tronches de vin
/ Marie Rocher
le guide des vins qu’ont d’la gueule
Préface
Alice Feiring
tronches de vin
tronches de vin
À Jean-Paul Rocher, homme libre, tronche du vin et éditeur qu’avait d’la gueule.
tronches de vin le guide des vins qu’ont d’la gueule
Illustration de couverture: Michel Tolmer © Les éditions de l’Épure / Marie Rocher, Paris, 2013
/ Marie Rocher
À Jean-Paul Rocher, homme libre, tronche du vin et éditeur qu’avait d’la gueule.
tronches de vin le guide des vins qu’ont d’la gueule
Illustration de couverture: Michel Tolmer © Les éditions de l’Épure / Marie Rocher, Paris, 2013
/ Marie Rocher
Préface
par Alice Feiring En 2004, je gagnais ma vie en écrivant: j’étais très partagée sur l’univers des blogs et j’avais une passion pour le papier. Les blogs m’apparaissaient alors comme une forme d’infidélité. Et par ailleurs, quel sens accorder au fait de donner à lire sans rien en retirer? Pourtant, je voulais raconter tant d’anecdotes ou d’observations qui n’auraient pas eu leur place dans la presse traditionnelle en raison de thèses trop tranchées, d’un contenu trop émouvant, trop spontané ou trop croustillant. J’en vins donc à créer un blog et à mettre en ligne mes écrits gratuitement. C’était mieux que de garder le silence. Au fur et à mesure que les années passaient, je me suis rendu compte de la force du média à propos duquel j’avais eu tant de réticences. Mon blog se révéla avoir un impact bien plus grand que le reste de mes publications, plus conventionnelles. Étonnamment, mes lecteurs, surtout français, ne cessaient de me dire qu’ils appréciaient l’honnêteté du propos. Ils s’étaient aperçu que mes opinions n’étaient pas subordonnées aux impératifs des grandes maisons du vin, des magazines ou de la publicité. Parfois, je pouvais être incroyablement radicale. Finalement, j’avais pris conscience de la signification et du pouvoir de la liberté. Bloguer m’aidait à y parvenir. En juin 2012, Jean-Paul Rocher venait juste de finir dix mois de chimiothérapie intensive. Il allait passer ce qui serait son dernier été. Il comptait bien emplir ses poumons d’air pur et reprendre des forces avant le prochain round de son combat contre le cancer. C’est pendant cette période de repos qu’il a fait la rencontre d’Antonin Iommi-Amunategui. Ils ont parlé ensemble de livres, de politique et de vin, quelques-uns des sujets favoris de Jean-Paul. Le résultat de ce tête à tête fut que Jean-Paul accepta de publier Tronches de Vin. Il m’apparut alors tout à fait logique que Jean-Paul Rocher, l’homme qui était non seulement mon éditeur mais aussi un de mes plus ardents soutiens, fournisse une tribune à un groupe de blogueurs. Dans Tronches de Vin, cinq blogueurs, parmi les meilleures plumes indépendantes, à la fois les plus respectées et les plus pétillantes, sont 7
Préface
par Alice Feiring En 2004, je gagnais ma vie en écrivant: j’étais très partagée sur l’univers des blogs et j’avais une passion pour le papier. Les blogs m’apparaissaient alors comme une forme d’infidélité. Et par ailleurs, quel sens accorder au fait de donner à lire sans rien en retirer? Pourtant, je voulais raconter tant d’anecdotes ou d’observations qui n’auraient pas eu leur place dans la presse traditionnelle en raison de thèses trop tranchées, d’un contenu trop émouvant, trop spontané ou trop croustillant. J’en vins donc à créer un blog et à mettre en ligne mes écrits gratuitement. C’était mieux que de garder le silence. Au fur et à mesure que les années passaient, je me suis rendu compte de la force du média à propos duquel j’avais eu tant de réticences. Mon blog se révéla avoir un impact bien plus grand que le reste de mes publications, plus conventionnelles. Étonnamment, mes lecteurs, surtout français, ne cessaient de me dire qu’ils appréciaient l’honnêteté du propos. Ils s’étaient aperçu que mes opinions n’étaient pas subordonnées aux impératifs des grandes maisons du vin, des magazines ou de la publicité. Parfois, je pouvais être incroyablement radicale. Finalement, j’avais pris conscience de la signification et du pouvoir de la liberté. Bloguer m’aidait à y parvenir. En juin 2012, Jean-Paul Rocher venait juste de finir dix mois de chimiothérapie intensive. Il allait passer ce qui serait son dernier été. Il comptait bien emplir ses poumons d’air pur et reprendre des forces avant le prochain round de son combat contre le cancer. C’est pendant cette période de repos qu’il a fait la rencontre d’Antonin Iommi-Amunategui. Ils ont parlé ensemble de livres, de politique et de vin, quelques-uns des sujets favoris de Jean-Paul. Le résultat de ce tête à tête fut que Jean-Paul accepta de publier Tronches de Vin. Il m’apparut alors tout à fait logique que Jean-Paul Rocher, l’homme qui était non seulement mon éditeur mais aussi un de mes plus ardents soutiens, fournisse une tribune à un groupe de blogueurs. Dans Tronches de Vin, cinq blogueurs, parmi les meilleures plumes indépendantes, à la fois les plus respectées et les plus pétillantes, sont 7
PRÉFACE
le guide des vins qu’ont d’la gueule
passés de l’écran à la page imprimée. Ils ont sélectionné en France, en Italie, en Espagne, en Suisse, au Liban et au Chili les meilleurs vignerons indépendants travaillant dans le respect de la nature. D’une certaine manière, j’ai du mal à imaginer les plus grands experts en vins français partager la même camaraderie. Le livre est rendu plus poignant encore par le fait que, à l’origine du projet, l’éditeur, les écrivains et les vignerons possèdent les mêmes valeurs d’indépendance et de liberté. C’est une triade qui envoie paître les conventions, qui ne travaille que sur ce qui lui donne des émotions et qui ne renonce jamais à ses opinions. Blog ou papier, ce genre de passion sera toujours révolutionnaire. Cette synergie est exactement ce qui animait Jean-Paul Rocher et faisait l’esprit de ses livres. Mais il n’a pas vécu assez longtemps pour voir le projet aboutir. En fin de compte, c’est sa fille, Marie Rocher, qui s’est assurée que le dernier livre de son père, Tronches de Vin, devienne une réalité, avec toute l’énergie et la vision qu’il contient. Jean-Paul Rocher sera profondément regretté. Il était de ceux qui rendent les rêves réels. AF
Avant-propos Tronches de vin – le guide des vins qu’ont d’la gueule. Un titre argotique, trivial? Plutôt un titre en décalage, volontairement, avec le reste de la littérature sur le vin, souvent consensuelle. Parce que le vin, en général, est trop lisse ou élitiste. Il manque de gueules et de gueulantes sincères. La vérité du terrain est brouillée – par les clichés du marketing, par les ronronnements conjugués de la tradition (largement galvaudée) et du business. La vérité, c’est que le vin est aujourd’hui mis en question. Et avec lui toute l’agriculture. Le modèle productiviste, qui induit une agriculture conventionnelle, recourant abondamment aux herbicides et pesticides toxiques, bat de l’aile. Des alternatives voient le jour, et elles n’ont rien de simples modes passagères. Parmi elles, on trouve ce qu’il est désormais convenu d’appeler le «vin naturel». Une expression SDF, sans définition fixe, une formule certainement imprécise; mais qui n’en renvoie pas moins à une clique internationale de vignerons, bien réels ceux-ci, et dont certains des meilleurs représentants sont présents dans cet ouvrage. D’autres vignerons, qui n’ont que faire d’être catalogués de la sorte ou ne se reconnaissent pas sous cette étiquette, sont là aussi. Il n’y a pas d’idéologie dans ces pages, seulement des idées. Et notamment celle qui consiste à penser que le vin naturel, au sens large, celui d’un vin affranchi des prescriptions de l’agro-industrie, a son petit rôle à jouer dans notre monde. En effet, ce vin ne répond pas seulement à la triste problématique de production/consommation. Il n’est pas le simple produit d’additions et de soustractions œnologiques. S’il enthousiasme (ou énerve) autant, c’est qu’il est porteur de thématiques qui débordent largement le seul cadre du vin: il nous parle d’environnement et d’écologie, bien sûr, étant issu de terres vivantes, où l’herbe fait des bras d’honneur au soleil, où la vigne n’est pas le zombie des traitements lourds; mais il nous parle surtout d’une économie artisanale durable et affranchie. En un mot, de politique.
