[Dé]Savoir : La Modestie en quête de sens

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MEMOIRE D’ARCHITECTURE 2021-2022 MASTER AEDIFICATION, GRANDS TERRITOIRES, VILLES Professeur encadrant : THEPOT Patrick ECOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE GRENOBLE BRISA Emeline MARTINS Ana Béatriz VERNET Estelle [DÉ]SAVOIR La Modestie, une quête de sens

« Le territoire c’est comme une conversation : on n’y entre qu’à condition d’écouter ce qui s’est dit, et l’on y prend la parole que pour la rendre... » Citation de CORAJOUD Michel, dans Architecture et Modestie, 1999, Editions Théétète, p.95

REMERCIEMENTS

À notre professeur encadrant, THEPOT Patrick, pour le temps qu’il nous a accordé, pour sa disponibilité, ses conseils avisés, et ses contributions théoriques.

Ainsi qu’à nos relecteurs, pour leurs corrections et riches échanges.

À l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble pour la qualité de ses enseigements, sans quoi notre positionnement face à l’architecture n’aurait jamais mûri.

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La modestie, amorce d’une construction/déconstruction

SOMMAIRE 4 62 64 14 22 30 38 44 50 46 56 6 16 30 8

IntroductionRemerciements

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La capture des fauves I - [Dé]Contextuel - Vers une architecture de circonstances a. Les spécificités territoriales des milieux d’accueils des fauves b. L’ancrage dans ces spécificités territoriales II - [Dé]Mesure - L’exercice de la mesure a. L’appréciation de sa propre valeur mesurée b. N’occuper que sa place, mais l’occuper pleinement III - [Dé]Passeurs - Les passeurs silencieux de l’architecture a. L’architecte, ce passeur silencieux b. La promenade du corps dans l’espace c. Le va-et-vient des regards Conclusion [Dé]Savoir ou connaissance d’une ambiguïté à cultiver Bibliographie

INTRODUCTION

Le 8 et 9 juin 1996 se déroula une rencontre qui donnera lieu à un écrit ayant pour titre Architecture et Modestie. C’est au sein du Couvent de La Tourette conçu par Le Corbusier que René Borruey, Giancarlo de Carlo, Guy Desgrandchamps, Benoit Philippe Peckle et Bruno Queysanne se mirent à échanger sur des visions de l’architecture vues sous le prisme de la modestie. Un concept amenant à se questionner sur le sens donné à l’acte d’édifier, à l’édifice ainsi qu’au rôle de l’architecte.Ilest question pour nous de comprendre mais également de nous approprier les concepts de modestie en analysant trois fauves, trois projets d’architectures singuliers. Utiliser l’analogie du fauve, établit par l’historien de l’architecture Jean-Louis Cohen, permet de signifier la difficulté qu’une architecture a à être “attraper” dans son milieu, dont l’intelligence n’est intelligible que par l’analyse fine, le dessin et le redessin, outil de prédilection des architectes.

La modestie, amorce d’une construction/déconstruction

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Afin d’explorer ces concepts, nous avons choisi de nous approprier le concept de modestie en utilisant [Dé]Savoir qui signifie, pour nous, le processus aboutissant aux objectifs caractérisant les approches modestes en architecture : reconsidérer les manières de voir les choses. Le concept de [Dé]Savoir nous amène notamment à faire une distinction entre savoir et connaissance. Leur complémentarité est nécessaire car la connaissance amène à un savoir. Appliquée à l’architecture, la connaissance d’un matériau amène à un savoir-faire, une mise en œuvre spécifique : la terre de Rhônes-Alpes de par sa composition, privilégie la technique du pisé. Sans connaissance il n’y a pas de savoir cependant on peut se servir du savoir seul. Un projet peut être construit en pisé dans d’autres endroits indépendamment de la connaissance que l’on a tiré de la terre du Rhône-Alpes. Dans un cas la terre amène le développement d’un savoir-faire, dans l’autre, le savoir-faire conditionne la terre utilisée. Ce conditionnement ajoute une caractéristique au savoir : il n’est pas remis en question. Le savoir répond à une question du comment (faisabilité), la connaissance répond à la question pourquoi (du sens). Leur complémentarité permet de construire cette affirmation : le savoir est une matérialisation d’une connaissance, d’une idée qui elle, peut-être remise en question.. La modestie est un sens que l’on peut donner à une architecture, indépendamment de la posture d’un architecte. Cependant la connaissance n’admettant pas une vérité absolue, elle est intrinsèquement liée à l’intuition de l’architecte, à ses choix et sa lecture.

Cette caractéristique que possède la modestie de rendre visible, de construire de la connaissance nous amène à nous questionner : en quoi penser l’architecture par le biais de la modestie nous permet de rendre visible des qualités spatiales et de bâtir un engagement singulier?

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Passeur/[Dé]Passeur.Figure

1 : Schéma conceptuel de la relation entre édifice, connaissance et savoir Source : À partir de BOUTINET Jean-Pierre, 1990, Anthropologie du projet, PUF coll. psychologie d’aujourd’hui, Paris. p303.

La [Dé]construction, cette quête de sens que nous suggère l’interprétation que nous avons pu faire de la modestie nous amène à développer trois axes questionnant trois approches différentes, nourries par la rencontre des penseurs de 1996 : Contextuel/[Dé]Contextuel, Mesure/ [Dé]Mesure et

0 20m 120m 12m

Ils servaient alors de bain thermale grâce à l’eau de Rhode aux vertues thérapeutiques. Au fur et à mesure abandonnés et la source se tarissant, ils sont reconstruits par Pietro Lombardi en 1967 pour dialoguer entre la pierre, l’eau et le Dieu Eros dans son nouveau statut de complexe touristique.

Architecte : Pietro LOMBARDI

Date de dernière rénovation : 1967 Pietro Lombardi (1894/1984) était un architecte et sculpteur Italien. Après des études de design à San Michele et d’architecture à l’Académie des Beaux-Arts à Rome en 1920.

8 LA CAPTURE Πηγές Καλλιθέας Thermes de Kalithéa Localisation : Rhodes, Grèce

Son attrait pour l’eau, ces multiples projets de fontaines modernes, l’ont fait connaître et l’ont propulsé au titre d’architecte des colonies italiennes.

Il a été très actif à Rhodes, il a restauré la vieille ville et a construit les Thermes de Kallithéa. Les thermes de Kallithéa datent de l’Antiquité.

Figure 2 : La source des Thermes de Kalithéa Source : Photographie de Yohann VERNET prise en août 2021.

L’étude résout les intentions des clients, en plus des problèmes de conception spécifiques, en créant des prototypes de micro-environnements qui émergent littéralement des rochers surplombant l’océan, en 6m 35m

10 LA CAPTURE Le Long Studio Localisation : Ile Fogo, Terre Neuve Architecte : Todd SAUNDERS Date de construction : 2010 Saunders Architecture a été fondé par l’architecte canadien Todd Saunders en 1998. Saunders vit et travaille à Bergen depuis 1996, donnant des conférences et enseignant dans des écoles en Norvège, en Scandinavie et au Canada. Encore aujourd’hui il continue de combiner enseignement et pratique. L’agence réunit la construction dynamique et l’expérimentation de matériaux avec des méthodes artisanales traditionnelles. Leur philosophie peut se définir par la création d’un lieu, en utilisant la forme, les matériaux et la texture pour aider à évoquer et à façonner la mémoire et l’interaction humaine. À ce jour, leurs projets s’implantent dans toute la Norvège, ainsi qu’en Angleterre, au Danemark, en Italie, en Suède et au Canada. Leurs projets se caractérisent par un grand impact visuel, un emplacement dans différents scénarios naturels, des formes dynamiques, presque futuristes, souvent réalisées avec des matériaux locaux et traditionnels.

Saunders a été chargé de concevoir une série de maisons pour artistes, dans le but de préserver les traditions de ses habitants tout en rajeunissant son image architecturale par l’art et la culture.

Figure 3 : Le Long Studio dans son contexte Source : Photographie de Yohann VERNET prise en août 2021.

LA Maison Tropicale

Localisation : Ile Fogo, Terre Neuve Architecte : Jean PROUVE Date de construction : 2010 Jean PROUVE (1901-1984) était un architecte et designer français.

Ayant commencé sa carrière comme ferronnier d’art en suivant le mouvement artistique de l’École de Nancy, il délaisse progressivement le style Art nouveau pour s’engager, dans les années 1930, dans une voie plus expérimentale, avant-gardiste et moderne, qui utilise des matériaux nouveaux tel que l’acier inoxydable.

Jean Prouvé développe la standardisation d’une maison métallique démontable, conçue pour l’Afrique. Les différentes pièces sont fabriquées dans ses ateliers de Maxéville et assemblées sur place. Deux prototypes seront donc construits, celui à Niamey en 1949 utilisé comme bureau et habitation ainsi que celui à Brazzaville en 1951 servant au directeur de la filiale africaine de la compagnie Aluminium Français. Les deux édifices ont été démontés plus tard et vendus comme objets d’arts. Cepedant, de temps en temps, les Maisons Tropicales sont remontées à plusieurs endroits en Europe. 6m 6m 6m 6m

Après la Seconde guerre mondiale, en lien avec le Programme de reconstruction en France, il développe plusieurs concepts d’habitat préfabriqué, parmi lesquels on trouve la maison tropicale.

CAPTURE La

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Figure 4 : La Maison Tropicale dans son contexte à Brazzaville Source : Photographie de TOUCHALEAUME Éric, Galerie 54. URL : https://ofhouses.com/post/618155391183929344/794-jean-prouv%C3%A9-maison-tropicale-tropical

CONTEXTUEL/[DÉ]CONTEXTUELVersunearchitecturedecirconstances

«la théorie de l’oeuvre banalde dont Auguste Perret est sans doute l’instigateur : oeuvre qui semblerait avoir toujours existé, qui en un mot serait banale»1 La banalité pour Auguste Perret semblerait faire référence à une insertion du projet d’architecture permettant au bâti de faire corps avec ce qui l’entoure : un jeu complexe de relations entre l’édifice et son environnement amenant un échange. Vers une architecture de circonstance ou l’environnement signifierait alors la manière dont le projet cesse d’être un simple objet dont sa seule existence lui permettrait la légitimité. Cela amène à se questionner sur la nature de cette(s) relation(s) qui amène(nt) à une telle symbiose provoquant le ressenti du «toujours avoir existé».

1. Citation de PERRET Auguste, dans Architecture et Modestie, 1999, Editions Théétète, p.21

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Le milieu est ainsi une connaissance fondamentale dans cette partie, l’architecte est confronté à un déjà-là, un écrit, sur lequel il va [ré]écrire en se basant sur sa propre lecture du site , en insérant le projet. Il est question ici de questionner ces trois fauves dans leurs dialogues avec leurs milieux sous des critères d’analyses particuliers : le contexte et le bioclimatisme.

Figure 5 : A la découverte des Fauves dans leurs habitats naturels Source : Cartographie réalisée sur Illustrator en novembre 2021.

La tradition Rhodienne, structure d’une pensée architecturale inachevée : Les Rhodiens ont conservé le système de dote. Pour chaque fille née, les parents ont jusqu’à sa majorité pour lui offrir un toît. Toutes les habitations sont au nom de la mariée. Une habitation est coûteuse, c’est un investissement pour tous : son étalement dans le temps ainsi que l’auto-construction participative permettent de perpétuer la tradition. Quand un couple rhodien donne naissance à une fille, le père (et la mère) commence la construction de sa future maison, l’avancée est proportionnelle au rythme de leurs rentrées d’argent. C’est la raison pour laquelle, il n’est pas rare de croiser un paysage composé d’architecture inachevée (ferraillage apparent, squelette poteaux-poutre …).

