbie : Icône des jouets roses, Barbie propose aux petites filles d’imaginer à travers une figure adulte leur univers. Elles peuvent ainsi jouer avec une multitude de métiers, de tenues, d’accessoires pour créer des scénarios souvent en lien avec les loisirs, la mode ou encore les arts ménagers.

3* Barbie


On peut faire le constat que l’industrie du jouet est très friande de ces distinctions de genre pour cibler au mieux leur clientèle. Les rayons de jouets pour filles sont envahis de rose et ceux des garçons de bleu. Le rose agit comme un message inconscient : “Ce produit t’est destiné”, il guide, oriente les petites filles vers ce qui est “bon” pour elles. Ce qui correspond à son genre et les guident vers le rôle social qu’on attend d’elles. L’analyse de ces phénomènes montre une volonté de différencier les fonctions sociales des deux sexes. En effet la société attribue aux sexes biologiques (féminin ou masculin) un sexe social censé guider leurs comportements. Et les jouets sont des outils pour cela, ils induisent une “socialisation différencielle”, et sont dès le plus jeune âge vecteurs des valeurs et des activités des adultes. Les enfants sont encouragés à se conformer aux rôles et aux activités de leurs sexes. Effectivement, les parents proposent aux petites filles de jouer à la poupée, d’habiller des Barbies, de s’entraîner aux tâches ménagères, d’évoluer dans un univers domestique ou encore de se déguiser en princesse. Ces activités inculquent alors très tôt l’idée de féminité, de séduction, d’entretien du foyer etc... Cela entretient inconsciemment les stéréotypes de différenciation homme / femme et véhicule généralement une image de l’homme supérieure à celle de la femme. Ces comportements sont depuis quelques années de plus en plus contestés, dénonçant le formatage des enfants mais aussi des adultes. C’est le cas notamment des catalogues de jouets pour Noël. Nombres d’entre eux sont divisés en catégories “jouets pour filles”/ “jouets pour garçons”. Souhaitant en finir avec les clichés sexistes, des marques comme Supermarché U ont décidé de “dé-genrer” leur catalogue de Noël en montrant des petits garçons jouant à la poupée et des petites filles à la voiture. Un petit progrès pour tenter de bouleverser les codes établis. Une vidéo dénonçant ce formatage a également fait le buzz en mai 2011. Elle montre une petite fille américaine de 6 ou 7 ans, Riley, protestant contre la distinction faite entre jouets de filles et de garçons. Dans la vidéo1 elle hurle : « Pourquoi demande-t-on aux filles d’acheter des princesses, et aux garçons d’acheter des super-héros ? Les filles aussi veulent des super-héros ! », « Ils essaient de piéger les filles avec des trucs roses », « Il y a des 1 “Riley on Marketing” par dbarry1917 mis en ligne le 6 mai 2011 sur Youtube.com

garçons qui aiment les poupées et les super-héros ». Notons également que de nombreux psychologues se penchent sur cette question. C’est le cas d’Anne Dafflon Novelle, docteur en psychologie sociale, elle est spécialisée dans la question de la socialisation différencielle entre les filles et les garçons. Elle s’attache à définir ce qui influence la différenciation des genres et en quoi cela cloisonne et participe à l’inégalité homme / femme. Elle est l’auteur d’articles et notamment d’un livre ”Filles-Garçons: socialisation différenciée?”1. Cet ouvrage aborde des thèmes comme la construction de l’identité sexuée, à travers la famille, l’éducation, les jouets, les habits, la littérature, la publicité et encore bien d’autres aspects qui ouvrent sur la multitude des facteurs intervenant dans la différenciation des sexes. Il offre une compréhension des phénomènes qui confirment la distinction des genres et le conditionnement en dépit de l’égalité des sexes à travers une approche multisectorielle et historique. Elle lutte également contre le sexisme dans la littérature enfantine avec une association “lab-elle” proposant un label créé pour promouvoir des ouvrages pour enfants ne véhiculant pas de stéréotypes de genres. Elle attribue aux enfants une part active dans la socialisation différenciée. Ils possèdent très tôt la capacité d’observer leur environnement et d’en extraire des données leur permettant d’étiqueter ce qui caractérise le sexe masculin et le sexe féminin. Cela leur permet de reproduire les comportements dévolus à leur propre sexe. Le rose fait partie des signes qui permettent à l’enfant d’identifier le genre, il agit comme une étiquette et est reconnu comme un attribut spécifiquement féminin. Le sujet du rose est abordé dans son ouvrage dans le cadre de la question “l’habit fait-il le sexe?”2 . En effet, le vêtement participe à la distinction des sexes, l’apparence de chacun traduit son appartenance à un sexe. A travers le vêtement le genre de l’enfant doit être clairement communiqué à l’entourage. Actuellement les formes des vêtements d’enfants s’uniformisent pour garçons et filles ( jeans, t-shirts, salopettes, barboteuses...) le confort et la praticité étant les maîtres mots. Il ne reste alors 1 Anne Dafflon Novelle, “Filles-garçons : Socialisation différenciée?”, Edition PUG, collection “Vies sociales”, 2006 2 Ibid. Textes d’Elizabeth Fisher “Robe et culottes courtes: l’habit fait-il le sexe?”, page 256 à 260


que la couleur et les motifs pour distinguer, catégoriser, cibler et ainsi entretenir une forme d’instrumentalisation. L’enjeu est alors de prendre conscience et de réaliser que l’éducation à la différenciation des sexes, de la naissance à l’âge adulte, est une construction sociale. Ce n’est pas un fait naturel ou biologique, et on le sait, cette différenciation mène à une inégalité sociale qui avantage généralement le sexe masculin.

* Le “Gender marketing” Le phénomène du “gender marketing” vient des EtatsUnis et se résume par une segmentation des produits en fonction du sexe du consommateur. Il est apparu dans les années 1970-80. Les marques partent du principe qu’il existe des comportements différents d’achat selon les sexes. Elles utilisent les différents univers de référence de chaque sexe pour s’adapter soi-disant au mieux à leur cible. C’est une forme de prolongement de ce qui s’illustre dans le monde du jouet pour enfants mais transposé à la multitude de produits proposés aux adultes. Cette pratique joue bien évidemmment des clichés tenaces, comme la convention rose pour les filles. Mais cette pratique montre ses limites et se fait de plus en plus controversée, voir dépassée, notamment parce qu’elle peut être considérée comme sexiste et qu’elle ne correspond plus aux attentes et comportements des femmes. Les propos tenus par ce type de marketing sont généralement superficiels et basés sur des clichés qu’il est bon de ne pas trop entretenir. Une telle distinction, classification, assumée comme telle pose la question de la légitimité et des dérives auxquelles cela peut mener.

* Couleur de l’homosexualité Le triangle rose était le symbole utilisé par les nazis pour marquer les homosexuels lors de la Seconde Guerre Mondiale. Il apparait en 1937 après une vague massive d’internement d’homosexuels allemands. Chaque catégorie de déportés portait un symbole: l’étoile jaune pour les juifs, le triangle rouge pour les prisonniers politiques et résistants, le triangle bleu pour les émigrés, le triangle noir pour les “associaux” dont faisaient partie les lesbiennes. Le rose était celui des homosexuels. Ce symbole est une marque de persécution et de discrimination qui fut plus tard repris comme symbole identitaire par la communauté homosexuelle. C’est le cas d’Act Up, association militante de lutte contre le Sida, qui reprendra, dans ses campagnes, le triangle rose en changeant le sens de celui-ci. Pointe vers le bas comme marquage nazi, Act up retourne ce symbole, pointe vers le haut, pour symboliser la mémoire en y ajoutant les notions de combat et de fierté. Désormais le symbole principal de la communauté homosexuelle ( LGBT: Lesbienne, Gay, Bisexuel et Trans) est le drapeau arc-enciel. Il est constitué de six bandes de couleurs symboliques. A l’origine le drapeau comportait huit bandes dont une turquoise et une rose symbolisant le sexe mais elles furent supprimées pour des raisons pratiques. En tant que couleur emblématique de la féminité, le rose lorsqu’il est associé au masculin, questionne. Il est alors couleur de l’ambiguïté et interroge sur l’identité sexuelle. Pourquoi le rose est-il associé à l’homosexualité (principalement masculine)? Est-ce par analogie à certains traits “dit” féminins ? Est-ce historique? La question reste latente et bien qu’un nombre très important d’associations gays et lesbiennes utilisent le rose dans leur nom ou leur communication, il y a peu de réelles explications à ce sujet.