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le guide des vins qu’ont d’la gueule
passés de l’écran à la page imprimée. Ils ont sélectionné en France, en Italie, en Espagne, en Suisse, au Liban et au Chili les meilleurs vignerons indépendants travaillant dans le respect de la nature. D’une certaine manière, j’ai du mal à imaginer les plus grands experts en vins français partager la même camaraderie. Le livre est rendu plus poignant encore par le fait que, à l’origine du projet, l’éditeur, les écrivains et les vignerons possèdent les mêmes valeurs d’indépendance et de liberté. C’est une triade qui envoie paître les conventions, qui ne travaille que sur ce qui lui donne des émotions et qui ne renonce jamais à ses opinions. Blog ou papier, ce genre de passion sera toujours révolutionnaire. Cette synergie est exactement ce qui animait Jean-Paul Rocher et faisait l’esprit de ses livres. Mais il n’a pas vécu assez longtemps pour voir le projet aboutir. En fin de compte, c’est sa fille, Marie Rocher, qui s’est assurée que le dernier livre de son père, Tronches de Vin, devienne une réalité, avec toute l’énergie et la vision qu’il contient. Jean-Paul Rocher sera profondément regretté. Il était de ceux qui rendent les rêves réels. AF
Avant-propos Tronches de vin – le guide des vins qu’ont d’la gueule. Un titre argotique, trivial? Plutôt un titre en décalage, volontairement, avec le reste de la littérature sur le vin, souvent consensuelle. Parce que le vin, en général, est trop lisse ou élitiste. Il manque de gueules et de gueulantes sincères. La vérité du terrain est brouillée – par les clichés du marketing, par les ronronnements conjugués de la tradition (largement galvaudée) et du business. La vérité, c’est que le vin est aujourd’hui mis en question. Et avec lui toute l’agriculture. Le modèle productiviste, qui induit une agriculture conventionnelle, recourant abondamment aux herbicides et pesticides toxiques, bat de l’aile. Des alternatives voient le jour, et elles n’ont rien de simples modes passagères. Parmi elles, on trouve ce qu’il est désormais convenu d’appeler le «vin naturel». Une expression SDF, sans définition fixe, une formule certainement imprécise; mais qui n’en renvoie pas moins à une clique internationale de vignerons, bien réels ceux-ci, et dont certains des meilleurs représentants sont présents dans cet ouvrage. D’autres vignerons, qui n’ont que faire d’être catalogués de la sorte ou ne se reconnaissent pas sous cette étiquette, sont là aussi. Il n’y a pas d’idéologie dans ces pages, seulement des idées. Et notamment celle qui consiste à penser que le vin naturel, au sens large, celui d’un vin affranchi des prescriptions de l’agro-industrie, a son petit rôle à jouer dans notre monde. En effet, ce vin ne répond pas seulement à la triste problématique de production/consommation. Il n’est pas le simple produit d’additions et de soustractions œnologiques. S’il enthousiasme (ou énerve) autant, c’est qu’il est porteur de thématiques qui débordent largement le seul cadre du vin: il nous parle d’environnement et d’écologie, bien sûr, étant issu de terres vivantes, où l’herbe fait des bras d’honneur au soleil, où la vigne n’est pas le zombie des traitements lourds; mais il nous parle surtout d’une économie artisanale durable et affranchie. En un mot, de politique.
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AVANT-PROPOS
le guide des vins qu’ont d’la gueule
Parce que ce vin, qui implique un rapport artisanal à la viticulture et une liberté œnologique quasi-totale, sans recours ou presque aux additifs de la chimie moderne, n’est pas compatible avec l’agro-industrie telle qu’elle s’est développée ces dernières décennies.
le guide des vins qu’ont d’la gueule
AVANT -PROPOS
Nous n’en sommes qu’au début. À terme, grâce au statut privilégié du vin aux yeux du grand public, ce vin affranchi est vraisemblablement amené à devenir le porte-étendard de l’agriculture paysanne, notre code-source terrien à tous, dans le monde. Pourvu qu’émergent quelques vigneron-ne-s médiatiques.
Ni avec les puissantes interprofessions régionales du vin. Ni avec l’INAO, qui définit notamment les cahiers des charges des appellations (AOC, AOP, comme vous voudrez). Ni avec les grands réseaux de distribution, qui vendent des millions de litres d’un vin trop souvent médiocre, standardisé. En fait, le vin naturel ou affranchi n’est compatible avec aucune des grandes lignes du système actuel ; un système qui ne sait d’ailleurs que faire de ces sans-papiers du vin, de ces jus gitans, de cette minorité trop visible à son goût, encombrante. Aussi, un succès commercial et surtout médiatique de ces vins est dangereux, politiquement parlant. Précisément parce qu’il met en question le système. D’autant plus que la viticulture, de par son produit – le vin – jugé plus noble que le concombre ou la carotte, se trouve en première ligne de l’agriculture, elle-même enjeu de société majeur. De sorte qu’un changement de paradigme dans le vin, pourrait avoir un effet mécanique sur tout le système.
Dès lors, il recevra un éclairage régulier dans les médias généralistes, qui servira la cause du vin dans son ensemble – qui servira la cause humaine tout court. Parce que nous sommes vivants parmi le vivant, et qu’en préservant davantage celui-ci, on sert d’autant mieux ceux-là. Ces futurs porte-paroles, ces vignerons médiatiques à venir, sont peut-être présents dans cet ouvrage ; un ouvrage qui est avant tout consacré et dédié à cette profession, à ces gueules rouges, comme il y avait les gueules noires; avec leurs terres, leurs plantes, compliquées, sensibles, qu’ils soignent et accompagnent, un millésime après l’autre. Jeunes punks du pinard, gentlemen du terroir ou vieux loups de terre, hommes et femmes, ils font du vin avec passion, convictions, avant de viser le pognon. Des vins, bons et justes, comme des cris de joie ou de colère. Oui, voici des vins qu’ont de la gueule. Antonin Iommi-Amunategui. Paris, le 14 décembre 2012
Mais qu’on l’espère ou qu’on le redoute, ce changement, cette révolution ne viendra probablement pas. Elle sera souvent évoquée ou souhaitée. Elle enflammera des centaines de débats à travers le monde. Mais il y a peu de chances qu’elle survienne. Parce que l’occident est a priori trop enferré dans ses propres contradictions pour se remettre activement en question… Les schizoccidentaux? Un autre débat. En revanche, ce que le vin naturel ou affranchi réussit très bien, c’est à sortir le vin de sa niche d’amateurs. En ceci qu’il est, ponctuellement, capable de mettre le vin sur le devant de la scène médiatique. Il fait aujourd’hui parler de lui, en bien comme en mal, plus souvent et plus largement que n’importe quelle autre catégorie de vin. Et c’est sûrement une bonne chose pour le vin en général. 10
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AVANT-PROPOS
le guide des vins qu’ont d’la gueule
Parce que ce vin, qui implique un rapport artisanal à la viticulture et une liberté œnologique quasi-totale, sans recours ou presque aux additifs de la chimie moderne, n’est pas compatible avec l’agro-industrie telle qu’elle s’est développée ces dernières décennies.
le guide des vins qu’ont d’la gueule
AVANT -PROPOS
Nous n’en sommes qu’au début. À terme, grâce au statut privilégié du vin aux yeux du grand public, ce vin affranchi est vraisemblablement amené à devenir le porte-étendard de l’agriculture paysanne, notre code-source terrien à tous, dans le monde. Pourvu qu’émergent quelques vigneron-ne-s médiatiques.
Ni avec les puissantes interprofessions régionales du vin. Ni avec l’INAO, qui définit notamment les cahiers des charges des appellations (AOC, AOP, comme vous voudrez). Ni avec les grands réseaux de distribution, qui vendent des millions de litres d’un vin trop souvent médiocre, standardisé. En fait, le vin naturel ou affranchi n’est compatible avec aucune des grandes lignes du système actuel ; un système qui ne sait d’ailleurs que faire de ces sans-papiers du vin, de ces jus gitans, de cette minorité trop visible à son goût, encombrante. Aussi, un succès commercial et surtout médiatique de ces vins est dangereux, politiquement parlant. Précisément parce qu’il met en question le système. D’autant plus que la viticulture, de par son produit – le vin – jugé plus noble que le concombre ou la carotte, se trouve en première ligne de l’agriculture, elle-même enjeu de société majeur. De sorte qu’un changement de paradigme dans le vin, pourrait avoir un effet mécanique sur tout le système.
