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Transformation, quatre projets romands

L’architecture de   La transformation

La dynamique de la transformation touche de plus en plus le monde de la construction. Dialoguant avec l’existant, les architectes le manient avec précaution et respect afin de l’accompagner dans un contexte contemporain. Illustration à travers quatre exemples. SHB

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Redonner   une cohérence

Dans la vieille ville de Nyon, ce bâtiment tout en longueur de la fin du 19e siècle était en mauvais état. Il accueille dorénavant une librairie, des appartements et des bureaux.

Étroit et long de 25 m, l’immeuble datant de 1896 occupe un interstice dans le tissu de la vieille ville. Le projet a consisté, d’une part, à transformer les quatre étages inférieurs afin d’accueillir une librairie et des espaces de travail pour le bureau d’architecture réalisant le projet et, d’autre part, à réaménager trois appartements dans les étages supérieurs. La transformation s’est faite progressivement et continue de se faire encore aujourd’hui.

Le projet s’appuie autant que possible sur les éléments existants, aussi bien dans la typologie que dans les matériaux. Ainsi, les appartements conservent leur division spatiale avec une pièce à vivre de part et d’autre d’un couloir qui dessert les chambres et salles d’eau. Les murs en moellons ont pu être conservés dans les espaces de bureau, de même que certains planchers, solivages et moulures dans les appartements. L’intervention se fait de façon ponctuelle à l’aide d’éléments réalisés avec des matériaux montés à sec. Au rez, un meuble intégré traverse le bâtiment le long du mur nord. Reprenant les cassures originelles, il devient tantôt une armoire, tantôt un porte-manteau ou encore un panneau d’affichage. Les matériaux choisis sont plutôt de type industriel et laissés le plus brut possible. Par exemple, les cuisines ainsi que la bibliothèque des appartements sont réalisées avec de l’aggloméré. Enfin, la lumière est au cœur du projet à travers plusieurs dispositifs. Les fenêtres des anciennes caves ont été réactivées pour aménager les bureaux et des ouvertures zénithales éclairent les espaces plus sombres, à l’instar du niveau inférieur de la librairie. Dans l’appartement du deuxième étage, un ancien conduit de cheminée apporte une lumière zénithale dans le couloir, réfléchie par un linteau en miroir. Dans cet appartement encore, les parois de brique ont été remplacées par du polycarbonate laissant passer la lumière tout en garantissant la privacité. Du verre cannelé sur les portes complète ce dispositif de second jour entre le couloir et les chambres. Enfin, des miroirs remplacent les jalousies sur les parties inférieures des volets, offrant une vue sur le lac même depuis ces espaces au vis-à-vis important.

Bien que traitant des programmes différents, le projet suit les mêmes logiques à travers tous les niveaux. Même si chaque étage présente ses propres spécificités, les architectes proposent ici un travail de transformation qui respecte l’immeuble et lui offre une cohérence globale nouvelle.

Salomé Houllier Binder

c atherine Gailloud ©

Le bureau Bunq a été fondé en 2006 par quatre architectes FAS, Laurent Gaille, Philipe Gloor, Cyril Lecoultre et Julien Grisel. Ensemble, ils travaillent sur des projets de nature diverse qui ont en commun une forte relation avec leur site et leur contexte environnant. Les bâtiments ainsi proposés font référence à l’histoire du lieu au moyen de matérialité, de structure, d’organisation spatiale ou même de détournement d’objets. bunq.ch

c atherine Gailloud ©

c atherine Gailloud ©

c atherine Gailloud ©

Les architectes ont installé leurs bureaux dans les étages inférieurs de l’immeuble, auparavant occupés par d’anciennes caves, poulaillers et laverie. Une manière d’expérimenter et de vivre le projet jour après jour.

David Gagnebin de Bons ©

David Gagnebin de Bons © Une librairie est aménagée au rez au niveau de la rue Saint-Jean. Baptisée «bunq’inn», c’est l’une des rares librairies d’architecture de Suisse romande.

Une   intervention simple,   sobre et efficace

Située au sein d’une ancienne carrière sur les hauts de Bienne, la maison appartenait au chef carrier. Elle a été auto-construite avec les excédents de la production de pierres.