Nous pouvons alors émettre certaines hypothèses. Notamment que le rose associé à l’homosexualité peut être représentatif de la volonté des concernés de manifester leur opposition à leur genre. Ils adoptent donc certains codes caractéristiques du genre opposé, le genre féminin. Nous pouvons également attribuer cette association à la part de féminité plus assumée caractéristique des personnes homosexuelles. Longtemps perçue comme une déviance, une anomalie voire une maladie, l’homosexualité a subi un grand nombre de stéréotypes. Elle s’est peut-être également vue associée à la féminité dans le but de dégrader ces hommes considérés comme différents. Depuis quelques années le rose a fait son apparition dans le dressing masculin. En 2005, il apparait dans un domaine où on ne l’attendait pas, symbole de virilité, le rugby. Cet acte fut très controversé mais est finalement entré dans les esprits et est désormais la couleur du Stade Français. Malgré une récente et progressive banalisation du rose dans le vestiaire des hommes, la stigmatisation est encore présente. Un homme qui porte du rose est probablement gay. Le rose est encore très genré. Pour certaines personnes, il est réservé aux filles, et toute enfreinte à cette convention induirait une déviance de l’identité sexuelle. Comme si s’attribuer une couleur “réservée” aux filles signifiait s’identifier à l’identité féminine et donc transgresser son genre. Oslo Ohara raconte sur son blog1 comment un jour de juin, rentrant chez lui en métro, il s’est fait insulter de “Pédé” et de “Salope” pour la simple raison qu’il portait un t-shirt rose. Ce genre de comportement est donc encore fréquent aujourd’hui et prouve à quel point les stéréotypes sont ancrés dans les esprits et la difficulté pour les faire changer. En parallèle de la référence à l’homosexualité est née au Québec une nouvelle assimilation du rose. Celle de “l’homme rose”. Avec l’avènement du mouvement féministe, une nouvelle catégorie d’hommes est apparue, celle des hommes sensibles à la condition féminine et revendiquant l’égalité des sexes. Ce sont des hommes considérés comme sentimentaux, doux, attentifs aux désirs de leurs compagnes et qui sont quelque peu émasculés par des femmes fortes et affirmées. Ils sont à l’opposé de l’homme “macho viril”. Ces profils d’hommes se sont alors vus associés à la couleur rose. 1 http://jamesetleshologrammes.fr/ billet du 11 juin 2013

* Quelle place dans notre société actuelle? Le rose met en évidence une cause bien plus large que celle induite par le choix d’une simple couleur. Il montre combien les symboles liés à une couleur sont forts et tenaces et forment un système de signes à manier avec précaution. Actuellement, dans une société qui prône l’égalité des sexes, on peut se demander quel sera l’avenir de cette couleur autant imprégnée des considérations de genre. En étant traditionellement associé à la femme, le rose est devenu faire-valoir d’une féminité que la société cherche désormais à renouveler. Il est alors parfois rejeté ou même dénigré. L’égalité homme / femme est un enjeu primordial pour la société depuis quelques années. Le rose en tant qu’outil marketing contribue à la classification des sexes. En ce sens il intervient dans la question de l’égalité homme / femme. Pour illustrer ce propos, il s’est tenu en décembre 2012 la deuxième édition des Etats Généraux pour la promotion des actions d’éducation à l’égalité filles / garçons. L’adjointe au maire de Paris, Fatima Lalem qui est à l’initiative de ce projet se félicite: “Le gouvernement a pris à bras-le-corps la question de l’égalité hommes / femmes”. Cela se traduit, entre autre, par l’édition d’un guide destiné à sensibiliser tous ceux dont l’activité a un lien avec l’enfance (crèches, bibliothèques, centres de loisirs, etc...) aux stéréotypes sexistes pour tenter de les faire disparaître. On peut alors se poser la question des conséquences de l’usage massif du rose pour qualifier le féminin et de la pérennité de cette convention. La Suède a été précurseur dans ce domaine où une expérience a été menée suite à des études. Elle montre l’importance de l’apprentissage, des codes culturels et de


l’imprégnation idéologique dans l’adoption des comportements de genre. En effet, après observation il s’avérait que sans le vouloir les éducateurs réservaient aux filles et aux garcons un traitement différent. Une crèche de Stockholm, nommée Egalia, a donc fait le choix d’élever les enfants en dehors des stéréotypes de genre. Les règles sont très strites et il est interdit aux enfants de prononcer les pronoms personnels “il” ou “elle”. Les élèves s’interpellent par “on”. Ils n’ont pas de “copains” ou “copines” mais des “amis” qui est un terme neutre. L’équipe d’auxiliaires propose des activités “neutres”, de la peinture, des puzzles... Tous les jeux sont mis dans la même pièce : poupées, motos, voitures, jeux de construction, caisses enregistreuses... Les garçons et les filles sont encouragés à se les approprier indistinctement. Les parents sont également priés de ne pas révéler à leur enfant leur appartenance sexuelle. Un exemple somme toute assez extrême mais qui a inspiré de nombreuses crèches et notamment en France à Saint-Ouen en 2008 et à Noisy-le-sec en 2010. Le rose est alors vu dans ces lieux comme l’ennemi de l’égalité ou le marqueur d’un genre qu’il faudrait atténuer. Il peut alors être présent mais ne doit pas être associé au genre féminin. Ce sujet touche tout un chacun dans le sens où il fait référence à sa propre expérience de fille ou de garçon, qu’il touche des comportements quotidiens. C’est un héritage socioculturel influencé et véhiculé par les médias et le monde commercial omniprésent dans notre société actuelle. Le débat est grand autour de la question de la différenciation des genres. Quelles en sont les origines? Fautil différencier les sexes ou abolir les différences au nom de l’égalité homme / femme? L’égalité des sexes passe-t-elle par une négation des différences biologiques? Les théories du “sexe biologique” et du “sexe social” peuvent-elles être sources d’un refondement de l’éducation? Le rose fait très souvent polémique autour de ce sujet. Son usage est associé à un message qui peut aller jusqu’au sexisme et est vu par les plus féministes comme une menace. Comment sortir le rose de son rôle de marqueur de genre qui lui colle à la peau et dégrade trop souvent son image?

Jeongmeeyoon, “The Pink & Blue Project”, 2006-2007


CONCLUSION L’étude de la convention “bleu pour les garçons / rose pour les filles”, qui apparaît évidente pour nombre d’entre nous, montre l’étendue des sujets soulevés par une seule couleur. Les stéréotypes sont très tenaces et sortir la couleur rose de sa connotation féminine n’est pas chose facile. Toutefois on peut observer une tendance à un certain équilibre. En effet, le rose tend à se masculiniser mais aussi à se neutraliser. Certains créateurs tentent de ne plus associer le rose à un genre. En le détachant de ses stéréotypes ils en font une couleur à part entière non destinée à un sexe mais considérée pour ses qualités diverses, par exemple de communication. C’est le cas des designers Scholten&Baijings et notamment de leur projet Colour One pour la marque de voiture Mini. Ce projet proposait de repenser la conception de la Mini. Le rose est très présent dans ce projet mais n’est pas utilisé pour toucher une clientèle féminine, comme pourraient le faire d’autres marques. Le tout est pensé sans genre évident, chaque sexe pouvant se retrouver dans les propositions. Néanmoins dans le milieu de l’enfance, d’où est arrivée cette convention, les choses sont plus difficiles à faire évoluer. De nombreuses marques continuent de proposer des vêtements, des jouets, des objets de puériculture genrés, car la clientèle mettra plus de temps à se défaire des clichés bien établis dans les esprits. L’enjeu est alors de faire sortir le rose de ces stéréotypes, d’en comprendre leurs origines sans pour autant les entretenir afin de valoriser son usage en tant que couleur à part entière et non comme attribut d’une féminité aujourd’hui dépassée et décriée.


* Iconographie - Page 5 L’élégance enfantine Source : Charles Camard, Catalogue Galeries Lafayette 1937 - Page 7 Polly Pocket Source : www.madecocommelesgrands.com Polly Pocket © Aliènor, 15/01/2013 Source: http://alienorpioney.blogspot.fr Nintendo DS lite © Poulette magique, 25/04/2012 Source : www.poulettemagique.com Barbie Source : www.be.com Accessoires barbie Source : tenhaummundopinkcomabarbie.blogspot.fr - Page 15 Jeongmeeyoon (1969- ) , “The Pink & Blue Project”, 2006-2007


“ PINK - SPIRATION” * 6* ROSE CRÉATION -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* Sephora - Rouge longue tenue matte - N°08 Pink-spiration


INTRODUCTION Ce livret est l’occasion de questionner, à partir d’exemples précis, le rose dans la création. Entre rose douceur, rose féminité, rose pur, rose “too-much”, rose “cheap”, les artistes, les designers, les architectes et les autres acteurs de la création s’en donnent à coeur joie pour mettre en exergue les différentes facettes de cette couleur controversée. Cette thématique est abordée dans le livre “Psychologie de la couleur”. Il y est exprimé entre autres “qu’utiliser les couleurs de façon créative commence généralement par combiner les propriétés d’une couleur avec des éléments dotés des mêmes caractéristiques. Le rose évoquant le tendre, le doux, le sucré se voit associé à des coeurs, des fleurs (...) Malheureusement, ces combinaisons sont aujourd’hui trop connues pour renvoyer à autre chose qu’à des clichés (...) La couleur est alors superflue lorsqu’elle ne sert qu’à répéter la thématique générale (...) “1.