En termes de dimension, Rhodes possède une superficie de 1 398 km2 soit 2 fois plus petite que la Corse. Sa capitale s’appelle Rhodes, elle se situe au Nord de l’île sur la pointe, à la rencontre des deux mers. L’île est vulnérable au séisme.

L’olivier étant une des rares plantes à résister à un manque d’eau. La production d’huile et de cosmétiques est la base de l’économie Rhodienne. L’urbanisation est présente le long du littoral et devient quasi-inexistante au cœur des terres, réservée plutôt à la plantation.

Le mode de vie des Rhodiens et leur rapport à leur architecture : Les Rhodiens ont un mode de vie tant ancré dans leurs traditions que dans leurs activités touristiques qui constituent leurs principales sources de revenus. Leurs saisonnalités sont ponctuées de : la préparation de l’année estivale (avant les grosses chaleurs), l’année estivale (période de grosses chaleurs), l’année de récolte et de mariages (période tempérée vers décembre).

De par sa position géographique, son climat est aride, ce qui entraîne une sécheresse importante. La détresse hydrique est un élément d’importance capitale dans la structuration paysagère de l’île : on retrouve majoritairement un paysage rocheux avec des plantations d’oliviers à perte de vue (Figure 7).

L’influence architecturale venue outre-mer : Dans les grandes lignes, l’histoire de Rhodes est ponctuée d’une période grecque Antique, d’une période Romaine, d’une période Ottomane, d’une période Italienne et finalement d’une période Grecque.

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a. Les spécificités territoriales des milieux d’accueils des fauves

L’île de Rhode Située à la limite entre la Mer Méditerranée et la Mer Égée, Rhodes est une île grecque proche de la Turquie (17.7 km). Du fait de son insularité, elle accueillera plusieurs cultures : grecque, turc et italienne (Figure 6).

Kallithea Πηγές Καλλιθέας de Pietro Lombardi RHODES (capitale) 25 Km TURQUIE MER MEDITERRANEE MER EGEE N GRECEITALIE 3989 m 14 °C 14 °C 18 °C 22 °C 28 °C 33 °C 37 °C 37 °C 32 °C 26 °C 20 °C 15 °C 6 °C 6 °C 7 °C 11 °C 15 °C 18 °C 20 °C 21 °C 17 °C 14 °C 10 °C 8 °C Précipitation Maximale moyenne quotidienne Jours chauds Minimale moyenne quotidienne Nuits froides Jan Fév Mar Avr Mai Jun Jul Aoû Sep Oct Nov Déc -10 °C 0 °C 10 °C 20 °C 30 °C 40 °C 50 °C 0 meteoblue20015010050mmmmmmmmmm Figure 6 : Rhode : une île Grecque désertique, entre deux mers Source : Cartographie réalisée sur Illustrator en novembre 2021. Figure 8 : Rhodes, entre roche et oliviers Source : Photographie de Vernet Estelle, prise en 2021 à Lindos Figure 7 : A la découverte des Fauves dans leurs habitats naturels URL : https://viagallica.com/grece/histoire_rhodes_sous_joug_ottoman.htm

L’île Fogo Située au Nord de la Terre-Neuve au Canada. Elle abrite un peuple qui a vécu pendant des siècles entre le vent et les vagues. Elle se caractérise par un paysage de rochers irréguliers surplombant l’océan, formant une beauté subtile et permanente où le temps a tout conservé. En termes de superficie, l’île mesure environ 25 kilomètres de longueur pour 14 kilomètres de largeur. Elle possède une superficie de 254 km2. L’île Fogo est cinq fois plus petite que l’île de Rhode.

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Dans les années 1960, du fait d’une politique, des moratoires bloquent l’activité de la pêche, l’île perd des habitants.

Depuis 1990, le déclin de la pêche est toujours d’actualité malgré de nombreuses tentatives des pouvoirs publics pour repeupler : le tourisme est la principale modalité d’installation humaines motivées par le paysage spécifique à l’île.

L’histoire d’une île dont l’installation humaine est motivée par des usages évolutifs au cours du temps : Jusqu’en 1728, l’île était habitée continuellement par des pêcheurs. De par sa géographie, le Fogo attire saumon, morue et autres espèces. Étant relié à Farwell par un traversier, le commerce de la pêche a permis le développement de 26 villages.

Soleil Partiellement nuageux Nuageux Jours de précipitations Jan Fév Mar Avr Mai Jun Jul Aoû Sep Oct Nov Déc 0 jours 5 jours 10 jours 15 jours 20 jours 25 jours 30 jours meteoblue 100 km N 5 km N Joe Batt’s Arm-Baar’d Islands-Shoal Bay Long Studio de Saunders Ile Fogo Terre-Neuve Figure 9 : Une île nordique, un passage de biodiversité, un sol spécifique Source : A partir de document législatif appartenant au gouvernement Canadien URL : https://www.dfo-mpo.gc.ca/oceans/publications/nfld-atlas-tnl/index-fra.html Figure 10 : Un paysage emblématique Source : Photographie retouchée appartenant à Alex & MJ On The go URL : https://www.alexmjonthego.com/blog-on-the-go/fogo-island-inn-et-mini-maisons LégendeGranite de la baie de Shoal Gabbro et Cumulat mafique Granite à grain fin Gabbro et Diorite en couche Zone limite de mafique et roches granitoïdes Granite à grain fin, felsite et porphyre Grès, siltite et quartzite Granite de la baie de Hare Roche felsiquevolcaniqueetpyroclastique

Malgré leur appartenance à un même pays, leurs climats sont différents du fait de leur proximité avec l’équateur. Niamey possède un climat plutôt sahélien ponctué de tempête de sable alors que Brazzaville possède un climat tropical.

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L’Afrique (Niamey et Brazzaville) Niamey et Brazzaville sont respectivement les capitales du Niger et du Congo. Deux capitales marquées par la colonisation française. Niamey fut colonisée tardivement, en 1898, pour un développement urbain débutant en 1990. Contrairement à Niamey, Brazzaville a été colonisée en même temps qu’a commencé son développement urbain : 1880. Niamey s’est construite sur un plateau surplombant la rive gauche du fleuve Niger et sur une plaine alluviale de sa rive droite, entre 180 et 240m d’altitude. Brazzaville se situe sur les rives du fleuve Congo, sur la rive Nord du Pool Malebo, en face de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo.

> 40°C > 35°C > 30°C > 25°C Jan Fév Mar Avr Mai Jun Jul Aoû Sep Oct Nov Déc0 jours 5 jours 10 jours 15 jours 20 jours 25 jours 30 jours meteoblue > 35°C > 30°C > 25°C > 20°C Jan Fév Mar Avr Mai Jun Jul Aoû Sep Oct Nov Déc0 jours 5 3025201510joursjoursjoursjoursjoursjours meteoblue Figure 11 : Brazzaville carte postale de 1958, un territoire ensoleillée et chaud Source : Carte éditée par les Papeteries de l’AEF URL : https://www.geneanet.org/cartes-postales/view/1493601#0s Figure 12 : Niamey carte postale de 1930, un territoire désertique Source : Photographie de Walter Mittelholzer dans Tschadseeflug (1932), Zurich. URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Niamey#/media/Fichier:Mittelholzer-niamey.jpg

marineBrise 0 20m N Figure 13 : Kalithea : Faire corps avec le milieu Source : Cartographie réalisée sur Illustrator en octobre 2021. Figure 14 : L’ancrage par le bioclimatisme : de la fraîcheur en tout temps Source : Cartographie à partir du dépliant touristique des thermes URL : https://viagallica.com/grece/thermes_kalithea.html Végétation basse Végétation hausse Légende CoursJardin d’eau Désert,Roche plantations d’olivier Terre sèche

24 0 20m Figure 15 : L’ancrage par le bioclimatisme : le végétal, l’ombre, le vent Source : Coupes bioclimatique réalisées sur Illustrator en octobre 2021 à partir du relevé de Vernet Estelle. 0 20m

Héritage Antique et Grecque

Entre l’expression du temps au sein de la matière et une mise en oeuvre traditionnelle Héritage Turc L’expression d’une forme, le dôme Héritage Italienne L’ expression d’une façade

Figure 13e. Le front de mer Foro Italico à Rhodes Figure 13d. Vue de l’espace sacré depuis la mer méditerranée Figure 13a. Vue dans les couloirs de l’espace sacré Figure 13b. La souce Figure 13c. Gravure d’un bain traditionnel Truc

Source : Gravure d’un bain traditionnel Truc URL : http://www.istanbullite.com

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Héritage Antique et Grecque : entre l’expression du temps au sein de la matière et une mise en oeuvre traditionnelle Héritage Turc: l’expression d’une forme, le dôme

Héritage Italienne: l’expression d’une façade

Héritage Antique et Grecque : entre l’expression du temps au sein de la matière et une mise en oeuvre traditionnelle l’expression d’une forme, le dôme Figure 13a. Vue dans les couloirs de l’espace sacréHéritage Antique et Grecque : entre l’expression du temps au sein de la matière et une mise en oeuvre traditionnelle l’expression d’une forme, le dôme Figure 13e. Le front de mer Foro Italico àFigure 13d. Vue de l’espace sacré Figure 13a. Vue dans les couloirs de l’espace sacré Figure 13b. La souce Figure 13c. Gravure d’un bain traditionnel Truc

Figure 16 : L’héritage culturelle : matière à projet Source : Photographies de Vernet Estelle

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Une architecture palimpseste Tout au long du parcours, l’architecture dévoile au travers de sa matérialité et de sa morphologie/perspective des allusions aux différentes cultures qui ont traversé le pays. A l’entrée, la fontaine ainsi que les dispositifs marquants les accès avec leurs dimensionnements peuvent faire référence à l’architecture monumentale Italienne. L’architecture de la source quant à elle fait référence aux bains trucs. Dans l’espace sacré la présence de certains murs en pierre fait référence à l’antique de par leur état de conservation (roche qui s’effrite, visuellement usée et érodée par le temps). Long Studio, île Fogo L’Île de Fogo, une île pittoresque,la protéger et la valoriser, valeurs au centre de la conception du projet Le Long Studio s’ancre dans les rochers. De ces formes géométriques marquées, l’architecture en dégage une géométrie toute aussi anguleuse, par mimétisme. Au milieu d’une vaste étendue où aucun bâtiment ne se confronte à elle, elle s’oriente à Est/Ouest, accompagnant au fil de sa ligne qu’elle dessine une vue imprenable sur l’océan. Gestion de l’ensoleillement

Cette morphologie de bâtiment rectangulaire et généreusement riche en ouvertures répond également au manque d’ensoleillement. L’entrée de l’atelier est marquée par un espace couvert mais ouvert, la lumière inonde l’espace par des ouvertures stratégiquement dessinées : des puits de lumière pour un maximum d’ensoleillement, ressource rare : l’île de Fogo admet, selon l’étude menée par la station météo meteoblue au minimum vingt-cinq jours par mois de ciel couvert, nuageux.

