La promotion 2016 de l’École supérieure d’art & de design Marseille-Méditerranée est la première à avoir suivi les enseignements concernés par les réformes, et à avoir inauguré de bout en bout la phase Master. À ce titre les étudiants·e·s ont essuyé un certain nombre de plâtres. Les deux tiers de ces étudiants·e·s ont suivi le cursus depuis la première année à Marseille. Cette promotion nous est donc apparue comme un terreau dans lequel la cohésion se posait comme élément central. En instaurant les galeries d’essais dès la quatrième année, notre organisation mettait au cœur de la pédagogie, la libération de la parole, et le regard porté par chaque personne sur le travail de ses condisciples. Différents modules comme le « retour vers le futur », journée de débriefing des voyages d’études, ou les sessions « air guitar », parler du travail sans le travail, furent l’occasion de réveiller cette dynamique. Le souci constant du groupe, a permis aux étudiant·e·s de pratiquer l’école et d’échanger avec l’équipe pédagogique au sens le plus large. Une recherche d’autonomie primordiale dans l’émancipation et la réalisation de chacun-e. Venise 2015 : première mise en œuvre manifeste de cet esprit de groupe. Le bus embarque tout le monde, sans oublier notre guest-star, et grande organisatrice Laurence Azzopardi. Le prétexte de la biennale, la présence de multiples situations et les positions diverses développées par les interventions des artistes ouvrent les échanges, qu’ils aient lieu autour d’un « arbre » de Robert Smithson ou d’un Spritz nocturne sur la place Saint-Marc vidée de ses touristes masqués. Berlin 2016 : guidé par Damien Mazières et Clémentine Roy, notre belle équipe aiguise et confronte ses derniers arguments critiques en arpentant les ruines de la reconstruction et les chantiers de la réunification. Et la nuit, sur les traces de Wolfgang Tillmans. Marseille 2016 : l’apothéose d’un diplôme. Le coaching généreux d’Evariste Richer et de Jean-Roch Bouiller, consolide une confiance en soi parfois chancelante. Le regard tout terrain de Malachi Farrell, la puissance d’analyse de Zahia Rahmani, la connaissance du territoire de Valérie Jouve, et la curiosité naturelle de Paul-Emmanuel Odin, accompagnent les étudiant·e·s dans ce rituel de passage. Les sangliers de Luminy se souviendront longtemps de la fête qui clôtura cette aventure collective. Sylvain Deleneuville et Lise Guéhenneux Coordinateurs de l’option art
Le rôle du créateur ne consiste pas à répéter éternellement, même avec d'infimes variations, les objets existants ni les opportunités « à la petite semaine ». L'enseignement a pour objet d'emmener les étudiant·e·s plus loin, pour les aider à élaborer une position, un engagement, une projection dans le monde au-delà d'une quelconque habileté de salon. L'école leur propose des situations qui mettent en question l'exercice même de l'art, du design, dans une perspective prospective qui renouvelle l'exercice tel que leurs enseignant·e·s le pratiquent. Parce que nos étudiant·e·s travailleront bien après nous, parce que l'engagement faible du savoir-faire séduisant ne suffira pas à élargir les géographies de l'art et du design, parce que le monde complexe, paradoxal et insatisfaisant dans lequel ils·elles s'inscrivent demande plus, plus de combativité, plus de culture, plus de pensée, plus d'exigence, parce que la vie sociale, la vie urbaine, est traversée de toutes parts d'insatisfactions, de conflits, d'incertitudes, l'art et le design doivent aller plus loin qu'un film de plus ou qu'un banc public plus solide ou mieux connecté. Et c'est en tentant, même maladroitement, d'être habité de toutes ces dimensions, qu'on peut espérer être synchrone avec son époque ; c'est en regardant un peu plus loin, au-delà du cadre, plus profondément en soi, qu'on peut définir un positionnement, à la fois singulier, cultivé et fécond. Allons au-delà en quelques lignes : l'enseignement est projet. Un projet explicite, partagé, entre professeurs bien sûr mais d'abord avec les étudiant·e·s. Un projet basé sur une connaissance critique des situations existantes, qui suppose une prise de risque, c'est-à-dire un positionnement indocile. Cette prise de risque est inhérente au projet d'enseignement ; elle doit être assumée par les étudiant·e·s en connaissance de cause. Pour ce faire, il est en permanence nécessaire de montrer, démontrer, pointer les chemins empruntés, proposer des déviations, des incursions. Là encore, la maladresse est pardonnable, la naïveté peut être soignée, mais le conventionnel, le conforme, la recherche de la sécurité, ne le sont pas. Le diplôme articule de manière essentielle et accomplissante cet acte d'émancipation ; il est le précipité des expériences, des tâtonnements, des essais en une proposition autonome, singulière et identifiante pour son auteur. Il est le moment béni (et stressant) où nos étudiant·e·s deviennent nos alter ego. Il est de fait, malgré ses dimensions conventionnelles, l'aboutissement d'une partie de nos efforts d'enseignant·e·s pour que les étudiant·e·s soient, à part entière, des artistes, des designers dans une forme de « naissance au monde ». Les relations entre nous ne s'arrêteront pas là, mais elles prendront dorénavant d'autres voies. Longue vie à tou·te·s. Ronan Kerdreux Coordinateurs de l’option design
Michel Bandali / Anna Mishina
6
Hugo Bourquelot-Chanel
8
Kévin Cardesa
10
Eléonor Chartier
12
Shih-Jung Chen
14
Tarik Chouial
16
Julien Favaro
18
Léna Fillet
20
Antoine Gautron
22
Simon Gerin
24
Maïlys Girodon
26
Florine Hamard
28
Raphaël Mahida-Vial
30
Grégoire Mazeaud
32
Aurélien Meimaris
34
Delphine Mogarra
36
Charlotte Morabin
38
Jonathan Puertas
40
Pablo Rocabert
42
Tom Rider
44
Margaux Salarino
46
Carine Santi-Weil
48
Nina Tomas
50
Zé Wei
52
Colette Youinou
54
MICHEL BANDALI & ANNA MISHINA DNSEP option design
ANDIL, 2016, 55 x 40 cm, verre soufflé et emboîte à froid, réalisation par le cirva. Tomette T3, tomette connectée, 2016, diagonale 28 cm, épaisseur 1 cm, terre cuite, pigment phosphorescent, réalisation atelier Alain Vagh.
