tronches de vin
tronches de vin est un anti-guide des vins conçu par un collectif de blogueurs ; soit cinq blogueurs du vin indépendants, réputés, et affichant, à travers cet ouvrage, la volonté d’être notamment une alternative aux guides des vins et aux critiques professionnels établis, souvent empêtrés dans des contraintes financières et publicitaires. Ou tout simplement blasés du buccal.
/ Marie Rocher
Olivier Grosjean (Le Blog d’Olif) Antonin Iommi-Amunategui (Vindicateur, No wine is innocent) Guillaume Nicolas-Brion (Du morgon dans les veines) Philippe Rapiteau (La Pipette aux 4 vins) é Robineau (Oenos) Eva
/ Marie Rocher
les auteurs
tronches de vin
En dressant le portrait d’une grosse centaine de vignerons atypiques – et accessoirement de leurs vins –, en répertoriant des cavistes affranchis, l’objectif pour les auteurs est de mettre en avant une viticulture alternative, engagée dans une démarche plus globale, souvent consciente d’enjeux qui dépassent la seule production viticole : le vin, en effet, se trouve aux avant-postes de l’agriculture – cause cruciale s’il en est – et, dans ce grand bazar liquide, chacun peut désormais non seulement boire bon, mais surtout boire juste.
le guide des vins qu’ont d’la gueule
Préface
ISBN 978-2-35255-208-6
22 €
Alice Feiring
tronches de vin le guide des vins qu’ont d’la gueule
/ Marie Rocher
Préface
par Alice Feiring En 2004, je gagnais ma vie en écrivant: j’étais très partagée sur l’univers des blogs et j’avais une passion pour le papier. Les blogs m’apparaissaient alors comme une forme d’infidélité. Et par ailleurs, quel sens accorder au fait de donner à lire sans rien en retirer? Pourtant, je voulais raconter tant d’anecdotes ou d’observations qui n’auraient pas eu leur place dans la presse traditionnelle en raison de thèses trop tranchées, d’un contenu trop émouvant, trop spontané ou trop croustillant. J’en vins donc à créer un blog et à mettre en ligne mes écrits gratuitement. C’était mieux que de garder le silence. Au fur et à mesure que les années passaient, je me suis rendu compte de la force du média à propos duquel j’avais eu tant de réticences. Mon blog se révéla avoir un impact bien plus grand que le reste de mes publications, plus conventionnelles. Étonnamment, mes lecteurs, surtout français, ne cessaient de me dire qu’ils appréciaient l’honnêteté du propos. Ils s’étaient aperçu que mes opinions n’étaient pas subordonnées aux impératifs des grandes maisons du vin, des magazines ou de la publicité. Parfois, je pouvais être incroyablement radicale. Finalement, j’avais pris conscience de la signification et du pouvoir de la liberté. Bloguer m’aidait à y parvenir. En juin 2012, Jean-Paul Rocher venait juste de finir dix mois de chimiothérapie intensive. Il allait passer ce qui serait son dernier été. Il comptait bien emplir ses poumons d’air pur et reprendre des forces avant le prochain round de son combat contre le cancer. C’est pendant cette période de repos qu’il a fait la rencontre d’Antonin Iommi-Amunategui. Ils ont parlé ensemble de livres, de politique et de vin, quelques-uns des sujets favoris de Jean-Paul. Le résultat de ce tête à tête fut que Jean-Paul accepta de publier Tronches de Vin. Il m’apparut alors tout à fait logique que Jean-Paul Rocher, l’homme qui était non seulement mon éditeur mais aussi un de mes plus ardents soutiens, fournisse une tribune à un groupe de blogueurs. Dans Tronches de Vin, cinq blogueurs, parmi les meilleures plumes indépendantes, à la fois les plus respectées et les plus pétillantes, sont 7
PRÉFACE
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passés de l’écran à la page imprimée. Ils ont sélectionné en France, en Italie, en Espagne, en Suisse, au Liban et au Chili les meilleurs vignerons indépendants travaillant dans le respect de la nature. D’une certaine manière, j’ai du mal à imaginer les plus grands experts en vins français partager la même camaraderie. Le livre est rendu plus poignant encore par le fait que, à l’origine du projet, l’éditeur, les écrivains et les vignerons possèdent les mêmes valeurs d’indépendance et de liberté. C’est une triade qui envoie paître les conventions, qui ne travaille que sur ce qui lui donne des émotions et qui ne renonce jamais à ses opinions. Blog ou papier, ce genre de passion sera toujours révolutionnaire. Cette synergie est exactement ce qui animait Jean-Paul Rocher et faisait l’esprit de ses livres. Mais il n’a pas vécu assez longtemps pour voir le projet aboutir. En fin de compte, c’est sa fille, Marie Rocher, qui s’est assurée que le dernier livre de son père, Tronches de Vin, devienne une réalité, avec toute l’énergie et la vision qu’il contient. Jean-Paul Rocher sera profondément regretté. Il était de ceux qui rendent les rêves réels. AF
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Les auteurs «Tronches de vin» est un anti-guide des vins conçu par un collectif de blogueurs; soit cinq blogueurs du vin indépendants, réputés, et affichant, à travers cet ouvrage, la volonté d’être notamment une alternative aux guides des vins et aux critiques professionnels établis, souvent empêtrés dans des contraintes financières et publicitaires. Ou tout simplement blasés du buccal. En dressant le portrait d’une grosse centaine de vignerons atypiques (et accessoirement de leurs vins), en répertoriant des cavistes affranchis, l’objectif pour les auteurs est de mettre en avant une viticulture alternative, engagée dans une démarche plus globale, souvent consciente d’enjeux qui dépassent la seule production viticole: le vin, en effet, se trouve aux avant-postes de l’agriculture – enjeu systémique s’il en est – et, dans ce grand bazar liquide, chacun peut désormais non seulement boire bon, mais surtout boire juste.