Etude pour une hauteur maximum du soleil Etude pour une hauteur minimal du soleil

Diagramme solaire pour une lattitude de 55° ( la latitude de l’île du Fogo est de 54°)

Etude pour une hauteur maximum du soleil Etude pour une hauteur minimal du soleil Diagramme solaire pour une lattitude de 55° ( la latitude de l’île du Fogo est de 54°) m m

Figure 17 : Long Studio : Épouser les formes de la nature Source : Cartographie réalisée sur Illustrator en octobre 2021. L’ancrage par le bioclimatisme :captation de Source : Coupes réalisées sur Illustrator en novembre 2021. Diagramme de ALBERTO URL : solaire-azimut-hauteur/science.fr/diagramme-https://www.astrolabeVégétation basse Acier routier Légende Granite de la baie de Shoal m 0 8 m

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Etude pour une hauteur maximum du soleil Etude pour une hauteur minimal du soleil Diagramme solaire pour une lattitude de 55° ( la latitude de l’île du Fogo est de 54°)

27 0 100 m 02 01 03 0 8 m 0 8 m

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URL

https://www.youtube.com/watch?v=cBuaH8GdQco

Les Maisons Tropicales, Afrique (Niamey et Brazzaville) Niamey, Brazzaville sous l’influence du colonialisme : l’entrée dans le progrès

L’adaptation au contexte se fait également via l’ajout ou suppression de certains dispositifs : à Niamey, un dispositif supplémentaire de ventilation de type cheminée a été mis en place pour adapter le système à un climat encore plus chaud et sec que celui du Congo.

La Maison Tropicale de Niamey (1949) et Brazzaville (1950) doivent être lues sous le prisme de la modernité, courant rattaché à la découverte et la démocratisation de l’industrialisation qui a permis de voir émerger de nouvelles possibilités architecturales. Ces projets font suite à une expérimentation motivée par l’idée d’accroître les connaissances liées à un nouveau matériau qu’est l’acier. De le confronter à des contextes qui lui sont étranger : l’acier ne prend pas sa source en Afrique. Par la suite, cette expérimentation de maison s’est tout naturellement retrouvée catégorisée comme œuvre d’art. Ces maisons, dans le processus de conception ont été pensées hors sol. Aucun plan masse n’a été dessiné par Jean Prouvé, pour la bonne raison qu’il avait fait le choix de ne penser que la préfabrication et la standardisation. L’absence de contexte n’est pas uniquement dû au fait qu’il n’y pense pas, il a dans l’esprit de s’en affranchir pour pouvoir placer ces maisons n’importe où. Peut-être que l’un des points les plus importants et sur-représentés dans ces projets serait l’intelligence bioclimatique qui constitue un véritable enjeu en Afrique. La représentation du site est absente durant la phase de conception mais durant l’exécution du projet, l’édifice est toujours orienté : les façades les plus longues orientées Nord/Sud de manière à éviter un apport en lumière/ chaleur trop important dû au Soleil à des angles trop bas en début et en fin de journée. Les façades Est/Ouest sont protégées par des brises soleil de haut en bas. Le détachement entre l’enveloppe et les volumes habités permet d’ombrager ceux-ci et de créer un courant de ventilation croisée qui garde la température intérieure correcte malgré l’usage d’un matériau à très faible inertie.

«Pour créer un bâtiment, l’architecte doit se rendre sur place car sa construction ne pourra vivre qu’à cet endroit précis.»1

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Ainsi, ces trois Fauves montrent des accroches multiples à leurs environnements proches, que ce soit pendant la conception où sur place durant son montage. C’est incontestablement l’environnement proche qui permet à l’édifice l’habitabilité par les relations qu’il peut établir avec ce dernier. Ces relations sont de nature multiple. Tellement multiple qu’elles deviennent complexes et impossibles à maîtriser dans leur entièreté : il faut faire des choix, il faut donc [Dé]contextualiser : passer du contexte à une circonstance, une circonstance étant une variable. Jean Prouvé a pris la circonstance du progrès ainsi que le bioclimatisme. Todd Saunders a pris la circonstance incluant le rayonnement solaire et le relief. Pietro Lombardi s’est intéressé à la circonstance du bioclimatique, du relief, de l’eau et de l’histoire. Leurs choix font sens de par les enjeux. Qu’est-ce qu’une architecture de circonstance ? C’est avant tout prendre conscience que le milieu est une source de connaissance pour le projet.

«L’architecture ce n’est pas seulement construire quelque chose en accord avec ce qu’il y a autour mais c’est développer tous les éléments, toutes les potentialités de cet environnement et j’ai toujours cela à l’esprit quand je conçois un bâtiment.»2 de Junya Ishigami, Exposition Junya Ishigami, Freeing Architecture de la Fondation Cartier, 2018, Conférence “Talk Junya Ishigami et Jean Nouvel-Fondation Cartier-28 mars 2018”. :

1. Citation

2. Citation

Source : Cartographie réalisée sur Illustrator en novembre 2021.

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5 m BrazzavilleNiameyNiameyBrazzaville

Source : Plan de Natalia Fujii et Henrique Carmona réalisée sur Autocad en 2020.

Figure 20 : L’ancrage par le bioclimatisme : la ventilation un enjeu de circonstance

Figure 19 : Les Maisons Tropicales : l’absence de sol

«

»2

1. Définition du Dictionnaire Le Larousse. URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/mesure/50791

L’acte de [Dé]mesurer, au contraire, ne jouit pas d’une définition dans les dictionnaires officiels mais peut être employé avec une certaine licence poétique un exercice similaire allant dans le sens inverse. La démesure appartient au domaine sémantique du déséquilibre, de l’asymétrie, du disproportionné. C’est une attitude qui génère des tensions et qui questionne le sens global d’un ensemble d’éléments. La conception démesurée remet en cause la propre possibilité d’existence d’une grandeur de référence en architecture. C’est dans le jeu entre ces deux actes que se produit la Mesure/[Dé]mesure d’un projet, dans toutes ses dimensions. Faute d’un concept neutre entre les deux, on regardera comment les trois fauves analysés le long de ce mémoire ont su les mettre en confrontation pour assumer une attitude architecturale précise. a. L’appréciation de sa propre valeur mesurée Concevoir en tenant compte de la juste mesure, comme le propose Francis Ponge, c’est comprendre les rapports établis entre les éléments d’un territoire et surtout savoir intégrer doucement leur hiérarchie, en apportant une réorganisation - parce que toute intervention implique nécessairement une réorganisation - qui ne bascule pourtant pas l’écosystème qui existait Lesauparavant.dimensions d’un objet font partie de son être et participent à sa contribution au sens global du tout. La taille d’un objet possède, de par son insertion dans un ensemble, un sens qui lui est propre.

Dans tout aménagement architectural et urbain sont mises en œuvre des conceptions diverses de la mesure, que ce soit ce par rapport à quoi elle est effectuée, ce qui est mesuré ou la fin visée. Il y a différentes mesures, mentales, pratiques et pathiques, propres aux concepteurs, bâtisseurs, ou récepteurs, renvoyant à des références multiples — celles des sciences mathématiques, des nombres, des figures, des mouvements, celle de l’ordre du monde, ou encore celle des formes, forces, structures et grandeurs déterminant la construction, mais aussi celle de l’expérience existentielle de la spatio-temporalité.

2. Cf. Michel MANGEMATIN et Chris YOUNÈS, dans Géométrie, mesure du monde (2005), pages 193 à 204. URL : https://www.cairn. info/geometrie-mesure-du-monde--9782707144690-page-193.htm

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L’exercice[DÉ]MESUREdelamesure Mesurer, c’est évaluer une grandeur d’après son rapport avec une grandeur de même espèce, prise comme unité et comme référence 1 La mesure est donc un outil d’appréciation de la valeur d’une chose - ou d’un projet, si on veut revenir à notre domaine d’études -, qui comprend en soi nécessairement un acte de comparaison. L’architecte est toujours en train de mesurer, c’està-dire de comparer. On mesure la dimension d’une pièce par rapport au corps, la dimension d’une poutre par rapport aux charges qu’elle doit supporter, la taille d’un édifice par rapport à celle de ses voisins. On ne peut affirmer qu’un élément est bien dimensionné que si on connaît son «par rapport à» - les critères qui lui servent de grandeur de référence. L’exercice de la mesure en architecture consiste simultanément à savoir constituer cette règle imaginaire qui permet d’évaluer un acte architectural, et à choisir la hauteur où on veut le positionner.

31 Figure 21 : Le poème de l’angle droit Source : Peinture de Le Corbusier, 1955. URL : https://www.sightunseen.com/2013/01/le-corbusiers-secret-laboratory

Ce sens n’est pourtant pas invariant par changement d’échelle, c’est-à-dire que les propriétés d’un objet dépendent essentiellement de l’échelle depuis laquelle on l’observe, autant dans le domaine des sciences exactes - comme l’a démontré la mécanique quantique - que des sciences humaines, à l’instar de la sociologie qui part justement du principe qu’une société est une entité à part entière et non seulement la somme de ses individus. Il en va de même pour le rapport mesure-architectureterritoire. En positionnant à un endroit précis d’objets dotés de dimensions spécifiques dans un univers géométrique défini, l’architecte modifie plus que le statut de son point d’intervention, qui passe de vide à construit. Il donne à cette mesure la possibilité d’intégrer un champ d’action et réaction plus large.1

Ces plans horizontaux et verticaux définissent une sorte de tunnel carré conduisant à l’intérieur qui est néanmoins interrompu par une ouverture triangulaire sur le toit qui se prolonge sur un des murs. La découpe de cet espace fait que la transition nature-bâti se fait en plusieurs temps.

Ensuite, l’ouverture nous invite à un moment d’arrêt et de contemplation nous rappellant qu’on n’a pas totalement lâché le dehors d’où on pense être parti; et en dernier, on pénètre l’espace intérieur en traversant la porte, juste pour découvrir qu’à l’autre bout du tunnel la vue qu’on vient d’avoir est toujours là, depuis un autre angle.

L’entrée du studio se fait par un prolongement des murs et planchers du studio vers l’extérieur.

Long Studio Todd Saunders positionne le Long Studio en second rôle dans le paysage, en reconnaissant la priorité de son environnement. L’île Fogo où la présence humaine n’a pas encore pris le dessus sur la nature malgré le menace que représente l’urbanisation moderne pour le mode de vie de ses habitants. La préservation de ce territoire et de son imaginaire sont des enjeux majeurs adressés par des associations d’habitants qui appellent à questionner la place du bâti dans ce contexte. Le Long Studio est un essai d’évoquer cet imaginaire par l’architecture et de contribuer à la connexion de l’humain au territoire, son passé et son futur, selon les mots de l’architecte lui-même. L’ancrage léger au sol de ce projet, obtenu grâce à des appuis ponctuels en pilotis qui soutiennent le bloc occupé, permet de transférer les charges correspondantes au poids de l’ensemble aux fondations en soulevant le volume au-dessus du terrain où il est installé. Le projet donne l’impression de flotter sur l’Île Fogo, comme un sous-marin qui visite le fond de l’océan sans jamais le toucher.

La teinte foncée de ses murs extérieurs efface l’objet dans le paysage en se mélangeant harmonieusement avec la palette de bleus, verts et ocres de l’île Fogo, et le blanc des parois internes évoquent également la neutralité prétendue par le projet face à celle-ci. L’architecte fait un choix conscient de toujours positionner le projet en dessous de son contexte, ce qui paradoxalement lui donne toute sa force. Cette attitude se retrouve autant conceptuellement dans tous les éléments évoqués sur la composition architecturale, que dans le choix technique d’un système préfabriqué évitant l’installation d’un chantier de travaux sur le site lors de sa construction. Les parties, réalisées dans un atelier local pendant les mois d’hiver, sont assemblées sur place au printemps et peuvent s’installer n’importe où sur l’Île Fogo, ou bien être démontées pour toujours. Le projet s’efface dans toutes ses étapes, en semblant avoir toujours existé lorsqu’il est là, et en disparaissant totalement au fin de sa vie comme s’il n’avait jamais été construit.