1 “Psychologie de la couleur” d’Eva Heller, Pyramyd 2009


*Photographie

JEONGMEE YOON

The Pink and the Blue project, 2005-today -------------------------------------

Jeongmee Yoon est un artiste coréen. Son projet “The Pink and the blue project” lui est venu en observant sa fille de 5 ans passionnée par tous les objets roses. Il s’est alors rendu compte que le comportement de sa fille n’était pas un cas isolé et qu’il concernait un grand nombre de petites filles à travers le monde. Il a entrepris de photographier une trentaine de petites filles entourées de leurs jouets, habits, objets, poupées, roses. Plus tard il réitère avec des petits garçons et la couleur bleu. Il en résulte une collection étonnante de photographies “monochromes”, du rose flashy, barbie, pastel à profusion. L’ensemble traite des préférences culturelles, du genre et de l’identité, de la relation entre le sexe et la consommation, des diktats de la mass-production. Ses photographies sont un amoncellement de produits roses destinés par l’industrie aux petites filles. Elles peuvent prêter à sourire et frôlent le mauvais goût parfois. Mais elles montrent une réalité bien présente qui alimente le débat sur l’égalité des sexes et l’éducation des enfants tout en posant la question de l’identité et du genre.

Photographie : Jeeyoo and Her Pink Things

Quand le rose est “consommation”


Quand le rose est “fille”

*Photographie

SARA CWYNAR Pink, 2012

------------------------------------ Sara Cwynar est une photographe Canadienne établie à Brooklyn. Sa série “Colour Studies” dont fait partie “Pink” est une série de phographies où Sara Cwynar accumule des objets triés par couleur. “Pink” présente une accumulation de produits roses. A la manière d’un tableau ou d’un écran, les objets qui font référence à notre quotidien sont disposés avec une grande attention accordée au détail. Le rose omniprésent est disposé à la manière d’un autel, une façon pour elle de mettre en scène les objets du quotidien à l’instar des publicités dans les revues. On est ici face à une gamme de roses doux, sucrés, des roses pêche, des roses presque fanés dont il émane un sentiment d’intimité dévoilé. On peut également y voir une réflexion sur la place du genre et la consommation mais aussi une ôde à la féminité, à la condition de la femme qui peut prêter à sourire et se retrouve tourné en dérision.

Photographie : Pink Sara Cwynar


*Photographie

DINA GOLDSTEIN

In The Dollhouse, 2011

------------------------------------ Dina Goldstein est une photographe canadienne qui s’attaque au mythe de Barbie. La série Dollhouse recrée l’univers de Barbie à l’échelle humaine avec de vraies personnes “transformées” en Barbie et Ken. La série de dix photographies met en lumière un univers intégralement rose à l’image de l’univers Barbie, poussé à l’extrême. Les décors factices, les perruques, le maquillage, du sol au plafond, Dina dépeint un quotidien désenchanté loin des contes de fées (malgré les apparences). En effet sa série met en scène Ken se posant des questions sur sa sexualité, emprunt de doutes et d’incertitudes face à sa place dans le foyer et délaissant Barbie, qui finit par se noyer dans l’alcool. La série est séduisante, éxécutée avec soin. Tout est parfait, lisse, sans défaut mais également troublant, dévoilant une réalité pas si rose.

Quand le rose est “Barbie”

Photographie : In the dollhouse Dina Goldstein


*Architecture

Quand le rose est “local”

TOULOUSE La Ville Rose

------------------------------------ Toulouse est surnommée la “ville rose” en raison de la couleur de son matériau de construction traditionnel local, la brique de terre cuite. Ce matériau a été introduit par les Romains au Ier siècle av. J.-C. La brique a été majoritairement utilisée dans la région en raison d’un environnement géologique qui ne fournissait aucune pierre de taille à proximité. L’argile, très présente dans cette région est utilisée pour construire des murs. On en fait des briques mais aussi des tuiles pour couvrir les toits. C’est elle qui donne la teinte rose, orange à l’architecture de la ville. Aujourd’hui, la brique est devenue le symbole de la ville. Cependant, dans les constructions modernes, elle n’est plus utilisée que comme parement décoratif. Le matériau de construction local étant le support physique de la couleur, la palette générale dépend de ce matériau. Moulée, sculptée, enduite ou brute la brique sublime l’architecture toulousaine et ancre ses couleurs dans une relation étroite entre le bâti et l’environnement.

Photographie : Rue des Mages Nicolas Jahan


Quand le rose est “espace”

*Architecture

LUIS BARRAGAN

Ranch, San Cristobal, Mexique 1967-1968 -------------------------------------

Luis Barragan est un architecte mexicain (1902-1988), il remporta le prix Pritzker (considéré comme le “prix nobel d’architecture”) en 1980. Luis Barragan a introduit la couleur d’une manière étonnante et très singulière dans son architecture : ”Elle permet d’élargir ou de délimiter un espace. Elle est nécessaire pour ajouter une touche de magie à un lieu...”1. Et en effet la magie opère, la ligne, la surface, les pleins et les vides sont sublimés par les aplats colorés, la couleur transporte, submerge et joue avec les volumes et la lumière. Il s’inspira des couleurs de son pays, le Mexique - rose, rouge, violet, bleu...- les couleurs sont chaudes et intenses. Le rose est présent dans toute sa puissance, il dialogue avec les volumes et la nature environnante. Luis Barragan met alors en scène un paysage changeant à la lumière du soleil, révélant ses multiples nuances tout au long de la journée.

1 Emilio Ambasz,The architecture of Luis Barragan, MOMA 1976, Armando Salas Portugal

Photographie : The architecture of Luis Barragan d’Emilio Ambasz MOMA 1976 Armando Salas Portugal


*Installation

CLAUDE CORMIER Pink Balls, Montréal, Canada, 2011 -------------------------------------

Pink Balls est un projet réalisé par Claude Cormier & associates pour le festival d’art “Aires Libre” qui s’étend à Montréal sur un kilomètre entre la rue St-Hubert et la rue Papineau, au coeur du quartier gay et lesbien de Montréal. Durant l’été 2011, 170 000 boules en plastiques de trois tailles différentes et de cinq nuances de roses ont été suspendues sur des fils traversant de part en part la voie piétonne. L’impact visuel est saisissant, une rivière rose s’élève au-dessus de la rue. Ce feuillage artificiel module et joue avec la lumière offrant un spectacle aux passants tout au long de la journée. Le projet fait l’éloge de l’artificiel et aborde la notion de frontière entre réalité et surréalisme. Il est possible de justifier l’usage de la couleur rose par le caractère homosexuel du festival et de son quartier mais il s’avère avant tout que cette couleur a été choisie pour véhiculer la joie, la liberté et ce célèbre message : “La vie en rose!”.

Photographie : Pink Balls Carl Ethier

Qua

en i r é a “ t s e nd le rose


*Installation

Quand le rose est “étendue” CHRISTO & JEANNE-CLAUDE Surrounded Island, Miami, 1980-1983 -------------------------------------

En 1983, onze des îles situées dans la baie de Biscayne, près de Miami, ont été encerclées par Christo et Jeanne-Claude avec 603 870 m2 de tissu en polypropylène rose flottant qui recouvraient la surface de l’eau et s’étendaient dans la baie sur une soixantaine de mètres à partir de chaque île. Par leurs empaquetages éphémères et monumentaux, Christo et Jeanne-Claude s’intéressent à la structure, à l’usage, à la beauté et à la dimension symbolique des lieux sur lesquels ils interviennent temporairement, en moyenne deux semaines. Ils “révèlent en cachant”. Surrounded Island est un projet de grande envergure, il a demandé des années de mise au point, des dizaines de spécialistes. Il est devenu une oeuvre emblématique des Christo. La couleur rose fuchsia n’est pas choisie par hasard, elle est très présente dans la ville de Miami et évoque la crème glacée. C’est la couleur du loisir, du soleil, de l’insouciance. Elle est l’image de Miami, artifice et euphorie. On ne peut également nier le caractère humoristique et provocant du choix de cette couleur par rapport à leurs autres projets.

Photographie : Surrounded Island Wolfgang Volz, 1983


*Design

KARIM RASHID

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Kurve, New York, 2008

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Kurve est un bar-restaurant réalisé par Karim Rashid, designer d’origine égyptienne, qui a fait de la couleur rose sa signature. Kurve est un espace biomorphique, organique, dessiné par des courbes. Cet univers doux, lisse, fluide et surtout très coloré se pose comme un ovni dans le quartier de l’East Village à New York. Le rose prédomine dans cet espace mais également dans de nombreuses aménagements conçus par Karim Rashid. Il explique à propos de ses choix que c’est une couleur qui lui rapelle la fin des années 80, le moment où il a commencé à utiliser l’ordinateur pour conçevoir ses projets. Il explique que ses parents l’ont toujours habillé en rose lorsqu’il était enfant, il a donc fait de cette histoire son signe distinctif. C’est aussi pour lui une couleur positive et qui donne de l’énergie. Le rose est alors utilisé en adéquation avec le propos, il répète que les formes évoquent la douceur et la sensualité.

