spécial / fêtes du monde
Vu par, Étienne Binnendijk : Rédacteur & Laurent de Bompuis : Photographe
Guadeloupe
Le léwòz, reflet de l’âme guadeloupéenne Un rythme qui entraîne et que l’on perçoit de loin. Des ka qui vrombissent et un soliste qui sonne le ralliement et guide les danseurs. Les événements musicaux sont nombreux en Guadeloupe. Mais aucun n’a plus de signification que la soirée léwòz qui est au cœur de la tradition guadeloupéenne.
Par Eric-Olivier Pietrantoni
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spécial / fêtes du monde Guadeloupe
Quelque part sur les hauts de Saint-Anne. Guadeloupe. France. En cette fin d’après-midi, on peut entendre vrombir des rythmes entraînants. Une foule joyeuse chante à la gloire du peuple guadeloupéen, reprenant des paroles qu’elle semble connaître par cœur. Une jeune femme au milieu du public entame des pas de danse et semble en parfaite harmonie avec les percussionnistes qui s’activent, comme en transe. C’est l’âme de la Guadeloupe que vous avez devant vous : bienvenue à une swaré léwòz. Le léwòz, c’est d’abord un rythme intimement lié à un instrument : le ka. Sa naissance est communément rattachée au XVIIIème siècle et au temps de l’esclavage. Le ka tire son origine du ¼ de tonneau qui servait à la fabrication de l’instrument, les esclaves n’étant pas autorisés à abattre des arbres pour fabriquer des « boisfouillés ». Des influences africaines pour une identité guadeloupéenne D’une culture rurale avec pour origine les traditions de l’Afrique occidentale, le ka a très vite développé une identité propre. Le léwòz est devenu un phénomène social, le moment privilégié pour le rassemblement de la communauté guadeloupéenne. Naissance, mort, révolte, tâches journalières ou romances, le ka rythmait les grandes étapes de la vie guadeloupéenne. Initialement, les manifestations étaient tenues secrètes. Aujourd’hui, elles sont le théâtre de performances qui s’étudient dans les plus grandes universités d’ethnomusicologie. Le genre musical se caractérise par un grand sens de l’improvisation, des réponses entre un soliste
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et le chœur, des pas de danse dictés par la musique. Les rythmes diffèrent et peuvent exprimer la joie, la mélancolie de l’amour éconduit ou encore la révolte. Car le ka est toujours l’instrument d’expression de l’âme guadeloupéenne. Il est le reflet des souffrances, du travail pénible mais aussi un chant d’amour et de paix. Pour autant, les fêtes léwòz sont un moment privilégié et l’on ne saurait prétendre connaître la Guadeloupe sans avoir fait un détour par Sainte Anne ou Sainte Rose. Ce sont les deux épicentres de la culture léwòz. Il faut voir ces danseurs qui embrasent le public, il faut entendre ces tambours qui sont l’écho d’une culture séculaire. Les fêtes sont généralement organisées sur la propriété d’une famille ou un terrain communal. Les petites vendeuses de bokit (sandwichs guadeloupéens) sont aux anges. La fête peut commencer!
Le léwòz : une fête suspendue dans le temps Si nous ne pouvons réduire le léwòz à une simple fête, lui retirer son aspect festif et artistique serait une grave erreur. Les musiciens, danseurs et chanteurs sont d’excellents artistes qui soulèvent les foules. Une swaré léwòz, c’est avant tout une fête, la communion dans le bonheur et en musique. Nous pourrions citer de nombreux chantres de la culture léwòz. Si vous avez l’occasion d’assister à ces événements uniques, vous aurez peut-être le privilège de croiser Monsieur Coquillas de Sainte-Rose en train d’exercer son talent. C’est une figure légendaire et très respectée de la communauté léwòz. Il n’est pas rare non plus d’écouter le groupe Kan’nida constitué par la fratrie Geoffroy, une des familles les plus importantes qui exerce son art depuis le début des années 1980. La danseuse Raymonde Pater-Torin, directrice artistique de l’association Kamodjaka, illumine souvent les léwòz par ses mouvements renversants. La culture gwo ka étant en constante évolution, on parle aujourd’hui de léwòz moderne. Il s’agit de créer des ponts avec des musiques urbaines ou du jazz. C’est une nouvelle tendance qui permettra probablement au léwòz de dépasser ses frontières. Pour encore plus de fêtes et de joies.