bandalimishinadesign@gmail.com www.facebook.com/bandalimishinadesign
P6
« Les relations sociales sont en train de muter en profondeur. Cette transformation a des enjeux économiques et politiques immenses, par rapport auxquels les arts et les lettres doivent retrouver leur rôle d’avant-gardes — c’est-à-dire leur véritable sens social, qui n’est ni de distraire, ni de fuir le devenir. » Bernard Stiegler, Pour une politique sans réserve, revue mouvement, n°48, juillet septembre 2008 Notre travail se met en œuvre autour du sujet du lien social. Le terme “lien social” désigne un désir de vivre ensemble, de relier les individus dispersés et de créer une cohésion plus profonde dans la société. Notre rôle en tant que designers est de créer et de renforcer les liens sociaux au travers des objets ou des espaces que nous « designons ». Ils nous permettent d'évoquer des questions d’actualité dans des champs sociaux et politiques. Notre projet ANDIL est un objet partagé chargé de tisser des liens au sein de la famille. Nous avons conçu un luminaire en verre dont la base éclaire la bulle et recharge les veilleuses photoluminescentes qui s'emboîtent à froid dans son corps.
Le projet Tomette T3 définit un aménagement de l’espace public qui sera connecté avec les habitants et créera des liens entre eux et les passants. Le principe est de mettre en relief et de repenser la « traditionnelle » tomette marseillaise afin qu'elle sorte de l'intérieur privé des bâtiments vers la rue pour investir l'espace public. Chaque tomette révèle un motif formé de l'union de motifs des différentes cultures que le quartier abrite. Les T3 sont également visibles de nuit car elles sont phosphorescentes. L'idée de ce projet est aussi de créer un lieu interactif pour les habitants du quartier et les passants, certaines tomettes auront des puces intégrées qui permettront d’échanger des informations avec les smartphones.
HUGO BOURQUELOT-CHANEL DNSEP option art
Vue d'accrochage du DNSEP, juin 2016
annafir@hotmail.fr
P8
Artiste pluridisciplinaire en quête initiatique qui arpente ses multipersonnalités à travers des images éphémères ou fixes. Se débarrasser de ce que l'on croit savoir de soi : les représentations, les codes, les races, les genres. Médias et flux des images sont à redéfinir en permanence, flous et nets dans le même temps ! Les lignes sont troubles, seules restent les certitudes. Devant et derrière l'objectif pour créer des entités à partir de soi-même, en dansant, en posant, en s'appropriant, en innovant. Outrepasser l'image, du jeu de l'acteur au jeu de la vie.
KÉVIN CARDESA DNSEP option art
Pattern, 2016, 32 starter de néons préparés, câble électrique, dimension variable, durée indéterminée vue d’un module. Photo © Aurélien Meimaris
cardesa.kevin@gmail.com
P 10
C’est à travers l’installation, les expérimentations sonores ou encore le dessin que j’entends révéler des espaces. Oscillant entre lutherie éléctronique et sculpture minimale, mon travail de « captation » in situ manifeste un désir de faire entendre et voir des phénomènes présents, mais inaccessibles du fait des limites de notre perception.
ELEONOR KLÈNE DNSEP option art
Post-Annonciation, 2016, 340 x 176 x 277 cm, acier, PVC souple, tube fluorescent, polycarbonate, verre soufflé, bois de tilleul, plomb, plâtre, bidons de cendre, fil de cuivre,
chartier.eleonor@gmail.com
P 12
Eleonor Klène restitue une possibilité de monde juste à côté du nôtre, un inframonde irradié appartenant aux débris de l'histoire récente et sis dans une géographie continentale dévastée, comme si ses vastes installations mixaient la solitude des parcs de loisirs récents mais déjà abandonnés aux lumières usées de la Guerre Froide. C'est d'abord un travail de sculpteur attentif aux qualités des matériaux où même les images sont traitées dans leur matérialité : structures pour l'aménagement d'espaces “récréatifs”, cabines de plage, pédiluves sont attenants aux coffrets lumineux où une photographie cuite et recuite finit de s'assombrir, aux panneaux pédagogiques ou signalétiques d'issues de secours et de soins d'urgence. Ces vastes installations sculpturales invitent le spectateur à un parcours dont les stations sont parfois un texte comme, par exemple, Baralela in Podestat, roman et récit de voyage où le futur immédiat a des allures de ruine. Cependant ces éléments sculpturaux, photographiques et ces pages d'un étrange voyage fondant le passé récent dans l'avenir proche ne se contentent pas d'un constat entropique, ils cherchent au contraire ce qui les sort de ce déterminisme. Eleonor Klène écrit dans la quatrième de couverture de Baralela in Podestat :
« Je parie qu'on peut déceler du numineux parmi les formes les plus standardisées. Une Annonciation dans une chambre froide, un Hortus Conclusus dans un hall d'immeuble, des traces de l'icône dans des protocoles d'hygiène ». De très anciennes survivances s'attachent à des rituels profanes. Nous avons perdu des significations qui demeurent dans les formes et que l'artiste en quelque sorte exhume. Chacun des éléments sculpturaux et photographiques d'Eleonor Klène met en contact le sacré et le profane, non pas pour que l'un prenne le pas sur l'autre mais pour que cette ambivalence soit manifeste. Enfin, je voudrais attirer l'attention sur les qualités d'écriture de cette artiste qui, dans le cadre du livre mais aussi dans les stations écrites jalonnant ses installations, propose au lecteur-spectateur un itinéraire, une exploration, une recherche et surtout un usage amoureux d'un état du monde paraissant crépusculaire et hostile. Frédéric Valabrègue – juillet 2016
SHIH-JUNG CHEN DNSEP option design
Vue d'accrochage du DNSEP, juin 2016
megalith756@hotmail.com
P 14
Des outils de mesures, chacun doté d’une forme fonctionnelle, incitent à des gestes particuliers qui vont tracer un espace de cérémonie. Les mains officient autour des ingrédients, des petits chocs s’enfilent en un chant. Il règne un vide susceptible de recevoir et translater cette composition à la fois narrative et figurative.