Dès lors, il recevra un éclairage régulier dans les médias généralistes, qui servira la cause du vin dans son ensemble – qui servira la cause humaine tout court. Parce que nous sommes vivants parmi le vivant, et qu’en préservant davantage celui-ci, on sert d’autant mieux ceux-là. Ces futurs porte-paroles, ces vignerons médiatiques à venir, sont peut-être présents dans cet ouvrage ; un ouvrage qui est avant tout consacré et dédié à cette profession, à ces gueules rouges, comme il y avait les gueules noires; avec leurs terres, leurs plantes, compliquées, sensibles, qu’ils soignent et accompagnent, un millésime après l’autre. Jeunes punks du pinard, gentlemen du terroir ou vieux loups de terre, hommes et femmes, ils font du vin avec passion, convictions, avant de viser le pognon. Des vins, bons et justes, comme des cris de joie ou de colère. Oui, voici des vins qu’ont de la gueule. Antonin Iommi-Amunategui. Paris, le 14 décembre 2012
Mais qu’on l’espère ou qu’on le redoute, ce changement, cette révolution ne viendra probablement pas. Elle sera souvent évoquée ou souhaitée. Elle enflammera des centaines de débats à travers le monde. Mais il y a peu de chances qu’elle survienne. Parce que l’occident est a priori trop enferré dans ses propres contradictions pour se remettre activement en question… Les schizoccidentaux? Un autre débat. En revanche, ce que le vin naturel ou affranchi réussit très bien, c’est à sortir le vin de sa niche d’amateurs. En ceci qu’il est, ponctuellement, capable de mettre le vin sur le devant de la scène médiatique. Il fait aujourd’hui parler de lui, en bien comme en mal, plus souvent et plus largement que n’importe quelle autre catégorie de vin. Et c’est sûrement une bonne chose pour le vin en général. 10
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Les auteurs
le guide des vins qu’ont d’la gueule
«Tronches de vin» est un anti-guide des vins conçu par un collectif de blogueurs; soit cinq blogueurs du vin indépendants, réputés, et affichant, à travers cet ouvrage, la volonté d’être notamment une alternative aux guides des vins et aux critiques professionnels établis, souvent empêtrés dans des contraintes financières et publicitaires. Ou tout simplement blasés du buccal. En dressant le portrait d’une grosse centaine de vignerons atypiques (et accessoirement de leurs vins), en répertoriant des cavistes affranchis, l’objectif pour les auteurs est de mettre en avant une viticulture alternative, engagée dans une démarche plus globale, souvent consciente d’enjeux qui dépassent la seule production viticole: le vin, en effet, se trouve aux avant-postes de l’agriculture – enjeu systémique s’il en est – et, dans ce grand bazar liquide, chacun peut désormais non seulement boire bon, mais surtout boire juste.
Olivier Grosjean 49 ans, est le serial dégoupilleur du «Blog d’Olif» (www.leblogdolif.com). Hédoniste, inconditionnel du Jura où il vit, c’est aussi un grand spécialiste des vins «nature». Et sans doute le Pierre Desproges du vin. Guillaume Nicolas-Brion, 31 ans, a «du morgon dans les veines» (http://dumorgondanslesveines.20 minutes-blogs.fr). Chien fou du vin naturel, il a un flair certain pour dénicher les perles du vignoble. Il boit aussi de l’arak palestinien et du mezcal infusé au blanc de poulet. 12
LES AUTEURS
Antonin Iommi-Amunategui 38 ans, est le trublion de «Vindicateur» et «No wine is innocent» (www.vindicateur.fr et http://blogs.rue89.com/no-wineis-innocent). Empêcheur de boire en rond, il a écrit la moitié de ses textes en écoutant Joy Division. Pour lui, le vin ne doit pas porter de mocassins à gland, mais des banderoles de manif. Il a également prévu d’être réincarné en Pussy Riot. Philippe Rapiteau 55 ans, tient «La Pipette aux 4 vins» (http://pipette.canalblog.com). Vendéen, il connaît les vins de Loire comme sa poche, mais balade régulièrement sa barbe amicale dans tout le vignoble. C’est aussi le tout premier poète de la ponctuation! Eva Robineau 26 ans, sévit sur «Oenos» (www.oenos.net). Jolie fille 2.0 – elle aurait le mot twitter tatoué au bas du dos – et benjamine du groupe, sa fraîcheur souffle dans les voiles du projet. Elle aime que le vin ne lui prenne pas la tête, au sens propre comme au figuré. 13
Les auteurs
le guide des vins qu’ont d’la gueule
«Tronches de vin» est un anti-guide des vins conçu par un collectif de blogueurs; soit cinq blogueurs du vin indépendants, réputés, et affichant, à travers cet ouvrage, la volonté d’être notamment une alternative aux guides des vins et aux critiques professionnels établis, souvent empêtrés dans des contraintes financières et publicitaires. Ou tout simplement blasés du buccal. En dressant le portrait d’une grosse centaine de vignerons atypiques (et accessoirement de leurs vins), en répertoriant des cavistes affranchis, l’objectif pour les auteurs est de mettre en avant une viticulture alternative, engagée dans une démarche plus globale, souvent consciente d’enjeux qui dépassent la seule production viticole: le vin, en effet, se trouve aux avant-postes de l’agriculture – enjeu systémique s’il en est – et, dans ce grand bazar liquide, chacun peut désormais non seulement boire bon, mais surtout boire juste.
Olivier Grosjean 49 ans, est le serial dégoupilleur du «Blog d’Olif» (www.leblogdolif.com). Hédoniste, inconditionnel du Jura où il vit, c’est aussi un grand spécialiste des vins «nature». Et sans doute le Pierre Desproges du vin. Guillaume Nicolas-Brion, 31 ans, a «du morgon dans les veines» (http://dumorgondanslesveines.20 minutes-blogs.fr). Chien fou du vin naturel, il a un flair certain pour dénicher les perles du vignoble. Il boit aussi de l’arak palestinien et du mezcal infusé au blanc de poulet. 12
LES AUTEURS
Antonin Iommi-Amunategui 38 ans, est le trublion de «Vindicateur» et «No wine is innocent» (www.vindicateur.fr et http://blogs.rue89.com/no-wineis-innocent). Empêcheur de boire en rond, il a écrit la moitié de ses textes en écoutant Joy Division. Pour lui, le vin ne doit pas porter de mocassins à gland, mais des banderoles de manif. Il a également prévu d’être réincarné en Pussy Riot. Philippe Rapiteau 55 ans, tient «La Pipette aux 4 vins» (http://pipette.canalblog.com). Vendéen, il connaît les vins de Loire comme sa poche, mais balade régulièrement sa barbe amicale dans tout le vignoble. C’est aussi le tout premier poète de la ponctuation! Eva Robineau 26 ans, sévit sur «Oenos» (www.oenos.net). Jolie fille 2.0 – elle aurait le mot twitter tatoué au bas du dos – et benjamine du groupe, sa fraîcheur souffle dans les voiles du projet. Elle aime que le vin ne lui prenne pas la tête, au sens propre comme au figuré. 13
Christophe Abbet l’artiste vigneron-éleveur
Martigny-Bourg, Valais, dans la tanière de l’Abbet, Christophe de son prénom. Un monde à part dans l’univers des vins valaisans. À l’image du vigneron, électron aussi libre qu’inspiré. Issu d’une formation classique à l’École de Changins, l’endroit où tous les œnologues suisses vont apprendre à faire du vin. D’ailleurs, Christophe possède un sens artistique bien plus développé que celui de la plupart de ses collègues. Ici, dans son nouveau caveau, à deux pas de la célèbre fondation Giannada de Martigny, l’exposition est permanente. Art et vin sont intimement liés, du contenu au contenant. Les vins, d’abord, sont des petits bijoux élevés minutieusement, soigneusement, dans une quête inlassable du beau et du bon. Chaque gorgée dégustée délie la langue, y compris celle du vigneron, qui cède alors parfois la place au poète, pour se laisser aller à quelques envolées lyriques. Le fendant de la combe des Avasiers frétille dans le verre, le gamay de Fully émoustille les papilles, la syrah ensorcelle le palais, l’arvine ne se fait pas petite, l’humagne rouge «vous emmène faire un beau voyage». Des vins bien dans L’air du temps, du nom de cette autre cuvée qui louche du côté des vins jaunes jurassiens, après avoir été longuement élevée dans
le guide des vins qu’ont d’la gueule
SUISSE
un fût en vidange, sans ouillage systématique. Le terminus n’est plus bien loin lorsque vous plongez vos narines dans un verre d’Ambre, mythique breuvage de couleur ambre, comme son nom l’indique, patiemment élaboré pendant de longues années souterraines en cave voûtée. Liquoreux de l’extrême, défiant la mécanique des fluides, ce vin touche au sublime et au divin, Christophe est le premier à le reconnaître. «Ah ! Mon Dieu, mon Dieu…», laissa-t-il spontanément échapper devant les caméras de la Télévision Suisse Romande, en tournage chez lui, alors qu’il venait de planter ses narines dans un verre d’Ambre. Pour arriver à ce résultat hors du commun, marsanne et petite arvine sont assemblées en proportion variable selon les millésimes, la qualité de la vendange, l’évolution des fûts et l’inspiration de Christophe. Perpétuelle recherche du «caractère intime et mystérieux, sans âge» des vins liquoreux… Faut-il «estimer que c’est de la chance», lorsque, ce jourlà, plusieurs millésimes d’Ambre attendent au frais d’être dégustés pour une grande occasion et que Christophe décide de nous en faire profiter? Je veux bien le croire, tant l’expérience fut inoubliable. De l’or en fût, de l’art en bouteille, y compris sur l’étiquette. Toutes des créations originales, calligraphiées une par une, à la main, pour certaines. Et quand les flacons ont été vidés, ils servent de matière première à d’autres expériences créatives: accrochées au mur, exposées en vitrine ou simplement posées sur des vieilles barriques, comme éléments d’une composition florale. «Vous ne serez plus les mêmes en sortant d’ici!» nous avait prédit Monseigneur l’Abbet, avant que nous ne pénétrions dans son antre. Ayant eu le privilège de recevoir sa bénédiction à plusieurs reprises, je suis en mesure de confirmer: «Ah! Mon Dieu! Mon Dieu!»
