6 m2 de cuisine

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Hors-d’œuvre


Sonia Ezgulian

6 m

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Chroniques extraordinaires d’un restaurant ordinaire

MISE EN APPÉTIT


Après une dizaine d’années de journalisme à Paris aux côtés de mon mari Emmanuel Auger, photographe, je me suis lancée sur un coup de tête dans une aventure qui dépassera toutes mes attentes. Pendant six mois, j’ai enfilé mon habit de commis dans un établissement étoilé à Lyon pour comprendre l’organisation d’une cuisine. Puis enfin, le 1er mai 1999, nous ouvrons notre restaurant, Oxalis. Vingt couverts et 6 m2 de cuisine ! Le nom d’Oxalis pour notre restaurant s’est imposé très vite comme une évidence, un symbole d’humilité et de simplicité. Frêlement perchée sur sa tige aux nuances rosées, la fleur d’Oxalis Acetosella déploie lascivement quand le soleil est à son zénith ses cinq pétales veinés de pourpre pour illuminer les sous-bois humides et ombragés ou la naissance d’un rocher. En forme de cœur, les trois folioles, symbole de la Trinité, ont été originairement l’emblème de l’Irlande. Tout en simplicité, cette plante aux saveurs acidulées, surnommée Alléluia

ou Pain de coucou, révèle une multitude de facettes insoupçonnées. Un bonheur que ne peut savourer que celui qui se donne la peine d’ouvrir les yeux sur les petites choses, l’essentiel qui réside dans le superflu. Le premier jour de l’ouverture d’Oxalis, nous avions tout prévu dans les moindres détails ! La carte des mets, la décoration, l’ambiance musicale… mais nous étions loin d’imaginer que chaque jour serait une pièce de théâtre tragi-comique qui nous a obligés à développer notre capacité d’improvisation. Pendant sept ans, j’ai consigné dans de petits carnets ces instants de vie, comme autant de pépites qui ont rythmé les services du restaurant Oxalis. Chaque nouvelle porte le nom d’un plat emblématique du restaurant et se termine par la recette détaillée.

Toutes les recettes sont prévues pour 4 personnes


Après une dizaine d’années de journalisme à Paris aux côtés de mon mari Emmanuel Auger, photographe, je me suis lancée sur un coup de tête dans une aventure qui dépassera toutes mes attentes. Pendant six mois, j’ai enfilé mon habit de commis dans un établissement étoilé à Lyon pour comprendre l’organisation d’une cuisine. Puis enfin, le 1er mai 1999, nous ouvrons notre restaurant, Oxalis. Vingt couverts et 6 m2 de cuisine ! Le nom d’Oxalis pour notre restaurant s’est imposé très vite comme une évidence, un symbole d’humilité et de simplicité. Frêlement perchée sur sa tige aux nuances rosées, la fleur d’Oxalis Acetosella déploie lascivement quand le soleil est à son zénith ses cinq pétales veinés de pourpre pour illuminer les sous-bois humides et ombragés ou la naissance d’un rocher. En forme de cœur, les trois folioles, symbole de la Trinité, ont été originairement l’emblème de l’Irlande. Tout en simplicité, cette plante aux saveurs acidulées, surnommée Alléluia

ou Pain de coucou, révèle une multitude de facettes insoupçonnées. Un bonheur que ne peut savourer que celui qui se donne la peine d’ouvrir les yeux sur les petites choses, l’essentiel qui réside dans le superflu. Le premier jour de l’ouverture d’Oxalis, nous avions tout prévu dans les moindres détails ! La carte des mets, la décoration, l’ambiance musicale… mais nous étions loin d’imaginer que chaque jour serait une pièce de théâtre tragi-comique qui nous a obligés à développer notre capacité d’improvisation. Pendant sept ans, j’ai consigné dans de petits carnets ces instants de vie, comme autant de pépites qui ont rythmé les services du restaurant Oxalis. Chaque nouvelle porte le nom d’un plat emblématique du restaurant et se termine par la recette détaillée.