Photographie : Kurve Brian Park


*Design

SCHOLTEN & BAIJINGS Blush-Design in full color, Pays-Bas, 2011 -------------------------------------

Scholten & Baijings est un couple de designers néerlandais reconnu dans la sphère du design actuel. Leur approche est pluridisciplinaire (objets, espaces, textiles..), minimaliste et attachée aux moindres détails. En amont de chaque projets, un travail de maquette leur permet de donner une importance essentielle à la couleur, la matière, le toucher et les textures. Ainsi utilisent-ils la couleur : “à la manière d’une partition, nous formulons notre propre grammaire de la couleur. Sans oublier d’en bousculer tous les codes, perpétuellement, afin que matières et couleurs s’entraident et viennent produire un ensemble harmonieux dans une série”1. Ils usent de manière obsessionnelle des couleurs, et c’est là leur force, qu’elles soient traitées diluées ou nettes, pastel ou pop flashy, en surimpression, à l’aérographe ou en disparition, ils se servent de la couleur comme fondement, elle est omniprésente et fait leur signature. Le rose a une place de choix dans leur palette, il est utilisé de manière très subtile, pouvant aller du pastel au fluo. Scholten & Baijings tirent profit de la plus belle manière de cette couleur, avec force et poésie.

1 “Portrait : Scholten & Baijings designers”, Intramuros n°164 (janvier-février 2013), page 50

Photographie : Scholten and Baijings MINI USA

Quand le rose est “juste”


*Mode

LANVIN Le rose Polignac

------------------------------------ Jeanne Lanvin crée la maison Lanvin en 1889. C’est la plus ancienne maison de couture parisienne à être encore en activité. L’ADN de la maison : “capter l’air du temps”, définir une beauté attachée à la féminité et apporter un grand soin aux finitions. La couleur a une place très importante. Attentive à la qualité de ses modèles, Jeanne Lanvin ouvre à Nanterre en 1923 ses propres ateliers de teinture pour conçevoir trois couleurs uniques : le “bleu Quattrociento”, le “vert Vélasquez” et le “rose Polignac”. Polignac était le nom d’épouse de sa fille Marguerite. Jeanne Lanvin créa cette couleur pour elle, une de ses plus grandes sources d’inspiration. Le premier département Lanvin sera d’ailleurs celui des costumes d’enfants. Elle initie alors la mode enfantine et envisage la mode comme un style de vie, diversifiant au maximum ses activités. La couleur chez Lanvin est inspirée par les impressionnistes et leur manière d’associer couleur et lumière. Elle travaille donc souvent la couleur en dégradés et camaïeux adoucis.

Quand le rose est “couture”


*Mode

VIKTOR & ROLF Lancement Flowerbomb, prêt-à-porter 2005 -------------------------------------

Les deux créateurs néerlandais Viktor & Rolf sont connus pour leur prêt-à-porter conceptuel et décalé ainsi que leurs parfums. C’est lors du lancement de leur premier parfum Flowerbomb, sous contrat avec L’Oréal, qu’ils présentent leur collection printemps été 2005. Le duo profite de ce moment pour marquer les esprits et crée une collection liée à ce parfum. C’est un bombardement de couleurs roses, de fleurs et de rubans. Le rose renvoie ici aux fleurs et à la féminité exacerbée. Certains codes des fleuristes sont même réinterpétés et détournés. Ils jouent avec le plastique d’emballage ou encore les rubans bolduc des bouquets pour en faire des robes, des costumes débordants, foisonnants et excessifs. Le rose s’exprime à travers de nombreuses nuances, soutenues, vaporeuses, pastel semblant éclater comme les odeurs du parfum.

Quand le rose est “parfum”


Quand le rose est “bonheur”

*Art

PABLO PICASSO La période rose, 1904-1906 -------------------------------------

La période rose de picasso suit sa période bleue. Elle est très courte, deux ans, de 1904 à 1906. C’est une période heureuse pour Picasso qui rencontre Fernande Olivier, sa première compagne. Emprunt d’une certaine gaieté et amoureux, Picasso utilise une palette chaude. Les tons sont rouges, orangés, ocres, rosés en contraste avec les tons froids de sa période bleue. C’est une peinture sentimentale qui donne une importance au dessin par la couleur. Les roses sont ombrés et modelés afin d’exalter les formes des corps de cette période où il s’attache à peindre dans un optimisme mélancolique le monde du cirque et des saltimbanques mais aussi la maternité. Les tons sont clairs et doux, ils évoquent une certaine tendresse, une certaine chaleur.

Pablo Picasso (1981-1973) “Maternité” 1905 Pastel, 65 x 50,5 cm Collection privé


Quand le rose est “pur”

*Art contemporain

YVES KLEIN Pigment pur rose, 1960

------------------------------------ Yves Klein est reconnu pour son utilisation du bleu et par la création de son célèbre Bleu IKB1, qu’il dépose à l’INPI2 en mai 1960. Deux autres couleurs auront une importance particulière dans son travail, l’or et le rose, qui avec le bleu formeront sa trilogie. L’exposition “Monochromes and fire” à Haus Lange à Krefeld en 1961, propose un parcours en trois chambres monochromes. Il immerge les spectateurs dans la couleur bleue, or et rose. Les monochromes roses appelés Monopink donnent à percevoir différentes nuances de roses. “Pigment pur rose“ est une table en plexiglass dont la surface est recouverte de pigments roses. Le spectateur est alors face à l’extraordinaire intensité de ce pigment pur, il est imprégné par la couleur. Le rose symbolise pour Klein le corps, sa source d’inspiration vénérée et il exalte également, couplé au bleu et au doré, le système de réversibilité entre le charnel et le spirituel propre à Klein.

1 “IKB” : International Klein Blue 2 INPI : Institut National de la Propriété Industrielle

Yves Klein (1928-1962) “Pigment pur rose” 1960 37 x 100 x 135 cm


*Art contemporain

JAMES TURREL Bridget’s Bardo, Wolfsburg Museum, 2008 -------------------------------------

James Turrel est un artiste américain, créateur “d’environnements perceptuels” qui a fait de la lumière naturelle ou artificielle son unique matériau. Bridget’s Bardo est un espace vierge à double entrée. La première est frontale, elle se situe au niveau inférieur. La seconde propose un regard supérieur, elle est dotée d’une rampe pour descendre. L’espace est habillé par la lumière artificielle colorée avec un variateur bleu ou rose. James Turrel manipule la lumière, il joue avec la perception du spectateur, entre le matériel et l’immatériel. Le rose ici inonde l’espace et traverse le corps. Le spectateur pénètre dans une parenthèse temporelle, spaciale et visuelle. L’artiste donne une matérialité à ce qui à priori n’en a pas. La relation à l’oeuvre est totalement singulière. Il semble n’y avoir rien et pourtant tout l’espace imprégné par un halo surnaturel trouve une matérialité particulière. Le rose est pur, entièrement diffus, à l’image des nuances si caractéristiques des lumières néons.

Photographie : Bridget’s Bardo Florian Holzherr

Quand le rose est “lumineux”


*Communication

PINK MY COLA Creadz.org,Octobre 2012

------------------------------------ Le 6 octobre 2012, John Cardinal un adolescent californien, crée l’un des plus grands buzz de l’histoire d’internet en lançant un défi sur la page facebook de Coca-Cola. Son souhait? Commercialiser une bouteille de Coca-Cola rose, dont 30% des bénéfices seront reversés à la recherche contre le cancer du sein. En atteignant deux millions de “Like” son objectif est atteint en à peine dix jours et s’ensuit un concours mondial pour imaginer sa propre bouteille ou canette rose. Le rose est alors de rigueur dans toutes les propositions, en effet c’est la couleur associée à la lutte contre le cancer du sein. Elle est présente dans toutes les campagnes de dépistage et par le biais du célèbre ruban rose emblème de cette lutte au même titre que le ruban rouge l’est pour la lutte contre le virus du Sida. Le rose est alors utilisé pour ce qu’il représente et son symbole de la féminité.

Image : www.pinkmycola.com

Quand le rose est “lutte”


*Communication

PINK INVASION Sucres Daddy, agence BETC, Janvier 2012 -------------------------------------

La marque Daddy a fait du rose sa couleur emblématique, un rose trés “punchy” qui a su toucher un large public. La campagne Pink Invasion réalisée par l’agence BETC en 2012 et photographié par Coco Armadeil, propose trois affiches drôles et décalées, véhiculant bonne humeur et optimisme. Le slogan de la marque “Pour un monde plus rose” est mis en scène dans ces trois affiches par les trois slogans “ Ayons du rose dans les idées”, “Levons-nous du pied rose” et “Chassez le rose il revient au galop”. Le rose est mis en avant par tous les moyens, visuel (la couleur est omniprésente), connoté (les fleurs, l’humour, la joie) et écrit (le mot rose est présent deux fois dans une même affiche). La marque prône la bonne humeur et le lâcherprise. Le rose renvoie à la joie, au bonheur, à la légèreté mais aussi à la gourmandise et au sucré. Il devient leur emblème et sera décliné dans tous les aspects de l’image de la marque: communication, campagnes publicitaires, site internet, packagings.

