En 2013-2014, j'ai coordonné avec Éric Pasquiou les travaux des étudiants de 5e année de l'option art de l'École supérieure d'art et de design MarseilleMéditerranée. Nous les avons accompagnés tout au long de l'année dans leurs recherches plastiques et la rédaction de leur mémoire. En juin 2014, ils ont enfin présenté leurs réalisations devant le jury du diplôme de fin d'études, composé d'artistes et de théoriciens français rompus à cet exercice. Moi aussi, j'ai une certaine habitude de ce rituel pédagogique que, malgré la bienveillance de certains jurys – pas tous –, les étudiants redoutent : en effet, comment parler de son propre travail devant d'éminentes personnalités du monde de l'art ? Comment, malgré l'entraînement et la conviction, ne pas perdre ses moyens et se retrouver muet face à cet aéropage ? Curieusement, j'ai remarqué au fil des prestations une fluidité inhabituelle de la parole, une multiplicité de références insérées avec justesse dans les développements, des parallèles judicieux, voire des efflorescences poétiques qui ont parfois laissé pantois certains membres du jury. Face à ce florilège hétéroclite, j'étais surpris. Car j'avais beau connaître ces étudiants avec qui je travaillais depuis deux ans, j'étais loin de prévoir une telle diversité, un tel chatoiement verbal. Ce que je constate après coup, maintenant que j'écris ces lignes, c'est que la diversité des paroles de ces jeunes artistes issus de l'ESADMM reflète sans doute la belle hétérogénéité de leurs propositions plastiques : nul formatage, aucune « normalisation » à l'aune d'un prétendu « art d'école », pas le moindre syndrome d'imitation d'un quelconque « grand maître » dans tous ces travaux. Bien au contraire, j'ai eu une impression agréable, faussement flatteuse – car après tout je n'y étais pas pour grand-chose dans ces « tableaux » successifs qui constituent un diplôme. J'ai donc eu le sentiment très vif d'œuvres personnelles, tantôt embryonnaires mais prometteuses, tantôt déjà affirmées avec vigueur, qui mêlaient peinture, sculpture, photographie, vidéo, performance, dessin, installation, édition. Ainsi se concrétisent à l'heure d'un diplôme l'ambition d'une école généraliste et une pédagogie fondée avant tout sur le trajet personnel de l'étudiant, son projet singulier, indépendamment des médiums qu'il utilise. Si les résultats ont été légèrement inférieurs aux attentes de certains – ce qui après tout n'est qu'une situation banale de l'existence –, je garderai le souvenir de cette belle diversité, et de quelques météores qui dans un avenir proche zèbreront certainement le ciel de l'art contemporain. Brice Matthieussent
Charles Ahui Amand
4
Anaël Chauvet
6
Nadine Cholet
8
Géraldine Cormerais
10
Edwin Cuervo
12
Camille Faugeras
14
Célia Hay
16
Sandrine Julien
18
Kim Jung
20
Sati Mougard
22
Marion Navarro & Quentin Perrichon
24
Floriane Nobilet
26
Théo Ouaki
28
Aïcha Flore Ouattara
30
Émilie Pugnot
32
Pauline Rivière
34
Gwendal Sartre
36
Marc Simiakos
38
Andréa Simoes
40
Orestis Vellis
42
Ludivine Venet
44
Delphine Wibaux
46
CHARLAMAND (CHARLES AHUI AMAND)
Vidéogramme extrait du film Le retour de la momie, 2014, durée : 06' 03 Vidéogramme extrait du film Le sauvage ?, 2014, durée : 10' 23
DNSEP option art
Vue d'accrochage DNSEP 2014
charlamand@yahoo.fr
P4
Le retour de la momie La tradition Akan de Côte d’Ivoire exige souvent des pratiques ancestrales lors des funérailles pour éclaircir les raisons de la mort du défunt. Après des libations, le corps est interrogé et son cercueil suit tout un parcours à la recherche de son meurtrier, avant sa dernière demeure. Dans ce film, c’est le personnage momifié lui-même qui traîne son cercueil. Une sculpture mobile. Comme un zombie. Il va de la ville jusqu’au « lieu de l’art » où il finit par croiser un sculpteur classique au travail. La vidéo fait référence à un fait réel, le meurtre d’un étudiant africain sur le campus de Luminy à Marseille. Elle exprime aussi la réflexion que porte un jeune artiste africain arrivant en Europe, la renaissance que constitue le passage d’un art aux techniques traditionnelles à l’engagement dans des pratiques artistiques contemporaines. Le sauvage ? Une créature à la fois humaine et sauvage, évoluant dans un milieu naturel peuplé d’arbres, d’insectes, et d’animaux. Il écoute les vagues et le chant des oiseaux. Vêtu de son « ablakon de tapa » (cache sexe en écorce d’arbre), il se livre à des pratiques artistiques primitives. Comment trouver la liberté créative entre nature et culture au plus profond de la jungle dont la richesse anthropologique est aussi symbolique qu’économique.
ANAËL CHAUVET
Lampe rébuesque, 2014 Avoir une idée de génie, 2013 Meubler la conversation, 2014
DNSEP option design
Bureau étymologique, 2014
ana_el@hotmail.fr
P6
Un objet est banal lorsqu’il ne prend sens que dans un quotidien matériel non questionné. Or la non remise en question d’un quotidien matériel est un non-sens. Donc l’objet banal est un non-sens à questionner.