Christophe Abbet
Appellation : Valais Rue des Fontaines, 16 – 1920 Martigny-Bourg (Suisse) +41 (0)27 722 81 37
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Christophe Abbet l’artiste vigneron-éleveur
Martigny-Bourg, Valais, dans la tanière de l’Abbet, Christophe de son prénom. Un monde à part dans l’univers des vins valaisans. À l’image du vigneron, électron aussi libre qu’inspiré. Issu d’une formation classique à l’École de Changins, l’endroit où tous les œnologues suisses vont apprendre à faire du vin. D’ailleurs, Christophe possède un sens artistique bien plus développé que celui de la plupart de ses collègues. Ici, dans son nouveau caveau, à deux pas de la célèbre fondation Giannada de Martigny, l’exposition est permanente. Art et vin sont intimement liés, du contenu au contenant. Les vins, d’abord, sont des petits bijoux élevés minutieusement, soigneusement, dans une quête inlassable du beau et du bon. Chaque gorgée dégustée délie la langue, y compris celle du vigneron, qui cède alors parfois la place au poète, pour se laisser aller à quelques envolées lyriques. Le fendant de la combe des Avasiers frétille dans le verre, le gamay de Fully émoustille les papilles, la syrah ensorcelle le palais, l’arvine ne se fait pas petite, l’humagne rouge «vous emmène faire un beau voyage». Des vins bien dans L’air du temps, du nom de cette autre cuvée qui louche du côté des vins jaunes jurassiens, après avoir été longuement élevée dans
le guide des vins qu’ont d’la gueule
SUISSE
un fût en vidange, sans ouillage systématique. Le terminus n’est plus bien loin lorsque vous plongez vos narines dans un verre d’Ambre, mythique breuvage de couleur ambre, comme son nom l’indique, patiemment élaboré pendant de longues années souterraines en cave voûtée. Liquoreux de l’extrême, défiant la mécanique des fluides, ce vin touche au sublime et au divin, Christophe est le premier à le reconnaître. «Ah ! Mon Dieu, mon Dieu…», laissa-t-il spontanément échapper devant les caméras de la Télévision Suisse Romande, en tournage chez lui, alors qu’il venait de planter ses narines dans un verre d’Ambre. Pour arriver à ce résultat hors du commun, marsanne et petite arvine sont assemblées en proportion variable selon les millésimes, la qualité de la vendange, l’évolution des fûts et l’inspiration de Christophe. Perpétuelle recherche du «caractère intime et mystérieux, sans âge» des vins liquoreux… Faut-il «estimer que c’est de la chance», lorsque, ce jourlà, plusieurs millésimes d’Ambre attendent au frais d’être dégustés pour une grande occasion et que Christophe décide de nous en faire profiter? Je veux bien le croire, tant l’expérience fut inoubliable. De l’or en fût, de l’art en bouteille, y compris sur l’étiquette. Toutes des créations originales, calligraphiées une par une, à la main, pour certaines. Et quand les flacons ont été vidés, ils servent de matière première à d’autres expériences créatives: accrochées au mur, exposées en vitrine ou simplement posées sur des vieilles barriques, comme éléments d’une composition florale. «Vous ne serez plus les mêmes en sortant d’ici!» nous avait prédit Monseigneur l’Abbet, avant que nous ne pénétrions dans son antre. Ayant eu le privilège de recevoir sa bénédiction à plusieurs reprises, je suis en mesure de confirmer: «Ah! Mon Dieu! Mon Dieu!»
Christophe Abbet
Appellation : Valais Rue des Fontaines, 16 – 1920 Martigny-Bourg (Suisse) +41 (0)27 722 81 37
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Giulio Armani
et au milieu coule la trebbia… En 1945, Ernest Hemingway, alors correspondant de guerre de l’US Army, passe par le Val Trebbia et note sur son carnet: «Aujourd’hui, je suis passé dans la plus belle vallée du monde!» Était-ce par une de ces journées radieuses, où la rivière coulant vers le Pô, semble irradier une douce lumière, jusque sur les collines alentour? Denavolo, une bourgade, une frazzione de Travo, perchée sur les hauteurs. Chaque jour, Giulio Armani y embrasse un paysage où se cachent ses racines. On y découvre aisément une petite maison pleine de charme et d’autres bâtiments remarquables en pleine restauration. Bientôt, tous les vins du domaine seront vinifiés et élevés ici, au rez-de-chaussée d’un loft superbe. Giulio Armani est un homme très occupé. Le temps lui manque pour continuer avec assiduité les travaux. Sa charge de régisseur de La Stoppa n’est pas la moindre de ses occupations. Depuis 2005, il propose un vin blanc de sa façon, dans son jardin secret, sorte de balcon dans les collines argilo-calcaires de la région: Dinavolo. Une cuvée vinifiée en achetant les raisins de l’un de ses voisins, qui dispose de près de deux hectares, en agriculture biologique. La vendange est égrappée, puis passe directement en cuve pour une longue macération sur
le guide des vins qu’ont d’la gueule
ITALIE
les peaux. Sa durée peut ainsi être de onze mois pour 2008, cinq mois pour 2007 ou douze pour 2006! Comme des notes sur une partition: un sol, un mi, un do… Une fidélité au millésime en mode majeur! Forte parfois, cantabile ma non troppo! Lors d’une dégustation de ces cuvées, l’expression aromatique a de quoi dérouter les amateurs. Une robe orangée, de jolies notes sur l’abricot frais. Beaucoup de présence, mais un côté joueur qui met les sens en éveil. On attend le vin sur une bouche moelleuse, mais il est absolument sec et la touche tannique et saline en finale nous ouvre de nouvelles perspectives. À partir du millésime 2009, Giulio Armani propose désormais deux cuvées: Dinavolino, issue des vignes les plus jeunes, en bas de coteau (huit mois de macération) et Dinavolo bien sûr, sorte de sélection issue de vieilles vignes et dans la partie la plus intéressante du coteau. Mais, l’avenir du domaine est ailleurs. Il faut grimper vers le sommet de la colline, à 450 voire 500 m d’altitude, et atteindre un secteur tout à fait préservé. C’est là que se situent les nouvelles parcelles acquises par le vigneron. Une première de 2 ha, Campo Rotonde, plantée en 2009, sur des terres pauvres, exposées sud-ouest ou sud-est, où l’herbe peine à pousser vraiment et à la forte proportion de calcaire. La seconde, Cassinera, un peu plus bas, nous permet de découvrir un superbe coteau de 1 ha environ, planté en 2008. On y trouve les seuls cépages autorisés dans l’appellation: ortrugo, malavasia di candia aromatica, trebbiano et marsanne (parfois appelée champagne ici!), voire même du sauvignon, lui aussi admis en faible proportion, du muscat et quelques pieds de santa maria. Malgré la pente exigeante, Giulio y travaille les sols, parce que la terre plus légère, plus granuleuse, le permet, et aussi parce qu’il sera utile de remonter celleci, de temps en temps. La cuvée réunissant ces deux parcelles prend le nom de Catavela. Giulio Armani est ici chez lui, dans son décor. Une partie du temps dont il dispose, il le passe à observer, à apprendre les parcelles, le terroir. Des instants privilégiés, à estimer le potentiel de ce vignoble. Le vigneron de Denavolo est très attaché à le mettre en valeur, dans le respect d’une identité locale. Et sa démarche va bien au-delà d’une supposée rivalité avec d’autres vignobles italiens, plus médiatiques, plus consensuels. Suivons-le sur ces chemins!