Conséquence de multiples extensions successives elle présente un plan très étroit de 3m par 11m. Située à l’intérieur du périmètre de protection de la forêt, le volume de la maison ne pouvait pas être modifié. L’intervention s’est donc limitée au réaménagement intérieur. Un nouvel escalier latéral distribue les trois étages. Le projet reprend la logique d’origine en enfilade sur les deux premiers niveaux et utilise les combles pour aménager un grand espace de vie qui révèle la charpente. Cet espace s’ouvre sur la ville et les Alpes au sud et sur la forêt au nord grâce à deux ouvertures disposées en miroir de part et d’autre. Ce dispositif accentue le caractère traversant et confère au lieu un sentiment d’ouverture totale. La mise en scène en longueur de l’espace est quant à elle accentuée par un agencement positionné sur l’axe du plan et qui s’étend d’un bout à l’autre de la pièce.

Le projet reprend et réinterprète les matériaux et langages en place, tirant parti de l’existant. Par exemple, les petites différences de niveau sont mises à profit afin de séparer les espaces. Dans la cuisine, la marche permet d’utiliser le plan de travail à la fois debout pour cuisiner et assis pour manger. Les soubassements d’origine en lambris ont été réinterprétés avec des panneaux multi-plis en bouleau et étendus à tous les espaces, à la fois pour les soubassements mais aussi pour les portes, le mobilier et les cadres de fenêtres, rendant l’intervention très lisible. Cette surépaisseur de cloisons a par ailleurs permis de faire passer toutes les techniques. Les tommettes clinker présentes dans l’ancienne cuisine ont été réutilisées dans les salles d’eau, et les surfaces restantes sont recouvertes de plâtre blanc. Le contraste ainsi obtenu amplifie les soubassements en bois et le caractère longitudinal des espaces.

Volontairement, la façade n’est pas touchée. Sa composition révèle la réalité de la construction et de son environnement. Symbole de la maison, le projet réinterprète cet esprit brut à travers une intervention pragmatique, simple et efficace.

Salomé Houllier Binder

Reto Duriet ©

Reto Duriet © Le bureau Aviolat Chaperon Escobar Architectes est fondé en 2014. Son approche de l’architecture se focalise principalement sur ce qu’il considère être les fondamentaux, soit la volumétrie, l’espace, la construction et la matière. Les architectes ne se revendiquent d’aucun courant ni tendance particulière et concèdent avoir l’habitude de travailler de manière plutôt chaotique et instinctive. Cette démarche génère une base à laquelle les trois associés ajoutent certains ingrédients plus spécifiques et nécessaires à chaque projet, qu’il s’agisse de références, de réflexions typologiques ou d’éléments liés à un contexte particulier. aviolatchaperonescobar.ch

Transformer pour valoriser l’existant

Composée de deux étages et de combles, cette maison du début du 20e a été réhabilitée pour accueillir une famille.

Située dans le village de Bougy-Villars, cette maison avait à l’époque vocation à accueillir un appartement par étage, avec un escalier commun. Le geste principal a été de décloisonner ce dernier afin de lui redonner une centralité et un caractère domestique. L’aménagement d’une bibliothèque le transforme en véritable lieu de vie et de communication, cœur de la vie familiale. Considérablement modifié, le système structurel est désormais rassemblé sur un seul point, un poteau en acier qui constitue le centre géométrique de la maison. Cela a permis de redimensionner les espaces. La bande de service au nord est plus comprimée afin d’offrir plus d’espace aux pièces de vie au rez-de-chaussée et aux chambres à l’étage. Les combles sont aménagés en deux chambres traversantes.

La rénovation énergétique a permis d’améliorer le caractère très énergivore de la maison. L’ensemble des surfaces extérieures a été isolé: la charpente a été refaite, les façades ont été piquées et recouvertes d’un crépi isolant et les fenêtres ont été remplacées. Le chauffage est assuré par une pompe à chaleur et, à terme, par des panneaux photovoltaïques. Un système de récupération de chaleur sur l’eau chaude sanitaire ainsi que la contiguïté de part et d’autre de la maison contribuent à assurer une économie exemplaire. Le projet privilégie par ailleurs des matériaux durables et écologiques. Les solvants sont bannis, les peintures sont minérales à base de chaux et le parquet est huilé avec une huile végétale. L’isolation au sol se fait grâce à des billes de verre expansé, un matériau respirant et drainant. Enfin, les encadrements en béton récupérés sur la façade nord sont réutilisés sur les ouvertures au sud, harmonisant ainsi le langage de la bâtisse.