TARIK CHOUIAL DNSEP option design
Vue d'accrochage du DNSEP, juin 2016
chouial.tarik@gmail.com
P 16
Alger-Marseille j’habite l’entre deux… Miroir
du nord au sud, s’interrogeant sur leurs origines et leurs appartenances aux deux rives, à la recherche d’une part de leur identité, une part d’eux-même qu'ils croient avoir laissée ou qu'ils pensent pouvoir retrouver de l’autre côté de la Méditerranée.
Alger/Marseille, Marseille/Alger, je monte à Marseille, je descends à Alger, je fais la traversée, je refais la traversée… Bref j’habite l’entre-deux. Depuis Alger, Marseille, la rive d’en face, j’avais le sentiment de la connaître, avant même d'avoir eu l’occasion de la visiter. En parlant de cette ville aux Algérois, j’avais souvent ces mêmes retours : « Marseille ! C’est juste à côté ! », « À Marseille, tu ne seras pas dépaysé. » « À l'arrivée à Marseille, tu n’as qu’à lever ta main et on te verra d’ici. », paroles faisant référence à la « proximité » des deux villes, aux liens communs, ainsi qu’aux similitudes qui existent entre la rive nord et la rive sud de la Méditerranée. Curieux de découvrir un peu plus ces liens étroits qui existent entre les deux villes, j’ai fait le choix de développer le projet de diplôme autour de cette thématique qui en écrit le titre : Marseille-Alger, j’habite l’entre-deux… Miroir. En parlant d’un « entre-deux », ce mot m’évoque un partage, un partage entre deux rives, la rive sud et la rive nord. Un partage à la fois d’histoire et de mémoire, une mémoire commune. Un partage de similarités et de ressemblances, qu’on constate de chaque côté de la Méditerranée et qui nous fait penser à l’autre, la ville d’en face, de l’autre côté de la mer. En parlant d’un partage entre les deux rives, il est impossible pas ne pas évoquer ces enfants de l’entre-deux, exilés, émigrés-immigrés, expatriés, éternels passeurs de rives. Sans oublier ces enfants bringuebalés qui n’ont cessé de faire ces allers-retours du sud au nord,
L’entre-deux, pour ces passeurs de rives est un état censé être transitoire, provisoire, mais qui s'installe, il dure dans l’imaginaire de chacun d’eux, au point qu'ils ont appris à l’habiter. Cela nous renvoie au paradoxe de l’émigréimmigré du philosophe Abdelmalek Sayad : « Continuer à être présent même absent là où on est absent, ne pas être totalement présent là où on est présent ». « Je crois que je suis condamné à l’entredeux. Par exemple, je m’interroge des fois sur l’endroit où je vais mourir. Et je me pose la question de quel côté des deux rives je veux être enterré ? Est-ce que ça existe, quelque chose qui ne serait ni l’un ni l’autre ?... L’idéal serait peut-être d’arriver à faire de deux mondes, un troisième monde. » nous dit Ben, un « passeur de rive » dans le film documentaire La traversée, Alger/Marseille (2013) d'Elisabeth Leuvrey. De ce fait, la problématique que je me suis imposée, consistait principalement à trouver la manière avec laquelle pourrait se matérialiser cet entre-deux. Un entre-deux où on est à Marseille tout en étant à Alger et vice-versa. On est même présent là où on est absent, un espace fusionnel, ubiquitaire, imaginaire et partagé. Il y est question de matérialiser, de donner forme à cet imaginaire, dans lequel voudrait habiter chaque personne, qui se sent appartenir aux deux rives de la Méditerranée.
JULIEN FAVARO DNSEP option design
Here we Made (version bêta), Julien Favaro et Audrey Battini, Lucas sors-toi de là !, 2016, 450 x 320 x 170 mm, hausse de ruche, techniques mixtes.
favaro.julien@gmail.com herewemade.wix.com/menu
P 18
Je me revendique designer-artisan, obnubilé par la recherche formelle et cherchant à connaître l'objet de son concept à sa réalisation. En collaboration avec la designer Audrey Battini se développe un projet prospectif aux envergures européennes intitulé Here we made dont elle définit et précise les usages et fonctions. Nous sommes deux designers-plasticiens aux formations et paysages différents, mais complémentaires, réfléchissant aux modèles de production et de consommation alternatifs. À la suite d'une expérience de Woofing*, nous avons choisi de monter un projet de conception itinérante basé sur ce principe d'échange. Nous proposons un dialogue producteur-consommateur direct. Nous privilégions la rencontre et l'échange avec le producteur afin de comprendre et satisfaire ses véritables besoins ; mais aussi afin d'apprendre et hériter de traditions, de savoir et savoir-faire. Certainement allons-nous plus en apprendre que l'on va leur apporter. Circulant à bord d'un camion chargé d'outils, nous proposerons nos services et nos compétences de designers ; nous recyclerons les diverses matières stockées et délaissées par les agriculteurs dans un souci d'éco-conception et de localité de la production.