J’emploie l’expression au sens de rendre manifeste par toutes les possibilités du langage, plus particulièrement par celles du langage parlé et écrit, ce que l’on est, pense ou ressent. Rendre littérale l’expression, pour donner à lire une production et s’en servir comme référence à l’expérimentation et à l’innovation. La transformation du langage oral par un objet de la vie courante met en avant les liaisons possibles entre langue, champ sémantique et pratiques sociales. L’objet ou l’installation produite suggère davantage que sa propre utilité et sa propre forme.
Sophisme de l’objet quotidien
L’objet familier n’est aujourd’hui connu que par sa forme, sa fonction et le nom servant à le désigner. Qu’il s’agisse du plus petit ou du plus grand, du moins utile au plus usuel, l’utilisateur lambda ne remet en question aucun de ces éléments. Transformer l’objet, le rendre critique, porteur de sens nouveau et le rendre non familier, définit ma démarche autour des relations entre langue et objet. Mon travail se fonde sur une décomposition du mot désignant l’objet, et une recomposition où ne subsiste de familier que sa forme archétypale. Le rébus, l’expression ou l’étymologie, mis en œuvre dans mes créations, me permettent de questionner notre quotidien et ses pratiques, par de nouveaux objets et installations. Le rébus est un procédé d’écriture qui transforme les mots en phonèmes, puis en images. Ce jeu de langage, que l’on a tous pratiqué dès l’enfance, s’inscrit à l’intérieur d’une langue, dans une logique de visibilité/lisibilité. Le dessin devient “parlant” dans un système où il faut retrouver les “bons” mots. La polysémie de la langue me permet de jouer avec la polymorphie des formes, d’établir une grille de décomposition d’un objet pour pouvoir le recomposer de manière formelle sous de nouvelles productions : les objets rébuesques.
L’étymologie est la science qui a pour objet la recherche de l’origine des mots en suivant leur évolution à partir de l’état le plus anciennement attesté. Au même titre qu’une langue évolue, l’objet suit cette même logique historique tant dans sa forme que dans le mot le désignant. Le bureau me semble être l’un des mobiliers majeurs en termes de design et de terrain d’expérimentation qui couvre aujourd’hui encore de nombreux usages privés et institutionnels. “bureau”, autrefois appelé “burel”, est un mot provenant d’une toile appelée “bure”, utilisée par les religieux pour la rédaction manuscrite. Par translation d’une matière linguistique à un matériau de conception, le designer permet la transmission d’un savoir et ouvre l’interrogation liée à l’apport d’une toile remplaçant le plateau du bureau. Le mobilier quant à lui, en s’actualisant, permet l’ouverture de nouveaux champs sémantiques sans toutefois dénaturer sa fonction première.
NADINE CHOLET
Knacky, I want to break free, 2014, dimensions variables, pierres diverses, knacky, plafonniers en aluminium, bois, carton, charbon de bois, tissus
DNSEP option art
Cagoules, installation, 36 monotypes sur papier carotte (50 × 65 cm chaque), 3 cimaises sur roulettes.
nadine.cholet@gmail.com https://vimeo.com/choletnadine
P8
L’homme sans qualités 1 est devenu ce guérillero des temps modernes. L’impression (sérigraphie, gravure), la sculpture, l’installation vidéo ou encore l’action, sont les médiums par lesquels je tente de construire « […] une œuvre fluide, labile et politique, de résistance par rapport à une conception quantitative et strictement marchande de l’efficacité. » 2 Le monde devient alors un véritable terrain de jeux où la figure du terroriste est convoquée. Je manipule les objets, l’histoire, les attitudes, liés de près comme de loin à un esprit de contestation, souvent avec dérision ou absurdité. Multiplier les statuts, les fondements, les origines, les actions, me permet de neutraliser et déjouer les stéréotypes issus d’un inconscient collectif, mis en œuvre pour ouvrir les points de vue, les hypothèses, les fictions, les réalités. Ce qui semblait être l’image – la véritable, se voit désormais faire partie d’un ensemble, d’une communauté plus large, celle qui vient 3. Mobilité/circulation/implantation Désamorcer les figures de virilité Communauté/groupe/meute/ collectif Histoire/politique comme des matériaux Présence/absence Sculpture comme événement. Détournement et dérision « Ça a été » et « ça va venir ». « […] la révolution n’est belle que dans la conscience de son impossibilité. » 4 1 Robert Musil, L’homme sans qualités, Éd. du Seuil, Paris, 1956 2 Thierry Davila, Marcher, Créer. Déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du xxe, Éditions du Regard, Paris, 2002 3 Giorgio Agamben, La communauté qui vient, Théorie de la singularité quelconque, Éditions du Seuil, Paris, 1990 4 Dominique Baqué, Pour un nouvel art politique, l’art contemporain au documentaire, Éditions Flammarion, Paris, 2004
GÉRALDINE CORMERAIS Nephesh, 2012
DNSEP option art
Untitled 2, 2010
djinymail@yahoo.fr www.geraldinecormerais.tumblr.com/
P 10
C’est en immersion dans un environnement sauvage que se manifeste ma propre mythologie. Elle se traduit sous forme de rites qui me relient avec la Nature, au cours desquels l’essence du lieu jaillit sous forme de créature, d’entité. Mon approche créative est fondamentalement animiste, imprégnée des cultures primitives nordiques. Elle élabore la conception de costumes incarnant différents êtres, mais aussi des tissus, fourrures et objets disposés dans l’espace tels des vestiges de notre civilisation. Il pourrait s’agir de la fin du monde, ou plutôt d’un monde, celui que l’on considère comme réel, un monde tel qu’on le perçoit, et qui laisserait alors place à un univers où le désordre est roi. Mon principal médium est la photographie. Mon travail artistique est avant tout intuitif, éloigné de toute forme de concept. L’image se définit donc comme une empreinte, l’instant souvent figé de ce processus, sa finalité. Je considère mes photographies comme autant de tableaux, de fenêtres sur un autre cosmos. Suspendues dans le temps, dans l’espace, mes images s’efforcent de retranscrire une atmosphère vacillante entre songe et réalité, entre cauchemar et utopie, où règne l’absence de l’Homme et du Temps.
