Grimpe Decembre 2012

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ÉDITO

TERRAIN

DE JEU GLOBAL INITIATION LATINE DESTINATION

GRIMPE PROFIL

Dung nguyen UN RETOUR DANS

LE TEMPS 1 > grimpE

> numéro 3, décembre 2012


2 > grimpE


Page couverture Crédit photo : Charles Laliberté

Édito

Le terrain de jeu global

Jamais il n’aura été plus facile pour les grimpeurs de s’éparpiller un peu partout dans le monde pour aller tâter de la roche, de la glace, ou de hautes montagnes. J’ai déjà voyagé pas mal dans ma vie de grimpeur. Et malgré tout, je le confesse, je suis même plutôt envieux lorsque je sais que des amis organisent un voyage. Ce nouvel environnement « global » crée maintenant des problématiques complexes. Bien sûr, la grimpe peut permettre un certain développement touristique, notamment à des endroits où il n’y aurait pas eu de visiteurs autrement. Et peut-être certains jeunes vont-ils découvrir une discipline qui les mènera vers un meilleur milieu ou un meilleur mode de vie, qui sait ? Mais cette facilité à voyager provoque un lot de problèmes – auxquels les solutions n’apparaissent pas évidentes à première vue. L’année 2012 en aura été un exemple funeste.

nouveaux grimpeurs, à l’idée que l’on puisse maintenant connaître les humeurs de la montagne ou se faire secourir à tout moment. Et ce même sentiment peut se manifester chez les autres grimpeurs, sportifs, bloqueurs ou de trad, tous autant qu’ils sont. Le fait demeure, cependant, que de grimper dans un endroit fréquenté n’est pas la garantie de la sécurité, et qu’il vaut mieux être prêt s’il y a un problème que d’être désolé de ne pas l’être. Une dégaine fixe usée, une prise qui brise, des conditions météo qui se dégradent rapidement, notre « terrain de jeu » peut s’avérer dangereux, et il faut savoir le reconnaître, y porter attention. Ce sera peut-être le défi de notre génération et de la prochaine génération de grimpeurs: garder en tête que la technologie apporte des avantages, mais ne peut pallier à l’expérience. D’autant qu’il est bien facile de se rendre n’importe où sur la planète pour grimper.

La saison dernière, débutants et vétérans s’entassaient au camp de base de l’Everest. Les permis d’escalade, autrefois inaccessibles, sont désormais à la portée de quiconque avec une certaine motivation. Et pour se rendre au sommet du Toit du monde, les technologies abondent. Les prévisions météo sont d’une précision remarquable, et les secours héliportés sont maintenant envisageables. Mais tout cela à un prix. La file interminable d’alpinistes qui ont tenté le sommet, en mai, en est une conséquence directe. Quatre grimpeurs, dont une Canadienne, sont décédés lors de la descente.

par David Savoie Rédacteur en chef david_savoie@hotmail.com

Dans son plus récent bouquin, « The Wild within », Simon Yates déplore que certains grimpeurs s’en remettent à la technologie pour s’en sortir – il cite l’exemple de cinq alpinistes israéliens, qui se servent d’un portable pour être secourus alors qu’ils sont perdus près de la frontière entre l’Argentine et le Chili, très loin de toute civilisation. Heureusement, ils ont été retrouvés sains et et saufs par un guide local.

Ventes et publicités: EscaladeQuebec.com info@escaladequebec.com

Ce ne sont là que quelques-unes des difficultés que l’escalade et l’alpinisme vont éprouver au cours des prochaines années. Un faux sentiment de sécurité peut aisément se développer chez les

Mise en garde : L’escalade comporte desrisques pouvant causer des blessures ou un décès. Toute information ou tout conseil reçu par le présent magazine ne dispense quiconque d’évaluer lui-même les risques auxquels il peut être exposé. EscaladeQuebec.com recommande d’acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires avant de s’aventurer en paroi, en montagne ou sur toute structure verticaale. Vous devez accepter les risques et responsabilités inhérents pouvant survenir lors de la pratique de vos activités. Tous droits réservés EscaladeQuebec.com : Le contenu de ce magazine ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans le consentement explicite de l’éditeur. Les opinions qui sont exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement la position d’EscaladeQuebec.com.

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L’homme avec une vision Dung Nguyen