Image : Pink Invasion Agence BETC

Quand le rose est “sucré”


“ PINK IN PARIS” * 7* CARTOGRAPHIE -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* YSL - Rouge Volupté Shine - N°13 Pink in Paris


INTRODUCTION Originaire de province, Paris représente pour moi une ville aux multiples visages que je découpe dans mon esprit en quartiers, principalement définis par des stations de métro. Depuis que je suis ici, je m’étonne de ne pas être allée dans certains endroits et d’en connaître d’autres comme ma poche. L’idée de concevoir une cartographie du rose m’est alors apparue comme une évidence lors des prémices du mémoire. J’y ai vu l’opportunité de saisir des images que nous côtoyons quotidiennement sans vraiment y prêter attention mais aussi le moyen de raconter un aspect méconnu de la ville. Nous sommes, sans forcément y prêter attention, baignés dans la couleur et qui plus est, en contact permanent avec le rose. Cette cartographie m’a alors donné l’occasion de flaner, de me balader, de partir à la recherche de l’inconnu, d’observer avec attention ce qui m’entoure. Ces balades révèlent des atmosphères tout en reliant des clichés à des quartiers, à des lieux définis et plus ou moins ciblés. Le but était de tirer des conclusions sur l’usage et la présence du rose dans ces lieux publics. Cette quête du rose dans Paris est retranscrite de deux manières. L’une sur papier, composé de textes, de vignettes et de plans des quartiers. L’autre est virtuelle, via un site internet. Vous pouvez accéder aux visites dans chaque quartier et observer chaque photographie prise plus en détail. Pour cela il vous suffit de scanner avec votre smartphone le flash code situé à gauche ou de vous rendre à l’adresse suivante : http://gaugrygwladys.wix.com/cartographie-rose


MONTMARTRE BUTTES CHAUMONT

BELLEVILLE

RIVOLI / MARAIS

XVème arrondissement


BELLEVILLE XXème arrondissement , samedi 16 Mars 2013 -------------------------------------

Samedi après-midi, il fait froid, pourtant à travers le filtre du rose, le quartier semble extrêmement coloré, chaleureux. Belleville est un quartier populaire, un grand nombre de populations d’origines diverses se côtoient et teintent cet espace qui s’étend sur quelques rues. La rue du Faubourg du temple emmène à Belleville et plante le décor de ce quartier haut en couleurs. Les facades des magasins “cheap” se succèdent, les vêtements, chaussures et accessoires, essentiellement “made in china” se déversent sur la rue, créant une sollicitation visuelle continue. Le rose est très présent : enseignes roses fuchsia, accessoires de modes de toutes les teintes de roses inimaginables et pour tout âge. Les passants aussi sont habillés de rose, une petite fille rose de la tête au pied, montre combien la convention “rose pour les filles” est ici tenace. Quelques rues plus loin, la rue Denoyez dévoile son extraordinaire richesse colorée. Telle une parenthèse intemporelle dans Paris, cette rue est recouverte de graffitis, c’est un espace d’expression et de créativité où se croisent habitants du quartier, jeunes errants et badauds en tout genre. Les façades sont recouvertes de multiples couches de peintures et le rose vient régulièrement recouvrir des murs entiers ou ponctuer les masses multicolores. En poursuivant la déambulation, le rose se fait plus épars mais toujours présent. Tantôt rose tendre d’une façade, rose bougainvillié d’une porte d’immeuble ou rose éloquent de graffitis dispersés. Tantôt rose délavé d’un drap qui sèche à la fenêtre ou rose plastique des sacs de courses qui pendent chez le boucher et se répandent dans les mains des riverains. Le rose est donc abondant dans ce quartier populaire, sous toutes ses formes. Il illustre le possible caractère bas de gamme de cette couleur, utilisé en masse sur des produits “cheap” mais aussi ses qualités d’expressivité, couleur qui se remarque et ne passe pas inaperçue.




XVème arrondissement samedi 6 Avril 2013

------------------------------------ Le XVème arrondissement est un quartier particulier à Paris car très résidentiel. Il est comme un morceau de province dans la capitale. Les immeubles ne sont pas très hauts et s’organisent autour d’une rue principale, la rue du Commerce. C’est un quartier familial et commerçant surtout fréquenté par les habitants du XVème. Commerces de proximité, petites enseignes et grands magasins se côtoient dans un esprit plutôt convivial. Le rose a ici une très faible place, malgré un périmètre assez large de recherches, il y a très peu d’éléments roses. Une grande majorité est constituée par les vitrines des magasins de la rue du Commerce. Pimkie, San Marina, Minelli, Etam, les marques uniformisent leurs vitrines et l’on retrouve donc, peu importe le quartier, à peu près les mêmes éléments, la même communication dans les vitrines, le rose a donc sa place dans la tendance été 2013. Au détour des rues, quelques éléments roses égarés ça et là, comme des bites de circulation repeintes qui ponctuent la rue de manière ludique. Quelques enseignes de magasins roses, des fleurs en plastique sur le trottoir ou dans la vitrine du boucher. Une limousine rose bonbon passe au loin, surprise, hasard, “Pink Princess” transporte des jeunes filles, tel un ovni dans ce quartier bien gris. Pour finir, un chewing-gum rose par terre et la quête du rose s’achève. Le rose dans un quartier résidentiel a apparement peu d’avenir, si ce n’est pour appâter le client et rendre les vitrines attractives.




MONTMARTRE XVIIIème arrondissement, samedi 20 Avril 2013 -------------------------------------

Montmartre, lieu touristique par excellence à Paris, est visité par des milliers de personnes chaque semaine. C’est un quartier historique qui a un charme très particulier, surplombant Paris. Il offre une vue dégagée, les petites rues et ruelles construisent un paysage bucolique, isolé, en marge de l’effeversence parisienne, ici le temps s’arrète. Le rose y est présent de manière très diversifiée. Ce quartier offre un aperçu des multiples façons de trouver du rose dans l’espace public. On le voit aussi bien sur des enseignes de magasins, en couleur de façade où il illumine les rues ou encore en petits tags éparpillés, signe qu’ici aussi, comme partout à Paris, le graffiti participe au dessin du paysage. Les personnes teintent également ce quartier de rose, enfants, adultes, poussettes, le rose s’affiche et déambule dans les rues pavées. Une table en terrasse, un t-shirt souvenir, quelques sacs en plastique, des affiches collées ça et là, il est présent sur une grande variété de supports. La couleur rose participe à l’image romantique du lieu. Elle prend part au dialogue entre ancien et moderne, entre l’empreinte historique et le visage actuel de ce quartier. Ses multiples nuances et supports révèlent la pluralité de ses usages et de ses connotations.




RIVOLI / MARAIS XIIIème arrondissement, dimanche 28 Avril 2013 -------------------------------------

La promenade Rivoli/ Marais, s’étend du Forum des Halles situé à Châtelet jusqu’aux environs de la place des Vosges. C’est le coeur de Paris, le centre, un quartier extrêmement commercial, à la fois touristique et fréquenté par les parisiens, où l’on trouve toutes les grandes enseignes de magasins. Le marais est également très commerçant, il est connu pour être le quartier homosexuel de la capitale. C’est un quartier très vivant de jour comme de nuit, avec ses nombreuses petites boutiques et ses nombreux bars. C’est donc un espace très étendu et foisonnant, où le rose a une place prépondérante. Présent dès le début de la balade, dans des nuances qui vont des plus pastel aux plus vives, il ponctue les vitrines et attire l’oeil des passants. Vêtements, lunettes, cosmétiques, affiches publicitaires, le rose est partout. Plus on s’enfonce dans les petites rues du Marais plus il est abondant. Il teinte des objets design dans des boutiques branchées, recouvre les tables d’un restaurant de quartier, passe de main en main via un sac en plastique ou donne l’eau à la bouche dans une boutique de cupcakes. Définitivement, le rose colore ce quartier, serait-ce à cause de son caractère homosexuel? De nombreux tags ici sont roses et représentent souvent des coeurs, signe d’un quartier en paix et bienveillant? Une petite rue se démarque, la rue du trésor. Elle est très arborée et des fleurs roses ponctuent des massifs bien entretenus. Les façades des boutiques et des bars sont peintes de toutes les couleurs, il y règne une ambiance très bariolée. Le quartier Rivoli / Marais est donc haut en couleur, à l’image de sa population. Le rose s’y répand de multiples façons et semble y être une couleur très appréciée.