EDWIN CUERVO DNSEP option art
Action qui laisse une trace n°12, 2014, dimensions variables, ballon latex, chaux, liant
edwin_cuervo@hotmail.fr
P 12
Monceau d’objets, amas de formes, chahut de textures et de matières. Il ne s’agit pas de parler d’objets, mais de réseaux, de galeries creusés par le temps. De systèmes circulaires et osseux qui se dévoilent. Des sons, des spectacles et des sensations déclenchées par des légères et subtiles interventions. Des actions qui laissent une trace, en révélant la connexion, l’interface et le fonctionnement des volumes. Des corps qui changent de formes selon les conditions dans lesquelles ils évoluent, soumis à l’eau et à l’air, au froid et à la chaleur, à des phénomènes qui contribuent à leur formation, à leur mouvement et à leur métamorphose. Des matériaux qui se trouvent en tension entre leur fragilité et leur stabilité, leur préciosité et leur banalité. On assiste au résultat d’une expérience autour du matériau et de la forme, à un état présent qui a été et qui en deviendra autre.
CAMILLE FAUGERAS Sans titre, 2014, algues, assemblage
DNSEP option art
Sans titre, 2014, 50 × 65 cm, monotypes, papier recyclé
faugeras_camille@hotmail.com
P 14
« L’art Gutaï ne transforme pas, ne détourne pas la matière ; il lui donne vie. Il participe à la réconciliation de l’esprit humain et de la matière, qui ne lui est ni assimilée ni soumise et qui, une fois révélée en tant que telle se mettra à parler et même à crier. L’esprit la vivifie pleinement et, réciproquement, l’introduction de la matière dans le domaine spirituel contribue à l’élévation de celui-ci. » Manifeste Gutaï (1956)
Je pense qu’il ne peut y avoir d’art sans expériences sensibles individuelles. Ce qui m’intéresse a toujours été la substance qui constitue les corps, dont apparaît une structure composée de propriétés physiques propres et reconnaissables. Je développe une affinité à ces matières organiques dans mon travail, que je transpose au rang de matériaux en jouant de leurs propriétés comme moyens plastiques. Travailler avec ces matériaux implique la notion d’expérience, et donc de réaction et d’imprévu. Leurs apparences, leur nature même, me dictent une manière d’agir. J’entretiens avec eux un véritable dialogue dans le faire et la manière. J’attache une grande importance à entendre ce que le matériau me préconise dans son état premier, ses propriétés inaliénables et ses évidences qui induisent des formes d’assemblage, puis mon geste artistique l’emmène vers d’autres possibles et d’autres fins que celles qui lui était assignées. C’est cet espace d’opportunités qui provoque en moi le désir de travailler ces matériaux et qui fait apparaître nos discussions. La mise en œuvre se révèle alors comme l’affirmation de ce qui est instable, presque évanescent et donc vulnérable, me partageant entre inquiétude et attirance.
CÉLIA HAY
1 et 2 : Stigmates, 2013, 80 × 53 cm, tirages numériques
DNSEP option art
3 : Yesterday’s Ashtray in My Mouth, 2014, 60 × 40 cm, tirage numérique
janesuzy.hay@gmail.com www.celiahay.fr
P 16
Mes images photographiques et vidéo relèvent de mises en situations à travers lesquelles je représente des personnes (généralement seules) rentrées en elles, dans un moment d’attente ou d’errance. Je recherche quelque chose en l’autre, ce qui glisse de lui, ce qui m’échappe, une expérience intérieure. Je fixe ainsi des situations en suspens dans un équilibre fragile. Reste alors le latent, la suggestion d’un risque de basculement, les traces d’une action passée dont nous ignorons l’essence… J’associe ces images à d’autres photographies, des paysages périurbains désolés, des lieux en transition, qui fonctionnent comme une projection dans l’espace de l’errance des personnes que je photographie. J’envisage la prise de vue comme un cadre que je mets en place et dans lequel va pouvoir survenir quelque chose, à la manière d’une performance. Une relation s’établit entre le modèle et moi, sans laquelle les images ne peuvent se réaliser. Ces séances sont planifiées sur une durée longue (généralement de une à deux heures) afin de permettre au modèle de sortir de soi. Petit à petit, je vois ainsi son trouble d’être photographié se dissiper, de même que son désir de me satisfaire. L’image se fait alors dans le silence, un dialogue muet s’installe.