Actuellement, le projet a déjà fait l'objet de deux expériences réalisées au cœur de deux fermes, afin de tester la viabilité et la faisabilité du voyage. Ces galops d'essai ont donné suite à une exposition à la Villa Arson de Nice dans le cadre du 'premier rendez-vous des bricologues' cette année. Ce fut l'occasion d'assister à différentes présentations de projets alternatifs, de suivre des cycles de conférences thématiques et surtout de jauger l'avis public vis-à-vis du projet Here we made. Une fois lancés, l'inconnu nous attend, sans grands moyens pour préparer ou prévenir du lieu qui va accueillir l'atelier, des matériaux disponibles qui pourront nous intéresser et de la véritable problématique que l'on va devoir résoudre. Seule certitude, au retour, un défi pour synthétiser cette expérience afin de la partager. *Woofing : application permettant le travail dans les fermes en échange du couvert et du logis.
LÉNA FILLET DNSEP option art
La Princesse, 2014-2016, dimensions variables, impression jet d'encre.
lena.f@sfr.fr
P 20
Qui décrochera le prochain rôle ? Je fais subir à mon entourage un casting permanent : « J’étudie chacun de tes faits et gestes ; je puise au sein même de ton être les ressources nécessaires à ma création ; tu prends position. Tu résistes. Ça me touche. Je te demande de te concentrer sur toi. Silence. Ne parle plus. » Je suis exigeante. Je fais vivre une série d’épreuves. Tout ce qui y résiste, existe. C’est le jeu. En développant un rapport sensuel et instinctif avec mes modèles, je crée une image mentale en accord avec eux avant de les photographier. Par des attitudes simples et une concentration particulière sur le corps, je recherche le point de tension où l’apparence du modèle échappe à une identification fermée. En utilisant les codes du monde de l’art, de la peinture classique, du théâtre et de la culture populaire, j’inscris mon travail dans un imaginaire commun que je perturbe par des représentions troublantes. Les rôles ne sont pas respectés, les modèles et les objets ne répondent plus à ce que couramment nous attendons d’eux.
NIREG NOMIS ,selbairav snoisnemid ,6102-4102 ,essecnirP aL ercne'd tej noisserpmi
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moc.liamg@niregnomis
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SIMON GERIN DNSEP option art simongerin@gmail.com
P 24
Les déplacements artistiques que je mène se font à travers des objets de déplacement d’où nait le désir de dépassement.
L'objectif et le plaisir à satisfaire étaient ici de réaliser par mes propres moyens mon futur moyen de déplacement. J’ai ainsi pu plonger dans des préoccupation techniques qui m'ont conduit à côtoyer ainsi un lieu où l’art et la science sont étroitement entremêlés : l’artisanat. Cette perspective de précision, de technique et de qualité était une forme de recherche que je souhaitais absolument mettre en œuvre. Ainsi, toutes mobylettes mises de côté, j’ai focalisé mes attentions vers les métiers du bois et de l’ébénisterie. Vers les métiers de la mer aussi. Il est aussi clair que, comme la mobylette, cet objet « remplacera » le bas de mon corps pour mon futur voyage. Ce voyage prendra effet en août 2017 le long des rives de la Méditerranée et avec lui s'achèvera mon deuxième cycle.
Le premier voyage, une mobylette, une partenaire qui m’emporta sur un road trip de 250 km entre Hyères et Palavas-les-Flots. Une Marianne de la République en plâtre sur le guidon. Un parcours semé d'arrêts en Mairies et places de villages. À « notre » retour se performe une représentation de ce voyage dansée, inversé dans lequel je porte 3 minutes et articule à mon corps l’objet de 50 kilos dans une chorégraphie de mouvements lents et rudes. S'accomplit enfin une ultime mise en pièces, pour se donner étalée, écartelée... Je m’en sépare pièce par pièce, sans savoir ce que deviendra ce corps mécanique morcelé. Fin du premier cycle. Après la destruction artistique de cette belle mécanique, j’entrai dans un processus de réalisation d'une nouvelle forme de déplacement qui commença par la découverte de planches de parquet en Sipo. Les conditions initiales à ce projet furent simples : j’ai fait une année de kayak et mon grand-père fût un homme de la mer. Cela suffit pour me convaincre d’entamer la construction d’un kayak de mer fait-main.
MAÏLYS GIRODON DNSEP option art
Lignes, 2015, photographie, 84 x 112 cm, © Maïlys Girodon.
mys.g@wanadoo.fr
P 26
L’humain dans son rapport au monde, son environnement naturel et culturel Dépôts de signes Traces de passage Cartographie de stigmates Inviter à un temps de pause Ralentir, prendre le temps de regarder Projection dans un espace autre Entre absence et présence Entre visible et invisible, Entre existence et disparition
FLORINE HAMARD DNSEP option art
Reborn World, photogramme, 11 min, réalisé en 2015 à Blackpool. Venus et Apollon, photogrammes, 6 min réalisé en 2015 à La Ciotat.
florine.ham@gmail.com http://florinehamard.webself.net
P 28
« Nul d’entre nous n’est un surhomme et ne peut échapper entièrement au kitsch. Quelque soit le mépris qu’il nous inspire, le kitsch fait partie de la condition humaine. » Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, 1982. Caméra à la main, je réalise et produis des films documentaires et des fictions aux images saturées de kitsch. Mes projets sont nés de brèves rencontres avec des personnalités passionnées qui vivent en marge de la société. Une mère d’adoption d’une poupée en silicone, un bodybuilder de haut niveau ou encore un catcheur, qu’ils soient imaginés ou réels, tous évoluent dans un monde fait pour eux, aimable, confortable et immédiatement compréhensible, un cocon synthétique. Je puise mon inspiration de ce qui m’entoure, mais aussi de ce qui m’angoisse et m’attire. Dans mes films, mes protagonistes vivent dans un univers surfait, complètement factice au milieu de velours rose et de bibelots de pacotille. Nourris par des fantasmes et des désirs basés sur le faux-semblant au milieu de ce système, chacun n’a qu’un but, exister et fuir la mort.