Toutes les recettes sont prévues pour 4 personnes


Hors-d’œuvre


Hors-d’œuvre


Saint-Jacques à la vanille Quand j’ai poussé la porte battante des cuisines de ce prestigieux établissement étoilé, j’ai été aussi impressionnée que pour ma première journée en classe de sixième, le monde des grands. Vêtue de mes beaux habits trop neufs – un horrible pantalon pied-de-poule bleu marine et une veste rêche et mal coupée –, j’ai fait mon entrée dans la « cour de récré de la brigade », le petit périmètre autour de la machine à café, en affichant une décontraction feinte qui s’est maladroitement traduite par un très large sourire figé. Douze paires d’yeux m’ont dévisagée de la tête aux pieds – chaussés de mocassins antidérapants – et aussitôt classée dans la catégorie « chochotte à problèmes ». Seule femme de la brigade, trentenaire (une vraie tare pour s’intégrer à une brigade dont la moyenne d’âge frise les vingt ans) et ex-journaliste, ma cote, ce jour-là, n’a pas dû dépasser les trente contre un ! Quand mes vestes se sont froissées, mes pantalons délavés et mes galoches copieusement tachées, j’ai été admise dans ce cercle matinal où les potins s’échangent, les récits des coups de gueule du chef font trembler ceux qui étaient

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en repos. Et surtout où les blagues obscènes et misogynes fusent. Quel que soit son « grade », le cuisinier est un obsédé sexuel. Au début de cette nouvelle expérience, j’ai cru qu’il s’agissait d’un examen de passage. Des récits de leurs nuits chaudes aux blagues les plus scabreuses en passant par les commentaires sur les nouvelles serveuses qui se distinguent immanquablement par la taille de leurs « tétines » ou leurs « beaux petits culs », j’ai dosé entre l’absence de réaction et le regard perdu dans mes pensées pour ne pas polémiquer vainement. Chaque matin, j’entrais dans le vif du sujet sans préliminaires : la lumière crue des néons, la chaleur suffocante pour le néophyte, les bruits incessants de la ventilation, des casseroles qui s’entrechoquent, des fouets qui s’activent dans les culs-de-poule. L’organisation quasi militaire des différents postes compliquait sérieusement mon intégration. Le chef donnait des indications à son second, celui-ci les répercutait auprès des différents chefs de partie qui prenaient beaucoup de plaisir de faire les remontrances à leurs demi-chefs de partie. Ces derniers, frustrés, se

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Saint-Jacques à la vanille Quand j’ai poussé la porte battante des cuisines de ce prestigieux établissement étoilé, j’ai été aussi impressionnée que pour ma première journée en classe de sixième, le monde des grands. Vêtue de mes beaux habits trop neufs – un horrible pantalon pied-de-poule bleu marine et une veste rêche et mal coupée –, j’ai fait mon entrée dans la « cour de récré de la brigade », le petit périmètre autour de la machine à café, en affichant une décontraction feinte qui s’est maladroitement traduite par un très large sourire figé. Douze paires d’yeux m’ont dévisagée de la tête aux pieds – chaussés de mocassins antidérapants – et aussitôt classée dans la catégorie « chochotte à problèmes ». Seule femme de la brigade, trentenaire (une vraie tare pour s’intégrer à une brigade dont la moyenne d’âge frise les vingt ans) et ex-journaliste, ma cote, ce jour-là, n’a pas dû dépasser les trente contre un ! Quand mes vestes se sont froissées, mes pantalons délavés et mes galoches copieusement tachées, j’ai été admise dans ce cercle matinal où les potins s’échangent, les récits des coups de gueule du chef font trembler ceux qui étaient

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en repos. Et surtout où les blagues obscènes et misogynes fusent. Quel que soit son « grade », le cuisinier est un obsédé sexuel. Au début de cette nouvelle expérience, j’ai cru qu’il s’agissait d’un examen de passage. Des récits de leurs nuits chaudes aux blagues les plus scabreuses en passant par les commentaires sur les nouvelles serveuses qui se distinguent immanquablement par la taille de leurs « tétines » ou leurs « beaux petits culs », j’ai dosé entre l’absence de réaction et le regard perdu dans mes pensées pour ne pas polémiquer vainement. Chaque matin, j’entrais dans le vif du sujet sans préliminaires : la lumière crue des néons, la chaleur suffocante pour le néophyte, les bruits incessants de la ventilation, des casseroles qui s’entrechoquent, des fouets qui s’activent dans les culs-de-poule. L’organisation quasi militaire des différents postes compliquait sérieusement mon intégration. Le chef donnait des indications à son second, celui-ci les répercutait auprès des différents chefs de partie qui prenaient beaucoup de plaisir de faire les remontrances à leurs demi-chefs de partie. Ces derniers, frustrés, se