1. Cf. REY Olivier lors de la conférence Démesure, mesure, à Paris : Cité de l’architecture et du patrimoine, 2017. URL : citedelarchitecture. fr/fr/video/demesure-mesure

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De ce sous-marin on est seulement autorisé à regarder et cette intention est d’autant plus renforcée par sa composition linéaire et sobre. Le mobilier et les toilettes sont intégrés dans un mur épaissi d’1m supplémentaire pour éviter toute distraction visuelle à l’intérieur du projet. Des lignes horizontales dirigent le regard vers des vues stratégiquement cadrées par le biseautage du volume.

Tout d’abord, on croise un portique en diagonale qui nous annonce qu’on est déjà dans le projet.

0 5 m 0 5 m Figure 22 : La dialogue de l’eau et du bois. Source : Photographie de Saunders Architecture. URL : https://www.saunders.no/long-studio Figure 23 : La juste mesure du Long Studio Source : Schéma de principe réalisé sur Illustrator.

Le projet vient parfois se poser, parfois s’enterrer, parfois redessiner la topographie, selon des critères d’usage, de ventilation, d’ensoleillement ou d’accessibilité. La variété de dispositifs architecturaux employés pour ancrer le projet dans son site établit un vrai échange avec le territoire et le laisse exprimer ses envies. «Le territoire, c’est comme une conversation, on n’y entre qu’à condition d’écouter ce qui s’est dit, et l’on n’y prend la parole que pour la rendre.» 1

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Thermes de Kalithéa

1. Citation de CORAJOUD Michel, dans Architecture et Modestie, 1999, Editions Théétète, p.95

Le parcours architectural dans les termes est marqué par la transition entre des espaces vastes et serrés, une variation de mesure qui correspond à une richesse de rapports établis avec l’espace le long du parcours architectural. Le visiteur entre dans un espace circulaire de grande dimension entourant une fontaine pour ensuite voir cet espace se comprimer lorsqu’il traverse un couloir de 2m de largeur couvert par une pergola et finalement se dilater en débouchant sur un balcon d’où on voit le dessus d’un dôme. Ce balcon est placé à la même hauteur de la canopée des palmiers situés dans le niveau plus bas, accordant au visiteur la place d’un roi qui regarde ses sujets d’un point de vue plus élevé. Cette relation s’inverse lorsqu’on descend les escaliers. Quand elles sont regardées du dessous, les dimensions du dôme et la hauteur du balcon d’où on vient de descendre inspirent des sentiments d’admiration, voire d’intimidation. Pour pénétrer le dôme on est obligé de descendre sept marches vers son intérieur, quelque 1,30m plus bas. Ce rabaissement supplémentaire met le regard à la même hauteur du palier et crée une ambiance particulière au sein de la voûte, vraiment creusée dans le sol. Ce décalage vient s’ajouter à la hauteur du dôme pour accentuer la démesure entre celle-ci et la taille du corps. En effet, l’expérience de l’édifice n’est complète que si on compare ses mesures avec une échelle humaine, exercice qui permet de saisir la sensation de monumentalité inspirée par le projet. Ce recours matérialise sur le plan concret un positionnement sur le plan symbolique adopté par l’architecte, en souhaitant faire honneur à l’héritage historique de l’île de Rhodes, aussi grandiose que la voûte des Termes, et rendant humble le visiteur par sa petitesse face à tout cela.

L’intelligence de la juste mesure réside dans la compréhension des demandes du site et dans le choix de la réponse. Pietro Lombardi le démontre clairement dans son projet pour les Thermes de Kallithéa.

La maximisation de cet espace lui donne aussi d’autres qualités, telles que la possibilité de capter les vents venant de la plage et une grande quantité de lumière naturelle, ainsi qu’une ambiance sonore particulière malgré le fait d’être un espace semi ouvert. La composition globale comprend un axe principal qui mène à la plage, traversant l’entrée, la voûte et la plage. Un autre axe vient perturber la linéarité de celui-ci en mettant à l’écart un espace de contemplation surplombant la mer. Il s’agit d’un cercle dont le diamètre correspond à peu près à celui de l’intérieur de la voûte, soulevé de d’1 m par rapport à la mer. En observant la voûte à distance à partir de cet espace, le visiteur peut enfin saisir la composition dans son ensemble. Le jeu de compression/dilatation de l’espace est également présent sur le chemin menant au bâtiment dédié à Eros, tout à la fin du parcours. On y retrouve des éléments de composition classiques tels que la symétrie et la disposition des espaces sous forme de cercles concentriques, en créant des couloirs plus ou moins étroits entre chaque anneau. L’inspiration classique est aussi présente au niveau de l’implantation en deux axes et leur articulation qui fait que tous les espaces extérieurs deviennent aussi partie de la composition. Lombardi positionne peu d'éléments sur son site, mais leur éloignement calculé l’occupe pleinement sans que les espaces «entre» les pleins soient lus comme des étendues de jardins non réfléchies au sein du projet. Le vide n’est pas une transition entre les éléments forts de la composition, mais plutôt comme un espace ayant un caractère propre et qui contribue dans la même mesure que le bâti à l’appréciation du sens global de l'œuvre.

35 0 20m 0 5m 0 20m Figure 24 : La juste mesure des thermes Kalithéa Source : Représentations sur Illustrator. 0 5m

Maison Tropicale Chez Jean Prouvé, c’est aussi la mesure du corps humain qui donne la juste taille des espaces. Fortement influencé par le modulor de Le Corbusier, il développe son projet sur une grille structurelle d’un mètre par un mètre, autant en plan qu’en hauteur. Les espaces sont enfermés par des panneaux modulaires variant selon leur fonction dans l’ensemble (panneau-porte, panneau-mural, panneau-fenêtre ou panneau-ventilation). Un croquis de Prouvé montre l’étude de l’ouverture d’un panneau-fenêtre sur le système d’ouverture d’un panneau-fenêtre et le rôle que joue l’ergonomie dans la pensée architecturale de l’architecte. Toute mesure présente dans la Maison Tropicale est pensée en fonction de son rapport à l’échelle du corps, et il en va de même pour les dispositifs de confort thermique. Le choix d’une multiplicité d’ouvertures circulaires de diamètre réduit sur les panneaux-ventilation permet une aération constante de l’intérieur sans sacrifier la protection de l’intimité. La surface des ouvertures de la chambre d’air qui sépare les volumes habités de sa couverture est modulé selon le climat plus ou moins humide de son milieu d’implantation, comme vu dans le chapitre précédent.

Prouvé interroge dans son travail le rapport entre la taille des espaces et le confort qu’ils offrent en ayant recours notamment à la cuisine de Francfort, conçue par l’architecte autrichienne Margarete Schütte-Lihotzky pour rendre efficace les tâches ménagères, dans sa maison à Nancy. Ce n’est pas la générosité des dimensions mais plutôt l’agencement des éléments internes, associé aux habitudes des usagers, qui constitue ce qu’on appelle le confort. En effet, Prouvé, ainsi que d’autres de ses contemporains modernes, a essayé tout le long de sa vie professionnelle de questionner le mode de vie de son public - la bourgeoisie coloniale française - en introduisant un certain degré d’inconfort provoqué par la petite taille des espaces intérieurs et l’externalisation de toutes les circulations “internes” vers les balcons. L’architecte non seulement accepte cet inconfort mais le désire au nom d’un mode de vie où ce sont les machines et la production industrielle qui donnent la mesure. Dans tous ses éléments constitutifs, les bonnes dimensions de la Maison Tropicale sont le résultat de la confrontation entre les mesures du corps de l’humain-type et les contraintes techniques liées à la matérialité, à la pré-fabrication et au transport des pièces sur place. Le fondement de l’habitat est une question pour l’homme de retrouver une bulle à sa mesure dans son milieu. L’homme peut agrandir ou diminuer quasiment tout, à part lui-même, et l’architecte a le rôle de trouver par le projet la juste taille et disposition des objets physiques qui répondent aux besoins subjectifs de ses usagers face à un environnement plus ou moins hostile, en faisant l’interface entre eux. Dans le cas de la Maison Tropicale, la surface minimale des espaces de vie suggère dans sa mesure un mode de vie tourné vers la vie à l’extérieur, où la maison n’est qu’un abri temporaire pour la nuit, et la largeur des balcons appelle à son appropriation pour la vie quotidienne. Malgré son supposé détachement du milieu d’implantation par sa pré-fabrication et son ancrage dans des techniques importées de la métropole, le projet réussit à inclure les usagers dans le contexte, et vice versa, par l’exercice de la mesure.

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Figure 28 : Ouverture d’un panneau-fenêtre Source : A partir du croquis de VALENTE NUNES Tiago, As Casas para os Trópicos em Niamey e Brazzaville, Mémoire de Master à la FCTUC. Coimbra, Portugal, 2010. Figure 26 : Cuisine de la Maison Tropicale Source : Photographie URL : http://jeanprouve.centrepompidou.fr/maison-nancy.phpFigure25: Détail des panneaux de ventilation Source : Photographie de Patrick CHARPIAT publiée en 2007. URL : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Prouv%C3%A98.JPGFigure27: Transport des pièces depuis la France Source : Photographie de Eric Touchaleaume URL : https://galerie54.com/diaporama/jean-prouve-archives-maison-tropicale-brazzaville

L’idée de n’occuper que sa place, mais de l’occuper pleinement, évoquée par Guy Desgrandchamps, comporte en soi l’acceptation de la dimension relative de la place, celle de l’ouvrage comme celle de celui qui la conçoit. Comme peu de métiers, l’architecte jouit du privilège d’avoir à sa disposition un morceau de territoire qu’il peut modifier à son gré. Cet honneur implique néanmoins une grande responsabilité derrière, celle de concevoir quelque chose qui ne nous appartient que de façon partielle, et qui doit partir d’une conscience totale autant des attentes que des conséquences du geste architectural. Guy Desgrandchamps invite à adopter une position de détente, de modération vis-à-vis du projet, qui ne doit pas se confondre avec un acte de renoncement. Le renoncement fait que le projet tombe dans le domaine de l’arrogance, puisqu’on ne donne pas la juste importance à la commande. Il s’agit plutôt de savoir faire peu, ce qui peut parfois être suffisant et même plus efficace que faire beaucoup, et d’affirmer explicitement la force de ce geste. Ce n’est pas un appel à la médiocrité, mais justement l’inverse, à la reconnaissance de la réciprocité inhérente à l’acte de concevoir entre l’architecte et le contexte. Il n’est pas question de tomber toujours dans l’obligation de réaliser des projets emblématiques, mais de traiter avec du soin tout ce qui nous est demandé, et parfois ce qui ne l’est pas Toutaussi.comme

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le Long Studio de Todd Saunders, la Maison Tropicale de Brazzaville, au Congo, se détache du sol faisant recours à des pilotis. Le module de base, pratiquement le même installé sur un terrain plat au Niger deux ans auparavant, vient survoler le territoire congolais comme un vaisseau étranger, un objet intrus conçu et produit en métropole et simplement adapté au climat local. Néanmoins, le mystérieux arrivant connaît sa place d’Outre et ne demande pas que le site se modifie pour le recevoir. La topographie est laissée intacte par l’usage d’une dalle en acier soulevée par des grands pilotis en béton. En retour, le site abdique à son tour de demander à Prouvé de modifier son module. L’un ne prend pas le dessus sur l’autre, dans une situation de correspondance respectueuse où les spécificités du site et du modèle sont gardées au sein d’une coexistence pacifique. La qualité du projet de la Maison Tropicale réside précisément dans sa versatilité. Le projet peut s’implanter n’importe où, mais pas n’importe comment. Pour chaque site, des solutions spécifiques sont mises en place, et le système accepte ces ajustements sans perdre son identité, bien au contraire. Il puise sa force du fait qu’il est adaptable. Sa modularité le rend résilient et lui permet de se poser autant à Niamey qu’à Brazzaville. Il n’offre pas une présence remarquable sur le paysage (d’ailleurs il n’offre même plus de présence tout court, car les deux maisons ont été démontées), et inspire de l’admiration plus par ses qualités technique qu’esthétique. Il a la vertu d’essayer de trouver des possibilités autres là où la qualité architecturale est souvent délaissée au profit d’une production le plus économiquement efficace possible. Prouvé démontre avec ces projets, non seulement les Maisons Tropicales mais aussi tous les modules d’habitation qu’il a produit dans sa vie professionnelle, que l’architecture industrielle standardisée, largement disséminée dans des pays comme les États Unis et Angleterre, mérite tout autant d’attention que les commandes de grands édifices publiques, même si le nom de l’architecte n’est souvent même pas mentionné pour la plupart des maisons pré-fabriquées présentes sur le marché.

b. N’occuper que sa place, mais l’occuper pleinement

39 Figure 30 : Ancrage au sol de la Maison Tropicale Source : Schéma de principe réalisé sur Illustrator en novembre 2021. 0m 4m 0m 4m 0m 4m 0m 4m 0m 4m 0m 4m 0m 4m 0 4mFigure 29 : Schéma structurel de la Maison Tropicale de Niamey Source : Elévation réalisée sur Illustrator en octobre 2021. Figure 31 : Les trames de Jean Prouvé Source : Schéma de principe réalisé sur Illustrator en octobre 2021.