RAPHAËL MAHIDA-VIAL DNSEP option art
Vue d'accrochage du DNSEP, juin 2016.
r.mahidavial@free.fr
P 30
Mon travail de sculpture débute lorsque le cirque est parti, où seule la piste de sciure recouvre le sol du parking. Une réalité se superpose à une autre, un effet de dilution qui tend jusqu’à l’effacement du terrain d’origine. La sciure floute les contours, recouvre la trace et remet en cause l’état initial du paysage. Elle convoque le souvenir et la perception particulière qui en découle, comme un flottement de temps.
la vision première, dans le désert de Gobi »3. Comme un archéologue ayant le désir d'exposer les restes d'un désert anachronique, en ces temps de foules innombrables et de concentrations urbaines incommensurables.
Il est sept heures du matin, après le départ d’un cirque et avant la venue du service public d'entretien de la ville, je ramasse, vide, découpe les objets trouvés, voués à la destruction. Je tente de créer par addition ou par soustraction, comme des gestes d’alchimiste. Je compose avec les restes d’un savoir-faire artisanal — la sciure — et les restes d’un savoirfaire industriel — l’objet trouvé. Les restes se transforment en une accumulation que la sciure vient littéralement coloniser. Je recouvre l’objet trouvé par une couche de sciure, comme un vêtement définitif se rapprochant d’une érosion programmée, comme si une « chair » de bois venait transpirer sur la surface de ces compositions. Le temps advenant de la matière, investit la sculpture : « Sur toute chose la prise du temps fait œuvre. »1 et « On ne peut donner un âge à la rouille. »2 Les sculptures deviennent mon propre matériau, je reviens dessus, comme par marcottage. Mon processus rejoue le caractère transitoire et non-lieu d’un parking. Ces faux vestiges du futur sont aussi de vrais vestiges du passé. « Je me suis identifié à l'archéologue et c'est par ses yeux que j'ai regardé, par sa surprise et, pour finir, son chagrin que j'ai anticipé sur les contradictions de la vie. Il avançait, c'était là
Dans le temps de l’exposition, les travaux offrent une image du présent comme futur enterré et entrelacent temps passé et temps fictif, « une profondeur de temps comparable à celle des plus vastes horizons, des plus vastes paysages : paysages d'événements qui remplaceraient ainsi les anciennes salles d'exposition »4. L’ensemble se situe à la lisière entre deux mondes, l’apparition et la disparition. L’espace d’exposition se morcelle, à l’image d’une banquise disloquée, il se fracture. La photographie se situe entre la reconstruction de la ruine et l’imagination d’une forme en devenir. Les sculptures posées sur des socles continuent ce jeu de lignes incomplètes comme le sol d'un parking après le passage d'un cirque. Telles les coordonnées d’un repère, ces cases dessinent des axes dynamiques comme un carroyage, mettant l’accent sur l’espace manquant par le vide et ouvrent des espaces à reconstruire mentalement. Entre la sculpture et le spectateur s’installe un entre-deux. Entre le matériel et l’organique, entre la forme et la fonction, entre le local et l’étranger, entre le passé et le futur ? Car « de nos jours, toutes les matières organiques ou naturelles ont pratiquement trouvé leur équivalent fonctionnel dans des substances plastiques et polymorphes »5. 1 et 2. Gilles Clément, Traité succinct de l'art involontaire, éd. Sens & Tonka, 2014, p 69. 3. Yves Bonnefoy, L'Arrière-pays, éd. Gallimard, 2005, p 36. 4. Paul Virilio, Un paysage d'événements, éd. Galilée, 1997, p 115. 5. Jean Baudrillard, Le système des objets, éd. Gallimard, 1978, p 52.
DNSEP option art
Exposition réalisée avec les pièces de : Diane Étienne, François-Xavier Guiberteau, Grégoire Mazeaud. Collection de formes accidentelles : Grégoire Mazeaud. Curatoria : « logiciel curation exposition diplome éclaté série en ligne.scad ».
greg.mazeaud@gmail.com
P 32
GRÉGOIRE MAZEAUD
Ces dernières années, intéressé aux notions d’artiste-auteur et de curateur, je me suis penché sur les rapports et les points de frictions qui lient ces deux statuts, ainsi qu’à leurs systématismes dans le monde de l’art contemporain. En juin 2016, j’ai choisi de réaliser une exposition où mes pièces seraient mélangées à celles d’autres artistes. À cette sélection, j’ajoutai une partie de la « collection d’accidents » que je construis depuis plusieurs années (erreurs d’impressions, relevés d’empreintes de pneu sur feuille volante… ). Toutes ces formes ont été choisies pour l’ambiguïté possible de leurs auteurs. Mises côte-à-côte, elles constituent un ensemble homogène qui pourrait avoir trait à un seul auteur. Elles semblent toutes inviter le spectateur à se raconter ses propres œuvres, à la manière de taches de Rorschach. L’accrochage fut organisé par l'intermédiaire d'un logiciel qui a disposé les pièces aléatoirement dans l’espace. Définissant une logique qui semblait mettre en œuvre sa propre cohérence, cette collaboration servait à actionner des rencontres entre les pièces. Le logiciel opérait alors un handicap conceptuel avec lequel le curateur se devait de coopérer, de jouer, pour arriver à créer du sens.