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défoulaient sur les commis dont j’étais. Perdue dans cet organigramme, je n’exécutais pas toujours diplomatiquement les ordres. Passionnée de gastronomie depuis l’enfance et plutôt fière de mes dîners, j’ai été effrayée par un constat : la cuisine de restaurant était une terre inconnue où il me fallait tout apprendre, de la façon de nouer mon tablier au vocabulaire précis, en passant par les gestes et la psychologie d’une équipe. Patiemment, j’ai appris qu’on ne fait pas des préparations, mais de la mise en place, qu’on ne se sert pas d’un petit et d’un grand couteau, mais d’un couteau d’office et d’un éminceur, que la sauce n’épaissit pas mais qu’elle réduit, qu’on ne fait pas le ménage en fin de service mais le nettoyage. J’ai surveillé mon vocabulaire pour éviter les moqueries, je n’ai pas bronché quand mes avant-bras étaient irrités par la chaleur des plaques en fonte, je me suis portée volontaire pour les corvées de récurage des chambres froides et des égouts (beurk !), j’ai évité de grimacer quand il a fallu ébarber des kilos de Saint-Jacques les mains plongées dans un seau glacé. Je dois avouer que j’ai songé quelquefois à rendre mon tablier, non pas face à ces tâches pénibles et au rythme éprouvant,

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mais à cause du gouffre qui ne semblait jamais s’amenuiser entre eux et moi. J’étais toujours une « bonne femme » dans un monde résolument macho. Est-ce mon irréductible optimisme ou véritablement un ange gardien qui veille sur ma route ? Six mois se sont écoulés et j’ai trouvé une petite place au sein de cette drôle de brigade que je scrutais à la loupe. Le médiocre, qui travaille avec le plus grand dédain, dresse les assiettes avec des gestes lourds et indifférents, et n’a que son mépris comme bouclier à sa médiocrité. L’artiste maudit qui ronchonne du matin au soir, a du talent, mais le laisse échapper par paresse, par peur du lendemain ou par manque de confiance. Le fonctionnaire me surprend aussi : il fait ses quarante-cinq heures par semaine sans se poser de questions métaphysiques sur la structure d’un nouveau plat à la carte ou la cuisson de tel ou tel mets. Il organise sa journée à la manière d’une fourmi, les pieds bien parallèles face à son poste, et taille julienne et brunoise avec la rigueur d’un robot-coupe. Le passionné est celui dont je me sens le plus proche. Il connaît les spécificités des grands chefs, cherche à comprendre leurs inspirations,

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défoulaient sur les commis dont j’étais. Perdue dans cet organigramme, je n’exécutais pas toujours diplomatiquement les ordres. Passionnée de gastronomie depuis l’enfance et plutôt fière de mes dîners, j’ai été effrayée par un constat : la cuisine de restaurant était une terre inconnue où il me fallait tout apprendre, de la façon de nouer mon tablier au vocabulaire précis, en passant par les gestes et la psychologie d’une équipe. Patiemment, j’ai appris qu’on ne fait pas des préparations, mais de la mise en place, qu’on ne se sert pas d’un petit et d’un grand couteau, mais d’un couteau d’office et d’un éminceur, que la sauce n’épaissit pas mais qu’elle réduit, qu’on ne fait pas le ménage en fin de service mais le nettoyage. J’ai surveillé mon vocabulaire pour éviter les moqueries, je n’ai pas bronché quand mes avant-bras étaient irrités par la chaleur des plaques en fonte, je me suis portée volontaire pour les corvées de récurage des chambres froides et des égouts (beurk !), j’ai évité de grimacer quand il a fallu ébarber des kilos de Saint-Jacques les mains plongées dans un seau glacé. Je dois avouer que j’ai songé quelquefois à rendre mon tablier, non pas face à ces tâches pénibles et au rythme éprouvant,