Le projet tire parti de l’emplacement idéal de la maison et des vues qu’elle offre. L’agrandissement des ouvertures et de la terrasse s’ouvrent sur le Bassin lémanique. Dans les combles, de part et d’autre des chambres, deux lucarnes élancées et recouvertes de cuivre offrent des vues cadrées sur le grand paysage – le lac au sud et les coteaux de vignes au nord. Cet effet est accentué par des fenêtres à un vantail dont l’absence de cadre au milieu renforce la relation au paysage. Le projet instaure ainsi un dialogue avec son lieu et son histoire. Il respecte la structure et la typologie de la maison tout en valorisant ses qualités existantes.

Salomé houllier Binder

Créé en 1996, Pont12 Architectes fait partie des grands bureaux de la scène architecturale vaudoise. Il travaille sur tous types d’échelles et de programmes, nourrissant chaque projet de pratiques variées. Au fil du temps, Pont12 a acquis une solide expérience notamment dans la rénovation du patrimoine bâti, dans l’expertise énergétique et dans le domaine du spectacle. Sa cinquantaine de collaborateurs se préoccupe d’intégration dans l’environnement et d’adéquation à l’usage et inscrivent le travail du bureau dans une réflexion sur la société dans laquelle nous vivons. pont12.ch

Simon Pracchinetti © Simon Pracchinetti ©

Un nouveau Coupe A-A - grande grange 1:100 joyau en Lavaux

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5 Comment faire rentrer trois appartements dans deux granges? Plus qu’une équation mathématique, c’est une habile transformation que StudioV9 a effectuée au cœur du Lavaux.

De la contrainte naît l’inattendu. Dans le village de Rivaz, l’architecte Sacha Rouiller a dû composer avec deux granges mitoyennes, dont l’une était classée «d’intérêt régional» et l’autre qualifiée de «bien intégré». Ces constructions, destinées à stocker du matériel et diverses réserves pour les vignerons, servaient surtout à abriter quelques têtes de bétail et des chevaux dans de petites écuries. L’une possède des proportions généreuses et une porte cochère au cachet certain, l’autre est au contraire toute en étroitesse.

Un pUzzle architectUral

Le programme consistait à créer trois appartements: un 2,5 pièces occupe le rez-de-chaussée, un 4,5 pièces prend place au premier et un 6 pièces s’installe en duplex au dernier étage. Au centre, tout en verticalité, un silo de béton permet de distribuer les différents étages et d’abriter les locaux techniques et les blocs sanitaires. L’utilisation du béton a été réduite à son strict nécessaire (radier, murs structurels pour la cage d’escalier et renforcement apparent des passages au travers des murs historiques) ; tout le reste de la structure (dalles, doublages, cloisons, façade jardin) est en bois. Un système constructif qui fait écho aux habitudes de constructions vernaculaires locales : porteurs verticaux en dur (moellon-béton) et sols en bois.

l’esprit des lieUx

Le projet se devait de conserver l’âme rurale des lieux: les solides murs en moellons, les éléments de charpente venant structurer les espaces de vie, la préservation des ouvertures avec cependant quelques ajustements pour satisfaire les besoins en lumière naturelle. L’idée étant de créer un tout cohérent de l’intérieur, de conjuguer le respect du passé avec la nécessaire adaptation aux contraintes actuelles.

Côté rue, les façades ont été conservées et restaurées. Les volets sont d’origine. Côté jardin, la partie arrière a été repensée pour s’harmoniser avec l’existant ; elle présente un socle minéral et une façade en bardeaux de bois verticaux. Celle-ci fait référence aux ajouts de petites dépendances, bûcher ou balcons fermés qui font partie intégrante des constructions locales. Ainsi, tout juste rénovée, la double bâtisse semble déjà baigner dans son élément.

Au sommet, deux lucarnes permettent de profiter d’un paysage labellisé par l’Unesco.

Maxime Pégatoquet

Thomas Jantscher ©

StudioV9 a été fondé par Bastien Jeandrevin, Tanguy Poffet et Sacha Rouiller. Une fois leurs études communes achevées, ils ont choisi de retourner d’où ils venaient – Bienne pour les deux premiers, le Lavaux pour le troisième – et de créer un bureau à deux têtes actif sur un plus vaste territoire. Créé en 2018, il a déjà à son palmarès la construction d’une école, la transformation d’un centre médical et quelques habitations individuelles. studiov9.ch

t homas Jantscher ©

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