Par ailleurs, cela implique un impératif de travailler ses compétences en conception pour pouvoir effectuer un choix conscient. Or, si notre puissance maximale est toujours médiocre, bien évidemment qu’en écrivant en dessous de celle-ci, l’architecture résultante sera insuffisante. L’architecte est donc tenu d’adopter de façon permanente une attitude de recherche et d’expérimentation des potentiels du métier, sans laquelle ses possibilités d’intervention seront toujours limitées et, par conséquent, moins précises.

L’opération qui est en jeu dans les maisons de Jean Prouvé est celle de créer de la variation à partir d’un ensemble limité de pièces standardisées. Cet exercice permet de sortir les choses de l’opacité de leur singularité et de les inscrire dans un système de communication où la Maison Tropicale de Niamey ne peut être analysée individuellement sans faire référence à sa jumelle congolaise. La mesure est un outil d’intelligibilité des phénomènes et participe aux fondements mêmes de la sociabilité. Elle substitue le réel par une projection sur un registre spatio-numérique qui ouvre des possibilités de lecture qui n’étaient pas établies auparavant. La projection ne contient pas la réalité en soi, mais elle permet de mieux connaître les éléments qu’elle reflète.1

2. Cf. BERNARDIS Marie-Agnès et HAGENE Bernard, dans Mesures & démesure, Editions de la Cité des sciences et de l’industrie, 1995.

Les propriétés du système structurel développé par Prouvé mettent en dialogue des territoires ayant des caractéristiques singulières et bien distinctes - non seulement les deux villes africaines où ont été implantées les maisons originales, mais toutes celles où les modules ont été reconstruits à partir de leur démontage en 2000. Depuis lors, les maisons ont été exposées en France, en Belgique, en Angleterre et en Amérique du Nord. Ces dernières n’ont été que des reproductions dans un but artistique, mais les principes (structurels, thermiques, dimensionnels) présents dans ces maisons ont été repris ultérieurement dans plusieurs projets, soit directement par des réinterprétations du travail de Prouvé qui les adapte aux enjeux contemporains et au climat français, soit plus indirectement dans sa contribution indéniable à la pensée architecturale modulaire.

1. Cf. DAGOGNET François, dans Réflexions sur la mesure, Revue d’histoire des sciences en 1996.

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Cela nous mène à un questionnement essentiel de la pertinence de la mesure commune. Fautil vraiment traiter également des choses inégales?2 Le choix de la règle constitue en soi une prise de position. Lombardi refuse toute standardisation dans les Thermes de Kallithéa, encore une fois préférant la multiplicité des approches en réponse à la complexité de son site et des circonstances sous lesquelles il les a conçues. La question de la dimension relative de la place revient dans ce projet comme un impératif de rendre à l’île de Rhodes non simplement un édifice mais un repère dans le paysage, un bâti respectueux de son héritage historique qui offre aux visiteurs une vision singulière de ce territoire. La vertu de ce projet est sa capacité à occuper pleinement son site et de rayonner au-delà de celui-ci sans le déborder. La voûte se devine déjà depuis la route d’accès et sur une bonne partie de la côte on arrive à en avoir un aperçu. Le projet invite le déplacement des visiteurs depuis la ville de Rhodes de par l’expérience sensorielle qu’il peut générer à travers son Lombardiarchitecture.insère dans son projet une force qui n’est pas présente - du moins pas de la même manière - dans la Maison Tropicale. Il le singularise complètement pour faire corps avec le territoire, il ressort de celui-ci en même temps qu’il se fond dans le paysage. Quand Francis Ponge affirme qu’il ne faut écrire qu’en dessous de sa puissance, il appelle à avoir une conscience totale de l’intervalle des puissances possibles dans lequel un projet peut s’inscrire pour trouver la juste mesure là-dedans. L’architecture est à la fois spectacle et spectateur tour à tour sur un site donné, et parfois les deux en même temps, comme c’est le cas pour les Thermes de Kalithéa.

Figure 32 : Principe structurel des Maisons Tropicales Source : Axonométrie de Nathalia FUJII et Henrique CARMONA.

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Finalement, la mesure est l’outil concret dont dispose l’architecte pour se positionner dans le temps et dans l’espace. Elle est mobilisée simultanément pour créer du sens au niveau physique, en permettant l’assemblage des éléments, le passage du corps, la disposition du mobilier, etc, et au niveau de l’imaginaire, en transmettant à l’usager une expérience particulière du site, conçue par l’architecte au moment du projet. La maîtrise des outils de mesure et la compréhension des enjeux qu’ils apportent en parallèle est primordial pour prétendre à une pratique architecturale véritablement modeste. L’architecte s’ancre dans la capacité à la fois pratique et théorique de distribuer la mesure des éléments constituant le tout d’un projet, entre le projet et le monde, entre le projet et les hommes.

Saunders prend une position similaire dans sa pratique architecturale. Le Long Studio fait partie d’une suite de résidences d’artistes éparpillées sur toute l’Île Fogo. Leur éloignement met en valeur la singularité et le rapport de chaque proposition à son site spécifique. La richesse de réponses apportées à un enjeu simple - un studio pour une ou deux personnes - donne la valeur de l’ensemble. Les studios gardent un même langage architectural et une prise de position similaire par rapport à son site. Saunders a également conçu un hôtel sur la même île, qui comporte les mêmes qualités malgré la différence d’échelle par rapport aux studios.

Figure 33 : Les studios de l’île Fogo. Source : Photographies de l’agence Saunders. URL : https://www.saunders.no/

Le projet d’architecture, accompagné de la modestie, use de deux dimensions, celle de la consolidation des édifices et celle du territoire. En effet, à partir d’un état d’instabilité avéré, d’une mise en mouvement déséquilibrante, la détermination d’une nouvelle stabilité assure la transition d’un état à l’autre. C’est pourquoi envisager la consolidation comme projet, c’est s’appuyer sur l’architecture qui regroupe les connaissances historique, spatiale et structurelle de l’édifice. A l’échelle du territoire, ou plus largement celle du sol, le projet s’apparente à une modification et une transformation. Les états préexistants sont alors corrigés, accentués ou effacés pour n’en garder que l’essentiel et réécrire une toute nouvelle histoire à même les traces laissées par le passage du Pourtemps.2traverser l’architecture, les passeurs s’ancrent dans le silence, intimiste et révélateur d’émotions. Cette intériorité leur permet de transiter dans l’espace en se concentrant tantôt avec le corps, tantôt avec le regard afin d’être attentifs à ce qui est important par nature3 et non pas à ce qui serait important pour eux-mêmes. En se plongeant dans cet état, ils réussissent à se forger une pensée, une concentration et une idée, conditions nécessaires à la naissance d’un projet d’architecture. Ainsi, il s’agit d’interroger ces silhouettes mouvantes de l’architecture au sein des trois édifices de l’île Fogo, de l’île de Rhodes et du continent africain, à travers la posture de l’architecte, du corps et du regard d’usager.

3. Terme employé par Desgrandchamps Guy. 4. Citation de Desgrandchamps Guy dans Architecture et Modestie, 1999, Editions Théétète, p.25.

[DÉ]PASSEURS Les passeurs silencieux de l’architecture

Le terme passeur est un dérivé du verbe passer, du latin passare (traverser) et passus (un pas). Il désigne les actions de traverser un lieu, un temps ou de changer de nature, de qualité, d’état...A travers les époques, le passeur endosse plusieurs rôles, tel le passeur de personnes sur l’eau d’une rive à l’autre, le passeur des âmes en enfer, le passeur de clandestins d’une frontière à une autre…1 Ici, ce statut correspond à la manière silencieuse, effacée, presque anonyme, dont le passeur va vivre et traverser l’architecture. [Dé]passeurs tend à questionner la posture du corps et du regard de chaque acteur en mouvement, qu’il soit concepteur, contemplateur ou utilisateur.

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1. Cf. CNRTL, Passeur substantif masculin. Définition publiée en 2012. URL : https://www.cnrtl.fr/definition/passeur

2. Cf. Desgrandchamps Guy dans Architecture et Modestie, 1999, Editions Théétète, p.25.

«Il existe donc bien un rôle qui consiste à assumer et à assurer le passage d’un état des lieux du territoire vers un autre état.»4

Figure 34 : Les passeurs des thermes Kalithéa, du Long Studio et de la Maison Tropicale Source : Collage réalisé sur Photoshop en décembre 2021.

3. Définition Larousse de « assister ». URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/assister/5851

2. Terme défini par Desgrandchamps Guy.

Les thermes de Kalithéa témoignent de cet architecte silencieux et modeste grâce à son cycle de vie de déjà presque soixante ans qui n’a cessé de se renouveler. Ils tendent à répondre à l’interrogation de comment assurer le passage entre les diversités culturelles. Effectivement, tantôt abandonnée, tantôt utilisée, cette architecture adapte au fil du temps de nouveaux usages, endossant avec le même bâti premièrement le rôle de station thermale dans l’Antiquité pour soigner grâce à l’eau des roches de l’île aux vertus thérapeutiques. Dans un second temps, Pietro LOMBARDI, architecte et sculpteur italien, effectue une reconstruction magistrale dans le registre mauresque, avec des colonnes de marbre au milieu de jardins luxuriants toujours dans le même usage, pour guérir, se réunir et se rencontrer. Petit à petit, les thermes sont taris à partir de 1968 pour finalement être abandonnés. Ce n’est qu’en 2007 qu’une rénovation transforme son statut en complexe touristique pour dynamiser et entretenir l’édifice et plus globalement Rhodes. Ainsi, ces qualités permettent d’intégrer le principe de l’adaptabilité en développant le changement et l’accueil qualitatif de nouvelles fonctions. L’édifice semble se battre et ne pas céder au temps qui passe. En termes d’implantation, la succession de bâtisseurs n’a cessé d’être consciente et soucieuse du territoire, et donc a veillé à ne pas intervenir n’importe où. Cet ancrage sur les côtes grecques fonde ce langage architectural, si fort qu’il ne peut ni être déplacé, ni subir une extension, ni faire de la place à un autre bâtiment. Se mèlent alors architecture et reliefs, comme deux pièces de puzzle imbriquées.