AURÉLIEN MEIMARIS DNSEP option art
Absorption, 2015-2016 Nature Humaine, 2016
aurelien.meimaris@gmail.com aurelienmeimaris.com
P 34
Le point d’ancrage de mon travail est un questionnement relatif au caractère incomplet et indirect de notre accès au réel. Que cette non-exhaustivité et cette séparation soient déterminées par les limites de notre perception, par le filtre plus ou moins opaque de l’écran ou par la médiation de l’image, du simulacre ou de divers systèmes de représentation sociale. Quels rapports au monde et à l'autre conditionne la mise à distance par l'outil et la représentation ? Quelle est l'épaisseur de ce que l'on voit ?
DELPHINE MOGARRA DNSEP option art
Physis, table 1, dimensions variables, bois plâtre et pain, 2016.
delphine.mogarra@gmail.com
P 36
À l’attention de la matière, dans ses changements d’états, des corps qui se transforment, se cristallisent dans leur mouvement, je tente de saisir la forme dans son élan, dans sa rencontre avec d’autres. Je me pose la question de comment conserver cette vitalité apparue soudainement, à cet état d’« extase », dans ses vides et ses pleins, dans ce qu’il y a de mou et de dur, par des tentatives d’empreintes et de moulages. Les gestes en sculpture me permettent d’approcher des questions autour de la création de la vie, de me rapprocher de ce que je ne peux voir. L’attention accrue devient une caresse dans le dessin pour rentrer dans ce moment aveugle, et le faire devenir observable. La plus petite expérience quotidienne active et anime mes recherches sur le vivant, sur la création et la formation : le moment précieux d’une éclosion.
CHARLOTTE MORABIN DNSEP option art
Vue d’accrochage du DNSEP 2016. Cata-pulte, 2016, bois de pin, L 200 x 100 cm / H 100 cm I believe i can't fly, 2015, dimensions variables, installation, cordes, jouet en plastique, tendeurs.
charlotte.morabin@gmail.com
P 38
Je prélève des objets dans la rue, les assemble et crée une tension, une mise en danger. Je confronte les objets entre eux, les mets à l’épreuve dans une totale précarité. Je puise la matière de mes assemblages, constructions, et compositions dans une collection de personnages et objets du quotidien que je viens détacher de leurs fonctions ou de leurs occupations. Le poids des objets, leur équilibre dans l’espace forment une suspension dans le temps, un arrêt sur image permettant de fantasmer l’ampleur de la chute. La chute est dans mon travail créatrice d’images, de violence et d’absurdité. Par le dessin, le théâtre de l’absurde est mis sous lumière. Sujets inextricables, quiproquos, quelle sera la fin, la chute ? Des histoires se nourrissent de non-sens et d’idiotie. Notes rêveuses, les traits arrivent sur le papier avec légèreté, l’encre noire s’étire et s’allonge. Les protagonistes se perdent dans le blanc de la feuille, dans l’attente qu’il se produise un évènement. Il suffirait d’un petit rien pour que tout bascule. Il suffirait d’agir.
JONATHAN PUERTAS DNSEP option art
Série carcasse, 2014-2015, dimensions variables techniques mixtes
puertasjo@gmail.com
P 40
Détourner, combiner et transformer notre réalité, une trinité de création qui pourrait se décliner à l’infini.
Je propose de nouvelles perceptions picturales créant un univers autour d’une représentation qui les transcende. Avec la volonté d’induire une brèche spatio-temporelle dans les esthétiques de différentes époques et la chronologie des mouvements artistiques. Une manière un peu iconoclaste semblant vouloir sublimer ou sauver le sujet de sa destinée, et d’en traduire une nouvelle mémoire, une métamorphose, un changement d’état de la matière.
Apposer une ornementation, par envahissement et substitution de la structure établie. Inculquer une seconde nature à un objet, une seconde vie. Un réhaussement pictural et une réorientation esthétique qui vont agir sur l’apparence de ce qui se montre et le regard. Effectuer un recouvrement de la surface épidermique du réel, de sa première parure, et lui « faire la peau ». Produire un choc visuel, une construction anachronique qui altère l’espace premier de l’imagerie et divulgue des possibilités d’imaginer une toute autre histoire, d'apporter une forme nouvelle de lecture et de compréhension. Mon travail s’articule autour d’une exploration, une excursion dans des lieux inhabités, paysages désaffectés et désertés, un milieu où la nature reprend ses droits sur l’homme et sur ses artefacts modernes. Ces territoires recèlent une forme d'entropie à travers des vestiges, les restes témoignant du passage de l'homme et du temps à l'œuvre.
Les rebuts et déchets que je collecte possèdent tous un potentiel esthétique et une charge émotionnelle, une poésie de la destruction qui renvoie à une anxiété, un vécu. Mon intention mise en œuvre est d’injecter une sensibilité supplémentaire à ces objets défunts se voulant obsolescents. Un travail pictural qui peut évoquer une sorte d'art du maquillage, sublimer leur disparition définitive dans un monde nouveau, dans une forme d'abstraction irréversible qui va tout dévorer. « Ce n’est pas le temps qui passe mais nous qui le traversons. »
PABLO ROCABERT DNSEP option design pablo.ro@hotmail.fr
Instantané, crassier de l'usine Mante, Madrague de Montredon. Esquisse de parcours sur passerelle le long du canal de Marseille, aquarelle sur papier, encre noire. Illustration de ruines de l'Usine Mante, encre noire sur papier. Instantané, double exposition, usine Mante, Madrague de montredon.