Giulio Armani – Azienda Agricola Denavolo
Agriculture biologique Appellation : Vin de table (Colli Piacentini, Trebbianino Val Trebbia) Denavolo – 29020 Travo (PC) – Italie +39 33 56 48 07 66 • http://denavolo.blogspot.fr • giulio.armani@gmail.com
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Giulio Armani
et au milieu coule la trebbia… En 1945, Ernest Hemingway, alors correspondant de guerre de l’US Army, passe par le Val Trebbia et note sur son carnet: «Aujourd’hui, je suis passé dans la plus belle vallée du monde!» Était-ce par une de ces journées radieuses, où la rivière coulant vers le Pô, semble irradier une douce lumière, jusque sur les collines alentour? Denavolo, une bourgade, une frazzione de Travo, perchée sur les hauteurs. Chaque jour, Giulio Armani y embrasse un paysage où se cachent ses racines. On y découvre aisément une petite maison pleine de charme et d’autres bâtiments remarquables en pleine restauration. Bientôt, tous les vins du domaine seront vinifiés et élevés ici, au rez-de-chaussée d’un loft superbe. Giulio Armani est un homme très occupé. Le temps lui manque pour continuer avec assiduité les travaux. Sa charge de régisseur de La Stoppa n’est pas la moindre de ses occupations. Depuis 2005, il propose un vin blanc de sa façon, dans son jardin secret, sorte de balcon dans les collines argilo-calcaires de la région: Dinavolo. Une cuvée vinifiée en achetant les raisins de l’un de ses voisins, qui dispose de près de deux hectares, en agriculture biologique. La vendange est égrappée, puis passe directement en cuve pour une longue macération sur
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les peaux. Sa durée peut ainsi être de onze mois pour 2008, cinq mois pour 2007 ou douze pour 2006! Comme des notes sur une partition: un sol, un mi, un do… Une fidélité au millésime en mode majeur! Forte parfois, cantabile ma non troppo! Lors d’une dégustation de ces cuvées, l’expression aromatique a de quoi dérouter les amateurs. Une robe orangée, de jolies notes sur l’abricot frais. Beaucoup de présence, mais un côté joueur qui met les sens en éveil. On attend le vin sur une bouche moelleuse, mais il est absolument sec et la touche tannique et saline en finale nous ouvre de nouvelles perspectives. À partir du millésime 2009, Giulio Armani propose désormais deux cuvées: Dinavolino, issue des vignes les plus jeunes, en bas de coteau (huit mois de macération) et Dinavolo bien sûr, sorte de sélection issue de vieilles vignes et dans la partie la plus intéressante du coteau. Mais, l’avenir du domaine est ailleurs. Il faut grimper vers le sommet de la colline, à 450 voire 500 m d’altitude, et atteindre un secteur tout à fait préservé. C’est là que se situent les nouvelles parcelles acquises par le vigneron. Une première de 2 ha, Campo Rotonde, plantée en 2009, sur des terres pauvres, exposées sud-ouest ou sud-est, où l’herbe peine à pousser vraiment et à la forte proportion de calcaire. La seconde, Cassinera, un peu plus bas, nous permet de découvrir un superbe coteau de 1 ha environ, planté en 2008. On y trouve les seuls cépages autorisés dans l’appellation: ortrugo, malavasia di candia aromatica, trebbiano et marsanne (parfois appelée champagne ici!), voire même du sauvignon, lui aussi admis en faible proportion, du muscat et quelques pieds de santa maria. Malgré la pente exigeante, Giulio y travaille les sols, parce que la terre plus légère, plus granuleuse, le permet, et aussi parce qu’il sera utile de remonter celleci, de temps en temps. La cuvée réunissant ces deux parcelles prend le nom de Catavela. Giulio Armani est ici chez lui, dans son décor. Une partie du temps dont il dispose, il le passe à observer, à apprendre les parcelles, le terroir. Des instants privilégiés, à estimer le potentiel de ce vignoble. Le vigneron de Denavolo est très attaché à le mettre en valeur, dans le respect d’une identité locale. Et sa démarche va bien au-delà d’une supposée rivalité avec d’autres vignobles italiens, plus médiatiques, plus consensuels. Suivons-le sur ces chemins!
Giulio Armani – Azienda Agricola Denavolo
Agriculture biologique Appellation : Vin de table (Colli Piacentini, Trebbianino Val Trebbia) Denavolo – 29020 Travo (PC) – Italie +39 33 56 48 07 66 • http://denavolo.blogspot.fr • giulio.armani@gmail.com
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Michèle Aubéry la sagesse faite vin
Si Michèle Aubéry était une qualité, elle serait la sagesse. Et la gentillesse. Et la bonté. Et la générosité, aussi. Aucun item à biffer, Michèle est tout cela à la fois, à l’image de ses vins, élevés en liberté, comme le dit la devise du domaine. Elle aime le grenache et il le lui rend bien. Le peu de syrah qu’elle cultive, elle la réserve entièrement à sa cuvée Sierra du Sud. Comme ça, c’est fait, et on n’en parle plus! Même si elle ne raffole pas du cépage, Michèle Aubéry ne le galvaude pas. Une fois la syrah vinifiée à part, elle peut alors se consacrer exclusivement à l’élaboration de ces cuvées de grenache qu’elle adore et qui ont fait la grande réputation du domaine. La Poignée de raisins, tout d’abord. Comme son nom l’indique, il n’y a qu’à croquer. Pas le verre, mais en dedans. Un vin gourmand et immédiat, destiné au partage et à la convivialité. Et puis la Sagesse. Du velours en bouche. Être sage, ce serait y renoncer et ne pas plonger ses lèvres dans un verre rempli à ras bord de ce breuvage, insolent de perfection. Faire preuve de sagesse ou en boire, cruel dilemme! Dans la cuvée À Pascal S, il y a tout! Une définition parfaite du vin, une grande précision dans les arômes, une minéralité exemplaire. Comme une
le guide des vins qu’ont d’la gueule
RHÔNE
quintessence de grenache, un extrait de vin vrai, qui n’est élaboré que lorsque le millésime, suffisamment qualitatif, le permet. La Mémé, c’est l’emblème du domaine. «Mémé San», des ceps centenaires de grenache, vénérés dans le monde entier des amateurs de vins authentiques et que les œnophiles japonais, fervents adorateurs de vins «nature», viennent visiter en autocar, entre deux excursions, à la Tour Eiffel ou au musée du Louvre. Plus lente à se faire que les autres cuvées du domaine, la Mémé avance à petits pas, se laisse désirer et attendre, mais n’a nullement besoin d’une canne ou d’un déambulateur. Taillée pour la grande garde, ne craignant pas la mise à la retraite, elle s’apprécie sans arrière-pensée gérontophile. L’achat de parcelles sur l’appellation Vinsobres a permis l’élaboration de deux cuvées qui se positionnent parfaitement bien dans la gamme, Les Laurentides et la Papesse. Côté blanc, Gramenon répond aussi présent. Vie on y est, forcément, c’est du viognier. Aromatique, mais minéral et sans mollesse. Un vin plein de fraîcheur, à boire sur sa jeunesse, même si quelques années en cave ne lui font pas peur. Quand Gramenon pétille, c’est naturellement et Tout en bulles, 100% clairette en liberté, à goûter sur son fruit, juste pour le plaisir. Quand elle ne vinifie pas d’excellents vins avec son fils Maxime-François Laurent, Michèle Aubéry fait de la peinture. Elle peint des tableaux pleins de vie et de sagesse, avec des gens et des bouteilles. Mais pas seulement. Un verre de Sagesse à la main, on les apprécie dix fois plus longtemps.
Michèle Aubéry – Domaine Gramenon
Agriculture biologique, biodynamie, vin naturel Appellation : Côtes-du-Rhône 26770 Monbrison-sur-Lez 04 73 54 57 08 • http://domaine-gramenon.fr
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Michèle Aubéry la sagesse faite vin
Si Michèle Aubéry était une qualité, elle serait la sagesse. Et la gentillesse. Et la bonté. Et la générosité, aussi. Aucun item à biffer, Michèle est tout cela à la fois, à l’image de ses vins, élevés en liberté, comme le dit la devise du domaine. Elle aime le grenache et il le lui rend bien. Le peu de syrah qu’elle cultive, elle la réserve entièrement à sa cuvée Sierra du Sud. Comme ça, c’est fait, et on n’en parle plus! Même si elle ne raffole pas du cépage, Michèle Aubéry ne le galvaude pas. Une fois la syrah vinifiée à part, elle peut alors se consacrer exclusivement à l’élaboration de ces cuvées de grenache qu’elle adore et qui ont fait la grande réputation du domaine. La Poignée de raisins, tout d’abord. Comme son nom l’indique, il n’y a qu’à croquer. Pas le verre, mais en dedans. Un vin gourmand et immédiat, destiné au partage et à la convivialité. Et puis la Sagesse. Du velours en bouche. Être sage, ce serait y renoncer et ne pas plonger ses lèvres dans un verre rempli à ras bord de ce breuvage, insolent de perfection. Faire preuve de sagesse ou en boire, cruel dilemme! Dans la cuvée À Pascal S, il y a tout! Une définition parfaite du vin, une grande précision dans les arômes, une minéralité exemplaire. Comme une
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quintessence de grenache, un extrait de vin vrai, qui n’est élaboré que lorsque le millésime, suffisamment qualitatif, le permet. La Mémé, c’est l’emblème du domaine. «Mémé San», des ceps centenaires de grenache, vénérés dans le monde entier des amateurs de vins authentiques et que les œnophiles japonais, fervents adorateurs de vins «nature», viennent visiter en autocar, entre deux excursions, à la Tour Eiffel ou au musée du Louvre. Plus lente à se faire que les autres cuvées du domaine, la Mémé avance à petits pas, se laisse désirer et attendre, mais n’a nullement besoin d’une canne ou d’un déambulateur. Taillée pour la grande garde, ne craignant pas la mise à la retraite, elle s’apprécie sans arrière-pensée gérontophile. L’achat de parcelles sur l’appellation Vinsobres a permis l’élaboration de deux cuvées qui se positionnent parfaitement bien dans la gamme, Les Laurentides et la Papesse. Côté blanc, Gramenon répond aussi présent. Vie on y est, forcément, c’est du viognier. Aromatique, mais minéral et sans mollesse. Un vin plein de fraîcheur, à boire sur sa jeunesse, même si quelques années en cave ne lui font pas peur. Quand Gramenon pétille, c’est naturellement et Tout en bulles, 100% clairette en liberté, à goûter sur son fruit, juste pour le plaisir. Quand elle ne vinifie pas d’excellents vins avec son fils Maxime-François Laurent, Michèle Aubéry fait de la peinture. Elle peint des tableaux pleins de vie et de sagesse, avec des gens et des bouteilles. Mais pas seulement. Un verre de Sagesse à la main, on les apprécie dix fois plus longtemps.