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L’architecte endosse avec modestie la responsabilité et le rôle d’un créateur effacé, presque absent, sans pour autant nier son existence. Il adopte une sorte de vacance de soi. Grâce à cette posture, il tend à créer une atmosphère pour créer et agir dans l’exactitude et la précision au sein de la conception d’un édifice. La modestie met en jeu la formulation d’une hypothèse idéale dans laquelle le projet s’apparente à une proposition parmi d’autres répondant à la problématique établie en amont. De cette réflexion découle le projet d’architecture, qui n’est pas à percevoir comme un point d’arrivée, mais plutôt comme une porte ouverte au possible, une démarche d’expérimentation menée par l’usager qui s’appuie sur les fondations de l’architecte, appréciées de manière mesurée à leurs propres valeurs. Ce dessein accepte que le final ne soit pas forcément fidèle aux choix établis lors du processus architectural qui se module au contact en fonction des besoins des usagers et des autres facteurs ancrés dans une attitude de recherche et d’adaptabilité.

Alors, l’architecte utilise l’assist2, c’est-à-dire que selon Guy DESGRANDCHAMPS, il sait se situer et être là dans le relief du jeu, c’est une présence, un regard, un soutien, un appui, c’est celui qui installe une situation d’où surgira le but. Assister, (du latin assistere signifiant se tenir auprès de, aider), c’est l’action d’aider quelqu’un dans son activité, de seconder, de secourir quelqu’un ou un groupe dans le besoin en lui apportant une aide matérielle ou morale.3 Assister, c’est se libérer de « l’important pour moi » et discerner « l’important par nature » et comprendre le primat de l’être des choses sur l’événement personnel du « moi ».4 L’architecte se sert de ses compétences pour offrir la liberté d’usage du bâtiment au non-sachant, qui ont la possibilité de vivre l’architecture selon leurs besoins. Les espaces sont qualitatifs car compris et dimensionnés en amont, à travers les paramètres de dimension, de confort et de bien-être. Ainsi, l’architecte configure la pensée primaire d’une enveloppe libre, pour soutenir les acteurs complémentaires qui sont chargés de nourrir cette membrane de sens.

4. Cf. Desgrandchamps Guy dans Architecture et Modestie, 1999, Editions Théétète, p.26

a. L’architecte, ce passeur silencieux «Ce n’est pas ton terrain, ta fenêtre, ta lumière, ces choses appartiennent au projet.»1

1. Citation de Queysanne Bruno dans Architecture et Modestie, 1999, Editions Théétète, p.6.

Figure 35 : Les passeurs des thermes à travers les époques Source : Collage réalisé sur Photoshop en décembre 2021.

Quant à la Maison Tropical, Jean PROUVE tente d’assurer le passage entre les qualités d’un matériau connu à un contexte inconnu. L’architecte expérimente en avançant à tâtons dans le temps, sans être certain de la finalité en se basant sur la standardisation, un principe qui amène à se demander jusqu’où l’édifice se fige. Par son caractère préfabriqué et acontextuel, la Maison Tropicale revêt la posture d’un module de base, qui une fois implanté dans un contexte subit des adaptations quant au climat équatorial africain. En effet, cette préfabrication systémique use de l’agrégation de modules pour générer une sorte de catalogue de combinaisons. Le bloc est pensé en amont pour faciliter les changements ultérieurs liés aux spécificités territoriales, notamment son implantation et son orientation. La Maison Tropicale est d’abord conçue en atelier, pour ensuite être transportée puis assemblée sur le chantier afin d’offrir les avantages d’une faible durée de travaux et donc de nuisances pour l’environnement. La réversibilité, solution anticipée qui consiste à programmer un ouvrage neuf pour qu’il puisse indifféremment accueillir des logements ou des bureaux, au moyen de modifications minimes, ne s’ancre pas dans le territoire et cherche à assembler l’acier pour qu’il résiste au climat. « Il faut construire pour ne plus détruire, de façon que le bâtiment puisse faire face à de multiples vies et qu’il perdure longtemps. »1 Comme le Long Studio, la Maison Tropicale use de pilotis pour s’implanter dans le(s) contexte(s), de manière à l’adapter plus facilement. Si elle présentait des fondations imposantes et impactantes, Jean PROUVE ne se serait pas approprié l’architecture de circonstance, l’architecture d’une unique circonstance, celle du bioclimatisme. Il est nécessaire de dissocier l’architecture et l’architecte. Ce dernier doit être assimiler à un acteur furtif de son œuvre, un passeur silencieux, qui permet aux autres acteurs, les usagers, de se projeter corps et âme et d’évoluer avec un regard infini. L’architecte possède le processus architectural, mais l’édifice sa dimension et son être priment.

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Sous le prisme de l’architecte silencieux, il est aussi intéressant de se demander comment le Long Studio assure le passage entre l’existant et le nouveau pour le sublimer et le restituer au public. Le concepteur a souhaité cacher les fonctionnalités du quotidien au sein d’une paroi technique épaisse, fermée en journée et au gré des envies de l’utilisateur. Ainsi, sont cachés ses usages pour laisser place à un espace vide servant l’intérêt premier de l’habitacle : se connecter avec le paysage. Nombre d’artistes s’y rendent pour observer, créer et s’approprier l’édifice comme bon leur semble, les possibilités sont vastes. S’asseoir pour contempler, s’allonger pour méditer, respirer pour se détendre… Le Long Studio s’établit pour permettre à l’Homme de se reconnecter avec soi-même par la force de son architecture, une construction flexible visant à réagir à des changements de situation soudains. Elle s’adapte, se transforme plutôt que ne limite, est motrice plutôt que statique et interagit avec son habitant plutôt que de le restreindre à un usage prédéfini. Ce projet constitue une perspective prometteuse, dans la mesure où il offre une liberté d’appropriation des formes et des usages en intégrant au sein de sa conception les notions d’adaptabilité.

De plus, l’architecte met au point des fondations légères sur pilotis, respectueuses du territoire de roches, avec seulement une accroche pour stabiliser l’ensemble. Ce dispositif rend transportable l’édifice à travers l’espace, sans le marquer figurativement de sa présence.

1. Cf. NOBLE Grégoire, dans La réversibilité du bâtiment, remède à la déconstruction ? Article publié en novembre 2018. URL:https://www. batiactu.com/edito/reversibilite-batiment-remede-a-deconstruction-54623.php#:~:text=CONCEPT.,au%20moyen%20de%20modifications%20 minimes.

0 10m 0 20m 1 - échelle 2 - espace de repos 3 - cuisine 4 - salle de bain 11 32 4 1 32 0 5m RDCR+1 Figure 36 : La paroi technique du studio Source : Elévations et plans à la main réalisés en novembre 2021. Figure 37 : Esquisse de la Maison Tropicale Source : Croquis de Jean Prouvé URL : https://fr.wikiarquitectura.com

1. Citation de Guy Desgrandchamps dans Architecture et Modestie, 1999, Editions Théétète, p.26.

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2. Cf. Yanfang Niu, dans La promenade architecturale chez Le Corbusier : une méthode pour penser l’architecture : genèse, application et évolution (1907-1939). Thèse de doctorat en l’histoire de l’art, soutenue en décembre 2017 à Paris.

Penser l’architecture avec modestie réside dans l’attention et le respect vis-à-vis des usagers qui vont vivre l’édifice, qu’ils soient habitant, visiteur, ou passeur. Cette notion de modestie s’applique sur tout objet qui ne prend pas seulement appui sur sa propre fonctionnalité, mais aussi sur son propre usage en faisant preuve de respect envers ceux qui vont l’appréhender. Ainsi, elle désigne la considération des passeurs qui se meuvent pour visiter, vivre et habiter le lieu. En effet, il est nécessaire de prendre en considération le mouvement qui invoque l’évolution du corps humain à travers la temporalité passée, présente et future. Ce facteur temps dépend indépendamment du programme et des usages proposés par l’architecture. La présence de l’Homme amène une mesure par rapport à la démesure de l’édifice sur son territoire, puisqu’il paraît évident que l’humanité se sert de l’architecture comme d’un repère temporel.

b. La promenade du corps dans l’espace

3. Cf. Circulation en architecture. Article disponible sur URL : https://www.hisour.com/fr/circulation-in-architecture-27899/

«Passeur, anonyme et silencieux à l’image de ceux qui s’inscrivent dans l’ombre et l’inquiétude des chemins de l’espoir.»1

L’architecture prend racine pour accueillir les corps et offrir un espace à habiter dans lequel il est possible de bouger, de s’abriter, de rencontrer…Ce constat induit la pensée de parcours, créatrice d’expériences et d’émotions grâce à la succession de séquences caractérisées par des dispositifs spatiaux. De façon réfléchie et intentionnelle, l’édifice est alors soit réducteur soit libérateur de mouvance pour l’usager. Sa position et son cheminement sont par exemple amenés à marquer des arrêts pour apprécier une luminosité, des ralentissements pour gravir une pente…

Ici, pour évoquer le déplacement corporel au sein de l’architecture, il est nécessaire de se rapprocher de la circulation amenant à arpenter et ressentir. La circulation en architecture s’apparente aux mouvements des personnes à travers, autour et entre les bâtiments et d’autres parties de l’environnement bâti. Elle est influencée par le type d’utilisation, le nombre d’usagers qui traverse, la direction de l’arpentage, les flux de passage… et englobe donc la façon dont l’Homme se déplace et interagit avec les lieux.3 Par rapport aux trois architectures étudiées, il est intéressant de se rapprocher de la circulation, dans un premier temps externe, ce qui concerne un flux venant du dehors ; puis dans un second temps interne, ce qui est dedans et appartient aux spatialités de l’édifice.

L’usager évolue au milieu d’un parcours, d’une « promenade architecturale », concept énoncé pour la première fois par Le Corbusier en 1929 et exalté par les Modernes, particulièrement attachés au mouvement et à la liberté du corps. Loin d’être une simple formule esthétique, la promenade architecturale se développe sur la base d’un croisement de diverses sources d’inspiration – peinture, littérature, cinéma, art de bâtir les villes, architecture- et à partir d’une fusion entre expériences de perception et de conception. Elle constitue donc une méthode fondamentale spécifique à Le Corbusier pour penser l’architecture, qui le distingue des précurseurs et d’autres figures du Mouvement Moderne.2 L’importance du parcours dans ses projets donne à l’espace du caractère et offre à l’usager une séquence d’expériences inattendues comme façon de découvrir l’architecture. Finalement, cette idée de cheminement assoit diverses notions qui sont propres à chacun et qui font appel à leur affordance des espaces et à la manière dont l’Homme les vit.

Figure 38 : Le corps, passeur de Long Studio Source : Photographies de architonique, 2011. URL : https://www.detail.de/blog-artikel/saunders-architecture-fogo-island-artists-studios-24579/

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Quant à la Maison Tropicale de Jean Prouvé, elle accorde au déplacement du corps des cheminements tracés et définis au sol pour l’accompagner à passer et vivre autour de son édifice. Pour se faire, il emprunte d’abord un escalier qui rythme son mouvement ascendant. De là-haut, ce passeur suit les passerelles qui enveloppent le bâtiment poreux suggérant plusieurs entrées. Il se sent alors accompagné tout au long de sa promenade de découverte architecturale en longeant les façades et devinant l’organisation interne de la Maison Tropicale.