Il a une idée pour l’escalade junior au Québec et au Canada. Et à titre d’entraîneur national, Dung Nguyen a développé une recette qui fonctionne pour créer des champions – ou simplement des jeunes adultes qui ont trouvé leur chemin. C’est une raison tout intime qui le pousse à faire ce travail. Il est assis tranquillement dans un café de Pointe-SaintCharles, à Montréal, au moment où je le rencontre. C’est la preuve que certaines choses ont beaucoup changées pour Dung Nguyen. Il n’y a pas si longtemps, il était encore propriétaire d’un gym d’escalade dans l’Ouest canadien. Avec ses lunettes sur le bout du nez, des cheveux d’ébène et une vive énergie, il ne fait pas ses quarante ans. Son sourire trahit un peu son âge, révélant des pattes d’oies autour des yeux. Son secret de Jouvence? Ce sont les jeunes qu’il entraîne qui le garde aussi motivé et énergique, dit-il. Dung Nguyen est constamment entouré de jeunes, et ce, depuis près de 20 ans maintenant. Ces jours-ci, il entraîne l’équipe junior nationale et s’occupe aussi de l’équipe d’Allez-Up depuis quelque temps. Le plus jeune de l’équipe a 10 ans, le plus vieux, 18. Et il semble adorer tout le temps qu’ils passent avec eux. Cette relation avec les jeunes grimpeurs a commencé dans sa petite salle de Canmore. À l’époque, « The Vsion » contrastait avec le décor de hautes montagnes. Peu de gens étaient intéressés à faire du bloc ou de l’escalade sportive quand ils pouvaient aller faire du ski ou de l’alpinisme. Il réussit à intéresser quelques jeunes à s’entraîner pour l’escalade, et forme bientôt une équipe. De fil en aiguille, il se retrouve impliqué dans l’entraînement de l’équipe nationale. La méthode Nguyen va à l’encontre de tous les manuels d’entraînement, et il le sait. « Il faut laisser la théorie de côté, et regarder comment on fait les choses », explique-t-il. Il dit avoir passé de nombreuses heures à observer les gens grimper, et cela permet de bien comprendre l’essence d’un bon mouvement. Cela lui permet aussi de se mettre dans la peau d’un autre grimpeur, et ainsi donner des indications sur ce qui pourrait l’aider. Ses entraînements se font notamment sur de petits murs de bloc, ce qui facilite la communication et permet une rétroaction très rapide. Ce qu’il impose à ses jeunes, il se l’est d’abord imposé à lui-même. « Je suis un spécimen parfait pour tester mes méthodes, je suis un rat de gymnase », dit-il en riant.

Dung Nguyen Kalymnos 2011 4 > grimpE

Mais la méthode porte fruit. L’équipe junior nationale a raflé de nombreuses médailles au cours des dernières années – dont plusieurs d’or, notamment grâce à son travail. Et chaque année, au moins un jeune de l’équipe qu’il entraîne se qualifie pour l’équipe nationale – quand

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ce n’est pas deux ou trois ! Selon lui, quand un entraîneur autrichien salue tes méthodes, « tu comprends la valeur de ce que tu fais ». Dung dit aimer « donner des clés » aux jeunes afin qu’ils se développent. « Quand tu commences avec un jeune, tu apprends à le connaître quand il a 8 ans et tu le regardes grandir, évoluer. Quand à 19 ans, les jeunes se sont trouvés des buts, c’est mission accomplie », dit-il. Les parents peuvent être des obstacles au développement de leurs enfants – souvent bien malgré eux. Bien souvent, ils sont craintifs, l’escalade apparaissant comme un sport extrême à leurs yeux. « Il faut faire de l’éducation auprès des parents », dit l’entraîneur. En compétition, « il suffit parfois d’une seule parole d’un parent pour détruire toute une année d’entraînement. J’ai vu ça souvent », relate Dung Nguyen. Les enfants, très concentrés, sont parfois déstabilisés par une parole de leur père ou de leur mère – même si c’est un encouragement. Dans certains cas, il faut aussi dédramatiser le sport. Des parents exigent par exemple le port du casque, même lorsque ce n’est pas nécessaire. Il faut donc que l’entraîneur parlemente avec eux pour parvenir à une entente à ce sujet.

universitaires très sportifs qui l’incitent à se développer. « J’ai eu de la chance », explique-t-il. C’est ça qui l’a inspiré à vouloir lui-même donner une chance à d’autres jeunes. Selon lui, tous les gymnases devraient avoir une équipe junior. « C’est une belle publicité pour une salle d’escalade, et ça amène une nouvelle génération de grimpeurs. Voir des jeunes de 12, 13 ans, grimper des voies 5.12 de façon fluide, c’est très inspirant. » Il songe aujourd’hui à faire beaucoup plus: il aimerait voir naître des équipes provinciales. De concert avec la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade, il tente en ce moment de mettre en place une équipe québécoise – un projet qui pourrait voir le jour dans un « futur proche », dit-il. Les autres provinces pourraient faire de même pour avoir un circuit canadien junior, et lorsque ce sera structuré, l’objectif sera de se faire reconnaître par Sports Canada. Une reconnaissance qui pourrait se traduire par un financement très intéressant. Si l’escalade est acceptée au programme olympique en 2013, Dung entrevoit un changement « radical » dans le sport. Cela pourrait amener une évolution « en flèche », un peu comme ce qu’a connu le snowboard il y a quelques années. par David Savoie

Pourquoi s’impliquer auprès des jeunes l’intéresse tant ? « Ils me donnent beaucoup d’énergie, comme une petite touche de magie » dit-il. Mais il y a également une raison plus personnelle. Né au Vietnam, il a été adopté par des parents québécois, deux professeurs

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Les conseils du doc

GUERRE D’USURE

L’escalade a énormément gagné en popularité depuis la dernière décennie. Les centres d’escalade intérieure nous permettent désormais de pratiquer l’escalade à l’année longue. Cependant, cette accessibilité expose les grimpeurs à une problématique de plus en plus fréquente; les blessures de sur-utilisation. Elles atteignent davantage les grimpeurs expérimentés et sont plus fréquentes avec l’âge. Une blessure de sur-utilisation est causée par un déséquilibre entre les périodes de grimpe et les périodes de récupération. Les études épidémiologiques démontrent que les doigts, les épaules et les coudes figurent parmi les trois blessures les plus fréquentes. Les douleurs de sur-utilisation débutent progressivement et sont plutôt diffuses autour des articulations. Elles apparaissent habituellement à l’échauffement, peuvent s’atténuer pendant la phase active et s’intensifier après la séance. Dans un entrainement idéal, chaque séance doit être suivie d’une période de récupération adéquate afin de guérir les microtraumatismes subis. Cette période de récupération varie entre autre selon l’âge, l’intensité et la durée de l’entrainement. La prévention se fait à plusieurs niveaux. Il est essentiel d’avoir un échauffement approprié avec une élévation du rythme cardiaque et une activation de la musculature spécifique. Un bon entrainement des muscles antagonistes et stabilisateurs

