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Regards
Assises du journalisme − Mai 2022
Le choc Paris Match
La Feuille
À Paris Match, la politique on en parle avec un petit quelque chose en plus. Entre photos exclusives et récits intimes, les personnalités politique sont à découvert.
L
e poids des mots, le choc des mour et de sa conseillère, Sarah Knafo, Paris Match est passé outre. « Bah ouais ! photos. » Quand il s’agit de révé- enlacés dans les eaux bleues de la Médi- Depuis quand on leur demande leur ler la face cachée d’un politique, terranée à La Seyne-sur-Mer (Var). Ma- avis ? », lance Bruno Jeudy. Eric Zemmour Paris Match fait mouche. « Nos riana Grépinet témoigne qu’il y a eu « des et Sarah Knafo ont porté plainte contre papiers sont toujours un mélange polémiques en interne ». Pas sur la photo l’hebdomadaire. Mariana Grépinet préentre qui est la personnalité politique et en elle-même car « c’était une info » mais cise : « Notre traitement de la politique pourquoi elle va défendre telle n’est pas si différent des autres. » ou telle idée », explique Bruno Quand on parle de pipolisation, Jeudy, rédacteur en chef poliBruno Jeudy s’agace. Il trouve le tique de l’hebdomadaire. mot grotesque et insiste : « Ce À l’ère du buzz, la recette n’est pas la pipolisation, c’est fonctionne bien mais elle ne la vie ! » Pour lui, Paris Match dope plus les chiffres de vente est loin d’être le seul à traiter la comme avant. Toutefois, depuis politique via la sphère intime. 2018, la diffusion se maintient « Vous croyez qu’au Parisien, autour des 500 000 exemplaires. ils ne le font pas ? demande-tDonc, pas question de changer il. J’y ai longtemps travaillé et je de cap. « La vie privée a un inpeux vous assurer qu’ils le font térêt quand elle impacte la vie mais de manière beaucoup plus publique », assène Bruno Jeudy. hypocrite que nous. » « L’intimité permet de mieux Bruno Jeudy et Mariana Grécomprendre l’identité des poli- Idées politiques et vie personnelle mises sur le même plan. pinet défendent ce « choc des tiques, ajoute Mariana Grépiphotos » décomplexé. « On esnet, grand reporter à Paris Match. Dans à cause de la rupture avec la tradition de la saie de montrer quelque chose d’autre, une élection, les éléments programma- maison : jamais de personnalité d’extrême assure Mariana Grépinet. On peut parfois tiques ne sont pas les seuls à compter. » droite à la une. trouver ça un peu pénible ou limite mais La ligne éditoriale repose sur l’exploita- Violation de la vie privée ? Bruno Jeudy c’est le jeu. C’est aussi notre identité. Les tion souvent spectaculaire de la photo. hésite : « Je pense qu’on respecte la vie gens nous lisent pour ça. Paris Match n’est Cette stratégie suscite parfois la contro- privée... autant que faire se peut. » Pour- pas un journal qu’on achète d’abord pour verse. Comme lors de la publication du tant, dans l’affaire Zemmour, celui-ci la politique. » 23 septembre 2021 : un cliché d’Eric Zem- avait refusé une séance photo officielle. Clémentine LOUISE
« Plus passionnés que les Allemands »
J
e constate que la France est une société qui aime la culture du débat et les moments de confrontation politique. La campagne présidentielle 2022 est virulente dans les mots et dans les attaques des candidats. Les Français sont plus passionnés que les Allemands. Ce sont des êtres politiques. Ils défendent leurs idées et ne s’en cachent pas. En Allemagne, c’est souvent plus difficile, on garde ses opinions politiques pour soi. Une autre différence, c’est que le système français est très personnalisé : absolument tout dépend du pouvoir du président de la République. De l’autre côté du Rhin, la politique repose davantage sur les partis. C’est moins monarchique. Cette situation influe beaucoup sur le fonctionnement des médias. Traditionnels ou non,
ils sont très proches d’un camp politique en France. Ils sont à la limite de se ranger du côté d’un candidat. On est presque dans du militantisme. Idem pour les formats en ligne : ils n’échappent pas à cette règle de se rangerd’un côté du spectre politique. Les médias allemands sont plus distanciés.
Toujours des boules puantes
La campagne électorale débute plus tôt dans l’Hexagone, où l’on parle des ambitions des potentiels candidats un an avant le vote. En Allemagne, on a commencé à parler des élections fédérales de septembre 2021 à l’été de la même année. Ce qui me frappe aussi, c’est qu’il y a toujours des boules puantes qui sortent dans les médias français à l’approche des élec-
tions. Ça m’a fait rire de voir que Les Républicains voulaient attaquer Libération pour l’affaire du chien Douglas (selon le journal, l’animal, qui s’appelle en réalité Clovis et appartient à un proche collaborateur d’Eric Ciotti, aurait voté à la primaire du parti, NDLR). En tant que média étranger, nous proposons un traitement plus classique de l’élection présidentielle. Nous la brossons à gros traits car nous ne pouvons pas aller dans le détail des choses. Le plus important est d’expliquer le système français en permanence. Ce qui ne nous empêche pas de chercher des aspects originaux de la campagne pour ne pas raconter que des généralités. »
Recueilli par Prunelle Menu et Honorine Morel-Jean
Photo : Charles Bury/EPJT
Leo Klimm, 45 ans, est correspondant à Paris pour le magazine allemand Der Spiegel. Il revient sur la présidentielle française en comparant la culture politique des deux pays.