Olivier Grosjean 49 ans, est le serial dégoupilleur du «Blog d’Olif» (www.leblogdolif.com). Hédoniste, inconditionnel du Jura où il vit, c’est aussi un grand spécialiste des vins «nature». Et sans doute le Pierre Desproges du vin. Guillaume Nicolas-Brion, 31 ans, a «du morgon dans les veines» (http://dumorgondanslesveines.20 minutes-blogs.fr). Chien fou du vin naturel, il a un flair certain pour dénicher les perles du vignoble. Il boit aussi de l’arak palestinien et du mezcal infusé au blanc de poulet. 12
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LES AUTEURS
Antonin Iommi-Amunategui 38 ans, est le trublion de «Vindicateur» et «No wine is innocent» (www.vindicateur.fr et http://blogs.rue89.com/no-wineis-innocent). Empêcheur de boire en rond, il a écrit la moitié de ses textes en écoutant Joy Division. Pour lui, le vin ne doit pas porter de mocassins à gland, mais des banderoles de manif. Il a également prévu d’être réincarné en Pussy Riot. Philippe Rapiteau 55 ans, tient «La Pipette aux 4 vins» (http://pipette.canalblog.com). Vendéen, il connaît les vins de Loire comme sa poche, mais balade régulièrement sa barbe amicale dans tout le vignoble. C’est aussi le tout premier poète de la ponctuation! Eva Robineau 26 ans, sévit sur «Oenos» (www.oenos.net). Jolie fille 2.0 – elle aurait le mot twitter tatoué au bas du dos – et benjamine du groupe, sa fraîcheur souffle dans les voiles du projet. Elle aime que le vin ne lui prenne pas la tête, au sens propre comme au figuré. 13
Christophe Abbet l’artiste vigneron-éleveur
Martigny-Bourg, Valais, dans la tanière de l’Abbet, Christophe de son prénom. Un monde à part dans l’univers des vins valaisans. À l’image du vigneron, électron aussi libre qu’inspiré. Issu d’une formation classique à l’École de Changins, l’endroit où tous les œnologues suisses vont apprendre à faire du vin. D’ailleurs, Christophe possède un sens artistique bien plus développé que celui de la plupart de ses collègues. Ici, dans son nouveau caveau, à deux pas de la célèbre fondation Giannada de Martigny, l’exposition est permanente. Art et vin sont intimement liés, du contenu au contenant. Les vins, d’abord, sont des petits bijoux élevés minutieusement, soigneusement, dans une quête inlassable du beau et du bon. Chaque gorgée dégustée délie la langue, y compris celle du vigneron, qui cède alors parfois la place au poète, pour se laisser aller à quelques envolées lyriques. Le fendant de la combe des Avasiers frétille dans le verre, le gamay de Fully émoustille les papilles, la syrah ensorcelle le palais, l’arvine ne se fait pas petite, l’humagne rouge «vous emmène faire un beau voyage». Des vins bien dans L’air du temps, du nom de cette autre cuvée qui louche du côté des vins jaunes jurassiens, après avoir été longuement élevée dans
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SUISSE
un fût en vidange, sans ouillage systématique. Le terminus n’est plus bien loin lorsque vous plongez vos narines dans un verre d’Ambre, mythique breuvage de couleur ambre, comme son nom l’indique, patiemment élaboré pendant de longues années souterraines en cave voûtée. Liquoreux de l’extrême, défiant la mécanique des fluides, ce vin touche au sublime et au divin, Christophe est le premier à le reconnaître. «Ah ! Mon Dieu, mon Dieu…», laissa-t-il spontanément échapper devant les caméras de la Télévision Suisse Romande, en tournage chez lui, alors qu’il venait de planter ses narines dans un verre d’Ambre. Pour arriver à ce résultat hors du commun, marsanne et petite arvine sont assemblées en proportion variable selon les millésimes, la qualité de la vendange, l’évolution des fûts et l’inspiration de Christophe. Perpétuelle recherche du «caractère intime et mystérieux, sans âge» des vins liquoreux… Faut-il «estimer que c’est de la chance», lorsque, ce jourlà, plusieurs millésimes d’Ambre attendent au frais d’être dégustés pour une grande occasion et que Christophe décide de nous en faire profiter? Je veux bien le croire, tant l’expérience fut inoubliable. De l’or en fût, de l’art en bouteille, y compris sur l’étiquette. Toutes des créations originales, calligraphiées une par une, à la main, pour certaines. Et quand les flacons ont été vidés, ils servent de matière première à d’autres expériences créatives: accrochées au mur, exposées en vitrine ou simplement posées sur des vieilles barriques, comme éléments d’une composition florale. «Vous ne serez plus les mêmes en sortant d’ici!» nous avait prédit Monseigneur l’Abbet, avant que nous ne pénétrions dans son antre. Ayant eu le privilège de recevoir sa bénédiction à plusieurs reprises, je suis en mesure de confirmer: «Ah! Mon Dieu! Mon Dieu!»