Faits saillants >

« Peewee »

FRAPPE ENCORE 6 > grimpE

permet de conserver un bon équilibre musculaire. On parle aussi de périodisation de l’entrainement afin de varier l’intensité, le volume et le but des sessions sur une période donnée. Une modification du style d’entrainement (bloc, premier de cordée, moulinette, entrainement cardio-vasculaire) permet de varier la charge sur différentes structures et contribue autant à une meilleure technique qu’à une meilleure condition physique. Les « projets » et les crux devraient être effectués avec concentration et intelligence sans quoi, il est trop facile de se blesser. Un petit rhume du mois de janvier vous affecte ? Ne pensez pas à donner votre 200%. Il faut aussi éviter de grimper jusqu’à un épuisement total; dépenser ses dernières énergies sur la « poutre » n’est pas une bonne idée. Optez plutôt pour un allégement progressif de l’intensité. Dans toutes les circonstances, il faut accorder une importance primordiale au sommeil, à l’hydratation, à l’alimentation et aux stress psychologiques. Vous pourrez minimiser vos blessures en grimpant intelligemment et en respectant votre condition physique. par Dr Guillaume Gelderblom DC, chiropraticien facebook.com/chiroguillaume en collaboration avec Dre Sophie Lecuyer DC, chiropraticienne au Centre de Santé Chiropratique de Ste-Julie

P

as une saison ne passe sans que Jean-Pierre « Peewee » Ouellet ne ramène dans sa besace une nouvelle voie en trad difficile. Après tout, il nous a habitués à ce genre d’exploits, avec l’ouverture, en 2011, de « Necronomicon » (5.13d), ou la répétition de « No Way Jose ». Son plus récent voyage à Moab ne fait pas exception à la règle. Le maître « es fissure » a d’abord « flashé » « The Vadge », une fissure dans un toit cotée 5.13-. Pour faire bonne mesure, il a ensuite fait, à vue, la première ascension de « Fisting the crack », qu’il évalue à 5.13-. Et ça n’est pas tout. « Peewee » a ensuite travaillé pendant 10 jours une superbe ligne, pour parvenir à la première ascension de la « Mexican Snow Fairy », 5.13+, située dans le Longs Canyon, une voie qu’il décrit comme une des plus difficiles qu’il ait faites dans le coin. La ligne de 45 mètres débute dans un dièdre en 5.11, avant de rejoindre deux fissures parallèles, ce qui constitue le premier passage difficile. S’ensuit une mince fissure qui a donné du fil à retordre à Peewee, amenant à un long passage en 5.12+. C’est là que se trouve le dernier « crux », quelques mouvements un peu précaires sur des coincements plutôt minces avec un bac. Ce sera intéressant de voir ce que « Peewee » nous réserve pour le printemps, après un hiver d’entraînement !


Demandez à l’entraîneur

POUR ÊTRE BIEN PRÉPARÉ Période de préparation générale

Crédit photo : Erik Holsvik

L’escalade est un sport qui requiert une force qui n’est pas innée – du moins, pour la plupart d’entre nous! Et pour réussir à se surpasser dans notre sport, il faut s’entraîner une partie de l’année. S’entraîner, oui, mais encore faut-il le faire intelligemment. Ce ne serait pas une bonne idée de se précipiter sur le pan Güllich dès que le premier centimètre de neige est tombé. Avant d’être un homme fort (ou une femme forte), il faut être en forme! C’est là que la période de préparation générale devient votre meilleur allié. La période de préparation générale (PPG) c’est quoi ? La PPG est le moment dans l’année que athlète prend pour se reposer, pour se remettre en forme – en ne visant pas spécifiquement la performance en escalade. C’est donc une période où vous ferez beaucoup de volume – des mouvements en quantité. Faisons un peu de mathématiques sportives. Si le volume est élevé, l’intensité est à l’inverse basse, sinon c’est la surfatigue! La PPG est avant tout une période de repos pour vos doigts. Faire des voies et du bloc bien en dessous de votre limite permet à vos doigts de se remettre.

Il faut cependant éviter de prendre trop de masse musculaire – Arnold Scharwzenegger n’aurait pas fait un bon grimpeur! Donc, faites des séries longues à intensité basse. La PPG est aussi un bon moment pour travailler sur vos muscles plus faibles et vous faire une bonne posture. Redressez-moi ces épaules rondes!

Entraînement mental, pourquoi pas! En parlant récemment avec un grand grimpeur de ce monde, il me disait à quel point l’entraînement mental était important pour lui et qu’il en faisait de plus e plus durant sa préparation générale. Au même moment, je suis tombé sur un excellent bouquin à propos de l’entraînement - «Mental training for peak performance» par Steven Ungerleider. Cela a radicalement changé ma manière de concevoir l’entraînement sportif. Il suggère notamment d’incorporer de la visualisation au début de vos entraînements et de la relaxation à la fin. Une méthode que je vous suggère d’essayer! par Guillaume Raymond

En marge de la grimpe, c’est le moment de faire un entraînement croisé – des activités qui vous mettront tout le corps en forme et qui seront une bonne préparation à la période de force. Le ski de fond, les arts martiaux ou les poids et haltères en sont de bons exemples.