Une nomenclature des rythmes Il est très important de rappeler que si le léwòz a donné son nom au mouvement artistique, c’est avant tout un rythme. Voici une présentation des différents mouvements musicaux qui sont généralement joués et dansés et leur signification : Le léwòz est une danse d'incantation traduisant un désir de lutte, un rythme guerrier empreint d'une certaine mélancolie. Le toumblack se veut un mouvement symbolisant l'amour et s'exécutant avec les reins. Le Kaladja est un rythme lent, qui exprime une certaine tristesse. Le graj, c’est une danse de travail. Le woulé peut être considéré comme une sorte de valse piquée légèrement saccadée. Le mendé est une danse très festive, que l’on dit de carnaval. Le padjanbel (ou pagyanbel) exprime le travail dans les champs de cannes à sucre et par extension la volonté de liberté.
"Les rythmes diffèrent et peuvent exprimer la joie, la mélancolie de l’amour éconduit ou encore la révolte" (35)
GUIDE PRATIQUE Où participer à des manifestations léwòz ? Le plus simple est d’appeler les services culturels des mairies qui accueillent généralement les évènements : À Sainte-Anne, les soirées ont généralement lieu sur la plage de Galbas. Mairie de Sainte-Anne Place Schoelcher 97180 Sainte-Anne Tél. : 05 90 85 48 60
Pour prendre contact pour des formations : Tél. : 05 90 88 48 32 / 06 90 54 07 38
Où apprendre la musique, la danse et les rythmes ? Plusieurs clubs et associations existent. Ces professionnels ou bénévoles au grand coeur, tous passionnés par leur culture et leur tradition, sauront vous guider dans vos recherches et votre volonté d’apprendre. En 1985 , Jacqueline et Yves THOLE-CACHEMIRE ont crée l'AKADEMIDUKA. C'est un établissement installé à Bergevin dans Pointe-à-Pitre qui a pour objectif de favoriser le développement physiologique et socio-affectif de l'enfant et de l'adulte à partir d'une pédagogie basée sur les rythmes traditionnels du ka. AKADEMIDUKA Bergevin 97110 Pointe à Pitre Tél. : 05 90 90 17 80 / Fax. : 05 90 93 30 80
L'association Fos kiltirel KAMODJAKA a été crée en 1998 afin de répondre à un besoin pressant d'activités culturelles autour de la danse traditionnelle, des jeunes du Nord Grande Terre. Sa chorégraphe, madame Raymonde Pater-Torin vous accueille dans une ambiance très caribéenne. À noter que l’association Kamodjaka développe un style adapté aux musiques modernes et urbaines comme le jazz ou le hip hop.
Kabwa : Tél. : 0690 39 85 03 Indestwas Ka : Tél. : 0690 82 92 13 École KIMBOLE george Troupé Morne Valette - St Anne Tél. : 0590 88 17 74
Conseils pour une écoute authentique Kan’nida, c’est d’abord l’histoire d’une passion et d’une famille, les Geoffroy. Les frères : Francky dit Zagalo, René et Sergius. Les sœurs Viviane, Brigitte et Christiane ainsi que quelques voisins. Aujourd’hui, le groupe a sorti près d’une dizaine d’albums et est une référence en Guadeloupe. Pour retrouver leurs œuvres et leur parcours, une seule adresse : www.kannida.com
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Comment s'y rendre : Par Corsairfly : Vols quotidiens au départ d’Orly vers Pointe à Pitre, et le mardi au départ de Nantes. Renseignements et réservations au 0820 042 042 ou sur www.corsairfly.com
Léwòz, the musical identity of Guadeloupe
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Gwo ka (Big drum) is both a family of hand drum and the music created with them, which is a major part of Guadeloupean folk music. There are seven rhythms in gwo ka, which are embellished by the drummers. Different sizes of drums establish the foundation and its flourishes, with the largest, the boula, playing the central rhythm and the smaller, markeur (or maké) drums embellishes upon it and interplays with the dancers, audience or singer. Gwo ka singing usually guttural, nasal and rough, though it can also be bright and smooth, and is accompanied by uplifting and complex harmonies and melodies. There are also dances that tell folk stories that are accompanied by the gwo ka drums. Rural Guadeloupeans still use gwo ka drums in communal experiences called lewoses; this is the most traditional manifestation of gwo ka in modern Guadeloupe. Gwo ka is also played at Carnival and other celebrations. A modernized and popularized form of gwo ka is well-known on the islands; it is known as gwo ka moderne. (37)