Déambulation externe à l’architecture

Le comportement expérimental du corps face aux Thermes de Kalithéa semble être suggéré par le bâti lui-même. En effet, l’entrée de l’édifice apostrophe le visiteur pour qu’il soit entraîné à traverser via le sol en pierre, construit dans la tradition rhodienne. Cette pierre de plage s’articule une à une sur un lit de chaux blanche. Une fois passé l’entrée et la source qui sont disposées dans le même alignement, le passeur continue son chemin via un parcours plus libre le long de la côte pour atteindre l’espace sacré, qui lui est désaxé du reste des Thermes et n’est accessible que par des cheminements ombragés, cadrés par une végétation foisonnante. Ainsi, son corps appréhende le parcours sur une pente favorable de l’entrée à la plage de criques rocheuses, tandis qu’en s’orientant de la source à l’espace sacré, il subit un ralentissement à cause de la présence d’une montée. Ses repères spatiaux de déplacement sont donc mis en alerte pour vivre l’architecture de l’île de Rhodes. Le Long Studio implanté avec légèreté sur l’île Fogo offre une totale liberté au passeur pour appréhender son architecture. Cette absence de définition laisse parler le corps, qui suit un trajet de l’ordre de l’intuitif. Ainsi, l’Homme fait attention aux sensations qu’il vit, et évolue à tâtons en cédant à la curiosité émanant de franchissement de roche et de pente à travers l’arpentage de ce territoire complexe et irrégulier. L’architecture s’élance sur pilotis, laissant un espace entre elle et le sol suffisant où il peut s’asseoir face au paysage s’offrant à ses yeux. Une fois l’environnement de l’édifice vécu, il peut alors rejoindre l’entrée de l’édifice qui est au niveau de la topographie.

Tout d’abord, la circulation externe amène à questionner la posture du corps du passeur sur la voie à suivre pour contourner, apprécier et pénétrer finalement au cœur de l’architecture.

53 0m 8m 0m 8m 0m 8m Figure 39 : Le déplacement du corps dans le territoire Source : Plans réalisés sur illustrator en décembre 2021. 0 8m 0 40m 0 10m

1. Cf. POUSSIER Sandrine dans Eros, du dieu des origines au dieu olympien. Article publié en avril 2021. URL : https://eduscol.education. fr/odysseum/eros-du-dieu-des-origines-au-dieu-olympien-1

Mouvement interne à l’architecture Ensuite, nous pouvons compléter la lecture de nos fauves par l’appréhension de leur circulation interne qui met en lumière le déplacement du corps au sein de l’organisation spatiale intramuros.

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Au sein du Long Studio, la circulation est linéaire et traversante. En effet, une fois le seuil de l’entrée franchi, le corps du passeur se retrouve comme entraîné jusqu’aux larges ouvertures donnant sur la mer. Il reste imperturbable face aux fonctions courantes de l’habiter, qui sont dissimulées derrière une cloison amovible. Elle sert à ne pas polluer l’œil du visiteur, venu ici pour se reconnecter avec la nature et non pas avec pour retrouver un studio au milieu d’un territoire. Il est donc libre d’ouvrir la paroi technique lorsqu’il éprouve le besoin de dormir, de s’alimenter…

Les Thermes de Kalithéa se composent de trois entités, l’entrée, la source et l’espace sacré dédié au Dieu Eros, divinité grecque complexe caractérisée par sa dualité : force fondamentale du cosmos ou dieu espiègle et cruel, figure vulgaire ou céleste, puissance primordiale ou jeune dieu de l’amour1. Il est intéressant de se pencher sur ce dernier, qui offre au passeur deux possibilités : la première est de tourner autour du centre de la rotonde grâce à une généreuse coursive circulaire qui permet au corps de marquer des pauses pour contempler les détails de l’édifice. Le visiteur peut ensuite se rendre au cœur de l’espace sacré en suivant un axe organisé en croix, où son corps débouche sur une délicate fontaine servant de trône au dieu Eros. Finalement, dans la Maison Tropicale, Jean Prouvé a souhaité offrir une expérience unique à travers un édifice labyrinthique. Pour se mouvoir, le corps s’oblige à passer à l’extérieur, sur les coursives qui entourent le bâti, pour sortir d’un espace couvert et en rejoindre un autre. Cette architecture joint fonctionnalité et liberté de circulation puisqu’à l’intérieur, le passeur est affranchi de tout Ainsi,mouvement.l’Homme

met son corps en mouvement pour appréhender et vivre l’architecture. Il passe et observe avec un regard stationnaire. Mais qu’en serait-il si ce passeur restait immobile tout en activant son regard panoramique? La mise en question de l’observation par la vue tend à dialoguer avec le paysage et l’architecture, tout en réactualisant ses sensations au fur et à mesure des découvertes visuelles.

55 Figure 40 : La paroi technique accessible selon besoins. Source : Photographie de Aline CHAHINE prise en 2010. URL : https://www.architecturelab.net/fogo-island-studios-saunders-architecture/ 0 5m Figure 41 : Le déplacement des corps dans l’architecture Source : Plans réalisés sur Illustrator en décembre 2021. 0 20m 0 4m

1. Citation de DE CARLO Giancarlo dans Architecture et Modestie, 1999, Editions Théétète, p.40.

Ce terme est abordé ici sous les deux prismes du faire paraître et du regard instruit3 à partir des trois architectures étudiées. Cela amène à comprendre qu’un projet d’architecture permet de générer un regard et sous-tend également le fait qu’il en existe une multiplicité d’autres. Il ne remet pas en cause l’existence de la pensée architecturale, mais son caractère sacré, fini et universel.

Faire apparaitre Il s’agit d’étudier, pour chaque projet, par quel moyen et à quel point l’édifice établit une connexion avec le paysage dans lequel il prend place. Cet environnement proche fait partie des éléments qui permettent de penser et réaliser l’architecture. Il existe en effet un lien inéluctable entre l’architecture et le paysage dans lequel il s’inscrit. L’implantation de l’édifice sur son site fait apparaître des dimensions, des organisations et des cadrages en dialogue constant avec le paysage. Rentre en compte également la lumière, révélatrice d’espace, qui ruisselle le long des murs pour diffuser sensations et mouvements. C’est un outil de métamorphose, avec une forte valeur émotionnelle qui exprime avec habilité la profondeur de la spiritualité et de l’âme de chaque être. Ainsi, l’Homme fait parler sa curiosité quant au renouvellement et au changement des couleurs sous l’influence des lumières dans chaque espace, faisant naître une atmosphère inédite et éphémère selon les saisons, le climat et les heures.

Il s’agit de ne pas considérer les deux spatialités comme des éléments à séparer, au contraire, il faut voir cela comme un tout où chaque partie est nécessaire à l’autre, elles sont indissociables et complémentaires.

2. Définition de CNRTL, Regard. URL : https://cnrtl.fr/definition/regard 3. Terme employé par Françoise Véry pour définir le questionnement intérieur de chaque individu.

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c. Le va-et-vient des regards

«La modestie c’est cette attitude de recherche : ne jamais être sûr, essayer d’aller au-delà, ne jamais penser être arrivé. (...) C’est très important de savoir que quand on projette, on fait sans arrêt des tentatives et que, en ce faisant, l’on met aussi le projet “en tentations” (...). Comme tout événement architectural, il devient un individu qui a des réactions, qui a son caractère et qu’il faut comprendre. (...) Il faut avoir des doutes, penser que ce qu’on arrive à faire n’est pas final, que ce n’est peut-être pas valable.»

1

La notion de regard prend appui sur deux approches différentes : la première s’attache à la relation que chacun a avec lui-même intérieurement et à la manière de considérer, d’examiner quelque chose et de la faculté de se représenter, de juger un sujet. La seconde concerne l’action de regarder à travers le mouvement des yeux qui contemple un objet, une personne, un spectacle pour voir, connaître et découvrir quelque chose.2

De la sorte, l’usager se trouvant au sein de l’édifice se retrouve projeté dans le paysage environnant direct. Ce dehors enrichit la matérialité de l’édifice : puisque ce ne sont pas des matériaux poreux ou translucides, c’est la pensée spatiale qui permet de libérer et dégager des vues, mais également de passer d’un espace dans à un espace or, sans vraiment avoir conscience de ce changement. L’architecture semble être de prime abord un monument imposant du fait de ses dimensions et son emprise sur le territoire de Rhodes, mais on se rend vite compte que cette pensée architecturale permet à l’usager de disposer de points de vue directs sur le paysage proche ou lointain.

Les thermes de Kalithéa présentent une ambiguïté entre le dedans et le dehors, entre ce qui est de l’ordre de l’architecture et ce qui est de l’ordre du paysage. En effet, il s’y établit un dialogue constant entre l’intérieur et l’extérieur dans lequel l’Homme se sent à la fois dans et or les thermes.

Figure 43 : L’ouverture du regard Source : Plan réalisé sur Illustrator en décembre 2021. Figure 42 : L’absence de l’édifice, La présence du paysage Source : Photographies retouchées sur Photoshop. 0 40m

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Les façades les plus étroites sont totalement vitrées, pour assurer une continuité entre le dedans et le dehors, permettant aux yeux de se balader sans rencontrer d’obstacles, mais aussi pour faire rentrer un maximum de lumière dans les zones où le visiteur se rendra machinalement. Le regard du passeur se prolonge en suivant la linéarité de l’édifice pour atteindre l’océan Atlantique. La dimension à la fois intime et universelle octroie à l’œuvre de Saunders un pouvoir fascinant auprès des individus en quête d’apaisement et de retour aux sources. Ils sont envoûtés et cherchent à observer et à comprendre chaque élément du tableau qui s’offrent à eux. Chaque jour est une découverte, puisque la perception de l’île évolue au fil des secondes. De plus, cette Nature convoque la faune et la flore de manière à générer des stimulations visuelles inédites à travers cet espace linéaire et exigu. A l’extérieur, le passeur peut observer la légèreté avec laquelle le studio se dépose sur les reliefs rocheux de l’île. En effet, l’architecture s’élance et s’extrait de la ligne d’horizon du territoire de Fogo, comme un élément qui souhaite à la fois s’émanciper du sol et rejoindre le ciel, mais aussi s’y ancrer pour ne pas en perdre sa puissance.

C’est un tout autre rapport qui s’établit dans la Maison Tropicale. On pourrait le rapprocher de celui des Thermes Kalithéa, par rapport à leur volonté commune d’établir un lien ambigu entre le dedans et le dehors. En revanche, les matérialités n’étant pas les mêmes, les dispositifs mis en place pour faire apparaître l’extérieur au sein du bâtiment ne sont pas les mêmes. Cette dernière lecture d’architecture évoque un lien particulier avec le paysage, c’est-à-dire qu’elle laisse pénétrer l’environnement au cœur de l’édifice de manière constante et répétée. Le dehors effleure la maison jusqu’à son passage au-dedans grâce aux petites fenêtres rondes qui rendent les façades poreuses au regard qui les traverse. Cette porosité se trouve renforcée par les nombreux vides dans les parois qui permettent aux yeux du passeur de circuler et de se frayer un chemin entre les pleins. Quant à la luminosité, la circulation nécessairement périphérique oblige le regard à s’adapter rapidement à l’ombre lorsqu’il rentre à l’intérieur. Finalement, l’ancrage de la Maison Tropicale dans son contexte se rapproche de l’attitude de Long Studio, avec des fondations légères sur pilotis qui la projettent verticalement et la redessinent à travers la ligne d’horizon du territoire. Ainsi, le paysage prend une part entière quant à la formation d’émotions dans un dispositif architectural, universellement sensationnel. La lumière, la Nature, et l’architecture forment un tout, plaçant l’Homme au centre du processus d’observation.

Aussi, le Long Studio témoigne de la grandeur du caractère unique des ouvertures : le paysage, organisme en constante évolution, prend une place à part entière au sein de l’architecture.