Exemple de semaine en PPG Périodes/jours

Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

Samedi

Avant-midi

Course

Repos

Course

Repos

Course

Repos

Après-midi

Repos

Abdo

Repos

Abdo

Repos

Abdo

Soirée

Musculation

Grimpe

Repos

Grimpe

Musculation

Grimpe

Dimanche

Repos

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Voyage >

DESTINATION GRIMPE

C’est l’hiver qui arrive, et plusieurs grimpeurs, à l’instar des voyageurs saisonniers qui fuient les températures froides, jettent un oeil sur le globe-trotter pour trouver la prochaine destination où il fera plus clément pour tâter du rocher. Voici la « carte-o-grimpe » qu’on vous propose.

Crédit photo : François Lebeau

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Amérique du Nord

Amérique du Sud

Crédit photo : Stephan Kenzelmann, alittlebithigher.wordpress.com

S’il fait froid au Québec de novembre au début mars, ce n’est pas le cas pour toute l’Amérique du Nord. Et pour les grimpeurs habitués à des températures un peu plus fraîches, vous aurez du choix lorsque viendra le temps de se choisir une destination pour s’évader de la neige. En plus, vous pouvez vous en tirer facilement avec un voyage à petit budget – il suffit d’être aux aguets pour des billets peu coûteux. Les « classiques »: Hueco Tanks, Bishop, Red Rocks: trois destinations dans le désert où vous aurez de superbes journées pendant les mois froids. Il n’est pas rare de grimper en t-shirt à Bishop en février ! Les grimpeurs de toutes les disciplines auront des heures de plaisir, mais n’oubliez pas le manteau de duvet. Le Mexique: quelqu’un a dit Potrero Chico ? Un site de grimpe où il y a plusieurs centaines de voies à grimper ? Ce n’est que la pointe de l’iceberg mexicain: il y a des dizaines de sites d’escalade à voir dans le vaste pays. Tout dépend de votre volonté d’explorer – et de votre espagnol. À découvrir: Le sud-est des États-Unis: En trois mots, beau, bon, pas cher. À moins de 20 heures de Montréal, le sud-est est un immense terrain de jeu pour les grimpeurs. Sport, trad et bloc, les conditions seront idéales – durant les bonnes journées. Le froid peut être mordant par moment, mais lorsque le soleil se pointe, vous serez gâtés. Cuba: le pays de Fidel Castro a connu une expansion considérable en matière d’escalade – grâce, notamment, au travail de Paul Laperrière. Chaque année, plus de voies sont ouvertes, et les problèmes avec l’armée et la police se résorbent. C’est un peu comme aller à Kalymnos, sans les coûts faramineux.

Tout le continent sud-américain un vaste potentiel pour tous les types de grimpe. Reste encore à savoir jusqu’à quel point vous voulez aller explorer de nouveaux terrains de jeux. Entre les endroits plus connus pour les pèlerinages en grande voie, notamment la Patagonie, ou les blocs en altitude récemment développés au Pérou. Les « classiques »: L’Argentine: il y a belle lurette que l’on connait l’existence de l’escalade en Argentine. Le deuxième plus grand pays d’Amérique du Sud est bien sûr la terre de la Patagonie, mais il y a aussi beaucoup à faire pour les bloqueux et les adeptes du sport. Avec un récent Roc Trip Petzl de passage là-bas, les voies dures ne manqueront certainement pas ! Le Brésil: L’escalade y est bien présente depuis les années 60. Les ouvreurs brésiliens ont été absolument déchaînés durant les dernières années, et les nouvelles voies ont semblé éclore un peu partout. Il y a des voies dans plusieurs provinces de l’énorme pays – seulement près de Rio de Janeiro, vous aurez accès à des centaines de voies. Il est aussi possible de faire des « multi-pitchs » tout comme du bloc de grande difficulté, sans oublier un peu d’alpinisme. À découvrir: La Colombie: voire notre article en page 14 pour plus de détails ! Le Vénézuéla: avec les Andes, la Sierra Nevada, la Gran Sabana, géographiquement, le Vénézuéla est tout indiqué pour la grimpe. Si l’escalade sportive est assez développée, ce sont peut-être les amateurs de « big walls » qui seront choyés par les lignes vierges. Ceux qui rêvent encore d’aventure pour grimper en auront pour leur argent: des treks de plusieurs jours à travers de la jungle luxuriante sont parfois nécessaires pour arriver aux parois. Tentant ?

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Europe

Afrique Certains endroits du continent africain sont déjà bien connus des grimpeurs. Il suffit de penser à la main de Fatima, ou les plaines de l’Afrique du Sud. Reste malgré tout de grands pans qui sont dévoilés un peu plus à chaque expédition qui sort des sentiers battus. Pour des raisons évidentes, le développement s’y fait parfois lentement, laborieusement. Visiter l’Afrique pour l’escalade peut comporter sa part de défi, mais c’est un peu pour ça que vous voudriez y aller, non ? Les « classiques »:

Crédit photo : Stéphane Longtin

Le Vieux Continent ne s’endort pas l’hiver, mais les voyageursgrimpeurs devront bien choisir leurs destinations – le mercure peut baisser là-bas aussi. Évidemment, toute l’Europe du Nord peut être accessible pour l’escalade de glace, et ailleurs, là où le soleil est plus présent, vous trouverez de quoi satisfaire tous vos besoins de grimpe. Seul hic: les hordes de grimpeurs européens connaissent elles aussi les bons « spots ». Les « classiques »: Fontainebleau: l’hiver, c’est la saison magique dans un lieu magique. Les Bleausards parlent de la « collante » comme d’une légende. Les plats ridicules à tenir en été deviennent (presque) des bacs, et vous pourrez pleinement découvrir l’escalade à « Bleau ». Il vous suffit d’un seul matelas de sol, une chambre dans un refuge, voilà les ingrédients pour un voyage exceptionnel. L’Espagne: tenter de quantifier l’escalade en Espagne paraît comme un défi absurde. El Chorro, Margalef, Mallorque: il y a tant de roche au soleil, de parois équipées, que plusieurs vies ne suffiraient pas à tout voir. Les conditions climatiques hivernales vous forceront à faire quelques choix, mais malgré tout, votre terrain de jeu est vaste. Et ce, sans même trop vous éloigner des grosses villes comme Barcelone. À découvrir: Malte: destination touristique, certes, mais cet archipel baignant en plein milieu de la Méditerranée offre de superbes conditions de grimpe pendant que le mercure est à la baisse ici. Et mine de rien, vous retrouverez plus de 1200 voies dans le plus petit État de l’Union européenne. Avec seulement une poignée de grimpeurs locaux, vous n’aurez certainement pas à attendre pour grimper, qu’il s’agisse de multilongueurs sur une paroi donnant sur la mer ou de petites voies pugnaces de sport. La Slovénie: le petit pays d’Europe ne figure pas sur les plans de voyage de grand monde. Et pourtant ! Avec Osp et Misja Pec seulement, vous aurez droit à plus de 400 voies, dont plusieurs multilongueurs, dans des conditions parfaites. Et c’est sans mentionner les autres endroits – 70 quand même ! – à voir dans le pays, avec pourquoi pas, quelques châteaux à l’horizon. Il y a certes du bloc, mais la Slovénie ne semble pas l’endroit idéal pour les amateurs de gros cailloux.

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L’Afrique du Sud: si vous êtes ne serait-ce qu’un peu branché à l’actualité de la grimpe, vous savez qu’en Afrique du Sud, il y a des montagnes de rocher orangé de qualité exceptionnelle qui n’attendent que d’être grimpées. Tout le monde semble unanime sur le fait que l’escalade est phénoménale dans les Rocklands – pour le bloc, bien entendu. Mais les « tradeux » et les adeptes d’escalade sportive ne seront pas en reste: il y a de superbes lignes un peu partout, près de Cape Town et ailleurs aussi. Suffit d’explorer – ou de trouver de sympathiques guides locaux. Madagascar: l’île de Madagascar a vu une quantité de grimpeurs célèbres ouvrir de nouvelles voies sur son territoire. C’est dire l’attrait de la roche de « l’île continent » ! Ses énormes falaises de granite sont maintenant célèbres, avec les Lynn Hill et Adam Ondra de ce monde qui ont ouvert des trucs très durs. Mais hormis les grandes longueurs, il ne faut pas oublier le bloc et l’escalade sportive, qui ne sont pas en reste. Tout ça, évidemment, dans un décor enchanteur. À découvrir: Le Maroc: ce superbe pays du Maghreb a vu passer plusieurs grimpeurs et équipeurs au fil des dernières années, si bien que vous pourriez aisément considérer y aller pour un voyage haut en couleur. Bref, une bonne raison pour allier voyage et escalade. Le gros de la grimpe se concentre dans les Gorges du Todras, mais il y aurait aussi du bloc de bonne qualité un peu partout dans le pays. Mais là, comme ailleurs, il faudra faire des recherches avant de partir. Peut-être trouverez-vous une nouvelle mecque du bloc ? Inch’allah ! La Namibie: les paysages semblent à couper le souffle, avec des dômes de roche invitants. Dans ce pays très peu peuplé, et un environnement a priori inhospitalier, l’escalade a fleuri durant les dernières années, sous l’impulsion de grimpeurs africains avides d’ouvrir de nouvelles lignes. Les informations sont parfois fragmentaires, la faune et la flore hostiles, mais les lignes semblent abonder. Peut-être y ajouterez-vous votre première ascension ? Et puis, à quelle fréquence grimpez-vous entouré de girafes et de dragons de Komodo ?


