Preparer_les_bagages

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« Préparer les bagages » …

Tous

les hommes n’ont pas la chance de recevoir avant leur fin un avertissement du destin qui leur permet, comme on dit en Extrême-Orient, de « préparer les bagages ». Jean Walter a eu cette chance : une alerte cardiaque à la fin de 1955, comme il a passé les soixante-douze ans - depuis le printemps. Il ne néglige pas ce signal. Non qu’il soit croyant : il nous semble vraiment, après avoir, comme on dit, sondé « le cœur et les reins » de cet homme pendant près d’un an, qu’il ne l’est pas. Certes il peut se passer quelque chose entre la coupe et les lèvres… Mais là, non. Il va donc seulement mettre ses affaires en ordre. En type hyper rationnel. Et habitué à être obéi presque sans avoir à formuler. Ainsi aura-t-il voulu commander même… à l’avenir. Mais, comme on sait, « les plans les mieux conçus des souris et des hommes sont souvent dévoyés ». C’est une autre histoire, celle du chapitre 2 de ce livre… Pour un lauréat Zellidja, le plus spectaculaire est cette donation-legs de 1 milliard de francs (1956, des « anciens francs, comme on disait, mais tout de même…) à l’Académie française. Il semble que Jules Romains, qui fréquentait beaucoup rue du Cirque chez les Walter (prenant même des notes à la sortie : cf. son roman Une femme singulière !), ait pu servir de truchement. Il deviendra d’ailleurs le premier président de la Fondation nationale « nouvelle formule ». On y reviendra dans le 2ème chapitre de ce livre.

Toujours est-il que, le 26 avril 1956, l’Académie française, en séance plénière, entérine à l’unanimité le legs qui lui est ainsi fait. « Bien géré, ça peut durer des

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siècles », a écrit Jean Walter dans une lettre retrouvée au Archives. Ça durera seize ans. Des documents fondateurs de la FNBZ (Fondation nationale des Bourses Zellidja), il a été impossible, en un an de recherches, d’en retrouver aucun. C’est frustrant. Me Vidart, notaire, le conseil d’Etat, qui a dû entériner, l’Académie, la famille elle-même : rien. [Bientôt de nouvelles générations plus viriles…] L’année d’avant, Jean Walter avait fixé sa conception des Bourses : « Voici que quelques signes annoncent un renouveau partiel de la France. Des générations nouvelles montent, et beaucoup de jeunes révèlent un esprit d’initiative comparable à celui qui animaient les génération d’avant 1914. » Et d’ajouter cette phrase stupéfiante : « Ces progrès permettent d’espérer que, d’ici peu, on ne ressentira plus les effets des guerres qui – ayant fait disparaître deux millions de Français – ont laissé à des femmes seules, plus tendres mais moins sévères par nature, le soin d’élever des générations qui, de ce fait, manquent de virilité. » Sans commentaire. Le 14 juin 1955, il fait inaugurer par son ami Edgar Faure, président du conseil, une exposition (comme il s’en fait alors tous les deux ans) sur les récents travaux des boursiers et lauréats Zellidja. C’est quatre jours après l’assassinat de Jacques Lemaigre–Dubreuil à Casablanca. L’événement a lieu au Musée pédagogique de l’Éducation nationale, 29 rue d’Ulm à Paris. Sur les photos qui sont prises, on voit le magnétisme qu’exerce Jean Walter : il est regardé par tous avec une respectueuse intensité ; Philippe Labro, juste rentré de son université américaine, se colle même à sa manche droite, comme pour mieux recueillir les vibrations qui peuvent émaner du grand homme.

Jean Walter, également, jette les base d’une internationalisation des Bourses Zellidja. L’automne suivant, il recevra le prince de Hanovre, directeur de l’école de Salem, en Allemagne, et très actif dans la « Conférence des établissements à esprit international » - qui intéresse, on 2


le conçoit, le fondateur des Bourses Zellidja. Ce n’est pas un homme qu’on bluffe facilement, cet aristocrate, : il a tout de même vu passer de fort jolies têtes, comme le futur consort d’Angleterre, Philip d’Edimbourg, ou Sophie de Grèce, future reine d’Espagne. Jean Walter le reçoit fastueusement au 2 rue du Cirque. Domenica, empressée, lui montre les tableaux de la Collection. Le prince non blasonné passe prendre le prince de Hanovre à son hôtel ; il conduit lui-même la Rolls Royce de son épouse… mais arrive une demi-heure en retard, sans s’excuser : un Allemand, si seigneur qu’il soit, peut attendre…

