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À LA RECHERCHE DES FRUITS ET DES LÉGUMES PERDUS
• PAR VALÉRIE LEVÉE
De la viande, des fruits et des légumes, mais pas de céréales, ni de produits laitiers, et surtout pas de produits transformés. Voilà les grandes lignes du régime « paléo », qui prône un retour à l’alimentation de nos aïeuls préhistoriques. Sauf que les fruits et légumes de la préhistoire, métamorphosés par les pratiques agricoles, n’ont pas grand-chose à voir avec ceux que nous dégustons aujourd’hui !
Retour dans le temps pour découvrir les ancêtres de la banane, de la citrouille et du maïs.
LE FRUIT D’UNE HERBE
Contrairement aux apparences, le bananier n’est pas un arbre, mais bien une herbe géante ! Originaire d’Asie, il est cultivé depuis 7 000 ans en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Mais les bananes de la préhistoire n’avaient pas l’apparence ni la saveur de leurs descendantes modernes. Tout comme les bananes sauvages qui poussent encore en Asie, elles étaient pleines de graines et peu charnues. Rien à voir avec notre banane cultivée.
Ces anciennes bananes avaient cependant l’avantage d’être fertiles. Comme les cultivateurs en avaient plusieurs espèces sous la main, ils ont pu faire des croisements. Au fil du temps, ils ont obtenu des bananes plus charnues, qu’ils ont évidemment sélectionnées pour leur consommation et dont ils ont retenu les graines pour la reproduction. Or, ces croisements ont aussi conduit à un fruit qui se développe à partir de la fleur femelle, sans qu’elle soit fécondée (parthénocarpie).
La banane moderne, sans graines, était née. Mais elle nécessite l’intervention humaine pour la multiplier car elle est stérile !
CITROUILLES ET AUTRES COURGES
Courgettes, citrouilles, courges spaghetti, courges cou droit, pâtissons… Inutile de les chercher dans un menu préhistorique: ces variétés n’existaient pas. Malgré leurs formes, couleurs et goûts différents, elles proviennent tous d’un même ancêtre, Cucurbita pepo, qui poussait au Mexique et dans le sud des États-Unis.
Les fruits de cette espèce ancestrale n’étaient que de petites boules de quelques centimètres, à la chair coriace, amère et fibreuse. C’était plutôt pour leurs graines que les chasseurs-cueilleurs de jadis les ramassaient et qu’ils se sont mis à les cultiver, il y a 10 000 ans, comme en attestent des restes de courges retrouvés dans des grottes du Mexique. Quelque 5000 ans plus tard, des Autochtones des États-Unis ont aussi commencé à en cultiver. Dans les deux cas, les cultivateurs ont eu des millénaires pour sélectionner les courges pour leur grosseur, leur goût, leur forme, leur couleur…
C’est ainsi qu’au XVI e siècle, la courge est arrivée en Italie à bord des bateaux revenant du Nouveau Monde et qu’au XIX e siècle, les Italiens ont sélectionné la courgette. Cette petite courge allongée et verte est bien modeste devant sa sœur, la grosse citrouille orange, mais son succès lui a fait faire le tour du monde, si bien qu’elle est revenue en Amérique.
DU TÉOSINTE AU MAÏS
C’est aussi au Mexique que des chasseurs-cueilleurs ont commencé à cultiver le téosinte, l’ancêtre du maïs. Mais pas question pour eux de faire des épluchettes de téosinte, car les grains n’en étaient pas sucrés et les épis étaient minuscules !
En fait, le téosinte, qui pousse encore à l’état sauvage au Mexique aujourd’hui, est tellement différent du maïs qu’il est difficile de croire qu’il en est l’ancêtre. Au lieu d’une tige forte et unique portant un épi de plusieurs centaines de gros grains, le téosinte est ramifié et porte de nombreux épis constitués d’une poignée de petits grains durs enveloppés dans une coque. Les chasseurs-cueilleurs broyaient-ils ces grains en farine ? En aspiraient-ils les sucres contenus dans la moelle de la tige ? Mangeaient-ils les fleurs ? Ou faisaient-ils fermenter cette moelle pour en faire une boisson alcoolique ? Toujours est-il que les premiers cultivateurs ont sélectionné les plants les plus intéressants et les vestiges archéologiques montrent qu’il y a 9 000 ans, ce qu’ils cultivaient n’était plus du téosinte, mais du maïs.
Du Mexique, le maïs a voyagé avec l'humain de l’Argentine au Canada, puis dans le reste du monde, et s’est décliné en une multitude de variétés adaptées à autant de climats.
Si les épluchettes de blé d’Inde sont possibles aujourd’hui, c’est parce que le grain de maïs a perdu sa coque et que sa teneur en sucre a augmenté suite à une mutation génétique.