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La rénovation de l’ancien silo à grains de Sion
Une transformation architectUrale inédite
Inspirée par une démarche élémentaire, la transformation de l’ancien silo à grains de Sion s’appuie sur des principes architecturaux fondamentaux. Une intervention rationnelle et efficace qui modifie l’affectation tout en mettant en valeur l’existant.
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texte: Salomé Houllier Binder photos: Nicolas Sedlatchek
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Hormis la mise aux normes pour un lieu public, l’espace reste fidèle à son apparence d’origine.
Invisible depuis l’extérieur, la terrasse offre une vue panoramique sur la ville et le grand paysage.
Du haut de ses 40 mètres, le silo à grains est l’un des plus grands édifices de la capitale valaisanne. Ce bâtiment emblématique construit en 1939 est aujourd’hui classé comme objet d’importance cantonale. C’est l’une des raisons pour lesquelles le projet développé par le bureau Mor& Architectes conserve et restaure l’existant autant que possible. En effet, la transformation cherche avant tout à valoriser le caractère monumental originel. L’enjeu principal du projet a donc été de concilier cette spécificité et la substance historique du bâtiment avec les différentes exigences actuelles. Normes sismiques, sécurité incendie et autres mises à niveau ont été conjuguées dans le respect de l’existant tout en modifiant entièrement la fonction des espaces.
Requalification spatiale
Désaffecté et vidé de sa machinerie, le silo révèle alors son enveloppe, fonction primaire du bâtiment qui sert aussi d’interface avec la ville. Des ouvertures sur tous les côtés, des hauteurs sous plafond allant jusqu’à 6 mètres et des plans libres mettent en exergue les murs périphériques et une ossature de béton blanche nervurée, construite de la manière la plus rationnelle possible. C’est sur ces éléments substantiels que le projet s’est développé pour aménager des espaces fonctionnels.
Le bâtiment est divisé en trois parties. Dans la partie inférieure, un socle partiellement enterré accueille un restaurant au rez-de-chaussée et un bar de nuit au sous-sol, actuellement en construction. À la sommité est aménagé un appartement en duplex de 240 m2 avec une terrasse décaissée dans la toiture. Entre les deux, dans la partie intermédiaire, les tubes des silos s’élancent sur une vingtaine de mètres. Ceux-ci n’ont pas été touchés à l’exception de deux d’entre eux, utilisés pour la liaison verticale. Un ascenseur et un escalier de secours y ont été installés, constituant un défi technique au niveau des travaux. Une cave a en plus été aménagée en relation avec ces circulations verticales.
GéométRie et fluidité
Bien que les programmes des deux parties diffèrent, les interventions dans le restaurant et dans l’appartement sont de la même nature. Face à l’imposant volume, les architectes travaillent un espace fluide jouant sur les transparences et les opacités. Des volumes fonctionnels accueillant des éléments programmatiques (cuisine, économat, bibliothèque, escaliers, sanitaires) structurent l’espace. Leur positionnement dans le plan offre des dégagements plus ou moins généreux selon la fonction des espaces. Par leur mise à distance de la structure, ces volumes semblent presque flotter dans le plan libre et n’entravent pas la lecture de l’existant. Leur adjonction résout les connexions spatiales nécessaires aux différents programmes, considérant ainsi l’espace comme un seul fluide. Cette fluidité spatiale est
par ailleurs déjà suggérée dans le plan d’origine des niveaux supérieurs dont l’enveloppe carrée possède des angles arrondis. Dans l’appartement, des cloisons en verre translucide sont ponctuellement installées pour compléter le dispositif et accentuer les relations entre les espaces.
Les architectes ont ainsi développé des thématiques communes avec des traitements différenciés selon les programmes. Dans les espaces de restauration, situés à proximité des quais de la gare, les volumes fonctionnels sont recouverts de panneaux de bouleau multi-plis teintés, tandis que ceux de l’appartement sont revêtus d’un bois d’eucalyptus fumé et ondé dont la teinte sombre et changeante tempère le blanc des revêtements. Cette différence transparaît aussi dans la matérialité des murs internes. Dans la partie basse, un nouveau mur en béton armé a été construit à l’intérieur afin de renforcer la structure. Une toile de jute, mémoire de l’ancienne affectation du silo, a été ajoutée dans le coffrage du béton, lui conférant une matérialité singulière, plus subtile qu’un simple béton brut de décoffrage. Les murs périphériques de la partie haute sont, quant à eux, laissés entièrement blancs avec le crépi d’origine, ce qui rend l’espace presque abstrait. Ainsi, tout en jouant sur les contrastes avec l’espace existant, l’intervention des architectes se fond dans celui-ci.
Transformer pour meTTre en valeur l’exisTanT
Le silo est métamorphosé de l’intérieur, ouvrant ainsi une nouvelle page qui poursuit l’histoire du bâtiment. La perception de la spatialité originelle perdure grâce à des interventions réduites au minimum. Du reste, la structure, l’enveloppe, les cadres de fenêtres différenciés entre les deux parties ou encore les couleurs d’origine des peintures sont préservés. Ils servent même de fondements sur lesquels le projet s’appuie pour opérer la transformation; à l’instar du bois travaillé verticalement dans les deux parties afin de renforcer la verticalité omniprésente du bâtiment. Ainsi, l’intervention est volontairement discrète face au caractère imposant de l’édifice mais agissante. Le résultat est étonnant, d’autant plus pour l’appartement qui met volontairement au second plan son rôle domestique au profit du caractère exceptionnel de l’espace: sa volumétrie et sa vue panoramique sur l’ensemble de la ville.
Les architectes font ici la preuve que travailler avec l’existant ne signifie pas nécessairement une destruction totale ou une reproduction à l’identique. À une époque où la transformation prend de plus en plus de place au sein de la profession, c’est le fondement même de la pratique architecturale qui doit être repensé afin d’accompagner la transformation du bâti.