Asie Un voyage d’escalade peut vite devenir un voyage initiatique à la folie furieuse qui règne en Asie. Hormis du calcaire de toutes les formes, vous découvrirez également des cultures, des mets et des gens très différents. Un voyageur averti en vaut deux: la logistique pour grimper peut parfois s’avérer laborieuse – ou intéressante, selon votre point de vue. Oubliez les conditions parfaites pour grimper, il vous faudra parfois prendre ce que Mère Nature vous donne. En termes d’escalade, l’Asie est encore sous-développée, le potentiel est illimité, mais dans certains pays, les grands morceaux de rocher font surtout partie du paysage. Les « classiques »: La Thaïlande: surnommé – avec raison – le « Club Med » des grimpeurs, c’est peut-être l’un des seuls endroits au monde où vous pourrez assurer les deux pieds dans le sable. Un endroit agréable pour des vacances de grimpe, idéal pour ses premières 5.12. Mais ce n’est pas un endroit parfait: les foules ont un impact, tant sur la qualité du site que la qualité des voies... Il y a aussi le nord de la Thaïlande, moins connu et moins fréquenté. L’Inde: Révélée dans un certain film mettant en vedette Chris Sharma, la grimpe en Inde a attiré depuis pas mal de grimpeurs-voyageurs, et avec raison. Avec des paysages parsemés de temples et de rizières lorsque vous faites du bloc, c’est assez unique. Mais il y a aujourd’hui beaucoup plus que cela au « continent » indien. Badami, Delhi, Mumbai, Ramanagaram offrent tous soit de l’escalade sportive ou du bloc. Pour l’alpinisme, il faudra attendre l’été pour s’attaquer à des sommets enneigés. À découvrir: Le Laos: un secret bien caché de l’Asie du Sud-est. L’escalade s’y est développée au cours des dernières années, avec les efforts de grimpeurs français et allemands. Avec pour résultat qu’aujourd’hui, le pays compte plusieurs parois à visiter. Vous y serez loin des foules, sur du calcaire de qualité, dans des caves ou sur des dalles, selon votre envie, et les cotes sont accessibles à tous. Doit-on ajouter que c’est une destination abordable, qui vous en mettra plein les yeux – et pas qu’en terme de grimpe ! L’Iran: il paraît qu’il y a des parois hallucinantes dans ce pays très montagneux. Cela relèvera de l’aventure d’y aller – pensez barrière de la langue, visa, topo – mais imaginez un peu les souvenirs que vous en garderez. L’alpinisme y est développé, l’escalade sportive également, le bloc semble être en développement. Une recherche rapide sur Internet permet de trouver des guides, un signe de bon augure.

Crédit photo : François Lebeau

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Pacifique

Crédit photo: Tom Hoyle

Ce serait une erreur de géographie grossière de ne pas inclure l’Australie et les alentours dans ce « tour de la terre ». D’un autre côté, ils ont une quantité absurde de roche à grimper. Si bien que plusieurs vies ne vous suffiront pas à écumer tout ce qui se grimpe, en trad, en sport ou en bloc. Et un petit paragraphe ne suffirait pas à vous citer tous les sites intéressants des îles près du pays des kangourous. Les classiques: L’Australie: une destination majeure pour l’escalade, pour tous les styles de grimpeurs – sauf peut-être les friands de glace. Seulement les Grampians sont un terrain de jeux de plus de 200 kilomètres carrés, avec des cotes pour tout le monde. Outre les Blues Mountains et Arapiles, il y a également une variété de plus petites falaises près des villes majeures – Sydney, Melbourne, notamment. Pas surprenant que l’Australie soit sur la liste des endroits à visiter de plusieurs grimpeurs. Le seul obstacle: votre portefeuille. À découvrir: La Tasmanie: l’escalade d’aventure ne vous suffit plus ? Que diriezvous de grimper des fissures escarpées avec la mer sous vos pieds et une épée de Damoclès au-dessus de la tête ? Ça, c’est l’option dangereuse, si vous optez pour les parois près du fameux Totem Pole. Sinon, il y a « malgré tout » près de 1800 voies sur la « petite » île. Le seul hic: les coûts en transport. par David Savoie

Quelques conseils et suggestions pour le voyage -

Ne partez jamais sans elles: les assurances. Plusieurs grimpeurs pourraient vous parler de mésaventures – qui auraient pu être pire s’ils n’avaient pas d’assurances ! Par contre, il faut aussi lire les petits caractères – certain grimpeurs ont des problèmes à se faire rembourser leurs soins ou leurs déplacements.

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Si vous pensez vous rendre dans certains endroits du monde, comme tout bon voyageur, regardez la liste des vaccins à prendre. Souvent, l’escalade peut vous emmener dans des régions reculées où certaines maladies sont plus présentes que près d’attraits touristiques. Du même coup, si vous voulez vous amuser en grimpant, faites attention à ce que vous ingérez. Diarrhée et escalade font très mauvais mélange.

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Le matelas de sol est une excellente valise. Mettez-y une partie de votre matériel – il sera dans les items surdimensionnés de toute façon ! Cela allégera vos sacs et vous éviterez (peut-être!) des frais.

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Même votre corde peut-être pesante, mais mieux vaut l’avoir avec vous. Elle pourrait être coûteuse ailleurs – et vous n’aurez peut-être pas l’embarras du choix à l’autre bout du monde.

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L’aventure, c’est chouette, mais parfois, à l’étranger, vaut mieux planifier un minimum son itinéraire, ses déplacements, etc. Les pépins logistiques peuvent aisément plomber vos vacances – surtout si elles sont courtes.

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Les guides sont (souvent) vos amis: pas nécessairement besoin d’embaucher un professionnel de l’escalade, mais ils peuvent souvent vous orienter vers les meilleures parois ou les bons contacts. En revanche, vaut mieux s’assurer de leur crédibilité, une notion parfois vague dans certains pays.


ÉCole De

MONTAGNE

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Crédit photo : Jasmin Beaulieu grimpE < 1 3


voyage >

InITIaTIon LaTInE : suEsca ET coMPagniE Crédit photo : Julien Fleury 1 4 > grimpE


Aviez-vous déjà entendu parler d’escalade sportive en Colombie? Moi non plus.

longueurs dans des paysages bien particuliers – avec sa végétation exotique comme des lianes, des fissures en devers, du rocher orange par endroits ou encore des grottes qui ravinent les murs. Pour s’y retrouver à Suesca, il est presque essentiel d’avoir un guide connaissant l’endroit puisque le livre-guide laisse à un peu à désirer. Il est donc possible d’engager ou de rencontrer un habitué de la roche errant à la rechercher d’un touriste à aider – ce fût notre cas !