P 42
« Cette usine est déserte. Coupée de la ville agitée et bruyante, et pourtant si proche d’elle, comme si j’avais emprunté un passage secret me menant vers un jardin interdit. Je m’attendrais presque à croiser un ouvrier au coin du silo si les plantes n’avaient pas recouvert de leurs feuillages ces ruines. J’ai vite le sentiment d’être seul à bord d'un navire, de me trouver enfin seul face à l’inconnu. De son activité industrielle ne subsistent que quelques graffitis d'ouvriers en colère et de la rouille, témoins silencieux d’un douloureux passé ». Comment pouvoir à la fois pratiquer et viabiliser un ancien site industriel fortement pollué ? Mon geste ici est de trouver des solutions en cohérence avec l’identité de la friche industrielle. Au lieu de venir la recouvrir, je me place dans ses interstices, j’épouse son histoire, ses formes et ses problèmes. En pratique, il s'agit d'intervenir par des constructions hors-sol et éphémères, de dépolluer via des méthodes douces et non destructives. Ces espaces sont incertains, d’où l’idée de créer une phase transitoire où l’on intervient pour soigner le lieu, tout en laissant le doute et l’incertitude sur son devenir. C’est cette incertitude qui est motrice car elle laisse place à la réinterprétation des espaces sans venir les effacer.
TOM RIDER DNSEP option art
Système isolé, Foyer n°3, Oligocène, projection épiscopique et détail d'installation. Taille du spécimen 2 x 3 cm, taille de l'image 110 x 240 cm
contact@tomrider.fr
P 44
Dans une époque où la consommation culturelle, méthodiquement massifiée, bouleverse notre rapport au monde, j'envisage mon travail comme une tentative de déplacement physique (le corps entier “entre” dans l'image) et temporel (la projection n'a pas de support). Mon inspiration technique principale vient des instruments optiques pré-cinématographiques en utilisant les outils contemporains disponibles, avec la perspective de faire naître chez le regardeur une pensée critique autour de l'objet et de sa projection : une forme de glissement hétérophénoménologique pour “se regarder voir à l'intérieur de l'image”. L'installation Système isolé est une scénographie d'environ 200 m2 pensée avec l'architecture du lieu et divisée en espaces libres et zones de contrôle. Un parcours s'effectue entre les deux par l'intermédiaire de cloisons, couloirs et chicanes. Dans l'espace libre, des projections épiscopiques se déposent sur différentes surfaces-écrans, fixes ou suspendues. La moindre fissure d'une petite roche calcaire peut ainsi devenir une faille de plusieurs mètres une fois l'œil acclimaté à la pénombre. Dans l'espace de contrôle, les mécanismes optiques sont dévoilés : miroirs d'argent, crémaillères de mise au point, spécimens géologiques incandescents.
MARGAUX SALARINO DNSEP option art
Sans titre, sérigraphie sur mur à l’encre UV, 2016. Vue d'accrochage DNSEP 2016.
margaux.salarino@hotmail.com
P 46
Influencée par des photographes comme Paul Graham, Wolfgang Tillmans, Thomas Maielender ou Stephen Shore, ma pratique artistique s’inscrit dans la veine de la photographie vernaculaire. D’une manière compulsive, j’enregistre mon propre quotidien, celui de mes amis, de ma famille, d’inconnus en vacances, et à la manière de Martin Parr, lorsque je trie mes clichés, j’essaye de ne garder que ceux qui tendent à dire quelque chose du quotidien de l’homme occidental. L’homme à l’ère post-internet, la consommation et la culture de masse sont les sujets que je traite par la photographie — images et éditions — mais aussi par la vidéo. J’ai notamment co-réalisé Horizon tourné en 2016 à Benidorm, une ville-fête où hôtels-clubs et fast-foods ont fait déserter la nature. Le film montre en parallèle des plans d’intimité volés aux touristes et des inserts sur les symptômes de la consommation de masse — gratte-ciel, malbouffe, magasins attrapetouristes — pour se perdre à la fin dans les lumières artificielles des boîtes de nuits, ne produisant que des corps exultants par la danse, que des ombres de pixels. En fin de compte, au-delà de mes sujets de prédilection qui sont par nature vulgaires, et quelque soit la nature du médium mis en œuvre, je recherche ce moment où le sujet s’oublie.
CARINE SANTI-WEIL DNSEP option art
Vue d'accrochage DNSEP, juin 2016
c.santiweil@gmail.com
P 48
Beat poetry Réfléchissant particulièrement à la productivité du terme beat, ce qui « martèle le temps dans la techno », à travers un langage plastique luimême inscrit dans l’histoire la Beat generation, la production de Carine Santi-Weil exploite la polysémie des mots. À l’aune de cette collusion d’autant plus emblématique qu’elle nous renseigne sur l’ethos d’une œuvre protéiforme à laquelle les modalités de l’écriture donnent cependant sa continuité, l’œuvre impose sa propre logique : la contamination des schémas du haut modernisme et du rationalisme par les cultures alternatives, musicales de préférence, punk, rock et techno. C’est pourtant bien au-delà de la correspondance synesthésique et de l’iconographie musicale, qu’opère la musique : au cœur de l’activation poiétique. De même qu’elle rapproche le commencement de l’œuvre du kick off, coup de départ en musicologie rave, dans son travail constitué d’affiches lettristes, l’artiste puise au sein de la matière vive suspendue entre écoute, création, écriture musicale. Entre création et réflexion sur les conditions de la création (l’artiste écrit sur ses expériences d’auditrice et de praticienne de la musique), l’espace plastique devient un jeu de chaises, musicales forcément, dont le sens réside dans la réactivation des échanges entre les arts. Les ritournelles de la musique fécondent la forme plastique, à partir de ses mots, tirés de lyrics, étirés, agrandis, savourés, reenactés dans une calligraphie identifiable, et qui refuse de faire sens, avant de fuguer, vers un troisième médium, aux confins de la démonétisation de la langue et de la plasticité lettriste : la poésie.