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mais à cause du gouffre qui ne semblait jamais s’amenuiser entre eux et moi. J’étais toujours une « bonne femme » dans un monde résolument macho. Est-ce mon irréductible optimisme ou véritablement un ange gardien qui veille sur ma route ? Six mois se sont écoulés et j’ai trouvé une petite place au sein de cette drôle de brigade que je scrutais à la loupe. Le médiocre, qui travaille avec le plus grand dédain, dresse les assiettes avec des gestes lourds et indifférents, et n’a que son mépris comme bouclier à sa médiocrité. L’artiste maudit qui ronchonne du matin au soir, a du talent, mais le laisse échapper par paresse, par peur du lendemain ou par manque de confiance. Le fonctionnaire me surprend aussi : il fait ses quarante-cinq heures par semaine sans se poser de questions métaphysiques sur la structure d’un nouveau plat à la carte ou la cuisson de tel ou tel mets. Il organise sa journée à la manière d’une fourmi, les pieds bien parallèles face à son poste, et taille julienne et brunoise avec la rigueur d’un robot-coupe. Le passionné est celui dont je me sens le plus proche. Il connaît les spécificités des grands chefs, cherche à comprendre leurs inspirations,

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est incollable sur les vins. Il lit, regarde, enregistre, réfléchit et consacre les trois quarts de sa vie à la gastronomie. Et puis, il y a celui qui fait oublier tous les autres. Le cuisinier dans l’âme, talentueux et méticuleux aux gestes précis et élégants. C’est lui que j’observais du coin de l’œil pour comprendre comment aujourd’hui, à l’heure de l’industrialisation, du fast-food, des succès faciles et de la poudre aux yeux, un jeune homme peut encore croire à ce dur métier. Pour mon baptême des fourneaux, cette brigade était composée d’une équipe de choc, de personnalités très attachantes, et l’une de mes plus grandes fiertés est d’avoir gagné l’estime et l’amitié de quelques-uns d’entre eux.

12 noix de Saint-Jacques sans corail 1 échalote finement ciselée 1 cuillère à café de gingembre frais 1 noisette de beurre 30 cl de lait de coco 2 gousses de vanille 2 cuillères à soupe d’huile de noisette 1 pincée de fleur de sel 1 pincée de mignonnette de poivre

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Dans une casserole, faites suer l’échalote ciselée dans le beurre sans coloration. Ajoutez le gingembre finement haché et le lait de coco. Fendez les gousses de vanille et avec la pointe d’un couteau, prélevez les petits grains. Incorporez-les au lait de coco et laissez réduire de moitié à feu doux pendant une dizaine de minutes. À l’aide d’une aiguille à tricoter ou d’une brochette en bois, percez chaque noix de Saint-Jacques à mi-hauteur. Embrochez trois noix sur une demi-gousse de vanille et réservez. Passez la sauce coco au chinois et réservezla au chaud. Dans une poêle bien chaude, avec l’huile de noisette, faites saisir vivement les brochettes de Saint-Jacques 30 secondes de chaque côté. Au moment de servir, nappez-les de sauce coco, parsemez de fleur de sel et de mignonnette de poivre.

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est incollable sur les vins. Il lit, regarde, enregistre, réfléchit et consacre les trois quarts de sa vie à la gastronomie. Et puis, il y a celui qui fait oublier tous les autres. Le cuisinier dans l’âme, talentueux et méticuleux aux gestes précis et élégants. C’est lui que j’observais du coin de l’œil pour comprendre comment aujourd’hui, à l’heure de l’industrialisation, du fast-food, des succès faciles et de la poudre aux yeux, un jeune homme peut encore croire à ce dur métier. Pour mon baptême des fourneaux, cette brigade était composée d’une équipe de choc, de personnalités très attachantes, et l’une de mes plus grandes fiertés est d’avoir gagné l’estime et l’amitié de quelques-uns d’entre eux.