BUTTES CHAUMONT XIXème arrondissement, dimanche 2 Juin 2013 -------------------------------------

Buttes Chaumont, un dimanche après-midi, les familles déambulent et profitent du beau temps dans ce quartier très résidentiel et familial. Construit autour d’un immense parc, un des plus grand de Paris, c’est un endroit particulier. Calme et très arboré, il offre un havre de verdure dans la ville. Contre toute attente, le rose, couleur complémentaire du vert si présent ici, est peu représenté. A peine quelques enseignes, quelques publicités éparpillées, des rideaux aux fenêtres et le tour est fait. Toutefois, c’est étrangement au sol que l’on retrouve le plus cette couleur. En effet, de nombreux déchets roses errent sur le sol et caressent quelques marquages à la bombe fluo très intriguant. Une barrette, un mouchoir, une canette, un ticket, il faut ouvrir l’oeil pour trouver cette couleur dans les rues qui longent le parc.




http://gaugrygwladys.wix.com/cartographie-rose


“ FALL IN ROSE” * 8* TEXTILE -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* Lancôme - Rouge In Love - 343B Fall In Rose


INTRODUCTION

La couleur est au coeur de notre perception visuelle. Elle est un élément clef dans la façon dont nous appréhendons notre monde. C’est généralement la première chose que l’on remarque avant même la forme, la matière ou les détails. Toutefois elle ne peut exister seule, elle est constamment associée à une surface, ce qui lui donne ses caractéristiques propres. Selon la nature du matériau auquel elle est associée, si la surface est lisse, rugueuse, homogène ou non-homogène, unie ou à motif, si c’est une peinture murale, un objet transparent, un objet en volume etc... la couleur révèle ses multiples aspects, ses multiples effets ou nuances. Elle revêt alors différentes symboliques et n’a pas le même impact. Tous les acteurs de la couleur, designers, fabricants de matières et de matériaux, stylistes, coloristes travaillent à partir de cette infinie “substance” qu’est la couleur. Le rose en fait donc parti, il entre dans cet immense champ des possibles et se voit attribuer une proportion plus ou moins importante selon les secteurs d’application. Ce livret analyse la place du rose dans la création textile en explorant le concept de gamme colorée et de ce qui la constitue. Il fera également un tour d’horizon de l’utilisation du rose dans des secteurs différents de celui du textile comme l’automobile, le bâtiment ou la cosmétique. Il proposera enfin un court répertoire d’échantillons textiles permettant de rendre compte physiquement des supports de la couleur rose.


1* Etablir une gamme

La couleur est un élément qui dans les secteurs de la mode et la décoration se pense bien en amont du produit. Des acteurs privilégiés sont en charge de définir les tendances et entre autres les tendances colorées. Les bureaux de styles élaborent des carnets de tendances qu’ils proposent à l’industrie textile (fabriquants de fils, de tissus) aux marques, aux stylistes, aux équipes créatives. Il n’y a bien évidemment aucune obligation à faire appel à ces organismes pour créer des gammes et des tendances. Certains stylistes ou designers obéissent à leur propre intuition. Etablir une gamme colorée est un élément essentiel au développement d’une collection. En effet c’est elle qui va donner un fil conducteur, raconter une histoire. La couleur est alors pensée en terme d’ambiance, de sensation. Elle devient un langage suggestif. La gamme colorée découle généralement d’une phase de recherche. Cela passe par la définition d’un thème, d’un univers, des recherches iconographiques (tableaux, photographies..), la collecte d’échantillons de couleur, de fils, de tissus, de matériaux divers... Cette phase est un moment de foisonnement où images, objets, intuitions se confrontent pour former un univers harmonieux, cohérent et faire émerger de ces recherches une ambiance qui se traduit par une gamme colorée. Plusieurs éléments caractérisent une gamme colorée, des éléments contextuels et des éléments d’équilibre.

même impact émotionnel d’une culture à une autre. En Inde, par exemple, le rouge est la couleur de la fertilité il est associé au mariage, tandis que le blanc représente le deuil. A l’inverse, en Occident la robe de mariée est traditionnellement blanche et le noir symbolise le deuil. C’est alors qu’intervient la symbolique des couleurs et que le rose manifeste son spectre de connotations. Il pourra ainsi réchauffer et faire rayonner une gamme estivale, donner de l’éclat à une gamme neutre, rappeler la tendresse et la douceur d’un moment passé, se fondre à la peau dans un esprit “nude”.

* Les éléments d’équilibre Une gamme colorée est une association de différentes teintes qui crée une harmonie, une ambiance. Pour cela le rapport entre les couleurs est très important et donne le ton de la gamme. En effet, le jeu des proportions, des contrastes, des intensités, des juxtapositions sont les outils qui permettent de conçevoir une gamme cohérente. Par exemple les couleurs peuvent être contrastées ou plus ou moins homogènes pouvant aller jusqu’au ton sur ton tout en passant par le camaïeu. Dans une gamme, qu’elle contienne beaucoup de couleurs ou très peu, une nuance peut être très présente par rapport à d’autres ou juste venir ponctuer l’ensemble. Respecter une famille de couleurs (pastel, grisées, toniques...) ou être un mélange harmonieux de plusieurs familles, il n’existe à proprement parler pas de règle fixe pour équilibrer une gamme. Le rose en petite touche dynamise, en grande quantité il égaie et féminise. Du chaud au froid, du clair au foncé, du terne au saturé, ses teintes sont multiples, il offre une grande possibilité d’associations.

* L’influence du secteur

* Les éléments contextuels C’est tout ce qui a trait au contexte de la gamme. A quoi va-t’elle servir ? (mode femme / homme / enfant, décoration intérieure / extérieure, accessoires etc...). Pour quelle saison est-elle destinée ? Quelles sont les tendances du moment ? A quelles cultures s’adresse-t’elle ? En effet la couleur ne signifie pas la même chose aux quatre coins du monde et n’a pas le

Une gamme de couleurs est destinée à un domaine d’application. En effet, dès le début, le secteur auquel elle se destine est connu et influence sa création. Cela donne une idée du nombre de couleurs, des proportions, des teintes incontournables et des constantes. Les gammes ne sont pas présentées de la même manière selon les domaines, et la


fréquence du renouvellement n’est pas égale. En ce qui concerne le rose, il peut avoir une importance majeure dans certains domaines ou être complètement absent dans d’autres. Le rose est par exemple inexistant dans tout ce qui concerne les produits mécaniques, électroniques et technologiques considéré commes des secteurs masculins. Il est plutôt discret dans le domaine des matériaux de construction où il est surtout utilisé en nuance naturelle. Il a une présence constante dans la mode et la décoration mais est soumis aux fluctuations des tendances, aux aléas des saisons et aux gôuts des créateurs. Enfin, le rose est omniprésent dans le secteur de la cosmétique et plus particulièrement du maquillage. En effet, chaque gamme de produit (fard, rouge à lèvres, gloss, vernis...) propose du rose dans ses collections. Les marques en proposent toutes, des teintes les plus claires aux plus vives. Le rose a une place cruciale dans ce secteur.

2* Interview : coloriste ----------------------MARGAUX MALHAIRE ----------------------* Pouvez-vous vous présenter ? Je me présenterai en quelques mots, je pense être une obsessionnelle de la couleur, à l’image des tendances mon obsession est cyclique, c’est-à-dire qu’elle est en constante évolution, elle fonctionne par saison. Je pense avoir une personnalité sensible à l’évolution des tendances et des besoins esthétiques. C’est donc naturellement que j’ai choisi de rediriger mes études en création industrielle vers une formation spécialisée dans la matière, les tendances, la couleur ainsi que la lumière (Master 2 Lumière, matière, couleur à l’IUP Couleur Image Design de Montauban). Cette formation m’a permis de comprendre l’importance de la couleur dans les métiers des Arts Appliqués. J’ai pu appréhender la couleur en l’étudiant et l’analysant à travers des projets de création et de pratique manuelle (reproduction de teintures et couleurs grâce à des pigments naturels / teintures sur textile). * Quel est le travail d’un / e coloriste ? A travers ma formation, mes différents projets ainsi qu’un stage de plusieurs mois dans une grande agence de tendances à Paris, j’ai pu tenter de cerner le métier de designer coloriste. La couleur est pour moi une question de ressenti, qui s’inscrit dans un processus de création, que ce soit de la communication visuelle, du produit, du style ou de l’espace. Le travail de coloriste s’inscrit dans un processus de recherche, pour ma part mon travail de coloriste s’est toujours inscrit dans


un domaine lié à la mode (textile) et aux tendances. La couleur est avant tout un processus de retranscription d’un univers ou d’une idée, la couleur est emprunte de symboles et de sentiments. Grâce à une gamme colorée, nous pouvons transmettre un contexte, un univers, une tendance. Pour moi, le coloriste existe dans le but de faire “parler” la couleur. Il l’appréhende, l’analyse, la comprend, c’est avant tout un outil au service des Arts Appliqués. * Comment se construit une gamme colorée ? D’après mes expériences, une gamme colorée se construit grâce au ressenti. Il faut avant tout cerner, comprendre la demande, le produit, la cible pour retranscrire un univers. Bien sûr, pour construire une gamme colorée, il faut avant tout penser à une harmonie de couleurs. Je pense que concrètement nous pouvons associer toutes les couleurs entre elles, il n’existe pas de faux pas en termes de couleur. Mais, il faut observer certaines règles, c’est-à-dire, le jeu d’intensité, toutes les couleurs d’une même gamme ne doivent pas avoir la même luminosité et la même saturation (chromaticité) au risque d’étouffer celui qui la regarde ou l’utilise. Il faut également ne pas saturer en termes de quantité, une gamme ne doit pas excéder dix couleurs maximum, au risque de ne pas pouvoir créer une harmonie. Il est plus simple de créer une gamme de huit couleurs, pour mieux les harmoniser entre elles, la profusion de teintes rend complexe le message délivré par la gamme. Pour ma part, pour construire une gamme colorée de base, je choisis souvent neuf nuances, c’est-à-dire que ma gamme va comporter neuf teintes. La plupart du temps, pour commencer, je tente d’extraire le message que nous voulons transmettre. Quels mots clefs ? Quelles tendances ? Ensuite, je me documente, je m’imprègne des mots clefs, je recherche des textures, des textiles, des produits, je cherche à mettre des images, une visualisation sur les mots clefs. Puis j’extrais trois teintes, celles qui construiront mon message de départ. Le choix des trois teintes suivantes me permet de renforcer mon message, de le caractériser, puis les dernières teintes me permettent d’harmoniser ma gamme pour retranscrire au mieux ma tendance.