Ma série Stigmates pousse davantage la mise en œuvre de cette idée d’images performées. Les sujets, esseulés, semblent osciller entre extase et abattement. On découvre ici les traces d’un événement au sujet duquel on ne sait pas tout. Des marques de corde, des traces de griffure et autres empreintes sur les corps témoignent d’une certaine violence sous-jacente et contenue, d’un « jeu » d’épuisement des corps en amont de la prise de vue entre le modèle et moi. L’attente et la fatigue du sujet jouent un rôle important. La dernière photographie sera la juste image, non pas parce qu’elle est bonne mais parce qu’elle est vraie. Je m’efforce ainsi, à partir de l’espace défini de la mise en scène, de faire ressortir du réel.
SANDRINE JULIEN DNSEP option design
IMAGINE’AIRE, 2014, en collaboration avec l’agence Plateforme design
juliensandrine@live.com
P 18
IMAGINE’AIRE J’ai réalisé en 2014 le projet IMAGINE’AIRE dans le cadre d’une collaboration avec l’agence « plateforme design ». Il s’agit d’un principe d’aménagement de classes d’écoles maternelles qui offre aux enseignants et aux enfants un dispositif pédagogique à la fois précis et attentif aux apprentissages psychomoteurs, tout en permettant le développement de l’imagination de l’enfant, de par sa composition graphique et formelle non directive. IMAGINE’AIRE est élaboré selon un principe de jeu éducatif, un dispositif fonctionnel et esthétique formalisé suivant un univers graphique abstrait, composé d’une surface de jeu (au sol) et d’accessoires (mobiles), pour amener l’enfant à exercer sa capacité d’invention et à enrichir ses formes d’expression. Ce concept de jeu permet à l’enfant par une utilisation libre ou encadrée de développer différentes compétences : la motricité, l’éveil des sens, le langage, la spacialisation, l’observation, la socialisation. IMAGINE’AIRE a été réfléchi pour être placé au centre de l’espace regroupement de la classe, organisé à la fois en lieu commun et temps collectifs, une des situations topologiques les plus caractéristiques de l’école maternelle.
KIM JUNG Orifice de doberman, 2014, tirage numérique
DNSEP option art
Sans titre, 2014, 150 × 300 cm, mine de plomb sur papier
kim.jung2902@gmail.com
P 20
La notion d’étrange apparaît au travers d’éléments étonnamment familiers. Orifice de Doberman, étrange visage à la symétrie parfaite et aux couleurs vives. Peau de saucisson, paysage montagneux et lointain aux cols enneigés, macro devenant l’inaccessible lointain, creusant les plis, sculptant les courbes. Frôlant la mythologie, les sous-sols de la vie nous cachent parfois une faune fertile où évoluent, le cœur battant, d’étranges animaux, imaginaires et assemblés de toutes pièces. Êtres qui auraient pu sortir de la richesse mythologique. À la fois érotiques et loufoques. Quand le réel nous lasse, alors bascule le monde. Ce que l’on connaît s’efface. Une seconde suffit alors, pour que trépassent nos fondements, laissant la place à un réel qui nous ment. Sans tremblement, notre conscience nous permet de transcender ce que l’on connaît. Aux confins de la chair, aux creux des plis, un recoin. Titillant la chair, la mine du crayon ou la pointe en fer nous dévoilent ce qui à nos yeux peut paraître banal. Usant les outils pour surprendre un instant, dévoilant l’humanité cachée d’un chien mouillé. Mettant à l’épreuve le sens de l’observation, surgissant du fin fond de l’âme, ce regard subjectif et particulier laisse le droit aux autres de penser que tout ceci est bien loin de leur réalité. Quand le réel se laisse dompter par l’image que l’on renvoie de lui, on se laisse le droit d’imaginer que de nombreuses possibilités auront le droit d’émerger des « plus belles » techniques telles que la photographie, la gravure ou la vidéo.
SATI MOUGARD
Récolter, Semer (sculpture de voyage), filets, sacs, céramiques, objets divers (fonds de sacs, poches, tiroirs etc.), personnels ou donnés Ingravitables, métal, fourrure
DNSEP option art
Cellule de défense, crâne, plastique fausse ivoire, cire
satimougard@gmail.com
P 22
C’est une invitation. Le choix de s’en saisir, ou de laisser. En s’emparant du verbe, je sens. Porter, amasser, gravir, traîner, caresser, empêcher, frôler, piquer, jouer, couper, réparer. Je suis. Ce sont des objets revêtus d’hérésie qui rappellent… On identifie puis on préfère se perdre. Des indices germent. Le doute s’en empare et nous renvoie à la migration des symboles et des formes. Il y a un dialogue à plusieurs voix, plusieurs temps, plusieurs savoirs. Chaque petite chose a une voix. Les conclusions se taisent. Dans cette infinie étendue, je choisis, j’extraie, j’accorde. Les recherches agissent dans un désir inassouvi. Un paroxysme qui rode et flirte avec les cimes pour en un instant se recroqueviller en s’enfonçant lui-même les membres autrefois culminants. Un effort est attendu [L’effort est celui d’un être vivant].
