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garde-mangers à ciel ouvert
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Garde-mangers à ciel ouvert
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JEAN-PHILIPPE BEAU-DOUËZY A CRÉÉ DES FORÊTS COMESTIBLES, ÉCOSYSTÈMES RICHES ET DURABLES, POUR REVIGORER DES SOLS INFERTILES.
« L’avenir appartient aux humains qui planteront des arbres fruitiers. » Jean-Philippe BeauDouëzy, naturaliste, est bouleversé par cette prédiction d’un Amérindien, rencontré lors d’une expédition en Amazonie. En 2002, il plante son premier arbre au Bouchot (Loir-et-Cher), dans une ancienne ferme de polyculture, au sol rongé par les produits chimiques. Après trente-cinq ans à militer pour la conservation de la nature, il se forme en autodidacte à la permaculture et choisit une nouvelle forme d’engagement. Désormais, il ne se contente plus de protéger la biodiversité, il la reconstruit. Avec sa compagne, Anne Beau, il ravive « les braises du vivant » en imaginant deux jardins-forêts. Ces derniers sont créés sur les principes de la permaculture : prendre soin de la terre et des hommes, créer de l’abondance et la partager équitablement. « Nous souhaitons devenir autonome avec nos propres productions de fruits et de légumes », explique Jean-Philippe Beau-Douëzy. Ces écosystèmes, dans lesquels s’élancent arbres champêtres, fleurs et arbustes fruitiers, bourgeonnent dans toute la France. Ainsi, à Diconne (Saône-et-Loire), Fabrice Desjours, ancien infirmier psychiatrique, a aménagé une forêt nourricière de 2,5 hectares où poussent pas moins de 1 000 espèces comestibles. Publié en 2019, son livre, Jardins-forêts, un nouvel art de vivre et de produire, s’est vendu à plus de 7 000 exemplaires en un mois.
« Nous sommes ce que nous absorbons »
Dans la cuisine du Bouchot, une odeur soufrée s’échappe de la cocotte. Un chou-fleur baigne dans l’eau bouillante. « Nous sommes ce que nous absorbons, glisse Jean-Philippe BeauDouëzy. La meilleure alimentation est celle qui sort de la terre. » Ses jardins boisés de 1 800 mètres carrés et 4 300 mètres carrés chacun, regorgent de centaines de variétés, agencées en un mandala géant pour qu’elles « cohabitent entre elles et se protégent mutuellement ». Des plantes couvresol (fraisiers, menthe) tapissent les premières strates de végétation, entourées d’arbustes (nashis, argousiers) et de grimpantes (kiwis, vignes). Des arbres fruitiers (pommiers, abricotiers) et des arbres de haut jet (érables, chênes) composent l’extrémité de cette spirale végétale. Orientée en fonction des quatre éléments et des quatre points cardinaux, l’imposante figure géométrique remet de « l’ordre dans le chaos » : au nord, l’eau facilite la culture des salades ; à l’ouest, la terre favorise la culture des légumes racines ; à l’est, l’air avantage le développement des plantes à tiges creuses ; au sud, le feu sert la culture des plantes aromatiques.
Ce verger abondant nourrit « des gens de passage qui, en retour, participent à son entretien », précise Jean-Philippe Beau-Douëzy. Il enfile ses bottes pour montrer le premier jardin-forêt qu’il a planté, il y a douze ans, baptisé Nelson en hommage à Mandela. Sous la pluie battante, dix apprentis jardiniers désherbent le tour des arbustes avant d’y glisser du fumier et de la paille pour « nourrir la terre ». Nelson et son cadet, Seligonia, ont été créés dans un mélange granuleux de sable et d’argile, peu propice au développement des arbres. Il a fallu fabriquer de l’humus à partir de déchets végétaux et attendre trois ans pour que la nature se régénère. Zigzaguant dans les allées, le naturaliste s’arrête devant un pommier belle fille de l’Indre : « J’utilise la technique ancestrale du greffage pour échapper à la complexité du sol de Sologne. Elle permet de multiplier la variété des arbres fruitiers. »Jusqu’à trois greffes, détaille le permaculteur. C’est la magie de la nature. Ainsi, les arbres vieillissent mais conservent une certaine jeunesse et le jardin-forêt du Bouchot, une vie éternelle. n
Les apprentis jardiniers s’affairent à l’entretien de Nelson, premier jardin-forêt créé en 2009.
Mélanie Guiraud/ EPJT
Mélanie Guiraud/EPJT Le naturaliste voue sa vie à protéger la biodiversité.