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PARIS-BERLIN
Le choc Paris Match
À Paris Match, la politique on en parle avec un petit quelque chose en plus. Entre photos exclusives et récits intimes, les personnalités politique sont à découvert.
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Le poids des mots, le choc des photos.» Quand il s’agit de révéler la face cachée d’un politique, Paris Match fait mouche. « Nos papiers sont toujours un mélange entre qui est la personnalité politique et pourquoi elle va défendre telle ou telle idée», explique Bruno Jeudy, rédacteur en chef politique de l’hebdomadaire. À l’ère du buzz, la recette fonctionne bien mais elle ne dope plus les chiffres de vente comme avant. Toutefois, depuis 2018, la diffusion se maintient autour des 500 000 exemplaires. Donc, pas question de changer de cap. «La vie privée a un intérêt quand elle impacte la vie publique», assène Bruno Jeudy. « L’intimité permet de mieux comprendre l’identité des politiques, ajoute Mariana Grépinet, grand reporter à Paris Match. Dans une élection, les éléments programmatiques ne sont pas les seuls à compter.» La ligne éditoriale repose sur l’exploitation souvent spectaculaire de la photo. Cette stratégie suscite parfois la controverse. Comme lors de la publication du 23 septembre 2021: un cliché d’Eric Zemmour et de sa conseillère, Sarah Knafo, enlacés dans les eaux bleues de la Méditerranée à La Seyne-sur-Mer (Var). Mariana Grépinet témoigne qu’il y a eu «des polémiques en interne». Pas sur la photo en elle-même car «c’était une info» mais à cause de la rupture avec la tradition de la maison: jamais de personnalité d’extrême droite à la une. Violation de la vie privée ? Bruno Jeudy hésite: «Je pense qu’on respecte la vie privée... autant que faire se peut.» Pourtant, dans l’affaire Zemmour, celui-ci avait refusé une séance photo officielle.
Paris Match est passé outre. «Bah ouais ! Depuis quand on leur demande leur avis ?», lance Bruno Jeudy. Eric Zemmour et Sarah Knafo ont porté plainte contre l’hebdomadaire. Mariana Grépinet précise: «Notre traitement de la politique n’est pas si différent des autres.» Quand on parle de pipolisation, Bruno Jeudy s’agace. Il trouve le mot grotesque et insiste: «Ce n’est pas la pipolisation, c’est la vie !» Pour lui, Paris Match est loin d’être le seul à traiter la politique via la sphère intime. « Vous croyez qu’au Parisien, ils ne le font pas ? demande-til. J’y ai longtemps travaillé et je peux vous assurer qu’ils le font mais de manière beaucoup plus hypocrite que nous.» Bruno Jeudy et Mariana GréIdées politiques et vie personnelle mises sur le même plan. pinet défendent ce «choc des photos» décomplexé. «On essaie de montrer quelque chose d’autre, assure Mariana Grépinet. On peut parfois trouver ça un peu pénible ou limite mais c’est le jeu. C’est aussi notre identité. Les gens nous lisent pour ça. Paris Match n’est pas un journal qu’on achète d’abord pour la politique.» Clémentine LOUISE
«Plus passionnés que les Allemands»
Leo Klimm, 45 ans, est correspondant à Paris pour le magazine allemand Der Spiegel. Il revient sur la présidentielle française en comparant la culture politique des deux pays.
Je constate que la France est une société qui aime la culture du débat et les moments de confrontation politique. La campagne présidentielle 2022 est virulente dans les mots et dans les attaques des candidats. Les Français sont plus passionnés que les Allemands. Ce sont des êtres politiques. Ils défendent leurs idées et ne s’en cachent pas. En Allemagne, c’est souvent plus difficile, on garde ses opinions politiques pour soi. Une autre différence, c’est que le système français est très personnalisé: absolument tout dépend du pouvoir du président de la République. De l’autre côté du Rhin, la politique repose davantage sur les partis. C’est moins monarchique. Cette situation influe beaucoup sur le fonctionnement des médias. Traditionnels ou non, ils sont très proches d’un camp politique en France. Ils sont à la limite de se ranger du côté d’un candidat. On est presque dans du militantisme. Idem pour les formats en ligne: ils n’échappent pas à cette règle de se rangerd’un côté du spectre politique. Les médias allemands sont plus distanciés.
Toujours des boules puantes La campagne électorale débute plus tôt dans l’Hexagone, où l’on parle des ambitions des potentiels candidats un an avant le vote. En Allemagne, on a commencé à parler des élections fédérales de septembre 2021 à l’été de la même année. Ce qui me frappe aussi, c’est qu’il y a toujours des boules puantes qui sortent dans les médias français à l’approche des élections. Ça m’a fait rire de voir que Les Républicains voulaient attaquer Libération pour l’affaire du chien Douglas (selon le journal, l’animal, qui s’appelle en réalité Clovis et appartient à un proche collaborateur d’Eric Ciotti, aurait voté à la primaire du parti, NDLR). En tant que média étranger, nous proposons un traitement plus classique de l’élection présidentielle. Nous la brossons à gros traits car nous ne pouvons pas aller dans le détail des choses. Le plus important est d’expliquer le système français en permanence. Ce qui ne nous empêche pas de chercher des aspects originaux de la campagne pour ne pas raconter que des généralités. »
Recueilli par Prunelle Menu et Honorine Morel-Jean