MOUNTAINCUTTERS (MARION NAVARRO & QUENTIN PERRICHON)
Bolus II, 2014, résine, grillage, ciment
DNSEP option art
P 24
contact@mountaincutters.com www.mountaincutters.com
TU DEVAIS ENROULER UN MOMENT SOUS TON BRAS, CAR IL N’Y A PAS DE PRISES POUR LE PORTER. LE PRENDRE PAR LE CORPS, DES NATURES SANS ORDRES, DÉCONTENANCÉES. ACCROCHE-LE DE FORCE, PLUS QUE QUELQUES MINUTES. LE TEMPS DE TRANSFORMER CHAQUE PARCELLE EN GRAVATS. DES SILENCES DÉTERRÉS, RAMENÉS À LA SURFACE DU LANGAGE, VISIBLES À L’OMBRE. VISIBLES SUR DES CHAISES, UN RÉSEAU PLANTÉ À L’ENDROIT. UN TISSU RONGÉ GRAVEMENT, DANS SON AMPLITUDE. LA GLAISE SÈCHE, ÉTENDUE LE LONG DU CENTRE DES PÉRIMÈTRES. AVEC DES LIGAMENTS ABÎMÉS, DES PERTES À L’INTÉRIEUR DES CONTINENTS. DES GROUPES INCALCULABLES, GROSSISSANTS PAR RAPPORT AUX SATELLITES, AGONISANTS SOUS LA BÂCHE GÉMISSANTE. MOLÉCULE SOURDE.
FLORIANE NOBILET DNSEP option art florianenobilet@hotmail.fr
Je rentre. Face à moi, un socle. Sur une TV, on peut lire « 0e97 ». À gauche, une photographie. Un clown dans une salle de repos. Une série de Selfies : des candidats aux élections présidentielles de 2012. Des espaces vides. CD, brochures et dépliants d’expériences, on se croirait dans un supermarché épuré. Au loin, un « Bonjour » m’interpelle, il se répète. Encore et inlassablement pendant 6' 04. Un objet fait de palettes, de cadres en fer, de roues de desserte. Dessus, la projection d’une photographie, état d’un chemin parcouru ; Le Printemps de l’Art Contemporain de Marseille. Au fond de la salle, une écriture parallèle. Je bulle.
P 26
Imprégnée dans sa jeunesse de la culture de consommation, du culte du travail et de la télévision, Floriane Nobilet a su développer un regard critique sur cette société du bien-être non sans cynisme. Elle s’interroge sur le travail et les conditions humaines d’existence. Elle se fait employer et elle accepte des situations particulières dans un but artistique sous-jacent. Elle joue à jouer des rôles : journaliste sur les conditions de vie de la banane dans les entrepôts aux M.I.N. des Arnavaux à Marseille ; reporter envoyé spécial sur les meetings politiques des candidats en campagne lors des élections présidentielles de 2012... Elle décide de construire son propre travail et s’improvise marchande de poissons d’avril sur le Vieux-Port de Marseille jouant de mimétisme avec une poissonnière ambulante. Ces poissons sérigraphiés n’ont pas d’esthétique particulière, ils sont là pour engager un contact avec le chaland. Elle annote au verso des phrases, paroles de Marseillais recueillies pour l’occasion.
Ses évènements ne sont pas la construction d’une réalité, mais la création d’une possibilité, celle de son engagement artistique, social et politique. Elle se questionne sur l’engagement de l’artiste et débutera prochainement une série d’entretiens avec des artistes proches de ses aspiration du moment, notamment Matthieu Laurette et Régis Sauder. Il y a toujours une rencontre. Est-ce la construction d’un récit comme identité ? Une forme de travail pour l’artiste ? Elle cherche comment rendre compte de son investigation. En activant ses pièces par sa présence ? Et pourquoi pas ?
THÉO OUAKI Beninnoiserie, 135 × 190 cm, techniques mixtes
DNSEP option art
Pool fool, 190 × 130 cm, techniques mixtes
ouakiman@yahoo.fr http://ouakiman.wix.com/theoouaki
P 28
On parle de palimpseste pour un objet qui se construit par destructions et reconstructions successives, tout en gardant la trace des différents passages. Ma peinture tient en cela du palimpseste. Elle se définit dans une constante réécriture et se construit par le recouvrement, l’empilement et l’accident. Elle produit un travail qui puise son inspiration à la fois de l’Art Brut et du Graffiti. Les grands formats autorisent un geste proche de celui de « faire le mur ». L’écriture se transforme en dessin. Cette peinture est une bande-dessinée sans case où l’on croise des formes anthropomorphes : des chimères à mi-chemin entre l’homme et l’animal, un bestiaire des bas-fonds. Mon travail explore un panorama de techniques picturales : la sérigraphie, le dessin et la peinture. Cette forme de peinture est une manière paradoxale, elle est pleine de contradictions. Elle offre une opposition entre ce que l’on voit et ce qui est caché. Il en découle une peinture mobile qui évolue avec le regard à mesure d’explorations visuelles. On passe de l’infiniment grand à l’infiniment petit. C’est une peinture dense, pleine, où tout est question d’équilibre entre saturation et respiration. De la peinture massive se révèle un dessin où se tissent les images. Il se produit également une confrontation entre les médiums. Cela va de la toile brute ou apprêtée aux outils utilisés. Les médiums « bâtards », issus de la rue, entrent en conflit avec les outils « nobles » conçus pour l’Art, pour faire œuvre d’images. Une guerre sociale s’opère sur la surface du tableau.