Michèle Aubéry – Domaine Gramenon
Agriculture biologique, biodynamie, vin naturel Appellation : Côtes-du-Rhône 26770 Monbrison-sur-Lez 04 73 54 57 08 • http://domaine-gramenon.fr
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Gilles Azzoni
la réponse du berger à la standardisation du vin Gilles Azzoni se présente lui-même comme un berger. Pourtant, aucun animal ne vient paître sur les terres du Mas de la Bégude, en Ardèche; tout juste une chèvre orne l’étiquette de sa cuvée Fable. Car, hormis élever quelques poules, notre homme fait surtout dans le vin, sur 6 ha de vigne. Son côté berger, c’est parce qu’il se voit comme un modeste accompagnateur de la vigne. La matière première, le raisin, il n’est là que pour la sublimer. «J’accompagne mon vin dans l’expression du vivant, ce qui fait un vin nature avec des particularités.» Ses jus frais, joyeux, désaltérants répondent à cette maxime connue selon laquelle le vin est une boisson, c’est-à-dire qu’il est fait avant tout pour être bu. Fermier, il est installé depuis le début des années 1980 sur les terres de son propriétaire, Robert, disparu en 2000. Pour le remercier de sa confiance, il lui dédie une cuvée baptisée Hommage à Robert. L’an 2000, c’est aussi son premier millésime en nature. À l’époque, il se questionnait beaucoup. Après avoir croisé Christian Chaussard et Gérald Oustric, il bannit les mauvais produits. Restent un peu de bouillie bordelaise et un minimum de soufre à la vigne. Que recherche-t-il en faisant du vin? «Pour ce qui est de le boire, je
le guide des vins qu’ont d’la gueule
ARDÈCHE
m’intéresse simplement à la buvabilité du breuvage. Pour ce qui est de le faire, je tiens à la liberté de mon action au quotidien.» La buvabilité? C’est ce qui nous pousse à nous resservir un autre verre: elle provient par exemple des macérations semi-carboniques. Il faut ajouter à cela qu’on est bien loin de l’image rude des vins sudistes, car le climat de la vallée de l’Ibie est beaucoup plus frais que ce qu’on imagine: on gagne donc en acidité. Et la liberté au quotidien? C’est surtout la possibilité de combiner une grande variété de cépages. «Je change les assemblages presque tous les ans, en fonction du millésime et de mon envie. Si je devais reproduire la même chose tous les ans, aboutir à une cuvée répétitive, je me sentirais emprisonné.» Sa liberté pour le blanc Nedjma 10-11, c’est de mélanger à la fois les raisins (viognier, roussanne, muscat) des deux millésimes 2010 et 2011. Pour son rosé qu’il ne vend pas, c’est de mettre de la syrah de 2008 avec du viognier de 2009. Les rouges sont des vins gourmands de soif que les œnologues conventionnels voudraient voir bus dans l’année. Mais il ne faut surtout pas hésiter à faire vieillir les vins de Gilles Azzoni pour lesquels l’acidité volatile agit comme un joli conservateur. Brân 2005 (syrah, cabernet et grenache) est toujours riche, évolué mais parfumé. Et on croque à nouveau la peau du raisin, véritable signature du vigneron. Quant à Hommage à Robert 2006 (merlot, grenache, alicante) bu cinq ans après la mise, la bouteille embaume littéralement la pièce. C’est une véritable bombe de fruits rouges encore croquants, pas du tout fanés comme on aurait pu le croire. On est bien loin d’un «petit vin». Prochain challenge: faire des BIB de 3 l garantis sans ajout de soufre et les voir en vente chez le caviste à prix d’ami. Car ce qui frappe aussi chez Gilles Azzoni, c’est le prix de ses bouteilles: de 5 à 10 euros au domaine. Pour des vins si bien travaillés, c’est une aubaine. «C’est ma volonté de faire des vins abordables. Je suis d’origine modeste et je tiens à ce que mes amis d’enfance puissent boire mon vin. Je ne suis pas propriétaire, mon matériel est payé depuis longtemps, donc mes coûts de production sont faibles. Je fais des rendements de l’ordre de 40 à 60 hl à l’hectare selon les cépages, ce qui est suffisant pour faire mon style de vin.»
Gilles Azzoni – Mas de la Bégude – Le Raisin et l’Ange
Agriculture biologique, vin naturel Appellation : Vin de France Les Sallèles 07170 – Saint-Maurice-d’Ibie 04 75 94 70 10 • http://raisinetlange.canalblog.com • gilles.azzoni@gmail.com
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Gilles Azzoni
la réponse du berger à la standardisation du vin Gilles Azzoni se présente lui-même comme un berger. Pourtant, aucun animal ne vient paître sur les terres du Mas de la Bégude, en Ardèche; tout juste une chèvre orne l’étiquette de sa cuvée Fable. Car, hormis élever quelques poules, notre homme fait surtout dans le vin, sur 6 ha de vigne. Son côté berger, c’est parce qu’il se voit comme un modeste accompagnateur de la vigne. La matière première, le raisin, il n’est là que pour la sublimer. «J’accompagne mon vin dans l’expression du vivant, ce qui fait un vin nature avec des particularités.» Ses jus frais, joyeux, désaltérants répondent à cette maxime connue selon laquelle le vin est une boisson, c’est-à-dire qu’il est fait avant tout pour être bu. Fermier, il est installé depuis le début des années 1980 sur les terres de son propriétaire, Robert, disparu en 2000. Pour le remercier de sa confiance, il lui dédie une cuvée baptisée Hommage à Robert. L’an 2000, c’est aussi son premier millésime en nature. À l’époque, il se questionnait beaucoup. Après avoir croisé Christian Chaussard et Gérald Oustric, il bannit les mauvais produits. Restent un peu de bouillie bordelaise et un minimum de soufre à la vigne. Que recherche-t-il en faisant du vin? «Pour ce qui est de le boire, je
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ARDÈCHE
m’intéresse simplement à la buvabilité du breuvage. Pour ce qui est de le faire, je tiens à la liberté de mon action au quotidien.» La buvabilité? C’est ce qui nous pousse à nous resservir un autre verre: elle provient par exemple des macérations semi-carboniques. Il faut ajouter à cela qu’on est bien loin de l’image rude des vins sudistes, car le climat de la vallée de l’Ibie est beaucoup plus frais que ce qu’on imagine: on gagne donc en acidité. Et la liberté au quotidien? C’est surtout la possibilité de combiner une grande variété de cépages. «Je change les assemblages presque tous les ans, en fonction du millésime et de mon envie. Si je devais reproduire la même chose tous les ans, aboutir à une cuvée répétitive, je me sentirais emprisonné.» Sa liberté pour le blanc Nedjma 10-11, c’est de mélanger à la fois les raisins (viognier, roussanne, muscat) des deux millésimes 2010 et 2011. Pour son rosé qu’il ne vend pas, c’est de mettre de la syrah de 2008 avec du viognier de 2009. Les rouges sont des vins gourmands de soif que les œnologues conventionnels voudraient voir bus dans l’année. Mais il ne faut surtout pas hésiter à faire vieillir les vins de Gilles Azzoni pour lesquels l’acidité volatile agit comme un joli conservateur. Brân 2005 (syrah, cabernet et grenache) est toujours riche, évolué mais parfumé. Et on croque à nouveau la peau du raisin, véritable signature du vigneron. Quant à Hommage à Robert 2006 (merlot, grenache, alicante) bu cinq ans après la mise, la bouteille embaume littéralement la pièce. C’est une véritable bombe de fruits rouges encore croquants, pas du tout fanés comme on aurait pu le croire. On est bien loin d’un «petit vin». Prochain challenge: faire des BIB de 3 l garantis sans ajout de soufre et les voir en vente chez le caviste à prix d’ami. Car ce qui frappe aussi chez Gilles Azzoni, c’est le prix de ses bouteilles: de 5 à 10 euros au domaine. Pour des vins si bien travaillés, c’est une aubaine. «C’est ma volonté de faire des vins abordables. Je suis d’origine modeste et je tiens à ce que mes amis d’enfance puissent boire mon vin. Je ne suis pas propriétaire, mon matériel est payé depuis longtemps, donc mes coûts de production sont faibles. Je fais des rendements de l’ordre de 40 à 60 hl à l’hectare selon les cépages, ce qui est suffisant pour faire mon style de vin.»
