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C RISSOULI
«Mon obsession, c’est la pédagogie»
Le journaliste Karim Rissouli revient sur le succès des émissions « C Politique » et « C ce soir » qu’il anime sur France 5 et sur sa vision du journalisme politique.
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Karim Rissouli tient son goût de la politique de ses parents, engagés dans le milieu humanitaires. Le journaliste présente «C Politique» tous les dimanches sur France 5. Depuis l’année dernière, il anime également, du lundi au jeudi soir, l’émission «C ce soir».
Il y a six ans, vous lanciez «C Politique» avec Renaud Le Van Kim et Mathias Hillion. L’idée était de parler politique sans avoir toujours des élus sur le plateau. Pourquoi?
Avec Mathias, on avait la conviction qu’il fallait parler de politique différemment si on voulait essayer de réconcilier un maximum de Français avec la politique. On a aussi fait le constat qu’il y avait des personnalités politiques invitées en majesté dans toutes les émissions. Alors on a voulu ouvrir le plateau à d’autres types de parole. Un chef d’entreprise, un humanitaire, un écrivain, un sociologue ou un géographe a autant de choses à dire qu’une personnalité politique. Notre invité principal est toujours un intellectuel ou un artiste qui a un regard sur la société. On invite aussi des députés sur des sujets précis pour débattre et apporter la contradiction mais ils ne sont pas au centre des discussions, car j’estime que la politique appartient à tout le monde.
«C ce soir», la seconde émission que vous animez, bat régulièrement des records d’audience. Est-ce que ce succès vous rend optimiste sur la qualité du débat public en France?
Quand il y a une grosse actualité, il y a une envie de comprendre ce qui se passe sans polémiquer. Donc oui, ça me rend optimiste. Mais nous ne sommes pas seuls, le succès d’une émission comme « 28 minutes » sur Arte me rend aussi optimiste. Pour être franc, lorsqu’on a lancé «C ce soir» en 2021, j’étais très réticent car je pensais que ce n’était pas possible de refaire du débat, entre guillemets, apaisé, intelligent, à la télévision. Heureusement pour moi et pour nous, je me suis trompé et je prends du plaisir à essayer de proposer un type de débat qui est davantage de la discussion que du clash artificiel. Ce qui me plaît par-dessus tout, c’est d’observer les invités réfléchir devant moi. Ils s’écoutent les uns les autres, qu’ils soient d’accord ou non. Je vois que ça alimente leur réflexion et, personnellement, je trouve que c’est assez jouissif.
En quoi vos émissions innovent?
Avec «C Politique», on a vraiment inventé quelque chose de nouveau. J’essaie d’avoir un fil conducteur du début à la fin et de proposer des émissions où ce qu’on voit en reportage et ce qu’on dit en plateau est toujours lié. On a inventé les pauses dans les sujets, on fait des allers-retours entre plateau et coulisses. C’est une narration qui est un peu différente. Pour «C ce soir», on a peut-être réussi à remettre à l’antenne une forme de débat nuancée. Je pense que l’on fait une télé qui s’écoute, pas seulement qui se regarde.
BIO EXPRESS
Formé au Celsa, Karim Rissouli commence sa carrière de journaliste au service politique d’Europe 1 en 2005.
Il rejoint l’émission «Dimanche+» sur Canal+ en 2009 pour «parler politique différemment » et participe au «Grand Journal» en tant que chroniqueur.
Après un passage d’un an sur France 2 dans «Des paroles et des actes», il présente, à partir de 2016, l’émission «C Politique», sur France 5 et «C ce soir», depuis l’an passé.
On dit que le public se désintéresse de la politique. Qui vous regarde?
J’aimerais dire que c’est tout le monde évidemment (rire). En fait, il y a deux types de public : celui qui regarde en direct et celui qui nous regarde en replay. Comme pour beaucoup d’émissions de télévision, c’est un public âgé, en majorité des sexagénaires. Sur le replay et le podcast qu’on a lancé il y a quelques mois, on va toucher un public plus jeune qui ne regarde pas la télévision mais qui peut consommer nos contenus sur les plateformes.
Dans Le Monde, vous avez déclaré: «Tout mon chemin depuis Europe 1 et Canal+, c’était d’éviter de ressembler aux journalistes politiques classiques en cravate qui parle comme des hommes politiques.» Y êtes-vous parvenu?
J’ai le sentiment d’avoir réussi à échapper à ce que je ne voulais pas devenir. Mon obsession dans mon travail, c’est la pédagogie. J’ai envie d’être la même personne à la télé et en dehors. J’essaie de le dire sans aucun mépris pour les autres. Dans la vie, on finit souvent par ressembler aux gens que l’on fréquente. Lorsqu’on est journaliste politique pendant quinze ou vingt ans, on finit un peu par parler comme eux, à avoir des petits tics de langage. On finit par ne plus se demander si les téléspectateurs comprennent vraiment ce qu’on dit.
Comment imaginez-vous l’avenir de vos émissions?
C’est une charge de travail un peu surhumaine car je produis également «C Politique». Je travaille énormément, je lis autant que je peux les thèses et les œuvres de nos invités. Je suis très bien entouré par mes équipes, mais je ne pense pas pouvoir continuer comme ça très longtemps. Est-ce que je vais arrêter une émission plutôt qu’une autre? Je ne sais pas, mais je souhaite vraiment continuer à inventer des nouveaux formats. C’est ça qui me donne envie.