Des jeux de cadrage sont ainsi mis en place afin de guider le regard du promeneur dans une perspective horizontale débouchant sur la plage Kalithéa, tout en plongeant son corps immobile dans une lumière naturelle éblouissante et généreuse. Quant à l’espace sacré, le passeur tourne le dos à l’entrée, la source et la plage, pour ouvrir ses yeux sur une large vue panoramique de la mer Méditerranée. Ici, il rentre dans un calme appelant à la méditation et à la pensée grâce à ce paysage maritime silencieux.

Figure 44 : Le prolongement du paysage dans l’architecture Source : Croquis réalisé à la main et à Photoshop en octobre 2021. 0 5m 0 4m Figure 45 : Les axes d’observation à travers les architectures Source : Plans réalisés sur Illustrator en novembre 2021. Figure 46 : La porosité des parois Source : Photographie de A.Z. URL : https://www.maison.com/ailleurs/expositions/kanal-musee-experimental-bruxelles-9516/galerie/52594/

Pour voir il faut tout autre chose qu’un regard aigu ou attentif, il faut un regard instruit, un regard renouvelé, lui-même produit par une réflexion du changement de terrain »1

1. Citation de Diètre Stéphanie, dans Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine. URL : https://journals.openedition.org/crau/408

Pietro Lombardi s’appuie sur son métier d’origine, à savoir sculpteur et artiste attaché aux dispositifs liés à l’eau. Sa sensibilité l’oriente à concevoir des fontaines dès ses débuts. Les thermes de Kalithéa transcrivent cette passion pour l’eau en intégrant une source sacralisée dans l’espace sacré. Les passeurs retrouvent tout au long du parcours architectural l’eau, au cœur du regard nouveau de P. Lombardi. Ensuite, Todd Saunders s’appuie sur sa propre philosophie pour concevoir le Long Studio : à partir de méthodes artisanales traditionnelles, il expérimente les matériaux et les lignes dynamiques en se basant sur la forme et la texture. Il souhaite révéler, évoquer et façonner la mémoire et l’interaction humaine. Le Long Studio s’ancre dans ce regard architectural spécifique, tendant à produire un fort impact visuel dans le paysage ainsi qu’à concevoir des volumes francs, presque futuristes. Aussi, Jean Prouvé puise sa pensée architecturale dans son début de carrière en ferronnerie et ingénierie. Effectivement, ses toutes premières réalisations sont des ferronneries pour des édifices privés qui influencent petit à petit son attrait pour le travail de l’acier inoxydable que l’on retrouve d’ailleurs dans le projet de la Maison Tropicale. Sa vision architecturale combinant art et production industrielle le pousse à expérimenter la matière de par son caractère futuriste et de par la distinction claire que l’acier établissait avec l’architecture vernaculaire locale.

2. La psychanalyse lacanienne est la science de l’inconscient remplissant les objectifs de réduire la souffrance, de dénouer les conflits psychiques, par la parole et l’analyse des lapsus et des rêves. Parler induit des mots, des mots ressuscitant des images et réveillant la mémoire.

Ainsi, chacun nourrit son regard architectural par ses valeurs, son parcours de vie, sa formation, qui sont des éléments conditionnant leurs réalisations. Si Pietro Lombardi n’avait pas été influencé par son statut de sculpteur, les thermes de Kalithéa n’auraient pas développé ce parcours alliant eau et émotion. Si Todd Saunders n’avait pas été sensible aux lignes dynamiques et à l’impact sur le paysage, le Long Studio n’aurait certainement pas cherché à connecter l’Homme à l’édifice et au contexte environnant. Si Jean Prouvé n’avait pas suivi son attrait pour le travail de l’acier, la Maison Tropicale n’aurait pas puisé sa force dans l’expérimentation de cette matière première inoxydable.

Ici, les trois architectures étudiées invoquent des postures différentes basées sur le ressenti et le sensitif émanant du site de leur propre architecte. Il s’agit de comprendre que ces projets ne s’observent pas à travers l’unique regard du concepteur, mais justement en en prenant une multiplicité, afin de ne pas demeurer dans une seule vérité dogmatique.

3. Descartes René, Œuvres et lettres. Les passions de l’âme, seconde partie, 1649. Éditions Gallimard, Paris, coll. Bibliothèque de La Pléiade, 1952, p. 723. 4. Cf. Diètre Stéphanie, dans Les Cahiers de la recherche architecturale et urbaine. URL : https://journals.openedition.org/crau/408

Le regard instruit

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En tant que culture et pensée, le regard est ce qui est convoqué dans le savoir pour voir.

«

L’architecte prend parti de retenir ce qui l’étonne et ce qu’il cherche à voir, ce qu’il donne à voir et comment il le met en forme. Ainsi, il utilise la note, un outil de choix, intelligible et sensible.

C’est un système graphique que l’architecte met en place pour étudier l’existant et recueillir ses recherches. Il se questionne donc de manière générale tout en proposant une solution, elle-même discutable. Lorsqu’il note en dessin, ce concepteur cherche, observe tout en se laissant émouvoir et surprendre. Il admet l’attitude heuristique lacanienne2 de l’attention flottante et progresse en conscience de son étonnement. L’architecte qui travaille à s’instruire selon son propre arbitre et ses propres moyens, peut renouveler son regard et par là même son savoir, en considérant ce qui l’étonne. Car ce qui anime l’homme à la recherche, cette subite surprise de l’âme3 reste l’étonnement.4

Figure 47 : La fontaine sacralisée de Eros Source : Photographie de OSM. URL : https://mapio.net/ pic/p-3912303/ Figure 48 : Les lignes futuristes de Todd Saudners Source : Photographie de Saunders. URL : https://www.saunders.no/long-studioFigure49: La sublimation de l’acier Source : Photographie de Éric Touchaleaume. URL : https://www.pinterest.fr/pin/225531893828244361/

Par la suite, nous avons tâchés d’intégrer ce décentrement dans la [dé] construction de ces pensées modestes : le décontextuel, la démesure et le dépasser. Cependant la complexité et la diversité des relations nous a forcés à sortir de l’ensemble des paramètres extérieurs pour se rallier à l’acte décisionnel et fondamental dans toute pratique professionnelle de l’architecture.

62 CONCLUSION

[Dé]Savoir ou connaissance d’une ambiguïté à cultiver En quoi penser l’architecture par le biais de la modestie nous permet de rendre visible des qualités spatiales et de bâtir un engagement singulier?

Parties d’une grille d’analyse méthodique et structurée où chaque fauve était lu selon des critères d’analyse prédéfinis, comme par exemple celui du bioclimatisme engendrant le souscritère de ventilation, employant la même échelle graphique et le même cadrage. Rapidement, nous nous sommes heurtées aux limites de ce regard restreint puisqu’il ne prenait pas en compte les spécificités de chaque projet : un génie local permettant de comprendre qu’il est nécessaire d’adapter la représentation afin de révéler des intelligences. Il nous est donc apparu inutile de comparer l’étude de la ventilation naturelle pour les Thermes de Kallithéa et le Long Studio, étant donné leur statut d’île, au climat radicalement différent. Les intelligences sont alors à assimilées comme deux problématiques distinctes : celle du vent rafraîchissant pour l’île déserte de Rhode et celle d’une captation lumineuse intense pour l’île nordique de Fogo qui ne voit que très rarement de soleil. La modestie en architecture permet de sortir d’une comparaison pour mettre en lumière des qualités spatiales.

En effet, cette ambiguïté est le fruit de la mise en vis-à-vis des trois Fauves dans leurs quêtes de sens, c’est-à-dire de connaissances et de savoirs. Ces architectures sont singulières et répondent à des logiques qui leur sont propres.

Au travers de cette appropriation de la modestie par le [Dé]Savoir, ces trois Fauves permettent de révéler une ambiguïté, apparue comme étant une composante fondamentale pour émettre une description de l’acte d’édifier, telle que celle esquissée lors de la rencontre architecturale de 1996. Une ambiguïté ramenant à une prise de conscience de la multiplicité des regards et de choix qu’offrent les transformations induites par l’édification.

C’est en analysant le profil des architectes et les questionnements sur le regard instruit que nous avons compris que la modestie reflète l’acceptation d’un regard à l’échelle d’un projet, et celle de plusieurs regards à une échelle plus vaste. L’architecte souhaitant la modestie pour sa production se voue à donner du sens à l’édification.

Les projets lus selon les prismes du contexte, de la mesure et du passeur nous a amené à constater que la notion de modestie est relative et applicable lorsque l’édifice est pensé en fonction de ce qu’il lui est étranger. Entre autres, dès lors qu’apparaissent des relations avec une/des autre(s) composante(s) comme le milieu, le corps, l’histoire… Est modeste l’acte de décentrement du simple édifice ou du simple égo de l’architecte, en considérant alors l’édifice comme partie prenante d’un jeu complexe de relations.

Cet acte décisionnel est visible et conditionne la qualité spatiale des trois architectures étudiées: c’est par la capacité à accueillir la vie qu’une architecture tend vers la modestie. Il n’est pas question de détériorer la qualité majeure de cette modestie dans sa capacité d’inclure, de faire vivre cette ambiguïté où chaque individualité est en mesure de développer son propre et unique regard nourri par ses expériences et ses rencontres.

Ce n’est donc pas immodeste de comprendre, saisir et interpréter par le biais de ses propres domaines d’expertise tels Pietro Lombardi avec son attrait pour les fontaines, ou encore Jean Prouvé avec sa formation en ingénierie. Ce qui serait immodeste est de considérer le projet d’architecture comme une vérité, un dogme, une doctrine.

La structuration du livre Architecture et Modestie en est la révélation la plus concrète : c’est à tour de rôle, ou parfois conjointement, que Borruey René, De Carlo Giancarlo, Desgrandchamps Guy, Peckle Benoît-Philippe et Queysanne Bruno définissent leur manière de voir et d’atteindre une attitude qualifiée de modeste. Dans cette continuité réflexive, la modestie revêt le rôle de passeur de la compréhension de ces enjeux, de l’ordre d’une construction d’un engagement singulier. C’est à travers cet engagement que nous pouvons, en tant que futures architectes, proposer des architectures qualitatives en révélant les qualités spatiales qui nous semble « importante par nature », comme la prise en compte du territoire, en cohésion avec notre parcours de Master, AEdification, Grands territoires et Villes. Ainsi, plus spécifiquement, ce mémoire de réflexion nous a donner l’impulsion nécessaire au commencement d’une conscientisation et d’une construction de notre regard, tout en prenant en compte le fait que ce n’est seulement que le début d’un long périple qui se construira ou se [dé]construira en fonction de nos futures pratiques professionnelles.

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DESCARTES René, 1649, Œuvres et lettres, Éditions Gallimard, Paris, coll. Bibliothèque de La Pléiade, 1952, p.1424.MANGEMATIN Michel et YOUNÈS Chris, 2005, Géométrie, mesure du monde, Éditions La Découverte, Collection Armillaire, pp.193-204. Mémoires et thèses AMIR Rita, LAFFARGUE Mélanie et PAPPAS Assimina, 2020, Des fauves liés au monde, Mémoire d’architecture et Modestie, ENSA Grenoble, Master Aedification, Grands Territoires, Villes, 56p. NIU Yanfang, 2017, La promenade architecturale chez Le Corbusier : une méthode pour penser l’architecture : genèse, application et évolution (1907-1939). Thèse de doctorat en l’histoire de l’art, soutenue à Paris.

VALENTE NUNES Tiago, 2010, As Casas para os Trópicos em Niamey e Brazzaville. Mémoire de Master à la FCTUC, Coimbra, Portugal.

BIBLIOGRAPHIE

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