* Selon vous, qu’apporte le rose dans une gamme ? Je trouve que le rose connote quelque chose de très doux, tendre, féminin dans le bon sens du terme. Le rose offre de la nuance, de la douceur, quelque chose de très progressif, de délicat. Au contraire, il peut apporter une pointe de fraîcheur, du répondant, un “je ne sais quoi” de très fort, de prenant. Il représente tellement d’images, à la fois vieillottes, modernes, féminines, très fortes, mais également très douces et tendres. Le rose est tellement modulable, et possède une multitude d’images. Je pense que le rose est une des rares couleurs qui peut s’inscrire dans beaucoup de domaines, elle est extrêmement modulable, en terme d’intensité, de luminosité, elle peut même devenir une sorte de basique lorsqu’elle est blanchie (Nude). Bien qu’elle connote un univers plutôt féminin qui à mon sens la dessert, et l’empêche d’être unisexe. Je pense qu’il faut bien cerner le rose pour l’employer au mieux, un rose vieilli ne connote pas la même chose qu’un fuchsia ou un rose nude très doux. Il faut être avant tout sûr de son message pour bien employer le rose.



“ PINK FEVER” * 9* LEXIQUE -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* L’oréal - Color riche - 285 Pink fever


INTRODUCTION

Michel Pastoureau dans “Les couleurs de nos souvenirs”nous fait part de son constat “Il est parfaitement possible de parler des couleurs sans les montrer”1. Il définit dans cet ordre de priorité que “les couleurs sont d’abord des concepts, des idées, des catégories intellectuelles. Ensuite ce sont des mots, c’est-à-dire des étiquettes capricieuses qui varient dans le temps et dans l’espace et qui souvent prennent leurs distances avec la réalité. Pour parler des couleurs nous sommes prisonniers de ces mots. Enfin - mais enfin seulement - les couleurs sont des matières, des lumières, des perceptions, des sensations”. Ces quelques mots d’un maître de la couleur, Michel Pastoureau, nous montrent combien le champ lexical associé aux couleurs est important. Ce sont les mots que l’on utilise pour parler de la couleur qui amènent celle-ci dans l’univers infini du sens et du rêve, de l’interprétation et de la nuance. Les mots sont alors des repères qui ancrent les couleurs dans un champ de nuances connu par tous. Aucun individu n’aurait de mal à visualiser un rouge, un bleu, un vert. Toutefois il est des mots moins courants et peut-être plus spécialisés qui peuvent semer le trouble, par exemple: “ Cet article se fait en rouge mode, en vert senteur et en bleu Pondichéry”2. Se pose alors la question des référents pour parler de couleur. Quels termes utiliser? Comment les associer? Là se trouve toute la nuance, certains termes fixent les teintes dans des champs plus “réels” que d’autres. En effet, un rose “lait fraise” sera plus facile à visualiser pour quiconque qu’un rose “Nuit de juin” car il fait appel à une image commune celui d’un sirop de fraise mélangé à du lait blanc qui donnerait un rose 1 Michel Pastoureau, “Les couleurs de nos souvenirs”, Editions du Seuil 2010 2 Ibid


moyen, encore que, la concentration en sirop peut faire varier la couleur. Alors qu’un rose ‘Nuit de Juin” est nettement plus imagé et renvoie à nos souvenirs, nos sensations, nos référents personnels, il induit une interprétation. Le vocabulaire apparaît alors comme plus précis mais est en fait moins intelligible et fait alors appel à la sensibilité, à l’imaginaire, aux souvenirs de chacun. Parler d’un rose rhodondendron, nous fait directement penser à la fleur éponyme, elle aura une teinte variable dans nos esprits, selon les teintes qui nous ont été familières. On se rend compte alors de la difficulté de nommer les couleurs et les nuances, d’exprimer par un vocabulaire limité ce que l’œil est capable de percevoir. Mais c’est un enjeu formidable, capable d’emmener la couleur vers des horizons insoupçonnés, des domaines divers et variés nous guidant dans le registre du rêve, de l’imaginaire, des sensations. Le vocabulaire de la couleur a un pouvoir d’évocation énorme. Michel Pastoureau illustre très bien ce pouvoir par un exemple très simple celui des bas et des collants. Il nous explique que “pendant longtemps le vocabulaire s’était contenté de mots simples et pudiques : gris, brun, blanc, noir, beige, précisés par des adjectifs aussi communs que clair, foncé ou moyen. Puis, dans les années 1920-1930, les gammes se faisant plus subtiles, la publicité plus tapageuse, la concurrence plus aigüe, on vit apparaître des termes plus ambitieux, empruntés à des animaux, des végétaux ou des minéraux : ivoire, chamois, taupe, souris, tourterelle, châtaigne, argile, ardoise, anthracite ; le sens restait clair, même si la nuance exacte était imprécise. L’étape suivante accentua cette imprécision en faisant entrer dans ce lexique spécialisé des vocables plus flous mais plus racoleurs. Ils correspondaient à des colorations difficiles à nommer - mais que le nuancier ou, parfois déjà, la photographie montrait - et étaient surtout là pour leur pouvoir d’évocation : aurore, patine, fumée, ambre, nuage, brume, poussière. Mais c’est le stade suivant, déjà bien en place dans les années 1960, qui marqua le véritable décrochement, lequel ne cessa de s’accentuer jusqu’a notre époque. Désormais, les termes choisis ne se rattachent plus du tout à une coloration, si imprécise soit-elle, mais à une impression, une atmosphère, un désir, un songe : ivresse, évanescence, désenchantement, pas ce soir, comme d’habitude. (...)”1. On comprend alors combien nommer la couleur c’est lui

1 Michel Pastoureau,” Les couleurs de nos souvenirs”, Op. cit.

donner un sens, une direction, une connotation, la référer à un univers, une attitude, un objet, quelque chose qui renvoie au réel ou à l’imaginaire. Ce peut être un énorme enjeu pour nombre d’industries qui doivent sans cesse se renouveler et séduire leurs clients, c’est le cas de la cosmétique. En ce qui concerne la couleur rose, des centaines de noms existent pour la qualifier et chaque domaine utilise son propre registre. La cosmétique est d’ailleurs un domaine extrêmement friand de noms de couleurs, cela inscrit les produits dans un imaginaire, un univers merveilleux et donne une indication sur le type de client(e)s que le produit cible. Il y a peu de chance qu’un rose “baby doll” soit destiné à une femme d’âge mûr ou qu’un rose exubérant touche une personne d’un caractère plutôt timide. Le nom donné à la couleur en révèle beaucoup sur celle-ci. Certaines familles de noms, autant francophones qu’anglophones, reviennent souvent pour qualifier les nuances. Des termes exprimant un caractère, un tempérament, comme Charmante, Delicacy, Dormeuse, Innocent, Piquant, donnent une indication sur l’état d’esprit que peut véhiculer la couleur. Les prénoms féminins sont fréquents comme Gabrielle, Georgia, Gracy. Ils peuvent emmener la couleur vers l’identification à une personnalité réelle ou fictive, une muse, une égérie. La marque Guerlain, pour la gamme de rouge à lèvres Rouge G, a pris le parti de nommer ses teintes exclusivement par des prénoms féminins commencant par la lettre G. Des noms de villes peuvent également qualifier des roses comme Toulouse, Grenade, Vegas, Paris, ces noms renvoient à un ailleurs fantasmé, rêvé, un univers qui fait directement écho à l’identité d’une ville. Les noms donnés aux teintes peuvent aussi renvoyer à une atmosphère, par exemple, Bal d’été, Rose boudoir, Pink sunset, Première soirée. Le vocabulaire associé ne s’arrête évidemment pas qu’à cela. Un grand nombre d’autres termes peuvent qualifier une couleur de façon plus ou moins imagée comme A tout coeur, Flamingo, Mademoiselle, Love Song... ils montrent alors combien le lexique associé à une couleur peut être large et varié. Ce livret présenté sous forme de répertoire accompagné d’un poster, dresse une liste non-exhaustive, mais la plus


complète possible, des noms de couleurs qualifiant des teintes appartenant au champ du rose. Il tente également d’associer aux dénominations une teinte et d’en faire un “tableau monochrome” d’objets hétéroclites collectés durant plusieurs semaines. L’association d’une nuance à un nom, comme on a pu le voir précédemment, fait appel aux sensations, aux émotions, aux souvenirs. Dans ce cas ce sont mes référents propres qui ont permis d’élaborer ce livret, il se peut alors que chacun ne s’y retrouve pas vraiment, qu’il y ait des imperfections. Ayons alors toujours en tête que la couleur est un univers magnifique mais qui est fondé sur une part de subjectivité, où chacun évolue avec ses propres référents, son propre vocabulaire et son propre regard. C’est alors de toutes ces différences que naît la richesse de notre monde coloré.