Gilles Azzoni – Mas de la Bégude – Le Raisin et l’Ange
Agriculture biologique, vin naturel Appellation : Vin de France Les Sallèles 07170 – Saint-Maurice-d’Ibie 04 75 94 70 10 • http://raisinetlange.canalblog.com • gilles.azzoni@gmail.com
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Olivier Baguet
sous le chapeau profilé Olivier «B» vit à Méthamis, village collé au mont Ventoux. C’est planqué, paumé. «On ne passe pas à Méthamis, on y vient!» Et Olivier, lui aussi, se cache un peu: sous un chapeau, sous cette initiale B, sous ce profil en négatif sur ses étiquettes. C’est sa petite com’ à lui. Vigneron depuis 2000, il travaille en rouge, en blanc, en bio (en Provence, ça devrait être obligatoire, dit-il en plaisantant), avec quelques sulfites pour tout intrant. Environ 6 ha, sous l’appellation Ventoux. Cette appellation mal aimée, mal réputée, qu’il masque pour mieux la défendre: dans les salons, les dégustations, Olivier placarde des posters, joue du chapeau, met de la musique, distrait ainsi l’attention des passants, lesquels, s’ils lisent «Ventoux», passent, précisément, sans s’arrêter. Son Ventoux tapi dans l’ombre, il leur fait alors goûter ses vins; souvent ils aiment et demandent ce que c’est: Olivier leur dégaine aussitôt le Ventoux, et explique… Qu’il n’y a pas de petites appellations, seulement de vilains vins? Il n’a pas dit ça, mais on le dira pour lui. Pour comprendre mieux, on attaque la cuvée fondatrice d’Olivier B, en blanc et surtout en rouge: «Les Amidyves». Nom tordu? Il faut entendre: «Les amis d’Yves», en hommage à un ami disparu. Les Amidyves 2007, grenache et syrah, un brin d’élevage. C’est un vin qu’on sert à des amis, comme on leur présenterait une distraction franche, sans manières. Mais le vin n’est pas simple: il bombarde un fruit massif, une puissance de cyclope avec son œil dans le goulot, le tout vaporisé par une fraîcheur aiguisée aux herbes. Goûté puis regoûté à un an d’intervalle, le vin se buvait de mieux en mieux.
le guide des vins qu’ont d’la gueule
RHÔNE
Les Amidyves rouge 2006. D’abord, un bel impact de cassis, puis d’autres arômes, mentholés, quelques olives, des herbes, la garrigue, de la fraîcheur, c’est complexe – et la puissance du vin (qui titre 15°) fait lever la tempête et mélange tout… On le dévore, et on ne cesse d’être surpris du zigzag entre complexité et facilité qu’opère ce vin indiscutable. Difficile de trouver du 2006 aujourd’hui, mais il donne une idée de la qualité d’évolution des vins du domaine: 6, 8 ans? Sans sourciller! En ce moment, on profitera surtout des 2008 et 2009. Dans la même veine, ils racontent leur millésime, leur histoire. Et Olivier vend ses Amidyves 12 euros (7-8 aux pros). Du coup, il n’est pas riche (ce n’est pas le but). Mais il sait bien que si ses Amidyves s’appelaient Châteauneuf-du-Pape «personne ne lui en voudrait de retourner le 12 pour faire 21!» Raison de plus pour se procurer un ou deux cartons de ses vins. En blanc, Jade 2009 est un alliage de cépages vendangés à des maturités différentes. Ce qui donne un vin au nez moelleux (miel, pain d’épices) mais d’un gras bien sec en bouche. Ovni vite englouti. Quelques cuvées plus confidentielles sont conçues, comme La Première 2007, qui a rempli précisément 1002 bouteilles: une poigne de Porto au nez d’abord, mais c’est de la syrah, avec 18 mois de fût, et un résultat velouté, captivant sur un fruit intense, du lourd… Olivier, généreux à vous filer sa chemise, fait des vins qui donnent tout. Début 2011, Olivier Baguet a failli arrêter d’être Olivier B: «C’est trop compliqué, je ne m’en sors plus.» Mais un paquet d’amateurs, qui le suivent notamment via Internet, ont aussitôt réagi, lancé une opération de soutien. Et ça a pris de manière assez fulgurante. Au final, en une poignée de mois, plus de 20 000 euros de vin vendu, des articles dans la presse, des passages à la télévision, pour ce vigneron «sauvé par des blogueurs». Fin juin 2011, Olivier annonçait avoir acheté le hangar qu’il louait jusqu’alors pour entreposer ses vins, et être bel et bien «vivant». Autre bonne nouvelle, Julien, son fils de 18 ans, pourrait bien le rejoindre dans les vignes cette année. En attendant, Olivier fait des tours de France, présente son vin d’est en ouest, et surtout, il continue d’avoir envie. Chapeau bas!
Olivier Baguet – Olivier B
Agriculture biologique Appellation : Ventoux Quartier Bel-Air – 84570 Méthamis +33 (0)6 25 39 08 60 • http://vigneronajt.centerblog.net • obvigneron@free.fr
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Olivier Baguet
sous le chapeau profilé Olivier «B» vit à Méthamis, village collé au mont Ventoux. C’est planqué, paumé. «On ne passe pas à Méthamis, on y vient!» Et Olivier, lui aussi, se cache un peu: sous un chapeau, sous cette initiale B, sous ce profil en négatif sur ses étiquettes. C’est sa petite com’ à lui. Vigneron depuis 2000, il travaille en rouge, en blanc, en bio (en Provence, ça devrait être obligatoire, dit-il en plaisantant), avec quelques sulfites pour tout intrant. Environ 6 ha, sous l’appellation Ventoux. Cette appellation mal aimée, mal réputée, qu’il masque pour mieux la défendre: dans les salons, les dégustations, Olivier placarde des posters, joue du chapeau, met de la musique, distrait ainsi l’attention des passants, lesquels, s’ils lisent «Ventoux», passent, précisément, sans s’arrêter. Son Ventoux tapi dans l’ombre, il leur fait alors goûter ses vins; souvent ils aiment et demandent ce que c’est: Olivier leur dégaine aussitôt le Ventoux, et explique… Qu’il n’y a pas de petites appellations, seulement de vilains vins? Il n’a pas dit ça, mais on le dira pour lui. Pour comprendre mieux, on attaque la cuvée fondatrice d’Olivier B, en blanc et surtout en rouge: «Les Amidyves». Nom tordu? Il faut entendre: «Les amis d’Yves», en hommage à un ami disparu. Les Amidyves 2007, grenache et syrah, un brin d’élevage. C’est un vin qu’on sert à des amis, comme on leur présenterait une distraction franche, sans manières. Mais le vin n’est pas simple: il bombarde un fruit massif, une puissance de cyclope avec son œil dans le goulot, le tout vaporisé par une fraîcheur aiguisée aux herbes. Goûté puis regoûté à un an d’intervalle, le vin se buvait de mieux en mieux.
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RHÔNE
Les Amidyves rouge 2006. D’abord, un bel impact de cassis, puis d’autres arômes, mentholés, quelques olives, des herbes, la garrigue, de la fraîcheur, c’est complexe – et la puissance du vin (qui titre 15°) fait lever la tempête et mélange tout… On le dévore, et on ne cesse d’être surpris du zigzag entre complexité et facilité qu’opère ce vin indiscutable. Difficile de trouver du 2006 aujourd’hui, mais il donne une idée de la qualité d’évolution des vins du domaine: 6, 8 ans? Sans sourciller! En ce moment, on profitera surtout des 2008 et 2009. Dans la même veine, ils racontent leur millésime, leur histoire. Et Olivier vend ses Amidyves 12 euros (7-8 aux pros). Du coup, il n’est pas riche (ce n’est pas le but). Mais il sait bien que si ses Amidyves s’appelaient Châteauneuf-du-Pape «personne ne lui en voudrait de retourner le 12 pour faire 21!» Raison de plus pour se procurer un ou deux cartons de ses vins. En blanc, Jade 2009 est un alliage de cépages vendangés à des maturités différentes. Ce qui donne un vin au nez moelleux (miel, pain d’épices) mais d’un gras bien sec en bouche. Ovni vite englouti. Quelques cuvées plus confidentielles sont conçues, comme La Première 2007, qui a rempli précisément 1002 bouteilles: une poigne de Porto au nez d’abord, mais c’est de la syrah, avec 18 mois de fût, et un résultat velouté, captivant sur un fruit intense, du lourd… Olivier, généreux à vous filer sa chemise, fait des vins qui donnent tout. Début 2011, Olivier Baguet a failli arrêter d’être Olivier B: «C’est trop compliqué, je ne m’en sors plus.» Mais un paquet d’amateurs, qui le suivent notamment via Internet, ont aussitôt réagi, lancé une opération de soutien. Et ça a pris de manière assez fulgurante. Au final, en une poignée de mois, plus de 20 000 euros de vin vendu, des articles dans la presse, des passages à la télévision, pour ce vigneron «sauvé par des blogueurs». Fin juin 2011, Olivier annonçait avoir acheté le hangar qu’il louait jusqu’alors pour entreposer ses vins, et être bel et bien «vivant». Autre bonne nouvelle, Julien, son fils de 18 ans, pourrait bien le rejoindre dans les vignes cette année. En attendant, Olivier fait des tours de France, présente son vin d’est en ouest, et surtout, il continue d’avoir envie. Chapeau bas!