Il semble que ce soit la même année 1956 de l’institutionalisation des Bourses Zellidja que Jean Walter organise le « non héritage » de ses trois enfants : Jacques, Ginette, Monique recevront chacun une somme qui nous a été décrite comme « coquette mais pas considérable ». Ils ont dû, en échange, signer une lettre s’engageant à ne jamais réclamer autre chose. Un juriste nous a rappelé un vieil adage du droit : « Nul ne peut agir contre lui-même », ou quelque chose comme ça. Cette signature n’aurait donc aucune valeur, et chacun des trois aurait pu la contester. Aucun ne l’a fait. Force du père : il est des surmoi(s) qui s’exerce jusque dans l’au-delà… En 1948 déjà, Jean Walter avait donné l’hôtel de Châlons-Luxembourg à la ville de Paris, sous réserve d’usufruit pour la Fondation des Bourses Zellidja. C’est en 1974 que se fera le transfert. Durant trente-cinq ans l’édifice a été laissé dans un état ignominieux (sauf la façade, convenons-en). Il semblerait aux dernières nouvelles qu’il puisse bientôt servir d’extension au Mémorial juif, qui est presque en face. Ce serait certes mieux que le Service des sous-sol de la ville de Paris, dont le titulaire a fait, des années durant, une porcherie de l’ancien logis de D’Annunzio et de l’ancienne résidence de Jean Walter. Jean Lacaze a peut-être reçu un petit château que son beau-frère possédait dans une île à l’embouchure de l’Adour et où il avait créé des vergers. Invérifiable, et d’ailleurs à quoi bon ? Où serait le scandale ? « Polo », Jean-Pierre Guillaume, fils adoptif de Domenica, vingt-deux ans à présent, pas très bien parti dans la vie, a-t-il eu quelque chose ? On ne sait. [« Tu es celle qui ouvrira mes tiroirs après ma mort… Sacha Guitry]

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Donc celle qui, selon le mot inoubliable de Sacha Guitry « ouvrira les tiroirs après [s]a mort», c’est Domenica. Elle saura faire. Au moins n’a-t-il pas à se préoccuper de la Collection léguée par Paul Guillaume : ça c’est son domaine à elle. Domenica, au fait ? Il lui reste attachée. Il a pu emprunter quelques chemins de traverse (Catherine Lamour, incorrigible, a entendu parler dans la famille d’“une aristocrate qui aurait eu un faible pour lui; elle ne retrouve pas son nom, mais se souvient que ladite a fini bouffée par ses chiens...”)

Toutefois les choses de la chair ne sont pas la passion dominante de Jean walter, on croit l’avoir montré. Donc, il reste attaché à Domenica. Un de nos grand anciens, François Boudringhin, nous en a apporté un indice. Il était alors, depuis peu, président de l’Association des lauréats Zellidja et, à ce titre, reçu sans apprêts dans le sobre bureau de l’hôtel de Châlons-Luxembourg (“où jamais un papier ne traînait”). La conversation est engagée, lorsque le téléphone sonne. C’est donc important, car sa secrétaire filtre. Le ton de la voix du “patron” se fait tendre. Un “Ma chérie” est même prononcé. “Je me lève par discrétion, et m’apprête à sortir, raconte Boudringhin, mais il me fait signe de rester, comme s’il voulait fixer quelque chose pour l’avenir.”

François Boudringhin n’entend, bien sûr, que ce que dit Jean Walter. Mais aujourd’hui,âgé de quatre-vingt deux ans et lucide et droit comme on aimerait l’être à cet âge - il se souvient d’une réplique prononcée affectueusement : “Ma chérie, s’il te plaît, laisse tomber cet homme...” Boudringhin n’imagine pas une seconde que “cet homme” puisse être autre que le docteur Maurice Lacour, médecin un peu gourou, et amant affiché de Domenica. Celui-là même qui, huit-