J’étais à la recherche une destination bon marché pour quelques semaines. Ce pays m’a été recommandé par certains globe-trotters d’expérience. Évidemment, un voyage ne saurait être complet sans quelques épisodes d’escalade sur rocher.

En aucune occasion n’avons-nous été mal à l’aise sur le site. Plusieurs invitations ont mené à de conviviales rencontres. Les suggestions de sites de grimpe colombiens abondaient et leur culture est passionnante.

Quelques recherches sur Internet et les conseils d’un Colombien actuellement au pays de la poutine m’ont permis d’en apprendre sur l’environnement géographiquement grimpable de ce pays. Mes découvertes m’ont convaincu de passer quelques semaines sur les falaises colombiennes.

Au cours de cette épopée, nous avons rencontré John, un Colombien qui aurait son brevet d’ingénieur, mais dormait par choix dans les grottes de Suesca quand nous l’avons connu. Celui-ci nous a plus qu’aidés, tant à apprendre l’espagnol qu’à s’y retrouver sur la falaise. Ce passionné aux cheveux longs n’aimait pas la « deportiva ». Il ne cessait de dire qu’il voulait faire de « l’aventura » et grimpait malgré la pluie. Après une journée de grimpe, nous l’avons invité boire une bière et manger un bout. Il nous a dit qu’il nous rejoindrait après une petite montée de 90 mètres, sans corde, avec des souliers on ne peut plus troués.

Que de rumeurs infondées sur le caractère dangereux de l’endroit! Loin de moi l’idée de vous vendre qu’il ne peut rien vous arriver en Colombie. Cependant, si vous restez alertes et raisonnés dans vos choix de destination et de comportement, ce voyage vous enchantera pour plusieurs raisons. Les Colombiens sont d’un charme considérable; sans doute le peuple le plus sympathique rencontré de mes voyages dans les Amériques. Comme le dit le slogan colombien : El Riesgo es que quieras quedar (Traduction libre : Le risque est de vouloir y rester). Deux avions, quelques bus et nous voici à Suesca, quelques kilomètres au nord-est de Bogota. Il s’agit de la mecque de l’escalade extérieure en Colombie. Bogota est à 2500 mètres d’altitude. Suesca a une altitude similaire, ce qui est 2000 mètres de plus que Montréal. On le sent par des différences cardio-vasculaires, et ce, même dans les voies faciles. J’étais à bout de souffle alors que les bras ne sont presque pas pompés – toute une expérience ! Petite parenthèse, l’anglais en Colombie est peu compris. L’espagnol y est de mise. Les locaux sont vraiment chaleureux et nous aident sincèrement dès que nous leur « baragouinons » une question en espagnol. À peine quelques mètres parcourus à pied en direction de l’entité convoitée par notre pèlerinage, nous croisons un couple de grimpeurs colombiens nous proposant humblement leur casa (maison) en location pour la semaine!

Si vous désirez bouger pour grimper en Colombie, les locaux indiqueront une panoplie de falaises éparpillées. À moins de deux heures de voiture de Suesca se trouve un site plus intéressant pour les grimpeurs purement sportifs. Il s’agit de la falaise de Macheta. En y arrivant, j’ai été excité par la similitude entre les angles s’y retrouvant et un endroit légendaire à mes yeux, le Red River Gorge. La taille du site est toutefois bien moins imposante et la roche plus taillée, aux dires de certains Colombiens. Les jolies voies surplombantes dans le 5.12/5.13 ne se comptent plus dans ce petit paradis aux toits complexes.

Charte Suesca Infos pratiques Comment s’y rendre En avion vers Bogota, se rendre au terminal de bus. Prendre un bus de la cie Alianza pour Suesca. Chercher la « tienda Monodedo » et suivre le bon chemin de fer, celui vous conduira à la paroi. Budget Environ 30 dollars par jour si vous louez consciencieusement. Incluant : logement, nourriture, et la bière d’après-grimpe.

La paroi de Suesca mesure environ 3 kilomètres de long et plus de 100 mètres de hauteur par endroits. Ce rocher a été façonné pour l’aventure par Dame nature. Le grès bizarroïde est agréable au toucher, mais quelques passages sont patinés. Il a un potentiel énorme pour le grimpeur de trad et le site possède plusieurs voies sportives et d’aventure pour les autres.

Équipement Pour grimper, il vous faut une dizaine de dégaines, de l’équipement traditionnel si vous voulez profiter des meilleures voies. Une corde de 60 mètres vous suffira. Pour acheter du matériel sur place, le Monodedo près de l’entrée, ouvert plutôt la fin de semaine.

Le site est équipé « à l’ancienne », avec des points éloignés – certains grimpeurs vont préférer utiliser un coinceur dans certaines circonstances. Les premiers points sont parfois à hauteur de rétablissement highball avec un crux les précédant. Reste que ce roc mérite un grand respect et qu’il devrait s’agir d’un site immanquable pour le grimpeur d’aventure voulant faire quelques voies de 2-3

Climat Changeant, certaines lignes se grimpent presque en tout temps, amenez toujours un imperméable et de la crème solaire.

par Julien Fleury

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Brin de vie >

La tentative

du grand dièdre du

Pinnacle

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Le 26 Février 1978, Bernard Maillot et moi-même tentions, ce que nous croyons être, la première ascension du Grand Dièdre du Pinacle en Estrie. Voyage dans le temps avant les piolets ergos et les mécaniques sur l’une des grandes classiques du Québec : Gringalet!