Á travers ce chaos et cette violence se réalise une tentative de mettre de l’ordre dans le désordre, un désordre qui s’empile comme un palimpseste du savoir. Les toiles agissent comme de grandes palettes de peintre, non pas faites de couleurs mais de fragments d’histoires et d’influences. Chaque tableau représente un manifeste pour la générosité picturale, dont l’inspiration vient essentiellement de la vie ordinaire du monde, des voyages et de l’observation des gens qui l’habitent, un ensemble de choses de l’ordre des mimiques du quotidien.
AÏCHA FLORE OUATTARA DNSEP option design
L’arbre à palabre, 2014, place d’Homère, rue d’Aubagne Marseille
aichadesign@gmail.com http://aichaflore.tumblr.com
P 30
Mon expérience de vie en milieu urbain m’a amenée à me dire que pour vivre mieux la ville, il faut avoir de la nature autour de soi, discuter avec ses voisins, et avoir une pratique sportive pour favoriser une bonne santé. J’ai mené mon projet de diplôme dans cet esprit, à Marseille, dans le quartier Noailles. Un collectif d’habitants de ce quartier s’est approprié les trottoirs de leurs rues et y a planté de la végétation. Pour s’investir dans ce projet de végétalisation de l’espace public, les riverains devaient participer à des assemblées de sensibilisation organisées au sein d’une institution (l’association Les milles pattes). Il était difficile pour certains d’entre eux de franchir les portes de l’association. Le constat de cette situation m’a donné la volonté d’agir pour permettre au plus grand nombre de participer à ce projet. J’ai rencontré à cet effet le collectif et je leur ai présenté l’idée de L’arbre à palabre (endroit où l’on échange des informations) : au lieu de se réunir dans un lieu clos et un espace privé, il était possible de réaliser un endroit ouvert où les habitants et les personnes extérieures au quartier viendraient spontanément et librement proposer leurs idées sur la végétalisation. À partir d’un mode d’emploi que je leur ai montré, ils ont réalisé eux-même leur arbre à palabre.
ÉMILIE PUGNOT DNSEP option art
Les Gjorgejevikj, 2011 – travail en cours
emiliepugnot@gmail.com www.emiliepugnot.fr
P 32
Il y a Vesna, la mère, Ranko, le père et leurs 3 enfants, Mirko, Marko et Jasmika. Je les connais depuis plus d’un an et je fais maintenant partie de la famille. Nous nous parlons dans un italien approximatif. Ils viennent de Macédoine et ils ont passé de longues années en Italie, où les enfants sont nés. Depuis 2011, les Gjorgejevikj vivent dans un « appartement-relais » à Grenoble. Ils se lèvent vers midi, boivent du café, fument toute la journée, passent le temps en parlant sur Skype avec la famille. Les garçons s’inventent de faux profils Facebook. Leur caravane a brulé dans un incendie en France. Un ressortissant macédonien leur voulait du mal, une histoire d’argent. Cet homme pensait d’abord enlever la mère, puis la fille, pour la donner à son fils. Il a finalement décidé de faire partir en fumée leur caravane. Il ne leur reste plus que quelques photos abîmées et les vêtements qu’ils portaient. Il n’y a pas grand chose sur les murs, peut-être parce qu’ils devront partir dans un ou deux ans. Sans qu’ils m’en parlent, je sens que ce n’est pas facile de devoir attendre qu’il arrive quelque chose, des papiers ou un travail. Ils ne sortent pas, sinon pour acheter plus de viande et de pain au grand Carrefour en face. Le père a depuis quelques mois une pelade qui lui fait tomber les cheveux sur une partie du crâne, il paraît que c’est à cause du stress. La fille que j’avais vue lors de ma première visite est retournée en Italie, elle s’est réconciliée avec le mari qu’elle avait épousé à 16 ans et peut à nouveau revoir son fils.
J’ai une réelle fascination pour la mère. Elle donne l’impression d’une femme dure et mécontente mais c’est un vrai pitre. Elle ne veut pas apprendre le français, parce que c’est trop difficile. J’ai beau lui dire que c’est proche de l’italien, elle est têtue. Les deux garçons sont séparés de leur femme. Elles sont avec leurs enfants en Italie. Ils en cherchent de nouvelles ici. Du coup, ils sont là, ils s’occupent de quelques papiers et de leur nouvelle voiture, une BMW avec des sièges en cuir.
PAULINE RIVIÈRE
Homme de paille, Pont-Trambouze, 2014, 25 x 20 cm, encre sur papier La fête au village (extraits), 2013-2014, roman graphique sur la fête des conscrits en Beaujolais
DNSEP option art
Jour de fête, vue d’installation DNSEP 2014
pauline-riviere@live.fr http://paulineriviere.tumblr.com
P 34
Par le dessin et l’édition, je manipule des images ordinaires, navrantes et belles. Mon travail artistique interroge nos images contemporaines. Je prélève mon matériau principalement dans le flux d’internet. Dans ces images banales, à priori « sans-art », dans ces images d’amour (qui font figures de valeur sentimentale) sommeille un véritable potentiel de puissance. Je questionne les liens entre art populaire, art modeste et culture savante. Je recherche le pittoresque de la ruralité dans l’imagerie des fêtes et des rites. Il s’agit de célébrer les gens anonymes, les pratiques d’amateurs et la rubrique des chiens écrasés. Les chars de fleurs en papier crépon ont aussi leur importance. Est-ce catastrophique ? Est-ce fabuleux ? J’aime que les images circulent. La pratique de l’édition est un moyen simple de manipuler, de re-présenter et de diffuser des images, de les faire voyager (sous forme de cartes postales ou de timbres, par exemple). Elles deviennent prétextes à des rencontres, des interactions et des collaborations.