Olivier Baguet – Olivier B
Agriculture biologique Appellation : Ventoux Quartier Bel-Air – 84570 Méthamis +33 (0)6 25 39 08 60 • http://vigneronajt.centerblog.net • obvigneron@free.fr
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Alexandre Bain
le sauvignon comme on l’m Il est de ces appellations dont on prend plaisir à voir des vignerons venir la dépoussiérer. Nous proposer d’autres choses, éveiller notre curiosité, nous interpeller, nous raconter une histoire, toute belle, toute nouvelle. Pouilly-sur-Loire, à une quarantaine de kilomètres au Nord de Nervers. Et quelques kilomètres encore au nord, Tracy-sur-Loire. C’est ici, dans le hameau de Bois-Fleury, qu’Alexandre Bain s’est installé, en 2007, en appellation Pouilly-Fumé. Petit-fils de paysan, passé par un BTS viti-œno à Beaune, ayant fait ses armes dans différents vignobles, ce sont différentes rencontres qui le guideront vers le vin naturel. Rencontres avec des vignerons bio tout d’abord, puis avec des vins et des vignerons naturels, notamment avec Sébastien Riffault et ses Sancerres, qui vont l’amener à se tourner réellement vers le vin naturel. Aujourd’hui, à la tête d’un domaine de 9 ha, il pratique des agricultures biologique et biodynamique certifiées. Son objectif: proposer au consommateur des vins authentiques, naturels, qui aient des choses à raconter. Et pour cela, il faut que la vigne s’épanouisse sur un sol vivant. Alors vient la nécessité de travailler la vigne, le sol. Le travail du sol ici n’est pas un vain mot. Alexandre Bain le réalise le plus possible avec Phénomène, son cheval de trait percheron, pour éviter le tassement du sol et protéger la vigne. Un travail qu’il souhaite, totalement à terme, sans mécanisation.
le guide des vins qu’ont d’la gueule
LOIRE
Le raisin n’est pas cueilli en sous maturité. Ça tombe bien, sur le sauvignon, ça ne donne pas de très belles notes et ne procure que peu de plaisir. Le sauvignon est donc cueilli en légère surmaturité, et une fois au chai, peu d’intervention du vigneron: aucun produit œnologique n’est ajouté pendant la vinification, le vin ne subit ni chaptalisation, ni levurage, ni collage. Le vin seul suit son chemin, le vigneron n’intervenant pas. Accompagner le vin. Le laisser refléter les particularités de son terroir, de son millésime, mais aussi du travail du vigneron. Ce qui ne va pas sans poser de problèmes quand il s’agit d’obtenir l’appellation. Il dérange. Un peu. Mais au-delà de l’appellation elle-même, les vins produits par Alexandre Bain sont d’incroyables pépites qu’on a plaisir à ouvrir, à découvrir, à goûter. Chacune de ses bouteilles étonne, fait redécouvrir un cépage, un terroir, avec un autre point de vue, plus frais, plus audacieux. La volonté de bien faire, la franchise, un soupçon de malice en plus. Pour une fraîcheur sans prise de tête, la cuvée de Pouilly-Fumé Spring 2011 est un joli sauvignon élevé 8 mois. Au nez, arômes floraux, de la pomme, et une acidité toute vive, toute fringante en bouche. Un vin de printemps, mais surtout une quille à dégoupiller quand on a envie de légèreté, de fraîcheur immédiate. Autre Pouilly-Fumé, la cuvée Pierre Précieuse 2010; cette cuvée «domaine» revêt désormais un nom à part entière. Pierre Précieuse est donc née en 2010, et il n’y pas que le nom qui change. Le vin se fait plus droit, plus précis, plus fin, l’attaque est minérale, la longueur admirable. Ça tranche, vif. La tension est là, le fruit est mûr comme il faut, le tout s’équilibre parfaitement. Ça réveille sérieusement les papilles et on oublie tout ce qu’on sait sur le Pouilly-Fumé. Et puis il y a la grande Mademoiselle M 2009. M comme Madeleine, la fille d’Alexandre Bain, née en 2007, année de l’installation d’Alexandre, qui a décidé de pointer le bout de son nez le jour où les vendanges étaient prévues. Est-ce là le secret de la belle maturité du raisin que l’on sent dans ce vin?… Mademoiselle M est un parfait équilibre entre puissance et finesse, entre une maturité présente, des notes oxydatives, des notes épicées, et en même temps une très grande pureté. C’est long, puissant et fin, un vin à apprécier pour lui-même, qui étonne et bouscule à chaque bouteille. Finalement, on ne lui demande pas autre chose, à Alexandre. Qu’il continue à nous surprendre. Longtemps.
Alexandre Bain
Biodynamie, vin naturel Appellation : Pouilly-Fumé Bois Fleury – 18, rue des Levée – 58150 Tracy-sur-Loire +33 (0)3 86 26 66 53 • www.domaine-alexandre-bain.com • alexandre.bain@orange.fr
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Alexandre Bain
le sauvignon comme on l’m Il est de ces appellations dont on prend plaisir à voir des vignerons venir la dépoussiérer. Nous proposer d’autres choses, éveiller notre curiosité, nous interpeller, nous raconter une histoire, toute belle, toute nouvelle. Pouilly-sur-Loire, à une quarantaine de kilomètres au Nord de Nervers. Et quelques kilomètres encore au nord, Tracy-sur-Loire. C’est ici, dans le hameau de Bois-Fleury, qu’Alexandre Bain s’est installé, en 2007, en appellation Pouilly-Fumé. Petit-fils de paysan, passé par un BTS viti-œno à Beaune, ayant fait ses armes dans différents vignobles, ce sont différentes rencontres qui le guideront vers le vin naturel. Rencontres avec des vignerons bio tout d’abord, puis avec des vins et des vignerons naturels, notamment avec Sébastien Riffault et ses Sancerres, qui vont l’amener à se tourner réellement vers le vin naturel. Aujourd’hui, à la tête d’un domaine de 9 ha, il pratique des agricultures biologique et biodynamique certifiées. Son objectif: proposer au consommateur des vins authentiques, naturels, qui aient des choses à raconter. Et pour cela, il faut que la vigne s’épanouisse sur un sol vivant. Alors vient la nécessité de travailler la vigne, le sol. Le travail du sol ici n’est pas un vain mot. Alexandre Bain le réalise le plus possible avec Phénomène, son cheval de trait percheron, pour éviter le tassement du sol et protéger la vigne. Un travail qu’il souhaite, totalement à terme, sans mécanisation.
le guide des vins qu’ont d’la gueule
LOIRE
Le raisin n’est pas cueilli en sous maturité. Ça tombe bien, sur le sauvignon, ça ne donne pas de très belles notes et ne procure que peu de plaisir. Le sauvignon est donc cueilli en légère surmaturité, et une fois au chai, peu d’intervention du vigneron: aucun produit œnologique n’est ajouté pendant la vinification, le vin ne subit ni chaptalisation, ni levurage, ni collage. Le vin seul suit son chemin, le vigneron n’intervenant pas. Accompagner le vin. Le laisser refléter les particularités de son terroir, de son millésime, mais aussi du travail du vigneron. Ce qui ne va pas sans poser de problèmes quand il s’agit d’obtenir l’appellation. Il dérange. Un peu. Mais au-delà de l’appellation elle-même, les vins produits par Alexandre Bain sont d’incroyables pépites qu’on a plaisir à ouvrir, à découvrir, à goûter. Chacune de ses bouteilles étonne, fait redécouvrir un cépage, un terroir, avec un autre point de vue, plus frais, plus audacieux. La volonté de bien faire, la franchise, un soupçon de malice en plus. Pour une fraîcheur sans prise de tête, la cuvée de Pouilly-Fumé Spring 2011 est un joli sauvignon élevé 8 mois. Au nez, arômes floraux, de la pomme, et une acidité toute vive, toute fringante en bouche. Un vin de printemps, mais surtout une quille à dégoupiller quand on a envie de légèreté, de fraîcheur immédiate. Autre Pouilly-Fumé, la cuvée Pierre Précieuse 2010; cette cuvée «domaine» revêt désormais un nom à part entière. Pierre Précieuse est donc née en 2010, et il n’y pas que le nom qui change. Le vin se fait plus droit, plus précis, plus fin, l’attaque est minérale, la longueur admirable. Ça tranche, vif. La tension est là, le fruit est mûr comme il faut, le tout s’équilibre parfaitement. Ça réveille sérieusement les papilles et on oublie tout ce qu’on sait sur le Pouilly-Fumé. Et puis il y a la grande Mademoiselle M 2009. M comme Madeleine, la fille d’Alexandre Bain, née en 2007, année de l’installation d’Alexandre, qui a décidé de pointer le bout de son nez le jour où les vendanges étaient prévues. Est-ce là le secret de la belle maturité du raisin que l’on sent dans ce vin?… Mademoiselle M est un parfait équilibre entre puissance et finesse, entre une maturité présente, des notes oxydatives, des notes épicées, et en même temps une très grande pureté. C’est long, puissant et fin, un vin à apprécier pour lui-même, qui étonne et bouscule à chaque bouteille. Finalement, on ne lui demande pas autre chose, à Alexandre. Qu’il continue à nous surprendre. Longtemps.
Alexandre Bain
Biodynamie, vin naturel Appellation : Pouilly-Fumé Bois Fleury – 18, rue des Levée – 58150 Tracy-sur-Loire +33 (0)3 86 26 66 53 • www.domaine-alexandre-bain.com • alexandre.bain@orange.fr
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