* LEXIQUE DES TERMES LES PLUS COURANTS

Ce répertoire ne peut pas être restitué sous forme numérique. Il est composé entre autre de pages sérigraphiées à la main par mes soins donnant à la couleur une toute autre dimension. Toutefois je vous en donne ici une version numérique ainsi qu’un aperçu en photo.




… Rose Barbie Le rose “Barbie”: nom résultant de la célèbre poupée Barbie créée en 1959. Rose franc, flashy, le rose de l’artificiel par excellence, du superficiel. Rose qui rappelle les jeux d’enfants. Un rose criard et agressif, un rose plastique, lisse, emblématique de cette poupée blonde, aux yeux bleus, mince et qui évoque le standard de la beauté féminine occidentale.


… Rose Bonbon Le rose “Bonbon”: il évoque directement le rose des sucreries. C’est un rose franc, gourmand, sucré. Le rose des choses que l’on veut manger, des glaces, des bonbons, des colorants artificiels. Le rose des bubble gum, des chamalows, le rose des colorants à la fraise, chimiques. Il peut avoir une connotation un peu bon marché, pas très raffinée et pas de très bon goût. C’est un rose populaire.


… Rose Bougainvillié Le “Rose Bougainvillié”: rose violacé vif. Il renvoie au nom de la fleur éponyme qui peut arborer de nombreuses nuances de roses, toutefois il est plutôt caractéristique d’un rose foncé et saturé. Ce rose évoque les jardins en été, l’odeur et la couleur d’une fleur qui prend beaucoup de place, qui s’étale et inonde les jardins.


… Rose Chair Le rose “Chair”: rouge sang atténué par les tissus de la peau. C’est un rose doux, un peu orangé, délicat, serein et féminin. Directement lié au corps, à la peau et à la sensualité de la nudité.


… Rose Corail Le rose “Corail”: rose orangé tirant vers le rouge. Il est lumineux, chaud et doux. Très actuel dans l’habillement et les cosmétiques, il apporte fraîcheur et dynamisme. Il évoque les couchers de soleil des soirs d’été lorsque le ciel s’embrase.


… Rose Fluo Le rose “Fluo”: rose fluorescent, ultra lumineux, éclatant. La fluorescence est la propriété qu’ont certains corps de transformer la lumière invisible des ultra-violets (dite lumière noire) qu’ils reçoivent et de la transformer en radiations visibles. C’est une émission lumineuse provoquée par l’excitation d’une molécule. Les objets fluorescents apparaissent plus lumineux que des objets non fluorescents et sont révélés sous lumière noire. Le rose fluo est un rose communicatif qui ne manque pas de se faire remarquer. C’est une couleur énormément utilisée depuis la fin des années 80 dans la mode et le design.


… Rose Fuchsia Le rose “Fuchsia”: très utilisé pour qualifier une couleur forte, soutenue, pétillante. D’un rose plutôt foncé avec une pointe de violet. C’est un terme intermédiaire entre les champs du rouge, du rose et du violet. Il est directement lié à la plante de la famille des oenothérées qui produit des fleurs en forme de clochette et contient ces trois couleurs. C’est une couleur intense, chaude. Il évoque de nombreux articles de décoration et de maquillage.


… Rose Grisé Le rose “Grisé”: rose atténué par une pointe de noir qui le grise. Il est plus profond et neutre. Il peut tendre vers d’autres couleurs comme le violet, c’est toute la richesse des gris colorés. Le gris donne une teinte plus froide à ce rose, mais également plus fade et éteinte.


… Rose Pastel Le rose “Pastel”: rose composé en majorité de blanc. Il est donc très clair, ce qui le rend doux, tendre. Il évoque directement l’univers de l’enfance, des layettes, des gâteaux, de la tendresse. C’est le rose de la douceur, de l’innocence, du romantisme voire de la mièvrerie. Il évoque une sensation de fraîcheur, de délicatesse. On le retrouve beaucoup dans les accessoires de mode et les vêtements des collections printemps et été.


… Rose Pêche Le “Rose pêche”: il renvoie à la chair du fruit. C’est un rose sucré et gourmand. Il évoque la douceur d’une peau de pêche et fait aussi écho à la peau humaine.


… Rose mauve Le “Rose mauve”: il est très doux, pâle, parfois pastel. Il est proche du violet et se trouve aussi à la frontière. C’est une couleur peu appréciée, qui a quelque chose de mièvre et niais.


… Rose Néon Le rose “Néon”: c’est le rose fluo qui tend vers le orange, il appartient à la famille des fluorescents et tire son nom des tubes fluos aussi appelés néons. Comme le rose fluo il est très actuel et semble très apprécié pour son côté “à la frontière”, difficilement définissable, composé de rose fluo, d’orange et de jaune. Il illumine, réhausse, réchauffe.


… Rose Poudré Le rose “Poudré”: rose doux lié à l’univers du maquillage, des poudres, des fards à joues, de la beauté. Il évoque parfaitement la féminité, le romantisme inhérent à la couleur rose. Il suggère quelque chose de volatile presque immatériel tout en délicatesse.


… Rose Saumon Le rose “Saumon”: directement lié à la couleur de la chair du poisson, c’est un rose orangé, soutenu, charnu et tendre. Il peut être plus ou moins clair. C’est une couleur délicate très utilisée en lingerie féminine. Selon les périodes elle est très à la mode dans l’habillement et la décoration. C’est aussi une couleur qui nuance le ciel au lever et au coucher du soleil.


… Vieux rose Le rose “Vieux-rose”: rose atténué tirant légèrement sur le gris, pâle, comme touché par les effets du temps, terne, passé. Il évoque les fleurs, les vieilles tapisseries, les intérieurs des années 50. Il a quelque chose de doux et rassurant, d’intemporel.


… Rose violacé Le “Rose- violacé”: rose qui tire vers le violet, à la frontière du violet. Il oscille entre le chaud et le froid. Il peut être à la fois fort, saturé, dur et hésitant, imprécis, à la limite de couleurs pourtant proches. Il est donc difficile à catégoriser.


“ PINK FEVER” * 9* ABÉCÉDAIRE -------------------------------------

* Mémoire de Gwladys GAUGRY, sous la direction de Cloé PITIOT-FONTAINE, Juin 2014

* L’oréal - Color riche - 285 Pink fever


Ailée

Candy pink

Diablotine

Gemma

Kiss on the Chic

Nude in privet

Pink in Devotion

Rose in tension

Sweet

Angélique

Canyon Rose

Dolly Pink

Georgia

Lait Fraise

Nuit de Juin

Pink Lemonade

Rose Malice

Sweet Candy

Angel Wing

Charmante

Dormeuse

Géranium Pink

Liberty

Pale Peach

Pink Sunset

Rose me, Rose me not

Sweet Memories

A tout cœur

Château Rose

Electric Pink

Gigi

La Raffinée

Pamplemousse Glacé

Pinkspiration

Rose Shell

Sweety

Aventure

Cloud Pink

Elephantastic Pink

Girly

La sensuelle

Passion

Piquant

Rose Smoke

Soft Pink

Baby Doll

Cochon

English Rose

Glamour

Lobster Bisque

Paradise

Prairie Sunset

Rose Surprise

Sorbet

Bagatelle

Confetti

Espiègle

Goyave Sorbet

Love me Pink

Parfait

Première Soirée

Rose Thé

South Beach Pink

Bal d’été

Blooming Rose

Blush

Conch Shell

Eternal Optimist

Graphic

Love Song

Peach Amber

Princess

Rosette

Starlet

Coral Reef

Evening Sand

Gracy

Mademoiselle

Peach Nectar

Psychédélique Pink

Rose Water

Strawberry Macaroon

Cream Pink

Exubérant

Grenade

Magic

Peach Parfait

Poetic

Romantic

Strawberry Margarita

Bonne Mine

Cream Puff

Fall in Rose

Hippie Pink

Magnolia

Peach Pearl

Quartz Pink

Royal Raspberry

Sugar Daddy

Bouton de rose

Bubble Bath

Croisière Coral

Fascinante

Hot Coral

May

Peach Purée

Rapture Rose

Sachet Pink

Tender Pink

Cuisse de Nymphe

Flamingo Pink

Innocent

Miami

Petal Pink

Riviera

Scallop Shell

Toulouse

Bubble Gum

Cuisse de Nymphe Emue

Forever Fuchsia

Impatience Pink

Midnight rose

Pétale de Rose

Rose Boudoir

Sea Pink

Tropical Peach

Buvard

Cute as a button

Fresh Salmon

Italian love affair

Milky

Pin-up Pink

Rose Cloud

Sequins d’amour

Vegas Pink

Calypso Coral

Delicacy

Freshy

I Think in Pink

Misty Rose

Pink Champagne

Rose Comète

Sourire

Vénus

Camelia

Delice

Fuchsia Irrésistible

It’s a girl

Morning Glory

Pink Diamond

Rose Confidentiel

Spring Ball

Vintage Pink

Cameo Rose

Desert Flower

Fusion Coral

Jalousie

Night Club

Pink Icing

Rose Down

Sugar Coral

Virgin Orchid

Candide

Désir

Gabrielle

Jolis Matins

Nude

Pink in Paris

Rose Dust

Sunkist Coral

Virtual Pink


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