12 noix de Saint-Jacques sans corail 1 échalote finement ciselée 1 cuillère à café de gingembre frais 1 noisette de beurre 30 cl de lait de coco 2 gousses de vanille 2 cuillères à soupe d’huile de noisette 1 pincée de fleur de sel 1 pincée de mignonnette de poivre

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Dans une casserole, faites suer l’échalote ciselée dans le beurre sans coloration. Ajoutez le gingembre finement haché et le lait de coco. Fendez les gousses de vanille et avec la pointe d’un couteau, prélevez les petits grains. Incorporez-les au lait de coco et laissez réduire de moitié à feu doux pendant une dizaine de minutes. À l’aide d’une aiguille à tricoter ou d’une brochette en bois, percez chaque noix de Saint-Jacques à mi-hauteur. Embrochez trois noix sur une demi-gousse de vanille et réservez. Passez la sauce coco au chinois et réservezla au chaud. Dans une poêle bien chaude, avec l’huile de noisette, faites saisir vivement les brochettes de Saint-Jacques 30 secondes de chaque côté. Au moment de servir, nappez-les de sauce coco, parsemez de fleur de sel et de mignonnette de poivre.

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Tartelette de sardines aux fleurs Fière de mes six mois de « cuisinariat » au sein d’une vraie brigade, je me lançai aux côtés de mon mari dans l’aventure d’un restaurant, le nôtre, Oxalis. Moi qui imaginais avec utopie passer mes journées à mettre au point des sauces et des plats, j’ai dû retrouver d’urgence la pratique de la calculette et de la balance, réapprendre l’usage de la touche pourcentage et de la pesée exacte pour donner une chance de survie à notre restaurant. L’autre difficulté imprévue pour partager mes fourneaux avec un cuisinier a été mon « style » ou plutôt son absence : quelle drôle d’idée de vouloir endosser une étiquette à vie ! D’inscrire mes « plats fétiches » au Panthéon d’Oxalis ! La carte changeait au gré des envies sans qu’un plat ne vînt s’y immiscer deux fois. J’étais animée uniquement par la curiosité et l’envie de perfectibilité, et non par prétention, pour me distinguer à tout prix. Transmettre ? Je n’ai pu adapter la sacro-sainte fiche technique à mon unité-étalon, le verre à moutarde, ou inclure les indices de qualité très imagés enseignés par ma grand-mère arménienne comme la texture

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de la pâte à ravioles qui doit s’approcher de celle du lobe de l’oreille. Toutes ces recettes, ces équations mathématiques m’ont paru bien loin de l’essentiel, de l’esprit d’un plat que chacun reproduirait une fois qu’il l’aurait compris avec sa propre sensibilité. Au début, j’ai voulu me plier, apprendre la rigueur pour que le plat de la table 6 soit au détail près le même que celui de la 2. Mais j’ai constaté que je me sentais vraiment comme une sardine dans l’eau quand j’oubliais les conventions. Les cuisiniers ne sont pas les seuls à vouloir étiqueter leurs semblables dans une mouvance (traditionnelle franco-française ou fusion délirante : mais où vous situez-vous si vous aimez la blanquette et le wasabi, séparément ?) ou dans un clan. Les clients ont également besoin de repères avant de se décider à franchir la porte. Au téléphone, les questions fusent et chacun des mots pour y répondre doit être soigneusement choisi pour ne pas éveiller le doute, la suspicion, voire la stupeur. Des épices ? Non, non, je vous assure les plats ne piquent pas, ils sont simplement parfumés ! Des sardines, des

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Tartelette de sardines aux fleurs Fière de mes six mois de « cuisinariat » au sein d’une vraie brigade, je me lançai aux côtés de mon mari dans l’aventure d’un restaurant, le nôtre, Oxalis. Moi qui imaginais avec utopie passer mes journées à mettre au point des sauces et des plats, j’ai dû retrouver d’urgence la pratique de la calculette et de la balance, réapprendre l’usage de la touche pourcentage et de la pesée exacte pour donner une chance de survie à notre restaurant. L’autre difficulté imprévue pour partager mes fourneaux avec un cuisinier a été mon « style » ou plutôt son absence : quelle drôle d’idée de vouloir endosser une étiquette à vie ! D’inscrire mes « plats fétiches » au Panthéon d’Oxalis ! La carte changeait au gré des envies sans qu’un plat ne vînt s’y immiscer deux fois. J’étais animée uniquement par la curiosité et l’envie de perfectibilité, et non par prétention, pour me distinguer à tout prix. Transmettre ? Je n’ai pu adapter la sacro-sainte fiche technique à mon unité-étalon, le verre à moutarde, ou inclure les indices de qualité très imagés enseignés par ma grand-mère arménienne comme la texture