-T’as quoi comme relais, Bernard? -Le gros cèdre de la voie Normale. Auto-assuré, Charles. J’te descends un des Fitzroy. Cette première longueur, dans le grand dièdre, on l’a déjà fait à quelques reprises, en été, pour ensuite bifurquer dans la Voie Normale. Mais là, il y a de la glace. Bernard s’est bien débrouillé avec ses deux grands piolets Fitzroy. C’est maintenant à mon tour. Mes bottes de skis lacées en cuir ne sont pas très chaudes mais mes crampons Simond Makalu s’y raccordent bien. Bernard me fait parvenir un de ses Fitzroy grâce à la cordelette qu’il a prévu, et, comme deuxième outils, j’ai un petit marteau piolet Forrest Mjllornir. Allons-y! - Départ. Quelques semaines auparavant, Bernard m’avait initié à la glace au Golden Eagle, de petites cascades de glace de 10 à 15 mètres de haut, situées sur le bord de la rue Wellington, entre Sherbrooke et Lennoxville. On peut y grimper le soir grâce à l’éclairage de la station-service à proximité. Ce qui crée une ambiance assez particulière, avec les lumières jaunes qui se reflètent sur la glace! Mes jointures sont encore un peu douloureuses de cette sortie initiatique mais, heureusement, il y a peu de glace et je grimpe essentiellement en me servant de la roche. - J’laisse tu le piton ou je le ramasse? -Laisse-le, j’en ai d’autres. - La suite a l’air assez « tough » pis pas très large. -Ok, auto-assuré. Tiens, Bernard. V’la ton hex, pis la sangle du piton. Bernard replace tout ça dans son rack composé d’un jeu de stoppers et d’hexcentriques, des pitons, avec quelques vis « tirebouchon » et « warthog ». Il devrait en principe avoir ce qu’il faut pour la prochaine longueur. On s’en va en terrain inconnu: l’été, à partir d’ici, le dièdre est plein de mousse et il est constamment mouillé. La mousse y est encore, mais elle est maintenant solidement gelée sous une épaisse couche de glace. À ce moment, Bernard a sept sorties en glace de plus que moi. Il a grimpé en janvier au Golden avec Pierre Bélanger et il a tenté récemment une nouvelle voie avec Bert Coté et Martine Codère à la Montagne de Marbre.

- T’es sûr que tu ne veux pas mon p’tit marteau ? Ça l’air étroit. - Non, non. J’m’arrange avec les Fitzroy. Après du beau travail par Bernard dans cette nouvelle longueur, pas moyen de me descendre le Fitzroy. Après trois tentatives, je dis à Bernard que je vais m’arranger juste avec mon petit marteau Forrest. Ce n’est pas large mais ça passe! Je vois un piton, et je me souviens qu’il m’a dit de tout laisser alors je laisse là. Ramone, ramone, accroche le piolet ici, tape le piolet là. Merde, la glace n’est pas épaisse! Ce n’est tout de même pas si pire, ma pointe de piolet n’est pas trop endommagée. Je récupère un beau « stopper » et je continue. Ouuffff, mais comment il a fait? Y’en a pas épais icitte! Je vois que lui aussi « grafignait » car il a laissé des traces de crampons sur la roche. Ahhhh, soulagement: un peu de pontage suivit d’un autre piton. - Tu veux le Fitzroy pour finir ce qui reste?, me demande Bernard. - Non, ça va bien, j’pense que le pire est passé. T’as quoi comme relais ? - Des pitons. Y’a encore une p’tite passe juste avant le relais mais t’es capable. - À sec! P’tite passe, tu disais ? Bon, j’fais quoi là. C’t’un surplomb, ça! -Retourne à gauche, dans l’entonnoir, me suggère Bernard. -Beau travail, Berny. J’suis fatiqué. Revenir de ce petit pendule m’a vidé. On fait quoi maintenant? La suite de la voie est complètement en glace. Jusqu’à maintenant, la roche nous a donné de bonnes occasions pour mettre les protections mais là, c’est fini! Il n’y a plus que de la glace, et elle est raide. Sans compter ce parapluie de glace qui ne m’inspire pas. Le doute s’installe dans mon esprit mais Berny pense que c’est jouable sur la glace mince à sa gauche. Le froid et la fatigue me gagnent. Je demande à Bernard de voir si on peut sortir par la droite en dégrimpant un peu. - J’pense qu’on peut sortir par là. Donne-moi du mou, je traverse sur cette rampe. - Je pense qu’on peut rejoindre la voie Normale. Oui, je suis au pied de la cheminée. J’suis assuré sur l’arbre. Viens-me rejoindre, Bernard. On se retrouve donc au sommet en terminant sur la roche par la Voie Normale. Déçus, bien entendu, de n’avoir complété ce que l’on croyait être une première ascension, mais heureux de l’expérience. Beaucoup plus tard, Bernard entre en contact avec Serge Roy et JeanFrançois Denis, qui confirment avoir fait l’ascension (avec piolets techniques Ptérodactyle et vis « modernes ») dans les jours suivant notre tentative. Pendant longtemps, nous avons cru à tort l’avoir manqué de peu, puisque les topos indiquent que leur ascension a eu lieu en 1977 alors que la nôtre date de février 1978. Mais peu importe. Cette journée-là, dans notre tête, nous étions les premiers ! par Charles Laliberté

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