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dix mois plus tard, exhibera un “testament” de Jean Walter, le désignant comme directeur exécutif des Bourses Zellidja. Un “testament” où le Fondateur justifiait, entre autre, cette stupéfiante décision par son appréciation des “sentiments chrétiens” dudit ! Sentiments chrétiens”, Jean Walter ! En 1954, il a fait son grand discours testament à ses collaborateurs de la Mine de Zellidja. Il l’a conclu par ces mots : « Rien ne pourrait être plus utile pour notre communauté et plus agréable pour moi que de voir l’action sociale dominer vos efforts. » « L’action sociale », oui, pour lui ce n’est pas un vain mot. Impérieux à son ordinaire, il ajoute : « Je souhaite ardemment vous voir partager les idées que je viens d’exposer, et j’aimerais que vous les répandiez dans le cœur des hommes. » Voici qui est fait. Ses affaires d’architecte ? En 1951 s’est achevé ce qu’il considère peut-être comme l’Œuvre de sa vie en ce domaine : la médina de Bou Beker. En 1952 il a mis un point final à l’ensemble hospitalouniversitaire de Lille. C’est aussi l’année où il construit, sur les fonds d’une Fondation Nationale d’Aide aux Étudiants qu’il a lui-même richement dotée, un « Pavillon du Maroc » de 150 chambres, dont la plupart sont destinées aux étudiants marocains, et une partie réservée aux lauréats Zellidja. En 1954 se termine l’édification de la Fac de médecine de Paris, rue des Saints-Pères. Et il continue à surveiller l’avancement d’Istanboul. Il n’a pas tout à fait renoncé à produire : un de nos anciens, Rémy Filliozat, qui était secrétaire à mi-temps de l’Association des Lauréats au milieu des années 50, et à ce titre passait beaucoup de temps dans nos bureaux de la rue GeoffroyL’Asnier, adressait de fréquents coucous à son jeune camarade Alain Borveau, alors étudiant en architecture, qui “grattait” pour “le patron” de l’autre côté de la cour du 26 rue Geoffroy-L’Asnier, au 1er étage lui aussi. Pour quelle tâche, Filliozat ne se souvient plus. Ses dernières années, Jean Walter ne ratait aucun occasion de passer du temps avec des lauréats, le plus souvent en tête à tête, comme en un pressentiment que ceux-ci seraient son meilleur “Tombeau’” (au sens, bien entendu, où l’entend la littérature). D’ailleurs il ne les appelait que “mes enfants” Il ne corrigeait (ou ne 5


“visait”) plus lui-même, comme aux temps héroïques, tous leurs rapports; mais il se réservait un droit d’appel, dont devaient bien s’accommoder l’inspecteur Louis François et les cinq professeurs agrégées du Jury national – dont une femme. [Parlez-en à Louis Bardury !]

Tout ce qui les concernait le touchait. Louis Bardury, son bras opérationnel pour les Bourses Zellidaja, se souvenait n’avoir pas osé lui annoncer, de plusieurs jours, qu’un lauréat avait... assassiné son proviseur-adjoint, dans un train, du côté de la Bretagne. Un jour, par ailleurs, il avait reçu la mère d’un lauréat (son homonyme mais cela n’avait rien à voir) qui considérait, dans une affaire complexe, que son fils avait été injustement traité ! En revanche, il haïssait les quémandeurs. Il avait donné ordre au Bureau de l’Association d’“instruire les cas difficiles” et d’en “parler à Bardury”. Il les voyait tous, mais il avait ses têtes. Ainsi il aimait bien Jean Hardy, qu’il “fit” président de l’Association en 1954, et dont il lança la carrière, auprès d’un de ses vieux amis du Textile. Il appréciait François Boudringin, ci-dessus cité. Il lui demanda d’ailleurs de prendre la parole à sa place, en juin 1957, lors du traditionnel dîner annuel des lauréats : “Vous êtes avocat, vous savez faire, moi je ne sais pas aligner deux mots en public...” Et, de fait, Boudringhin parla “à sa place”... puisqu’entre temps il était mort. En revanche tel lauréat qui est aujourd’hui une des gloires des Lettres française, et persuadé de surcroît d’avoir fait grosse impression sur le “patron”, se voit disqualifié dans une lettre que nous avons trouvée aux Archives comme ayant fait un voyage “trop lointain et donc superficiel”.