Ces œuvres, qui ne sont pas dénuées d’un certain romantisme beat, et qui finies, aspirent à l’infini pour rendre à leur auteur une corporéité idéale, « céleste, transparent[e] et dansant[e] 1 », celle de l’expérience des limites, activent l’usage de la répétition comme une machine de guerre. Car Insister, boucler, répéter 2, c’est prendre la tangente, fût-ce momentanément, au regard du temps du monde capitaliste, du temps productif, c’est échapper au temps qui s’écoule inexorablement pour en faire advenir un autre, absolument différent, ce temps que permet la prise et que Burroughs appelle de ses vœux : le « temps blanc 3 ». Par Marine Schütz, enseignante et docteure en histoire de l’art (juillet 2016)
1 Propos de Carine Santi-Weil, in Insister, boucler, répéter, mémoire de DNSEP, Marseille, 2016, n.p. 2 Titre du mémoire de DNSEP de Carine Santi-Weil. 3 William Burroughs cité dans Carine Santi-Weil, Insister, boucler, répéter, mémoire de DNSEP, Marseille, 2016, n.p.
NINA TOMÀS DNSEP option art
Sens uniques, 2016, acrylique, fusain, pastels, graphite, collage sur toile et tissu imprimé, 6 toiles de 200 x 150 cm
contact@ninatomas.com www.ninatomas.com
P 50
Mélodie spastique Lutter contre la fatigue du pinceau Transgresser les points de suture, vider le seau Brûler la plaie tant qu'elle reste ouverte Durcir la peau en état d'alerte Prendre la toile comme miroir menacé de brisure Recoudre les éclats avec la force de la peinture Jouir du mal-être ancré dans les fibres Tendre la chair jusqu'à ce qu'elle vibre La laisser vieillir, la saturer de rides Pour qu'elle pâlisse tel un champ de blé aride Et puis crier de tension, en fluo, hors contrôle Trouver la balance du contraste, réunir les deux pôles Extrait de Retour nerveux, Nina Tomàs, 2016
ZÉ WEI DNSEP option art
Ani Série I – l’Église du Roi Gagik Ani Series I – King Gagik's Church 100 x 115 cm
kaim.wei@gmail.com
P 52
Mes projets sont basés sur mon obsession de la recontextualisation historique, de l'histoire expérimentale et de leur lien avec l'actualité. Avant de devenir artiste, j'ai suivi une formation en histoire. Cela m'a construit un regard « distancié et impartial » d'historien. Ma passion de l'art m'a ensuite amenée à devenir artiste peintre. C'est à travers ce médium que j'ai constitué mon premier vocabulaire visuel. J'ai choisi des images comme outils pour développer mes idées, et pour répondre à mes problématiques. Chaque projet a un sens unique qui poursuit une réflexion sur la notion de « Territoire » à travers la mondialisation, la migration humaine, l'exil, la diaspora, l'altérité, etc. Mon premier projet photographique Saint-Charles (2013) capture l'état inhabituel et momentané des passants dans un non-lieu. Cette expérience m’a conduite ensuite à d'autres projets, par exemple la vidéo Ilha Fromosa (2014), inspirée d'une histoire de l'exil, et Les anonymes de Mazargues (2013 en cours), une installation d’images de soldats étrangers enterrés dans les quartiers sud de Marseille. Toutes ces expériences de création et un séjour de cinq mois en Turquie de 2013 à 2014 m’ont conduite à mener un projet artistique autour dʼAni, une ancienne ville arménienne qui est actuellement dans le territoire turc. À travers tous ces projets, je souhaite développer un point de vue unique sur les notions de territoire et de nation.
COLETTE YOUINOU DNSEP option art
État des lieux, 2016, installation vidéo, vue d'accrochage DNSEP, juin 2016
colette.youinou@gmail.com www.coletteyouinou.com
P 54
Aller/retour entre la rue et Internet, le passé et le présent, des formes de révoltes émergent, s'alimentent et dialoguent.
Ce catalogue est une publication de l’École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée Présidente Anne-Marie d’Estienne d’Orves Directeur général Jean Mangion Directeur artistique et pédagogique Jean-Louis Connan Éditorial Sylvain Deleneuville et Lise Guéhenneux, Ronan Kerdreux Coordination Sylvain Deleneuville et Lise Guéhenneux (option art), Ronan Kerdreux (option design) Images Cécile Braneyre et les étudiants diplômés Coordination éditoriale Luc Jeand’heur Coordination / conception graphique Service communication de l'ESADMM Valérie Langlais, Cécile Braneyre Remerciements à tous ceux qui ont permis la réalisation de ce catalogue et aux diplômés pour la sélection des visuels et pour leur texte. ÉCOLE SUPÉRIEURE D’ART & DE DESIGN MARSEILLE-MÉDITERRANÉE 184, avenue de Luminy CS 70912 – 13288 Marseille cedex 9 T 04 91 82 83 10 – www.esadmm.fr L’École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée est un établissement public régi par le ministère de la Culture et soutenu par la ville de Marseille. Elle est membre de Marseilleexpos, réseau de galeries et lieux d’art contemporain, de l’ANdEA, association nationale des écoles supérieures d’art et de l'École(s) du sud, réseau des écoles supérieures d'art Provence-Alpes-Côte d'Azur et Monaco.