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de la pâte à ravioles qui doit s’approcher de celle du lobe de l’oreille. Toutes ces recettes, ces équations mathématiques m’ont paru bien loin de l’essentiel, de l’esprit d’un plat que chacun reproduirait une fois qu’il l’aurait compris avec sa propre sensibilité. Au début, j’ai voulu me plier, apprendre la rigueur pour que le plat de la table 6 soit au détail près le même que celui de la 2. Mais j’ai constaté que je me sentais vraiment comme une sardine dans l’eau quand j’oubliais les conventions. Les cuisiniers ne sont pas les seuls à vouloir étiqueter leurs semblables dans une mouvance (traditionnelle franco-française ou fusion délirante : mais où vous situez-vous si vous aimez la blanquette et le wasabi, séparément ?) ou dans un clan. Les clients ont également besoin de repères avant de se décider à franchir la porte. Au téléphone, les questions fusent et chacun des mots pour y répondre doit être soigneusement choisi pour ne pas éveiller le doute, la suspicion, voire la stupeur. Des épices ? Non, non, je vous assure les plats ne piquent pas, ils sont simplement parfumés ! Des sardines, des

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maquereaux à la carte ? Mais alors vous êtes un restaurant breton ! Pas de plateau de fromages, mais seulement un chèvre frais agrémenté au goût du jour ? C’est indigne d’un restaurant soidisant gastronomique !

14 petites sardines de Méditerranée 150 g de pâte feuilletée 20 cl de crème fleurette 1 citron 2 pincées de gingembre en poudre quelques pincées de graines germées sel, 2 pincées de fleur de sel, poivre

Montez la crème fleurette en chantilly et assaisonnez-la de sel et de gingembre. Posez un plat ou une autre plaque à pâtisserie sur les disques de pâte (pour éviter qu’ils ne gonflent), enfournez-les 15 minutes puis laissez-les refroidir sur une grille. Déposez sur chacun un dôme de crème au gingembre et recouvrez de filets de sardines soigneusement égouttés. Assaisonnez de fleur de sel et déposez un petit buisson de graines germées.

À l’aide d’un bol ou d’un emporte-pièce, découpez quatre disques dans la pâte feuilletée. Piquez-les avec une fourchette et déposez-les, entre deux feuilles de papier sulfurisé, sur une plaque à pâtisserie. Réservez au frais. Préchauffez le four à 180 °C. Levez les filets de sardines, rincez-les sous un filet d’eau fraîche, séchez-les sur du papier absorbant puis faites-les mariner 20 minutes dans le jus de citron avec du sel et du poivre.

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maquereaux à la carte ? Mais alors vous êtes un restaurant breton ! Pas de plateau de fromages, mais seulement un chèvre frais agrémenté au goût du jour ? C’est indigne d’un restaurant soidisant gastronomique !

14 petites sardines de Méditerranée 150 g de pâte feuilletée 20 cl de crème fleurette 1 citron 2 pincées de gingembre en poudre quelques pincées de graines germées sel, 2 pincées de fleur de sel, poivre

Montez la crème fleurette en chantilly et assaisonnez-la de sel et de gingembre. Posez un plat ou une autre plaque à pâtisserie sur les disques de pâte (pour éviter qu’ils ne gonflent), enfournez-les 15 minutes puis laissez-les refroidir sur une grille. Déposez sur chacun un dôme de crème au gingembre et recouvrez de filets de sardines soigneusement égouttés. Assaisonnez de fleur de sel et déposez un petit buisson de graines germées.

À l’aide d’un bol ou d’un emporte-pièce, découpez quatre disques dans la pâte feuilletée. Piquez-les avec une fourchette et déposez-les, entre deux feuilles de papier sulfurisé, sur une plaque à pâtisserie. Réservez au frais. Préchauffez le four à 180 °C. Levez les filets de sardines, rincez-les sous un filet d’eau fraîche, séchez-les sur du papier absorbant puis faites-les mariner 20 minutes dans le jus de citron avec du sel et du poivre.

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