Fabienne Bulle
Texte Pascale Blin
Commissariat de sécurité de proximité
CLICHY/MONTFERMEIL
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LES ANNÉES ZEHRFUSS 1960 - Clichy-sous-Bois et Montfermeil, s’énoncent comme deux communes d’Île-deFrance, deux bourgades périurbaines où il fait bon vivre, en bordure de la forêt de Bondy, où il est plaisant aussi le week-end d’aller pique-niquer en famille sur les rives des Sept-Îles. Elles croient en la modernité, l’espèrent, la convoitent même avec enthousiasme. En attendant une autoroute que leur promet l’État, elles projettent, pour leurs populations et pour en attirer de nouvelles, un nouveau cadre de vie… Un cadre signé par Bernard Zehrfuss, inscrit sur un vaste plateau à la lisière partagée de leur territoire respectif. Un cadre qui se revendique du mouvement moderne privilégiant “espace, lumière et nature”. Un cadre qui taille son urbanisme à la serpe des chemins de grue, l’associe à des immeubles collectifs de grande envergure, mais au dessin soigné et aux vues choisies par le Grand prix de Rome (de 1939)… Un cadre qui promeut une certaine mixité sociale avec des opérations de logements sociaux, mais aussi et pour l’essentiel d’entre elles d’accession à la propriété. Entre 1965 et 1975, le plateau de Clichy/Montfermeil prend corps et vie. Avec un certain panache.
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LA PAUPÉRISATION Mais la crise de 1973 intervient. Le plateau oublie qu’il ambitionnait la réalisation de 10 000 logements répartis sur 60 hectares. Se contente de la moitié, laissant de grands vides… Les projets d’infrastructures routières sont abandonnés, le plateau reste enclavé, éloigné de Paris, de Roissy, comme de toutes les grandes connexions routières et ferroviaires, les copropriétés trop grandes, trop coûteuses à entretenir, se dégradent vite. Très vite. Les propriétaires les plus aisés abandonnent le plateau. Les marchands de sommeil prennent alors la main sur les logements privés, rachètent à vil prix les appartements devenus insalubres avant de les louer (sans engager de travaux de restauration). La population se paupérise… Et en quelque 30 années, le paradis promis se transforme en zone sinistrée. Ravitaillée par les corbeaux, elle n’inspire plus aucune attractivité. Abandonnée par la République, elle devient terre d’asile des populations désœuvrées…
Claude Dilain
sénateur de la Seine-Saint-Denis, maire de Clichy-sous-Bois de 1995 à 2011
« Ce n’est pas tant l’œuvre – exemplaire – de Bernard Zehrfuss qui est à mettre en cause, que l’usage qui en a été fait. C’est par le manque d’entretien des copropriétés que les espaces extérieurs sont devenus incertains, que les cages d’escaliers et les logements se sont délabrés jusqu’à l’insalubrité. »
PRISE DE CONSCIENCE Le plateau de Clichy/Montfermeil n’est certainement pas une exception. Alerté par les municipalités concernées par la paupérisation de leurs grands ensembles, l’État s’interroge. Que faire de ces cités délabrées ? Comment soigner leurs plaies, interrompre leur rythme effréné vers la ghettoïsation ? Comment abolir l’image dégradante qu’elle véhicule et qui finit par discréditer leurs habitants ? Comment leur permettre de recouvrer quelque dignité ? Comment intervenir, avec quels outils – humains, urbains, financiers ? Un élément de réponse est avancé par la création de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), impulsée dès 2002 par le ministre délégué à la Ville et à la Rénovation urbaine de la ville, Jean-Louis Borloo, et par la manne financière qui en découle et qui n’avait sans doute jamais atteint de tels sommets depuis la création des villes nouvelles… Les communes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil comptent très vite parmi les élues de cette “rénovation urbaine”. Et si leur programme semble compter parmi les plus actifs et les plus ambitieux de France, c’est sans doute qu’il était d’ores et déjà préparé par les maires des deux communes – Claude Dilain (PS) pour Clichy-sous-Bois et Pierre Bernard auquel succéda Xavier Lemoine (UMP) pour Montfermeil. Autant de fortes personnalités conscientes du fait que la population du plateau vivait dans un état d’extrême précarité, dans des cités qu’ils n’hésitaient plus à qualifier de “bidonvilles verticaux”. Autant de chefs de file ayant d’ores et déjà invité des urbanistes (Laurent Bécard et Françoise Palay pour Clichy-sous-Bois et Michel Ricard pour Montfermeil) à réfléchir sur le devenir de leur grand ensemble partagé. Farouches opposants
politiques, ils ont toutefois réussi, et réussissent encore à mettre entre parenthèses leurs clivages pour se concentrer sur la survie de leurs territoires… Dès 1997, ils créaient une communauté de communes vouée à multiplier actions et projets parmi lesquels les démolitions des tours et barres les plus insalubres, les constructions neuves de logements, d’équipements. Écoles, collèges, lycées, gymnases, PMI… se construisent ici ou là, ébauchant les premières lignes d’un nouvel échiquier urbain. Instigateurs, ils ont été récompensés pour leur lucidité, leur capacité d’anticipation et leurs efforts pour mobiliser toutes les procédures (et leurs financements) qui pouvaient s’offrir à eux (contrat de ville, zone franche urbaine, pacte de relance pour la ville, grand projet urbain, pic urbain…). C’est avec un schéma intercommunal de cohérence urbaine acté (orchestré par Bécard/Palay) qu’ils signent le 17 décembre 2004, le projet de rénovation urbaine (PRU). Projet qui s’inscrit donc dans la continuité des réflexions jusque-là menées. Mais projet également beaucoup plus ambitieux, et financièrement bien plus nourri (avec un montant initial de 324 M€) que tous ceux qui l’ont précédé. L'Agence foncière et technique de la région parisienne (AFTRP) prend alors les rênes de l’aménagement et de la gestion du foncier et l’agence de rénovation urbaine de Clichy/Montfermeil celle des projets… L’une et l’autre n’hésitant pas à installer leur QG en cœur de site. Le rachat des copropriétés (Bosquet 1 et 2, La Forestière) est engagé par voie d’expropriation. Les premiers projets se dessinent…
12 – Les années Zehrfuss
14 – Les années Zehrfuss
[2] « Il sera l’un des premiers à s’interroger de façon critique sur la nature des réponses et sur les conditions de production des grands ensembles auxquels il participa, en planifiant celui de Clichy-sous-Bois-Montfermeil, idée généreuse qui […] sera trahie et contredite par une réalité sociale de plus en plus conflictuelle. »
16 – La paupérisation
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Florian Savary préfecture de police de Paris, service des affaires immobilières, département construction et travaux, secteur nord-est « L’emploi de l’acier Indaten inquiéta, mais se révèle in fine opportun. Il s’oxyde bien, sans trace ni coulure, se patine bien avec une finition uniforme et un très bel éclat. »
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Olivier Simon commissaire « L’image de carapace impénétrable et austère disparaît dès le sas d’accueil franchi. Elle s’inverse même radicalement pour devenir “ouverte” et avenante tant le hall, les circulations, les bureaux révèlent une rare générosité spatiale empreinte de surcroît de lumière et de transparences. »
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94 – Perceptions… acceptations