GWENDAL SARTRE
Vidéogramme extrait du film Mirador, 2010, 28'5 Vidéogramme extrait du film La guerre, 2011, 13'10
DNSEP option art
Vidéogramme extrait du film Les Énervés, 2014, 25'
gwendalsartre@yahoo.fr www.gwendalsartre.com
P 36
Je me suis toujours nourri d’expériences plastiques diverses et je n’ai pas de dépendance vis-à-vis du format cinématographique. Je me sens proche de l’art, du concept, de la peinture, mais essentiellement dans un désir de fiction. Je suis entré en école d’art (à Marseille) avec une idée de peinture mettant en œuvre des techniques acquises en cours de dessins académiques. La musique – je compose également –, et surtout le cinéma, étaient déjà très importants. Ils constituaient pour moi une ressource de figuration alors que mon travail plastique en était dépourvu. Je pratiquais une peinture abstraite et lyrique qui m’a rapidement mené à une impasse. Filmer ouvrait un autre chemin, une sorte de libération pour mes images. J’ai pu faire l’expérience de pousser l’image filmique et son contenu de réalité vers l’abstraction et la poésie. Filmer devenait semblable à peindre, mais dans une démarche inversée. Le montage a été la découverte vitale de ces passages entre peinture et image filmée. Pour mon premier film, réalisé pendant ma deuxième année, je désirais être absolument seul derrière la caméra. La condition était de se perdre dans les montagnes, de créer la fiction et le film petit à petit, avec une équipe de quelques personnes, et d’écrire par l’errance. Apprendre ainsi à construire et à vivre avec des acteurs. J’ai continué dans cette voie avec d’autres sujets et d’autres méthodes de conception, toujours avec l’idée d’un cinéma qui cherche ses ressources ailleurs que dans le texte et la parole. Mes désirs sont multiples, chaotiques, et j’aime penser mon travail dans ces conditions.
MARC SIMIAKOS DNSEP option art marcsimiakos@live.fr marcsimiakos.wix.com/marc-simiakos
Le passager paratopiste La photographie n’a pas vocation à déréaliser. Elle renvoie l’exactitude du reflet de la réalité. Mon intention s’inscrit dans la pratique de la photographie performée. Entre réalisme et onirisme, j’entreprends une fiction irrationnelle. Mes photographies se rapprochent d’un univers mental, une perception parallèle du réel dans laquelle je mets en scène mon « alter-écho », le passager. Mon discours s’inscrit entre l’utopie et la dystopie, une navigation alternative, la paratopie. Chaque photographie est un récit tronqué qui représente l’errance du passager dans une tentative de survie incongrue. Ce sont souvent des auto-mises en scène, dans lesquelles la gestuelle performative et les dispositifs sont mis au service de la photographie. Cette perception intime est toujours composée selon le point de vue du spectateur dans l’optique d’être partagée. Une perspective immersive qui invite le regard du spectateur à se perdre, durant un instant, pour être témoin de ces événements qui ne se sont jamais passés.
Sans titre, 2014 Sans titre, 2014
P 38
ANDREA SIMOES
Supracartes : 2014, 56 cartes au format 88 × 63 mm, sérigraphie sur papier Maya 270 gr coloré.
DNSEP option design
Suprapaquet, 2014, 64 × 89 × 22 mm, sérigraphie sur papier Maya 270gr coloré.
simoes.drea@gmail.com www.supraordinaire.com
P 40
« Ce qui nous parle, me semble-t-il, c’est toujours l’événement, l’insolite, l’extra-ordinaire : cinq colonnes à la une, grosses manchettes. Les trains ne se mettent à exister que lorsqu’ils déraillent [...] » 1
Le quotidien doit-il laisser rouler tous ses trains ? Ces déraillements ont été les éléments déclencheurs qui m’ont permis d’établir une liste de plaisirs transgressifs : « #40 Pendant le repas, mâcher longuement et montrer le contenu de sa bouche à son voisin ». Certains manquements à la bonne conduite rendent le quotidien agréable et permettent à l’esprit de se relâcher. Le Supraordinaire (en écho à L’Infra-ordinaire de Georges Perec) est un instant agréable dans le quotidien, trop rare pour être ordinaire et trop commun pour être extraordinaire. Le Supraordinaire se traduit par des plaisirs transgressifs. Ils invitent à la régression, à l’abandon de la bienséance qui me parait rendre parfois le quotidien rigide. Un plaisir transgressif est un acte anodin qui prête à interaction et fait réagir. Il se fait avec plaisir et parfois avec malice. C’est un geste que tout le monde a déjà fait au moins une fois dans sa vie. Il est contrôlé et réprouvé durant les années qui conduisent à l’âge adulte car il ne fait pas partie des codes de bonne conduite, des convenances à adopter en société.
L’idée source de mon travail est d’insérer un grain de sable dans les rouages du quotidien. Pour cela, je mets en œuvre l’affichage (Supraffiches) et l’édition (Supracartes et Zigomil). J’incite la personne qui vit un quotidien morose à adopter un regard extérieur sur elle-même, sur les conventions qui l’empêchent de s’épanouir. À travers le Supraordinaire, je propose des armes pour un quotidien plus agréable. Je donne l’opportunité à celui qui regarde de faire des choix en soumettant l’idée que la bienséance entrave sa capacité à lâcher prise. J’offre l’opportunité à celui qui regarde de transformer son propre quotidien par une attitude décalée, par la dérision, par la fantaisie, par l’humour, tout en conservant le respect de l’autre et en réactivant les interactions sociales.