Rien ne lui semblait futile de ce qui concernait “ses” lauréats. Il pouvait même en être trivial. Ainsi avait-il ordonné qu’on n’installât pas de lavobo dans les chambres du Pavillon du Maroc car, disait-il, “les garçons pissent toujours dedans”. Bernard Fraigneau, qui avait été trois ans directeur de notre revue Espaces, se souvient avoir été, vers 1956, interrogé par “le patron sur ses projets: “Vous avez l’intention de vous marier ?” - “...Ben, sans doute...” - “Et vous aurez des enfants ?” – “Ça me paraît dans l’ordre des choses.” – “Bon, en tout cas pas plus d’un : trop d’enfants ça complique les affaires d’héritage.” Et d’ajouter : “Quand vous rentrerez d’Algérie [c’était les années de la guerre là-bas...] revenez me 6


voir, on fera quelque chose pour vous.” Et, par-delà la mort, parole fut tenue : Jean Walter avait laissé des consignes écrites pour que l’intéressé soit embauché, ce qui lui permit de débuter à Bou Beker sa vie professionnelle, comme comptable. Les souvenirs les plus extraordinaires d’un lauréat sur Jean Walter sont ceux d’un Z 1947, André Tettaz. Celui-ci, bisontin, franc-comtois, adorait la mer. (Il fit d’alleurs une belle carrière dans la “mar-mar”, la marine marchande. À l’époque qui précéda de peu sa mort, alors qu’il voulait se doter d’une Flotte de minéraliers, Jean Walter lui avait proposé de prendre le commandement de son premier navire, qui aurait dû être le Zahroun, un 60 000 tonnes. Tettaz avait alors vingt-sept ans. On sait que cela ne se fit jamais...) Connaissant la passion de Tettaz pour les choses de la mer , Jean Walter lui avait proposé de passer deux semaines, en août 1951, à bord de son bateau, l’Amadour, un 15/18 mètres ancré dans un petit port privé près de Golfe-Juan. Tettaz donnerait un petit coup de main aux deux hommes d’équipage, un père et son fils qui avaient gagné des courses... “Il est passé me prendre à Grenoble, raconte André. Il conduisait une Studebaker je crois. Il avait sa secrétaire avec lui, mais elle voyageait sur la banquette arrière.” [Il nageait un long moment, efficacement, presque “professionnellemnt”] Il poursuit : “Moi je dormais à bord, heureux comme un pape, les deux matelots aussi. Lui il était à l’hôtel du Cap à Antibes, mais il arrivait à bord dès le matin. On sortait aux environs de midi, ou un peu après, et on rentrait le soir. Il lisait beaucoup, des rapports surtout, des journaux, pas mal, moins souvent des livres. On discutait assez souvent, il savait beaucoup de choses sur plein de sujets : l’Histoire le passionnait, moins la politique. Un peu l’art, aussi : mon père était graveur sur acier, et ça semblait l’intéresser, il me posait des questions. Il n’était pas paralysant, j’avais l’impression de discuter avec mon père. Il m’a même appris des choses sur la mer, qui était tout de même mon dada.” “On plongeait une ou deux fois, ensemble, et il nageait un long moment, efficacement, je dirais presque “professionnellement”, pas trop loin du bateau. Il 7


avait tout de même 68 ans. Moi, avec mon crawl de jeune homme, je ne le distançais pas de beaucoup. Domenica ? Non, jamais une femme à bord, cela semblait être un principe.Et il recevait aussi beaucoup, en général une seule personne à la fois.”