Christophe Abbet
Appellation : Valais Rue des Fontaines, 16 – 1920 Martigny-Bourg (Suisse) +41 (0)27 722 81 37
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Giulio Armani
et au milieu coule la trebbia… En 1945, Ernest Hemingway, alors correspondant de guerre de l’US Army, passe par le Val Trebbia et note sur son carnet: «Aujourd’hui, je suis passé dans la plus belle vallée du monde!» Était-ce par une de ces journées radieuses, où la rivière coulant vers le Pô, semble irradier une douce lumière, jusque sur les collines alentour? Denavolo, une bourgade, une frazzione de Travo, perchée sur les hauteurs. Chaque jour, Giulio Armani y embrasse un paysage où se cachent ses racines. On y découvre aisément une petite maison pleine de charme et d’autres bâtiments remarquables en pleine restauration. Bientôt, tous les vins du domaine seront vinifiés et élevés ici, au rez-de-chaussée d’un loft superbe. Giulio Armani est un homme très occupé. Le temps lui manque pour continuer avec assiduité les travaux. Sa charge de régisseur de La Stoppa n’est pas la moindre de ses occupations. Depuis 2005, il propose un vin blanc de sa façon, dans son jardin secret, sorte de balcon dans les collines argilo-calcaires de la région: Dinavolo. Une cuvée vinifiée en achetant les raisins de l’un de ses voisins, qui dispose de près de deux hectares, en agriculture biologique. La vendange est égrappée, puis passe directement en cuve pour une longue macération sur
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ITALIE
les peaux. Sa durée peut ainsi être de onze mois pour 2008, cinq mois pour 2007 ou douze pour 2006! Comme des notes sur une partition: un sol, un mi, un do… Une fidélité au millésime en mode majeur! Forte parfois, cantabile ma non troppo! Lors d’une dégustation de ces cuvées, l’expression aromatique a de quoi dérouter les amateurs. Une robe orangée, de jolies notes sur l’abricot frais. Beaucoup de présence, mais un côté joueur qui met les sens en éveil. On attend le vin sur une bouche moelleuse, mais il est absolument sec et la touche tannique et saline en finale nous ouvre de nouvelles perspectives. À partir du millésime 2009, Giulio Armani propose désormais deux cuvées: Dinavolino, issue des vignes les plus jeunes, en bas de coteau (huit mois de macération) et Dinavolo bien sûr, sorte de sélection issue de vieilles vignes et dans la partie la plus intéressante du coteau. Mais, l’avenir du domaine est ailleurs. Il faut grimper vers le sommet de la colline, à 450 voire 500 m d’altitude, et atteindre un secteur tout à fait préservé. C’est là que se situent les nouvelles parcelles acquises par le vigneron. Une première de 2 ha, Campo Rotonde, plantée en 2009, sur des terres pauvres, exposées sud-ouest ou sud-est, où l’herbe peine à pousser vraiment et à la forte proportion de calcaire. La seconde, Cassinera, un peu plus bas, nous permet de découvrir un superbe coteau de 1 ha environ, planté en 2008. On y trouve les seuls cépages autorisés dans l’appellation: ortrugo, malavasia di candia aromatica, trebbiano et marsanne (parfois appelée champagne ici!), voire même du sauvignon, lui aussi admis en faible proportion, du muscat et quelques pieds de santa maria. Malgré la pente exigeante, Giulio y travaille les sols, parce que la terre plus légère, plus granuleuse, le permet, et aussi parce qu’il sera utile de remonter celleci, de temps en temps. La cuvée réunissant ces deux parcelles prend le nom de Catavela. Giulio Armani est ici chez lui, dans son décor. Une partie du temps dont il dispose, il le passe à observer, à apprendre les parcelles, le terroir. Des instants privilégiés, à estimer le potentiel de ce vignoble. Le vigneron de Denavolo est très attaché à le mettre en valeur, dans le respect d’une identité locale. Et sa démarche va bien au-delà d’une supposée rivalité avec d’autres vignobles italiens, plus médiatiques, plus consensuels. Suivons-le sur ces chemins!
Giulio Armani – Azienda Agricola Denavolo
Agriculture biologique Appellation : Vin de table (Colli Piacentini, Trebbianino Val Trebbia) Denavolo – 29020 Travo (PC) – Italie +39 33 56 48 07 66 • http://denavolo.blogspot.fr • giulio.armani@gmail.com
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