1 Georges Perec, Approches de quoi ? (1973) in L’Infra-ordinaire, édition du Seuil, 1989
ORESTIS VELLIS DNSEP option art oreste.v@hotmail.fr http://orestisvellis.carbonmade.com
Comme nous marchons sur cette Terre, notre expérience de cœurs à nouveau que la joie ravit, nous nous sommes sentis comme des enfants, quand nous avons d’abord découvert notre capacité à nous déplacer dans l’espace — la perturbation s’alternant à la restauration d’équilibre (de solde) qui marche. [...] Les corps (organismes) à travers la surface inégale de la terre et l’interaction infinie réjouissent notre esprit (alcool) des trois dimensions que nous rencontrons à chaque pas (étape), le changement, et le changement qui arrive avec le simple passage d’un nuage haut dans le ciel. Nous passons devant une roche (un rock), un tronc d’arbre, ou le feuillage touffu d’un arbuste ; nous nous déplaçons en haut et en bas, après l’essor et le déclin de la raison (terre), traçant ses convexités, qui sont les collines et les montagnes, et ses concavités, qui sont les vallées. [...] Nous méditons sur l’esprit (alcool) qui émane de chaque terrain (terre) particulier et endroit (place). Des forces naturelles, la géométrie de la terre et de la qualité de lumière, et l’air, choisissent ce terrain (terre) comme un berceau de civilisation. Comme j’ai marché à pas mesurés sur ce sol, comme j’ai voyagé à travers ce royaume de calcaire et d’argile, j’ai vu le changement (la monnaie) de calcaire dans un linteau ; et l’argile rouge colore les murs d’un lieu saint imaginaire. Les grands cailloux ronds de la Rivière (du Fleuve) Cladeus me sont apparus comme des responsables (têtes) de héros et les statues sur les frontons comme des montagnes. [...]
P 42
Les longs cheveux (poils) de Zeus sont devenus un précipice pur, et cette montagne de mille formes — que j’ai progressivement rassemblées comme j’ai marché à travers cela, recomposant dans mon avis (esprit) l’harmonie de ses contours — a pris la forme (le formulaire) d’une statue grecque.
LUDIVINE VENET DNSEP option art
Vue d’installation, DNSEP 2014
ludivine.venet@gmail.com http://ludivinevenet.blogspot.fr
P 44
Des sons mécaniques résonnent dans la salle. Comme si l’on se retrouvait dans une fabrique en activité. Une performance est en cours, deux machines en fonctionnement, deux vidéos projetées au mur, deux autres sur moniteurs montrent différentes manières d’aborder le dessin. Sur de fragiles portants en bois, des morceaux de papier encrés débordent de ces fines structures et nous embarquent dans un flux de lignes et de gestes. La spatialité entre en jeu, l’impression que les gestes tant libérés qu’élaborés se déploient autour de nous. Au-delà du trait, quelle image contient l’acte (de dessiner) ?
DELPHINE WIBAUX DNSEP option art
Témoin
wibaux.del@gmail.com www.delphinewibaux.fr
P 46
Des fragments de paysages, indices de territoire, définissent une partition en relief pour celui qui se déplace à travers cette installation et qui amène son regard au sol. J’ai déposé des strates de moments sur ces blocs terrestres, images témoins de constructions humaines rigides ou de végétations plus souples. Ces dépôts sont imprégnés à nu sur la pierre et sur des épidermes de céramique, dont les nuances de teintes provoquent de légers décalages temporels, comme le passage d’une saison à une autre. En suspension dans l’espace, à 2 mètres du sol, un système audio compose une constellation de blocs de son et diffuse des retranscriptions sonores de fréquences émises par plusieurs planètes et satellites naturels, respirations sonores extrêmement lointaines qui nous reviennent. Ces deux pôles — terrestre et aérien — se confrontent, créant un espace intermédiaire, un champ vibratoire où le corps peut se glisser.
Ce catalogue est une publication de l’École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée Présidente Anne-Marie d’Estienne d’Orves Directeur général Jean Mangion Directeur artistique et pédagogique Jean-Louis Connan Éditorial Brice Matthieussent Conception graphique Cécile Braneyre Images Cécile Braneyre et les étudiants diplômés Coordination éditoriale Luc Jeand’heur Coordination Valérie Langlais Remerciements à tous ceux qui ont permis la réalisation de ce catalogue et aux diplômés pour la sélection des visuels et pour leurs textes. ÉCOLE SUPÉRIEURE D’ART & DE DESIGN MARSEILLE-MÉDITERRANÉE 184, avenue de Luminy CS 70912 – 13288 Marseille cedex 9 T 04 91 82 83 10 – www.esadmm.fr L’École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée est un établissement public régi par le ministère de la Culture et de la Communication et soutenu par la Ville de Marseille. Elle est membre de Marseilleexpos, réseau de galeries et lieux d’art contemporain, de l’ANdEA, association nationale des écoles supérieures d’art et du réseau des écoles supérieures d'art de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Monaco.