Cherchant dans ses souvenirs d’homme de quatre-vingt un ans, Tettaz se remémore seulement trois de ces illustres embarqués. Le premier est le général Béthouart, resté célèbre dans l’Histoire de la Seconde guerre mondiale pour avoir, à Rabat, fin 1942, tenté un coup d’Etat contre le réprésentant au Maroc du régime de Vichy, le général Noguès. (Le général Béthouart allait d’ailleurs, fin 1957, faire partie du premier conseil d’administration de la Fondation rénovée. Un autre passager méridien de l’Amadour aura été l’Aga Khan III, chef spirituel des chiites duodécimains. On ne sait si Jean Walter était fasciné par un personnage qui recevait chaque année de sa Communauté l’équivalent de son poids en or, aussitôt intégralement affecté à des œuvres charitables (la Sécurité sociale chiite, en quelque sorte) ou, plutôt, s’il se plaisait à discuter, lui l’homme du Maroc, avec un leader (“schismatique”) du monde musulman. “Ils étaient visiblement intimes”, dit Tettaz. [“C’est dommage que vous ne connaissiez pas la femme de Picasso, c’est une très belle femme”.] Mais l’hôte le plus prestigieux de tous est sans conteste Picasso, venu pour un après-midi, de Vallauris. Picasso c’est, alors, le “patron” de la peinture du siècle, l’artiste “pour” qui ou “contre” qui il faut se situer ! “La presse parlait beaucoup du couple qu’il formait avec Françoise Gilot, se souvient André Tettaz, de leurs enfants, Claude et Paloma. Ils avaient l’air très amis. Je ne sais pas de quoi ils ont parlé, je me tenais tout de même à quatre-cinq mètres d’eux; mais ils semblaient très amis, ils riaient pas mal. Le lendemain, il m’a demandé ce que je pensais de la peinture de Picasso. Je lui ai dit : je ne suis pas très mordu, mes goûts sont plus classiques. Je m’attendais à ce qu’il me donne son avis sur le sujet, mais il m’a seulement dit : C’est dommage que vous ne connaissiez pas sa femme, Françoise Gilot. C’est une très belle femme. J’ai un portrait d’elle, étonnamment ressemblant.” Intéressantes observations. Toutefois elles ne répondent pas vraiment à une question que l’auteur de ces lignes s’est posée mille fois au cours de ce travail : Jean Walter était-il sensible à l’art ? Avait-il même le temps de l’être, parmi toutes ses activités ? Pour ses petits-enfants, Jean-Jacques, Marine, la cause est 8


entendue : c’est oui. Nous n’en sommes pas totalement convaincu, et ce n’est pas la réflexion ci-dessus qui peut permettre de trancher...

Jean Walter est mort le dimanche 10 juin 1957, fauché par une 2 CV à Souppes sur Loing comme il traversait la natioanle 7 pour aller du restaurant où il s’apprêtait à déjeuner en compagnie de sa femme Domenica et de l’amant et médecin de ladite, Maurice Lacour. Le conducteur était un comptable de 35 ans, et aucune intention homicide ne lui a été prêtée lors de l’enquête de gendarmerie. Un si grand homme, une 2 CV : quelque chose ne collait pas. Aussitôt, bien sûr les rumeurs ont couru : une vengeance de l’extrême droite française au Maroc ? Un homme se disant avocat, et assurant avoir plaidé pour un des accusés du procès Ben Barka, nous a contacté à ce sujet au début de cette enquête, mais il ne paraissait pas disposé à en dire beaucoup... On a suggéré aussi que Domenica et le docteur Lacour n’auraient pas dû charger eux-mêmes le blessé dans sa voiture pour le conduire à l’hôpital de Montargis, où il est finalement décédé, apparemment une demi-heure après le choc. On l’a dit. Jean Walter a d’abord été inhumé provisoirement au cimetière de Dordives, dans le Loiret, où était sa propriété et où il aimait beaucoup... pêcher à la ligne. En janvier 1958 sa dépouille a été transférée, par la volonté de sa veuve, dans un caveau au cimetière de Passy où était déjà, depuis 1934... Paul Guillaume. Ellemême rejoindra là ses deux maris après son décès en 1977.

Le tombeau est juste à l’entrée du cimetière, mais il faut demander à la préposée, car aucune indication n’y figure. Au-dessus du fronton, un bas-relief représente un ange entourant tendrement de ses bras une femme aux longs cheveux. Ceci, qui est sans grâce, a été nécessairement voulu par Domenica – la survivante. A-t-elle voulu signifier par là, pour son temps d’éternité sur la terre, que la femme qu’elle a été était un ange ? Ou qu’un des deux hommesde sa vie l’avait été ? Et lequel ?

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À ce point, il nous plaît de parodier la Marguerite Yourcenar de L’oeuvre au noir : “Et c’est aussi loin qu’on peut aller dans la vie de Jean Walter.” Sa vie anthume du moins, car une telle trajectoire ne pouvait aller sans rebondissemnts post mortem. Et c’est ce qui s’est passé.

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